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Document 61991CJ0146

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 septembre 1994.
Koinopraxia Enóséon Georgikon Synetairismon Diacheiríséos Enchorion Proïonton Syn. PE (KYDEP) contre Conseil de l'Union européenne et Commission des Communautés européennes.
Organisation commune de marché en matière de céréales - Responsabilité non contractuelle.
Affaire C-146/91.

Recueil de jurisprudence 1994 I-04199

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1994:329

61991J0146

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 septembre 1994. - Koinopraxia Enóséon Georgikon Synetairismon Diacheiríséos Enchorion Proïonton Syn. PE (KYDEP) contre Conseil de l'Union européenne et Commission des Communautés européennes. - Organisation commune de marché en matière de céréales - Responsabilité non contractuelle. - Affaire C-146/91.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-04199


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Restitutions à l' exportation ° Achat à l' intervention ° Interprétation, par la Commission, de la réglementation applicable ° Absence d' effet obligatoire pour les États membres ou les particuliers ° Effets indirects justifiant un contrôle juridictionnel

2. Agriculture ° Politique agricole commune ° Commission ° Compétences ° Interprétation des règles communautaires à destination des États membres

3. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Restitutions à l' exportation ° Achat à l' intervention ° Produits de qualité saine, loyale et marchande ° Absence de règles communautaires fixant les tolérances maximales de radioactivité pour l' octroi de restitutions à l' exportation vers les pays tiers et pour l' achat à l' intervention des denrées alimentaires contaminées ° Application par analogie des normes en vigueur pour l' importation des mêmes produits originaires de pays tiers ° Admissibilité

(Règlement du Conseil n 1569/77)

4. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Discrimination entre producteurs ou consommateurs ° Règles communautaires fixant les tolérances maximales de radioactivité pour les produits agricoles ° Règlement (Euratom) n 3954/87 et règlement (CEE) n 3955/87 ° Fixation des taux maximaux de contamination différents ° Discrimination ° Absence

(Traité CEE, art. 40, § 3; règlements du Conseil n s 3954/87 et 3955/87)

5. Libre circulation des marchandises ° Politique commerciale commune ° Liberté des exportations ° Dérogations ° Protection de la santé publique ° Règles communautaires fixant les tolérances maximales de radioactivité pour les produits agricoles ° Admissibilité

(Traité CEE, art. 30 et 110)

6. Agriculture ° Politique agricole commune ° Objectifs ° Réalisation ° Pouvoir d' appréciation du Conseil ° Respect des exigences d' intérêt général tenant à la protection des consommateurs ou de la santé et de la vie des personnes

(Traité CEE, art. 39)

7. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Restitutions à l' exportation ° Achat à l' intervention ° Obligation d' agir du Conseil suite à un accident nucléaire ° Conditions

(Traité CEE, art. 39)

8. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Céréales ° Compensation des pertes subies à la suite de catastrophes naturelles ° Obligation de la Communauté ° Absence

(Règlement du Conseil n 2727/75)

9. Responsabilité non contractuelle ° Conditions ° Inaction prolongée en présence d' une obligation légale d' agir ° Appréciation in concreto du délai nécessaire à la Commission pour présenter une proposition

(Traité CEE, art. 215, alinéa 2)

Sommaire


1. Une information émise par la Commission à destination des États membres et exprimant son interprétation, s' agissant des conditions de la prise en charge par le FEOGA des dépenses effectuées pour les restitutions à l' exportation et les achats à l' intervention de produits agricoles contaminés par radioactivité, de la notion de produit sain, loyal, marchand et propre à l' alimentation humaine telle qu' elle figure dans le règlement n 1569/77 fixant les procédures de prise en charge des céréales par les organismes d' intervention, ainsi que dans le règlement n 2730/79 portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles, n' est pas un acte qui lie les États membres. Cette interprétation n' a aucun caractère obligatoire et n' est susceptible de lier ni les autorités compétentes des États membres ni, a fortiori, les particuliers. Dès lors, une telle information ne constitue pas un acte juridique de la Commission interdisant de présenter à l' intervention des produits agricoles dont la radioactivité dépasse certaines tolérances ou d' accorder des restitutions à l' exportation pour de tels produits.

Toutefois, bien que dépourvue de valeur contraignante, cette interprétation était susceptible d' inciter les autorités compétentes des États membres à refuser l' achat à l' intervention des produits agricoles concernés ou l' octroi des restitutions à l' exportation de ces produits. En effet, les États membres pouvaient craindre, s' ils avaient négligé l' interprétation donnée par la Commission, de se voir refuser le remboursement de leurs dépenses engagées pour les produits agricoles en cause par le FEOGA. C' est pourquoi il appartient à la Cour d' apprécier sa compatibilité avec le droit communautaire.

2. En tant que gardienne du droit communautaire et autorité de gestion du FEOGA, la Commission a le pouvoir de rappeler aux États membres les règles communautaires qu' ils sont tenus d' appliquer et d' en donner, dans le cadre de sa collaboration avec les administrations nationales, sa propre interprétation.

3. Lorsque les taux maximaux de contamination radioactive admissibles pour l' achat à l' intervention et l' octroi de restitutions à l' exportation n' ont pas encore été fixés dans un règlement, il est approprié d' appliquer, pour qualifier un produit agricole de sain, loyal et marchand au sens du règlement n 1569/77 fixant les procédures de prise en charge des céréales par les organismes d' intervention, les taux existant pour l' importation dans la Communauté du même produit. Le risque que présentent les produits contaminés pour la santé humaine ne dépend pas, en effet, du mode d' échanges commerciaux dont ces produits font l' objet.

4. En retenant des niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive différents dans le règlement (Euratom) n 3954/87, fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d' urgence radiologique, d' une part, et dans le règlement (CEE) n 3955/87, relatif aux conditions d' importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l' accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl, d' autre part, le Conseil n' a pas violé le principe de non-discrimination énoncé à l' article 40, paragraphe 3, du traité CEE.

En effet, les deux règlements ont des contenus et des objectifs différents. Alors que le règlement n 3955/87 concernait spécifiquement les conséquences de l' accident de Tchernobyl et fixait pour cette situation concrète les niveaux maximaux de contamination radioactive, le règlement n 3954/87 a instauré un système permanent permettant à la Communauté de fixer des niveaux maximaux de contamination radioactive, en cas d' accidents nucléaires futurs ou d' autres situations d' urgence. Ainsi qu' il ressort des articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 4, de ce dernier règlement, les chiffres figurant en annexe n' ont qu' un caractère subsidiaire et sont applicables à titre provisoire, c' est-à-dire dans l' attente d' une décision fixant, en fonction des cas concrets, des niveaux maximaux de contamination radioactive exacts. Compte tenu de ce qu' étaient visées des hypothèses différentes, les maxima subsidiaires du règlement n 3954/87 ont pu être fixés à un niveau plus élevé que les maxima spécifiques du règlement n 3955/87.

5. Les principes de la libre circulation des marchandises et de la liberté des exportations peuvent être soumis à des restrictions tendant à la protection de la santé publique, telles celle résultant de la fixation, pour les denrées destinées à l' alimentation humaine, par le règlement n 1707/86, visant à la protection de la santé des consommateurs, des tolérances maximales de radioactivité.

6. Si le Conseil dispose d' un large pouvoir d' appréciation dans la réalisation des différents buts énumérés à l' article 39 du traité, il ne saurait cependant, dans le cadre de ce pouvoir, faire abstraction d' exigences d' intérêt général telles que la protection des consommateurs ou de la santé et de la vie des personnes.

7. Eu égard aux circonstances particulières qui existaient à la suite de l' accident nucléaire de Tchernobyl et qui étaient caractérisées par la nouveauté et la gravité de la menace qui pesait sur la santé des consommateurs et par l' absence des connaissances scientifiques permettant d' évaluer avec exactitude les conséquences d' un tel accident, le Conseil ne pouvait prendre des mesures dans le cadre de la politique agricole commune que progressivement et au fur et à mesure qu' il disposait des données nécessaires pour fixer les tolérances de radioactivité admissibles pour la commercialisation des produits agricoles contaminés. Dans ces conditions, l' article 39 du traité ne pouvait fonder une obligation, pour le Conseil, d' adapter, immédiatement après cet accident, les règles concernant l' achat à l' intervention et l' octroi des restitutions à l' exportation à la situation donnée.

8. Ni le traité, ni le règlement n 2727/75 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales n' obligent le Conseil à prendre des mesures financières pour compenser directement les pertes subies par les producteurs à la suite de catastrophes naturelles ou d' autres événements exceptionnels.

9. Eu égard à la complexité et à la technicité de la matière ainsi qu' au peu de connaissances scientifiques dont disposait la Commission à l' époque de l' accident nucléaire de Tchernobyl en ce qui concerne les niveaux admissibles de radioactivité pour les denrées alimentaires, le délai de treize mois qui a séparé la demande du Conseil que lui soient sans délai présentées des propositions et la présentation effective par la Commission d' une proposition de réglementation communautaire définitive ne peut pas être considéré comme excessif et, par là même, de nature à engager la responsabilité de la Communauté.

Parties


Dans l' affaire C-146/91,

Koinopraxia Enóséon Georgikon Synetairismon Diacheiríséos Enchorion Proïonton Syn. PE ( KYDEP ), ayant son siège social à Athènes, représentée par Me Antonios Konstantopoulos, avocat au barreau d' Athènes, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Conseil de l' Union européenne, représenté par M. Bjarne Hoff-Nielsen, conseiller juridique au service juridique, et Mme Sofia Kyriakopoulou, membre du même service, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur du service juridique de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Xenofon A. Yataganas, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande en dommages et intérêts au titre des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CEE,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, D. A. O. Edward, G. C. Rodriguez Iglesias, F. Grévisse et M. Zuleeg (rapporteur), juges,

avocat général: M. W. Van Gerven,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 10 juin 1993, au cours de laquelle la KYDEP était représentée par Mes Antonios Konstantopoulos et Filippos Spyropoulos, avocat au barreau d' Athènes,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 15 septembre 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 mai 1991, la Koinopraxia Enoseon Georgikon Synetairismon Diacheiriseos Enchorion Proïonton Syn. PE (ci-après la "KYDEP") a, en vertu des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé la condamnation du Conseil de l' Union européenne et de la Commission des Communautés européennes à la réparation du préjudice subi du fait d' actes et d' omissions fautifs commis par les institutions précitées dans le cadre de la réglementation communautaire arrêtée à la suite de l' accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

2 La KYDEP est une coopérative de droit hellénique, établie à Athènes et constituée de 93 unions de coopératives agricoles. Chaque année, elle achète aux producteurs helléniques des quantités importantes de céréales et de légumes qu' elle stocke et vend.

3 Sur la récolte de 1986, la KYDEP a acheté 634.162,152 tonnes de froment dur et 335.202,676 tonnes de froment tendre en vue soit de les revendre dans des pays tiers, soit de les présenter à l' intervention communautaire.

4 A la suite de l' accident survenu le 26 avril 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, la Communauté a progressivement arrêté des normes communautaires relatives aux tolérances maximales de radioactivité, à savoir, pour ce qui concerne les importations dans la Communauté de certains groupes de produits agricoles originaires de pays tiers, le règlement (CEE) n 1707/86 du Conseil, du 30 mai 1986, relatif aux conditions d' importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l' accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (JO L 146, p. 88, ci-après le "règlement n 1707/86"), pour ce qui concerne l' achat à l' intervention, le règlement (CEE) n 2751/88 de la Commission, du 2 septembre 1988, relatif à une mesure particulière d' intervention pour le froment dur en Grèce (JO L 245, p. 13) et, pour ce qui concerne les exportations de certains groupes de produits agricoles originaires des États membres, le règlement (CEE) n 3494/88 de la Commission, du 9 novembre 1988, modifiant notamment le règlement (CEE) n 3665/87 portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles (JO L 306, p. 24).

5 Il en découle que, au moment de la récolte de 1986, seule l' importation dans la Communauté de certains groupes de produits agricoles, tel le froment, originaires de pays tiers avait fait l' objet de règles imposant le respect de certaines tolérances de radioactivité.

6 En revanche, aucune norme communautaire de ce type n' avait encore été arrêtée pour l' achat à l' intervention et pour l' exportation de ces mêmes produits. C' est pourquoi la Commission a, le 24 juillet 1986, fait parvenir aux représentations permanentes des États membres le télex n VS-S-1/1187/86 D1/GG/G8 (ci-après le "télex litigieux"). Ce télex, signé par le directeur général de l' agriculture, concernait l' achat par les organismes d' intervention de produits contaminés par la catastrophe de Tchernobyl et le bénéfice des restitutions à l' exportation pour ces produits. Il était rédigé comme suit:

"L' attention des États membres est attirée sur le fait que les règles communautaires en matière d' achat à l' intervention prévoient en règle générale que les produits offerts doivent être de qualité saine, loyale et marchande ou ne pas contenir des substances susceptibles de nuire à la santé humaine. Par ailleurs, tout produit agricole qui n' est pas commercialisable, en raison de ses caractéristiques, ne peut pas non plus faire l' objet d' un contrat d' achat.

D' autre part, en ce qui concerne les produits pour lesquels une restitution à l' exportation est demandée, il est rappelé, conformément aux dispositions de l' article 15 du règlement (CEE) n 2730/79 (JOCE n L 317 du 12 décembre 1979), que la restitution est octroyée pour les produits de qualité saine, loyale et marchande et qui ne peuvent être exclus de l' alimentation humaine en raison de leurs caractéristiques ou de leur état.

Compte tenu de ce qui précède et à la lumière du règlement (CEE) n 1707/86 du Conseil (JOCE n L 146 du 31 mai 1986), il y a lieu de considérer que les produits qui ne respectent pas les tolérances maximales de radioactivité fixées à l' article 3 dudit règlement ne peuvent pas être retenus comme remplissant les conditions d' achat à l' intervention ni les conditions d' obtention de restitutions à l' exportation. En conséquence, les coûts financiers y afférents ne seront pas pris en charge par le FEOGA."

7 Le règlement n 1707/86 a soumis les importations dans la Communauté de certains groupes de produits agricoles ° dont le blé dur ° originaires de pays tiers au respect de certaines tolérances maximales de radioactivité. Selon l' article 3 de ce règlement:

"... la radioactivité maximale cumulée de caesium 134 et 137 ne doit pas dépasser:

° 370 becquerels par kilogramme pour le lait relevant des positions 04.01 et 04.02 du tarif douanier commun ainsi que pour les denrées alimentaires destinées à l' alimentation particulière des nourrissons pendant les quatre à six premiers mois de leur vie...

- 600 becquerels par kilogramme pour tous les autres produits concernés."

8 La validité du règlement n 1707/86, qui devait venir à expiration le 30 septembre 1986, a été prorogée à deux reprises. Le 22 décembre 1987, le Conseil a adopté deux règlements: le règlement (CEE) n 3955/87 relatif aux conditions d' importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l' accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (JO L 371, p. 14, ci-après le "règlement n 3955/87"), qui reproduit, pour l' essentiel, les dispositions du règlement n 1707/86, et dont la durée de validité est limitée à deux ans, d' une part, et le règlement (Euratom) n 3954/87 fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d' urgence radiologique (JO L 371, p. 11, ci-après le "règlement n 3954/87"), d' autre part. Ce règlement institue une procédure pour fixer les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive des denrées alimentaires et des aliments pour bétail pouvant être commercialisés après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d' urgence radiologique risquant d' entraîner ou ayant entraîné une contamination radioactive importante de denrées alimentaires ou d' aliments pour bétail.

9 Par ailleurs, la Commission a perçu un prélèvement de coresponsabilité sur 2 367 000 tonnes de céréales grecques sur la base de l' article 4, paragraphe 5, du règlement (CEE) n 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 281, p.1, ci-après le "règlement 2727/75") , tel qu' il a été modifié par le règlement (CEE) n 1579/86 du Conseil, du 23 mai 1986 (JO L 139, p. 29, ci-après le "règlement n 1579/86").

10 La KYDEP invoque à l' encontre de la Commission et du Conseil trois types de griefs.

11 A la Commission, la KYDEP fait, tout d' abord, grief d' avoir envoyé le télex informant les autorités nationales qu' aucun produit agricole dépassant certaines tolérances maximales de radioactivité applicables à l' importation ne peut être retenu comme remplissant les conditions d' achat à l' intervention ni les conditions d' obtention de restitutions à l' exportation.

12 A cet égard, la KYDEP fait valoir que le télex litigieux constitue une voie illégale pour interdire de présenter à l' intervention des produits agricoles dont la radioactivité dépasse certaines tolérances ou d' accorder des restitutions à l' exportation pour de tels produits.

13 Dans l' hypothèse où le télex ne constitue pas un acte juridique contraignant, la KYDEP fait valoir que les indications du télex sont inexactes et de nature à causer un préjudice aux opérateurs économiques.

14 A cet égard, la KYDEP invoque quatre arguments différents:

° premièrement, le télex est dénué de tout fondement juridique;

° deuxièmement, le télex litigieux sort des limites du pouvoir de la Commission;

° troisièmement, le télex a repris des taux maximaux de radioactivité qui auraient été fixés illégalement par le Conseil dans le règlement n 1707/86 et qui, eux-mêmes, sont illégaux. La prétendue illégalité du règlement sur ce point, est tirée de la violation du principe de non-discrimination énoncé à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE, de la violation du principe de proportionnalité et de l' appréciation erronée des données de fait sur lesquelles repose le règlement n 1707/86;

° quatrièmement, le télex constitue une violation des principes de la libre circulation des marchandises et de la liberté des exportations, tels qu' ils résultent des articles 12 et 21 du règlement n 2727/75 et des articles 9, 30, 34 et 110 du traité CEE.

15 La KYDEP fait, ensuite, grief à la Commission d' avoir perçu, après l' accident de Tchernobyl, un prélèvement de coresponsabilité sur le froment produit en Grèce, alors que celui-ci ne pouvait pas être commercialisé.

16 La KYDEP reproche enfin à la Commission et au Conseil diverses omissions, à savoir, en ce qui concerne le Conseil, de ne pas avoir adopté ou d' avoir tardé à adopter des mesures relatives à l' achat à l' intervention et aux restitutions à l' exportation, de ne pas avoir prévu une aide financière en faveur des céréales grecques contaminées à la suite de l' accident de Tchernobyl et, en ce qui concerne la Commission, d' avoir trop tardé à présenter une proposition de réglementation définitive en ce qui concerne la contamination radioactive des denrées alimentaires.

17 La KYDEP demande dès lors à la Cour de:

° déclarer le recours recevable;

° d' ordonner au Conseil et à la Commission de verser, l' un à défaut de l' autre et chacun pour le tout, en raison des actes ou omissions dont ces institutions sont responsables et qui sont exposés en détail dans la première partie de la requête, le montant de 46 642 266 903 DR, tel qu' il résulte de la deuxième partie de la requête, majoré des intérêts au taux en vigueur en Grèce, soit 34 %, à compter de la notification de la requête jusqu' à la date du paiement,

° condamner les parties défenderesses aux dépens.

18 Le Conseil de l' Union européenne et la Commission des Communautés européennes demandent, pour leur part, de rejeter le recours comme non fondé et de condamner la requérante aux dépens.

Sur les principes de base de la responsabilité non contractuelle

19 Selon une jurisprudence constante, l' engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l' article 215, deuxième alinéa, du traité est subordonné à la réunion d' un ensemble de conditions en ce qui concerne l' illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre le comportement de l' institution et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêt du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C-259/90, Rec. p. I-2901, point 42).

20 Il convient donc de commencer par examiner l' illégalité des comportements reprochés aux institutions.

Sur l' illégalité des comportements reprochés au Conseil et à la Commission

21 Comme il a déjà été exposé aux points 10 à 16 du présent arrêt, les moyens formulés par la KYDEP se rapportent, tout d' abord, au télex de la Commission, ensuite, à la perception du prélèvement de coresponsabilité et, enfin, à diverses omissions du Conseil et de la Commission.

I. En ce qui concerne le télex de la Commission

A. Sur le caractère contraignant du télex

22 La KYDEP fait valoir que le télex litigieux constitue un acte juridique qui aurait contraint illégalement les États membres à refuser d' accepter à l' intervention des produits agricoles dont la radioactivité dépasse certaines tolérances ou à refuser d' accorder des restitutions à l' exportation pour de tels produits.

23 Cet argument ne peut pas être accueilli.

24 Comme la Cour l' a déjà jugé dans son arrêt du 8 juin 1994, Elliniko Dimosio/Ellinika Dimitriaka (C-371/92, non encore publié dans le Recueil point 17), le télex litigieux n' est pas un acte qui lie les États membres. Il n' exprime que l' interprétation, par la Commission, de la notion de produit sain, loyal, marchand et propre à l' alimentation humaine telle qu' elle figure dans le règlement (CEE) n 1569/77 de la Commission, du 11 juillet 1977, fixant les procédures et conditions de prise en charge des céréales par les organismes d' intervention (JO L 174, p. 15), ainsi que dans le règlement (CEE) n 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles (JO L 317, p. 1).

25 Cette interprétation n' a aucun caractère obligatoire et n' est susceptible de lier ni les autorités compétentes des États membres ni, a fortiori, les particuliers. Dès lors, le télex ne constitue pas un acte juridique de la Commission interdisant de présenter à l' intervention des produits agricoles dont la radioactivité dépasse certaines tolérances ou d' accorder des restitutions à l' exportation pour de tels produits.

26 Toutefois, il convient de reconnaître que le télex litigieux, bien que dépourvu de valeur contraignante, était susceptible d' inciter les autorités compétentes des États membres à refuser l' achat à l' intervention des produits agricoles dont la radioactivité dépassait certaines tolérances de radioactivité ou l' octroi des restitutions à l' exportation pour de tels produits. En effet, les États membres pouvaient craindre, s' ils avaient négligé l' interprétation donnée par la Commission dans le télex litigieux, de se voir refuser le remboursement, de leurs dépenses engagés pour les produits agricoles en cause, par le FEOGA.

27 Il y a lieu dès lors lieu d' examiner les moyens de la prétendue incompatibilité du télex de la Commission avec le droit communautaire.

B. Sur la prétendue incompatibilité du contenu du télex avec le droit communautaire

1. Sur le fondement juridique du télex

28 Sur ce point, la KYDEP fait valoir en premier lieu que le télex de la Commission est dénué de tout fondement juridique, fondement qui serait cependant indispensable eu égard aux effets déterminants qu' a produis le télex sur le comportement des autorités helléniques.

29 Cet argument ne peut être accueilli.

30 En effet, en tant que gardienne du droit communautaire et autorité de gestion du FEOGA, la Commission a le pouvoir de rappeler aux États membres les règles communautaires qu' ils sont tenus d' appliquer et d' en donner, dans le cadre de sa collaboration avec les administrations nationales, sa propre interprétation.

31 En deuxième lieu, la KYDEP considère que, dans la mesure où il déclare applicables à l' achat à l' intervention et à l' octroi des restitutions à l' exportation les tolérances maximales de radioactivité fixées dans le règlement n 1707/86 pour les importations dans la Communauté de produits agricoles originaires des pays tiers, le télex litigieux sort des limites du pouvoir de la Commission.

32 Cette argumentation, qui revient à contester l' interprétation retenue par la Commission dans le télex, doit également être rejetée.

33 Lorsque les taux maximaux de contamination radioactive admissibles pour l' achat à l' intervention et l' octroi de restitutions à l' exportation n' ont pas encore été fixés dans un règlement, il est approprié d' appliquer, pour qualifier un produit agricole de sain, loyal et marchand au sens du règlement n 1569/77, les taux existant pour l' importation dans la Communauté du même produit. Le risque que présentent les produits contaminés pour la santé humaine ne dépend pas en effet, du mode d' échanges commerciaux dont ces produits font l' objet.

2. Sur la validité du règlement n 1707/86

34 En troisième lieu, la KYDEP fait valoir que la Commission a repris dans son télex des taux maximaux de radioactivité fixés par le Conseil dans le règlement n 1707/86 qui sont eux-mêmes illégaux.

35 La KYDEP conteste ainsi, implicitement, la validité du règlement n 1707/86. A cet égard, elle fait valoir trois arguments différents: le premier est tiré de la violation du principe de non-discrimination énoncé à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE, le deuxième de la violation du principe de proportionnalité et le troisième de l' appréciation erronée des données de fait sur lesquelles repose le règlement n 1707/86.

a. Sur la prétendue violation du principe de non-discrimination énoncé à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE

36 La KYDEP estime que le Conseil a violé le principe de non-discrimination énoncé à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE dans la mesure où, dans le règlement (CEE) n 3955/87, du 22 décembre 1987, il a fixé les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive à 370 Bq/kg pour le lait et à 600 Bq/kg pour tous les autres produits concernés, alors qu' il admet, dans le règlement (Euratom) n 3954/87, de la même date, des niveaux maximaux admissibles plus élevés pour les accidents futurs, à savoir 1 000 Bq/kg pour les produits laitiers et 1 250 Bq/kg pour les autres denrées alimentaires. Cette différence ne serait pas justifiée objectivement.

37 Cet argument n' est pas fondé. En effet, comme l' ont soutenu le Conseil et la Commission à juste titre, les deux règlements du 22 décembre 1987 ont des contenus et des objectifs différents.

38 Alors que le règlement (CEE) n 3955/87 concernait spécifiquement les conséquences de l' accident de Tchernobyl et a fixé pour cette situation concrète les niveaux maximaux de contamination radioactive, le règlement (Euratom) n 3954/87 a instauré un système permanent permettant à la Communauté de fixer des niveaux maximaux de contamination radioactive, en cas d' accidents nucléaires futurs ou d' autres situations d' urgence. Ainsi qu' il ressort des articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 4, de ce règlement, les chiffres figurant en annexe n' ont qu' un caractère subsidiaire et sont applicables à titre provisoire, c' est-à-dire dans l' attente d' une décision fixant, en fonction des cas concrets, des niveaux maximaux de contamination radioactive exacts.

39 Vu que les deux règlements du 22 décembre 1987 visent des hypothèses différentes, les maxima subsidiaires du règlement (Euratom) n 3954/87 ont pu être fixés à un niveau plus élevé que les maxima spécifiques du règlement (CEE) n 3955/87, sans que l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, soit violé.

b. Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

40 La KYDEP estime que le principe de proportionnalité a été violé dans la mesure où les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive fixés par le règlement nº 1707/86, à savoir 370 Bq/kg pour le lait et 600 Bq/kg pour tous les autres produits concernés, y compris les céréales, dépassaient la mesure de ce qui était nécessaire pour atteindre l' objectif de ce règlement, à savoir la protection de la santé du consommateur dans la Communauté.

41 Le Conseil admet que la réflexion scientifique en matière de niveaux de référence minimaux d' une contamination admissible pour la santé des consommateurs n' était pas encore terminée au moment de l' adoption du règlement n 1707/86. Il fait cependant valoir que l' adoption de ce règlement et la fixation des tolérances maximales provisoires s' imposaient de manière urgente pour faire face à la grave menace que faisaient peser sur la santé de la population dans la Communauté les importations de denrées alimentaires en provenance des pays tiers.

42 Il souligne, en outre, que les tolérances maximales fixées par le règlement n 1707/86 tenaient compte, à défaut de normes internationales déterminant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive des denrées alimentaires, de toutes les informations qui étaient disponibles à l' époque, notamment l' avis des experts nationaux relatif à la radioactivité et aux denrées alimentaires, les recommandations de la Commission internationale de protection contre les radiations (CIPR) et les instructions de la US Food and Drug Administration. La Commission souligne pour sa part que les tolérances maximales qu' elle avait proposées et qui ont été reprises dans le règlement n 1707/86 avaient elles aussi été établies sur la base de toutes les informations scientifiques disponibles et en tenant compte des réactions de l' opinion publique et des pouvoirs publics tant dans les différents États membres que dans les pays tiers. Ces tolérances auraient d' ailleurs été acceptées par la suite par tous les États membres dans le commerce intracommunautaire ainsi que par vingt pays tiers.

43 La KYDEP n' a fourni aucun élément de preuve tendant à établir que les niveaux maximaux fixés par le règlement n 1707/86 étaient effectivement plus restrictifs que ne l' exigeait la protection de la santé des consommateurs. Au contraire, son argumentation revêt un caractère général et ne contient aucun élément, d' ordre scientifique ou autre, capable d' infirmer l' allégation du Conseil et de la Commission selon laquelle ces tolérances correspondaient parfaitement aux données factuelles et scientifiques disponibles à l' époque de l' accident nucléaire de Tchernobyl.

44 Dans ces conditions, la violation du principe de proportionnalité n' a pas été démontrée et l' argument doit également être rejeté.

c. Sur l' argument tiré d' une appréciation manifestement erronée des faits

45 La KYDEP fait valoir enfin que les tolérances maximales, qui ont été fixées par l' article 3 du règlement n 1707/86 procèdent d' une appréciation manifestement erronée des faits, et ce pour deux raisons. En premier lieu, elles ne concerneraient le commerce de détail que pour le lait, et non pour les céréales et les autres produits. En deuxième lieu, bien que le froment ne soit pas destiné directement à l' alimentation humaine, mais qu' il doive préalablement être transformé en farine de froment, la radioactivité serait mesurée sur le péricarpe, c' est-à-dire sur la partie du fruit qui enveloppe la graine. Or, le taux de radioactivité à l' intérieur de la graine serait inférieur de moitié à celui mesuré sur la surface externe. Dans ces conditions, la farine bénéficierait d' un traitement manifestement beaucoup plus avantageux que le froment.

46 La Commission comme le Conseil contestent cette argumentation. La Commission explique à cet égard que, dans le cas des produits laitiers, les tolérances maximales doivent être fixées à l' un des derniers stades de la commercialisation, étant donné que le lait est soumis, lors de sa transformation, à un processus de concentration et de déshydratation qui a pour effet d' augmenter le taux de contamination radioactive pour la même masse de produit. Les aliments destinés aux nourrissons nécessiteraient eux aussi une réglementation plus stricte. Pour les produits autres que laitiers, les méthodes de transformation et les destinations seraient tellement nombreuses qu' il ne serait pas possible de fixer à l' avance le taux de radioactivité admissible pour le produit final par rapport à la matière première. La Commission souligne qu' en tout état de cause, la limite de 600 Bq/kg s' appliquait aux seuls produits de base. D' autres mesures ont été adoptées ultérieurement pour les produits transformés, qui étaient commercialisables dans la mesure où leur taux de contamination radioactive se réduisait.

47 La KYDEP n' apporte aucun argument capable d' infirmer les données de fait fournies par la Commission, mais se borne à exprimer son désaccord dans des termes généraux. Une telle argumentation ne suffit pas à démontrer que les institutions communautaires ont commis une erreur dans l' appréciation des faits sur lesquels se fonde le règlement n 1707/86. Le troisième argument doit dès lors également être rejeté.

48 Étant donné qu' aucun des trois arguments invoqués à l' encontre de la validité du règlement n 1707/86 n' est fondé, le télex de la Commission n' est pas entaché d' un défaut juridique du fait qu' il reprend les taux maximaux de radioactivité.

Sur la prétendue violation des principes de la libre circulation des marchandises et de la liberté des exportations

49 En quatrième lieu, la KYDEP fait valoir que l' envoi du télex par la Commission constitue une violation des principes de la libre circulation des marchandises et de la liberté des exportations, tels qu' ils résultent des articles 12 et 21 du règlement n 2727/75 et des articles 9, 30, 34 et 110 du traité CEE.

50 A cet égard, il convient de relever que les principes de la libre circulation des marchandises et de la liberté des exportations peuvent être soumis à des restrictions tendant à la protection de la santé publique.

51 Tel est le cas du télex en cause. Les tolérances maximales de radioactivité existant pour les denrées destinées à l' alimentation humaine fixées par le règlement n 1707/86, auxquelles renvoie le télex litigieux, visent, en effet, à la protection de la santé des consommateurs. Il résulte d' ailleurs déjà de l' examen ci-dessus que ces tolérances maximales ont été fixées à un niveau qui est indispensable pour atteindre cet objectif.

52 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que les arguments invoqués par la KYDEP à l' encontre de l' interprétation contenue dans le télex litigieux ne sont pas fondés.

II. En ce qui concerne la perception d' un prélèvement de coresponsabilité

53 La KYDEP reproche à la Commission d' avoir perçu, après l' accident de Tchernobyl, un prélèvement de coresponsabilité sur 2 367 000 tonnes de céréales helléniques, qui, cependant, ne pouvaient pas être commercialisées. Selon la KYDEP, ce prélèvement aurait eu pour effet de discriminer la Grèce par rapport à d' autres États de la Communauté dans le secteur des céréales.

54 Selon l' article 4, paragraphe 5, du règlement n 2727/75, tel qu' il a été modifié par le règlement (CEE) n 1579/86, un prélèvement de coresponsabilité est perçu sur les céréales qui subissent une première transformation, qui sont achetées à l' intervention ou qui sont exportées sous forme de grains.

55 Or, d' après la Commission, toute la production héllénique de céréales de 1986 et de 1987, années au cours desquelles le problème de la radioactivité s' est posé, a été soit transformée et consommée dans le marché intérieur, soit exportée sous forme de grains dans les pays tiers. La Commission souligne que ces opérations ont été rendues possibles par le fait que le taux de radioactivité diminue de manière considérable lors de la transformation des céréales contaminées ou de leur mélange avec d' autres céréales.

56 La KYDEP n' a pas réfuté ni même contesté ces allégations factuelles de la Commission. Il y a lieu dès lors de considérer que les céréales helléniques concernées sont effectivement entrées dans le circuit de commercialisation et qu' elles remplissent la condition pour être soumise au prélèvement de coresponsabilité.

57 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen pris de la perception du prélèvement de coresponsabilité.

III. En ce qui concerne les prétendues omissions du Conseil et de la Commission

58 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que les omissions des institutions communautaires ne sont susceptibles d' engager la responsabilité de la Communauté que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d' agir résultant d' une disposition communautaire.

A. En ce qui concerne les prétendues omissions du Conseil

59 La KYDEP fait valoir tout d' abord que, en vertu des articles 39, paragraphe 1, sous b) et c), et 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE ainsi que de l' article 8 du règlement n 2727/75, tel que modifié par le règlement n 1579/86, le Conseil était tenu de prendre, à l' époque de l' accident de Tchernobyl, des mesures en ce qui concerne l' achat à l' intervention et les restitutions à l' exportation et de prévoir une aide financière en faveur des céréales helléniques contaminées à la suite de l' accident de Tchernobyl. En s' abstenant d' adopter ou en adoptant tardivement de telles mesures, le Conseil aurait violé ces dispositions et commis une faute susceptible d' engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

1. Sur la prétendue violation de l' article 39, paragraphe 1, sous b) et c), du traité

60 La KYDEP fait valoir que, en n' arrêtant pas, à l' époque de l' accident de Tchernobyl, les mesures précitées, le Conseil a méconnu deux objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des céréales qui sont mentionnés à l' article 39, paragraphe 1, sous b) et c), du traité, à savoir assurer un niveau de vie équitable à la population agricole et stabiliser les marchés.

61 A cet égard, il convient de souligner qu' il résulte d' une jurisprudence constante que le Conseil dispose d' un large pouvoir d' appréciation dans la réalisation des différents buts énumérés à l' article 39 (voir arrêt du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885). Dans le cadre de l' exercice de ce pouvoir, le Conseil ne saurait cependant faire abstraction d' exigences d' intérêt général telles que la protection des consommateurs ou de la santé et de la vie des personnes (voir arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, 68/86, Rec. p. 855, point 12).

62 Eu égard aux circonstances particulières qui existaient à la suite de l' accident de Tchernobyl et qui étaient caractérisées, d' une part, par la nouveauté et la gravité de la menace qui pesait sur la santé des consommateurs et, d' autre part, par l' absence des connaissances scientifiques permettant d' évaluer avec exactitude les conséquences d' un tel accident, le Conseil ne pouvait prendre des mesures, dans le cadre de la politique agricole commune que progressivement et au fur et à mesure qu' il disposait des données nécessaires pour fixer les tolérances de radioactivité admissibles pour la commercialisation des produits agricoles contaminés.

63 Dans ces conditions, l' article 39 ne peut fonder une obligation, pour le Conseil, d' adapter, immédiatement après l' accident de Tchernobyl, les règles concernant l' achat à l' intervention et l' octroi de restitutions à l' exportation à la situation donnée.

64 Il y a dès lors lieu de rejeter ce grief.

2. Sur la prétendue violation de l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité

65 La KYDEP fait valoir que, en ne prenant pas de mesures spéciales en faveur du secteur des céréales en Grèce, le Conseil a discriminé le territoire hellénique, qui était beaucoup plus touché par les conséquences de l' accident de Tchernobyl que le reste de la Communauté. Le principe énoncé à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité aurait ainsi été violé.

66 Selon une jurisprudence constante, la discrimination consiste à traiter de manière différente des situations qui sont identiques et de manière identique des situations qui sont différentes (voir arrêts du 23 février 1983, Wagner, 8/82, Rec. p. 371, point 18, et du 26 mars 1987, Coopérative agricole d' approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 15).

67 Dans le cas d' espèce, la KYDEP prétend que le secteur des céréales en Grèce se trouvait dans une situation différente, mais qu' il a été traité de la même manière que le reste de la Communauté.

68 Cet argument ne peut être retenu. En effet, la Grèce n' a pas été la seule région à avoir été gravement touchée par l' accident de Tchernobyl. Comme il ressort des données chiffrées que la Commission a fournies à la Cour, deux régions de la Communauté, à savoir le sud de l' Allemagne et le nord de l' Italie, ont été soumises à une radioactivité encore plus importante que la Grèce. Dans ces circonstances, la KYDEP, qui n' a fourni aucun chiffre ni autre indication dont il ressortirait que le degré de contamination des produits agricoles, en particulier le froment, a été plus élevé en Grèce que dans le reste de la Communauté, n' a pas établi la présence d' une situation particulière susceptible d' obliger les institutions communautaires à prendre des mesures spécifiques.

69 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief pris de la violation du principe de non-discrimination tel qu' il est énoncé par l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité.

3. Sur la prétendue violation de l' article 8 du règlement n 2727/75

70 Enfin, la KYDEP fait valoir que eu égard aux problèmes particuliers des producteurs et des commerçants helléniques, le Conseil était obligé de prendre des mesures spécifiques d' intervention en application de l' article 8 du règlement n 2727/75, tel que modifié par le règlement n 1579/86, et d' accorder une aide financière spéciale pour neutraliser les conséquences de l' accident de Tchernobyl.

71 Ce grief doit également être rejeté.

72 L' article 8, paragraphe 1, du règlement n 2727/75, tel que modifié par le règlement n 1579/86 dispose:

"1. Lorsque la situation du marché dans certaines régions de la Communauté l' exige, des mesures particulières d' intervention peuvent être décidées.

...".

73 Il y a lieu de constater que cette possibilité offerte par l' article 8 du règlement n 2727/75 a été effectivement utilisée par la Commission dans le règlement n 2751/88, précité, qui contient précisément des mesures spécifiques d' intervention pour le froment dur en Grèce.

74 Quant à l' octroi d' une aide financière spéciale, il suffit de relever, comme l' a soutenu le Conseil à juste titre, que ni le traité ni le règlement n 2727/75 ne l' obligent à prendre des mesures financières pour compenser directement les pertes subies par les producteurs à la suite de catastrophes naturelles ou d' autres événements exceptionnels.

75 Il résulte de ces considérations que les trois griefs avancés par la KYDEP à l' appui d' une prétendue omission du Conseil concernant des mesures relatives à l' achat à l' intervention, à la restitution à l' exportation et à une aide financière en faveur des céréales helléniques contaminées à la suite de l' accident de Tchernobyl doivent être rejetés.

B. En ce qui concerne les prétendues omissions de la Commission

76 Parallèlement, la KYDEP fait grief à la Commission d' avoir trop tardé à présenter une proposition de réglementation définitive en ce qui concerne la contamination radioactive des denrées alimentaires. Elle souligne que, lors de sa réunion du 30 mai 1986, au cours de laquelle le règlement (CEE) n 1707/86, a été adopté, le Conseil avait invité la Commission à présenter "sans délai" des propositions d' une réglementation concernant, notamment, la contamination radioactive des denrées alimentaires. Ce n' est que treize mois plus tard, le 2 juillet 1987, que la Commission a présenté une proposition, qui est devenue le règlement (Euratom) n 3954/87.

77 La Commission ne conteste pas ces faits, mais elle considère que, vu la complexité de la matière et les divergences de vues entre les experts, treize mois constituent en l' espèce un délai raisonnable pour présenter une proposition. A cet égard, elle rappelle que, pendant cette période, elle a notamment organisé un symposium international, réunissant 100 experts de 27 pays et des représentants des organisations internationales compétentes afin de recueillir les données scientifiques nécessaires à la détermination des niveaux nationaux admissibles de contamination radioactive.

78 Eu égard à la complexité et à la technicité de la matière en cause ainsi qu' au peu de connaissances scientifiques dont disposait la Commission à l' époque de l' accident de Tchernobyl en ce qui concerne les niveaux admissibles de radioactivité pour les denrées alimentaires, difficultés que la KYDEP n' a pas contestées, une période de treize mois pour présenter une proposition de réglementation communautaire définitive ne peut pas être considérée comme excessive. Un tel comportement ne permet pas, dès lors d' engager la responsabilité de la Communauté.

79 Les griefs avancés par la KYDEP à l' appui d' une prétendue omission de la Commission doivent donc également être rejetés.

80 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent qu' en l' espèce aucun acte ni aucune prétendue omission du Conseil ou de la Commission ne présente un caractère illégal.

81 La première condition à laquelle est soumise l' engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l' article 215, deuxième alinéa, du traité n' étant pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu' il soit nécessaire d' examiner les autres conditions de cette responsabilité, à savoir la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre les comportements des institutions et le préjudice invoqué.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

82 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.

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