This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document C:2020:047:FULL
Official Journal of the European Union, C 47, 11 February 2020
Journal officiel de l’Union européenne, C 47, 11 février 2020
Journal officiel de l’Union européenne, C 47, 11 février 2020
ISSN 1977-0936 |
||
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47 |
|
![]() |
||
Édition de langue française |
Communications et informations |
63e année |
Sommaire |
page |
|
|
I Résolutions, recommandations et avis |
|
|
RÉSOLUTIONS |
|
|
Comité économique et social européen |
|
2020/C 47/01 |
||
2020/C 47/02 |
||
|
AVIS |
|
|
Comité économique et social européen |
|
2020/C 47/03 |
||
2020/C 47/04 |
||
2020/C 47/05 |
||
2020/C 47/06 |
||
2020/C 47/07 |
||
2020/C 47/08 |
Avis du Comité économique et social européen sur la bioéconomie bleue (avis exploratoire) |
|
III Actes préparatoires |
|
|
Comité économique et social européen |
|
2020/C 47/09 |
||
2020/C 47/10 |
||
2020/C 47/11 |
||
2020/C 47/12 |
||
2020/C 47/13 |
||
2020/C 47/14 |
||
2020/C 47/15 |
||
2020/C 47/16 |
||
2020/C 47/17 |
||
2020/C 47/18 |
FR |
|
I Résolutions, recommandations et avis
RÉSOLUTIONS
Comité économique et social européen
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/1 |
Résolution sur la «Contribution du Comité économique et social européen au programme de travail 2020 de la Commission et au-delà»
(2020/C 47/01)
Au cours de sa session plénière des 30 et 31 octobre 2019 (séance du 30 octobre), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 170 voix pour, 5 voix contre et 9 abstentions.
1. Introduction
1.1. |
De manière générale, quatre mégatendances devront être au centre des priorités politiques lors de cette nouvelle législature politique: la numérisation, le changement climatique ainsi que la perte de biodiversité, la démographie et la mondialisation. Ces mégatendances, qui modifient notre façon de vivre et de travailler, offrent d’immenses possibilités, mais elles créent aussi de nouveaux défis (1). Cependant, toute la question est de savoir quelles seront l’ampleur et la rapidité de ces évolutions. |
1.2. |
L’Union et ses États membres sont fermement déterminés à mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et l’accord de Paris (2), ainsi qu’à faire progresser leur mise en œuvre au niveau mondial par la gamme complète de leurs actions extérieures. En outre, en décembre 2018, en marge de la COP24, l’Union et 20 États membres ont signé la déclaration de Silésie pour la solidarité et une transition juste (3). Ils y soulignent que, compte tenu de l’aspect social de la transition vers une économie à faible intensité de carbone, il est essentiel d’obtenir une adhésion sociale aux changements qui surviennent. |
1.3. |
Le marché unique demeure un instrument essentiel de l’intégration européenne. La relance de ce projet profiterait à l’Europe, en la rendant plus durable et plus solidaire. Par exemple, le marché unique numérique offre des possibilités et doit être développé pour garantir la compétitivité de l’Union européenne, grâce à la création d’un environnement favorable aux nouvelles formes d’entreprises qui émergent sur ce marché. Dans le même temps, l’Union européenne doit veiller à ce que ces nouvelles formes d’entreprises soient durables, qu’elles se développent et restent en Europe. |
1.4. |
Nous devons agir simultanément à tous les niveaux et créer une dynamique d’action en vue de relever les défis économiques, sociaux et environnementaux urgents auxquels nous sommes confrontés. Le CESE estime que le développement durable doit donc être au cœur de l’avenir de l’Europe (4) et plaide en faveur d’une stratégie globale de l’Union en matière de durabilité à l’horizon 2050 afin de mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030 (5). Ce changement de paradigme requiert: a) des modifications en matière de gouvernance, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de gouvernance spécifiques pour régler les problèmes urgents dans un délai plus court et pour aborder les questions complexes, le rôle de ces mécanismes devant être d’assurer une connexion entre les niveaux européen et national et non de remplacer l’action de l’un ou de l’autre; b) l’intégration des objectifs de développement durable (ODD) au sein des processus de l’Union en matière de contrôle économique et social et d’établissement du budget. À cet égard, le semestre européen pourrait être doté d’indicateurs sociaux, économiques et environnementaux nouveaux et améliorés, mesurables et complémentaires afin d’assurer le suivi de tous les aspects du socle européen des droits sociaux et de ses principes, ainsi que des 17 ODD. |
1.5. |
En ce qui concerne la dimension sociale, l’Union peut être fière de son modèle social par rapport à ceux d’autres régions du monde. Cependant, les réalisations et progrès sociaux en Europe ne sauraient être considérés comme acquis. En 2017, l’Union a confirmé son engagement envers le socle européen des droits sociaux. La mise en œuvre de ce socle ainsi que la marche à suivre à l’avenir sont des éléments déterminants pour l’élaboration de politiques européennes et nationales cohérentes et aptes à se renforcer mutuellement, l’objectif étant de créer un nouveau consensus autour d’une stratégie économique et sociale durable afin que l’Union soit en mesure de tenir sa promesse de parvenir à une croissance économique équilibrée ainsi qu’à des progrès sociaux permettant d’accroître le bien-être de ses citoyens (6). |
1.6. |
L’Union doit améliorer ses politiques et ses actions afin d’assurer l’égalité des genres et d’autres formes d’égalité, en sus de garantir que toutes les personnes confrontées à des formes multiples de discrimination bénéficient de l’égalité des chances dans la société. |
1.7. |
Pour faire face aux priorités sociales, économiques et environnementales nouvelles et en cours, le CESE plaide en faveur d’un budget européen ambitieux et mieux ciblé qui reflète la volonté de résoudre les problèmes de l’Union susceptibles d’être transformés en opportunités, en donnant ainsi à l’Union un nouveau projet. Le CESE demande dès lors que soit réalisé un bilan de qualité du cadre financier pluriannuel (CFP). |
1.8. |
L’implication structurée et régulière de la société civile ainsi que le dialogue civil jouent un rôle central dans la promotion de la durabilité dans toutes ses dimensions (économique, sociale et environnementale). Il conviendrait donc de donner un mandat clair à la société civile pour qu’elle participe à la conception, à l’application et au contrôle de la stratégie. Le CESE salue l’impulsion nouvelle en faveur de la démocratie européenne que propose la présidente élue de la Commission, Mme Ursula von der Leyen, et se dit prêt à assumer pleinement son rôle dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe dont l’organisation a été suggérée. |
1.9. |
Le dialogue social doit continuer d’occuper une place centrale dans la conception et l’application de politiques du marché du travail et de mesures qui aident concrètement les entreprises et les travailleurs. Compte tenu des défis considérables liés à une transition juste vers une économie verte et une croissance durable, il est essentiel d’associer les partenaires sociaux à cette démarche afin de tenir compte des informations pertinentes et de parvenir à un consensus sur les mesures à prendre. Le dialogue social et la négociation collective sont une condition nécessaire pour aboutir à des transitions justes, à de meilleurs emplois et à des revenus décents, ainsi que pour lutter contre le dumping social. |
1.10. |
Le CESE soutient une fiscalité juste et la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale, le blanchiment des capitaux et les pratiques financières des paradis fiscaux; les institutions européennes, les gouvernements et les entreprises doivent se donner pour objectif commun d’œuvrer de conserve afin de mettre sur pied des mécanismes efficaces à cette fin, tels que les deux directives relatives à la lutte contre l’évasion fiscale. |
1.11. |
Le programme de travail de la Commission pour 2020 et les priorités et actions proposées devront donc être adaptés aux objectifs, aux positions et aux méthodes de travail de la Commission. L’ensemble de ses politiques intérieures et extérieures doivent être cohérentes avec les ODD et s’aligner sur ceux-ci, de manière à tenir dûment compte des principes d’efficacité, de subsidiarité, de proportionnalité et de durabilité. |
1.12. |
En vue de formuler des propositions concrètes concernant le programme de travail de la Commission pour 2020, le CESE a tenu compte des orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024 telles que présentées par la présidente élue de la Commission en juillet 2019 (7). |
1.13. |
La nouvelle composition de la Commission, présentée le 10 septembre, reflète les priorités et ambitions exposées dans ces orientations politiques et s’articule autour de la nécessité de faire face aux évolutions climatiques, technologiques et démographiques qui transforment notre manière de vivre et de travailler. |
2. Développer notre assise économique: le modèle européen pour l’avenir — Promouvoir un développement économique soutenu, partagé et durable, un marché unique revitalisé, le plein emploi productif et un travail décent pour tous
2.1. |
La nécessité de définir une nouvelle stratégie économique européenne est manifeste: il s’agit de présenter un discours positif concernant le développement futur de l’économie européenne dans le reste du monde, qui contribuerait à accroître la résilience de l’Union européenne face aux chocs économiques, ainsi que la durabilité, économique, sociale et environnementale, de son modèle d’économie, de manière à restaurer la confiance, la stabilité et une prospérité partagée pour l’ensemble des européens. En s’appuyant sur les progrès accomplis ces dernières années, cette stratégie pourrait jeter les bases d’une intégration économique, budgétaire, financière, sociale et politique plus poussée, qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du marché unique européen et de l’Union économique et monétaire européenne (UEM), comme énoncé à l’article 3 du TUE. |
2.2. |
L’Union européenne ne peut se fonder que sur une stratégie solide sur le plan économique et sur celui de la durabilité sociale et environnementale. La dimension environnementale doit veiller à ce que les «limites planétaires»soient respectées et à ce que les ressources naturelles ne soient pas surexploitées, de sorte qu’une utilisation durable à long terme de ces ressources reste possible et que la biodiversité soit efficacement protégée (8). L’entreprise est un facteur déclenchant du développement sociétal comme environnemental, ainsi qu’un vecteur de compétitivité durable. Les entreprises européennes sont prêtes à jouer leur rôle et à assumer leurs responsabilités, aux côtés des travailleurs et des parties prenantes. L’Europe doit créer un environnement des entreprises apte à préparer ces dernières à un avenir dans lequel les aspects sociaux et environnementaux font partie intégrante du monde des affaires, cet environnement devant offrir des conditions propices aux affaires de manière à permettre aux entreprises de se développer de manière durable et de générer en conséquence une richesse qui sera redistribuée. Cette perspective peut également prendre la forme de plus nombreux emplois de qualité, de perspectives d’emploi améliorées et de droits exécutoires. |
2.3. |
Le marché unique, dans toutes ses dimensions économique, sociale et environnementale, est au cœur de l’intégration européenne et contribue fortement à l’économie sociale de marché européenne. Toutefois, il doit être entièrement complété, revitalisé et actualisé en vue de devenir un marché unique numérique. Il convient de mettre l’accent sur la création de conditions propices au développement de diverses formes d’entreprises (y compris de nouveaux modèles économiques), à la numérisation et à l’innovation, ainsi qu’aux possibilités transfrontières. Son fonctionnement devrait être amélioré et un engagement total en faveur de la poursuite de son intégration devrait être garanti. Le marché unique devrait par conséquent être en mesure de susciter un développement économique et une innovation durables, d’attirer les investissements, de soutenir les entrepreneurs et de renforcer la compétitivité durable de ses entreprises sur des marchés mondialisés. Toutefois, il importe aussi de reconnaître que les effets positifs du marché unique n’ont pas été uniformément répartis et que les citoyens ne sont pas tous en mesure de bénéficier des richesses qu’il crée (9). |
2.4. |
En ce qui concerne les perspectives macroéconomiques, l’incertitude n’a pas diminué. La perspective du retrait britannique de l’Union européenne et les tensions mondiales suscitées par les relations entre les États-Unis et la Chine sont plus que jamais considérées comme étant susceptibles d’entraîner une détérioration du développement économique et de l’emploi dans un avenir proche. D’après les prévisions économiques de l’été 2019 réalisées par la Commission européenne, bien que le taux de chômage global soit bas par rapport aux 20 dernières années, plusieurs pays n’ont pas retrouvé les taux d’emploi qu’ils affichaient avant la crise. Cette année, le taux de croissance du PIB devrait atteindre à peine 1,4 % pour l’Union européenne dans son ensemble et 1,2 % pour la zone euro (10). Le CESE est préoccupé par le fait que les risques de ralentissement qui menacent les perspectives économiques de la zone euro pourraient se transformer en une autre crise socio-économique dans un futur relativement proche, ce qui poserait d’importants problèmes d’ajustement (11). Pour éviter le risque d’une nouvelle récession, il convient d’adopter une orientation budgétaire complète (positive) qui accompagnerait une politique monétaire conçue selon une approche similaire. L’accroissement du budget doit être particulièrement importante dans les États membres qui présentent des excédents considérables dans leur balance des paiements ainsi qu’un solde budgétaire stable ou excédentaire. |
2.5. |
Le PIB ne reflète ni le bien-être de la plupart des citoyens, ni la dégradation de l’environnement et l’épuisement des ressources naturelles. Il est dès lors essentiel de concevoir des mesures de bien-être sociétal et de durabilité reposant sur un ensemble d’indicateurs qui refléteraient mieux l’ampleur réelle de l’incidence économique à long terme de telles mesures. Ne se référer qu’au PIB mènera à la conception de politiques qui ne prennent en compte que leur impact économique. Il est donc nécessaire d’élargir le cadre de référence en incluant des indicateurs sociaux et environnementaux afin de concevoir des réformes réellement durables. Il est essentiel que ces indicateurs soient également compatibles avec les objectifs de développement durable des Nations unies (12). |
2.6. |
Les importantes disparités sociales au sein des États membres et entre eux ainsi que d’une région à l’autre, tout comme les inégalités territoriales entre zones rurales et zones urbaines, restent source de préoccupations considérables. Du point de vue de la richesse, les inégalités sont tout aussi marquées. Dans ce contexte, le CESE se félicite de la priorité consacrée à «l’économie du bien-être»par la présidence finlandaise du Conseil et convient du fait que la réduction des inégalités et des disparités doit constituer une priorité stratégique. Il reconnaît également que le concept d’une économie du bien-être doit être intégré aux futures politiques de l’Union et mérite une place plus centrale au sein du processus décisionnel en matière d’économie durable. |
2.7. |
L’Union est confrontée à une situation géopolitique et économique en mutation rapide, à une polarisation croissante sur le plan social et sociétal, au rôle croissant de la numérisation et de la technologie dans tous les aspects de la vie, ainsi qu’au changement climatique et à d’autres défis environnementaux. Pour traiter ces questions, la transformation industrielle de l’Union est vitale. Elle doit tenir pleinement compte des ODD mondiaux, qui constituent à l’échelle planétaire un cadre essentiel à un développement économique équitable et durable. |
2.8. |
Dans ce contexte, il convient d’accorder une plus grande attention aux questions sociales et d’emploi qui touchent les jeunes, notamment en ce qui concerne la discussion sur l’avenir du travail. Parmi ces problèmes figurent, entre autres, la numérisation, le travail en plateforme, ainsi que la fragmentation et la précarisation du marché du travail, qui frappent tout particulièrement les jeunes. |
2.9. |
Les effets de l’évolution démographique seront à l’origine de quelques-uns des défis les plus prévisibles auxquels notre Union et ses États membres seront confrontés à moyen terme. L’évolution démographique montre que l’Europe devra améliorer l’intégration des femmes, des jeunes travailleurs et des travailleurs âgés, des personnes handicapées et des migrants sur le marché du travail. Il convient d’adopter des politiques du marché du travail plus dynamiques, plus efficaces et plus performantes afin de tirer profit des talents, des compétences et du potentiel entrepreneurial de ces personnes et pour leur offrir également des emplois de qualité. Cette équation devrait inclure des systèmes de protection sociale adéquats ainsi que les mesures nécessaires pour garantir des transitions rapides d’une situation de chômage à un contrat de travail assorti de conditions d’emploi stables. |
2.10. |
L’investissement dans les ressources humaines et la durabilité sociale peut aider à relever ces défis communs. Les améliorations des institutions du marché du travail (c’est-à-dire des politiques du marché du travail actives et un rôle plus efficace des services publics de l’emploi (13)) devraient en principe se traduire par de meilleures conditions économiques et sociales pour un plus grand nombre d’européens. Pour relever les défis susmentionnés, le CESE demande, entre autres, des systèmes de protection sociale plus durables, plus efficaces et plus efficients. À cet égard, l’Union européenne et ses États membres disposent d’une marge d’amélioration de l’efficacité des mesures qu’ils prennent. |
2.11. |
Ces mesures pourraient se concentrer sur l’engagement à mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux. Cet engagement, tel qu’énoncé dans la proclamation interinstitutionnelle, repose, entre autres, sur les principes de croissance durable et de promotion du progrès économique et social, ainsi que sur la cohésion et la convergence, la diversité des systèmes nationaux et le rôle clé des partenaires sociaux (14). |
2.12. |
En outre, l’Union européenne doit jouer un rôle de chef de file dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en reconnaissant, d’une part, que les ressources nationales sont principalement générées par la croissance économique, étayées par un environnement favorable à tous les niveaux et, d’autre part, que l’activité du secteur privé, l’expérience et la créativité des travailleurs, l’investissement et l’innovation sont des moteurs de développement majeurs (15). |
2.13. |
Le dialogue social s’est avéré être un instrument indispensable pour améliorer l’élaboration des politiques et de la législation de l’Union, pour anticiper les effets de la législation ou fournir une solution de remplacement, et pour en renforcer la légitimité sociale. Le dialogue social peut également être un instrument de mise en œuvre du programme pour le développement durable. |
2.14. |
Durant les crises financières et économiques, la Banque centrale européenne (BCE) a joué un rôle stabilisateur. Le CESE propose de consolider le rôle de la BCE en qualité de prêteur en dernier ressort. Nous sommes cependant toujours confrontés à certains phénomènes économiques alarmants, tels qu’un taux d’investissement modeste malgré la politique monétaire relativement expansive ou le fait que les banques déposent des fonds auprès de la BCE même lorsque ceux-ci génèrent des taux d’intérêt négatifs. Du fait qu’il nous est toujours impossible d’exclure la possibilité d’une crise financière ou économique, la prochaine Commission devra déployer des mesures aptes à rendre l’économie de l’Union moins vulnérable et plus résiliente face à de telles crises. En outre, afin d’éviter de futures crises, la prochaine Commission devra mettre en place des mesures de stabilisation des marchés financiers et de renforcement, en particulier, de la demande dans l’économie. Une application stricte des règles budgétaires affaiblit le développement économique, notamment au vu de l’ambiguïté du contexte actuel. Le CESE recommande à nouveau l’application de la règle d’or (16). |
Propositions:
— |
Le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 met en avant 17 objectifs de développement durable que l’Union européenne s’est engagée à atteindre d’ici 2030. Le CESE plaide en faveur d’une stratégie globale de l’Union à l’horizon 2050 en faveur de la durabilité afin de mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, garantie par un budget européen ambitieux, et estime que la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux y contribuera (17).
|
— |
Le CESE estime que les éléments suivants devraient figurer parmi les facteurs clés de résilience dans le cadre d’un programme d’action (28):
|
— |
Il est essentiel de combler le déficit d’investissement public et privé afin d’atteindre les niveaux d’investissement à court terme de 2007 (22,5 % du PIB dans l’Union, contre 20,5 % actuellement; ces chiffres sont toujours nettement inférieurs aux taux enregistrés en Chine ou aux États-Unis). L’une des priorités absolues des politiques budgétaires doit dès lors être de favoriser l’investissement public et privé, ainsi que d’engager un processus de réforme visant à améliorer l’environnement des entreprises. Ces réformes doivent aller de pair avec des réformes destinées à améliorer la qualité de l’emploi, à réduire les niveaux de précarité alarmants et à garantir un niveau élevé de droits sociaux et du travail (29). |
— |
Le CESE estime qu’en établissant des critères de référence et des normes minimales pour une Europe sociale «triple A» (30), la Commission européenne et les États membres devraient convenir d’un ensemble de principes, de définitions et de méthodes communs pour un régime de revenu minimum adéquat à mettre en place dans tous les États membres. Les travaux en cours sur les budgets de référence (31) et le réseau européen sur le revenu minimum (32) servent de base à la Commission européenne et aux États membres pour s’accorder sur des critères communs en vue d’établir ce qui constitue un revenu minimum adéquat permettant de sortir les personnes de la pauvreté et de mener une vie décente compatible avec la dignité humaine. Il conviendrait d’envisager une initiative législative de l’Union européenne dans ce domaine, en consultation avec toutes les parties prenantes. |
— |
Il convient d’investir davantage dans la santé, l’éducation et l’inclusion sociale ainsi que dans l’écologisation de l’économie, notamment aux niveaux local et régional. Pour y parvenir, il est judicieux d’introduire la règle d’or recommandée par le CESE dans plusieurs de ses avis les plus récents: selon cette règle, les dépenses d’investissement, en particulier celles qui promeuvent une croissance durable à long terme, ne devraient pas être prises en compte dans la réalisation des objectifs du pacte de stabilité et de croissance en ce qui concerne le déficit. À condition d’être conjuguée à un processus de réforme, cette disposition permettra de continuer à garantir la viabilité à long terme des finances publiques (33). |
— |
Le CESE prend acte de l’engagement de la présidente élue de la Commission à proposer un instrument juridique qui garantirait à chaque travailleur de l’Union un salaire minimal décent. Il juge utile de fixer des critères qui aident à évaluer l’adéquation des bas salaires afin de prévenir la pauvreté parmi les salariés, notamment en encourageant l’analyse et l’échange de bonnes pratiques grâce aux processus d’apprentissage mutuel disponibles et en instaurant des normes communes pour fixer des salaires minimaux transparents et prévisibles là où ils existent et si les partenaires sociaux le souhaitent (34). |
— |
L’atténuation des disparités sociales, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que les mesures en faveur d’une distribution plus juste de la charge fiscale doivent devenir des priorités politiques pour la prochaine Commission. Le CESE demande par conséquent d’appliquer sans délai les règles adoptées pour lutter contre ces formes de criminalité et pratiques abusives au niveau européen, et d’évaluer la possibilité de mettre en place d’autres mesures plus efficaces incluant aussi des instruments destinés à mettre fin aux activités illicites des paradis fiscaux (35). |
3. Construire un avenir plus vert, plus équitable et plus inclusif — Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre le changement climatique et son impact
3.1. |
Le CESE insiste sur le fait que la protection de l’environnement doit figurer parmi les premières priorités de l’Union européenne, à la lumière de la récente détérioration de la situation environnementale, et que cet objectif devrait être intégré dans toutes les politiques et mesures de l’Union. Le Comité souligne que l’Union européenne devrait veiller à ce qu’une stratégie renouvelée de politique industrielle soit compatible avec la nécessité de prendre des mesures efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, accroître la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique et réaliser des économies d’énergie, en vue de garantir la mise en œuvre intégrale et immédiate des objectifs fixés dans le cadre de l’accord de Paris. En parallèle, l’Union devrait inciter les autres parties à l’accord de Paris à honorer leurs engagements afin de garantir que les entreprises européennes bénéficient de conditions de concurrence équitables. Cette considération devrait également se traduire par un alignement des objectifs de réduction des émissions fixés par l’Union à l’horizon 2030 et à l’horizon 2050. |
3.2. |
L’accélération des changements climatiques, l’effondrement de la diversité biologique, d’autres menaces environnementales et l’incapacité collective à concrétiser des politiques efficaces constituent également des menaces fondamentales pour la population, l’économie et les écosystèmes de l’Europe. De là découle la nécessité d’une stratégie de développement de l’Union européenne globale et solide à l’horizon 2050 pour mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030. L’Union européenne devrait accélérer la transition juste et durable pour atteindre le niveau le plus élevé possible d’approvisionnement en énergie renouvelable. Cette dernière devrait être propre et abordable, et pouvoir être détenue par les communautés et par les citoyens. |
3.3. |
L’Europe doit être un acteur de premier plan dans la lutte pour l’environnement et contre le changement climatique Le CESE salue le fait qu’un redoublement d’efforts en matière d’action pour le climat figure parmi les priorités de l’Union et y restera, comme l’a exposé la présidente élue de la Commission, Mme von der Leyen, dans ses orientations politiques. La viabilité environnementale nécessitera un large éventail de mesures, dont certaines relevant de la politique commerciale. Elle exigera également la mise en œuvre en temps utile de mesures, aux niveaux mondial, européen, national et régional, dans des domaines tels que l’énergie et les transports, la fiscalité, la recherche, la politique industrielle et la politique de concurrence, ainsi que les politiques sociales et de l’emploi. |
3.4. |
D’une manière générale, les projections relatives à l’impact de la mise en œuvre intégrale de l’accord de Paris montrent que la transition vers une économie neutre pour le climat pourrait faire augmenter le PIB de 1,1 % supplémentaire et l’emploi de 0,5 % par rapport à un scénario sans politiques d’action pour le climat. Cela représente 1,2 million d’emplois supplémentaires dans l’Union européenne d’ici 2030, en plus des 12 millions d’emplois déjà attendus (36). À cette fin, il convient de créer des conditions de concurrence équitables à l’échelle internationale, en particulier pour les industries européennes à forte intensité de ressources et d’énergie (37). |
3.5. |
La transition vers une économie circulaire et neutre pour le climat ne sera pas inclusive par défaut car elle implique des coûts et des risques potentiellement importants pour des secteurs spécifiques. Une transition équitable comporte deux dimensions principales: celle des «résultats»(le nouveau paysage socioéconomique et de l’emploi dans une économie décarbonée) et celle du «processus»(comment y parvenir). Le «résultat»devrait être une base industrielle et économique solide, soutenue par un environnement propice aux investissements et un bon fonctionnement des systèmes de travail et d’éducation, aptes à offrir un travail décent pour tous dans une société inclusive, dont la pauvreté serait éradiquée. Le processus, c’est-à-dire la manière d’y parvenir, devrait être fondé sur une transition gérée assortie de politiques économiques significatives et d’un dialogue social et civil à tous les niveaux afin de s’assurer que les charges et les bénéfices sont répartis équitablement et que personne n’est laissé pour compte. Les mesures et réformes nécessaires peuvent avoir un impact considérable sur les personnes et les régions, y compris une importante redistribution de la main-d’œuvre entre les secteurs et les professions et des changements profonds dans les futures exigences en matière de compétences. Une transition durable nécessite des investissements dans des systèmes de protection sociale efficaces et intégrés. En outre, cette action doit être étroitement combinée avec un renforcement substantiel et démocratique de l’Union économique et monétaire. Elle doit aussi bénéficier d’une solide stratégie financière capable de garantir des ressources appropriées pour la transition durable grâce à un nouveau cadre financier pluriannuel ambitieux, à des systèmes fiscaux nationaux durables et équitables ainsi qu’à des investissements publics conséquents aux niveaux national et européen. Dans ce contexte, un bilan de qualité du cadre financier pluriannuel (CFP) est nécessaire. |
3.6. |
Les instruments de l’Union européenne tels que le semestre européen, le FSE et le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), ainsi que le dialogue social européen, peuvent contribuer à une transition équitable en soutenant les entreprises, les travailleurs et les familles qui dépendent de l’emploi dans les secteurs à forte intensité énergétique pendant la période de transition, y compris grâce à la reconversion, la requalification, à des conseils personnalisés de recherche d’emploi et à un éventuel revenu de remplacement. |
3.7. |
Le CESE accueille favorablement les nouvelles lignes directrices relatives à la communication par les entreprises d’informations sur le climat dans le cadre du plan d’action de la Commission pour un financement durable, ainsi que les principales recommandations sur les types d’activités économiques susceptibles de contribuer réellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci (taxinomie) (38). À cet égard, il est crucial de garantir la prévisibilité, la certitude et la clarté du caractère véritablement durable sur le plan environnemental des activités (39). |
Propositions:
— |
Le CESE est favorable à l’élaboration, dans le cadre du dialogue social aux niveaux nationaux et européen appropriés, de mesures adéquates permettant des «transitions justes»et instaurant des dispositions et des actions pour gérer, changer et assurer une protection minimale en cas de réorganisation des lieux de travail ou de licenciements collectifs découlant de ces transitions (qu’elles soient d’ordre technologique, démographique ou liées à la mondialisation, au changement climatique ou à l’économie circulaire), y compris un droit de négociation collective pour anticiper le changement et apporter un soutien aux travailleurs concernés (évolution de la directive sur les licenciements collectifs (40)). |
— |
Une transition juste doit faire partie intégrante du cadre de la politique de développement durable. Les politiques de transition juste devraient être axées sur la correction des effets distributifs négatifs des mesures de politique climatique, mettre l’accent sur la gestion active des transitions sur le marché du travail et aborder également les questions de développement régional. |
— |
Pour relever les défis climatiques et environnementaux, l’Union doit transformer une économie linéaire en une économie circulaire, neutre en carbone, qui garantisse que les cycles soient durables et aussi efficaces que possible (41). |
— |
Selon le CESE, le pacte Finance-Climat devrait embrasser tous les aspects d’une politique de lutte contre le changement climatique: une transition juste (mesures à prendre pour atténuer les effets du changement, mais aussi pour compenser les dommages et pertes) ainsi que des politiques efficaces d’adaptation au changement climatique. Le modèle de l’économie circulaire doit être privilégié le plus possible, et son cadre réglementaire amélioré. Le tout devra être financé par des budgets appropriés, rendus possibles par une réorientation des investissements actuels (fléchage vert) et par de nouvelles sources de financement accessibles (42). |
— |
Le pacte requiert la mise en place d’un cadre d’intervention européen clair et prévisible, sur le long terme, en vue de sécuriser la planification des investissements. Ce cadre devra s’accompagner d’une réflexion active sur différentes options politiques telles que des mécanismes d’ajustement aux frontières, par exemple la taxe carbone aux frontières, afin d’éviter les fuites de carbone (43), pour les produits qui ne seraient pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales (44). |
— |
Une fois la taxinomie de la durabilité (45) adoptée et pleinement mise en œuvre, il conviendra de tenir compte de la nécessité d’éventuelles mesures législatives supplémentaires, s’il y a lieu et sur la base d’une analyse d’impact solide. Dans ce contexte, le CESE renvoie à ses deux avis sur le Pacte de financement européen pour le climat (46) et sur le plan d’action de la Commission «Financer la croissance durable» (47). |
— |
Les investissements, tant publics que privés, dans l’économie neutre en carbone doivent être intensifiés afin d’atteindre les objectifs renforcés de réduction des émissions que s’est fixé l’Union à l’horizon 2030 et un changement radical sera nécessaire pour parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, conformément aux objectifs de Paris. La faiblesse persistante de l’activité d’investissement dans les énergies renouvelables en Europe contraste également avec le niveau élevé des subventions en faveur des combustibles fossiles ou préjudiciables à l’environnement qui subsistent dans les États membres. Le problème ne se limite pas au sous-investissement: l’affectation des ressources présente elle aussi des dysfonctionnements. Des objectifs stratégiques clairs et un cadre politique plus cohérent sont nécessaires pour inverser ces tendances négatives. En tout état de cause, la fin de l’ère des combustibles fossiles en Europe doit s’accompagner des investissements nécessaires à la protection de ses travailleurs, à la création de nouveaux emplois et au soutien du développement local. Il est important de négocier les processus de transition avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile et de les inscrire dans un cadre de transparence et de politiques de communication efficaces. |
— |
Les émissions de CO2 devraient être taxées à l’échelle de l’Union européenne d’une manière équitable sur le plan social, en faisant payer les pollueurs et en soutenant les investissements dans des énergies propres abordables. La taxation de l’énergie peut étayer la transition vers une énergie propre et contribuer à une croissance durable et socialement équitable. |
— |
L’un des plus grands risques pour la santé dans l’Union européenne est la pollution atmosphérique, qui provoque quelque 400 000 décès prématurés par an. Lutter contre la pollution atmosphérique au moyen de mesures en matière de climat est une occasion de susciter un soutien populaire et politique en faveur des politiques de lutte contre le changement climatique. |
— |
Lutter contre la précarité énergétique et la pauvreté hydrique, garantir un approvisionnement en denrées alimentaires accessibles, saines et de bonne qualité, assurer la sécurité des produits et mettre fin à l’exposition préjudiciable aux produits chimiques toxiques. Une vaste gamme de mesures, en ce qui concerne la politique agricole de l’Union européenne notamment, devrait contribuer à répondre aux nouvelles exigences de la société, notamment des modes de production durables, une meilleure alimentation, une réduction du gaspillage alimentaire, un meilleur bien-être animal, la protection du climat et la préservation de la biodiversité. |
— |
L’Union devrait soutenir les efforts déployés par les pays partenaires pour supprimer progressivement les subventions nuisibles pour l’environnement afin de les aider à mettre en œuvre le programme à l’horizon 2030 et l’accord de Paris sur le changement climatique. |
— |
La politique commerciale de l’Union européenne doit être compatible avec le programme à l’horizon 2030 et avec l’accord de Paris. Les dispositions en vigueur concernant les chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords doivent être appliquées de manière efficace. |
4. Protéger les citoyens et les libertés — Paix, justice et institutions fortes
4.1. |
L’Union européenne apporte la paix, la stabilité et la prospérité dans toute l’Europe et au-delà, en dépit des nombreux défis internes et externes auxquels elle est confrontée. L’Union européenne défend résolument ses principes en matière de démocratie, d’état de droit et de droits fondamentaux. Ils guident nos politiques et favorisent un sentiment d’appartenance, en s’appuyant sur notre culture commune. La démocratie doit être respectée en Europe et promue à l’étranger. L’engagement civique, la responsabilité publique et une équité, une transparence et une inclusivité accrues des processus décisionnels doivent être promus à tous les niveaux. |
4.2. |
L’Union européenne a besoin de sociétés ouvertes et dynamiques, dans lesquelles les individus jouissent de droits égaux et peuvent vivre à l’abri de toute discrimination et dans le plein respect de leur vie privée et de leur sécurité. La diversité culturelle enrichit l’Europe et ses citoyens. La diversité fait partie de l’identité et de la force de l’Europe. |
4.3. |
L’Europe est confrontée à des défis majeurs. Ils doivent être relevés et débattus dans une perspective européenne et non uniquement dans une perspective nationale, dans le plein respect des dispositions énoncées aux articles 10 et 11 du traité UE. Pour cette raison, la démocratie européenne doit renforcer la dimension transnationale de ses objectifs et défis, tout en promouvant une citoyenneté européenne fondée sur les valeurs communes dans l’Union européenne. Elle nécessite davantage d’éducation institutionnelle européenne, un cadre sociétal délibératif plus participatif ainsi qu’un accent plus européen. |
4.4. |
Les évolutions démographiques montrent que l’Europe aura besoin de migrants, de leurs talents, de leurs compétences et de leur potentiel entrepreneurial. Il est aussi urgent que nécessaire de changer les discours et les politiques en matière de migration fondées sur une coopération plus étroite avec les pays tiers, afin de s’assurer du caractère rationnel et factuel du débat. Les réfugiés et les migrants doivent être perçus non pas comme une menace, mais bien comme une chance pour le modèle économique et social européen. À cette fin, il nous faut une approche et une stratégie d’ensemble en matière de migration, y compris en ce qui concerne la migration légale. |
Propositions:
— |
L’Union européenne a besoin d’un mécanisme global et exécutoire lui permettant de surveiller de manière régulière l’état de la démocratie et l’état de droit dans tous les pays de l’Union. |
— |
Les médias libres et indépendants et la société civile doivent être soutenus et autorisés à jouer le rôle qui leur revient dans une démocratie. |
— |
La politique des consommateurs est proche de l’intérêt du public et donc susceptible d’influencer l’engagement des citoyens à l’égard du processus d’intégration de l’Union. Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les droits des consommateurs soient appliqués et respectés dans le cadre du processus REFIT, ainsi que dans le monde numérique et en ce qui concerne la sécurité des produits et des services. La Commission devrait renforcer les mesures visant à éradiquer la précarité énergétique et la pauvreté, et améliorer l’accès à l’alimentation et aux services pour tous les européens. Elle devrait également promouvoir les droits des consommateurs à l’information, à l’éducation et à la participation, et celui de s’organiser de manière que leurs intérêts soient représentés lors de l’élaboration des réglementations qui les concernent. |
— |
Il convient que la Commission achève son réexamen des principaux instruments juridiques et non juridiques de la politique européenne relative aux consommateurs, en tant que politique de citoyenneté à caractère transversal et horizontal, et qu’elle présente un nouveau plan d’action pour assurer la protection et la défense des consommateurs dans les dix prochaines années. |
— |
En outre, et compte tenu du fait que l’accès aux services d’intérêt général (SIG) est un élément essentiel de la justice sociale et s’appuie sur le principe de l’égalité de traitement des utilisateurs, interdisant toute forme de discrimination ou d’exclusion, le CESE demande que la notion d’accès universel aux SIG soit clarifiée et que des mesures législatives soient mises en place pour contraindre les États membres à établir des indicateurs d’accès (48). |
— |
La Commission devrait présenter un programme européen de lutte contre la discrimination fondée sur les motifs définis à l’article 19 du traité de Lisbonne. Elle devrait en outre prendre des mesures concrètes pour débloquer et réviser la directive sur la mise en œuvre du principe de légalité de traitement, et se pencher sur les conditions des enfants, des femmes, des personnes handicapées et des personnes âgées se trouvant dans des situations vulnérables ainsi que sur les nouvelles formes de vulnérabilité. Le CESE recommande à la Commission de prendre en urgence, dès le début de son mandat, des mesures à ce sujet. |
— |
La Commission devrait déployer des initiatives spécifiques, conformément aux recommandations du comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, et mettre en œuvre la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées dans ses politiques et programmes extérieurs, notamment en lançant une carte européenne d’invalidité reconnue dans tous les États membres. En 2020, l’Union devrait présenter sa proposition de programme européen concernant les droits des personnes handicapées pour la période 2020-2030 et faire de l’année 2023 l’Année européenne des droits des personnes handicapées. |
— |
Le CESE encourage également la Commission à soutenir les activités des établissements d’enseignement à tous les niveaux afin d’aider les étudiants à faire la distinction entre fausses informations et faits scientifiques. |
— |
L’Union européenne doit améliorer ses politiques et ses actions afin de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes en mettant en œuvre un programme d’action porteur de transformation et mesurable pour l’égalité de genre, dans le cadre d’une stratégie quinquennale intégrée et ambitieuse de l’Union pour l’égalité de genre. Cette stratégie devrait inclure l’élimination des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, non seulement au moyen d’un outil spécifique qui renforce la transparence des entreprises en matière de politiques salariales et leurs stratégies visant à combler les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, mais aussi en agissant dans tous les domaines mentionnées dans le plan d’action pour remédier à ces écarts de rémunération. En outre, l’Union européenne doit garantir que toutes les personnes confrontées à des discriminations multiples bénéficient de l’égalité des chances dans la société. |
— |
Le CESE souligne la nécessité urgente d’aider et d’intégrer les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il invite la Commission à entreprendre sans délai une réforme efficace du régime d’asile européen commun qui soit respectueuse des droits de l’homme, et préconise la mise en place d’un système véritablement commun pour tous les États membres. Il recommande également que des progrès soient réalisés en matière de réinstallation des réfugiés et d’obtention des visas par ces derniers afin de répondre aux besoins réels. Le Comité invite la Commission à redoubler d’efforts pour contrôler et faciliter la mise en œuvre de l’accord de répartition des réfugiés entre les États membres. |
— |
En outre, il plaide en faveur du respect des droits de l’homme et du droit international dans le cadre de la révision des accords de partenariat avec les pays tiers de transit et d’origine des flux migratoires, ainsi qu’en faveur du développement d’instruments financiers visant à s’attaquer aux causes profondes de la migration. |
— |
La coopération avec les pays partenaires est essentielle pour s’attaquer aux causes profondes des migrations, aider les réfugiés, gérer les flux migratoires mixtes, lutter contre le trafic de migrants et mener à bien les actions de retour et de réadmission. Pour fournir une assistance efficace aux personnes dans leur pays d’origine, il est nécessaire de coordonner les instruments humanitaires, politiques et de développement. |
— |
L’Union européenne devrait adopter des politiques et des mesures qui visent une migration sûre, structurée et régulière et qui renforcent l’inclusion et la cohésion sociale. L’Union européenne devrait réglementer le statut des «déplacés environnementaux» et œuvrer en coordination plus étroite avec l’OIT pour ce qui touche à la migration de main d’œuvre et aux programmes d’intégration (49). |
— |
Le CESE demande des voies sûres et légales pour les réfugiés lorsqu’ils viennent dans l’Union européenne. Il convient d’adopter une approche coordonnée entre tous les États membres et les parties prenantes, européennes et nationales, et fondée sur une responsabilité partagée, une répartition équitable, la convergence et le respect des droits fondamentaux, afin d’inclure davantage de possibilités de regroupement familial, de relocalisation et de réinstallation. |
5. Promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe dans le monde — Renforcer les moyens de mise en œuvre et revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable
5.1. |
Dans un monde de plus en plus fracturé et multipolaire, l’Union européenne doit renforcer sa position afin de garantir sa prospérité, sa sécurité et ses valeurs. Comme l’a souligné la stratégie globale de juin 2016, l’Europe doit jouer un rôle de premier plan dans le monde en soutenant fermement et de manière cohérente l’ordre mondial multilatéral fondé sur des règles et articulé autour des Nations unies. L’Union européenne devrait promouvoir une gouvernance mondiale fondée sur les valeurs fondamentales que sont l’économie sociale de marché, les droits de l’homme, l’état de droit, le développement durable, le multilatéralisme et le respect du droit humanitaire international. |
5.2. |
L’Union européenne devrait également accorder la priorité au développement de relations étroites avec des voisins proches, sur la base d’un équilibre clair de droits et obligations. Une référence à la politique de voisinage et à la politique de développement de l’Union, qui figurent parmi les priorités de cette dernière, pourrait être incluse, tout comme une mention du fait que l’Union est le premier donateur au monde. La société civile devrait participer au contrôle de ces politiques. |
5.3. |
L’Union doit préserver la dynamique du processus d’élargissement et poursuivre les négociations et les programmes d’adhésion engagés avec les pays des Balkans occidentaux. |
5.4. |
La politique commerciale de l’Union européenne est un facteur crucial qui concerne l’Union européenne dans son ensemble et qui unit dans les faits l’ensemble de ses États membres. La politique commerciale a aidé l’Union européenne à accroître sa prospérité grâce à des échanges commerciaux avec un large éventail de partenaires. Dans le même temps, l’Union européenne incarne et promeut, au moyen du commerce, les valeurs d’inclusion sociale et de protection de l’environnement qui sont essentielles pour créer une mondialisation durable; en d’autres termes, une forme de mondialisation qui ne profitera pas uniquement aux grandes entreprises et aux investisseurs mais aussi aux citoyens ordinaires, aux travailleurs, aux agriculteurs, aux consommateurs, à l’artisanat, aux professions libérales ainsi qu’aux PME, et plus particulièrement aux micro-entreprises. Le commerce est également un outil important pour soutenir la politique de l’Union européenne à l’égard des pays en développement, dans la mesure où il contribue à passer d’une approche de développement à une approche de partenariat, en particulier avec l’Afrique. |
5.5. |
L’Europe a besoin d’une politique fiscale juste et moderne, adaptée aux défis de l’économie numérique et assurant des conditions de concurrence équitables pour les géants de l’internet, les plateformes de commerce en ligne et les entreprises locales. La lutte contre l’évasion, la fraude et l’évitement fiscaux nécessitera une coopération plus poussée au niveau international et entre les autorités fiscales nationales. |
Propositions:
— |
Le CESE réclame tout spécialement une action ambitieuse en matière de politique commerciale aux trois niveaux unilatéral, bilatéral et multilatéral, à savoir une politique qui crée de la croissance et des emplois de qualité dans l’Union européenne tout en promouvant à l’échelle mondiale une politique commerciale fondée sur des règles. |
— |
L’Union, en collaboration avec la société civile européenne, y compris les entreprises, doit également promouvoir activement le plein respect des droits de l’homme lors de la négociation d’accords commerciaux. En outre, les conventions de l’OIT doivent être respectées. Les accords en question devraient être soumis à un contrôle démocratique garantissant la participation appropriée de la société civile, et une feuille de route contenant des engagements fermes devrait être envisagée dans le cas où les conventions de l’OIT ne seraient pas correctement ratifiées ou mises en œuvre (50). |
— |
L’Union européenne doit également inclure un engagement ferme par rapport à l’accord de Paris et à la Convention sur la diversité biologique, afin de mettre en place de véritables clauses sociales, environnementales et de protection des consommateurs dans chaque accord commercial (tous les partenaires commerciaux potentiels de l’Europe seraient concernés, dès lors que 195 des 197 membres des Nations unies sont signataires de l’accord). La tarification du carbone à l’échelle mondiale est également une option à analyser plus en profondeur, notamment pour les industries européennes des ressources et de l’énergie (51). Il convient de promouvoir une telle tarification, sous réserve qu’elle soit conçue conformément aux règles de l’Union et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (52). Une taxe carbone aux frontières pourrait contribuer à la réalisation de cet objectif. |
— |
Le CESE encourage la Commission à renforcer son dialogue avec la société civile en vue d’améliorer le fonctionnement des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux actuels et futurs. Il invite instamment la Commission à se montrer plus ambitieuse, notamment en vue de renforcer le caractère concrètement exécutoire des engagements inclus dans les chapitres relatifs au commerce et au développement durable (53). Dans tous les accords commerciaux à venir, l’Union doit également défendre les normes les plus élevées en matière de droits de l’homme, de protection des consommateurs et de droits des travailleurs. En outre, les conventions de l’OIT doivent être respectées. Ces accords devraient faire l’objet d’un contrôle démocratique garantissant la participation appropriée de la société civile. |
— |
Le CESE soutient une fiscalité juste et la lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale, le blanchiment des capitaux et les pratiques financières des paradis fiscaux; les institutions, les gouvernements et les entreprises de l’Union européenne doivent se donner pour objectif commun d’œuvrer de concert afin de mettre sur pied des mécanismes efficaces à cette fin, tels que les deux directives relatives à la lutte contre l’évitement fiscal. |
— |
L’Union européenne doit coopérer avec les autres grandes zones économiques pour lutter efficacement contre la corruption et l’évasion fiscale dans le monde entier et pour faire en sorte que les règles internationales en matière d’imposition des sociétés soient claires, transparentes, objectives et prévisibles. |
— |
Les nouveaux modèles commerciaux utilisant les plates-formes en ligne et d’autres outils numériques ont eu pour conséquence que les entreprises s’appuient moins sur leur présence physique dans un État donné. Le CESE estime qu’il est très important d’élaborer de nouveaux principes quant à la manière d’affecter les bénéfices des entreprises à un pays de l’Union européenne et de les taxer, et ce dans le cadre d’un dialogue avec les partenaires commerciaux, et de prendre activement part aux discussions en cours au niveau de l’OCDE et du G20 sur un accord mondial sur l’économie numérique, afin d’éviter toute escalade des tensions commerciales et fiscales entre les principaux acteurs économiques dans le monde (54). |
6. Mettre en œuvre les priorités au moyen d’une gouvernance forte et d’un budget de l’Union européenne plus solide
6.1. |
L’évolution des économies et du monde du travail, les changements climatiques et les mutations géopolitiques façonnent déjà notre Union et joueront un rôle de premier plan pour notre avenir. L’Union a besoin d’une nouvelle approche de gouvernance et, lorsque cela s’avère nécessaire, de règles et d’instruments nouveaux pour la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne. Le développement durable requiert une approche globale et transsectorielle des politiques pour veiller à une prise en compte collective des défis économiques, sociaux et environnementaux. |
6.2. |
Le CESE souligne que l’Union doit relever ces défis grâce à un engagement politique fort et une intégration politique améliorée et renforcée, dans le plein respect et par la promotion des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des principes démocratiques et au moyen d’une démarche collective; |
6.3. |
Le CESE souligne que la crise financière et économique a créé un déséquilibre entre les principales institutions de l’Union. Cela nécessite de nouvelles formes de gouvernance et de gestion au niveau de l’Union européenne. Le rôle du Parlement européen doit être renforcé afin de promouvoir une plus grande responsabilité démocratique. |
6.4. |
La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et des ODD exige une base budgétaire solide, un environnement économique favorable et des investissements publics et privés. Les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel devraient viser à garantir un financement adéquat des politiques sociales, environnementales et de l’emploi, ainsi que des investissements productifs. |
6.5. |
Pour consolider la dimension climatique du prochain CFP, il serait judicieux de commencer par élever à 40 % l’objectif d’intégration de la question du changement climatique dans l’ensemble de ce cadre, comme le requiert le CESE. Il conviendrait, pour cela, d’ajuster en conséquence tous les objectifs sectoriels relatifs au climat et d’en faire des objectifs juridiquement contraignants. La Commission et le Parlement devraient en outre unir leurs efforts pour garantir que l’architecture écologique de la nouvelle politique agricole commune (PAC), soutenue par le principe de conditionnalité et par des programmes pour le climat et l’environnement, sera appliquée de manière efficace d’un point de vue environnemental, l’objectif étant d’éliminer progressivement le soutien de l’Union aux projets néfastes pour le climat et d’améliorer les méthodes de suivi de l’évolution climatique. D’importantes ressources devraient par ailleurs être mises à disposition librement afin de soutenir les individus et les territoires les plus durement touchés par la transition énergétique. Il convient pour cela de créer de nouveaux instruments ou de réformer ceux qui existent déjà. |
6.6. |
L’unanimité exigée par le traité pour certaines questions fondamentales constitue un obstacle presque insurmontable lors de prises de décisions cruciales et à certains moments importants; le Comité préconise dès lors, pour les procédures de prise de décisions, l’application du principe du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil et, pour la législation, l’utilisation de la procédure législative ordinaire dans tous les domaines où cela est possible. Le CESE rappelle qu’en vertu des traités en vigueur, ce changement peut être concrétisé au moyen des différentes clauses passerelles ou, en cas de coopération renforcée, au moyen de l’article 333 du traité FUE (55). |
Propositions:
— |
Promouvoir l’importance de la coopération au niveau interinstitutionnel, tout en respectant les prérogatives de chacune des institutions inscrites dans les traités, cette coopération ayant été dotée d’un nouveau cadre dans l’accord interinstitutionnel du 13 avril 2016«Mieux légiférer». Le CESE est d’avis qu’il devrait être associé à cette démarche afin de veiller à ce que les points de vue de toutes les parties prenantes concernées soient pris en compte et, à terme, de faciliter la participation des citoyens aux travaux de l’Union européenne. |
— |
Le recours aux outils de la Commission européenne destinés à améliorer la réglementation est un autre moyen de renforcer l’intégration du développement durable dans les politiques européennes. Toutes les analyses d’impact de la Commission doivent évaluer les incidences environnementales, climatiques, sociales et économiques, de manière à tenir dûment compte du développement durable et de l’intégrer. Des évaluations ex post doivent également analyser chacune de ces trois dimensions dans le cadre d’une approche intégrée solide. Les consultations des partenaires sociaux sont également nécessaires, en respectant les dispositions du traité qui prévoient une consultation spécifique des travailleurs et de l’encadrement dans le contexte de la législation sur les questions sociales (article 154, paragraphe 2); des consultations du Comité économique et social européen, du Comité européen des régions et des parlements nationaux constituent une autre composante de la boîte à outils pour une meilleure réglementation pour satisfaire les exigences d’inclusivité qui se trouvent au centre du programme à l’horizon 2030 (56). |
— |
Le CESE est fermement convaincu que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 proposé n’est pas adapté pour faire face aux nouveaux défis énoncés dans le programme stratégique 2019-2024 du Conseil européen et dans les orientations politiques de la prochaine Commission européenne 2019-2024. Le CESE propose une augmentation des financements afin: i) que les États membres mettent en œuvre la déclaration de Göteborg sur le socle européen des droits sociaux pour stimuler la création d’emplois de qualité dans le cadre d’un développement économique durable; ii) de mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030; et iii) de mettre en œuvre l’accord de Paris en promouvant des transitions justes vers des sociétés vertes et numérisées. |
— |
Le CESE soutient la proposition qui prévoit de conditionner l’octroi de fonds de l’Union aux États membres au respect du principe de l’état de droit, l’un des piliers fondamentaux des valeurs de l’Union en vertu de l’article 2 du traité sur l’Union européenne (traité UE). Il estime en outre que cette conditionnalité pourrait être étendue aux autres principes relatifs à l’état de droit qui figurent dans les traités européens (57). |
— |
Les projets à soutenir, qui seront conformes aux objectifs de développement durable des Nations unies et qui requièrent de gros moyens en matière d’innovation et de recherche et développement (R&D), devront être mis en œuvre au moyen d’un instrument qui permette de visualiser les différentes sources de financement (dont le futur CFP) et moyennant différentes actions (58), à savoir:
|
7. Le CESE en tant que guide et facilitateur de la participation de la société civile aux affaires de l’Union — Responsabiliser, associer et consulter la société civile
7.1. |
La promotion de la durabilité dans toutes ses dimensions — économique, sociale et environnementale — requiert un effort et un engagement considérables de la part de tous les acteurs concernés. Un débat démocratique ouvert, fondé sur la participation structurée de la société civile, a un rôle central à jouer pour rendre la transition équitable et efficace. Des questions majeures concernant les «résultats», la manière d’y parvenir et de en sorte que le partage des charges et des bénéfices soit juste et que personne ne soit laissé pour compte, doivent être abordées de manière ouverte et transparente. |
7.2. |
Le CESE souligne le rôle essentiel des organisations de la société civile dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques à tous les stades et à tous les niveaux, et notamment à l’échelon local. Une telle ambition requiert un changement culturel et une reconnaissance, au niveau de l’Union européenne et à celui des États membres, de la valeur de la société civile, laquelle est déjà consacrée à l’article 11 du TUE, qui prévoit que les institutions européennes promeuvent et facilitent le dialogue civil horizontal et vertical, procèdent à de larges consultations et jettent les bases des initiatives citoyennes européennes. Ces processus complémentaires se jouent sans préjudice de la consultation du CESE et du dialogue social. |
7.3. |
La société civile a la capacité de refléter des intérêts réellement très différents et parfois divergents, et d’en informer les décideurs. Le CESE est un très bon exemple de ce processus, et il est pleinement déterminé à continuer de jouer son rôle: faciliter le dialogue et construire des ponts au sein de la société civile et vers les autres institutions européennes. |
Propositions:
— |
Le CESE étant l’institution qui représente la société civile au niveau de l’Union, son rôle devrait être considérablement renforcé et largement exploité pour orienter et faciliter la participation et la consultation de la société civile dans les affaires de l’Union. Le Comité devrait donc participer activement à la préparation et à la tenue de la conférence sur l’avenir de l’Europe, qui a été annoncée par Ursula von der Leyen dans son programme pour l’Europe et devrait débuter en 2020. |
— |
Le CESE suit de près les dialogues structurés et les forums consultatifs (par exemple la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire ou le forum européen sur la migration) qui rassemblent et impliquent les organisations de la société civile et d’autres acteurs des institutions européennes et des États membres, et y participe activement. Lors de la mise sur pied de plateformes telles que la plateforme REFIT, la Commission devrait envisager la représentation du CESE en vertu du mandat que lui confèrent les traités et veiller à refléter, dans ce contexte, la composition du Comité sous la forme de ses trois groupes. |
— |
Le CESE fait observer qu’il n’existe à l’échelon de l’Union européenne aucune participation structurée des organisations de la société civile au processus de suivi de la mise en œuvre de la politique de cohésion. Il recommande donc vivement à la Commission de mettre en place un forum européen de la société civile en matière de cohésion (60) auquel participeraient des organisations d’employeurs et de travailleurs et d’autres organisations de la société civile concernées. |
— |
Lors de la création de portails internet visant à recueillir les avis du public, et comprenant dès lors à la fois des organisations et des particuliers, la Commission devrait établir une distinction entre les contributions des organisations de la société civile et celles des particuliers. À cette fin, elle devrait procéder à une cartographie des parties prenantes en coopération avec le CESE, afin d’identifier des groupes cibles représentatifs et équilibrés d’un point de vue géographique, en s’appuyant sur le registre de transparence. En outre, la Commission devrait veiller à ce que les réponses apportées soient assorties d’une pondération quantitative et qualitative. Elle devrait par ailleurs œuvrer constamment à l’amélioration de ces consultations du point de vue de la transparence, de l’accessibilité, du retour d’information et de la responsabilité envers les participants. |
— |
Afin de développer une approche plus stratégique de ces pratiques, en les plaçant sur une base institutionnelle et représentative plus structurée, la Commission devrait travailler en étroite collaboration avec le CESE et demander un avis exploratoire sur la manière dont le dialogue civil pourrait être organisé de manière efficace et permanente, en vue d’élaborer une communication spécifique de la Commission sur ce thème. |
— |
Il convient d’améliorer l’efficacité de l’Initiative citoyenne européenne et d’explorer de nouvelles pistes, telles que l’utilisation d’outils numériques, afin d’accroître l’engagement des jeunes et des personnes issues de groupes vulnérables en particulier. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Étude du PE sur les «Tendances mondiales d’ici 2035»(Global Trends to 2035) et rapport du système européen d’analyse stratégique et politique (ESPAS) intitulé Global Trends to 2030: Challenges and Choices for Europe («Tendances mondiales d’ici 2030: défis et choix pour l’Europe»), du 9 avril 2019.
(2) Supporting the Sustainable Development Goals across the world: The 2019 Joint Synthesis Report of the European Union and its Member States («Soutenir les objectifs de développement durable dans le monde: rapport de synthèse conjoint 2019 de l’Union européenne et de ses États membres») du 16 mai 2019.
(3) Déclaration ministérielle: Déclaration de Silésie sur la solidarité et la transition juste, adoptée lors du sommet des dirigeants tenu dans le cadre de la 24e conférence des parties (COP24) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le 3 décembre 2018 à Katowice (Pologne).
(4) Avis du CESE du 26 septembre 2019 sur le document de réflexion «Vers une Europe durable à l’horizon 2030»(non encore paru au Journal officiel).
(5) Avis du CESE du 13 mars 2019«Être à l’écoute des citoyens de l’Europe pour un avenir durable (Sibiu et au-delà)»(JO C 228 du 5.7.2019, p. 37).
(6) Avis du CESE du 25 janvier 2017 sur le «Socle européen des droits sociaux»(JO C 125 du 21.4.2017, p. 10).
(7) Une Union plus ambitieuse — Mon programme pour l’Europe — Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024.
(8) Décision no 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 «Bien vivre, dans les limites de notre planète»(JO L 354 du 28.12.2013, p. 171).
(9) Voir note de bas de page no 5.
(10) Prévisions économiques de l’été 2019, Commission européenne: https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-performance-and-forecasts/economic-forecasts/summer-2019-economic-forecast-growth-clouded-external-factors_en
(11) Avis du CESE du 24 janvier 2019 sur la «Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro (JO C 159 du 10.5.2019, p. 49).
(12) Rapport de l’OCDE du 1er mars 2019 intitulé Going beyond GDP: Measuring What Counts for Economic and Social Performance («Voir au-delà du PIB: mesurer ce qui compte pour la performance économique et sociale») et avis du CESE sur «Le PIB et au-delà — L’implication de la société civile dans le processus de sélection d’indicateurs complémentaires»(JO C 181 du 21.6.2012, p. 14).
(13) Avis du CESE du 17 juillet 2019 sur «Le nouveau rôle des services publics de l’emploi (SPE) dans le contexte de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux»(JO C 353 du 18.10.2019, p. 46).
(14) «Proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux»(JO C 428 du 13.12.2017, p. 10).
(15) Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015: Transformer notre monde: le programme de développement durable à l’horizon 2030.
(16) Voir en particulier l’avis du CESE du 24 janvier 2019 sur la «Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro»(JO C 159 du 10.5.2019, p. 49) et les avis du 14 février 2018 sur le thème «Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’UE»(JO C 227 du 28.6.2018, p. 1), du 18 janvier 2018 sur la «Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro»(JO C 197 du 8.6.2018, p. 33), du 10 juillet 2013 sur le «Livre vert sur le financement à long terme de l’économie européenne»(JO C 327 du 12.11.2013, p. 11), du 26 mars 2014 sur «L’impact de l’investissement social sur l’emploi et les budgets publics»(JO C 226 du 16.7.2014, p. 21), du 14 avril 2018 sur «Le financement du socle européen des droits sociaux»(JO C 262 du 25.7.2018, p. 1) et du 20 février 2019 sur l’«Examen annuel de la croissance 2019 — Pour une Europe plus forte dans un contexte d’incertitude à l’échelle mondiale»(JO C 190 du 5.6.2019, p. 24).
(17) Voir note de bas de page no 5.
(18) Avis du CESE du 17 octobre 2018 sur «Le Fonds social européen plus»(FSE+) (JO C 62 du 15.2.2019, p. 165).
(19) Voir note en bas de page no 5.
(20) Avis du CESE du 17 octobre 2018 sur «Le pacte européen “finance-climat”»(JO C 62 du 15.2.2019, p. 8).
(21) Voir note de bas de page no 5.
(22) Rapport de la commission mondiale de l’OIT sur l’avenir du travail, publié le 22 janvier 2019 et intitulé «Travailler pour bâtir un avenir meilleur». Ce rapport intègre la santé et la sécurité à la garantie universelle pour les travailleurs.
(23) Avis du CESE du 25 septembre 2019 — «Aperçu des coûts et des avantages des investissements dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail (SST)»(non encore paru au Journal officiel)
(24) Rapport 2019 sur l’évolution de l’emploi et de la situation sociale en Europe. Examen trimestriel du 26 mars 2019.
(25) Avis du CESE du 25 septembre 2019 sur «Le socle européen des droits sociaux — Évaluation des premières mesures de mise en œuvre et recommandations pour l’avenir»(non encore paru au JO).
(26) Avis du CESE du 21 septembre 2017 sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — une stratégie pour 2050»(JO C 81 du 2.3.2018, p. 44).
(27) Voir note de bas de page no 5.
(28) Avis du CESE intitulé «Vers une économie européenne plus résiliente et durable»(JO C 353 du 18.10.2019, p. 23).
(29) Voir note de bas de page no 11.
(30) Avis du CESE sur le thème «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum»(JO C 190 du 5.6.2019, p. 1).
(31) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1092&intPageId=2312&langId=fr
(32) https://emin-eu.net/what-is-emin/
(33) Voir note de bas de page no 16.
(34) Voir note de bas de page no 25.
(35) Voir note de bas de page no 11.
(36) Eurofound (2019): Future of manufacturing —- Energy scenario: Employment implications of the Paris Climate Agreement («L’avenir de l’industrie manufacturière — Impact sur l’emploi de l’accord de Paris sur le climat»), rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) de février 2019.
(37) Avis du CESE du 17 juillet 2019 sur le thème «Réconciliation des politiques climatique et énergétique: le point de vue du secteur de l’industrie»(JO C 353 du 18.10.2019, p. 59).
(38) Communication de la Commission du 18 juin 2019«Lignes directrices sur l’information non financière: supplément relatif aux informations en rapport avec le climat».
(39) Avis du CESE du 17 octobre 2018 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables»[COM(2018) 353 final — 2018/0178 (COD)] et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne les indices de référence correspondant à une faible intensité de carbone et les indices de référence correspondant à un bilan carbone positif [COM(2018) 355 final — 2018/0180 (COD)]»(JO C 62 du 15.2.2019, p. 103).
(40) Voir note de bas de page no 25.
(41) Voir note de bas de page no 5.
(42) Voir note de bas de page no 19.
(43) Voir note de bas de page no 7.
(44) Voir note de bas de page no 19.
(45) Voir note de bas de page no 38.
(46) Voir note de bas de page no 19.
(47) Avis du 17 octobre 2018 sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée “Plan d’action: financer la croissance durable”»[COM(2018) 97 final] (JO C 62 du 15.2.2019, p. 73).
(48) Avis du CESE du 19 juin 2019 — «Pour une meilleure mise en œuvre du socle des droits sociaux et la promotion des services essentiels»(JO C 282 du 20.8.2019, p. 7).
(49) Voir note de bas de page no 5.
(50) Avis du CESE du 14 février 2018 sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne»(JO C 227 du 26.8.2018, p. 27).
(51) Avis du CESE du 17 juillet 2019 sur le thème «Réconciliation des politiques climatique et énergétique: le point de vue du secteur de l’industrie»(JO C 353 du 18.10.2019, p. 59).
(52) Voir la note de bas de page no 19.
(53) Avis du CESE du 14 février 2018 sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’UE»(JO C 227 du 28.6.2018, p. 27).
(54) Avis du CESE du 12 juillet 2018 sur «L’imposition des bénéfices des multinationales dans l’économie numérique»(JO C 367 du 10.10.2018, p. 73).
(55) Avis du CESE du 17 septembre 2015 sur le thème «Améliorer le fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne»(JO C 13 du 15.1.2016, p. 183).
(56) Voir note de bas de page no 5.
(57) Avis du CESE du 19 septembre 2018 sur le «Cadre financier pluriannuel 2021-2027»(JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).
(58) Voir note de bas de page no 19.
(59) Voir note de bas de page no 19.
(60) Avis du CESE du 17 octobre 2018 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen plus (FSE+)»(JO C 62 du 15.2.2019, p. 90).
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/15 |
Résolution sur l’ «Ouverture de négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie: la crédibilité et les intérêts géostratégiques de l’Union européenne doivent être préservés»
(2020/C 47/02)
Lors de sa session plénière des 30 et 31 octobre 2019 (séance du 31 octobre), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 174 voix pour, 12 voix contre et 15 abstentions.
1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) est profondément déçu par la décision prise par les dirigeants de l’Union européenne, lors du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2019, de reporter encore l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie, faute d’unanimité parmi les États membres. |
2. |
Le CESE déplore vivement que n’aient pas été respectés les engagements pris à l’égard de ces deux pays. En effet, les conclusions du Conseil européen du 28 juin 2018, dans lesquelles avaient été approuvées les conclusions sur l’élargissement et le processus de stabilisation et d’association adoptées par le Conseil le 26 juin 2018, avaient clairement ouvert la voie à l’ouverture, en juin 2019, de négociations d’adhésion. Le 18 juin 2019, le Conseil européen avait déjà décidé de revenir, au plus tard en octobre 2019, sur la question relative aux recommandations de la Commission d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. |
3. |
Le CESE souligne que l’absence de décision, pour la deuxième fois, concernant l’ouverture de négociations d’adhésion avec ces deux pays qui ont rempli toutes les conditions requises (1) constitue une faute géostratégique et historique, et qu’elle met en péril la crédibilité et la fiabilité de l’Union européenne. L’Union avait l’occasion d’ouvrir des négociations en appliquant des conditions rigoureuses en matière de bonne gouvernance, en insistant sur la stricte application des critères d’adhésion lors du processus de négociation et en concevant de meilleurs instruments pour contrôler l’état de droit après l’adhésion. |
4. |
Le CESE est convaincu que le processus consistant à «européaniser» cette région requiert des réformes structurelles difficiles dans les pays des Balkans occidentaux. |
5. |
Il ne doute pas qu’il existe parmi les citoyens européens de certains États membres un sentiment répandu de lassitude à l’égard des élargissements. Il ne doute pas que les clivages au sein de l’Union sur des questions telles que l’immigration et le nouveau budget ont détourné l’attention politique qu’il eût fallu porter à la politique d’élargissement. On ne saurait toutefois faire abstraction du consensus politique et du large soutien du public, aussi bien en Macédoine du Nord qu’en Albanie, en faveur de l’adhésion à l’Union européenne. |
6. |
Dans les Balkans occidentaux, les jeunes nourrissent de fortes attentes à l’égard de l’Union européenne, et nous ne devrions pas les décevoir. Le CESE est convaincu que nous devrions leur offrir une perspective positive pour leur avenir, en leur permettant de vivre dans une région stable et prospère. |
7. |
Les organisations de la société civile sont fermement convaincues que les Balkans occidentaux sont une région géostratégique clé pour l’Europe, située dans notre voisinage immédiat, cependant que d’autres acteurs mondiaux portent sur elle un regard intéressé. |
8. |
Lors du septième forum de la société civile des Balkans occidentaux organisé sous l’auspice du CESE à Tirana, les 16 et 17 avril 2019, les organisations de la société civile ont rappelé, dans leur déclaration finale, que l’élargissement de l’Union européenne, et en particulier la diffusion de ses valeurs démocratiques et de ses normes juridiques dans les Balkans occidentaux, est profitable tant à cette région qu’à l’Union, en dépit des multiples défis auxquels celle-ci est actuellement confrontée (2). |
9. |
Le CESE a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation face au rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile dans un certain nombre de pays des Balkans occidentaux, et il a demandé d’encourager les autorités des pays de cette région à redoubler d’efforts pour assurer le respect de l’état de droit, les droits fondamentaux de l’homme, la réforme du système judiciaire, la lutte contre la corruption et les discriminations, l’indépendance des journalistes et la liberté de la presse, autant de valeurs fondamentales de l’Union européenne que chacun de ses États membres doit respecter. Il s’impose de vivement encourager et promouvoir le dialogue social ainsi que le rôle des partenaires sociaux et des organisations de la société civile dans le développement économique et social. |
10. |
Le CESE continuera à œuvrer de près et intensément auprès de la société civile dans les Balkans occidentaux, afin de la soutenir et de la rassurer quant au fait que sa place est dans l’Union européenne. Nous ferons tout notre possible pour promouvoir la réconciliation et les valeurs européennes dans la région, et notre position concernant l’élargissement de l’Union demeurera ferme. Nous sommes convaincus qu’une perspective claire concernant l’adhésion à l’Union est essentielle pour la stabilité de la région, et nous formons le vœu que l’élargissement demeurera l’une des priorités de l’Union en dépit des multiples défis auxquels elle est actuellement confrontée (3). |
11. |
Pour notre part, et dans le cadre des activités que nous menons régulièrement au côté de nos partenaires de la région — comités consultatifs mixtes avec le Monténégro et la Serbie, forums de la société civile des Balkans occidentaux et conférences de la société civile à haut niveau organisées en amont des sommets Union européenne-Balkans occidentaux —, nous continuerons de porter la parole de la société civile des Balkans occidentaux et de lui servir de relais après des institutions de l’Union et des gouvernements de la région. |
12. |
Le CESE fait part de sa plus grande satisfaction à l’égard de la résolution adoptée par le Parlement européen le 24 octobre 2019, et il réaffirme son plein engagement à soutenir le Parlement européen et la prochaine Commission européenne en vue de renforcer la politique d’élargissement de l’Union et d’améliorer la palette d’outils dont celle-ci dispose pour s’entretenir avec les Balkans occidentaux. |
13. |
Le CESE invite instamment toutes les parties prenantes à prendre toutes les mesures nécessaires pour que le Conseil européen adopte une décision unanime et positive avant le sommet Union européenne-Balkans occidentaux qui se déroulera à Zagreb en mai 2020. Nous invitons également la future présidence croate du Conseil de l’Union européenne à insuffler un nouvel élan au processus d’élargissement lors de ce sommet. |
Bruxelles, le 31 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Conclusions du Conseil de juin 2018.
(2) Septième forum de la société civile des Balkans occidentaux, déclaration finale: https://www.eesc.europa.eu/fr/agenda/our-events/events/7th-western-balkans-civil-society-forum/final-declarations
(3) https://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/files/eesc-2019-01754-00-01-decl-tra-fr.docx
AVIS
Comité économique et social européen
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/17 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Les chaînes de blocs et le marché unique européen: et ensuite?»
(avis d’initiative)
(2020/C 47/03)
Rapporteure: Ariane RODERT
Corapporteur: Gonçalo LOBO XAVIER
Décision de l’assemblée plénière |
21.2.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Section Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
18.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
182/1/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le présent avis s’intéresse essentiellement aux chaînes de blocs en tant que technologie. Une fois appliquée, cette technologie peut se révéler être une force de transformation positive dans de nombreux secteurs de la société, engendrant des valeurs telles que la confiance et la transparence, la démocratie et la sécurité. Enfin, elle peut contribuer à réinventer des modèles socio-économiques, et ainsi soutenir l’innovation sociétale dont nous avons besoin pour relever les défis de la société d’aujourd’hui. Toutefois, la question des cryptomonnaies étant très débattue, le CESE (Comité économique et social européen) devrait consacrer à ces instruments, dans un avenir proche, un avis séparé qui porterait notamment sur le risque de blanchiment de capitaux et/ou de fraude fiscale. |
1.2. |
La société recueille déjà les fruits de l’application des chaînes de blocs. Cette technologie contribue à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), offre aux citoyens des moyens d’agir, stimule l’esprit d’entreprise et l’innovation et améliore la mobilité et les perspectives transfrontières des entreprises, tout en accroissant la transparence pour les consommateurs. Les chaînes de blocs permettent également de réduire l’évasion et la corruption fiscales et de développer des services à la fois publics et privés. Toutefois, il reste plusieurs difficultés à surmonter, en particulier la question urgente concernant la manière de garantir la clarté et la sécurité juridiques ainsi que la protection de la vie privée. |
1.3. |
Bien que les institutions européennes aient réexaminé dans une certaine mesure les chaînes de blocs, une approche européenne commune reste nécessaire. Forte des résultats obtenus à ce jour, l’Union européenne dispose d’une occasion unique de maintenir sa position dominante sur le marché mondial, mais uniquement si elle agit immédiatement. |
1.4. |
Le CESE demande par conséquent à la Commission européenne de lancer une initiative globale relative aux chaînes de blocs définissant une approche et une vision européennes communes s’articulant autour des objectifs de développement durable. Cette initiative devrait être complétée par un plan d’action pour que l’Europe devienne le point de référence pour les chaînes de blocs dans le monde entier. Le partenariat européen existant pour les chaînes de blocs et l’observatoire et forum des chaînes de blocs devraient être renforcés par la création d’une plateforme européenne des parties prenantes dans le domaine des chaînes de blocs réunissant des représentants des institutions de l’Union européenne, y compris le CESE et le CdR, l’industrie, les consommateurs, les États membres et le monde universitaire, entre autres, afin de fournir un espace d’apprentissage et de renforcement des capacités communs, un réseau de réseaux et le partage de bonnes pratiques. |
1.5. |
Le CESE peut participer activement à l’organisation d’une telle «plateforme» et garantir la transparence, l’inclusion, la collaboration et la participation de la société civile organisée. |
2. Introduction
2.1. |
La technologie des chaînes de blocs et la technologie des registres distribués ont le potentiel de transformer la société. Une chaîne de blocs est une structure mathématique permettant de stocker des données d’une façon qui limite la corruption et les fausses données. Cette technologie apporte une nouvelle manière de créer la confiance nécessaire pour échanger en toute sécurité quelque chose ayant de la valeur. Les chaînes de blocs sont considérées comme une nouvelle phase de l’ère de l’internet davantage porteuse de transformation, mais il convient de noter qu’il s’agit de l’une de nombreuses nouvelles possibilités technologiques. |
2.2. |
Le présent avis s’intéresse essentiellement aux chaînes de blocs en tant que technologie susceptible d’être appliquée à toute une série de domaines et d’industries tels que l’énergie, la finance, l’alimentation et l’agriculture, la médecine et les soins de santé, les élections et la gouvernance. Le présent avis porte essentiellement sur cet aspect et, en particulier, sur le lien entre les chaînes de blocs et le marché unique de l’Union européenne. Pour peu qu’elle soit correctement appliquée, la technologie des chaînes de blocs est en mesure de transformer des concepts comme la concurrence et la gouvernance et, ce faisant, de répondre aux défis et aux transitions auxquels la société est confrontée. Toutefois, la question des cryptomonnaies étant très débattue, le CESE devrait consacrer à ces instruments, dans un avenir proche, un avis séparé qui porterait notamment sur le risque de blanchiment de capitaux et/ou de fraude fiscale. |
2.3. |
Selon le récent avis du CESE sur «La technologie des chaînes de blocs et des registres distribués: une infrastructure idéale pour l’économie sociale» (1), la chaîne de blocs constitue «à la fois un code, c’est-à-dire un protocole de communication, et un registre public dans lequel toutes les transactions entre les participants au réseau sont «consignées les unes après les autres suivant un ordre séquentiel, avec un degré élevé de transparence et sans modification possible». Cette définition est complétée par le point de vue de la Commission européenne selon lequel «la chaîne de blocs est une technologie visant à promouvoir la confiance des utilisateurs. Elle permet de partager des informations en ligne, de conclure des accords et d»enregistrer les transactions de manière vérifiable, sûre et permanente» (2). |
2.4. |
Les institutions de l’Union européenne ont déjà pris des mesures pour soutenir le développement des chaînes de blocs. En 2017, le service de recherche du Parlement européen (EPRS) a publié un rapport intitulé «Comment la technologie de la chaîne de blocs pourrait changer nos vies» (3) et, en 2018, la Commission européenne a lancé l’observatoire et forum des chaînes de blocs (4). Il s’agit d’accélérer l’innovation et le développement des chaînes de blocs afin que l’Europe conserve sa position de chef de file mondial dans cette nouvelle technologie transformatrice. |
2.5. |
Une étape a été franchie en avril 2018, lorsque la Commission européenne, en collaboration avec 21 États membres et la Norvège, a signé une déclaration en vue de créer un partenariat européen des chaînes de blocs (European Blockchain Partnership — EBP) et de coopérer pour mettre en place l’infrastructure européenne de services de chaînes de blocs (European Blockchain Services Infrastructure — EBSI) (5). Le but est de soutenir les services publics numériques transfrontières grâce aux normes de sécurité et de respect de la vie privée les plus élevées. Depuis lors, 27 États membres ont rejoint le partenariat. |
2.6. |
En 2018, le Parlement européen a adopté une résolution non législative sur les technologies des registres distribués et les chaînes de blocs (6), qui met l’accent sur l’occasion pour l’Union européenne de devenir «le chef de file mondial» et d’être un «acteur crédible» lorsqu’il s’agit de façonner le développement des marchés au niveau mondial et dans tous les secteurs, et fait observer que l’Union européenne se trouve actuellement à la pointe du développement et de la mise en œuvre des chaînes de blocs, comparé aux États-Unis et à la Chine (7). |
3. Chaînes de blocs — Perspectives pour le marché unique et l’Union européenne
3.1. |
Même si la technologie des chaînes de blocs est un phénomène relativement nouveau, de nombreuses possibilités apparaissent déjà dans le cadre du marché unique. |
3.2. |
Les chaînes de blocs contribuent à la réalisation des ODD. La conception et la proposition de valeur (8) des chaînes de blocs reposent sur la confiance, l’ouverture et la transparence, ce qui est mis en évidence dans le contexte de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies (9). |
3.3. |
Quelques exemples (10):
En outre, les chaînes de blocs contribuent à la réalisation de nombreux autres ODD tels que l’égalité des chances, les droits l’homme liés aux données à caractère personnel, le travail décent et la croissance économique, la participation démocratique, etc. |
3.4. |
Renforcer l’autonomie des citoyens. Les chaînes de blocs sont susceptibles de rendre le pouvoir de l’information aux personnes qui les détiennent. En partageant les données de manière transparente et en réduisant la nécessité d’avoir des intermédiaires, les chaînes de blocs peuvent renforcer la position des acteurs qui étaient auparavant vulnérables par rapport aux entités centralisées. |
3.5. |
Stimuler l’esprit d’entreprise et l’innovation. Grâce à leur mode de fonctionnement collaboratif et consensuel, les chaînes de blocs font apparaître des solutions innovantes et suscitent la création de nouvelles entreprises fondées sur la durabilité économique, environnementale et sociale. L’inclusion que permettent les chaînes de blocs offre un fondement pour l’économie des plateformes et d’autres nouveaux modèles d’entreprise, ainsi que pour l’économie sociale comme déjà indiqué par le CESE. |
3.6. |
Améliorer la mobilité et les perspectives transfrontalières des entreprises, tout en protégeant les consommateurs: en réduisant au minimum les obstacles au commerce dans l’Union européenne et dans le monde, tout en garantissant la sûreté et la sécurité des paiements et des transactions dans le cadre du processus d’échange. Les conditions de marché et l’accès aux biens et aux services dans l’Union européenne s’en trouveront améliorés, tandis que la protection de la vie privée des consommateurs, de la confidentialité et du partage d’informations sera assurée (11). |
3.7. |
Soutenir le portail numérique unique. Le portail numérique unique introduit le principe de la transmission unique d’informations («une fois pour toutes»), ce qui signifie que les données ne peuvent être introduites dans la plateforme qu’une seule fois. Le développement de l’infrastructure européenne de services de chaînes de blocs (EBSI), qui dépend de la mise en œuvre du principe d’«une fois pour toutes», peut ainsi servir d’outil et de catalyseur pour un marché unique efficace, résilient et durable. |
3.8. |
Développer les services publics et privés dans des chaînes de blocs permet de bénéficier des effets positifs considérables de la transformation numérique de l’économie de l’Union européenne et de la société dans son ensemble. Quatre cas d’utilisation (12) sont en cours de préparation dans le cadre de l’infrastructure européenne de services de chaînes de blocs (EBSI): la notarisation et l’authentification, les diplômes, l’identité autonome européenne, la fiscalité et l’échange de données fiables. Au niveau des États membres, les avantages économiques sont obtenus grâce à l’accès direct aux marchés, avec des coûts intermédiaires nuls ou réduits au minimum, ce qui permet de transférer la valeur réelle aux consommateurs. Ce développement peut être amélioré par des niveaux élevés de sécurité et de sûreté pour les consommateurs grâce à la traçabilité dans les chaînes de blocs et à la cocréation participative de biens et de services. En outre, les systèmes de vote fondés sur la technologie des chaînes de blocs sont à même de protéger l’enregistrement et l’identification des électeurs et de fournir un système de vote solide et contrôlable. |
3.9. |
Créer et vérifier l’identité numérique des particuliers et des organisations. En combinant les principes décentralisés des chaînes de blocs, d’une part, et la vérification d’identité et la cryptographie, d’autre part, il est possible de créer et d’attribuer une identité numérique à chaque transaction en ligne. Cela présente plusieurs avantages pour les consommateurs, les entreprises et les régulateurs. L’identité numérique sur les chaînes de blocs permet la reconnaissance mutuelle et l’exécution d’opérations au moyen d’un code de contrat intelligent qui simplifie également la création d’entreprises. Ces identités numériques et ces signatures électroniques doivent suivre la voie tracée par le règlement eIDAS; elles devraient également garantir l’interopérabilité et la compatibilité. |
3.10. |
Limiter les violations de données à caractère personnel. Les risques de violation de données peuvent être atténués ou évités grâce au déploiement responsable des structures de données des chaînes de blocs. Les données sensibles seront ainsi protégées, tout en garantissant la sécurité de la transmission des données afin de préserver le droit des personnes au respect de la confidentialité et de la vie privée. Une manière d’y parvenir serait d’éviter de stocker ouvertement des données privées sur les chaînes de blocs. Les données privées pourraient plutôt être stockées hors chaîne et échangées uniquement selon les besoins et dans les communications entre pairs. |
3.11. |
Veiller aux processus de normalisation qui sont une condition de l’interopérabilité transfrontalière et de la mise en œuvre des chaînes de blocs. Certains de ces processus ont à présent été testés et examinés par les régulateurs, mais, comme dans le cas de toute innovation, il importe de veiller à un équilibre entre les initiatives de normalisation et la création d’un environnement propice à l’exploration complète des possibilités offertes par cette technologie. |
3.12. |
En outre, il faudrait consentir des efforts pour harmoniser les normes cryptographiques entre les chaînes de blocs et les autres technologies liées au système eIDAS (13), de manière à créer de nouveaux niveaux d’interopérabilité entre les modèles technologiques actuels et futurs. Cela permettrait de répondre au risque de développement de «silos» de chaînes de blocs. En réalité, une feuille de route pour la normalisation a été présentée par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) pour la période allant jusqu’en 2020, qui inclut l’examen de la normalisation de domaines tels que la terminologie, la taxinomie, la vérification de l’identité, l’interopérabilité, la gouvernance, la sécurité et la protection de la vie privée, les cas d’utilisation et les contrats intelligents. |
3.13. |
Améliorer la transparence grâce aux contrats intelligents. Les solutions basées sur les chaînes de blocs créent la transparence par la décentralisation, ce qui permet aux parties participantes de voir et de vérifier des données. Les «contrats intelligents» (14) en sont un exemple. |
3.14. |
Limiter la fraude et l’évasion fiscales. Le marché unique européen est en mesure de renforcer le commerce électronique, tout en réduisant aux minimum les effets externes négatifs liés aux échanges internationaux d’aujourd’hui. Les systèmes de traitement fiscal utilisant les chaînes de blocs peuvent garantir une plus grande transparence à la fois pour le contribuable et pour le gouvernement. Les chaînes de blocs sont à même de limiter l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent en renforçant l’imputabilité des transactions et la responsabilité des opérations et, partant, d’accroître la compétitivité du marché unique de l’Union européenne. La Commission pourrait lancer une étude sur la manière dont les chaînes de blocs peuvent apporter leur contribution dans ce domaine. |
3.15. |
Créer de nouveaux modèles de financement tels que le financement participatif, les offres initiales de jetons (OIJ), qui sont des concepts de levée de fonds universelle (sur le plan géographique et démographique) par l’émission d’une monnaie propre au projet et dotée d’un mécanisme d’évaluation spécial. Il s’agit de l’aboutissement de la tendance du financement participatif. |
3.16. |
Réinventer des modèles socio-économiques. Le retour au pouvoir des individus est de nature à réinventer la société. Si le principal atout des chaînes de blocs est de résoudre le problème de la confiance entre les personnes sans passer par un tiers, elles permettent également de créer de nouveaux types de gouvernance et de relations fondées sur la transparence des interactions. À l’instar de tout changement sociétal, il convient de veiller à se protéger contre l’émergence de structures conduisant à des abus, tout en laissant une marge de manœuvre pour l’expérimentation qui pourrait présenter des avantages majeurs pour l’humanité. En outre, les technologies et les réseaux de chaînes de blocs devraient éviter de créer un fossé entre ceux qui les contrôlent ou qui ont les moyens de les utiliser et ceux qui n’y ont accès que par l’intermédiaire de modèles contrôlés par de grandes entreprises. Le soutien et le renforcement d’organisations telles que les coopératives, qui présentent des modèles de gouvernance ouverts et démocratiques, en vue de développer les entreprises utilisant les chaînes de blocs, sont essentiels pour garantir le succès des chaînes de blocs auprès des PME et des organisations de plus petite taille. |
4. Les chaînes de blocs: quelques problèmes à aborder
4.1. |
Pour exploiter pleinement le potentiel des chaînes de blocs sur le marché unique et au bénéfice des sociétés européennes, plusieurs problèmes doivent être abordées, parmi lesquels la priorité réside dans l’incertitude juridique actuelle. Si certaines solutions réglementaires pour les cryptomonnaies et les OIJ existent, les cadres législatifs restent obscurs en ce qui concerne la conception du système et dans les domaines où la technologie des chaînes de blocs est appliquée, ce qui se traduit par une approche fragmentée au niveau des États membres. En l’absence d’une initiative européenne conjointe en faveur de la sécurité et de la clarté juridiques dans l’ensemble de l’Union, les perspectives transfrontières seront limitées. Les cas d’utilisation et les sas réglementaires pour certains types de services et d’usages pourraient constituer une première étape pour appréhender les futures exigences légales. L’expérience de l’Union en matière d’élaboration de réglementations et de politiques complexes et transfrontières peut constituer un atout en ce qui concerne la future réglementation relative aux chaînes de blocs. |
4.2. |
La protection de la vie privée est essentielle. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) (15) a été adopté pour traiter les questions les plus urgentes relatives aux données. Toutefois, au moment où le RGPD était en cours d’élaboration, la technologie des chaînes de blocs était encore largement méconnue; il est donc nécessaire de réexaminer les conflits potentiels entre le RGPD et les chaînes de blocs. Le CESE invite la Commission à se pencher sur le RGPD et à proposer des modifications et des orientations concernant la relation entre ce règlement et les chaînes de blocs. |
4.3. |
La distinction juridique entre les données anonymisées et les données pseudonymisées réside dans la qualification des données à caractère personnel. Les données pseudonymes permettent toujours une certaine forme de réidentification (même indirecte ou éloignée), tandis que les données anonymes ne peuvent pas être réidentifiées. Alors que dans la chaîne de blocs autorisée, la pseudonymisation est considérée comme une solution pour les relations qui sont facilitées par la technologie des chaînes de blocs, l’anonymisation reste un obstacle réglementaire à un recours plus large aux chaînes de blocs non autorisées, qui peut être surmonté au moyen de solutions liées à l’identité numérique et intégrées dans les restrictions réglementaires. |
4.4. |
Le mécanisme de consensus de la «preuve de travail» est très énergivore. Cette importante question de durabilité environnementale peut être résolue avec la mise en place d’un autre mécanisme de consensus, celui de «la preuve d’enjeu». Il existe déjà des solutions qui doivent être partagées et pleinement appliquées (16). |
4.5. |
Un autre défi technique réside dans l’interopérabilité entre différentes plateformes de chaînes de blocs. Des chaînes de blocs différentes peuvent être incompatibles en raison du risque encourus par les parties qui doivent échanger des données. Une autre préoccupation concerne la compatibilité entre les plateformes de chaînes de blocs et les systèmes publics existants, qui empêche les pouvoir publics de passer de leurs plateformes existantes à une interopérabilité fondée sur les chaînes de blocs. Garantir l’interopérabilité devrait être une priorité dans un avenir proche pour les développeurs de chaînes de blocs, afin de permettre leur adoption massive. |
4.6. |
Le taux d’utilisation des chaînes de blocs dépend de leur adoption par les différentes formes d’entreprises, les PME étant majoritaires dans l’Union européenne. Actuellement, les coûts de transaction sont souvent prohibitifs et rendent les services techniques et consultatifs inaccessibles aux PME. Il est essentiel de soutenir la création de nouveaux réseaux de chaînes de blocs, tels que les coopératives, pour garantir un accès équitable aux PME et à d’autres entités de plus petite taille, ce qui permettra d’améliorer la gouvernance démocratique. |
4.7. |
Comme dans le cas de toutes les technologies de rupture, il convient d’aborder les défis sociaux. Il est absolument indispensable d’informer correctement le grand public sur les technologies de rupture. Elles ont un impact réel sur la vie quotidienne des citoyens et il convient d’y réfléchir attentivement, ce qui rend le dialogue civil et social essentiel. Le CESE continuera d’acquérir des connaissances et d’apporter le point de vue de la société civile organisée concernant les prochaines étapes du développement des chaînes de blocs. |
4.8. |
Il est essentiel de comprendre et de vérifier pleinement la manière dont la technologie des chaînes de blocs influe sur la protection et les droits des consommateurs. Il convient de clarifier les relations entre, par exemple, la confidentialité et la vie privée protégées par la législation (par exemple, la législation de l’Union européenne sur la protection des données), par la réglementation (confidentialité des clients) ou par contrat (confidentialité commerciale). |
4.9. |
Comme pour toute nouvelle technologie et tous les modèles d’entreprise fondés sur la technologie, il serait approprié et pertinent d’analyser les effets et les retombées potentielles sur l’emploi, les conditions de travail, les droits et la protection des travailleurs, ainsi que le dialogue social. L’analyse devrait également évaluer les effets sur les organisations intermédiaires. Les compétences dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques seront probablement de plus en plus importantes pour les industries utilisant les chaînes de blocs. Compte tenu du manque de compréhension généralisée du fonctionnement et des limites potentielles des chaînes de blocs, le CESE plaide en faveur d’un apprentissage tout au long de la vie qui permette aux citoyens d’acquérir des compétences, de les accroître et de se reconvertir afin de mieux exploiter les possibilités offertes par les chaînes de blocs et de relever leurs défis. |
5. La voie à suivre
5.1. |
Bien que les institutions de l’Union européenne aient réexaminé dans une certaine mesure les chaînes de blocs, il n’existe toujours pas d’approche globale et commune au niveau de l’Union européenne. Au vu des résultats obtenus à ce jour, l’Union européenne dispose d’une occasion unique de maintenir sa position dominante sur le marché mondial, mais uniquement si elle agit dès maintenant. |
5.2. |
Le développement des chaînes de blocs reste très fragmenté dans l’ensemble des États membres. Par conséquent, le CESE invite instamment les institutions de l’Union européenne à apporter de la clarté et à dégager un consensus pour libérer tout le potentiel des chaînes de blocs au bénéfice de l’Europe. Une première étape pour la Commission consiste à lancer une communication sur le développement des chaînes de blocs et de la technologie des registres distribués, fondée sur les principes des chaînes de blocs (17), afin d’exprimer une volonté politique, une appropriation et d’exposer une vision et un plan d’action en vue de créer un environnement propice. Cette initiative devrait être complétée par le rétablissement de l’intergroupe du Parlement européen sur la numérisation, qui devrait aborder la question des chaînes de blocs et de la technologie des registres distribués. |
5.3. |
La vision commune de l’Union européenne pourrait viser à faire de l’Europe un continent pilote dans le monde, reposant sur les chaînes de blocs, ce qui garantirait la compétitivité de l’Union européenne tout en lui permettant de développer sa propre approche de la numérisation articulée autour des ODD, avec le soutien d’initiatives publiques pilotes et de programmes aux niveaux des États membres et de l’Union européenne. |
5.4. |
Maintenant que le partenariat européen pour les chaînes de blocs et l’observatoire et forum des chaînes de blocs sont opérationnels, il est temps à présent de passer à l’étape suivante de cette initiative en créant une plateforme européenne des parties prenantes dans le domaine des chaînes de blocs réunissant des représentants des institutions de l’Union européenne, y compris le CESE et le CdR, l’industrie, les consommateurs, la société civile, les États membres, le monde universitaire, etc. Cette plateforme devrait également être ouverte à tous les citoyens de l’Union afin qu’ils puissent coopérer et faire partie du projet des chaînes de blocs. |
5.5. |
Cette plateforme offrirait un espace pour l’apprentissage et le renforcement des capacités communs, mais permettrait également de rassembler les parties prenantes, agissant comme un réseau des réseaux, de fournir des lieux de rencontre et de partager les bonnes pratiques. Le CESE est bien placé et dispose de l’expérience nécessaire pour participer activement à l’organisation d’une telle «plateforme» et garantir la transparence, l’inclusion, la collaboration et la participation de la société civile organisée, en s’appuyant sur des initiatives similaires existantes (18). |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 353 du 18.10.2019, p. 1.
(2) https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/blockchain-technologies
(3) http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2017/581948/EPRS_IDA(2017)581948_FR.pdf
(4) https://www.eublockchainforum.eu/
(5) https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/european-countries-join-blockchain-partnership
(6) http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2018-0373_FR.html
(7) Pour la seule année 2018, les financements autour des offres initiales de jetons (OIJ) en Europe se sont élevés à environ 4,1 milliards USD, soit près du double des 2,3 milliards USD levés par l’Asie jusqu’à présent, et nettement plus que les 2,6 milliards USD levés aux États-Unis. https://www.newsbtc.com/2018/10/16/europe-surpasses-us-and-asia-in-cryptocurrency-token-sales/
(8) La proposition de valeur sociale des chaînes de blocs renvoie à l’identité autonome (authentification, autorisation), à la confiance et à la transparence, à la démocratie, à l’immuabilité et au principe de désintermédiation.
(9) https://blockchain4sdg.com/how-blockchains-can-tackle-the-un-sustainable-development-goals/
(10) UN/CEFACT, ECE/TRADE/C/CEFACT/2019/INF.3: Blockchain in trade facilitation: sectoral challenges and examples (Le rôle des chaînes de blocs dans la facilitation du commerce: enjeux sectoriels et exemples), http://www.unece.org/fileadmin/DAM/cefact/cf_plenary/2019_plenary/CEFACT_2019_INF03.pdf
(11) La confidentialité fait référence à la protection des données échangées entre une entité (par exemple, un particulier ou une organisation) et une partie autorisée contre des tiers non autorisés. Le respect de la vie privée concerne la protection contre l’intrusion dans l’identité personnelle et les transactions personnelles.
(12) https://ec.europa.eu/cefdigital/wiki/display/CEFDIGITAL/EBSI
(13) Comme les signatures et horodatages électroniques, en utilisant les algorithmes cryptographiques compatibles actuels.
(14) Il s’agit de clauses contractuelles à exécution automatique qui sont stockées sur la chaîne de blocs, que personne ne contrôle, et auxquelles tout le monde peut donc se fier. Il s’agit, par exemple, de la compensation et du règlement des transactions, des bons de cadeaux/de fidélité, des dossiers médicaux électroniques, de la distribution de droits d’auteur, de la provenance des produits, de transactions entre pairs, de prêts, d’assurances, de crédits énergétiques et de votes.
(15) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1); https://gdpr-info.eu/
(16) www.tolar.io, une chaîne de blocs à faible consommation d’énergie.
(17) Les principes des chaînes de blocs sont: l’identité autonome — l’authentification, l’autorisation, la traçabilité, l’immuabilité, la démocratie, la désintermédiation.
(18) La plateforme européenne de l’économie circulaire, par exemple, est une initiative conjointe entreprise avec la Commission; le Comité est également actif au sein du groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle et du groupe d’experts de la Commission sur l’entrepreneuriat social.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/23 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Veiller à la participation de tous à la transition des secteurs vers une industrie ferroviaire numérisée»
(avis d’initiative)
(2020/C 47/04)
Rapporteur: Alberto MAZZOLA
Corapporteur: Guy GREIVELDING
Décision de l’assemblée plénière |
21.2.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) |
Adoption par la CCMI |
2.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
202/0/5 |
1. Recommandations
1.1. |
La numérisation contribue à accroître l’efficacité et la commodité du transport ferroviaire pour les voyageurs comme pour les marchandises, mais elle expose également les systèmes de chemins de fer à des risques de cybersécurité. Par conséquent, le CESE recommande de renforcer la coopération entre l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (AFE). |
1.2. |
Le CESE estime qu’il convient d’accélérer résolument le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), clé de voûte de la stratégie numérique de l’Union relative aux chemins de fer. Une initiative spécifique de la Commission, appuyée par un engagement budgétaire fort de l’Union, un soutien concret de la part des États membres et un apport important de capitaux privés (InvestEU), devra servir à réaliser les investissements nécessaires, lesquels s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros. |
1.3. |
Le CESE encourage le secteur du transport ferroviaire à concevoir, en coopération avec les autres modes de transport public, un cadre complet et interopérable de mobilité à la demande (Mobility-as-a-Service — MaaS), garantissant, en ce qu’il représente un service d’intérêt général, prix abordable et accessibilité de la mobilité et des transports publics à tous les citoyens, ainsi qu’à mettre en place un cadre informatique ouvert et «prêt à l’emploi» (plug and play) destiné à la distribution de billets multimodaux en Europe. Le rail pourrait constituer l’épine dorsale du développement de l’aspect «mobilité» d’une identité numérique européenne. |
1.4. |
Le CESE invite la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), la Communauté des chemins de fer européens (CCFE) et l’Association européenne des gestionnaires d’infrastructure ferroviaire (EIM), dans le cadre du dialogue social européen, à mettre en place un dialogue transparent et volontariste, par exemple sous la forme d’une «feuille de route numérique», ainsi qu’à lancer des initiatives conjointes afin de repérer et d’anticiper les effets de l’automatisation et de la numérisation, et de maintenir un haut niveau d’emploi et de garanties sociales dans le cadre d’une transition socialement juste. |
1.5. |
Le CESE plaide en faveur de la création d’un régulateur ferroviaire européen pour accompagner le développement du marché unique ferroviaire de l’Union, qui couvre également les aspects numériques. |
2. Introduction
Le système européen de mobilité et de transport est en train de prendre le virage de l’écologie et de la numérisation.
Les chaînes logistiques se transformeront à mesure que les nouvelles technologies faciliteront l’intégration numérique de différents modes de transport, fourniront un flux d’informations plus dense sur la circulation et le suivi, amélioreront l’accès des passagers aux services et à l’information, rendront plus efficace l’utilisation des capacités d’infrastructure et augmenteront le degré de prévisibilité des délais.
La numérisation permettra également d’accroître la quantité de données disponibles pour les entreprises ferroviaires: l’utilisation de ces données, dans le plein respect des règles relatives à la protection de la vie privée et à la propriété des données, ouvrira des perspectives pour de nouvelles initiatives entrepreneuriales.
3. La nécessité d’assurer la transition des chemins de fer vers le numérique
3.1. Le secteur ferroviaire, partie intégrante du marché unique numérique en Europe
La connectivité est l’un des fondements de la pleine réalisation du marché unique numérique européen et de la numérisation des chemins de fer.
Elle est également requise, à un haut degré, pour fournir des informations fiables, telles que les horaires des trains, la disponibilité des billets, les planificateurs de voyage, les données relatives aux terminaux de fret, etc. Compte tenu de l’amélioration de la qualité des services et de la maintenance qui en découlerait, l’attente qu’elle suscite auprès des clients et du personnel est particulièrement forte.
La poursuite de la numérisation des chemins de fer dépend d’une bonne coopération, aussi bien entre les différents secteurs ferroviaires qu’avec les acteurs des télécommunications. Les nouveaux réseaux 5G offriront aux chemins de fer de formidables opportunités, notamment en rendant possible l’internet des objets ou en fournissant des informations en temps réel de meilleure qualité.
Le rail pourrait constituer l’épine dorsale du développement de l’aspect «mobilité» d’une identité numérique européenne grâce à un environnement réglementaire qui stimulerait la concurrence et l’innovation et qui permettrait aux citoyens et aux entreprises de faire confiance et d’être sensibilisés aux avantages de la technologie numérique dont bénéficient les citoyens, les consommateurs, les entreprises et les travailleurs, y compris les «personnes électroniques» recouvrant l’ensemble de ces étiquettes (1).
3.2. Nouveaux produits spécifiques et technologies de l’information
Le déploiement de l’ERTMS (système européen de gestion du trafic ferroviaire) devrait être au cœur de la stratégie technique de l’Union européenne afin de permettre la concrétisation de ses avantages (par exemple, harmonisation technique et opérationnelle, augmentation de la capacité du réseau, amélioration de la sécurité et de la fiabilité, réduction des coûts d’entretien). Au cours des vingt dernières années, moins de 10 % du réseau central RTE-T a été équipé du système ERTMS. Il importe d’accélérer le rythme de ce déploiement sans négliger l’accessibilité du réseau ferroviaire régional.
En outre, la mise au point, dans le plein respect du dialogue social, du cadre technique et juridique relatif à la commande automatique des trains, dont l’usage ne cesse de croître, l’amélioration de la connectivité des données le long des itinéraires ferroviaires, également grâce à la technologie 5G, ainsi que les nouvelles évolutions numériques intéressant les chemins de fer devraient figurer à l’ordre du jour au rang des priorités.
3.2.1. Processus internes au secteur ferroviaire
3.2.1.1.
Au-delà d’un simple usage de surveillance et de séparation des trains en toute sécurité, les systèmes de contrôle, de commande et de communication devraient évoluer vers un système de gestion de la circulation et d’aide à la prise de décision qui soit souple, intelligent et opérant en temps réel.
Les systèmes actuels ne tirent pas suffisamment parti des technologies et pratiques nouvelles, notamment l’utilisation des technologies de positionnement par satellite, les systèmes de communication vocale et de transmission de données à haut débit et à haute capacité (Wi-Fi, 4G/LTE, 5G) et l’automatisation, ainsi que les systèmes novateurs de collecte, de traitement et de transmission des données en temps réel. Ces nouvelles technologies sont susceptibles d’améliorer considérablement la circulation, permettant ainsi d’accroître les capacités, de réduire la consommation d’énergie de traction et les émissions de carbone, d’abaisser les coûts opérationnels, de renforcer la sûreté – y compris aux passages à niveau, grâce aux STI-C – et la sécurité ou encore de fournir aux clients des informations accessibles, fiables et compréhensibles. La maintenance conditionnelle, fondée sur des capteurs et sur la technologie numérique, améliorera radicalement l’efficacité, la fiabilité et la résilience du système, s’agissant aussi bien des infrastructures que du matériel roulant.
3.2.1.2.
La numérisation contribue à accroître l’efficacité et la commodité du transport ferroviaire, mais elle expose également les systèmes de chemins de fer à des risques de cybersécurité. L’ensemble du secteur ferroviaire est confronté à des défis immenses, à savoir répondre à la nécessité de mettre en place des mesures de cybersécurité rigoureuses et se préparer à faire face aux cyberattaques, y compris aux phénomènes de grande ampleur.
«[Une] interprétation uniforme des règles en matière de cybersécurité, et notamment [une] reconnaissance mutuelle entre États membres, […] un cadre de certification ainsi que des systèmes de certification […] seraient à même de fournir une base commune [en ce qui concerne la numérisation. […] L’AFE] devrai[t] être associé[e] au processus et, dans certains cas – avec l’accord de l’ENISA, afin de garantir une cohérence –, chargé[e] de concevoir des systèmes de cybersécurité. Des normes européennes minimales en matière de sécurité informatique devraient être arrêtées en coopération avec le CEN, le Cenelec et l’ETSI.» (2)
3.2.2. Nouveaux services
3.2.2.1.
Afin d’améliorer les informations relatives aux voyages, de faciliter le choix du train approprié et des trajets intermodaux, et de favoriser la billetterie directe, certaines entreprises ferroviaires européennes ont lancé, en coopération avec les principaux vendeurs de billets, un projet commun intitulé Full Service Model (modèle «service complet» ou FSM) pour créer un cadre informatique ouvert et «prêt à l’emploi» destiné à la distribution de billets de train, en lieu et place des solutions informatiques bilatérales entre les distributeurs et les prestataires de services ferroviaires.
Dans ce nouveau contexte, la mobilité à la demande (MaaS) correspond au passage de moyens de transport personnels vers des solutions de mobilité utilisées par les consommateurs comme un service. Le concept clé qui la sous-tend consiste à proposer aux voyageurs des solutions de mobilité de porte à porte en fonction de leurs besoins et de leurs choix, et à garantir le caractère abordable et l’accessibilité de la mobilité et des transports publics en tant que service d’intérêt général. La mobilité à la demande considère l’ensemble du système de transport comme une seule et même entité, dont le transport ferroviaire, caractérisé par un faible taux d’émissions, doit faire partie.
3.2.2.1.1.
La stabilité législative est fondamentale pour pouvoir, comme cela s’impose, passer à la vitesse supérieure en matière de billetterie. Il est essentiel de fournir aux clients des informations pratiques sur les billets directs afin de répondre aux exigences réalistes de l’Union énoncées dans le règlement sur les droits des voyageurs ferroviaires.
Les chemins de fer doivent continuer à promouvoir l’accessibilité, et ce avec un rapport coût-efficacité qui soit satisfaisant. Les dispositions interentreprises superflues créent des charges administratives inutiles et devraient être traitées sur une base contractuelle et, le cas échéant, au sein du cadre législatif pertinent relatif à l’échange de données.
3.2.2.2.
À l’occasion des Journées RTE-T organisées à Rotterdam en 2016, le secteur ferroviaire a adopté une déclaration conjointe, intitulée «Déclaration sectorielle», décrivant les mesures à prendre pour améliorer le transport ferroviaire international de marchandises en Europe. À partir de cette déclaration sectorielle ont été définies dix actions prioritaires, s’agissant notamment du suivi des trains et de l’heure d’arrivée prévue, ainsi que de faciliter la mise en œuvre concrète de l’ERTMS. Par ailleurs, le 2 décembre 2015, les partenaires sociaux européens du secteur ferroviaire ont signé une déclaration de fret ferroviaire assortie de leurs propositions sur l’amélioration du transport ferroviaire de marchandises.
Les essais de freinage automatique permettront d’augmenter de manière significative l’efficacité des activités de composition des trains. La protection des données commerciales du transport de marchandises doit également être garantie.
3.3. Financement de la transition numérique ainsi que de la recherche et de l’innovation
3.3.1. Financer la numérisation des chemins de fer: programme pour une Europe numérique, MIE, InvestEU et programmes nationaux
Il est primordial que les fonds européens et nationaux soutiennent de manière adéquate tous les segments du système de chemins de fer et favorisent l’achèvement d’un réseau ferroviaire européen efficace.
Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) doit être poursuivi et doté d’un budget plus important après 2020. Il convient de souligner la manière dont celui-ci devrait mettre l’accent sur les questions de numérisation comme l’ERTMS au sol et à bord. Le déploiement de l’ERTMS sur le réseau RTE-T, avec des enclenchements numériques, nécessite plus de 100 milliards d’euros: un tel investissement ne peut être soutenu que par une initiative spécifique, appuyée par un engagement budgétaire fort de l’Union et assortie d’un soutien concret de la part des États membres ainsi que de capitaux privés (InvestEU). En vue de mobiliser les ressources nécessaires, le Comité estime qu’il y a lieu de renforcer la capacité d’anticipation de la Commission et d’élaborer un cadre réglementaire. Le MIE II financera également les corridors ferroviaires transfrontières 5G afin d’améliorer la connectivité.
3.3.2. Les entreprises communes Shift2Rail et Shift2Rail2
Un soutien de la part de l’Union est également requis pour stimuler l’innovation dans le secteur ferroviaire, en ce qui concerne, en particulier, la poursuite de l’entreprise commune Shift2Rail. Le futur partenariat européen institutionnalisé devrait bénéficier d’un budget accru et pouvoir compter sur un système de gouvernance amélioré et simplifié, qui tienne davantage compte des besoins de la communauté des exploitants ferroviaires et de leurs clients, et qui soit toujours en mesure de donner de l’impulsion à l’ensemble de l’écosystème d’innovation ferroviaire dans tous les États membres. Le financement de la recherche dans le domaine de l’innovation numérique doit inclure des fonds de recherche importants pour accompagner l’évaluation des incidences sociales et des mesures visant à faciliter une transition juste.
4. La nécessité de veiller au caractère inclusif de cette transition
4.1. Pour les travailleurs
L’introduction de technologies numériques dans l’environnement ferroviaire devrait générer des gains d’efficacité et de productivité qui profiteront à la compétitivité de ce secteur mais nécessiteront, dans le même temps, des changements qualitatifs et quantitatifs concernant les emplois et l’organisation du travail dans le domaine ferroviaire.
Cette transition est déjà en marche et les entreprises ferroviaires doivent préparer et gérer en temps utile et de manière inclusive les changements affectant leur main-d’œuvre, si elles veulent encore être considérées comme des employeurs sérieux et attractifs.
De profonds changements sont à attendre en ce qui concerne la nature du travail et la demande de compétences professionnelles. Le CESE souligne l’importance de faire face à ces changements structurels en favorisant une transition juste et fluide, ainsi qu’en s’attaquant au déficit de compétences, tout en exerçant un suivi approprié des progrès réalisés.
Il importe de ne pas sous-estimer l’impact sur la santé des travailleurs ferroviaires, en particulier celui découlant de la création d’une charge mentale susceptible d’entraîner des maladies et de provoquer des tensions dans la vie privée des gens.
Le succès d’une transition inclusive implique de gérer le changement de manière socialement responsable, en commençant par un dialogue ouvert et transparent avec les travailleurs et leurs représentants. Un tel dialogue devrait aider à apaiser les craintes potentielles liées à la numérisation et à garantir la participation nécessaire du personnel tout au long de la mutation.
La numérisation doit s’effectuer avec la plus grande prudence afin d’éviter des transitions perturbatrices et des conflits sociaux. Il est absolument crucial que les partenaires sociaux européens, à savoir la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), la Communauté des chemins de fer européens (CCFE) et l’Association européenne des gestionnaires d’infrastructure ferroviaire (EIM) se réunissent dans le cadre du dialogue social de l’Union relatif au secteur des chemins de fer, en vue de convenir de projets communs visant à mieux cerner et anticiper les effets de l’automatisation et de la numérisation pour maintenir un haut niveau d’emploi et de garanties sociales dans le cadre d’une transition socialement juste.
Les décideurs européens et nationaux ainsi que les partenaires sociaux devraient établir une coordination entre le dialogue social européen et les négociations nationales visant à traiter les conséquences du processus de numérisation du système ferroviaire européen intégré sur le plan du travail et des affaires sociales.
Au niveau national, les entreprises ferroviaires doivent établir, en collaboration avec les représentants des travailleurs, une sorte de «feuille de route numérique» à un stade précoce et former ces représentants à repérer les processus numériques et les facteurs d’influence.
Par ailleurs, il est nécessaire de négocier des conventions collectives avec les représentants des travailleurs au niveau national sur les thématiques suivantes:
— |
droits de consultation, de participation et de représentation collective avant l’introduction des nouvelles technologies, |
— |
définition et conditions des activités/emplois de substitution, de la reconversion et des qualifications, |
— |
santé et sécurité sur le lieu de travail, droit à la déconnexion, protection des données du personnel (contre la surveillance permanente), |
— |
horaires de travail plus courts et/ou rythmes de travail (flexibles). |
La sécurité du trafic, des passagers et du personnel ne saurait être assurée uniquement au moyen de systèmes numériques et automatisés: une présence humaine est nécessaire.
Pour relever ce défi, il est crucial de mettre l’accent sur les transitions professionnelles, soutenues par un apprentissage tout au long de la vie et des investissements dans l’employabilité du personnel, en vue d’éviter les licenciements. En ce qui concerne les chemins de fer, la pyramide des âges déséquilibrée de la main-d’œuvre et les difficultés de recrutement, notamment parmi les jeunes et les femmes, constituent deux problèmes majeurs. Les entreprises ferroviaires doivent par conséquent veiller à ce que les travailleurs plus âgés soient capables de rester à des postes en mutation rapide, de manière à garantir la transmission des connaissances fondamentales d’une génération à l’autre, et élargir leur base de recrutement.
Du point de vue des systèmes nationaux et européens, il est possible de réduire, voire d’éviter les déséquilibres au sein de la main-d’œuvre grâce à un dialogue et une coopération fructueux entre le secteur de l’enseignement et les entreprises, dans le but de préparer la «main-d’œuvre de demain» grâce à la formation et à la reconversion des travailleurs et des formateurs possédant des compétences numériques.
Comme cela a été mentionné plus haut, les systèmes éducatifs nationaux, et en particulier l’enseignement professionnel, jouent un rôle important pour faire en sorte que la future main-d’œuvre soit dotée des compétences appropriées. La mise en place de conseils sectoriels sur les compétences est recommandée.
4.2. Voyageurs: accès des personnes âgées aux services fortement informatisés, personnes handicapées, zones rurales, etc.
4.2.1. |
La numérisation offrira de plus en plus de possibilités pour réduire davantage l’impact environnemental de notre système de transport et rendre la mobilité plus efficace. Une connectivité accrue devrait également rendre plus aisées les options de «mobilité à la demande» et la multimodalité. Ce ne sera qu’à la condition d’être couvertes par les investissements nécessaires que les zones rurales pourront en profiter. |
4.2.2. |
Étant donné que le transport ferroviaire est un service, il importe que la société civile, les associations de consommateurs, les associations de défense de l’environnement, les organisations de personnes handicapées, les associations de promotion d’une mobilité équitable ou les associations représentant les personnes âgées puissent également, en tant que partenaires, prendre part à la mise en œuvre de la numérisation du secteur ferroviaire. |
4.2.3. |
«Pour potentialiser la force économique des 25 % de citoyens seniors de l’Union, le CESE estime qu’il n’est pas pertinent pour la croissance de les considérer comme une catégorie de citoyens hors du courant de la vie, mais qu’il conviendrait de reconnaître leurs capacités comme leurs attentes et de les inclure en tant qu’acteurs économiques et sociaux de l’ère du numérique.» (3) |
5. Dans le contexte de l’économie européenne fondée sur les données
5.1. |
Le développement de nouvelles technologies de l’information a facilité la collecte et l’exploitation des données relatives aux transports. Optimiser l’utilisation de ces données permettra de créer de la croissance économique, de l’innovation et des avantages notables pour le secteur ferroviaire, pour ses clients et pour l’économie européenne, grâce à la conception et au développement de services interopérables et interconnectés. Il y a lieu d’examiner plus avant les différents aspects de l’ouverture et du partage des données afin de créer une valeur ajoutée manifeste pour le secteur ferroviaire comme pour la société. |
5.2. |
La première étape consiste à garantir l’interopérabilité des formats de données de sorte que les acteurs puissent travailler conjointement. En outre, il serait nécessaire d’apporter des précisions quant à la propriété, l’accès et l’utilisation des différents types de données. Une coopération étroite entre les autorités, les organisations de consommateurs, les opérateurs publics et privés, les syndicats, les gestionnaires de l’infrastructure et les fournisseurs sera primordiale pour éliminer les obstacles au partage des données au sein de l’écosystème ferroviaire. |
5.3. |
Une analyse des mégadonnées en bonne et due forme fournira alors des informations sur les tendances et les demandes qui pourraient servir à réorganiser les transports de manière plus personnalisée et plus flexible et aider les villes à gagner en efficacité. La numérisation et la robotisation des transports nécessitent la disponibilité, l’accessibilité et la libre circulation adéquates des données concernées. Dans le même temps, une protection correcte des données doit être assurée. |
5.4. |
Le CESE invite la Commission à garantir une concurrence équitable et le choix des consommateurs dans le domaine de l’accès aux données. Des préoccupations se font actuellement jour quant au niveau de concurrence résultant des tentatives d’obtenir l’accès aux données des voyageurs. Des difficultés se posent également dans le domaine des transports publics, où l’accès aux données (par exemple, les horaires des trains et la localisation en temps réel) sera essentiel pour assurer le bon fonctionnement des services multimodaux. |
5.5. |
La Commission européenne devrait adopter une réglementation contraignante pour garantir le respect du principe de la concurrence équitable sans discrimination à l’égard des entreprises publiques et privées fournissant des services similaires, ainsi que du principe de l’accès aux données des transports, tout en se conformant pleinement aux règles relatives à la protection des données. «Les mêmes conditions doivent s’appliquer aux entreprises publiques et privées avec réciprocité pour les échanges de données et la compensation des coûts» (4), plateformes numériques y compris. |
6. Le secteur européen de l’équipement ferroviaire
6.1. |
«La numérisation et la robotisation des transports offrent de nouvelles opportunités économiques aussi bien pour l’industrie manufacturière que pour celle des services, y compris pour les PME, et elles pourraient constituer un domaine où l’Union européenne s’assurerait un avantage concurrentiel. À cette fin, le CESE demande d’instaurer un environnement propice et incitatif pour les entreprises qui intègre un esprit d’ouverture à l’égard des nouveaux modèles économiques et stimule le développement de plateformes numériques européennes.» (5) |
6.2. |
Dans son document d’orientation sur la numérisation publié sous le titre «Tendances numériques dans le secteur ferroviaire», l’UNIFE, l’Union des industries ferroviaires européennes, entend exprimer son point de vue sur la manière dont les transformations numériques contribueront à satisfaire les ambitions du secteur ferroviaire européen et de son industrie d’équipement, s’agissant aussi bien d’améliorer l’expérience des voyageurs ferroviaires que d’optimiser la logistique et de renforcer les capacités du transport de marchandises. À cet effet, cinq grands domaines prioritaires ont été retenus:
|
7. Rôles des institutions
7.1. AFE
L’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (AFE) a reçu davantage de responsabilités dans le domaine des applications télématiques afin de poursuivre la mise en place de l’espace ferroviaire unique européen et d’éviter un développement fragmenté de ces applications. À cette fin, l’Agence a été habilitée à agir en tant qu’autorité du système pour les applications télématiques et devra, en cette qualité, tenir à jour, contrôler et gérer toutes les exigences correspondantes applicables aux sous-systèmes au niveau de l’Union.
7.2. ENISA
L’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) est un centre d’expertise en matière de cybersécurité en Europe et contribue à assurer un niveau élevé de sécurité des réseaux et de l’information (SRI) au sein de l’Union.
L’Agence œuvre à fournir des conseils et des solutions, notamment en ce qui concerne les exercices paneuropéens de cybersécurité, les stratégies nationales en matière de cybersécurité, la coopération avec les centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT) et le renforcement des capacités, les études sur l’adoption en toute sécurité de l’informatique en nuage, la résolution des problèmes liés à la protection des données, les technologies de protection de la vie privée et le respect de celle-ci dans les technologies émergentes, l’identification électronique et les services de confiance, ainsi que l’inventaire des cybermenaces, etc. Sur ces questions, l’ENISA devra travailler main dans la main avec l’AFE.
7.3. Une autorité européenne de régulation économique du rail
Les directives de l’Union européenne prévoient la création obligatoire dans les États membres d’organismes de contrôle chargés de surveiller la concurrence sur le marché des chemins de fer. Pour compléter ce dispositif, un espace ferroviaire unique européen, concernant en particulier le transport international de marchandises et de passagers, nécessite également des efforts accrus à l’échelle continentale afin de mettre en place une autorité européenne de régulation du rail.
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 353 du 18.10.2019, p. 79.
(2) JO C 227 du 28.6.2018, p. 86.
(3) Le pilier numérique de la croissance: les e-seniors, un potentiel de 25 % de la population européenne (JO C 389 du 21.10.2016, p. 28).
(4) JO C 353 du 18.10.2019, p. 79.
(5) Les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports sur l’élaboration des politiques de l’Union européenne (JO C 345 du 13.10.2017, p. 52).
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/30 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Ne laisser personne de côté lors de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030»
(avis d’initiative)
(2020/C 47/05)
Rapporteur: Peter SCHMIDT
Corapporteur: Lutz RIBBE
Décision de l’assemblée plénière |
21.2.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en session plénière |
31.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
159/21/16 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) ouvrent la voie qui nous conduira vers un avenir meilleur et plus durable pour tous. Au cœur des ODD figurent l’engagement de veiller à «ne laisser personne de côté» en aidant d’abord les plus défavorisés lors du passage à une trajectoire durable et résiliente, et celui qu’aucun objectif ne soit considéré comme atteint aussi longtemps qu’il ne l’a pas été pour tous. |
1.2. |
Le CESE est d’avis que les préoccupations sociales devraient être abordées en complète synergie avec les préoccupations environnementales et économiques. Pour mettre en œuvre les ODD dans l’Union européenne, il est nécessaire de réunir la dimension sociale et les dimensions économique et environnementale de la durabilité, en introduisant un changement systémique et en dépassant la pensée cloisonnée qui prévaut dans les stratégies actuelles de l’Union européenne. La définition de mesures et de politiques à travers le prisme multidimensionnel du programme à l’horizon 2030 revêt une valeur indéniable. La résolution de la «question sociale» sera absolument cruciale dans la mise en œuvre de ce programme. |
1.3. |
Par rapport aux dimensions environnementale ou économique, les questions sociales et la cohésion régionale ont jusqu’à présent été envisagées comme des domaines d’action distincts plutôt que comme une véritable partie intégrante de la politique de durabilité. Ce qui caractérise la dimension sociale d’une politique globale en la matière, c’est non seulement qu’elle amplifie les politiques sociales traditionnelles (comme de meilleures prestations sociales), mais qu’elle déploie des efforts accrus en faveur de la justice et de la participation à l’économie, dans l’intérêt des populations et des régions. |
1.4. |
La transition vers une économie durable, neutre en carbone et économe en ressources, nécessite des changements fondamentaux dans notre société et notre économie. Ces changements ouvrent de nouvelles possibilités mais présentent également des risques. «Ne laisser personne de côté» signifie que tous les membres de la société, et en particulier les personnes les plus défavorisées, ont une réelle chance de saisir les possibilités qui s’offrent à eux et sont bien préparés pour faire face aux risques. Pour cela, une politique active est indispensable. Dans ce contexte, les groupes les plus vulnérables de la société ainsi que les régions et territoires les plus défavorisés doivent faire l’objet d’une attention particulière. |
1.5. |
«Ne laisser personne de côté» consiste en particulier à redonner à un maximum de personnes le pouvoir de jouer un rôle positif en tant que citoyens actifs, à donner l’accès le plus large possible aux investissements, à développer de nouveaux modes de vie, de nouveaux modes de consommation et des technologies durables au bénéfice de tous les citoyens, groupes et régions, dans le cadre du processus de transition. Il n’est ni possible, ni souhaitable que la transition vers un modèle durable soit décrétée «d’en haut»: elle ne pourra être couronnée de succès que si elle bénéficie d’un large soutien et de la participation active de tous. |
1.6. |
Pour mettre en œuvre les ODD et ne laisser personne de côté, le CESE invite la Commission, le Parlement, le Conseil et les États membres à:
|
2. Introduction
2.1. |
Depuis trop longtemps, on ne se préoccupe pas suffisamment de la dimension sociale de la durabilité, que ce soit au niveau mondial ou dans l’Union européenne. Les questions sociales et la cohésion régionale ont jusqu’à présent été davantage considérées comme des domaines d’action distincts par rapport aux dimensions environnementale et économique, plutôt que comme une véritable partie intégrante de la politique de durabilité, alors que les inégalités sociales et les déséquilibres régionaux continuent d’exister en Europe et qu’ils s’aggravent dans certains pays. Jusqu’à présent, les politiques ont effectivement laissé certaines personnes, catégories et régions sur le bord du chemin, en ne respectant pas les «limites de notre planète», mais aussi en négligeant les besoins sociaux de base d’une partie significative de la population européenne. L’Union européenne est souvent tenue pour responsable du fossé béant entre ce qui est promis par les politiques sociales et de cohésion et ce qui se passe en réalité. |
2.2. |
Les liens positifs et négatifs de plus en plus forts entre les défis économiques, sociaux et écologiques ne peuvent et ne doivent pas être ignorés. Les mouvements de protestation qui ont eu lieu récemment dans toute l’Europe ne doivent pas être considérés comme un rejet catégorique des réformes par le grand public. Ils sont davantage l’expression des craintes de nombreuses personnes qui sont déjà mécontentes de leur situation actuelle et qui redoutent aujourd’hui que les changements nécessaires qui les attendent — notamment le passage à une économie neutre en carbone — aient lieu une nouvelle fois à leurs dépens. |
2.3. |
Par conséquent, le nouveau cadre d’action en matière de développement durable doit analyser les lacunes des politiques actuelles non durables et déboucher sur un nouveau «pacte vert et social» qui réponde effectivement aux craintes des citoyens au moyen de solutions pratiques. Une juste répartition de la charge et des avantages est la première étape pour que ces «mesures sociétales» soient acceptées et soutenues par le public de manière aussi large que possible. Si les personnes peuvent «prendre part» à la transition de manière positive, cela réduira le risque que se développent un mécontentement et une opposition encore plus forts ou que prospère un sentiment de résignation vis-à-vis de la politique, par exemple, sous la forme d’une abstention électorale. Il ne fait aucun doute que le manque de participation contribue à une dérive vers l’extrémisme, le populisme, le racisme et le nationalisme dans notre société, comme on peut le voir aujourd’hui dans de nombreux États membres de l’Union européenne. |
2.4. |
Nous ne pourrons résoudre la crise écologique tant que la dimension sociale n’est pas prise en compte, et inversement. Un débat de société doit se tenir pour parvenir à un accord sur l’idée d’octroyer à la dimension sociale au minimum la même importance que les dimensions économique et environnementale. |
2.5. |
Le Comité réaffirme que «ne laisser personne de côté» ne peut pas et ne doit pas se limiter aux préoccupations particulières des personnes, à leur situation économique et à leurs conditions de vie (1). Cela concerne également des ménages, communautés, régions, secteurs de la société et minorités qui sont «laissés pour compte» et se sentent abandonnés, par exemple lorsque les services publics sont fermés ou se détériorent ou même lorsque des services essentiels ne sont pas accessibles ou abordables (ce n’est pas seulement une question d’argent). Cela commence par les infrastructures physiques (transports, télécommunications et internet) et affecte ensuite l’éducation, la santé et les services sociaux, les loisirs, de même que les services administratifs, les services répressifs, la police, etc. |
2.6. |
«Ne laisser personne de côté» nécessite également de redonner à la population les moyens d’agir en tant que citoyens actifs, en veillant autant que possible à la transparence, ainsi qu’à l’inclusion des personnes, des groupes et des régions dans le processus de transition. |
2.7. |
«Ne laisser personne de côté» est également une notion qui s’étend aux générations futures, conformément à la définition du développement durable énoncée dans le rapport de la commission Brundtland (2). Le CESE estime que le cadre politique européen et l’économie qui prévalent actuellement pénalisent les jeunes et les générations futures; il salue le fait qu’en particulier les jeunes expriment désormais clairement leurs préoccupations, par exemple dans le cadre du mouvement «vendredi pour l’avenir». |
2.8. |
Les citoyens doivent être encouragés à faire face au processus de transformation sans crainte. C’est la raison pour laquelle les dirigeants politiques à tous les niveaux doivent donner corps au principe «ne laisser personne de côté», car la transformation est synonyme de changement et tout le monde ne sortira pas gagnant de la transition à venir vers le développement durable, loin s’en faut. Il est donc erroné et inconsidéré de parler de situations «gagnant-gagnant» pour tous, voire de situations «gagnant-gagnant-gagnant». Même si la société dans son ensemble en tirera bénéfice, les coûts et les avantages ne seront pas partagés de manière égale sans interventions politiques pour s’assurer que personne ne soit laissé pour compte. |
3. Évolutions inquiétantes des inégalités sociales et environnementales en Europe
3.1. |
L’Europe présente des niveaux de développement humain très élevés et l’espérance de vie de ses citoyens est l’une des plus élevées au monde. Toutefois, l’Europe a encore un long chemin à parcourir pour mettre en œuvre la dimension sociale des ODD. Selon les dernières données disponibles d’Eurostat (3), en 2018, 109,2 millions de personnes, soit 21,7 % de la population de l’Union européenne, étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, parmi lesquelles les enfants et les groupes minoritaires étaient les plus exposés. La privation matérielle grave, qui est une mesure de la pauvreté absolue, a baissé, puisqu’elle est passée de 8,5 % de la population de l’Union européenne en 2008 à 5,8 % en 2018 (4), mais reste loin de l’objectif européen fixé pour 2020. |
3.2. |
Le pourcentage de femmes qui ont un emploi est seulement de 67,5 % (5) contre 73 % pour les hommes (et seulement 55 % des femmes avec trois enfants ou davantage ayant un travail contre 85 % pour les hommes) (6); 32 % des femmes travaillent à temps partiel (7), alors que les hommes ne sont que 8 % dans ce cas. En 2017, les salaires horaires bruts des femmes étaient en moyenne inférieurs de 16 % à ceux des hommes dans l’Union européenne sous l’effet d’une combinaison de stéréotypes, de ségrégation dans les domaines de l’éducation et du marché du travail, de l’occupation majoritaire des postes de direction et de supervision par des hommes, des périodes plus longues en dehors du marché du travail, des responsabilités familiales non rémunérées et des discriminations salariales (8). Le manque de services de prise en charge (des enfants) demeure une des principales raisons pour lesquelles certaines femmes ne font pas partie de la population active. Une femme sur trois (31,7 %) déclare que son inactivité était due à des responsabilités familiales, contre seulement 4,6 % des hommes inactifs. L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes augmente au cours de la carrière et en fonction de l’âge, ce qui entraîne un écart de pension de 39 % entre les hommes et les femmes. C’est dans la tranche de la population la plus âgée que l’écart de pauvreté entre les hommes et les femmes est le plus élevé (65 ans ou plus) (9). |
3.3. |
Les inégalités de patrimoine sont encore plus marquées: les 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % de la richesse totale tandis que les 40 % des moins aisés en possèdent seulement un peu plus de 3 % (10). En 2017, la part des revenus des 40 % de la population les plus pauvres sous l’angle du revenu disponible équivalent total s’est établie à un niveau faible de 21,1 % (Eurostat ODD 2019). L’Union européenne connaît de grandes inégalités dans la répartition des revenus: en 2016, les 20 % de la population bénéficiant des revenus les plus élevés gagnaient 5,2 fois plus que les 20 % ayant les revenus les moins élevés (11). |
3.4. |
Les pauvres sont également devenus de plus en plus pauvres: le degré ou la gravité de la pauvreté (c’est-à-dire le niveau en dessous du seuil de risque de pauvreté auquel se situent les revenus des personnes exposées à ce risque) pour l’Union européenne dans son ensemble en 2016 était de 25 %: cela signifie que la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté se situaient à un niveau d’au moins 25 % inférieur au seuil de risque de pauvreté concerné (12). |
3.5. |
Selon les données probantes (partielles) disponibles, les ménages à faibles revenus ont tendance à vivre dans un environnement moins sain que les ménages à revenus plus élevés et sont exposées à de multiples sources de vulnérabilité. Les ménages les plus pauvres sont également confrontés à des difficultés plus importantes en matière d’énergie et de mobilité (13). Les citoyens européens ne sont pas égaux devant l’exposition à la pollution ou à d’autres risques environnementaux (14). |
3.6. |
Si les disparités économiques entre les pays de l’Union européenne se sont réduites au fil du temps, il reste des différences importantes entre les États membres (15), car la population exposée à un risque de pauvreté peut varier de 32,8 % (Bulgarie) à 12,2 % (République tchèque) (16). À l’échelle de l’Union européenne, la variation du revenu disponible des ménages est de 25,8 %, avec des niveaux plus élevés dans les pays du Nord et de l’Ouest et des niveaux inférieurs dans les pays de l’Est et du Sud. Les taux de chômage présentent également de grandes différences entre les États membres, de même que la prévalence de la privation matérielle grave (17). Dans l’ensemble, 64,9 % de la population de l’Union européenne au chômage sont en situation de risque. Cela va de 81,8 % en Allemagne à 51,5 % en Pologne (18). |
3.7. |
Les inégalités sont la conséquence de notre situation économique actuelle. La théorie du ruissellement de la croissance qui soulèverait tous les bateaux de la même façon ne reflète pas la réalité européenne: en effet, tout le monde n’a pas bénéficié de la croissance européenne de la même manière, les ménages à revenus plus élevés profitant beaucoup plus que les 40 % de la population au bas de l’échelle. Beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts, alors qu’une très faible proportion profite de la majeure partie de la richesse que nous contribuons tous à créer. |
4. Les incidences variables de la transition vers un développement durable
4.1. |
Non seulement la transition vers la durabilité répond à la nécessité de traiter nos ressources naturelles avec davantage de soin et de responsabilité, mais il est aussi de plus en plus évident qu’elle présente un potentiel économique. Le marché mondial des biens et services à faible intensité de carbone connaît déjà une croissance rapide. Certains des emplois créés dans le cadre de l’économie à faible intensité de carbone se situent dans des régions et des secteurs qui ont connu des décennies de sous-investissement. Une économie plus circulaire contribuera à l’utilisation efficace des ressources, réduira les incidences négatives sur l’environnement et augmentera l’emploi, entre autres par la relocalisation d’activités en Europe et dans les États membres, notamment dans les zones défavorisées. Selon une étude récente, les politiques économiques circulaires devraient faire croître l’emploi net de 650 000 à 700 000 unités d’ici à 2030 (19). Nous devons veiller à ce que tous les citoyens y aient accès et qu’il s’agisse d’emplois de qualité. D’ici à 2030, la transition vers une économie neutre pour le climat devrait créer 1,2 million d’emplois supplémentaires dans l’Union européenne, en plus des 12 millions d’emplois déjà attendus. La transition pourrait atténuer la polarisation actuelle des emplois résultant de l’automatisation et de la numérisation, en créant également des emplois se situant au milieu de l’échelle des salaires et des compétences, en particulier dans la construction et le secteur des produits manufacturés (20). Tous les secteurs seront touchés, des bouleversements beaucoup plus importants étant attendus dans l’industrie automobile et dans l’agriculture. |
4.2. |
Néanmoins, on continue d’observer d’énormes distorsions de la concurrence, car le cadre actuel de notre économie de marché ne permet pas d’éviter le gaspillage, la contamination ou la destruction des ressources naturelles. Ces distorsions ne sont pas seulement préjudiciables à l’environnement, elles empêchent aussi le déploiement rapide de nouvelles solutions économiques durables. Elles existent à la fois en Europe et au niveau international. Ni la politique du marché intérieur ni la politique commerciale ne doivent permettre que des avantages concurrentiels découlent indûment d’une attitude irresponsable vis-à-vis du bien-être de la population ou du pillage des ressources naturelles. Par conséquent, le CESE se félicite que la nouvelle présidente de la Commission européenne ait entre autres demandé l’instauration d’une taxe carbone aux frontières, à condition que ce dispositif soit conçu pour accélérer la transition vers la durabilité et pour parvenir à une plus grande justice sociale. Le CESE estime qu’il est important que l’Union européenne s’efforce de parvenir à une tarification du carbone à l’échelle mondiale, qu’il considère comme une solution valable à long terme. |
4.3. |
Les systèmes fiscaux des États membres de l’Union européenne posent un problème en ce qu’ils reposent essentiellement sur la fiscalité du travail. En 2016, les taxes environnementales ne représentaient en pratique que 6,3 % de l’ensemble des recettes fiscales, alors que la fiscalité du travail équivalait à 49,8 % du total. Une démarche globale en matière de réformes fiscales, conforme aux ODD, pourrait effectivement déplacer le centre de gravité de la fiscalité sur le travail vers des impôts sur la richesse excessive, la consommation, la pollution ou la numérisation (21). Un tel changement devrait tenir compte de l’accroissement des inégalités de revenus en Europe ainsi que de la corrélation entre les niveaux de revenu et l’empreinte carbone. Les taxes environnementales doivent en effet être conçues de manière à garantir un changement de comportement parmi les utilisateurs les plus intensifs, tout en réduisant au minimum les incidences négatives sur les inégalités en matière de revenus et d’actifs. Ainsi, la suppression des subventions aux ressources énergétiques fossiles, l’introduction d’une tarification du CO2 et l’allocation des recettes correspondantes au développement des transports publics pourraient avoir un effet bénéfique sur l’inégalité des revenus et les bilans sociaux. |
4.4. |
L’Union européenne ne sera crédible en tant que leader mondial de la durabilité que si elle-même fait sa part du travail dans ce domaine. Pour une part, il s’agit d’une condition préalable pour profiter des futurs marchés à croissance rapide, par exemple dans les domaines de l’économie circulaire, de la technologie verte, de la bio-ingénierie et de la finance durable. Dans le même temps, un engagement en faveur de la durabilité au niveau mondial concourt à la réalisation des objectifs stratégiques de l’Union européenne dans d’autres domaines (tels que la lutte contre les causes de la migration, le commerce mondial équitable et la réduction de la dépendance à l’égard des pays riches en pétrole du point de vue de la politique étrangère). |
4.5. |
Toutefois, la transition vers la durabilité passe par des investissements publics et privés considérables ou par des dépenses élevées dans des biens de consommation durables, qui s’avéreront payants à long terme, au niveau des ménages, des entreprises, ainsi que des collectivités locales, des régions et des pays. La question cruciale pour la durabilité sociale est la suivante: qui est en mesure d’investir et de dépenser ces moyens financiers? Cette question détermine celle de savoir qui bénéficie des avantages économiques mis en évidence et qui n’en bénéficie pas. La durabilité sociale sera compromise si:
|
4.6. |
Ce qui caractérise la durabilité sociale, ce n’est pas d’amplifier les politiques sociales traditionnelles (comme de meilleures prestations sociales), mais d’assurer une plus grande égalité des chances s’agissant de participer à l’économie. Dans cette perspective, les PME, les jeunes entreprises, le secteur public dans les régions structurellement faibles et surtout les citoyens (en particulier les plus vulnérables) doivent être en mesure de participer activement à la transition vers la durabilité. Dans ce contexte, il faut tenir compte du fait que d’autres facteurs, tels que le genre, les capacités individuelles et l’âge, sont susceptibles d’exacerber les inégalités existantes en Europe. |
4.7. |
L’impact territorial de la transition doit également être pris en compte. À l’échelle de la planète, 67 % de la population vivra dans les villes d’ici 2050. En Europe, le taux d’urbanisation devrait atteindre 80 %. Tous les citoyens n’ont pas la même empreinte sur l’environnement. L’élaboration des politiques doit en tenir compte de manière appropriée. Par exemple, le taux d’émissions des Londoniens se situe juste au-dessus de la moitié de la moyenne des émissions au Royaume-Uni (IIED) (22). Toutefois, dans le même temps, les populations rurales jouent souvent un rôle important dans la fourniture de services écosystémiques. C’est pourquoi les régions rurales et les petites villes ainsi que les régions ultrapériphériques de l’Union européenne ne doivent pas être oubliées dans la transition. |
5. Domaines stratégiques d’action — Vers des solutions
5.1. |
Une approche commune en matière de politique de développement durable devrait recourir à des incitations économiques pour encourager les comportements respectueux de l’environnement souhaitables et/ou sanctionner les comportements qui lui sont préjudiciables. Par exemple, dans le contexte de la fixation des prix du CO2, l’idée sous-jacente est que le prix du marché doit refléter le coût des émissions de ce polluant. Cette approche peut être étendue à l’ensemble des externalités affectant l’environnement naturel à prendre en compte par une internalisation de leurs prix. L’approche consistant à internaliser les externalités recueille une large adhésion, car elle permet d’envisager une efficacité et une efficience élevées et qu’elle est compatible avec le concept fondamental d’économie de marché. |
5.2. |
Heureusement, la Commission européenne a commencé à prendre plus au sérieux l’approche consistant à internaliser davantage les effets externes, en reconnaissant par exemple que les énergies renouvelables sont défavorisées aussi longtemps que les coûts externes des ressources fossiles ne sont pas intégralement pris en compte dans le prix du marché (23) ou en tentant de mettre en œuvre le «principe du pollueur-payeur» (24) dans le secteur des transports. Ces approches concilient les dimensions écologique et économique de la durabilité, mais elles n’intègrent pas la dimension sociale. Nous devons fournir à tous les groupes et parties prenantes de la société un cadre offrant à chacun une vraie chance de produire et de consommer de manière durable. Dans le cas contraire, les PME perdront leur compétitivité, les régions présentant des fragilités structurelles deviendront encore plus faibles et les personnes socialement ou individuellement défavorisées auront encore moins de chances de participer à la prospérité de la société. |
5.3. |
Par conséquent, une stratégie de durabilité fondée uniquement sur un marché où, dans l’idéal, toutes les externalités sont internalisées, n’est pas suffisante parce qu’elle ne produit pas automatiquement des résultats durables pour la société. Outre l’internalisation des effets externes, une politique de promotion de la durabilité sociale doit adopter une approche plus large. Il convient de supprimer les obstacles qui empêchent actuellement à des personnes, des groupes sociaux, des coopératives, certaines entreprises spécifiques ou au secteur public de participer au développement durable. |
5.4. |
La transition vers la durabilité revêtira une importance particulière dans certains secteurs, comme l’alimentation, les transports, le logement et l’énergie. Trois exemples puisés dans le secteur de l’énergie illustrent en particulier ce point:
|
5.5. |
Ces exemples montrent que, même si l’approche consistant à promouvoir les énergies renouvelables, l’électromobilité et l’économie circulaire en augmentant le coût des émissions ou des matières premières est pertinente, elle sera préjudiciable à la durabilité sociale si elle est la seule à être retenue. Cette démarche doit être soutenue par des initiatives qui visent spécifiquement à remédier à la situation des acteurs défavorisés du marché et, à tout le moins, à compenser les désavantages qu’ils subissent. Toutefois, l’indemnisation pure et simple est souvent insuffisante pour réaliser des progrès en matière de durabilité sociale. Dans certaines situations, il faut que les personnes défavorisées bénéficient de meilleures chances que les autres. |
5.6. |
Dans ce contexte, la participation, par exemple, à la transition énergétique dépend également de l’éducation et de la connaissance des actions possibles, de sorte qu’il est essentiel d’aider les citoyens à s’engager dans des activités qui mènent à une plus grande participation aux efforts de durabilité. Sans cela, les obstacles créés par les procédures et les formalités administratives peuvent s’avérer d’autant plus onéreux. La modification des infrastructures mérite également une attention particulière. |
5.7. |
La qualification, l’éducation, l’orientation et l’assistance constituent elles aussi un autre domaine d’importance stratégique. La transition vers une économie neutre pour le climat aura une incidence majeure sur les besoins en compétences. Il est urgent d’investir dans le capital humain (éducation, formation, apprentissage tout au long de la vie) pour doter les générations actuelles et futures des compétences nécessaires dans le domaine des technologies vertes et numériques. Les écoles et les universités devraient prévoir des programmes spécifiques consacrés au développement durable afin de promouvoir également la formation par le travail compte tenu de la situation sur les marchés de l’emploi. Pour ne laisser personne au bord du chemin, il est essentiel d’investir dans la reconversion et le perfectionnement professionnels. |
5.8. |
Les transferts sociaux (par exemple, financés par la «progressivité de l’impôt» et les taxes innovantes telles que la taxe sur les transactions financières) présentent une égale importance. La transformation de la nature du travail due au changement technologique fera de la question des nouveaux droits, tels que celui à un revenu adéquat pour tous, un thème essentiel du débat pour l’avenir, auquel les partenaires sociaux devront être pleinement associés. Il sera important de veiller à ce que la façon dont ils sont conçus contribue à favoriser la durabilité plutôt qu’à l’entraver. |
5.9. |
La politique sociale a négligé les défis environnementaux. Par exemple, le Fonds social européen ne s’attaque pas au problème du changement climatique. Ainsi, on estime que seulement 7 % de ses ressources sont affectés à une économie sobre en carbone et résiliente au changement climatique par l’intermédiaire de la réforme des systèmes d’éducation et de formation, de l’adaptation des compétences et des qualifications, du perfectionnement professionnel de la main-d’œuvre et de la création de nouveaux emplois (25). En outre, le manque de cohérence entre les cadres stratégiques a pour effet que les arbitrages, les synergies et les mesures d’accompagnement sont soit absents du débat, soit difficiles à évaluer faute de données, d’outils ou de procédures adaptés. |
5.10. |
Plus précisément, si l’on veut faciliter un changement de paradigme consistant à abandonner les efforts de compensations et d’atténuation ex post et à permettre aux personnes socialement défavorisées dans les régions structurellement en difficulté d’élaborer elles-mêmes des projets partant de la base et de créer progressivement des modèles économiques véritablement durables, participatifs et inclusifs (26), il convient de prendre les mesures suivantes:
|
6. Le rôle du socle européen des droits sociaux dans le contexte du développement durable
6.1. |
Le socle européen des droits sociaux proclamé par l’Union européenne en novembre 2017 est l’outil spécifique pour s’attaquer aux défis sociaux auxquels est confrontée l’Union européenne, dans la mesure où il formule des préceptes et des droits essentiels à l’équité et au bon fonctionnement des marchés de l’emploi et des systèmes de protection sociale au XXIe siècle, et a pour objectif de conférer aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces sur la base de 20 principes clés se déclinant autour de trois thèmes: i) égalité des chances et accès au marché du travail; ii) conditions de travail équitables; et iii) protection et insertion sociales pour tous. |
6.2. |
La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux exige une solide base budgétaire et des investissements. D’une part, le prochain cadre financier pluriannuel devrait garantir le financement nécessaire et, d’autre part, l’investissement social peut être facilité en faisant référence à une «règle d’or» (27) pour les investissements publics poursuivant des objectifs sociaux et environnementaux. Une politique fiscale adéquate, comprenant notamment des mesures efficaces pour lutter contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et la planification fiscale agressive, devrait permettre aux États membres et à l’Union européenne de mobiliser des moyens supplémentaires pour contribuer au financement du socle social (28) et des ODD. Les investissements du secteur privé peuvent également compléter les dépenses/investissements publics dans certains domaines, mais devraient être soumis à des critères spécifiques et transparents qui garantissent des bénéfices sociaux suffisants aux citoyens (29). |
6.3. |
Bien qu’il existe de nombreux points de convergence entre les 17 ODD et les 20 droits et principes du socle européen des droits sociaux, aucune proposition n’a encore été faite pour créer des synergies utiles entre eux. Cela pourrait être fait en entreprenant l’amélioration des 14 indicateurs du tableau de bord social afin de mieux les faire correspondre aux droits et principes du socle européen des droits sociaux, ainsi qu’aux ODD. Sur la base d’un ensemble d’indicateurs communs élargi et plus précis, la Commission européenne devrait également lancer une stratégie visant à mieux combiner ces deux outils essentiels pour le progrès socio-environnemental, tout en évitant les chevauchements sources de confusion. Le sitewww.inequalityin.eu (30) fournit un bon exemple d’outil permettant de mesurer les revenus et les paramètres environnementaux envisagés comme des indicateurs de la qualité de vie dans les États membres. |
6.4. |
Il existe un débat sur la manière de mettre en pratique la notion de «transition juste» en Europe. Les politiques actives du marché du travail devraient contribuer à faciliter la transition, en particulier vers des emplois à faible intensité de carbone (par exemple l’aide à la formation et à la recherche d’emploi) et à accroître la participation des travailleurs, ainsi que les paiements pour les services environnementaux, en soutenant les groupes défavorisés pendant la période de transition (31). |
Bruxelles, le 31 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 44).
(2) Le rapport Brundtland «Notre avenir commun».
(3) http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/10163468/KS-GT-15-001-FR-N.pdf/edc3178f-ae3e-9973-f147-b839ee522578
(4) Voir la note de bas de page no 3.
(5) Idem.
(6) https://eige.europa.eu/publications/poverty-gender-and-intersecting-inequalities-in-the-eu
(7) Eurostat.
(8) https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/gender-equality/equal-pay/gender-pay-gap-situation-eu_fr
(9) https://www.equalpayday.be/europa/; Eurostat.
(10) OCDE, Understanding the Socio-Economic Divide in Europe, Background Report, 2017 (Comprendre le fossé socio-économique en Europe).
(11) Income inequality in the EU (Inégalité des revenus dans l’Union européenne), Eurostat, 2016.
(12) «What is poverty — Poverty facts and trends» (Qu’est-ce que la pauvreté — Faits et tendances relatifs à la pauvreté), EAPN 2016.
(13) 30x30 Actions for a Sustainable Europe, #Think2030 Action Plan (30x30 actions pour une Europe durable, Plan d’action #Think2030), IEEP.
(14) AEE (2018).
(15) Eurostat, 2019.
(16) Voir la note de bas de page no 3.
(17) ESPAS 2019 et Eurostat 2019.
(18) Eurostat, 2018.
(19) «Impacts of circular economy policies on the labour market» (Incidences des politiques d’économie circulaire sur le marché du travail), rapport pour la Commission européenne établi par Cambridge Econometrics, Trinomics et ICF, mai 2018.
(20) ESDE 2019.
(21) Avis du CESE sur le thème «Des systèmes durables de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère numérique» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 7).
(22) IIED.
(23) Communication de la Commission — Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO C 200 du 28.6.2014, p. 1).
(24) Livre blanc «Feuille de route pour un espace européen unique des transports — Vers un système de transport compétitif et économe en ressources» [COM(2011) 144 final].
(25) Baldock, David et Charveriat, Céline, 2018. Dans le rapport, la référence des données est: «Calculs personnels basés sur Ricardo (2017). Prise en compte systématique de la question climatique dans le budget de l’Union européenne: préparation du prochain cadre financier pluriannuel».
(26) Avis du CESE sur les «Nouveaux modèles économiques durables» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 57).
(27) JO C 227 du 28.6.2018, p. 1, paragraphe 1.6; JO C 197 du 8.6.2018, p. 33, paragraphes 1.8 et 3.6; JO C 327 du 12.11.2013, p. 11; JO C 227 du 28.6.2018, p. 95, paragraphe 1.4; JO C 226 du 16.7.2014, p. 21; JO C 262 du 25.7.2018, p. 1, paragraphe 3.14, et JO C 190 du 5.6.2019, p. 24, paragraphe 1.8; ECO/498 (voir page 113 du présent Journal officiel).
(28) JO C 262 du 25.7.2018, p. 1, paragraphe 1.6.
(29) JO C 262 du 25.7.2018, p. 1, paragraphe 1.4.
(30) https://www.inequalityin.eu
(31) La Confédération syndicale internationale mentionne les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/38 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle des politiques européennes de commerce et d’investissement pour stimuler la performance économique de l’Union»
(avis d’initiative)
(2020/C 47/06)
Rapporteur: Jonathan PEEL
Rapporteure: Tanja BUZEK
Décision de l’assemblée plénière |
24.1.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur Avis d’initiative |
Compétence |
Section REX |
Adoption en section |
3.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
155/4/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le commerce et l’investissement revêtent une importance fondamentale pour l’Union européenne, lui offrant notamment la possibilité de renforcer ses propres performances économiques internes «à domicile». Un emploi sur sept au sein de l’Union européenne dépend des exportations et, puisque 90 % de la croissance économique mondiale devrait se produire en dehors de l’Europe au cours des dix à quinze prochaines années, l’Union doit faire en sorte de remporter la part la plus élevée possible de ces débouchés, en évitant de perdre inutilement des parts de marché face à la concurrence des pays tiers. |
1.1.1. |
La politique de commerce et d’investissement de l’Union européenne fait l’objet d’une attention et d’un examen politique sans précédent. Les grandes évolutions politiques, telles que la montée du populisme, les implications commerciales du Brexit et les mesures imposées par l’administration américaine actuelle dans le domaine du commerce industriel, ont mis en lumière les préoccupations liées à la conclusion d’accords commerciaux iniques et généré de nouvelles incertitudes politiques. Le présent avis a pour objet d’examiner ce que l’Union européenne doit entreprendre «à domicile» pour faire en sorte qu’un commerce équitable favorise une juste répartition de ses retombées positives. L’Union européenne doit s’assurer un consensus suffisant en interne pour pouvoir continuer à négocier des accords commerciaux avantageux et dynamiques à travers le monde. Pour ce faire, elle doit promouvoir un programme commercial progressiste fondé sur la protection des normes et droits fondamentaux dans les domaines de l’environnement, de la protection sociale et de la défense des consommateurs. |
1.1.2. |
Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle à la Commission européenne et au Parlement, à l’entame de leur nouveau mandat, les recommandations qu’il a récemment formulées dans une série d’avis importants concernant les politiques de commerce et d’investissement de l’Union européenne (1). Il demande instamment qu’elles soient prises en compte dans le cadre de toute nouvelle stratégie commerciale. Le présent avis se concentrera sur les mesures que doit prendre l’Union pour mettre de l’ordre dans ses affaires intérieures tout en réagissant aux controverses commerciales actuelles et en apportant les garanties nécessaires. |
1.2. |
Le CESE estime tout d’abord qu’il est essentiel que l’Union garantisse un fonctionnement efficace et équitable du marché intérieur et de la zone euro. En vertu de ce qu’on appelle l’«effet d’entraînement», un cinquième de tous les emplois liés à l’exportation au sein de l’Union européenne (2) sont établis dans un État membre différent de celui de l’exportateur, notamment en raison du développement des chaînes d’approvisionnement. |
1.2.1. |
Cet objectif doit couvrir un éventail très large de politiques distinctes, allant des transports et de l’énergie à une meilleure intégration des services en passant par la mise en place d’un cadre juridiquement solide, assorti de protections sociales, pour accompagner l’évolution de la numérisation et de l’intelligence artificielle. Il doit également inclure des politiques et une réglementation équitables au niveau de l’Union européenne, propices à l’instauration d’un environnement aidant les entreprises à jouer un rôle moteur dans le développement et l’application de nouvelles technologies qui préservent la compétitivité, tout en générant de la croissance et des emplois décents dans le cadre d’une transition équitable. |
1.2.2. |
Le succès des activités de recherche et d’innovation est essentiel pour asseoir la position de l’Union européenne dans le monde. Le CESE invite dès lors la prochaine Commission à faire le maximum pour que le programme-cadre «Horizon Europe» constitue un prolongement efficace, durable et solide de la stratégie Europe 2020. Des efforts considérables, notamment de la part des États membres et en associant pleinement les partenaires sociaux, seront par ailleurs nécessaires pour garantir une éducation d’un haut niveau qualitatif ainsi que l’accès à la formation professionnelle et à la formation au sens large. |
1.2.3. |
L’encouragement et le développement des compétences humaines revêtent eux aussi une importance capitale. Le CESE est d’avis qu’il faut veiller avant toute chose à encourager l’adaptation rapide des compétences individuelles par la voie de l’apprentissage tout au long de la vie, d’une importance accrue accordée au multilinguisme et de programmes de formation facilement modulables, plutôt que de s’évertuer vainement à transformer les humains en ordinateurs améliorés. |
1.3. |
Les besoins et le potentiel des PME doivent être intégrés dans chaque domaine d’action, afin de contribuer à leur assurer un accès au financement et à d’autres ressources et de soutenir leur capacité à évoluer. Comme l’a souligné la Commission européenne (CE) dans sa communication de 2015 intitulée «Le commerce pour tous» (3), plus de 600 000 PME, employant plus de 6 millions de personnes, représentent directement un tiers des exportations de l’Union. |
1.4. |
En ce qui concerne le fonctionnement effectif du commerce, le CESE invite une nouvelle fois l’Union européenne à jouer, dans son soutien à l’OMC, un rôle de chef de file sur la scène mondiale en promouvant des règles visant à mettre en place une politique commerciale progressiste, équitable et durable. L’Union doit continuer d’œuvrer en étroite collaboration avec d’autres à réformer l’OMC, notamment pour établir des règles qui garantissent le respect et la mise en œuvre des objectifs de développement durable par les différents pays. À cette fin, l’Union européenne et ses États membres devraient faire usage de leur influence et déployer des efforts de sensibilisation au sein des structures des comités de l’OMC, en particulier en ce qui concerne de nouveaux domaines comme le commerce et le travail décent. Un système commercial international ouvert et fondé sur des règles, garant de normes élevées en matière d’environnement, de sécurité et de travail, est essentiel pour offrir aux entreprises de l’Union européenne de meilleurs débouchés commerciaux et un environnement commercial plus équitable par rapport à ceux de leurs concurrents. |
1.5. |
Le CESE estime que la politique de commerce et d’investissement de l’Union européenne doit absolument faire face à toutes les conséquences importantes de l’ouverture des marchés et limiter autant que possible les incidences négatives, y compris les coûts sociaux et les coûts de transition. Quel que soit le cadre financier pluriannuel dans lequel il s’inscrit, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation doit prévoir un financement suffisant pour couvrir les retombées négatives en matière commerciale. Les éventuels critères et conditions limitant son application doivent par ailleurs être réexaminés. |
1.5.1. |
Des négociations commerciales plus globales sont davantage susceptibles de susciter des conflits dans les domaines sensibles. Toute controverse de ce type doit être traitée de manière efficace. Il peut notamment s’agir de contestations de certaines normes élevées, par exemple en matière de sécurité alimentaire, de protection des consommateurs, de conditions de travail décentes, de protection des services publics ou d’application de certains droits en matière de commerce durable, telles qu’abordées en détail dans un certain nombre d’avis antérieurs. Le CESE insiste une nouvelle fois sur le fait que rien dans un accord commercial ne doit permettre de limiter la possibilité pour les pouvoirs publics d’adopter les réglementations qu’ils jugent appropriées en matière de politique publique. |
1.5.2. |
En outre, le CESE invite la nouvelle Commission à reconfirmer ses dispositions horizontales relatives aux flux de données transfrontières et à la protection des données à caractère personnel dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne. |
1.5.3. |
L’Union européenne étant particulièrement bien placée pour jouer un rôle moteur en matière de diligence raisonnable, le CESE demande à la commission de proposer une réglementation européenne en la matière. Il réaffirme sa conviction que l’application concrète de l’entrepreneuriat responsable par l’entremise de la politique commerciale est essentielle pour renforcer la position commerciale de l’Union européenne sur la scène mondiale et pour promouvoir le développement durable, notamment en encourageant les entreprises à assumer la responsabilité de leur impact sur la société. De même, le CESE demande que les accords commerciaux obligent les gouvernements, au niveau national comme au niveau local, à jouer pleinement leur rôle. |
1.5.4. |
Le CESE est d’avis qu’un débat politique plus fondamental sur le rôle du commerce et de l’investissement est essentiel pour mieux comprendre à la fois leurs moteurs et leur impact économique. La politique d’évaluation de l’Union européenne doit davantage se concentrer sur les éléments qualitatifs des accords commerciaux et prévoir la participation pleine et entière de la société civile et du CESE. Une gamme plus large d’indicateurs doit être mise en place — en faisant preuve d’ouverture d’esprit dans la recherche de modèles alternatifs — et les analyses d’impact doivent être conclues avant d’engager les négociations. Une étude plus globale de l’incidence mondiale des échanges devrait par ailleurs être réalisée à intervalles appropriés. |
1.5.5. |
Le CESE réitère avec insistance sa demande que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) s’intéresse davantage au commerce. En effet, alors que les questions commerciales ont gagné en importance tant sur le plan géopolitique que dans le cadre de la diplomatie économique, leur couverture était notamment absente de la récente communication conjointe sur la connectivité UE-Asie (4). De même, le Comité renouvelle son appel en faveur d’une collaboration croisée plus étroite, plus cohérente et plus transparente entre la DG Commerce et d’autres directions générales, notamment les DG DEVCO et EMPL. |
1.6. |
Le CESE demande que le dialogue avec la société civile sur la politique de commerce et d’investissement, tout au long des négociations et au-delà, soit considérablement intensifié, et que la société civile voie son rôle de contrôle renforcé. Ce dialogue doit être développé sur la base d’une transparence accrue et d’une amélioration continue, alors que les négociations et les accords deviennent plus complexes en raison notamment des objectifs de développement durable, de l’accord de Paris et de la transition vers l’économie circulaire. |
1.7. |
Le CESE réitère également sa précédente recommandation, à savoir non seulement que l’approche multilatérale de l’agriculture doit être repensée et revitalisée, mais aussi que l’Union européenne est bien placée pour jouer un rôle proactif de premier plan en la matière, tout en promouvant les normes environnementales, sociales et de développement durable au sens large, conformément aux objectifs de développement durable. L’Union doit également éviter de faire des concessions majeures dans le domaine de l’agriculture qui pourraient nuire à la production domestique. |
1.8. |
Le CESE a été l’un des plus fervents soutiens de l’accent mis dans la communication «Le commerce pour tous» sur le développement durable, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme, les droits sociaux et l’environnement, ainsi que de l’inclusion de chapitres sur le commerce et le développement durable dans tous les accords commerciaux de nouvelle génération. Ces derniers doivent occuper une place centrale dans la promotion de la politique de commerce et d’investissement de l’Union européenne. Il est à présent essentiel pour concrétiser ces engagements, et notamment pour offrir aux entreprises de l’Union européenne des conditions de concurrence équitables à l’étranger, de faire en sorte qu’ils puissent être appliqués de manière effective. |
1.8.1. |
Le CESE se félicite que la présidente de la Commission qui va entrer en fonction ait annoncé la prochaine nomination d’un nouveau «responsable du commerce», qui sera subordonné au commissaire responsable du commerce et sera chargé «de contrôler et d’améliorer le respect de nos accords commerciaux» (5). Le Comité insiste pour que cette fonction soit dotée de pouvoirs étendus, qui lui confèrent un même degré d’influence et d’efficacité pour couvrir chacun des engagements souscrits dans les accords de libre-échange, dont, en particulier, ceux repris dans les chapitres sur le commerce et le développement durable. Il convient également que ce poste s’accompagne d’un processus objectif de prise de décision, fondé sur des investigations lancées en temps voulu et de manière efficace, qu’il soit soutenu par un volant de ressources approprié et qu’il prévoie de donner aux parties prenantes reconnues un rôle bien défini, qu’il s’agisse d’introduire des plaintes ou de participer à toute audition publique qui s’ensuivra. Il devra en outre répondre à des obligations de faire rapport en détail au Parlement européen et au Conseil, qui impliqueront par voie de conséquence de donner un rôle bien établi au CESE et aux différents groupes consultatifs internes (GCI) concernés, ainsi que, en toile de fond, d’associer en permanence la société civile à la démarche. |
1.8.2. |
Le CESE a recommandé par le passé, d’une part, que tous les futurs mandats relatifs aux chapitres sur le commerce et le développement durable incluent une clause spécifique visant à promouvoir les objectifs de développement durable et, d’autre part, qu’à la suite de l’accord de Paris, la question de la lutte contre le réchauffement de la planète soit également incluse en tant que partie intégrante des valeurs de l’Union. La transition vers une économie circulaire à faible intensité de carbone est un autre facteur essentiel qui doit se refléter dans tout mandat de négociation de l’Union. |
1.8.3. |
La transition effective de l’économie européenne vers la neutralité carbone à l’horizon 2050 constituera un défi de taille. Elle aura une incidence profonde sur l’évolution de la politique commerciale, tandis que les décisions dans le domaine du commerce affecteront directement les modalités de la réalisation de cette transition, tant au sein de l’Union européenne qu’au niveau mondial. Garantir une transition juste en la matière également chez nous doit compter parmi les priorités de toutes les politiques, pratiques et négociations commerciales à venir. |
1.8.4. |
L’accroissement des flux commerciaux entraînera un développement supplémentaire du secteur des transports, dont les émissions de gaz à effet de serre sont déjà particulièrement élevées. Par conséquent, le CESE demande que tous les modes de transport soient intégrés dans une politique renforcée en faveur de transports durables et équitables et qu’un lien politique clair soit établi entre le commerce et les transports, notamment lorsqu’il s’agit de respecter les engagements contractés en lien avec cette thématique au titre des objectifs de développement durable. |
1.8.5. |
Enfin, le CESE demande instamment que dans le cadre de sa transition vers une économie circulaire, l’Union européenne tienne dûment compte des problèmes rencontrés par les industries de l’Union européenne à forte intensité de ressources et d’énergie, qui jouent un rôle essentiel; qu’elle s’attelle à éviter une fuite de carbone et une fuite des investissements, et qu’elle s’intéresse de manière approfondie aux mesures palliatives d’ajustement aux frontières compatibles avec les règles de l’OMC. |
2. Contexte
2.1. |
Le commerce et l’investissement revêtent une importance fondamentale pour l’Union européenne, lui offrant la possibilité de renforcer ses propres performances économiques «à domicile». La communication intitulée «Le commerce pour tous» (6) a souligné que plus de 30 millions d’emplois au sein de l’Union européenne, soit un sur sept, dépendent des exportations hors de l’Union européenne et que 90 % de la croissance économique mondiale au cours des quinze prochaines années devraient se produire en dehors de l’Europe. En reconnaissant l’importance d’améliorer ses propres performances économiques par le commerce, l’Union européenne ne doit pas prendre le risque de s’appuyer exclusivement sur un modèle fondé sur l’exportation. Il convient d’accorder la même importance à la consolidation de la demande interne par les investissements et la consommation publics et privés. |
2.1.1. |
L’Union européenne, qui représente un sixième des importations et exportations mondiales, est le premier exportateur mondial de biens manufacturés et de services, et le plus grand marché d’exportation pour quelque 80 pays. L’industrie, qui constitue l’un des piliers de l’économie européenne, représente 80 % des exportations de l’Union européenne et fournit des innovations privées importantes et des emplois hautement qualifiés. Comme l’indique la communication «Le commerce pour tous», «la part des importations intégrées dans les exportations de l’Union européenne a plus que doublé depuis 1995», ce qui souligne encore davantage le rôle essentiel joué par les entreprises et l’industrie ainsi que la nature dynamique et proactive de la politique commerciale. |
2.1.2. |
La dépendance à l’exportation de l’Union européenne s’établit aujourd’hui à 36 millions d’emplois en Europe (7), soit une augmentation de deux tiers et de quelque 1 500 milliards d’EUR depuis 2000, l’Union européenne conservant sa «part […] dans les exportations mondiales de marchandises» (15 %) dans le contexte d’une montée en puissance de la Chine et d’une baisse correspondante de la part des États-Unis et du Japon dans le total mondial. La Commission souligne que les emplois dans les activités liées aux exportations sont «mieux rémunérés que la moyenne» et qu’ils représentent une part «importante» de l’emploi dans chaque État membre. |
2.1.3. |
Contrairement aux échanges de marchandises, le commerce de services présente un potentiel accru de pressions à la baisse sur les salaires. Un récent rapport de l’OCDE (8) souligne que les fonctions de services constituent une part importante de l’industrie manufacturière et qu’une proportion croissante de ces services provient de l’étranger. Les entreprises se demandent de plus en plus s’il leur est préférable de fournir leurs propres services ou de les acheter auprès de prestataires externes. En cas de délocalisation vers des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus faible, la question d’un déplacement de l’emploi se pose de manière particulièrement vive. |
2.1.4. |
Le Brexit menace de devenir un facteur majeur lorsqu’il s’agira d’assurer l’avenir des relations commerciales de l’Union européenne et la poursuite de flux commerciaux exempts de droits de douane et d’entraves aux échanges. La sortie du marché unique d’un pays commercial de premier plan pourrait tout à la fois affecter l’équilibre trouvé dans la politique commerciale de l’Union européenne et poser un défi de taille si elle est suivie au Royaume-Uni de tendances marquées à la déréglementation, et notamment à l’abaissement des normes et à l’affaiblissement des droits. Il est essentiel que l’Union européenne mette tout en œuvre pour contrer toute mesure prise par le Royaume-Uni qui favoriserait une concurrence déloyale. Un accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni qui permette de maintenir des normes et des droits élevés revêt une importance fondamentale. |
2.2. |
Le commerce de biens et, de plus en plus, de services fait l’objet d’une demande considérable à l’échelle mondiale, qui résulte d’une multitude de facteurs. La population mondiale devrait atteindre 9 à 10 milliards d’êtres humains d’ici au milieu du siècle. L’industrialisation et l’urbanisation rapides ont pour effet que pour la première fois, plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans des villes, où les relations d’interdépendance sont plus fortes que dans une société rurale, davantage fondée sur la subsistance. |
2.2.1. |
Il a également été estimé que, d’ici à 2030, jusqu’à 2 milliards de personnes pourraient rejoindre la classe moyenne, notamment dans des pays tels que la Chine, l’Inde, le Kenya, le Chili ou l’Indonésie. Elles seraient à la fois désireuses et, souvent pour la première fois, capables d’accéder à une gamme et un choix bien plus vastes d’aliments, d’articles de mode, d’objets, de véhicules et autres biens de consommation. |
2.2.2. |
Toutefois, l’expansion des marchés n’explique pas à elle seule l’augmentation des flux commerciaux. Dans le monde d’aujourd’hui, les activités des entreprises multinationales reposent de plus en plus souvent sur des chaînes de valeur mondiales. Dans son analyse de ces stratégies, l’OCDE (9) a décrit en quoi les stratégies fiscales, la taille des entreprises (les concentrations sont en hausse), l’expertise technologique et la diversification des activités sont des moteurs essentiels du commerce mondial. La numérisation de l’économie estompe également les frontières traditionnelles. En outre, les multinationales s’appuient de plus en plus sur des relations non liées au capital (partenariats stratégiques, externalisation). Les structures des groupes sont donc plus complexes que jamais et les pratiques commerciales évoluent. Il se pourrait donc que les politiques de commerce et d’investissement doivent s’adapter. |
2.3. |
Les atouts de l’Union européenne, en particulier la production de biens et de services haut de gamme ou à forte valeur ajoutée, de même que les quelque 70 accords commerciaux préférentiels déjà conclus par l’Union, couvrant cinq continents, auxquels s’ajoutent d’importantes négociations actuellement en cours, ouvrent de réelles perspectives aux exportateurs de l’Union. L’alternative serait de regarder sans réagir les exportateurs concurrents saisir ces possibilités, qu’il s’agisse de ceux établis dans d’autres pays développés ou, notamment, de ceux en provenance d’économies émergentes en croissance rapide. Parmi les évolutions significatives récentes en la matière figurent le partenariat transpacifique (PTP) révisé et d’autres négociations commerciales de premier plan dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique. |
3. Principaux éléments sous-tendant la prospérité de l’Union européenne en matière de commerce
3.1. |
L’importance du marché unique pour les échanges commerciaux de l’Union européenne est illustrée par son «effet d’entraînement», selon lequel un cinquième des emplois soutenus par l’exportation sont situés dans un autre État membre. Ainsi, les exportations allemandes représentent 6,8 millions d’emplois en Allemagne même, mais aussi 1,6 million d’emplois ailleurs dans l’Union européenne. Cela s’explique principalement par l’essor des longues chaînes d’approvisionnement, en Europe mais aussi à travers le monde, dans le cadre desquelles les produits non finis peuvent franchir plusieurs fois les frontières, surtout dans l’industrie automobile. Le Brexit a mis ce facteur en lumière: 650 000 emplois basés au Royaume-Uni sont liés à des exportations en dehors de l’Union européenne qui trouvent leur origine dans d’autres États membres. Les chiffres de la Commission (10) indiquent que les pays qui en bénéficient le plus sont notamment la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne. |
3.1.1. |
Le fonctionnement harmonieux et équitable du marché unique et de la zone euro est donc un facteur important lorsqu’il s’agit de préserver et stimuler les emplois liés à l’exportation. La poursuite de l’intégration du marché unique et de la zone euro, notamment en favorisant la mobilité équitable des travailleurs, reste primordiale, y compris en ce qui concerne l’énergie et le bon fonctionnement du système de transport. |
3.1.2. |
Il est également crucial d’améliorer l’intégration des services et celle des flux de données, laquelle nécessite de respecter pleinement les règles de l’Union européenne en matière de confidentialité des données, notamment parce que le marché unique est de plus en plus numérique. Un écosystème numérique sain a également besoin de politiques dans lesquelles les données peuvent servir le bien commun et offrir des possibilités de développement de services numériques axés sur l’intérêt général. |
3.1.3. |
Dans son avis «Réformer l’OMC», le CESE a exigé que «toute initiative multilatérale qui sera prise à l’avenir en ce qui concerne les flux de données se conforme pleinement aux dispositions horizontales de l’Union européenne sur les flux de données transfrontières et la protection des données dans les accords de commerce et d’investissement qu’elle conclut» (11) et a invité la nouvelle Commission à réaffirmer le caractère non négociable de cet engagement fondamental. |
3.2. |
L’évolution rapide de la numérisation et de l’intelligence artificielle, conjuguée à l’évolution démographique et à la transition vers une économie circulaire sobre en carbone, va transformer radicalement la société. Alors que les entreprises jouent un rôle moteur dans l’innovation et les nouvelles technologies, le rôle des pouvoirs publics est de fournir le cadre législatif d’une transition juste ainsi que des principes pour la définition de règles éthiques contraignantes en matière d’intelligence artificielle. |
3.2.1. |
La recherche et l’innovation, portées par l’industrie et soutenues par des niveaux élevés d’éducation et d’entrepreneuriat, sont essentielles pour maintenir l’Union européenne à la pointe du progrès. L’une des grandes priorités de la prochaine Commission doit être de s’assurer qu’Horizon Europe constitue un prolongement efficace et solide du programme Horizon 2020. L’Union européenne doit également aider les entreprises à améliorer leur compétitivité, tant sur le plan intérieur qu’à l’international, ainsi qu’à concevoir et mettre en œuvre de nouvelles technologies. L’innovation est également stimulée au moyen de projets pilotes ainsi que d’une coopération entre les secteurs public et privé et les milieux universitaires. |
3.2.2. |
Les mutations et avancées technologiques exigent une évolution rapide des compétences là où des lacunes apparaissent rapidement et de manière inattendue, mais aussi et surtout dans les domaines techniques, notamment celui des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques). |
3.2.3. |
L’encouragement et le développement des compétences humaines et d’un plus grand multilinguisme sont tout aussi importants que l’accent mis sur l’accès à la formation professionnelle, à la reconversion et à l’apprentissage tout au long de la vie. |
3.2.4. |
Pour réduire le déficit de compétences, les systèmes de formation devront être suffisamment flexibles et capables de s’adapter rapidement aux besoins futurs. Cela nécessitera donc des efforts considérables de la part des États membres, et les partenaires sociaux ont également un rôle essentiel à jouer à cet égard. |
3.3. |
L’émergence de formes de travail nouvelles et différentes rend indispensable d’améliorer plus encore la transition entre les études et le travail, entre emplois et entre tâches, et de créer des conditions favorables au travail indépendant et à l’entrepreneuriat. Les changements dans le monde du travail doivent être soutenus par des marchés de l’emploi flexibles, performants et assortis de protections sociales, ainsi que par un dialogue social axé sur les résultats. |
3.4. |
La concurrence est un moteur essentiel du développement des entreprises. Les politiques et réglementations commerciales de l’Union européenne doivent, dans leurs champs d’application respectifs, offrir aux entreprises des conditions positives qui favorisent les emplois décents assortis de normes de travail élevées dans les relations de concurrence avec les pays non membres de l’Union européenne. Ces réglementations doivent être adaptées à l’objectif poursuivi et encourager un esprit et une culture d’entreprise positifs qui soient également attractifs pour les jeunes, et en particulier les femmes. |
3.4.1. |
Le CESE prend acte des rapports de l’OCDE et du FMI (12) faisant état d’une concentration accrue des industries, tant dans le domaine des services de production que dans celui des services non financiers. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les moteurs de cette concentration du marché, ce qui peut nécessiter de jeter un regard neuf sur les politiques en matière de concurrence et de commerce international. Dans ce domaine en particulier, l’agenda commercial ne doit pas faire obstacle aux politiques visant à donner aux PME une meilleure chance de se faire une place sur les marchés, y compris au moyen de politiques industrielles européennes ambitieuses, notamment dans le secteur numérique. |
3.4.2. |
L’Union européenne doit mettre en place un environnement favorable à l’investissement public et privé. Cela suppose de la stabilité et de la prévisibilité, un environnement macroéconomique stable, une solide protection des droits de propriété intellectuelle et une responsabilité budgétaire. Pour sa part, le système fiscal doit encourager l’innovation, l’entrepreneuriat, la croissance et la création d’emplois tout en restant équitable. |
3.4.3. |
Dans le même temps, les politiques de commerce et d’investissement de l’Union européenne doivent rester attentives à tout investissement susceptible de résulter de fraude ou d’évasion fiscale. |
3.4.4. |
Les investissements directs étrangers (IDE) sont importants à l’heure où les entreprises installent de plus en plus leurs sites de production à proximité de leurs marchés finaux, ce qui peut notamment les aider à maintenir leur compétitivité. Le CESE a également salué (13) la réglementation de l’Union européenne en matière de défense commerciale concernant les mesures prises récemment pour surveiller les investissements étrangers à destination de l’Union européenne. |
3.4.5. |
Le rapport annuel 2018 de l’OCDE sur les statistiques relatives aux IDE a toutefois montré un recul de 27 % des IDE à l’échelle mondiale à la suite de la réforme fiscale menée par les États-Unis. Pour certains pays de l’Union européenne (Luxembourg, Pays-Bas), la baisse a été spectaculaire. Il convient donc d’accorder une attention particulière à la distinction entre les IDE liés à l’économie réelle et ceux qui sont fondés sur des motivations de fraude et d’évasion fiscale. L’Union européenne doit combattre ces pratiques à tous les niveaux. |
3.5. |
Comme l’a souligné la communication «Le commerce pour tous», «plus de 600 000 PME, occupant plus de 6 millions de personnes, exportent directement des marchandises en dehors de l’Union européenne et représentent un tiers des exportations de cette dernière» (14), ajoutant qu’«un nombre de PME nettement plus important exportent des services» ou sont des fournisseurs de plus grandes entreprises. |
3.5.1. |
Le CESE a salué spécifiquement «l’engagement […] envers les petites entreprises, qui sont confrontées à de plus grandes difficultés lorsqu’elles visent de nouveaux marchés». La Commission a également promis d’intégrer des dispositions relatives aux PME dans toutes les négociations futures et de conduire «des enquêtes régulières sur les obstacles auxquels sont confrontées les PME dans des marchés spécifiques». L’avis du Comité sur «Le PTCI et son impact sur les PME» (15) est également pertinent à cet égard. |
3.5.2. |
Le potentiel et les besoins des PME doivent être intégrés dans chaque domaine d’action pour contribuer à leur assurer un accès au financement, à d’autres ressources et aux marchés, et pour soutenir leur capacité à évoluer, compte tenu des besoins différents des diverses catégories d’entreprises et des conditions spécifiques dans lesquelles opèrent les PME (y compris les zones rurales et périphériques). |
4. Aborder les controverses commerciales
4.1. |
Le traité de Lisbonne a conféré à l’Union européenne une nouvelle compétence en matière d’investissement, lui imposant d’établir des liens entre ses travaux en matière de commerce et d’investissement et d’autres domaines clés, notamment le développement. Le Comité reste préoccupé par le fait qu’il n’existe pas encore suffisamment d’échanges transversaux sur les incidences commerciales entre les différentes DG de la Commission, notamment les DG DEVCO et EMPL. |
4.2. |
Pour compléter la «nouvelle génération» d’accords commerciaux, dont le premier a été conclu avec la Corée, la Commission a également cherché à négocier des accords de libre-échange plus exhaustifs, tant avec les pays du partenariat oriental qu’avec des partenaires commerciaux plus avancés. C’est notamment le cas du Japon, mais on peut également citer l’accord économique et commercial global (AECG) avec le Canada qui, outre la simple élimination de tarifs douaniers, couvre un large éventail de questions, telles que les règles applicables aux services, l’élimination des obstacles non tarifaires aux échanges et d’autres thématiques liées au commerce, comme l’investissement et la concurrence ou la coopération en matière de réglementation. |
4.2.1. |
Compte tenu de cette évolution, le CESE considère que l’appel en faveur du développement continu d’un programme commercial progressiste et tourné vers l’avenir n’a jamais été aussi urgent. Ces négociations commerciales globales sont plus susceptibles de déboucher sur des conflits en raison de thématiques sensibles telles que le maintien de normes de haut niveau, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire, la protection des consommateurs et les conditions de travail décentes, la protection des services publics ou le respect des droits liés à un programme commercial durable. |
4.2.2. |
Le fait que les accords de nouvelle génération vont bien au-delà d’une traditionnelle réduction des droits de douane, et qu’ils fixent des règles pour que les mesures prises par les pouvoirs publics n’affectent pas les échanges commerciaux, fait craindre une limitation de la marge d’action publique des gouvernements. Les États ont non seulement le droit de réglementer comme ils l’entendent, mais aussi l’obligation de procéder de la sorte pour défendre l’intérêt général. Le CESE souligne que rien dans un accord commercial ne doit y faire obstacle. |
4.2.3. |
Le CESE a déclaré (16) que la politique commerciale de l’Union européenne «sera évalué[e] à l’aune de la capacité de la Commission de démontrer que les accords commerciaux n’abaisseront pas les normes environnementales, de travail et autres. Au contraire, ils devraient viser l’amélioration de ces normes». |
4.3. |
Un commerce international ouvert et fondé sur des règles est essentiel à la fois pour améliorer les débouchés commerciaux et pour garantir des conditions équitables aux entreprises face aux concurrents étrangers. L’Union européenne doit soutenir les règles de l’OMC qui promeuvent un commerce équitable garantissant le respect des objectifs de développement durable (ODD) et jouer un rôle moteur sur la scène mondiale tant dans la lutte contre le protectionnisme et les perturbations que dans la promotion d’une politique commerciale progressiste et durable. À cette fin, l’Union européenne et ses États membres devraient faire usage de leur influence et déployer des efforts de sensibilisation au sein des structures des comités de l’OMC, en particulier en ce qui concerne de nouveaux domaines comme le commerce et le travail décent. |
4.4. |
Le commerce compte parmi les processus politiques de la Commission les plus évalués. Pour permettre un débat politique plus large sur le rôle du commerce et des investissements, une analyse plus approfondie est toutefois nécessaire afin de mieux comprendre les moteurs et l’incidence économique du commerce, ainsi que sa contribution potentielle aux ODD. |
4.4.1. |
La politique d’évaluation de l’Union européenne doit jouer un rôle essentiel à cet égard. La DG Commerce s’appuie sur différents outils pour évaluer l’incidence des grandes initiatives commerciales: les analyses d’impact et évaluations de l’impact sur le développement durable, les évaluations économiques des résultats négociés et les évaluations ex post. |
4.4.2. |
Les questions de méthodologie et de calendrier sont essentielles et devraient faire l’objet d’un nouvel examen. Le modèle de l’équilibre général calculable (EGC) actuellement utilisé devrait être réévalué en s’inspirant de modèles alternatifs et comprendre un ensemble plus large d’indicateurs mesurant les incidences sur les droits de l’homme et les droits des travailleurs, le changement climatique, la biodiversité, les consommateurs et les IDE. Une simple comparaison de la situation en présence et en l’absence d’accord commercial n’est cependant pas suffisante pour l’évaluation qualitative des options de négociation, en particulier en matière de commerce et de développement durable. L’analyse d’impact et l’évaluation de l’impact sur le développement durable doivent être conclues en temps utile pour conseiller les négociateurs et être prises en considération avant et pendant les négociations, et non présentées après leur conclusion. |
4.4.3. |
La contribution à la réalisation des ODD, comme recommandé précédemment par le CESE dans son avis intitulé «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)» (17), devrait devenir un critère clé dans le cadre de l’évaluation de la politique commerciale de l»Union européenne. |
4.4.4. |
Le CESE estime qu’une consultation de la société civile peut apporter une précieuse contribution aux évaluations de l’impact sur le développement durable et recommande de prévoir une telle consultation dès le début, au moment de définir la portée de ces évaluations. Les travaux menés en interne par le groupe de pilotage «Évaluation» de la Commission pourraient être encore améliorés en y associant également la société civile. Les consultants ont besoin d’une indépendance et d’une expertise suffisantes, notamment pour ce qui est des droits de l’homme et des questions environnementales. |
4.4.5. |
En ce qui concerne les marchés du travail, il convient de procéder à une analyse plus poussée des effets potentiels en matière de déplacements, de l’évolution des salaires et de la sécurité de l’emploi. Pour ce qui est de l’impact économique, il y a lieu de s’intéresser non seulement à l’Union européenne, mais aussi à la mesure dans laquelle le commerce et l’investissement permettent aux économies moins développées d’accroître leur productivité et leur innovation. Une étude globale de l’incidence mondiale des échanges devrait par ailleurs être réalisée à intervalles appropriés. |
4.4.6. |
Les questions commerciales ont gagné en importance tant sur le plan géopolitique que dans le cadre de la diplomatie économique. Il en découle que le SEAE devrait s’intéresser davantage au commerce: la couverture des questions commerciales était notamment absente de la communication conjointe sur la connectivité entre l’Union européenne et l’Asie (18). |
4.5. |
Les négociations relatives à un accord de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis (PTCI ou TTIP) ont mis en lumière de nombreuses préoccupations de la population et de la société civile, qui sont cependant d’ordre général. Si la Commission s’est efforcée, dans le cadre des négociations commerciales, d’obtenir des engagements politiques à ne pas encourager le commerce ou l’investissement d’une manière qui affaiblirait les niveaux de protection, ou de prévoir des garanties telles que des exemptions et réserves spécifiques, des clauses spécifiques en matière de monopoles publics ou un rejet rapide des recours abusifs de la part des investisseurs, le CESE a cherché, et continue de chercher, à obtenir des éclaircissements et des garanties supplémentaires sur divers points extrêmement sensibles. |
4.5.1. |
L’exposition des services publics que peut entraîner un accord commercial, par la voie d’une libéralisation du marché et de clauses spécifiques (clauses de statu quo et à effet de cliquet) fixant la future marge de manœuvre des parties en matière d’introduction de restrictions à l’accès au marché et de mesures discriminatoires, est considérée comme une préoccupation essentielle. Le CESE s’est félicité par le passé de «la volonté exprimée par la Commission, en conformité avec les positions adoptées par le CESE, le Parlement européen et la société civile au sens large, de protéger les services publics dans les ALE», tout en soulignant que «le meilleur moyen d’y parvenir consiste à recourir à une liste positive en ce qui concerne tant l’accès au marché que le traitement national» (19). |
4.5.2. |
Compte tenu de la possibilité permanente d’un changement de gouvernement et d’une modification consécutive de la politique à l’égard des services publics, toute ouverture antérieure dans un accord commercial serait «verrouillée», sans possibilité de faire machine arrière. Les clauses d’ouverture en matière de statu quo et d’effet de cliquet peuvent donc constituer une menace, en particulier pour les services publics, compte tenu de leur définition étroite et ambiguë du champ d’application. |
4.5.3. |
Il est également essentiel de préserver un espace pour les politiques publiques dans le contexte de l’inclusion des marchés publics dans les accords commerciaux. Le CESE a donc jugé important d’appeler au «maintien de la faculté, pour les entités adjudicatrices, de recourir, dans le cadre d’appels d’offres, à des critères environnementaux, sociaux et relatifs au travail, tels que l’obligation d’adhérer à des conventions collectives et de s’y conformer» (20). |
4.6. |
Dans le contexte de la protection des investissements, le CESE a appelé de ses vœux des «garanties procédurales contre des recours visant une législation d’intérêt public national […] pour s’assurer que le droit d’une des parties à réglementer à sa guise dans l’intérêt du public est garanti face à des considérations relevant de la protection de l’investisseur» (21). Dans son avis relatif au tribunal multilatéral des investissements, il a estimé que «celles-ci ne pourraient être suffisamment assurées [que] par l’insertion d’une exception d’intérêt public [assortie] de garanties appropriées permettant d’éviter qu’elles ne soient utilisées de manière abusive pour des motifs protectionnistes». Dans le cadre plus général de son avis sur les questions clés spécifiques soulevées dans le cadre du PTCI, le CESE a demandé que soient mentionnées explicitement «les conventions collectives, y compris les conventions tripartites et/ou générales (erga omnes), afin d’exclure la possibilité qu’elles soient soumises à interprétation, en violation des attentes légitimes d’un investisseur» (22). |
4.7. |
Alors que la compétence en matière d’agriculture et de commerce ressortit à l’Union européenne depuis plus de 40 ans, il s’est parfois manifesté un manque de communication ou de réflexion conjointe entre ces deux domaines d’intérêts vitaux. L’Union doit également se garder de toute tentation de faire des concessions majeures en matière d’agriculture qui pourraient nuire à la production domestique. |
4.7.1. |
Dans son avis consacré à l’agriculture dans les négociations commerciales (23), le CESE a souligné que les accords bilatéraux devraient viser à éliminer dans les pays partenaires les cas de «deux poids, deux mesures» en matière d’agriculture, notamment dans le contexte des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce. Dans le droit fil des objectifs de développement durable, l’Union européenne souhaitera également promouvoir ses propres normes en matière de développement durable d’ordre environnemental, social ou plus général. L’Union européenne, et d’autres, se doivent de prévoir un engagement contraignant en matière de renforcement des capacités, par lequel ils aideraient des pays moins développés à respecter de telles normes, par exemple sous la forme d’une assistance pour concevoir un dispositif de certification vétérinaire convenable, au regard du caractère primordial des normes de sécurité alimentaire. |
4.7.2. |
L’approche multilatérale vis-à-vis du commerce des produits agricoles a besoin d’être repensée et revitalisée. Il y a lieu de préserver et de renforcer «Doha» en tant que concept de l’OMC fondé sur le dialogue commercial entre pays développés et en développement, tout en respectant le principe de la souveraineté alimentaire pour tous. Le même avis souligne que l’Union européenne est bien placée pour jouer un rôle moteur et volontariste dans le but de promouvoir une approche novatrice et équilibrée, ne fut-ce qu’en raison de l’incapacité qu’ont montrée certaines économies émergentes en plein essor d’en assister d’autres moins développées. |
4.8. |
Dans son avis «Réformer l’OMC», le CESE a jugé «capital que le principe de précaution, tel que sanctionné par les traités sur l’Union européenne, bénéficie également d’une protection adéquate à l’échelle multilatérale et qu’il soit reconnu de plein droit, afin que lorsqu’un risque se présente pour la santé humaine ou l’environnement, un niveau plus élevé de protection soit assuré au moyen d’un processus décisionnel préventif. Au vu de l’importance qu’il revêt, l’Union européenne devrait en faire un intérêt offensif dans toutes ses négociations commerciales» (24). |
4.9. |
Alors que la stratégie «Le commerce pour tous» place un accent particulier sur la confiance des consommateurs dans la sécurité des produits, les «Principes directeurs des Nations unies pour la protection des consommateurs» reposent sur une acception beaucoup plus large de cette notion, qui comprend la protection de la vie privée des consommateurs, leurs droits dans le domaine du commerce électronique et le droit au respect effectif des droits des consommateurs. Compte tenu de l’impact de la libéralisation des échanges sur les consommateurs, le CESE a appelé de ses vœux, dans son avis consacré aux chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange, l’insertion «d’un chapitre spécifique sur le commerce et les consommateurs dans le cadre des dispositions relatives au commerce et au développement durable, qui intégrerait les normes internationales pertinentes pour les consommateurs et renforcerait la coopération en matière d’application des droits des consommateurs» (25). |
4.10. |
Le document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation, publié en 2017 par la Commission européenne, répertorie un certain nombre de conséquences d’une mondialisation non gérée, en particulier le creusement des inégalités. Les avantages du commerce ne sont jamais répartis de manière uniforme. La politique de commerce et d’investissement de l’Union européenne doit faire face à toutes les conséquences importantes de l’ouverture des marchés et limiter autant que possible les incidences négatives, y compris les coûts sociaux et les coûts de transition. |
4.10.1. |
La stratégie «Le commerce pour tous» a été la première à reconnaître que le commerce «peut avoir des effets perturbateurs temporaires pour certaines régions et certains travailleurs si la nouvelle concurrence se révèle trop intense pour certaines entreprises», soulignant que «pour les personnes directement concernées, un tel changement n’est pas anodin». Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation joue à cet égard un rôle important. Au cours de la période 2013-2014, il est venu en aide à plus de 27 600 travailleurs (26). Le CESE estime dès lors important que tout futur cadre financier pluriannuel prévoie un financement suffisant directement lié aux incidences du commerce et réexamine les éventuels critères et conditions limitant son application. Pour mieux anticiper et accompagner les restructurations, l’application effective des droits des travailleurs à l’information, de même que la consultation et la négociation collective, sont essentielles pour assurer des transitions justes. |
4.11. |
Le CESE appelle en outre à renforcer la protection des secteurs sensibles contre la concurrence commerciale déloyale, en intégrant les normes de l’OIT dans les critères d’évaluation. Dans un récent avis sur la méthodologie des instruments de défense commerciale (27), le CESE a plaidé en faveur de conditions de concurrence équitables entre les producteurs-exportateurs européens et ceux des pays tiers. À cet égard, il a salué l’intention de la Commission de recourir à des critères spécifiques afin de déterminer s’il existe des distorsions significatives dans la situation du marché, tout en faisant valoir qu’il convient également de prendre en considération le respect des normes de l’OIT et des accords multilatéraux sur l’environnement. |
4.12. |
En ce qui concerne le ferme engagement de la Commission européenne à consolider les dispositions en matière de travail par la voie des négociations commerciales, le CESE a invité les pays partenaires à «démontrer qu’ils respectent pleinement les huit conventions fondamentales du travail de l’OIT, à titre de condition préalable pour pouvoir conclure un accord commercial. Si un pays partenaire n’a pas ratifié ou correctement mis en œuvre ces conventions, ou n’a pas démontré un niveau de protection équivalent, le CESE recommande de chercher à établir une feuille de route portant sur des engagements concrets, et de l’intégrer dans le chapitre sur le commerce et le développement durable pour s’assurer que ces obligations seront remplies en temps opportun» (28). L’Union européenne doit également promouvoir la mise en œuvre et le respect des normes mises à jour de l’OIT afin de garantir des conditions de concurrence véritablement équitables pour ses entreprises à l’étranger, et apporter son soutien à l’ODD 8 sur le travail décent. |
4.13. |
La politique commerciale doit également renforcer les initiatives en matière de responsabilité sociale des entreprises. Ces dernières doivent assumer leurs responsabilités à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement. Les «licences d’exploitation» des entreprises se trouveraient ainsi favorisées, tandis que l’innovation et la croissance économique durable seraient maximisées. Une mise en œuvre cohérente de la conduite responsable des entreprises est importante pour renforcer la position commerciale globale de l’Union européenne et contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable. Dans tous les accords de libre-échange, l’Union européenne devrait insister pour que chaque partie signataire encourage activement le respect par les entreprises des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (29). En reconnaissant l’importance de l’application des règles du marché du travail par les pouvoirs publics, y compris au moyen d’inspections, le CESE demande que les accords commerciaux obligent les autorités nationales et locales à jouer pleinement leur rôle. |
4.13.1. |
Un nombre croissant de gouvernements mettent en place leurs propres lois et instruments, les derniers en date étant la loi française relative au devoir de vigilance et la loi néerlandaise sur la diligence en matière de travail des enfants. Le Canada a renforcé sa stratégie en matière de responsabilité sociale des entreprises, en se concentrant sur le comportement des entreprises canadiennes à l’étranger, et a créé un organe consultatif multipartite. En avril 2019, le premier ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a été nommé, avec pour mission d’examiner (et de publier des rapports publics à ce sujet) les allégations d’atteintes aux droits de la personne découlant des activités à l’étranger des entreprises canadiennes des secteurs minier, pétrolier et gazier ainsi que du textile, et notamment de recommander l’imposition de mesures commerciales aux entreprises. |
4.14. |
Le CESE considère que l’Union européenne est particulièrement bien placée pour jouer un rôle moteur en matière de diligence raisonnable, compte tenu notamment du développement des chaînes d’approvisionnement et des chaînes de valeur d’envergure mondiale. Les mesures volontaires et les mesures contraignantes ne s’excluent pas mutuellement, mais doivent se compléter. À cet égard, le CESE a pris acte des travaux relatifs au «traité contraignant» des Nations unies, actuellement en cours d’examen par les membres de l’ONU, qui entend codifier les obligations internationales juridiquement contraignantes en matière de droits de l’homme applicables aux activités des sociétés transnationales, et se félicite des travaux qu’entreprend actuellement le CESE dans le cadre de l’avis d’initiative REX/518. À l’instar de certains pays membres qui ont déjà légiféré sur le devoir de vigilance, le CESE demande à la commission de proposer une réglementation européenne en la matière. |
5. Commerce et développement durable: nécessité de réaliser les objectifs de développement durable/accord de Paris
5.1. |
Dans son avis sur la communication «Le commerce pour tous» (30), le CESE s’est félicité par-dessus tout que l’Union européenne «se penche en détail sur le développement durable, en particulier en relation avec les droits de l’homme, les droits sociaux et l’environnement». Dans son avis consacré aux chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange (31), le CESE a instamment invité la Commission à «adopter une approche plus ambitieuse, s’agissant notamment de renforcer l’applicabilité effective des engagements pris dans les chapitres en matière de commerce et de développement durable, qui revêt pour lui une importance cruciale. Il y a lieu d’accorder le même poids aux chapitres sur le commerce et le développement durable qu’à ceux portant sur les questions commerciales, techniques et tarifaires». |
5.1.1. |
À cet égard, le CESE se félicite tout particulièrement que la présidente de la Commission qui va entrer en fonction vienne d’annoncer la prochaine nomination d’un nouveau «responsable du commerce», qui sera chargé «de contrôler et d’améliorer le respect de nos accords commerciaux», sans empiéter pour autant sur la responsabilité globale du commissaire au commerce. Il est primordial, en l’occurrence, que cette fonction soit dotée de pouvoirs étendus, qui lui confèrent un même degré d’influence et d’efficacité pour couvrir chacun des engagements souscrits dans les accords de libre-échange, dont, en particulier, ceux repris dans les chapitres sur le commerce et le développement durable, ainsi que les préoccupations sociales et environnementales soulevées en relation avec d’autres chapitres des accords de commerce et d’investissement. Il convient également que ce poste comporte un processus objectif de prise de décision, fondé sur des investigations lancées en temps voulu et de manière efficace, qu’il soit soutenu par un volant de ressources approprié et qu’il prévoie de donner aux parties prenantes reconnues un rôle bien défini, qu’il s’agisse d’introduire des plaintes ou de participer à toute audition publique qui s’ensuivra. Il devra en outre répondre à des obligations de faire rapport en détail au Parlement européen et au Conseil, qui impliqueront par voie de conséquence de donner un rôle bien établi au CESE et aux différents groupes consultatifs internes (GCI) concernés, ainsi que, en toile de fond, d’associer en permanence la société civile à la démarche. |
5.2. |
Dans chacun de ce qu’elle appelle ses accords de libre-échange de «nouvelle génération», postérieurs à 2010, l’Union a inclus un chapitre spécial sur le commerce et le développement durable, prévoyant notamment un rôle de suivi actif pour la société civile de chacune des parties. |
5.2.1. |
Le CESE juge essentiel le dialogue constructif avec la société civile sur la politique de commerce et d’investissement et réitère son appel en faveur d’un renforcement de son rôle. Dans son avis sur le rôle des groupes consultatifs internes (32), le CESE a mis l’accent sur cette participation et demandé qu’elle soit élargie à tous les aspects d’un accord commercial, en accordant une place centrale à leur incidence sur les engagements en matière de commerce et de développement durable. |
5.2.2. |
Le CESE a déjà recommandé que soient intégrées dans tous les futurs mandats relatifs aux chapitres sur le commerce et le développement durable non seulement une clause spécifique visant à promouvoir les objectifs de développement durable (33), mais aussi, à la suite de l’accord de Paris, la question de la lutte contre le réchauffement de la planète. |
5.3. |
Les 17 objectifs de développement durable, qui forment le cœur du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, et l’accord de Paris sur le changement climatique (34) doivent l’un comme l’autre rester des priorités mondiales. Le commerce et l’investissement doivent jouer un rôle central de soutien à cet égard. Parvenir à la neutralité carbone de l’économie européenne d’ici 2050 représentera cependant un défi considérable. |
5.3.1. |
Tous ces éléments auront de profondes répercussions sur les échanges, les flux commerciaux ayant à leur tour un effet sur eux, tant au sein de l’Union qu’au niveau mondial. Les programmes liés à l’accord de Paris et aux objectifs de développement durable doivent être placés au cœur de toutes les politiques, pratiques et négociations commerciales à venir. La Cnuced (35) a estimé que 7 000 milliards de dollars supplémentaires seront nécessaires pour atteindre les ODD et qu’un tiers au moins de ce montant devra provenir du secteur privé. En outre, les fonds publics joueront également un rôle essentiel dans la mise en œuvre et le financement des ODD. Comme l’a fait valoir par le passé le directeur général de l’OMC, les objectifs du Millénaire pour le développement ont déjà montré «le potentiel de transformation que recelait le commerce» (36). |
5.3.2. |
À leur tour, des changements réglementaires d’envergure seront nécessaires pour parvenir à une transition énergétique réussie et à la liberté nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’accord de Paris. Dans son avis sur le tribunal multilatéral des investissements, le CESE a demandé que soit prévue une clause de hiérarchie qui garantisse qu’en cas d’incompatibilité entre un accord international d’investissement et un accord international en matière environnementale, sociale ou de droits de l’homme ayant valeur contraignante pour une des parties d’un différend, ce soient les obligations découlant dudit accord international en matière environnementale, sociale ou de droits de l’homme qui prévalent, et ce afin d’éviter que la priorité ne soit accordée aux accords des investisseurs (37). |
5.4. |
Le CESE a déjà conclu précédemment (38) que l’Union est «exceptionnellement bien placée pour poursuivre la réalisation des ODD» étant donné qu’elle «dispose de la crédibilité nécessaire pour jouer efficacement le rôle de passerelle entre pays développés et en développement». Il a néanmoins demandé instamment «d’accorder davantage d’attention à la pleine intégration des ODD «dans le cadre d’action européen et les priorités de la Commission actuelle», si nécessaire en collaboration avec les États membres». |
5.4.1. |
Le CESE a déjà souligné que les échanges dans le domaine de l’agriculture (39) auront un rôle particulièrement important à jouer dans la réalisation d’onze de ces objectifs. Dans un avis plus récent sur le thème «Relier l’Europe à l’Asie» (40), il a mis l’accent sur le fait «qu’il est primordial d’établir un lien formel entre l’initiative [chinoise] “Une ceinture, une route” et les objectifs de développement durable», reprenant à nouveau les neuf objectifs les plus pertinents. |
5.5. |
Au moins 13 objectifs de développement durable font référence au changement climatique. L’accord de Paris est quant à lui le premier accord global mondial sur le climat. Si les objectifs de développement durable constituent le schéma directeur pour la prochaine génération, l’accord de Paris est le plan d’action devant assurer l’avenir de la planète. Il est largement admis qu’une augmentation de la température moyenne de la planète supérieure à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels aurait des effets catastrophiques. Les pays les plus susceptibles d’être touchés seraient également les moins à même de gérer les changements nécessaires. |
5.5.1. |
L’accroissement des flux commerciaux entraînera inexorablement un développement supplémentaire du secteur des transports, dont les émissions de gaz à effet de serre sont déjà particulièrement élevées. Les transports sont à l’origine de 24 % des émissions mondiales de CO2 et constituent le seul secteur dont les émissions continuent d’augmenter, au point qu’ils devraient représenter, selon les estimations, 40 % des émissions totales d’ici 2030. Alors que l’aviation et le transport maritime internationaux ne sont pas directement couverts par l’accord de Paris, il est urgent d’intégrer tous les modes de transport dans une politique renforcée en faveur de transports justes et durables, incluant d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement, tels que les producteurs d’énergie et les équipementiers. |
5.5.2. |
Dans un avis distinct sur le rôle des transports, le CESE a souligné les «nombreux défis en rapport avec les objectifs de développement durable, concernant, par exemple, la nécessité de réduire ses incidences sur le climat et l’environnement, d’améliorer les structures de déplacement et la sécurité du trafic, ou de répondre aux préoccupations en matière d’emploi et de travail décent» (41). Il demande également à présent qu’un lien soit établi avec les politiques de commerce et d’investissement. |
5.6. |
Cette préoccupation d’ordre général a favorisé l’essor du concept d’«économie circulaire», décrite comme un système économique visant à réduire au minimum les déchets et à faire le meilleur usage possible des ressources disponibles. L’objectif d’une économie circulaire est de réduire autant que faire se peut aussi bien les ressources utilisées et les déchets que les émissions et les déperditions d’énergie. Cet objectif peut être atteint au moyen d’une approche fondée sur la régénération, s’appuyant sur la conception durable, l’entretien, la réparation, la réutilisation, le remanufacturage, la remise en état et le recyclage. |
5.6.1. |
Beaucoup estiment qu’un monde durable ne devrait pas entraîner une baisse de la qualité de vie des consommateurs, qu’il est possible d’y parvenir sans engendrer de pertes de revenus ou de coûts supplémentaires, et que les modèles économiques circulaires peuvent être aussi rentables que les modèles linéaires. |
5.6.2. |
L’avènement d’un tel modèle pose néanmoins un certain nombre de questions connexes, notamment en ce qui concerne les industries à forte intensité de ressources et d’énergie (IFIRE) actives au sein de l’Union européenne, confrontées à une difficulté existentielle. Ces entreprises jouent un rôle stratégique majeur dans les chaînes de valeur industrielles de l’Union. Alors que la politique en matière de changement climatique vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre (issus tant de la combustion de combustibles fossiles que des processus industriels), l’objectif actuel de l’Union européenne étant de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, la facture énergétique des IFIRE représente une proportion particulièrement importante de leurs coûts totaux: 25 % pour l’acier, de 22 à 29 % pour l’aluminium (42) et de 25 à 32 % pour le verre (43). Ce problème est couvert plus en détail dans un avis distinct du CESE (44). |
5.6.3. |
Une fuite de carbone et, dès lors, des investissements a lieu lorsqu’un prix plus élevé au sein de l’Union européenne entraîne une perte de parts de marché et des emplois qui y sont liés. Dans un tel scénario, les émissions de gaz à effet de serre sont simplement transférées des producteurs de l’Union à d’autres producteurs établis ailleurs (souvent moins économes en énergie), ce qui, dans le meilleur des cas, n’a aucun effet sur les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. |
5.6.4. |
Les mesures palliatives d’ajustement aux frontières, au titre desquelles les pays peuvent à la fois imposer une taxe sur les biens importés et accorder un remboursement de taxe pour les biens exportés, sont possibles et sont reconnues comme légales par l’OMC pour peu qu’elles remplissent certaines conditions. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Les références des différents avis sont mentionnées dans la plupart des notes de bas de page à partir de la note no 9.
(2) Publication de la DG Commerce, novembre 2018.
(3) COM(2015) 497 final.
(4) JOIN(2018) 31 final.
(5) Lettre de mission de la présidente élue de la Commission, Mme Ursula von der Leyen, à M. Phil Hogan, commissaire désigné pour le portefeuille du commerce, 10 septembre 2019.
(6) Voir note de bas de page no 3.
(7) Et 20 millions de personnes en dehors de l’Europe.
(8) Document de travail de l’OCDE sur la politique commerciale, no 226 (2019), Offshoring of services functions and labour market adjustments (Délocalisation des fonctions de service et ajustements du marché du travail), Paris.
(9) Document de travail de l’OCDE sur la politique commerciale, no 227 (2019), Micro-Evidence on Corporate Relationships in Global Value Chains: The Role of Trade, FDI and Strategic Partnerships, Paris.
(10) Voir note de bas de page no 2.
(11) JO C 159 du 10.5.2019, p. 15.
(12) Document de travail de l’OCDE sur la productivité, no 18 (2019), Industry Concentration in Europe and North America, Paris; Perspectives de l’économie mondiale, avril 2019.
(13) JO C 262 du 25.7.2018, p. 94.
(14) Voir note de bas de page no 3.
(15) JO C 383 du 17.11.2015, p. 34.
(16) JO C 264 du 20.7.2016, p. 123.
(17) JO C 129 du 11.4.2018, p. 27.
(18) Voir note de bas de page no 4.
(19) JO C 264 du 20.7.2016, p. 123.
(20) JO C 159 du 10.5.2019, p. 15.
(21) JO C 110 du 22.3.2019, p. 145.
(22) JO C 487 du 28.12.2016, p. 30.
(23) JO C 173 du 31.5.2017, p. 20.
(24) JO C 159 du 10.5.2019, p. 15.
(25) JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.
(26) Communiqué de presse de la Commission européenne, juillet 2015.
(27) JO C 209 du 30.6.2017, p. 66.
(28) JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.
(29) Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 2011.
(30) Voir note de bas de page no 16.
(31) JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.
(32) JO C 159 du 10.5.2019, p. 28.
(33) Voir note de bas de page no 16.
(34) Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, tenue à Paris (COP 21 de la CCNUCC).
(35) Communiqué de presse Cnuced WIF, Genève, 14 octobre 2014, réitéré depuis.
(36) Discours aux Nations unies, le 21 septembre 2016.
(37) JO C 110 du 22.3.2019, p. 145.
(38) Voir note de bas de page no 17.
(39) Voir note de bas de page no 23.
(40) JO C 228 du 5.7.2019, p. 95.
(41) JO C 367 du 10.10.2018, p. 9.
(42) Marcu, A., Stoefs, W., étude intitulée Composition and drivers of energy prices and costs in selected energy-intensive industries (Composition et facteurs déterminants des prix et des coûts de l’énergie dans certaines industries à forte intensité énergétique), CEPS, 2016, disponible en ligne à l’adresse http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/20355
(43) Egenhofer, C., Schrefler, L., étude intitulée Composition and drivers of energy prices and costs in energy-intensive industries. The case of the flat glass industry (Composition et facteurs déterminants des prix et des coûts de l’énergie dans les industries à forte intensité énergétique. Le cas de l’industrie du verre plat), CEPS, 2014.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/50 |
Avis du Comité économique et social européen sur «Un rôle plus constructif pour la société civile dans la mise en œuvre du droit de l’environnement»
(avis exploratoire)
(2020/C 47/07)
Rapporteur: Arnaud SCHWARTZ
Corapporteur: István KOMORÓCZKI
Consultation |
Commission européenne, 18.12.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne Avis exploratoire |
Décision du bureau |
11.12.2018 |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
1.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
152/3/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Dans sa demande d’avis, la Commission européenne a affirmé qu’au sein de la société civile organisée, «employeurs, travailleurs et autres représentants sont au cœur de la mise en œuvre». Le Comité économique et social européen (CESE) partage cette opinion et, comme il l’a fait dans des avis antérieurs (1) (2), souligne que la législation environnementale n’est pas correctement mise en œuvre en raison d’un manque de volonté politique à tous les niveaux institutionnels. Cette lacune n’a rien à voir avec le fait que la société civile ne joue pas son rôle de manière suffisante ou constructive. |
1.2. |
Le CESE invite par conséquent la Commission européenne à mettre en place un meilleur cadre de conformité au niveau de l’Union. Pour y parvenir, il conviendrait de gérer les plaintes et les infractions de manière plus transparente et plus ferme, mais aussi d’y consacrer davantage de ressources humaines et financières, par exemple au titre du cadre financier pluriannuel (CFP). L’objectif est d’expliquer en quoi consiste la législation environnementale de l’Union, de vérifier qu’elle est correctement mise en œuvre, de l’évaluer et d’aider les tribunaux à accomplir leur mission si le besoin s’en fait sentir. |
1.3. |
Le CESE soutient le processus d’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale (Environmental Implementation Review — EIR), qui est essentiel pour fournir un large éventail d’informations en matière d’environnement sur des questions telles que la durabilité, le changement climatique et la qualité de vie en Europe. Toutefois, il attend que la Commission et les États membres remplissent leurs obligations en incluant les points de vue des organisations de la société civile (OSC) dans l’EIR et les rapports par pays. |
1.4. |
Le CESE demande également à la Commission d’associer de manière plus systématique les organisations de la société civile aux futurs bilans de qualité de la législation environnementale européenne, ainsi qu’aux processus d’EIR à venir, tant au niveau national qu’au niveau de l’Union. Cette participation devrait intervenir à un stade très précoce, lors de la définition des critères d’évaluation en coopération avec le CESE ou avec les comités équivalents, selon que cette démarche a lieu au niveau européen, national ou local. |
1.5. |
Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que les États membres élaborent, introduisent et appliquent des systèmes fiscaux harmonisés, écologiques et durables, fondés sur le principe du «pollueur-payeur». Ainsi, les ressources seront systématiquement redistribuées à ceux qui agissent pour prévenir la pollution des sols, de l’eau et de l’air. Ce principe devrait également s’appliquer aux municipalités et aux autres collectivités locales ou régionales. |
1.6. |
Il conviendrait que les organisations de la société civile dont les activités touchent à l’environnement, tout comme les petites et moyennes entreprises (PME), participent davantage à la diffusion d’informations destinées aux travailleurs, ainsi qu’à la conception de l’éducation et de la formation en matière environnementale, de sorte que le grand public ait une compréhension élémentaire de ces questions. Les États membres devraient soutenir et prendre financièrement en charge cette coopération. Un enseignement obligatoire des thèmes du climat et de l’environnement (entre 6 et 18 ans) devrait faire partie du programme scolaire national de chaque pays, et les OSC actives dans le domaine de l’environnement devraient être associées à des travaux théoriques ou pratiques à titre contraignant à partir de 2020. |
1.7. |
Sur le plan politique, le CESE exhorte tous les États membres à mettre en place, à tout le moins, un ministère de la protection de l’environnement, permettant de mettre davantage l’accent sur le droit de l’environnement et d’améliorer sa coordination et son application. |
1.8. |
Afin de réduire notre empreinte écologique et de renforcer le développement durable, le CESE demande instamment aux États membres de mettre pleinement en œuvre les stratégies concernant les marchés publics écologiques, de sorte qu’elles fassent l’objet d’une surveillance régulière et directe par la Commission. Cette dernière devrait aller plus loin en exigeant que les organisations de la société civile soient consultées lors de la préparation des marchés en question et de l’examen final des offres reçues. La Commission devrait également prévoir la possibilité d’utiliser les fonds de l’Union afin d’accroître les effets positifs des marchés publics écologiques. |
1.9. |
L’Union doit contribuer à l’essor de modèles de développement local et promouvoir la protection généralisée de l’environnement sur son territoire. Aussi se doit-elle d’être plus présente à l’échelon local pour s’assurer que les fonds européens sont dépensés à bon escient et que les acteurs publics et privés concernés sont associés à la mise en œuvre en bonne et due forme de la législation et de la gouvernance en matière d’environnement. De même, l’on pourrait ainsi répondre à la nécessité de veiller à ce que les personnes et les organisations établies dans les régions périphériques de l’Union européenne soient soutenues et considérées comme un maillon essentiel de l’Union. La Commission devrait également garantir que les secteurs de l’accès à l’information et à la justice emploient suffisamment de personnel convenablement formé, notamment dans le domaine de l’inspection, afin de contrôler la bonne mise en œuvre. |
1.10. |
Le CESE souligne que la Commission doit préserver et soutenir vigoureusement nos principales normes en matière environnementale et sociale lorsqu’elle promeut et protège l’économie européenne au cours de négociations relatives au commerce mondial. Il s’agit non seulement d’un moyen d’accroître la compétitivité de l’Europe, d’améliorer son image et d’offrir un avenir à sa population et à ses territoires, mais aussi d’une opportunité de montrer à d’autres parties du monde une méthode de gouvernance plus démocratique et durable fondée sur une participation renforcée des OSC. |
1.11. |
Le CESE propose la création d’un organe tripartite (Commission, États membres et OSC) pour le règlement des différends et/ou pour débattre des problèmes soulevés par les organisations de la société civile avant que tout dommage éventuel sur l’environnement ne puisse survenir ou que toute voie de recours juridique ne soit sollicitée. En outre, un organe consultatif de l’Union, indépendant et spécialisé dans les questions scientifiques, devrait être en mesure de formuler des recommandations à l’intention de la Commission lorsqu’une OSC signale un problème. La Commission devrait également présenter des décisions motivées. |
1.12. |
Les États membres et la Commission devraient accorder après 2020 un soutien politique, financier et professionnel accru aux PME et aux organisations de la société civile pour qu’elles puissent se consacrer à la protection de l’environnement. |
2. Observations générales
2.1. Le rôle de la société civile dans la gouvernance, la mise en œuvre et l’évaluation du droit de l’environne ment
Contexte
2.1.1. |
Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a adressé une lettre au président du CESE en décembre 2018 pour lui demander cet avis exploratoire, écrivant que «la société civile — employeurs, travailleurs et autres représentants — est au cœur de la mise en œuvre». Le CESE, en tant que porte-parole de la société civile organisée, représente les opinions de la société européenne sur le terrain, dans des domaines qui relèvent des thèmes indiqués dans la lettre susmentionnée. |
2.1.2. |
Ces dernières années, le CESE a adopté sur ce sujet plusieurs avis, dont la Commission européenne devrait tenir compte (3) (4). |
2.1.3. |
Alors que les citoyens à travers le monde se montrent de plus en plus préoccupés par les questions d’environnement (5), le CESE souhaite rappeler à la Commission que l’un des principaux obstacles à une meilleure mise en œuvre du droit de l’environnement est le manque de volonté politique aux niveaux local, national et européen. Cette lacune se traduit également par l’insuffisance des ressources humaines et financières (par exemple au titre du cadre financier pluriannuel) dont il est besoin pour expliquer l’objectif de la législation environnementale, veiller à ce qu’elle soit correctement mise en œuvre, aider les tribunaux, le cas échéant, à accomplir leur mission (6) et procéder à l’évaluation de celle-ci. En d’autres termes, le déficit de mise en œuvre de la législation environnementale n’est pas imputable au fait que la société civile ne remplirait pas sa mission de manière suffisante et constructive. Le Comité estime que la faute en incombe principalement aux organes législatifs qui, tout simplement, ne s’en sont pas suffisamment souciés. |
2.1.4. |
Dernier point, mais non des moindres, le CESE fait valoir que le renforcement du rôle de la société civile organisée dans la gouvernance, la mise en œuvre et l’évaluation des réglementations environnementales européennes est essentiel pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en commençant par l’ODD no 1, et pour mettre en pratique les accords sur le climat. Par conséquent, le Comité attire l’attention des autorités compétentes sur un certain nombre d’améliorations générales, sectorielles et thématiques énumérées dans le présent avis. |
Accès à l’information
2.1.5. |
Le CESE soutient fermement le processus d’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale (EIR), qui est essentiel pour fournir un large éventail d’informations en matière d’environnement sur des questions telles que la durabilité, le changement climatique et la qualité de vie en Europe. Il attend de la Commission et des États membres qu’ils remplissent leurs obligations en incluant les points de vue des organisations de la société civile dans l’EIR et les rapports par pays. |
2.1.6. |
Le Comité demande à la Commission d’exiger des États membres qu’ils adoptent un mécanisme permettant d’obtenir dans un délai d’un mois des informations en matière d’environnement [convention d’Aarhus (7)]. Il n’est plus acceptable que le public soit contraint d’attendre, parfois plus d’un an, avant de pouvoir accéder à ces informations. |
2.1.7. |
Le CESE demande également à la Commission d’améliorer sa communication et de promouvoir plus régulièrement et plus efficacement la vision des directives européennes par l’intermédiaire des médias sociaux. Une telle démarche pourrait être soutenue par les OSC. La formation et l’éducation continues en matière d’environnement sont cruciales. |
Participation
2.1.8. |
Le CESE demande à la Commission d’associer de manière plus systématique les organisations de la société civile aux futurs bilans de qualité des réglementations environnementales européennes, ainsi qu’aux processus d’EIR à venir, tant au niveau national qu’au niveau de l’Union. Cette participation devrait intervenir à un stade très précoce, au moment de la définition des critères d’évaluation en coopération avec le CESE et les comités équivalents aux niveaux national et local. |
2.1.9. |
Dans le droit fil de ses avis antérieurs (8) (9), le CESE réaffirme que la mise en œuvre efficace des mesures de protection de l’environnement dépend en partie de l’octroi à la société civile (employeurs, salariés et autres parties prenantes) d’un rôle plus actif. Aussi, le Comité réitère sa demande en faveur d’une participation plus forte et plus structurée des organisations de la société civile, qui serait de nature à renforcer les EIR. Les OSC qui s’intéressent aux questions environnementales au niveau national, de même que les communautés scientifiques, doivent par exemple être mises en mesure de contribuer, par leurs connaissances et leurs compétences, aux rapports par pays ainsi qu’aux dialogues structurés nationaux et à leur suivi. |
2.1.10. |
Il en va de même pour les négociations commerciales de l’Union: la Commission doit préserver et soutenir vigoureusement nos principales normes en matière environnementale et sociale lorsqu’elle promeut et protège l’économie européenne au cours de négociations relatives au commerce mondial. Il s’agit non seulement d’un moyen d’accroître la compétitivité de l’Europe, d’améliorer son image et d’offrir un avenir à sa population et à ses territoires, mais aussi d’une opportunité de montrer à d’autres parties du monde une méthode de gouvernance plus démocratique et durable fondée sur une participation renforcée des OSC. |
2.1.11. |
Les organisations de la société civile sont souvent appelées à représenter et à exprimer les préoccupations de la société quant aux coûts et aux inconvénients qu’entraîne la mise en œuvre. Le CESE propose dès lors que les OSC interviennent plus en amont dans les procédures lorsqu’elles sont invitées à organiser des consultations et à devenir des acteurs pertinents dans le cadre du règlement des différends. Le Comité estime que ce dernier devrait avoir lieu à un stade moins avancé du processus. |
2.1.12. |
Le CESE propose la création d’un organe tripartite (Commission, États membres et OSC) pour le règlement des différends et/ou pour débattre des problèmes soulevés par les organisations de la société civile avant que tout dommage éventuel sur l’environnement ne puisse survenir ou que toute voie de recours juridique ne soit sollicitée. En outre, un organe consultatif de l’Union, indépendant et spécialisé dans les questions scientifiques, devrait être en mesure de formuler des recommandations à l’intention de la Commission lorsqu’une OSC signale un problème. La Commission devrait également présenter des décisions motivées. |
Accès à la justice
2.1.13. |
Le CESE renvoie à un précédent avis (10) et invite une fois encore la Commission à œuvrer à améliorer l’accès de la société civile à la justice, par exemple en accordant le droit aux OSC de saisir la Cour de justice de l’Union européenne et en s’assurant qu’il existe des juges et des procureurs spécialisés aux échelons européen, national et local. |
2.1.14. |
Afin d’améliorer l’accès à la justice, le CESE estime également que les citoyens devraient pouvoir s’adresser directement à la Cour de justice de l’Union européenne, comme c’est le cas pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), lorsque la transposition du droit de l’Union dans la législation nationale est en jeu et que les voies de recours nationales ont été épuisées. |
2.1.15. |
Les procédures judiciaires étant souvent excessivement longues, le CESE demande à la Commission de réfléchir à la mise en place d’une injonction en matière d’environnement pour les questions autres que les situations d’urgence, à laquelle les États membres devraient obtempérer et qui prévoirait la suspension des travaux dans l’attente d’une décision du Tribunal de première instance en cas de préjudice immédiat pour l’environnement. |
2.1.16. |
Le CESE demande également à la Commission de créer un mécanisme approprié de sorte que les amendes payées pour dommages causés à l’environnement soient investies dans des actions visant à soutenir la protection de celui-ci. |
2.2. Propositions de la société civile concernant le rôle des PME, des employeurs, des syndicats et des organisations environnementales dans la mise en œuvre du droit de l’environnement
Le rôle des PME dans la mise en œuvre du droit de l’environnement
2.2.1. |
Comme souligné dans un avis antérieur (11), le CESE, à l’instar de la Commission, reconnaît avec circonspection que le respect insuffisant des mécanismes garantissant la mise en œuvre de la législation et de la gouvernance environnementales constitue un facteur regrettable de concurrence déloyale et de préjudice économique. |
2.2.2. |
Les PME et les microentreprises en particulier représentent 99,8 % des entreprises en Europe: elles sont caractérisées soit par leurs effectifs, soit par le montant de leur chiffre d’affaires et de leur bilan (12). La contribution des PME à la création de valeur et à l’emploi, ainsi que leur incidence sur l’environnement sont considérables. Si, prises isolément, les PME disposent généralement de ressources humaines et financières limitées, il est dans l’intérêt de tous de les mobiliser et de les encourager à accorder davantage d’attention aux règles en matière de protection de l’environnement. Les capacités des PME et leur participation à l’innovation, au renouvellement, à la création d’emplois et au maintien du progrès social sont primordiales pour réaliser les ODD des Nations unies et atteindre les objectifs mondiaux de l’accord de Paris en matière de climat. Nombreux sont les autres domaines importants, tels que la santé, l’agriculture, l’industrie manufacturière, le tourisme et l’hôtellerie, les services et les activités commerciales en général, dans lesquels l’élaboration et l’harmonisation des normes environnementales, la préservation du développement durable et la lutte contre le changement climatique sont déterminantes. À cet égard, la Commission, les États membres et les organisations de la société civile doivent coopérer plus étroitement avec les PME. |
2.2.3. |
Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que les États membres élaborent, introduisent et appliquent des systèmes fiscaux harmonisés, écologiques, durables et respectueux de l’environnement, fondés sur le principe du «pollueur-payeur». Ainsi, les ressources seront systématiquement redistribuées à ceux qui luttent pour prévenir la pollution des sols, de l’eau et de l’air. Ce principe devrait également s’appliquer aux municipalités et aux autres collectivités locales ou régionales. |
Le rôle des syndicats et des employeurs dans la mise en œuvre du droit de l’environnement
2.2.4. |
Le CESE demande à la Commission de subventionner une partie des coûts engendrés par la formation des travailleurs sur la reconnaissance et la mise en œuvre des réglementations environnementales, dans le cadre de cours organisés par les syndicats et/ou les employeurs. |
2.2.5. |
Il conviendrait que les organisations de la société civile ayant à cœur la protection de l’environnement, tout comme les PME, participent davantage à la diffusion d’informations destinées aux travailleurs, ainsi qu’à la conception de l’éducation et de la formation en matière environnementale, de sorte que le grand public ait une compréhension élémentaire de ces questions. Les États membres devraient prendre en charge le financement de cette coopération. Un enseignement obligatoire des thèmes du climat et de l’environnement (entre 6 et 18 ans) devrait faire partie du programme scolaire national de chaque pays, et les OSC actives dans le domaine de l’environnement devraient être associées à des travaux théoriques ou pratiques à titre contraignant à partir de 2020. |
Le rôle des OSC sensibles aux questions environnementales dans la mise en œuvre du droit de l’environnement
2.2.6. |
Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que le budget de l’Union couvre les coûts liés aux contributions que les OSC à but non lucratif apportent aux processus européens et nationaux, ainsi qu’à la structure de la gouvernance, de la mise en œuvre et de l’évaluation du droit de l’environnement. |
2.2.7. |
De manière générale, les États membres et la Commission devraient accorder après 2020 un soutien politique, financier et professionnel accru aux PME et aux organisations de la société civile pour qu’elles puissent se consacrer à la protection de l’environnement. |
2.2.8. |
Les OSC sensibles aux questions environnementales devraient pouvoir participer à la prise de décision concernant l’utilisation des fonds européens, au niveau régional, pour les projets ayant une incidence sur l’environnement. L’accès à ces fonds devrait par ailleurs leur être facilité. |
2.2.9. |
En outre, il importe que les organisations de la société civile actives dans le domaine de l’environnement aient la possibilité de prodiguer leurs conseils et de participer à l’élaboration des rapports annuels des États membres en lien avec les directives environnementales, par exemple concernant les directives «Oiseaux» (13) et «Habitats» (14) ou l’état de l’environnement dans chaque pays. La Commission devrait aussi se montrer plus vigilante s’agissant de la publication de ces rapports par les États membres en temps voulu, certains d’entre eux n’étant pas transmis à la date prévue à l’article 16 de la directive «Habitats» ou à l’article 9 de la directive «Oiseaux». |
2.3. Propositions de la société civile organisée quant à son rôle dans la mise en œuvre du droit de l’environnement dans les domaines des déchets, de l’air et de la biodiversité
Le rôle de la société civile dans la mise en œuvre des réglementations environnementales dans le domaine des déchets
2.3.1. |
Le CESE est profondément préoccupé par le fait que la moitié des pays de l’Union européenne risquent, selon le rapport de la Commission européenne, de ne pas atteindre l’objectif de 50 % de recyclage des déchets municipaux d’ici à 2020 (15). |
2.3.2. |
Le CESE demande instamment à la Commission et aux États membres d’abandonner progressivement l’incinération et l’enfouissement des déchets recyclables. Il est grand temps que la Commission et les États membres tiennent leurs engagements en matière de protection de l’environnement, plutôt que d’accepter les actions menées par les groupes de pression à l’encontre d’une économie «zéro déchet», durable et circulaire, dont nous avons besoin de toute urgence. |
2.3.3. |
À cet égard, le CESE exhorte l’ensemble des États membres à jouer un rôle majeur en mettant l’accent sur la protection de l’environnement et en agissant dans ce sens. La Commission devrait demander aux États membres de mettre en place, dans le cadre de leur structure gouvernementale, un ministère doté d’un portefeuille consacré à la protection de l’environnement et au développement durable, qui leur permettrait de se concentrer davantage sur la coordination et la mise en œuvre des réglementations environnementales de l’Union. |
2.3.4. |
Afin de faciliter la réalisation des objectifs relatifs aux déchets et de soutenir ce processus en améliorant l’éducation et la formation, le CESE invite également les États membres à lancer des campagnes d’éducation et d’information claires sur la prévention et la gestion des déchets, ciblant le grand public, et notamment les écoles primaires et secondaires. En vue de mettre davantage en évidence la responsabilité sociale globale quant à la protection de l’environnement, la Commission et les États membres devraient assurer une couverture en ligne régulière et beaucoup plus grande des activités ciblées menées par les PME et les organisations non gouvernementales (ONG) concernant la collecte et la gestion des déchets. Suivant l’exemple du concours de «Capitale verte de l’Europe» [remporté par Oslo (16) en 2019], le CESE propose à la Commission d’allouer aux ONG environnementales nationales, à compter de 2020, les ressources financières nécessaires pour décerner chaque année, dans les États membres, des prix de l’environnement similaires à trois localités rurales (villes de grande ou de petite taille), sur la base de leurs performances environnementales. Ce prix serait évidemment plus symbolique que substantiel, toutefois l’intérêt ciblé des médias locaux et nationaux mettrait en lumière l’importance de cette question. |
2.3.5. |
Les impôts, les sanctions fiscales, l’exonération de certains impôts et les allègements fiscaux constituent des incitations déterminantes pour la gestion et la croissance de l’économie des pays, pour ce qui est d’encourager ou de décourager les acteurs concernés s’agissant de réduire les déchets, de les éliminer, de les détruire et de les gérer comme une ressource utile. En vue d’associer les PME à la gestion plus efficace des ressources issues des déchets et à l’amélioration de la qualité de l’air, le CESE suggère que les États membres appliquent des taxes plus élevées sur la mise en décharge des déchets, qu’ils réduisent fortement voire interdisent leur incinération, qu’ils mettent tous en œuvre le principe de «paiement aux déchets» et qu’ils infligent des sanctions pour les déchets recyclables contaminés. Il serait très utile d’instaurer des taxes environnementales (ou écologiques) ou des allégements fiscaux ponctuels pour les PME à l’origine d’innovations majeures en matière de gestion et de réutilisation des déchets. |
2.3.6. |
Le CESE soutient fermement les objectifs fondamentaux définis dans la directive-cadre relative aux déchets (17), laquelle stipule que «la gestion des déchets [doit] se fai[re] sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore, sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives, et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier». Dans cette lignée, la Commission devrait compléter la législation et la politique européennes relatives aux déchets par une combinaison de méthodes de collecte sélective (porte-à-porte, îlots de déchets, décharges, actions sociétales communes de collecte des déchets) et par la mise en place d’un réseau national de décharges. L’introduction (et l’application) obligatoire de systèmes de consigne pour les conteneurs à usage unique (PET, aluminium, verre), l’utilisation intelligente des déchets encombrants (centres de réutilisation), l’extension de la collecte séparée des déchets (textiles, biodégradables, dangereux) et l’incitation renforcée au compostage domestique et communautaire, assortie d’un soutien technique et financier pour l’utilisation du compost, permettront de réduire la charge que représente l’élimination des déchets. |
2.3.7. |
Les OSC et les PME concernées (principalement les entreprises de gestion des déchets) devraient être davantage associées à la prise de décision en matière environnementale et à la mise en œuvre au niveau national. Il conviendrait que les États membres mettent en place des régimes de soutien financier pour les PME qui s’engagent activement dans la collecte, le recyclage et la revalorisation des déchets, ainsi que dans l’économie circulaire de manière générale. |
2.3.8. |
Afin de réduire notre empreinte écologique et de renforcer le développement durable, le CESE demande instamment aux États membres de mettre pleinement en œuvre les stratégies concernant les marchés publics écologiques, de sorte qu’elles fassent l’objet d’une surveillance régulière et directe par la Commission. Cette dernière devrait aller plus loin en exigeant que les ONG environnementales nationales actives dans les États membres soient associées à la préparation des marchés en question et à l’examen final des offres reçues. La Commission devrait également prévoir la possibilité d’utiliser les fonds de l’Union afin d’accroître les effets positifs des marchés publics écologiques. |
2.3.9. |
L’EIR (18) devrait être publié régulièrement et fournir en permanence des informations pertinentes. Celui publié le 4 avril 2019 faisait référence à une étude selon laquelle le coût total pour la société des actuelles lacunes dans la mise en œuvre de la politique environnementale est estimé à environ 55 milliards d’EUR par an (19). |
2.3.10. |
Depuis deux ans, les échanges européens entre pairs effectués par les experts des agences environnementales et des municipalités des États membres fonctionnent bien et permettent de sensibiliser davantage les parties prenantes. Il conviendrait toutefois d’assurer, dans les États membres, une couverture en ligne beaucoup plus large des idées nouvelles et des bonnes pratiques acquises, en veillant à ce que le contenu et les résultats de ces rencontres entre pairs soient régulièrement publiés. Une participation accrue des OSC nationales et des PME peut déboucher sur une coopération technique ou commerciale plus étroite et sur une reconnaissance plus rapide des possibilités dont disposent ces petites et moyennes entreprises. Le CESE demande instamment à la Commission de publier, chaque année, les dates des journées mondiales relatives à l’environnement (20), invitant et aidant les acteurs locaux dans les États membres, lorsqu’ils mobilisent ou financent des parties prenantes, des entreprises, des OSC et des autorités, à organiser des manifestations de collecte de déchets, de nettoyage ou d’amélioration de la qualité de l’air. |
Le rôle de la société civile dans la mise en œuvre du droit de l’environnement dans le domaine de l’air
2.3.11. |
En raison de l’augmentation des problèmes sanitaires et environnementaux, les États membres devraient améliorer la qualité générale de l’air et associer plus activement les ONG et les entreprises au processus de prévention de la pollution. Le chauffage des ménages au charbon et au bois humide, la combustion à l’air libre de déchets commerciaux (tels que les déchets plastiques ou textiles), de jardin ou d’autre origine, les véhicules anciens équipés de moteurs produisant des taux d’émissions plus élevés, l’aviation civile et militaire (21), le transport routier, le transport maritime, les navires de croisière fluviale et maritime, ainsi que certaines pratiques industrielles et agricoles, sont autant de sources d’une pollution atmosphérique considérable. |
2.3.12. |
Le CESE se félicite vivement que la politique agricole commune (PAC) ait introduit des règles contraignantes relatives à la protection de l’environnement en vue de promouvoir le développement durable (article 11 du TFUE), à la protection des consommateurs (article 12), aux exigences en matière de bien-être animal (article 13), etc. Le Comité encourage la Commission à poursuivre le renforcement de ces domaines et, par exemple, à instaurer au titre de la PAC de nouvelles mesures liées à l’amélioration de la qualité de l’air et à la réduction des volumes des émissions. Cependant, en vue d’atténuer les problèmes liés aux coûts supportés par les petites entreprises et les agriculteurs, l’Union européenne devrait aussi appliquer pleinement la décision visant à mettre en place une infrastructure adéquate pour les carburants de substitution (22), comme convenu dans la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil (23) sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. |
2.3.13. |
Afin de réduire la pollution de l’air due aux véhicules anciens, la Commission devrait mettre un terme aux ventes transfrontières de voitures d’occasion de plus de cinq ans. La réduction du transport routier de marchandises, l’amélioration des conditions de transport de marchandises par voie ferroviaire, maritime et fluviale et la mise en place de zones à faibles émissions dans les régions habitées sont des facteurs essentiels pour réduire la pollution de l’air. Afin d’éviter la pollution atmosphérique et sonore, il est nécessaire de redoubler d’efforts et d’utiliser les fonds des États membres pour remplacer, entre 2022 et 2027, les actuels moteurs diesel, dépassés, par des voitures électriques ou, pour le moins, des moteurs à plus faible niveau d’émission. |
2.3.14. |
En vue d’améliorer la qualité de l’air, la Commission devrait aider les États membres à moderniser le matériel roulant, à supprimer les limitations de vitesse sur les lignes ferroviaires, à étendre à toutes les routes, pour les poids lourds, les péages routiers électroniques basés sur la distance parcourue et à introduire une plus grande différenciation du système de péage fondé sur les émissions. Les États membres devraient mettre en place un péage routier urbain dans les capitales, en instaurant notamment une redevance de congestion d’ici à 2025, et créer plus de zones piétonnes, des parcs plus grands et d’autres espaces verts dans les villes, dans le cadre d’un dialogue continu avec les ONG et les PME concernées. Il conviendrait, à intervalles réguliers, d’associer celles-ci à la planification et à la création de ces zones et de les consulter en ligne. |
2.3.15. |
Le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur les réglementations en faveur d’une utilisation accrue des énergies renouvelables et, partant, d’une augmentation de la part qu’elles représentent dans la fourniture d’électricité et de chauffage. Tant les ONG que les PME devraient participer de manière visible à l’élaboration de nouveaux plans nationaux en matière d’énergie, qui se traduiraient par une baisse de la consommation d’énergie, et notamment des combustibles fossiles. Les États membres devraient examiner les propositions concrètes et réalisables à cet égard; par ailleurs, il importe de distinguer les bonnes pratiques et de les doter des ressources financières nécessaires. Les États membres devraient partager régulièrement leurs bonnes pratiques en matière d’environnement. |
Le rôle de la société civile dans la mise en œuvre du droit de l’environnement dans le domaine de la biodiversité
2.3.16. |
S’agissant en particulier de l’impact sur la biodiversité, le CESE juge primordial que les États membres mènent des consultations publiques à un stade précoce, lorsque toutes les options sont encore envisageables et qu’une réelle analyse des différentes solutions est possible. Il incombe en premier lieu aux États membres et aux autorités compétentes de veiller à ce que les promoteurs prennent cette exigence au sérieux et encouragent les consultations publiques préalables. |
2.3.17. |
Afin de permettre aux OSC de mener de véritables discussions avec la Commission, il convient d’en clarifier le fonctionnement (en particulier le processus de prise de décision) et les attentes (type d’informations attendues), par exemple en cas de non-respect du droit de l’environnement ou de risque de préjudice pour la biodiversité. |
2.4. Propositions de la société civile concernant la mise en œuvre du droit de l’environnement et le rôle de la Commission en tant que gardienne des traités
2.4.1. |
Le CESE invite la Commission à présenter des observations aux parlements nationaux lorsqu’un État membre légifère afin de transposer la législation environnementale de l’Union. |
2.4.2. |
Le Comité souhaite aussi que la Commission, à la demande de tiers, formule des observations et les communique aux parties concernées lorsqu’un recours contre une disposition nationale transposant le droit européen de l’environnement est porté devant une cour suprême. |
2.4.3. |
Le CESE demande à la Commission de rappeler aux États membres que la notion de «surtransposition» n’existe pas dans le droit de l’Union et que la législation environnementale européenne exige que des mesures soient prises en permanence pour améliorer l’état de l’environnement. Par conséquent, la législation de l’Union européenne interdit tout retour en arrière. |
2.4.4. |
Le Comité invite par ailleurs la Commission à expliquer aux États membres que le droit de l’environnement de l’Union, qui autorise les dérogations aux règles du droit dérivé, exige que ces dérogations soient strictement délimitées par les États afin de ne pas contrevenir aux objectifs de l’Union. |
2.4.5. |
Le CESE encourage la Commission à poursuivre l’élaboration de lignes directrices destinées à faciliter l’interprétation et l’application du droit dérivé de l’environnement, en particulier dans les deux domaines suivants:
|
2.4.6. |
L’Union doit contribuer à l’essor et au respect de modèles de développement local, et promouvoir la protection de l’environnement. C’est pourquoi la Commission doit procéder à des contrôles plus réguliers à l’échelon local au sein des États membres, afin de veiller à ce que les fonds européens soient dépensés à bon escient et à ce que l’ensemble des acteurs publics et privés concernés appliquent correctement les réglementations et la gouvernance en matière d’environnement. De même, l’on pourrait ainsi satisfaire à l’exigence générale selon laquelle les personnes et les organisations établies dans les régions périphériques de l’Union européenne doivent être soutenues et considérées comme un maillon essentiel de l’Union. La Commission devrait également s’assurer que, dans chacun des États membres, les secteurs de l’accès à l’information et à la justice, et plus encore celui de l’inspection, emploient suffisamment de personnel convenablement formé afin de contrôler la bonne mise en œuvre des réglementations environnementales. |
2.4.7. |
Le CESE invite la présidente de la Commission à conférer au commissaire chargé de la protection environnementale une plus grande autorité, en particulier en ce qui concerne les questions liées à l’environnement et à la santé. Le commissaire devrait également donner la priorité et participer davantage à la coordination du développement dans les zones rurales, à l’amélioration de la qualité de vie partout et à la garantie que les entreprises nationales se conforment aux exigences de l’Union en matière d’environnement. L’économie concurrentielle de demain doit devenir l’économie de la beauté, couvrant tout ce qui est beau et bon, à savoir les activités culturelles, artistiques, environnementales et locales qui améliorent la qualité de vie. L’un de nos objectifs fondamentaux devrait être la croissance du bonheur national brut (BNB), c’est-à-dire du bien-être général, lequel est lié à une économie plus saine et crée des valeurs économiques, sociales et environnementales de meilleure qualité et plus durables, qui peuvent ensuite être régénérées. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 83).
(2) Avis du CESE sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 33).
(3) Avis du CESE sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 83).
(4) Avis du CESE sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 33).
(5) https://glocalities.com/latest/reports/environmental-concern (en anglais uniquement).
(6) Avis du CESE sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 33) (conclusion no 1.5).
(7) https://ec.europa.eu/environment/aarhus/ (en anglais uniquement).
(8) Avis du CESE sur l’«Examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne» (JO C 345 du 13.10.2017, p. 114).
(9) Avis du CESE sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 33).
(10) Avis du CESE sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 83).
(11) Avis du CESE sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 83).
(12) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32003H0361
(13) Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 20 du 26.1.2010, p. 7).
(14) Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206 du 22.7.1992, p. 7).
(15) COM(2019) 149 final.
(16) http://ec.europa.eu/environment/europeangreencapital/index_en.htm (en anglais uniquement).
(17) Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312 du 22.11.2008, p. 3). http://ec.europa.eu/environment/waste/framework/ (en anglais uniquement).
(18) http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2019/FR/COM-2019-149-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF
(19) http://ec.europa.eu/environment/eir/pdf/study_costs_not_implementing_env_law.pdf (en anglais uniquement).
(20) https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_environmental_dates (en anglais uniquement).
(21) Avis du CESE sur le «Système d’échange de quotas d’émission pour les activités aériennes» (JO C 288 du 31.8.2017, p. 75).
(22) Avis du CESE sur le «Plan d’action relatif à l’infrastructure pour carburants alternatifs» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 69).
(23) Directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs (JO L 307 du 28.10.2014, p. 1). https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2014/94/oj?locale=fr
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/58 |
Avis du Comité économique et social européen sur la bioéconomie bleue
(avis exploratoire)
(2020/C 47/08)
Rapporteur: Simo TIAINEN
Corapporteur: Henri MALOSSE
Consultation |
Présidence finlandaise de l’Union européenne, 7.2.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision du bureau |
19.2.2019 |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
1.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
151/1/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La bioéconomie bleue est synonyme d’activités économiques et de création de valeur sur la base d’une utilisation durable et intelligente des ressources aquatiques renouvelables et de l’expertise y afférente. En Europe, l’expertise, le savoir-faire et les traditions humaines liées à l’eau, aux ressources aquatiques et à la bioéconomie bleue sont considérables. Néanmoins, eu égard au potentiel et aux possibilités qu’offre la bioéconomie bleue, les activités commerciales en la matière restent relativement modestes. Il existe plusieurs obstacles à surmonter. |
1.2. |
Il convient de cerner le plein potentiel de la bioéconomie bleue dans l’Union européenne et de définir des priorités en matière de recherche afin de renforcer la croissance durable de cette économie. Il est nécessaire, en particulier, d’approfondir les connaissances sur les possibilités d’utiliser des matières premières aquatiques dans les procédés conférant une valeur ajoutée. Le renforcement d’une croissance durable requiert un financement ciblé de la recherche pour stimuler l’innovation, le développement pluridisciplinaire, l’entrepreneuriat et de nouveaux emplois de qualité. La croissance durable exige également un environnement opérationnel qui garantisse des conditions de concurrence équitables, ainsi qu’une large collaboration et la création de nouveaux partenariats entre l’industrie, les organismes de recherche, les pouvoirs publics et le secteur tertiaire. |
1.3. |
Dans de nombreuses régions européennes, l’état des eaux et des écosystèmes aquatiques n’est pas satisfaisant. La bioéconomie bleue repose toutefois sur la bonne qualité de l’eau et sur des écosystèmes aquatiques sains. Il est essentiel de préserver et de restaurer le bon état et la biodiversité des océans, des mers, des lacs et des rivières. Cette démarche nécessite d’importants efforts de la part de toutes les parties prenantes, notamment l’Union, les institutions nationales et régionales, les universités et les centres de recherche, de tous les professionnels concernés (par exemple, les secteurs de la pêche et du tourisme), ainsi que des organisations de la société civile. Ces efforts doivent porter, entre autres, sur une recherche, une formation et une transmission du savoir-faire appropriées. |
1.4. |
Davantage d’investissements sont requis dans la gestion des environnements aquatiques et des installations sanitaires, afin de garantir l’accès à l’eau potable et son utilisation durable, ainsi que des services d’assainissement adéquats pour tous. Il convient de trouver des solutions compétitives pour éliminer les déchets de l’eau et développer des technologies d’économie et de recyclage de l’eau. De nouvelles solutions rentables sont nécessaires pour réduire l’écoulement des charges en nutriments dans les eaux naturelles et pour restaurer les habitats critiques et les masses d’eau modifiées. |
1.5. |
Le Comité économique et social européen (CESE) demande à l’Union européenne et aux autres acteurs de la bioéconomie bleue de proposer des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et ses conséquences. En particulier, l’adaptation urgente de la pêche et de l’aquaculture au changement climatique est cruciale compte tenu de l’évolution radicale des conditions, qui a une incidence majeure sur ces moyens de subsistance essentiels. La pêche, l’aquaculture et la culture des algues sont indispensables pour accroître la production durable de denrées alimentaires d’origine aquatique dans l’Union. Avant de pouvoir mettre en place avec succès des systèmes de produits alimentaires aquatiques qui soient résilients au changement climatique, il faut pour les développer approfondir la recherche et renforcer l’innovation. La biomasse provenant des algues est une ressource aquatique potentiellement importante pouvant être utilisée comme matière première dans un large éventail d’applications. |
1.6. |
La coopération entre les universités, les centres de recherche, les organisations non gouvernementales et le secteur de la pêche est indispensable afin de développer de nouveaux produits à valeur ajoutée à partir de sous-produits issus de la pêche et de déchets. De nouveaux instruments de financement sont nécessaires pour promouvoir les innovations technologiques et les services. La collaboration intersectorielle et l’amélioration des processus décisionnels sont également fondamentales. La restauration de la biodiversité des mers, des lacs et des rivières ouvrira de nouvelles perspectives commerciales, essentiellement, y compris pour les entreprises familiales et les entreprises de petite taille sur les marchés locaux. Par ailleurs, la promotion de nouveaux modèles économiques concernant le tourisme lié à l’eau et l’utilisation récréative des ressources aquatiques offrent de nouveaux débouchés commerciaux durables pour les régions reculées. |
1.7. |
Les priorités quant aux mesures de développement figurant au programme de la bioéconomie bleue sont notamment les suivantes: i) eau propre et assainissement; ii) un environnement aquatique sain, diversifié et sûr; iii) une production durable d’aliments d’origine aquatique; iv) des produits non alimentaires de grande valeur; v) l’adaptation au changement climatique; vi) des ressources bleues au service de la santé et du bien-être; et vii) une meilleure coordination de la lutte contre les activités illégales liées aux ressources aquatiques. En investissant dans ce développement, l’Europe peut renforcer sa position d’acteur prééminent de l’économie circulaire. |
1.8. |
L’Union européenne est invitée à promouvoir la sensibilisation, l’enseignement et des formations intégrant la recherche, la valorisation et la transmission des savoir-faire des populations des zones côtières et des eaux intérieures, pour permettre aussi bien une gestion respectueuse de la nature que la création de réseaux européens de formation dans ce domaine. En ce qui concerne l’agriculture, l’Union européenne devrait également se pencher sur la question de la rareté de l’eau. |
1.9. |
Le CESE suggère de placer la bioéconomie bleue au rang des domaines phares des politiques de l’Union et de ses politiques de coopération avec les pays voisins, de même que dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies et de ceux de l’accord de Paris de la COP 21. À cet égard, le CESE propose que le Conseil européen et le Parlement européen invitent la Commission à entamer plusieurs actions pilotes dans les différentes zones marines et aquacoles européennes en prenant soin de choisir celles qui représentent la grande diversité des situations existantes dans l’Union européenne, et en tenant compte du degré auquel elles sont exposées au risque d’effondrement ainsi que du potentiel de développement de la bioéconomie bleue. Un comité de gestion devrait être mis en place, intégrant les États membres, les régions et les parties prenantes, et associant le CESE, dans l’objectif d’organiser des échanges de pratiques et de veiller à ce que les projets pilotes concluants soient développés à plus grande échelle. |
2. Introduction
2.1. |
La bioéconomie bleue est synonyme d’activités économiques et de création de valeur sur la base d’une utilisation durable et intelligente des ressources aquatiques renouvelables et de l’expertise y afférente. Les entreprises et les activités qui cultivent les matières premières de ces produits, ou qui extraient, raffinent, traitent et transforment les composés biologiques, font toutes partie de la bioéconomie bleue. |
2.2. |
La portée, les caractéristiques et les perspectives de la bioéconomie bleue dans les différents États membres varient fortement selon les conditions géographiques, et il convient d’y remédier. La plupart des États membres disposent d’un accès direct à l’océan ou aux mers. Pour nombre d’entre eux, les eaux côtières revêtent une importance considérable. Les lacs et les rivières jouent en outre un rôle crucial dans la plupart des pays. |
2.3. |
En mai 2019, le CESE a adopté un avis (1) sur la communication de la Commission relative à la mise à jour de la stratégie sur la bioéconomie de 2012. Les conclusions et les recommandations formulées dans cet avis sont pertinentes du point de vue de la bioéconomie bleue. Le présent avis décrit de manière plus détaillée les possibilités et le potentiel dont celle-ci est porteuse. La bioéconomie bleue est étroitement liée au concept d’économie circulaire. |
2.4. |
L’eau propre et les ressources aquatiques renouvelables représentent des débouchés commerciaux durables incontestables et pourraient fournir des solutions clés dans le cadre de nombreux objectifs mondiaux de développement durable (ODD 2, 3, 6, 7, 8 et 14). Par cet avis exploratoire, le CESE entend répondre à la question soulevée par la présidence finlandaise du Conseil de l’Union européenne sur la manière dont l’Union peut stimuler le développement de la bioéconomie bleue et sur les mesures à prendre en priorité. |
3. Généralités
3.1. |
La bioéconomie bleue ne peut offrir de multiples avantages que si le milieu aquatique est sain et productif. Les menaces pesant sur la biodiversité, associées au changement climatique, présentent un risque élevé pour les capacités de production des organismes aquatiques, comme l’a démontré le rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) publié en mai 2019. Surexploitation, pollution, développement côtier, affluence des touristes et transports constituent autant de défis de taille, en particulier dans les zones de l’Union européenne les plus touchées par ces facteurs de stress, à l’instar de la Méditerranée. Il s’impose de trouver des solutions adaptées aux différents environnements et aux différentes régions. |
3.2. |
L’augmentation de la demande de biomasse à l’avenir est un défi que l’Union européenne doit relever. Une transition fondée sur la biomasse pour parvenir à une économie neutre sur le plan des gaz à effet de serre sera limitée par la disponibilité des terres. Par conséquent, il importera d’améliorer la productivité des ressources aquatiques afin de saisir tout l’éventail de possibilités qu’offre la bioéconomie. Citons par exemple la production et l’utilisation des algues ainsi que d’autres nouvelles sources de protéines qui sont capables d’alléger la pression qui pèse sur les terres agricoles. |
3.3. |
La bioéconomie bleue dispose de plus en plus du potentiel requis pour améliorer la sécurité alimentaire, fournir des aliments sains et à faible empreinte carbone, des denrées et additifs alimentaires nouveaux, des produits destinés à l’alimentation animale, des produits nutraceutiques, pharmaceutiques et cosmétiques, des matériaux novateurs, de l’eau propre et des énergies non fossiles, de même que pour permettre un recyclage des nutriments et apporter de nombreux autres avantages. La croissance de la bioéconomie bleue dépend du maintien d’un bon état des eaux et des écosystèmes aquatiques, de la résilience du secteur de la pêche et des systèmes de production aquatique, de la collaboration systémique efficace entre les différents secteurs, des innovations technologiques, des nouveaux instruments de financement et de l’amélioration des services et des modèles économiques durables. |
3.4. |
Il est essentiel de souligner l’importance des facteurs culturels dans la mise en œuvre d’une bioéconomie bleue. Le savoir-faire des populations vivant dans les zones côtières et d’eaux intérieures constitue un atout exceptionnel pour l’Europe, pour autant qu’il soit repéré, préservé et transmis aux nouvelles générations. Ainsi, toute action entreprise dans le domaine de la bioéconomie bleue devra intégrer la dimension culturelle et humaine et veiller à y associer tous les acteurs concernés, notamment les élus locaux, les professionnels et la société civile. |
4. La bioéconomie bleue et les objectifs de développement durable
4.1. |
Les ODD des Nations unies sont étroitement liés à l’eau et aux milieux aquatiques. Ils visent à relever les principaux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés et indiquent comment parvenir à un avenir plus durable en tenant compte de questions fondamentales telles que la sécurité alimentaire, le changement climatique et la prévention de la dégradation de l’environnement. Fortement corrélés, ces objectifs sont examinés dans le présent document sous l’angle des débouchés commerciaux durables fondés sur l’eau et les ressources naturelles aquatiques. Il existe en particulier une relation étroite entre l’eau, l’énergie et l’alimentation. |
Eau propre et assainissement
4.2. |
L’objectif 6 (Eau propre et assainissement) vise à garantir l’accès à l’eau potable et son utilisation durable, ainsi que des services d’assainissement adéquats pour tous. À l’échelle planétaire, plus d’un milliard de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à de l’eau douce d’une qualité satisfaisante et plus de deux milliards de personnes sont exposées à un risque de restriction de l’accès aux ressources en eau douce. Les besoins mondiaux en eau douce devraient augmenter considérablement d’ici à 2030. Le CESE a abordé le thème de l’eau potable dans un avis en 2018 (2). |
4.3. |
Si des progrès ont été accomplis récemment au sein de l’Union et dans d’autres régions, il est toutefois nécessaire de renforcer les investissements dans la gestion des ressources en eau douce et les installations sanitaires. Le principal objectif consiste à trouver des solutions compétitives pour éliminer les déchets de l’eau et à développer des technologies d’économie et de recyclage de l’eau afin de réduire le gaspillage. Le potentiel qui réside dans les solutions et les technologies d’économie et de recyclage de l’eau, ainsi que dans la gestion intelligente des ressources hydriques et de l’approvisionnement en eau, est considérable. Il existe de nouveaux concepts d’assainissement de l’eau et de nouvelles technologies visant à éliminer les résidus de médicaments et d’hormones, ainsi que les microplastiques contenus dans les eaux usées. Des innovations prometteuses pour transformer l’eau de mer en eau potable à l’aide d’énergies renouvelables ont également vu le jour. |
4.4. |
La bonne qualité de l’eau est le fondement de la bioéconomie bleue. La gestion adéquate des ressources en eau est un élément crucial de la solution à la quasi-totalité des principaux problèmes dans le monde, tels que la surconsommation des ressources aquatiques et la nécessité de s’adapter au changement climatique. Des objectifs clairs, des informations actualisées, une planification et une gestion efficaces sont indispensables pour gérer le cycle de vie de l’eau. Il s’agit notamment de mettre en place des solutions numériques dédiées aux services liés à l’utilisation de l’eau et à son contrôle, ainsi que des nouvelles solutions technologiques polyvalentes pour le traitement des eaux usées (technologie membranaire) et une approche «Nexus» (intégrée) qui s’affranchit des cloisonnements traditionnels. |
4.5. |
L’Union dispose du potentiel pour devenir un acteur mondial de premier plan dans le domaine de l’eau, en tant que fournisseur de technologies et de services liés à cette ressource. La numérisation offre de nouvelles perspectives aux entreprises du secteur de l’eau et peut accroître de manière significative l’efficacité de la gestion des ressources en eau, ainsi que celle des concepts de production et de service. Elle peut être utilisée pour fournir des services qui répondent aux besoins actuels et futurs des clients. Dans ce domaine, l’Union européenne est en mesure d’offrir des solutions compétitives et durables au monde entier. |
Un environnement aquatique sain, diversifié et sûr
4.6. |
Les océans, les mers et les eaux intérieures constituent la plus grande source durable de protéines au monde: en effet, sur notre planète, plus de trois milliards de personnes sont tributaires de la biodiversité marine et côtière pour subvenir à leurs besoins. Les activités humaines sont en train de dégrader rapidement nos océans, nos mers et nos eaux intérieures. Les eaux côtières et intérieures se détériorent notamment en raison de la pollution et de l’eutrophisation, et la perte d’habitats est alarmante. Tous ces changements ont un effet dévastateur sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques et sur la biodiversité, et donc sur la production alimentaire potentielle. La gestion minutieuse de cette ressource mondiale essentielle est l’une des clés de voûte d’un avenir durable. |
4.7. |
L’objectif 14 (Vie aquatique) vise à préserver les océans, les mers et les ressources aquatiques et à promouvoir leur utilisation durable. Afin d’améliorer la situation, il convient de prendre plusieurs mesures contribuant notamment à diminuer très fortement la pollution aquatique sous toutes ses formes et à gérer plus efficacement l’ensemble des activités humaines. De nouvelles solutions sont nécessaires pour réduire l’écoulement des charges en nutriments dans les eaux naturelles. Il est primordial de mettre au point et de tester des moyens et des méthodes performants sur le plan économique en vue de renforcer la capacité des sols à absorber et à fixer les nutriments. Il est aussi possible de réduire l’eutrophisation en augmentant le recours aux espèces de poissons sous-utilisées ainsi que la production et la récolte d’algues (les nutriments étant éliminés lors de ces ramassages). Il importe de trouver des solutions inédites afin de diminuer l’eutrophisation et de restaurer les cours d’eau, les lacs et les fonds marins. |
4.8. |
Des environnements aquatiques sains peuvent permettre de créer un grand nombre d’emplois de qualité supplémentaires. Des stocks halieutiques sains et des eaux propres constituent la base d’une pêche et d’une utilisation récréative de l’eau durables, et ouvrent de nouvelles perspectives pour la bioéconomie bleue. Des efforts de restauration des cours d’eau et des eaux douces sont entrepris à l’échelle mondiale afin de reconstituer les habitats dégradés, les processus écosystémiques, les stocks de poissons migrateurs, les communautés biotiques et les services qu’ils apportent. La restauration des stocks de poissons migrateurs offrira de nouveaux moyens de subsistance potentiels dans les régions à faible densité de population, assurant des emplois aux citoyens dans le cadre de modèles d’entreprises familiales ayant accès aux marchés locaux. |
Une production durable d’aliments d’origine aquatique
4.9. |
La demande mondiale de denrées alimentaires devrait augmenter de manière significative. L’objectif 2 (Faim «zéro») vise à éliminer la faim, à assurer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition et à promouvoir une production primaire durable à l’horizon 2030. |
4.10. |
La pêche et l’aquaculture fournissent des aliments nutritifs et génèrent des revenus indispensables, tout en soutenant le développement rural et éventuellement en protégeant l’environnement. À l’heure actuelle, les poissons représentent environ 17 % de l’approvisionnement mondial en protéines animales et 6,5 % de l’ensemble des protéines destinées à la consommation humaine. Pour des centaines de millions de personnes, le poisson constitue la principale source de protéines et de nutriments essentiels. De nombreux stocks halieutiques sont encore surexploités et requièrent une meilleure gestion. Dans de nombreuses régions du monde, les fortes subventions continuent à entretenir une surcapacité importante des flottes de pêche. Il conviendrait d’utiliser les océans, les mers et les eaux intérieures de manière beaucoup plus durable qu’à l’heure actuelle. Les investissements dans l’aquaculture, la pêche et la transformation du poisson, ainsi que dans le développement de nouveaux produits à partir de déchets et de flux secondaires, sont indispensables pour accroître la production alimentaire durable et contribuer au maintien de la sécurité alimentaire. S’agissant en particulier des poissons et des produits de la pêche, la balance commerciale de l’Union accuse un lourd déficit; environ 60 % des produits de la mer consommés sur son territoire sont importés; ces importations ne correspondent pas toujours aux critères de l’Union européenne en matière de production durable et de sécurité alimentaire. |
4.11. |
L’aquaculture est porteuse d’un formidable potentiel de croissance. L’on pourrait produire de manière durable une quantité beaucoup plus importante de biomasse dans l’aquaculture européenne en augmentant le nombre d’espèces utilisées, y compris les espèces marines de niveau trophique inférieur, par exemple, les algues et les mollusques. Toutefois, le développement de l’aquaculture se heurte à de nombreux obstacles. Premièrement, la croissance de la production aquacole nécessite des sources supplémentaires d’aliments pour animaux. À l’avenir, les prises de poisson de faible valeur effectuées dans le cadre de la pêche de capture maritime seront de plus en plus utilisées à des fins de consommation humaine directe et dans une moindre mesure comme matière première pour l’alimentation des animaux. Une biomasse supplémentaire destinée à nourrir les animaux est nécessaire au développement de l’aquaculture et pourrait provenir d’espèces aujourd’hui largement sous-utilisées comme le krill et d’autres organismes mésopélagiques, des algues, ainsi que des déchets de transformation (flux secondaires). Deuxièmement, la limitation de l’espace disponible pour les installations aquacoles est un problème croissant qu’il convient de résoudre. Le développement durable de l’aquaculture repose sur une bonne planification des activités marines et d’eau douce, tenant compte des dimensions écologique, économique, sociale et culturelle. Troisièmement, de meilleures solutions sont nécessaires pour résoudre les problèmes relatifs au lessivage des nutriments et au contrôle des maladies. |
4.12. |
La réglementation environnementale stricte en vigueur dans les différents pays a une incidence majeure sur les coûts et la compétitivité de l’aquaculture. Des efforts intensifs sont consentis pour développer diverses technologies nouvelles, mais il subsiste toutefois un grand nombre d’incertitudes sur le plan économique et technologique. Les systèmes d’aquaculture en recirculation (RAS) offrent plusieurs avantages, comme un besoin minimal en eau, un contrôle efficace des effluents et des déchets, un espace requis limité et la surveillance des conditions de production. Le potentiel des technologies en question réside notamment dans les systèmes d’eau douce. Cependant, une part de plus en plus grande de l’aquaculture marine devra vraisemblablement avoir lieu en pleine mer. Il importe d’adopter de nouvelles approches en matière de solutions multi-usages et de gestion intégrée, notamment concernant l’aménagement de l’espace et les plans de gestion locaux. |
Produits aquatiques à valeur ajoutée et utilisations non alimentaires
4.13. |
La transformation du poisson et des autres organismes aquatiques à des fins d’alimentation humaine génère des flux secondaires qui, souvent, ne sont pas utilisés pour la consommation humaine directe. On estime qu’entre 30 et 70 % de toute la biomasse halieutique récoltée deviennent des sous-produits de faible valeur ou sont complètement gaspillés. Il s’agit de matériaux potentiellement utiles et précieux, qui pourraient éventuellement être utilisés par l’industrie à des fins alimentaires et non alimentaires. À partir de ces matériaux, il est possible d’élaborer des ingrédients fonctionnels à haute valeur ajoutée destinés à la fabrication de produits spécialisés. Le recours à toute une série d’organismes aquatiques peut favoriser l’élaboration de nouveaux produits tels que des produits nutraceutiques, pharmaceutiques et cosmétiques. Ces organismes peuvent également être la source de nouvelles enzymes, de lipides, de biopolymères et d’autres biomatériaux. Mettre à profit ces matières premières de manière efficiente sur le plan écologique est primordial. Des pressions considérables s’exercent à l’échelle mondiale pour améliorer l’utilisation de l’ensemble des matériaux biologiques et réduire ainsi les déchets. Les biotechnologies marines peuvent jouer un rôle important en créant de la valeur ajoutée dans la bioéconomie bleue. |
4.14. |
La biomasse issue des algues est une ressource de plus en plus importante, dont les applications commerciales dans le domaine de la bioéconomie bleue sont variées. Les algues constituent une ressource efficace et durable pour les bioprocédés et les bioproduits, qui reste encore largement inexploitée. Elles sont riches en nutriments et possèdent une forte teneur énergétique. La production de macroalgues et de microalgues est en augmentation car celles-ci sont de plus en plus reconnues en Europe comme une ressource pouvant servir de matière première dans un large éventail d’applications. Il existe un intérêt croissant pour la récolte, la culture et la transformation des algues en vue de créer une grande variété de produits à haute valeur ajoutée, notamment des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des produits nutraceutiques et des bioproduits. |
Atténuation du changement climatique et adaptation à celui-ci
4.15. |
Il est largement reconnu que le changement climatique a une incidence sur une série de variables environnementales, telles que les précipitations, les températures, le débit des cours d’eau, les proliférations d’algues nuisibles et l’acidification des océans. L’objectif 13 (Lutte contre les changements climatiques) encourage à prendre d’urgence des mesures pour lutter contre le changement climatique et ses conséquences. L’augmentation des températures a une incidence sur les océans, les mers et les autres eaux, ainsi que sur les réseaux de nutriments, la pêche et les moyens de subsistance. En Europe, le changement climatique devrait provoquer des précipitations hivernales accrues et, parallèlement à la hausse des températures, une augmentation du risque d’eutrophisation et de détérioration de la qualité de l’eau. Les conséquences néfastes sur les stocks halieutiques et d’autres ressources aquatiques et, partant, sur la pêche et d’autres modes de production, seront nombreuses. Les températures élevées causent la mort d’espèces d’eau douce, telles que les salmonidés, et contribuent à la propagation de nombreuses maladies et espèces nuisibles. Les espèces qui bénéficient de l’eutrophisation gagnent du terrain. Les pics de température élevée posent donc des problèmes majeurs aux exploitations aquacoles. En ce qui concerne l’agriculture, l’Union européenne devrait également se pencher sur la question de la rareté de l’eau. |
4.16. |
Le futur système alimentaire doit faire partie intégrante de la solution au changement climatique et non pas du problème. Si l’on considère les émissions nocives pour le climat, la pêche et l’aquaculture constituent en principe des méthodes efficaces de production de protéines. C’est pourquoi il convient de promouvoir une pêche et une pisciculture durables. En outre, il est essentiel de renforcer la résilience du secteur de la pêche et des systèmes de production aquatique. Les activités de pêche doivent s’adapter à l’évolution des conditions, par exemple aux conditions météorologiques extrêmes et aux hivers sans gel. S’agissant de l’aquaculture, un des moyens éventuels pour se préparer aux pics de température est la culture en mer, qui, dans certains cas, peut bénéficier de l’augmentation de la température moyenne de la mer. Les systèmes d’aquaculture en recirculation (RAS) peuvent aider l’industrie de l’aquaculture à s’adapter au changement climatique. Quant aux programmes de pisciculture, ils peuvent accroître la tolérance des poissons d’élevage à des températures plus élevées. |
Les ressources bleues au service de la santé et du bien-être
4.17. |
L’objectif 3 (Bonne santé et bien-être) vise à permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge. Le potentiel de croissance dans les secteurs du bien-être et des services récréatifs basés sur les milieux aquatiques est élevé. La promotion de l’utilisation durable des ressources aquatiques à des fins récréatives offre de nouveaux débouchés commerciaux aux régions non urbaines reculées, ce qui contribuera à la création de nouveaux emplois de qualité. En raison de son importance et de son potentiel économique, la bioéconomie bleue contribue également à la réalisation de l’objectif 8 (Travail décent et croissance économique). |
5. Actions prioritaires
5.1. |
Les priorités quant aux mesures de développement figurant au programme de la bioéconomie bleue sont les suivantes: i) eau propre et assainissement, dessalement de l’eau de mer, réduction de la pollution; ii) un environnement aquatique sain, diversifié et sûr, restauration des écosystèmes et de la biodiversité dans les milieux aquatiques; iii) une production durable d’aliments d’origine aquatique; iv) la création de produits non alimentaires de grande valeur; v) l’adaptation au changement climatique; vi) des ressources bleues au service de la santé et du bien-être, économie d’énergie et renouvellement de la production énergétique à partir de la mer, des rivières et des lacs; vii) des ressources en eau utilisées avec plus de parcimonie et mieux préservées et viii) une meilleure coordination de la lutte contre les activités illégales en rapport avec les ressources aquatiques. En outre, la bioénergie aquatique propre et à faible coût ainsi que l’utilisation des déchets organiques sont des thèmes émergents importants. En investissant dans le développement de ces secteurs, l’Europe peut renforcer sa position d’acteur prééminent de l’économie circulaire. |
5.2. |
Le CESE propose que le Conseil européen et le Parlement européen demandent à la Commission d’introduire des mesures pilotes spécifiques visant à améliorer l’état et la capacité de production des écosystèmes aquatiques dans certains lieux de l’Union européenne, en veillant à ce qu’ils illustrent la diversité des situations existantes et le potentiel de développement de la bioéconomie bleue. Ces mesures pilotes devraient être menées dans des zones côtières et d’eaux intérieures (y compris les îles) qui subissent les conséquences modérées ou graves d’activités humaines telles que le tourisme saisonnier excessif, la pollution, la charge nutritive d’origine tellurique, la modification des cours d’eau et l’exploitation excessive des ressources aquatiques. |
5.3. |
Les projets pilotes devraient être mis en œuvre le plus rapidement possible, en concertation avec les élus locaux, les universités et les centres de recherche, les professionnels et les acteurs concernés de la société civile. Les projets devraient permettre de développer et de tester les actions et mesures clés nécessaires pour améliorer la situation actuellement inadéquate des sites pilotes. Le CESE recommande de mener un nombre raisonnable de projets pilotes en Méditerranée, en mer Noire, sur la côte atlantique, en mer du Nord et en mer Baltique, ainsi que dans les eaux intérieures présentant un grand potentiel d’amélioration. Ces projets pourraient, par exemple, consister à nettoyer les eaux riches en nutriments ou polluées dans des zones telles que les ports ou les régions touristiques en ayant recours à des espèces spécifiques dotés d’une capacité de filtration telles que les huîtres, les oursins, les moules ou les plantes aquatiques (algues), ou à recréer des parcours migratoires et des zones de frai afin de rétablir les cycles de vie des poissons migrateurs. Dans le même temps, les capacités de capture du CO2 à grande échelle pourraient également être testées dans le cadre de ces projets pilotes. Cela pourrait aussi être l’occasion d’étudier la faisabilité de l’exploitation de nouvelles technologies pour produire de l’énergie grâce aux mers et aux lacs ou de trouver de nouveaux moyens d’économiser les ressources en eau. |
5.4. |
Sur la base des résultats et de l’expérience acquise dans le cadre des projets pilotes, l’Union européenne est invitée à promouvoir la formation et la transmission du savoir-faire au sein des populations vivant dans les zones côtières et aux abords des eaux intérieures, afin de permettre la restauration et la gestion adéquate des milieux ainsi que la création de réseaux européens de formation, et de faire valoir les perspectives de création d’emplois de qualité dans ce domaine. |
5.5. |
Un comité de gestion devrait être mis en place dans le cadre des projets pilotes, qui intègre États membres, régions et parties prenantes, et associe le CESE, dans l’objectif de coordonner les échanges de pratiques et de veiller à ce que les projets pilotes concluants soient développés à plus grande échelle. Dans le même temps, les États membres de l’Union européenne et les régions concernées devraient être encouragés à élaborer des stratégies en matière de bioéconomie bleue, et les parties prenantes et organisations de la société civile locales consultées. |
5.6. |
L’expertise acquise par l’Union en matière de bioéconomie bleue grâce aux programmes de recherche Horizon Europe et LIFE, et les projets pilotes relatifs à la bioéconomie bleue devraient, sous certaines conditions, être accessibles aux pays tiers, notamment ceux du voisinage oriental, les pays méditerranéens et africains, la Russie pour la région de la mer Baltique, ainsi que d’autres pays intéressés. La bioéconomie bleue devrait devenir une initiative phare de l’Union européenne dans ses programmes de coopération avec les Nations unies, ainsi qu’un outil permettant d’atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris de la COP 21, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement de la planète. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur la communication mettant à jour la stratégie en faveur de la bioéconomie de 2012 (JO C 240 du 16.7.2019, p. 37).
(2) Avis du CESE sur la directive relative à «La qualité des eaux destinées à la consommation humaine» (refonte) (directive sur l’eau potable) (JO C 367 du 10.10.2018, p. 107).
III Actes préparatoires
Comité économique et social européen
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/64 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer la confiance dans l’intelligence artificielle axée sur le facteur humain
[COM(2019) 168 final]
(2020/C 47/09)
Rapporteure: Franca SALIS-MADINIER
Consultation |
Commission européenne, 3.6.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
18.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
198/1/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’intelligence artificielle (IA) n’est pas une fin en soi mais un outil qui peut produire des changements radicaux positifs mais aussi comporter des risques. C’est pourquoi il faut en encadrer l’usage. |
1.2. |
La Commission devrait prendre des mesures concernant la prévision, la prévention et l’interdiction de l’usage malveillant de l’IA et de l’apprentissage machine, et mieux encadrer la mise sur les marchés de produits à finalité malveillante.» |
1.3. |
L’Union européenne doit, en particulier, promouvoir le développement de systèmes d’IA orientés vers des applications concrètes permettant d’accélérer la transition écologique et climatique. |
1.4. |
Il convient de déterminer quels sont les défis qui pourront être relevés au moyen de codes éthiques, d’autorégulation et d’engagements volontaires, et quels sont ceux qui devront être relevés par des moyens réglementaires et législatifs accompagnés d’un suivi et, en cas de non-respect, de sanction. En tout état de cause, les systèmes d’IA doivent se conformer aux législations existantes. |
1.5. |
L’IA nécessite une approche englobant les aspects techniques, mais également les aspects sociétaux et éthiques. Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la volonté de l’Union européenne de construire une approche de l’IA axée sur l’humain et conforme aux valeurs qui la fondent: respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité et non-discrimination, état de droit, respect des droits de l’homme. |
1.6. |
Le CESE réaffirme (1) la nécessité de la consultation et de l’information des travailleurs et de leurs représentants lors de l’introduction de systèmes d’IA susceptibles d’entraîner des modifications dans l’organisation du travail, sa surveillance et son contrôle, ainsi que dans les systèmes d’évaluation et de recrutement des travailleurs. La Commission doit promouvoir le dialogue social en vue d’une implication des travailleurs dans les usages des systèmes d’IA. |
1.7. |
Le CESE souligne (2) qu’une IA digne de confiance suppose le contrôle de l’humain sur la machine et l’information des citoyens quant à ses usages. Les systèmes d’IA doivent être explicables ou, lorsque cela n’est pas possible, des informations doivent être fournies aux citoyens et aux consommateurs sur leurs limites et leurs risques. |
1.8. |
L’Union européenne doit s’atteler aux «risques émergents» (3) en matière de santé et de sécurité au travail. Des normes doivent être établies pour éviter que les systèmes autonomes portent préjudice ou créent des dommages aux personnes. Les travailleurs doivent être formés à travailler avec la machine et à l’arrêter en cas d’urgence. |
1.9. |
Le CESE plaide pour le développement d’un système robuste de certification fondé sur des procédures de test qui permettent aux entreprises d’affirmer la fiabilité et la sécurité de leurs systèmes d’IA. La transparence, la traçabilité et l’explicabilité des processus de prise de décision algorithmique sont un défi technique qui appelle le soutien d’instruments de l’Union européenne tels que le programme Horizon Europe. |
1.10. |
Le respect de la vie privée et de la protection des données déterminera le degré de confiance des citoyens et des consommateurs dans l’IA. L’appartenance des données, leur contrôle et l’utilisation qu’en font les entreprises et les organisations sont des questions qui restent encore largement à régler (en particulier avec l’internet des objets). Le CESE incite la Commission à réviser régulièrement le règlement général sur la protection des données (RGPD) (4) et les réglementations connexes à la lumière des évolutions technologiques. |
1.11. |
Le CESE juge essentiel de réfléchir à la contribution que les systèmes d’IA peuvent apporter à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les secteurs de l’industrie, du transport, de l’énergie, de la construction et de l’agriculture. Il plaide pour que les transitions climatique et numérique soient interconnectées. |
1.12. |
Le CESE estime que le contrôle des systèmes d’IA pourrait ne pas suffire à définir les responsabilités et à susciter la confiance. Le CESE recommande d’accorder la priorité à la définition de règles claires attribuant, en cas de manquement, la responsabilité aux personnalités juridiques: personnes physiques ou morales. Le CESE invite également la Commission à examiner prioritairement la question fondamentale de l’assurabilité des systèmes d’IA. |
1.13. |
Le CESE propose de développer pour les entreprises qui respectent les normes un «certificat européen d’entreprise de confiance pour l’IA», basé entre autres sur la liste d’évaluation proposée par le groupe d’experts de haut niveau sur l’IA (GHN). |
1.14. |
En promouvant les travaux en la matière au sein du G7, du G20 et dans les dialogues bilatéraux, l’Union européenne doit chercher à faire en sorte que la régulation de l’IA dépasse les frontières européennes. C’est un accord international pour une IA de confiance qui doit être bâti, permettant de développer des normes internationales et d’en vérifier régulièrement la pertinence. |
2. Synthèse de la proposition de la Commission
2.1. |
La présente communication s’appuie sur les travaux du GHN que la Commission a désigné en juin 2018. Dans cette communication, la Commission définit sept exigences essentielles pour parvenir à une IA digne de confiance qui sont listées dans le point 4. |
2.2. |
La Commission a lancé une phase pilote associant un large éventail de parties prenantes. Cet exercice se concentre en particulier sur la liste d’évaluation que le GHN a établie pour chacune des exigences essentielles. Au début de 2020, le GHN réexaminera et actualisera la liste d’évaluation et la Commission proposera, le cas échéant, de nouvelles mesures. |
2.3. |
La Commission souhaite porter son approche en matière d’IA sur la scène internationale et continuera à jouer un rôle actif, y compris au sein du G7 et du G20. |
3. Observations générales
3.1. |
L’IA axée sur le facteur humain nécessite une approche englobant les aspects techniques, mais aussi sociétaux et éthiques. Le CESE se félicite de la volonté manifestée par les institutions de l’Union européenne de construire une approche de l’IA conforme aux valeurs qui la fondent: respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité et non-discrimination, état de droit, respect des droits de l’homme. Comme le souligne la Commission (5), l’IA n’est pas une fin en soi, mais un outil qui peut être porteur de changements radicaux positifs. Comme tout outil, elle crée en même temps des opportunités et des risques. C’est pourquoi l’Union européenne doit en encadrer l’usage et en définir clairement les responsabilités. |
3.2. |
La confiance dans une IA axée sur le facteur humain naîtra de l’affirmation des valeurs et des principes, d’un cadre réglementaire bien établi et de lignes directrices en matière d’éthique contenant des exigences essentielles. |
3.3. |
Parmi les nombreux défis posés par l’IA, il convient de déterminer avec l’ensemble des parties prenantes quels sont ceux qui devront être relevés par des moyens réglementaires et législatifs accompagnés de mécanismes de suivi réglementaires et, en cas de non-respect, de sanction, et quels seront ceux qui pourront être relevés au moyen de codes éthiques, d’autorégulation et d’engagements volontaires. Le CESE se félicite que la Commission ait repris des principes abordés à l’origine par le CESE, mais regrette qu’à ce stade, elle ne propose aucune mesure spécifique pour répondre aux préoccupations légitimes en matière de droits des consommateurs, de sécurité des systèmes, et de responsabilité. |
3.4. |
Les systèmes d’IA doivent respecter le cadre réglementaire existant, en particulier en ce qui concerne la protection des données personnelles, la responsabilité des produits, la protection des consommateurs, la non-discrimination, les qualifications professionnelles ainsi que l’information et la consultation des travailleurs sur les lieux de travail. Il convient de s’assurer que ces législations sont adaptées aux nouveaux enjeux de la numérisation et de l’IA. |
3.5. |
Comme le note la Commission, des «processus devraient être mis en place pour définir et évaluer les risques potentiels liés à l’utilisation de systèmes d’IA pour un éventail d’application» (6). Le CESE attache la plus grande importance aux futures modalités de cette évaluation ainsi qu’à la création d’indicateurs qui pourraient être pris en compte afin de procéder à cette évaluation. Le projet de liste d’évaluation construite par le GHN est un point de départ dans la mise en œuvre de tels processus. |
3.6. |
Cela concerne également la question de la distribution équitable de la valeur ajoutée attendue des systèmes d’IA. Le CESE considère que les transformations positives dont est porteuse l’IA en termes de développement économique, de durabilité des processus de production et de consommation (notamment d’énergie), d’amélioration de l’utilisation des ressources doivent bénéficier à tous les pays et, en leur sein, à tous les citoyens. |
4. Observations particulières
4.1. Facteur humain et contrôle humain
4.1.1. |
La Commission veut s’assurer que l’usage des systèmes d’IA ne puisse en aucun cas saper l’autonomie humaine ou causer des effets adverses. Le CESE partage cette approche du contrôle humain sur la machine, comme il l’a déjà dit dans ses avis précédents. |
4.1.2. |
Cela nécessite aussi que les citoyens soient correctement informés des usages de ces systèmes, que ceux-ci soient explicables ou, lorsque ce n’est pas possible (par exemple dans le cas de «l’apprentissage profond»), que des informations soient fournies à l’utilisateur sur les limites et les risques du système. Dans tous les cas, les citoyens doivent pouvoir conserver la liberté de décider autrement que le système d’IA. |
4.1.3. |
Dans les entreprises et administrations publiques, les travailleurs et leurs représentants doivent être dûment informés et consultés lors de l’introduction de systèmes d’IA susceptibles de modifier l’organisation du travail et de les toucher en termes de contrôle, de surveillance, d’évaluation et de recrutement. La Commission doit promouvoir un dialogue social en vue d’une implication des travailleurs dans les usages des systèmes d’IA. |
4.1.4. |
En ce qui concerne les ressources humaines, une attention particulière doit être portée aux risques d’usages abusifs des systèmes d’IA tels que la surveillance sans limite, la collecte de données personnelles, de données de santé, le partage de ces données avec des tiers; ainsi qu’aux risques émergents en termes de santé et de sécurité sur les lieux de travail (7). Des normes claires doivent être établies pour éviter que la collaboration humain-machine ne crée des dommages aux personnes. La norme créée par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) sur les robots collaboratifs (8), qui s’adresse aux fabricants, aux intégrateurs et aux utilisateurs, fournit des lignes directrices pour la conception et l’organisation de l’espace de travail et la réduction des risques auxquels les personnes peuvent être exposées. Les travailleurs doivent être formés à utiliser l’IA et la robotique, à travailler avec elles et, en particulier, à pouvoir les arrêter en cas d’urgence (principe de l’«emergency brake»). |
4.2. Robustesse technique et sécurité
4.2.1. |
Le CESE plaide pour l’introduction de standards de sécurité européens, et le développement d’un système robuste de certification fondé sur des procédures de test qui permettraient aux entreprises d’affirmer la fiabilité de leurs systèmes d’IA. Le CESE tient également à souligner l’importance de la question de l’assurabilité des systèmes d’IA. |
4.2.2. |
La Commission aborde peu l’aspect de prévision, de prévention et d’interdiction de l’usage malveillant de l’IA et de l’apprentissage machine, contre lequel de nombreux chercheurs mettent en garde (9). Les recommandations de ces derniers gagneraient à être prises en compte, en particulier celles concernant le double usage de ces technologies, lequel peut concerner la sécurité numérique (expansion des attaques informatiques, exploitation des vulnérabilités des humains et de l’IA, «data poisoning»), la sécurité physique (piratage des systèmes autonomes, y compris des véhicules autonomes, drones, armes automatiques) ou la sécurité politique (collecte massive de données personnelles, propagande ciblée, manipulation vidéo, etc.). Chercheurs, ingénieurs et autorités publiques doivent collaborer étroitement pour prévenir ces risques; experts et autres parties prenantes telles que les utilisateurs et les consommateurs doivent être associés aux discussions concernant ces défis. |
4.3. Respect de la vie privée et gouvernance des données
4.3.1. |
La Commission plaide pour que l’accès aux données soit «géré et contrôlé de manière appropriée» (10). Le CESE pense qu’il faut aller au-delà des déclarations générales. Le degré de confiance que le citoyen accorde aux systèmes d’IA déterminera aussi son développement. Les questions de l’appartenance des données, de leur contrôle et de l’utilisation qu’en font les entreprises et les organisations restent encore largement à régler. La quantité de données transmises par exemple par les voitures aux constructeurs automobiles ainsi que le type de données transmises ne manquent pas d’interpeller (11). En dépit du concept de «Privacy by design», auquel les objets connectés doivent se conformer en vertu du RGPD, on constate que le consommateur ne dispose que de très peu, voire d’aucune information à ce sujet, et qu’il n’a aucun moyen de contrôle sur ces données. C’est pourquoi le CESE presse la Commission de réviser le RGPD et les réglementations connexes à la lumière des évolutions technologiques (12). |
4.4. Transparence
4.4.1. |
Le CESE considère que l’explicabilité des processus de prise de décision algorithmique est essentielle dans la compréhension, non des mécanismes en tant que tels, mais des logiques sous-jacentes aux processus de prise de décision, ainsi qu’à la façon dont ceux-ci sont influencés par les systèmes d’IA. Le développement de procédures de test standards pour les systèmes d’apprentissage automatique reste un défi technique qui devrait être soutenu par des instruments de l’Union européenne tels que le programme Horizon Europe. |
4.4.2. |
Le CESE partage l’approche de la Commission selon laquelle les systèmes d’IA doivent être identifiables en tant que tels «de manière que les utilisateurs sachent qu’ils interagissent avec un système d’IA» (13), y compris dans le cadre de la relation patient/personnel de santé et des services professionnels liés à la santé et au bien-être des citoyens. Le CESE insiste aussi sur le fait que l’utilisateur ou le consommateur doit également pouvoir être informé sur les services réalisés par des êtres humains. De nombreux systèmes d’IA font en réalité intervenir de grandes quantités de travail humain, souvent cachées aux utilisateurs finaux (14). Il y a derrière cette question l’enjeu du manque de transparence à l’égard des utilisateurs et des consommateurs de services, mais aussi celui d’une forme d’utilisation d’un travail caché et non reconnu. |
4.4.3. |
Par ailleurs, le CESE estime que le consommateur doit toujours être tenu informé de l’intégration de systèmes d’IA dans les produits qu’il achète, et doit toujours pouvoir avoir accès à ses données et les contrôler. |
4.5. Diversité, non-discrimination et équité
4.5.1. |
Les risques en termes de discrimination sont présents dans certaines applications de l’IA permettant de profiler les citoyens, utilisateurs et consommateurs (par exemple pour l’embauche, la location de biens immobiliers, certains services à la personne). L’Union européenne s’est dotée d’un corpus législatif relatif à l’égalité de traitement et à la non-discrimination (15). Les systèmes d’IA doivent s’y conformer. Mais ces législations doivent également être adaptées et, le cas échéant, renforcées (y compris au niveau du contrôle de leur respect) pour faire face aux nouvelles pratiques. Le risque est bien réel que le profilage algorithmique devienne un nouvel outil puissant de discrimination. L’Union européenne doit prévenir ce risque. |
4.5.2. |
La directive antiracisme (16) et la directive sur l’égalité de traitement entre les sexes en dehors du monde du travail (17) prévoient la création d’organismes spéciaux et compétents en matière de promotion de l’égalité femme-homme. Le CESE plaide pour que ces organismes jouent un rôle actif dans le suivi et le contrôle des systèmes d’IA à l’égard des risques de discrimination directe ou indirecte. |
4.6. Bien-être sociétal et environnemental
4.6.1. |
La Commission n’avance pas de pistes précises quant à la manière d’interconnecter la transition climatique et la transformation numérique, en particulier dans l’usage des systèmes d’IA. Il est essentiel de réfléchir à la contribution que les systèmes d’IA peuvent apporter à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les secteurs de l’industrie, du transport, de l’énergie, de la construction et de l’agriculture. |
4.6.2. |
La Commission affirme que les systèmes d’IA peuvent être utilisés pour renforcer les compétences sociales, mais qu’ils risquent aussi de contribuer à les détériorer. Le CESE est d’avis que l’Union européenne doit davantage prendre la mesure de certains enjeux sociétaux. Des études ont par exemple montré que le design de certaines applications incorporant des systèmes d’IA est conçu pour maintenir connectés le plus longtemps possible les utilisateurs de services en ligne (réseaux sociaux, jeux, vidéos, etc.). L’objectif est de pouvoir collecter le maximum de données sur leurs comportements; et les stratégies utilisées vont du renouvellement sans fin de recommandations algorithmiques, aux rappels et notifications, en passant par des jeux, etc. Les effets sur les enfants des excès de connexion et de sollicitation ont été étudiés (18) et les résultats ont montré une augmentation de l’anxiété, de l’agressivité, un manque de sommeil et des impacts sur l’éducation, les relations sociales, la santé et le bien-être. Pour bâtir une IA digne de confiance, l’Union européenne doit prendre en compte de tels effets et les prévenir. |
4.6.3. |
Enfin, l’un des facteurs de bien-être sociétal est lié au sentiment de sécurité au travail. Or les effets de la numérisation peuvent être insécurisants et source de stress (19). C’est pourquoi il convient de prévoir des stratégies d’anticipation des changements, avant que ne surviennent d’éventuelles restructurations, et de formation continue de tous les travailleurs. Cela nécessite, au sein des entreprises, un dialogue social de qualité entre employeurs et représentants des travailleurs, permettant notamment le déploiement inclusif des nouvelles technologies, en particulier de l’IA et de la robotique. Pour renforcer la confiance entre les directions et les travailleurs, les systèmes d’IA relatifs au management, aux évaluations, au contrôle des travailleurs doivent être explicables, leurs paramètres connus et leur fonctionnement transparent. |
4.7. Responsabilisation
4.7.1. |
Les décisions prises par les systèmes d’apprentissage automatique n’ont pas d’explications simples et sont en outre régulièrement mises à jour. Le CESE estime que le contrôle des systèmes d’IA pourrait ne pas suffire à définir les responsabilités et à susciter la confiance. C’est pourquoi il recommande de définir des règles attribuant, en cas de manquement, la responsabilité aux personnalités juridiques: personnes physiques ou morales. Le CESE recommande de s’appuyer davantage sur des entreprises ou des professionnels dignes de confiance que sur des algorithmes, et propose de développer pour les entreprises qui respectent toutes les normes un «certificat européen d’entreprise de confiance pour l’IA», basé entre autres sur la liste d’évaluation proposée par le GHN. |
4.7.2. |
La directive sur la responsabilité des produits (20) établit le principe de responsabilité sans faute applicable aux producteurs européens: si un produit présentant un défaut cause un dommage à un consommateur, la responsabilité du producteur peut être engagée même sans faute ni négligence de ce dernier. La conception, le déploiement et l’utilisation de plus en plus répandue des systèmes d’IA nécessitent l’adoption par l’Union européenne de règles adaptées de responsabilité pour les situations dans lesquelles des produits à contenu digital et des services proposés aux consommateurs peuvent s’avérer dangereux et préjudiciables. Les consommateurs doivent pouvoir avoir un accès à la justice en cas de préjudice causé par un système d’IA. |
5. Nécessité d’une régulation au-delà de l’Europe
5.1. |
Dans un monde global, la régulation de l’IA doit dépasser les frontières européennes. L’Europe devrait promouvoir un accord large sur l’IA au sein du G7 et du G20 et poursuivre les dialogues bilatéraux afin qu’une majorité de pays puisse participer aux processus de normalisation de l’IA et en vérifier régulièrement la pertinence. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) JO C 440, 6.12.2018, p. 1.
(2) JO C 288, 31.8.2017, p. 1; JO C 440, 6.12.2018, p. 1.
(3) https://osha.europa.eu/fr/emerging-risks.
(4) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).
(5) COM(2019) 168 final.
(6) COM(2019) 168 final, p. 5.
(7) Voir en particulier «OSH and the future of work: benefits and risks of artificial intelligence tools in workplaces».
(8) ISO/TS 15066, 2016.
(9) Voir le rapport «The Malicious Use of Artificial Intelligence: Forecasting, Prevention, and Mitigation», février 2018.
(10) COM(2019) 168 final, p. 6.
(11) «Your car knows when you gain weight», The New York Times (International Edition), 22.5.2019.
(12) JO C 190, 5.6.2019, p. 17.
(13) COM(2019) 168 final, p. 6.
(14) Voir par exemple: «A white-collar sweatshop’: Google Assistant contractors allege wage theft», The Guardian, 29.5.2019 et «Bot technology impressive, except when it’s not the bot», The New York Times (International Edition), 24.5.2019.
(15) JO L 180, 19.7.2000, p. 22; JO L 303, 2.12.2000, p. 16; JO L 373, 21.12.2004, p. 37; JO L 204, 26.7.2006, p. 23.
(16) Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180 du 19.7.2000, p. 22).
(17) 17 Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373 du 21.12.2004, p. 37).
(18) Voir notamment Kidron, Evans, Afia (2018), «Disrupted Childhood – The COST of Persuasive Design», 5Rights Foundation.
(19) Rapport du GHN sur l’impact de la transformation numérique sur les marchés du travail de l’Union européenne, 2019.
(20) Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L 210, 7.8.1985, p. 29).
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/69 |
Avis du Comité économique et social européen sur la
«Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au programme stratégique d’innovation de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) pour la période 2021-2027: stimuler les talents et les capacités de l’Europe en matière d’innovation»
[COM(2019) 330 final — 2019/00152 (COD)]
et
la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Institut européen d’innovation et de technologie (refonte)»
[COM(2019) 331 final — 2019/00151 (COD)]
(2020/C 47/10)
Rapporteur général: Antonello PEZZINI
Consultation |
Parlement européen, 18.7.2019 Conseil, 26.7.2019 |
Base juridique |
Article 173, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Décision du bureau |
24.9.2019 |
Adoption en session plénière |
31.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
168/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) soutient pleinement la synergie, telle que proposée dans le règlement révisé, entre l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) et le programme-cadre pluriannuel de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation, dans le cadre de la rationalisation introduite par le programme Horizon Europe sous la forme d’une architecture simplifiée en matière de recherche et d’innovation. |
1.2. |
Le CESE est convaincu que l’«innovation ouverte» du programme Horizon Europe offrira aux innovateurs à haut potentiel un point de contact unique, par l’intermédiaire du Conseil européen de l’innovation, et qu’elle renforcera la coopération avec les écosystèmes et les opérateurs, en synergie avec l’EIT, en évitant les redondances et les chevauchements, assurant ainsi leur complémentarité effective conformément aux indications du Conseil au sujet de la proposition relative au programme d’exécution d’«Horizon Europe» (1). |
1.3. |
Dans ce contexte, l’EIT devrait constituer l’un des principaux moteurs de l’innovation axée sur les objectifs, capable de relever les défis sociétaux dans des domaines tels que: les écosystèmes d’innovation durable; l’innovation et les compétences entrepreneuriales dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie; un meilleur fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur; de nouvelles solutions tournées vers le marché pour répondre aux enjeux d’échelle mondiale; ou encore les synergies et la valeur ajoutée du programme Horizon Europe dans sa globalité. |
1.4. |
Le CESE estime que l’EIT et ses communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) devraient: jouer un rôle plus décisif dans le paysage de l’innovation européenne, aux niveaux national et régional; renforcer leurs propres capacités en intensifiant et en améliorant la coordination avec tous les acteurs intéressés, à différents niveaux; et enfin développer leurs actions en faveur de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dans l’objectif de renforcer la culture d’entreprise au sein de l’Union. |
1.5. |
Le CESE recommande que l’EIT maintienne et souligne le caractère unique de sa valeur ajoutée, en tant que chef de file européen dans le domaine éducatif grâce à de hautes compétences spécialisées en formation entrepreneuriale («apprentissage par la pratique»), en définissant et en expérimentant de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage. La marque «EIT» devrait être reconnue par les principaux organismes de certification internationaux et être exportée hors du cercle des CCI et de leurs partenaires, afin de favoriser l’éclosion d’une communauté de l’innovation toujours plus vaste, en collaboration avec des pays tiers, notamment en Asie et aux États-Unis. |
1.6. |
Le CESE considère que l’EIT devrait soutenir le développement de nouveaux produits à forte valeur commerciale, enrichis par des expériences éducatives et diffusés à l’échelle internationale, sur le modèle des doctorats industriels. Cette démarche favoriserait à n’en pas douter une participation plus forte et plus active de nouveaux partenaires commerciaux aux activités des CCI. |
1.7. |
Afin de mieux associer les PME, les CCI devraient envisager de nouveaux systèmes pour exploiter et promouvoir l’«effet de proximité», en mobilisant en particulier les centres territoriaux, qui devraient constituer le point d’accès des acteurs régionaux et locaux aux plateformes mondiales d’innovation. |
1.8. |
L’EIT aussi bien que les CCI devraient mettre au point leurs propres stratégies de financement des entreprises et du développement, afin d’accompagner les entreprises innovantes dans leur trajectoire de consolidation. Il conviendrait également de renforcer les réseaux constitués avec le monde financier et les fonds de capital-risque. |
1.9. |
Le CSE recommande que la répartition des CCI respecte davantage l’équilibre géopolitique et qu’elle couvre mieux le territoire de l’Union, à commencer par la CCI consacrée aux secteurs de la culture et de la création, notamment pour couvrir des zones comme la région adriatique/balkanique et la Chine. |
1.10. |
Pour ce qui concerne la proposition de décision relative au programme stratégique d’innovation pour la période 2021-2027, le CESE considère que ce processus devrait s’inscrire dans une approche globale et couvrir tous les types de partenariat (P2P, PPP, EIT-CCI, FET-Flagships), comme le Conseil l’a demandé dans ses conclusions, afin de garantir une vue d’ensemble exhaustive des activités menées dans le cadre des partenariats et d’atteindre les objectifs des politiques. |
1.11. |
Dans l’ensemble, le CESE souscrit au programme stratégique d’innovation tel qu’il est décrit dans l’annexe à la proposition de décision, dans la mesure où la mise en œuvre des dispositifs sera pleinement alignée sur le plan stratégique du programme Horizon Europe, comme indiqué dans la position commune du Parlement européen et du Conseil sur le neuvième programme-cadre (2). |
1.12. |
Le CESE accueille favorablement la déclaration de principe selon laquelle «l’EIT poursuivra ses efforts de simplification afin d’alléger la charge administrative inutile des CCI, en permettant la mise en œuvre de leur plan d’entreprise annuel et de leur stratégie pluriannuelle de manière souple et efficiente». |
1.13. |
Le CESE estime que l’EIT doit produire un rapport sur tous les produits novateurs qui ont été introduits avec succès sur le marché au cours de ses dix années d’expérience (rapport coût/efficacité). |
1.14. |
Le CESE juge également importants: les efforts de compte rendu et de suivi, assortis d’indicateurs d’impact précis; l’évaluation des performances opérationnelles des CCI; ainsi que les réalisations concrètes, les résultats et les progrès enregistrés en vue d’atteindre les objectifs fixés, conformément au cadre du programme Horizon Europe. |
2. Introduction
2.1. |
Les difficultés qu’éprouve l’Europe à transformer ses inventions en produits et services commercialisables ont poussé l’Union européenne à revoir ses politiques en matière de recherche, afin de parer à l’incapacité qui est la sienne de convertir rapidement son excellence dans la recherche fondamentale en une innovation axée sur le marché. |
2.2. |
L’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), au sujet duquel le CESE a déjà eu l’occasion d’émettre des avis (3), a été créé par l’Union européenne en 2008 pour renforcer sa capacité d’innovation, et il fait partie intégrante du programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation. |
2.3. |
L’EIT est actuellement le plus grand écosystème d’innovation intégré en Europe. Il réunit des partenaires issus des entreprises, des instituts de recherche et des établissements d’enseignement, et il soutient les CCI. Ces communautés constituent des partenariats européens à grande échelle, capables à la fois de relever de certains défis mondiaux et de renforcer les écosystèmes de développement en facilitant l’intégration de l’enseignement et de la recherche, afin de créer des environnements propices à l’innovation et de stimuler la création d’entreprises innovantes, en étroite complémentarité avec le Conseil européen de l’innovation (CEI). |
2.4. |
De son côté, l’actuel programme-cadre «Horizon 2020» pour la période 2014-2020 finance expressément l’innovation à l’aide de nouveaux instruments publics mis en place pour renforcer l’innovation en Europe et encourager une plus forte participation des entreprises aux activités d’innovation, tels que: les partenariats public-privé, comme les initiatives technologiques conjointes (ITC); les mécanismes de prêt et de garantie, comme le MFPR; et le capital-risque, par exemple le MIC (4). |
2.5. |
Doté d’un budget supérieur à 300 millions d’EUR pour la période 2008-2013, de 2,7 milliards d’EUR pour la période 2014-2020 et de 3,1 milliards d’EUR pour la période 2021-2027, l’EIT a vocation à jouer un rôle important dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (5). |
2.6. |
L’EIT a pour objectif d’améliorer les processus d’innovation, en intégrant la formation et l’esprit d’entreprise dans la recherche et l’innovation, avec pour ambition affichée de véritablement se concentrer sur des résultats tangibles et des avantages concrets (6). |
2.7. |
L’EIT conduit ses activités par l’intermédiaire des CCI, lesquelles constituent des partenariats européens à grande échelle qui répondent à des problématiques sociales spécifiques et rassemblent des organisations issues des secteurs de l’éducation, de la recherche et des entreprises. L’EIT accorde des subventions aux CCI et doit effectuer un suivi de leurs activités, dans le cadre d’un contrôle et d’une communication efficaces des résultats obtenus. |
2.8. |
L’EIT est maintenant intégré dans le programme Horizon Europe dans le cadre de son troisième pilier («Europe innovante»), mais il conviendrait de mettre en place également des synergies et des complémentarités avec les autres composantes du programme (7). Les CCI, en tant que partie intégrante de l’EIT, sont considérées comme des «partenariats européens institutionnalisés». |
2.9. |
Les objectifs généraux de l’EIT se reflètent en particulier dans ses domaines d’intervention, tels que définis par le programme Horizon Europe, qui établit également les critères pour la sélection, la mise en œuvre, le suivi, l’évaluation et la dissolution des partenariats européens, y compris ceux des CCI de l’EIT. |
2.9.1. |
Il est utile de rappeler quels sont ces principaux domaines d’intervention:
|
2.10. |
L’EIT fonctionne comme un organisme décentralisé de l’Union. Son siège est situé à Budapest. L’EIT n’est pas un centre de recherche et il ne contribue pas directement au financement des différents projets, mais il offre des subventions aux CCI. |
2.11. |
Les CCI sont sélectionnées au moyen d’un appel ouvert à propositions, sur la base de thèmes prioritaires à fort impact social. L’EIT soutient actuellement huit CCI, qui rassemblent des entreprises, des universités et des centres de recherche dans le cadre de partenariats transfrontières (8). |
2.12. |
Chaque CCI a pour objectif de renforcer les capacités d’innovation, en gérant un portefeuille d’activités équilibré dans trois secteurs:
|
2.13. |
Dans le même temps, dans le cadre de sa propre stratégie de sensibilisation, chaque CCI s’engage à mener des activités de sensibilisation, de communication et d’information, y compris le développement du programme régional d’innovation en collaboration étroite avec l’EIT. |
2.14. |
Le CESE a déjà eu l’occasion de souligner que les CCI devraient «garantir la représentation de différents pays européens, notamment en ce qui concerne la localisation des pôles d’innovation», et que «la promotion de l’esprit d’entreprise par le pilier universitaire […] devrait être développée» (9). |
2.15. |
Le CESE a fait observer également qu’il y a une «relative concentration des CCI» dans un petit nombre de pays, et exprimé le souhait «que des efforts spécifiques soient entrepris pour que, dans le plus grand nombre possible d’États membres, des liens soient établis avec des laboratoires, entreprises et institutions de recherches» (10). |
2.16. |
De son côté, le Parlement européen a invité la Commission à maintenir les CCI dans la structure actuelle de l’EIT, soulignant l’importance de la transparence et d’une large participation des parties intéressées, ainsi qu’à «analyser la manière dont l’EIT et les CCI peuvent interagir avec le Conseil européen de l’innovation» (11). |
2.17. |
Le Parlement européen a également relevé, dans le rapport de la Cour des comptes, que les CCI n’ont pas utilisé intégralement les subventions accordées par l’Institut, principalement en raison d’une mise en œuvre incomplète des plans d’entreprise (12). En outre, le rapport spécial de la Cour des comptes sur l’EIT fait apparaître que le cadre opérationnel complexe et les problèmes de gestion de l’Institut ont globalement nui à son efficacité, mettant en évidence différentes faiblesses en la matière. |
2.18. |
Le Conseil a quant à lui reconnu la valeur ajoutée attestée des partenariats stratégiques et des initiatives telles que l’EIT et les actions Marie Skłodowska-Curie (13), et dans l’accord sur le futur programme «Horizon Europe», le troisième pilier (Europe innovante) se concentrera sur le développement des innovations de pointe et de rupture, grâce à la création d’un Conseil européen de l’innovation. Celui-ci fera office de guichet unique pour les innovateurs à haut potentiel (14). |
3. Les propositions de la Commission européenne
3.1. |
Les propositions visent à assurer une ouverture et une transparence accrues des CCI ainsi qu’un alignement de l’EIT sur le prochain programme de recherche et d’innovation de l’Union pour la période 2021-2027, et en particulier sur l’approche suggérée pour les partenariats européens dans le cadre du programme Horizon Europe, avec pour objectif de renforcer encore le potentiel d’innovation de l’Union. |
3.2. |
Doté d’un budget qu’il est proposé de fixer à 3 milliards d’EUR, soit 600 millions d’EUR de plus (+ 25 %) par rapport à l’actuel programme stratégique pour l’innovation pour la période 2014-2020, l’EIT paraît en mesure de financer efficacement les activités existantes ainsi que de nouvelles CCI, et de soutenir les capacités d’innovation de 750 établissements d’enseignement supérieur. |
3.3. |
L’EIT devrait engager des actions visant à:
|
3.4. |
La proposition de refonte du règlement sur l’EIT (15) vise à garantir une plus grande clarté juridique et un meilleur alignement sur le programme-cadre de l’Union pour la recherche et l’innovation grâce à une nouvelle base juridique, et elle introduit également un modèle de financement simplifié pour l’EIT, afin de mobiliser plus efficacement des investissements publics et privés supplémentaires, en renforçant la structure administrative de l’Institut. |
3.5. |
La proposition de décision relative au programme stratégique d’innovation pour la période 2021-2027, qui doit être conforme au programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe, prévoit les objectifs suivants:
|
4. Observations générales
4.1. |
Le CESE salue le rôle joué par l’EIT pour promouvoir la compétitivité de l’Union par le soutien qu’il apporte à l’écosystème de l’innovation, dans la mesure où l’Institut a su contribuer au développement du «triangle de la connaissance». |
4.2. |
Le CESE est convaincu que l’«innovation ouverte» offrira aux innovateurs à haut potentiel un point de contact unique, par l’intermédiaire du Conseil européen de l’innovation, et qu’elle renforcera la coopération avec les écosystèmes et les opérateurs des processus d’innovation. |
4.3. |
Dans ce contexte, l’EIT devrait être l’un des principaux moteurs de l’innovation axée sur les objectifs, afin de relever les défis sociétaux dans des domaines tels que:
|
4.4. |
L’EIT et les CCI devraient jouer un rôle plus décisif dans le paysage de l’innovation européenne, aux niveaux national et régional, et renforcer leurs propres capacités en intensifiant et en améliorant la coordination avec tous les acteurs intéressés. |
4.5. |
L’EIT devrait s’adresser à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dans l’objectif de renforcer la culture d’entreprise au sein de l’Union, en associant tous les acteurs sociaux, en créant des synergies avec le Con/seil européen de l’innovation et en conférant de la valeur ajoutée à de multiples projets, dans le cadre du programme Horizon Europe. |
4.6. |
Le CESE estime que l’EIT et les CCI devraient donner la priorité aussi bien au renforcement systématique des contacts entre les grandes et moyennes entreprises présentes au sein des CCI qu’aux nouvelles entreprises et à celles en démarrage qui participent aux initiatives des CCI. |
4.7. |
L’EIT les CCI devraient élaborer leurs propres stratégies de financement des entreprises afin d’aider les entreprises innovantes à se consolider, en créant des liens adéquats avec le monde financier et les fonds de capital-risque. |
4.8. |
Le CESE considère que le soutien financier de l’EIT devrait être équilibré par rapport au périmètre, à la nature et à la maturité du secteur. Les petites et moyennes entreprises éprouvent de grandes difficultés pour faire face aux charges réglementaires, et il convient de les soutenir financièrement. |
4.9. |
Afin de mieux associer les PME, les CCI devraient envisager de nouveaux moyens d’exploiter et de promouvoir l’«effet de proximité», grâce en particulier aux centres territoriaux, qui devraient constituer le point d’accès des acteurs régionaux et locaux aux plateformes mondiales d’innovation, et fournir une structure et un soutien conçus pour les PME. |
4.10. |
Le CESE considère que les centres territoriaux sont fondamentaux pour l’avenir des CCI. L’intégration dans les systèmes d’innovation locale et une fonction filtrante efficace pour les partenaires extérieurs sont deux aspects essentiels de la viabilité financière future d’une CCI. |
4.11. |
Il convient d’accroître l’ouverture et la transparence des CCI. Les procédures et les critères servant à sélectionner les partenaires des CCI (membre à part entière, associé, etc.) doivent être rendus publics. Les règles de sélection des activités ou des projets (par exemple pour des propositions d’innovation) doivent être largement accessibles et diffusées dans toute l’Union, et il convient d’introduire des mécanismes adéquats de retour d’information et de suivi par des organismes indépendants. |
4.12. |
Le CESE recommande que l’EIT maintienne et souligne le caractère unique de sa valeur ajoutée dans le domaine éducatif, en tant que chef de file européen de l’enseignement à haut niveau, et qu’il développe des compétences spécialisées dans la formation entrepreneuriale sur le terrain («apprentissage par la pratique»). La marque «EIT» devrait être reconnue par les principaux organismes de certification internationaux. |
4.13. |
Le CESE considère que l’EIT devrait soutenir le développement de nouveaux produits, avec une forte composante commerciale intégrée dans des parcours éducatifs internationaux, sur le modèle des doctorats industriels. |
4.13.1. |
Le CESE souscrit pleinement à l’alignement de l’EIT sur le programme-cadre pluriannuel de l’Union pour la recherche et l’innovation, tel que proposé dans le règlement révisé, dans le cadre du programme Horizon Europe et des «partenariats européens» qui sont proposés. |
4.14. |
Le CESE juge opportun de simplifier encore le fonctionnement à la fois de l’EIT, dont la gouvernance doit être renforcée, et des CCI, lesquelles devraient, en suivant toutes les mêmes règles, établir des rapports annuels et adopter des plans d’entreprise pluriannuels plutôt qu’annuels. |
4.15. |
Le CESE souligne la nécessité de remédier efficacement aux carences relevées par la Cour des comptes concernant certains éléments essentiels du modèle de l’EIT, dont la conception ne permet pas de garantir qu’il constitue un système public efficace et novateur. |
4.16. |
Pour ce qui concerne la proposition de décision relative au programme stratégique d’innovation pour la période 2021-2027, le CESE considère que ce processus devrait s’inscrire dans une approche globale et couvrir tous les types de partenariat actuels (P2P, PPP, EIT-CCI, FET-Flagships), comme le Conseil l’a demandé dans ses conclusions. |
Bruxelles, le 31 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Dossier interinstitutionnel 2018/0225(COD) — document 8550/19 du 15 avril 2019.
(2) Dossier interinstitutionnel 2018/0224(COD) — document 7942/19 du 27 mars 2019.
(3) JO C 161 du 13.7.2007, p. 28; JO C 181 du 21.6.2012, p. 122; JO C 62 du 15.2.2019, p. 33.
(4) ITC: Les initiatives technologiques conjointes ont été mises en place pour mieux répondre aux besoins de l’industrie dans certains domaines de recherche. Ce sont des organismes de l’Union indépendants auxquels participent des industriels et, dans certains cas, des États membres; MFPR: le mécanisme de financement avec partage des risques a été créé pour améliorer l’accès des chercheurs au financement par le crédit, en particulier pour les investissements plus risqués dans le secteur de la recherche, du développement technologique et de l’innovation; MIC: le mécanisme en faveur des PME innovantes et à forte croissance fournit, dans le cadre du programme pour la compétitivité et l’innovation, du capital-risque aux PME innovantes et à celles possédant un fort potentiel de croissance.
(5) Article 3 du règlement (UE) no 1292/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 modifiant le règlement (CE) no 294/2008 portant création de l’Institut européen d'innovation et de technologie (JO L 347 du 20.12.2013, p. 174).
(6) Décision no 1312/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 concernant le programme stratégique d'innovation de l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT): la contribution de l'EIT à une Europe plus innovante (JO L 347 du 20.12.2013, p. 892).
(7) Voir note 1 de bas de page.
(8) EIT Climate-KIC: «Les facteurs de l’innovation climatique en Europe et au-delà»; EIT Digital: «Pour une Europe numérique forte»; EIT Food: «EIT Food met en relation les entreprises, les centres de recherche, les universités et les consommateurs»; EIT Health: «Ensemble pour une vie saine en Europe»; EIT InnoEnergy: «Une transformation d’avant-garde en matière d’énergie durable»; EIT Manufacturing: «Renforcer et accroître la compétitivité de l’industrie manufacturière en Europe»; EIT RawMaterials: «Faire des matières premières un atout majeur pour l’Europe»; EIT Urban Mobility: «Transports intelligents, écologiques et intégrés».
(9) JO C 62 du 15.2.2019, p. 33.
(10) JO C 181 du 21.6.2012, p. 122.
(11) Résolution du Parlement européen du 13 juin 2017 sur l’évaluation de la mise en œuvre du programme Horizon 2020 en vue de son évaluation intermédiaire et de la proposition pour le neuvième programme-cadre [2016/2147(INI)] (JO C 331 du 18.9.2018, p. 30).
(12) Résolution (UE) 2019/1483 du Parlement européen du 26 mars 2019 contenant les observations qui font partie intégrante de la décision concernant la décharge sur l’exécution du budget de l’Institut européen d’innovation et de technologie pour l’exercice 2017 (JO L 249 du 27.9.2019, p. 229).
(13) Conclusions du Conseil, «Concrétiser l’idée d’un espace européen de l’éducation» (23 mai 2018).
(14) Conseil de l’Union européenne, communication du 27 mars 2019.
(15) Règlement (UE) no 1292/2013.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/76 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et la directive 2008/118/CE relative au régime général d’accise en ce qui concerne l’effort de défense dans le cadre de l’Union»
[COM(2019) 192 final — 2019/0096 (CNS)]
(2020/C 47/11)
Rapporteur: Benjamin RIZZO
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 13.5.2019 |
Base juridique |
Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
17.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
204/2/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à l’objectif de la Commission d’assurer, en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’égalité de traitement entre les forces armées des États membres qui travaillent ensemble dans le cadre de l’Union européenne et les forces armées de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) utilisées dans l’Union européenne, qui bénéficient déjà d’une exonération de la TVA. Il semble raisonnable d’établir des conditions de concurrence équitables à cet égard. |
1.2. |
Le CESE comprend les raisons pour lesquelles certaines structures de l’Union européenne ont été mises en place depuis 2000 pour gérer les forces armées déployées au sein de l’Union européenne aux fins de sa sécurité et de sa défense. Désormais, la désignation d’un directeur général chargé de la défense permettra de mieux les utiliser et les superviser. |
1.3. |
Le CESE note que les deux conditions d’exonération énoncées dans la proposition de la Commission sont, d’une part, que les forces armées soient déployées en dehors de leur propre État membre et, de l’autre, qu’elles participent à un effort de défense européen commun. |
1.4. |
Le CESE accepte que la nouvelle exonération ne s’applique pas à certains domaines. Il s’agit notamment de la sécurité, des missions de sauvetage humanitaire et des cas où la clause de solidarité est invoquée. En conséquence, les exonérations globales de TVA sont limitées aux «opérations militaires» sur la base d’une interprétation stricte de cette notion. |
1.5. |
Le CESE suggère que les différentes autorités fiscales nationales adoptent un système unique pour la mise en œuvre de ces nouvelles exonérations. Par conséquent, il recommande que la Commission établisse, par l’intermédiaire de son groupe de contrôle de la TVA, un système spécifique dans lequel les factures exonérées de TVA émises par les fournisseurs aux forces armées devraient être enregistrées pour bénéficier de l’exemption prévue dans la proposition de la Commission. De cette manière, un système unifié serait d’application dans tous les États membres. |
1.6. |
Le CESE estime que les données relatives aux effets sur les coûts et les bénéfices des exonérations induites par la proposition de la Commission devraient faire l’objet de calculs plus approfondis, de sorte qu’un rapport plus réaliste sur ces exemptions puisse être rapidement disponible. Cela encouragera une meilleure information et une plus grande transparence vis-à-vis des États membres et de l’opinion publique en général. |
2. Proposition de la Commission
2.1. |
Par la voie de sa proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE (1) relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et la directive 2008/118/CE (2) relative au régime général d’accise en ce qui concerne l’effort de défense dans le cadre de l’Union, publiée le 24 mars 2019, la Commission européenne a exposé son plan visant à exonérer les livraisons et les prestations destinées aux forces armées de la TVA et des droits d’accises, dès lors que lesdites forces sont déployées en dehors de leur État membre et sont affectées à un effort de défense européen. |
2.2. |
Selon l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, le champ d’application de la TVA comprend «les livraisons de biens» et «les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti» et «les importations de biens» dans l’Union européenne. |
2.3. |
Cette directive fait état d’une liste commune d’exonérations de la TVA afin de s’assurer d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres. À l’heure actuelle, cette liste d’exonérations ne couvre pas la fourniture de biens ou la prestation de services à des fins de sécurité et de défense. Par conséquent, les livraisons de biens ou les prestations de services aux forces armées ou les importations de biens par celles-ci sont soumises à la TVA. |
2.4. |
À l’inverse, la directive TVA prévoit à l’heure actuelle une exonération concernant les livraisons et prestations destinées aux forces armées de tout État partie au traité de l’Atlantique Nord qui prennent part à un effort commun de défense en dehors de leur propre État. Une telle exonération a été conçue afin de tenir compte des situations dans lesquelles «le cycle des flux de recettes et de dépenses est rompu, car la TVA sur ces livraisons et prestations constitue normalement des recettes pour l’État dans lequel les forces armées se trouvent plutôt que pour leur propre État». |
2.5. |
La directive 2008/118/CE du Conseil relative au régime général d’accise prévoit une exonération similaire du droit d’accise pour les mouvements de produits soumis à accise destinés aux forces armées de tout membre de l’OTAN. |
2.6. |
Les droits d’accises prévus par le droit de l’Union sont appliqués aux boissons alcoolisées, aux tabacs manufacturés et aux produits énergétiques (carburants et combustibles, tels que le pétrole et l’essence, électricité, gaz naturel et charbon). La structure des taxes et les taux minimaux sont harmonisés au niveau de l’Union européenne. |
2.7. |
Alors que l’effort de défense de l’OTAN est exonéré au titre aussi bien de la directive TVA (depuis 1977) que par la directive accise (depuis 1993), aucune exonération ne s’applique à l’heure actuelle aux livraisons et prestations liées à l’effort commun de défense dans le cadre de l’Union. |
2.8. |
La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) (3), établie initialement en 2000 en tant que politique européenne de sécurité et de défense (PESD), est un instrument clé pour développer progressivement une politique de défense commune de l’Union. Le traité de Lisbonne a contribué sensiblement au développement de la PSDC en instituant le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) afin d’assister le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité dans toutes ses responsabilités, dont relève également la PSDC. |
2.9. |
Le traité sur l’Union européenne (TUE) comporte également une clause d’assistance mutuelle et permet aux États membres de renforcer leurs forces armées au moyen d’une «coopération structurée permanente» (CSP) (4). |
2.10. |
Le comité militaire de l’Union européenne (CMUE) (5) institué en 2001 est l’organe militaire le plus élevé du Conseil. Il assume la direction «de toutes les activités militaires dans le cadre de l’Union européenne et donne des avis en ce qui concerne la planification et l’exécution des missions et des opérations militaires menées dans le cadre de la PSDC ainsi que le développement des capacités militaires». |
2.11. |
En juin 2016, la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne (SGUE) (6) a jeté les bases de la poursuite du développement de la PSDC dans le cadre de trois priorités essentielles: la réaction aux crises et conflits extérieurs, le renforcement des capacités des partenaires et la protection de l’Union et de ses citoyens. |
2.12. |
En mars 2018, la Commission et la haute représentante ont présenté une communication conjointe sur le thème «Améliorer la mobilité militaire dans l’Union européenne» (7). Ce plan d’action reconnaît la nécessité de garantir «l’égalité de traitement des efforts de défense afin de réduire la charge administrative et, partant, les retards et les coûts de la mobilité militaire». |
2.13. |
Plus précisément, la communication conjointe indique que: «La réglementation en vigueur de la taxe sur la valeur ajoutée est également concernée par les mesures visant à faciliter la mobilité militaire. Les efforts de défense, en particulier la mobilité militaire, imposent la fourniture d’un certain nombre de prestations, telles que des formations, des équipements d’exercice, des hébergements, de la nourriture/services de cantine, du carburant, etc. Ces fournitures sont en principe soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans le cadre du groupe de travail ad hoc sur la mobilité militaire, les États membres ont mis en évidence la nécessité de garantir l’égalité de traitement des efforts de défense, afin de réduire la charge administrative, évitant ainsi les retards, réduisant les coûts de la mobilité militaire et incitant les États membres à coopérer.» |
2.14. |
À la suite de cette demande, la proposition de la Commission dont il est ici question cherche à poursuivre aussi loin qu’il est possible le rapprochement du traitement de la TVA et de l’exonération des droits d’accises, concernant l’effort de défense mené dans le cadre de l’Union européenne et dans celui de l’OTAN. Selon la proposition à l’examen, ces exonérations concernent les activités suivantes dans le cadre de la PSDC: i) les missions et opérations militaires; ii) les groupements tactiques; iii) l’assistance mutuelle. En outre, elles couvriront également les activités de la CSP et de l’Agence européenne de défense (AED). |
2.15. |
Il y a lieu de relever que sur la base de la proposition de la Commission, les livraisons et prestations destinées aux forces armées et à l’élément civil qui les accompagne ne peuvent être exonérées que si ces forces sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’Union dans le cadre de la PSDC. |
2.16. |
Par conséquent, les exonérations ne s’appliquent pas lorsque les forces armées sont déployées uniquement à des fins de sécurité, pour des missions humanitaires et d’évacuation, ou lorsqu’il s’agit d’invoquer la clause de solidarité prévue à l’article 222 du TFUE en l’absence d’implications en matière de défense. |
2.17. |
Selon une estimation prudente, l’on peut chiffrer à hauteur de 530 millions d’EUR — sur une dépense totale au titre de la défense de 5,3 milliards d’EUR — les activités externalisées qui seraient concernées par la proposition de la Commission, ce qui pourrait se traduire par une perte éventuelle de recettes TVA, pour l’ensemble des États membres, de quelque 80 millions d’EUR (dans l’hypothèse d’un taux moyen de TVA de 18 %). |
2.18. |
En ce qui concerne les droits d’accises, les produits énergétiques et l’électricité devraient constituer les principaux produits faisant l’objet d’une exonération. Comme pour la TVA, on peut estimer qu’environ 10 % de ces coûts seraient exonérés de droits d’accises à l’avenir. On ne dispose toutefois pas de données qui pourraient servir de base pour quantifier l’incidence. |
2.19. |
Les États membres seront tenus d’adopter et de publier, au plus tard le 30 juin 2022, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux nouvelles prescriptions, ainsi que de transmettre à la Commission le texte de leurs dispositions. |
3. Observations générales et particulières
3.1. |
La proposition de la Commission complète le plan d’action sur la TVA de 2016 pour moderniser le système de TVA afin d’aboutir à un régime plus simple, plus étanche à la fraude et plus favorable aux entreprises. Les modifications mentionnées précédemment concernant le domaine militaire s’inscrivent donc dans une réforme plus vaste et sont d’emblée destinées à devenir un élément du nouveau système. Ainsi, l’on évitera tous les éventuels problèmes liés à des modifications ultérieures d’un régime déjà en place. |
3.2. |
La proposition de la Commission modifie la liste actuelle prévue par la directive 2006/112/CE, en ajoutant une exonération supplémentaire. Une telle modification substantielle vise à établir en quelque sorte des «conditions de concurrence équitables», du point de vue de la TVA, entre les opérations de l’OTAN, d’une part, et celles menées dans un cadre commun par les forces armées d’États membres, d’autre part. Par conséquent, leur traitement deviendra cohérent et le champ d’application des exonérations sera similaire pour les efforts de défense de l’Union et ceux de l’OTAN. |
3.3. |
Le CESE relève que l’on n’étend pas les exonérations dont bénéficient actuellement les activités de défense de l’OTAN, dont le champ d’application est déjà défini et limité, puisque seul un rapprochement au profit des opérations militaires menées dans un cadre commun sera effectué. |
3.4. |
Le choix de rédiger les dispositions de la nouvelle directive en écho des paragraphes existants relatifs aux forces armées de l’OTAN est cohérent avec l’objectif final de la Commission de parvenir à une égalité de traitement entre les opérations menées à ce titre et les efforts militaires effectués dans un cadre commun de l’Union. |
3.5. |
Le CESE relève l’absence de toute incidence négative sur le budget de l’Union européenne, étant donné que toutes les dépenses qui ne sont pas couvertes par les ressources propres traditionnelles et par la ressource propre TVA font l’objet d’une compensation de la ressource propre fondée sur le revenu national brut (RNB). Les ressources propres TVA non perçues de certains États membres seront compensées par l’ensemble des États membres au moyen de la ressource propre RNB. |
3.6. |
La proposition à l’examen est conforme au principe de subsidiarité, étant donné que la législation de l’Union est plus indiquée que plusieurs règles nationales pour coordonner l’application ou non de la TVA à des opérations militaires spécifiques au sein du marché intérieur. Les États membres ont été consultés dans le contexte du groupe sur l’avenir de la TVA et ont globalement confirmé la nécessité d’agir au niveau de l’Union, justifiant de ce fait le choix de l’instrument d’une proposition de directive. |
3.7. |
La proposition à l’examen apparaît également conforme au principe de proportionnalité, dans la mesure où elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs des traités liés à la définition progressive d’une politique de défense commune dans le cadre de la PSDC. Le CESE approuve cet ambitieux objectif à long terme. |
3.8. |
Le choix d’assurer la cohérence entre la TVA et les droits d’accises, en traitant les deux régimes d’exonération dans le cadre d’une seule proposition, apparaît raisonnable et permet de justifier l’une des rares occurrences au sein de la législation de l’Union d’une réglementation conjointe des droits d’accises et de la TVA. |
3.9. |
Le CESE est toutefois d’avis qu’il convient de mieux spécifier le champ d’application de l’exonération qui sera accordée dans le cadre des systèmes de TVA et de droits d’accises de manière conjointe. Il est en effet essentiel de délimiter précisément le périmètre propre à une telle exonération afin de garantir la sécurité et la prévisibilité juridiques des systèmes de TVA et de droits d’accises. |
3.10. |
Pour ce qui est de l’exigence de clarté et de prévisibilité juridiques, il convient de relever que les exonérations accordées seront principalement appliquées et évaluées, selon différents points de vue, par les fournisseurs nationaux actifs dans le domaine militaire et par les autorités fiscales nationales; les secondes instruiront les premiers de la manière de facturer la TVA aux forces armées. |
3.11. |
À cet égard, le CESE recommande à la Commission de publier des règles de mise en œuvre détaillées, au moyen d’une note explicative ou de lignes directrices émises par le comité de la TVA, à l’intention des autorités fiscales nationales et des entreprises afin d’éviter des complications d’ordre technique dans les États membres. Afin de fournir quelques premières lignes directrices, les pratiques antérieures concernant l’exonération de l’OTAN pourraient s’avérer d’une utilité certaine. |
3.12. |
En dernier lieu, le CESE fait valoir qu’un nouveau dispositif d’exonération tel que celui prévu par la proposition de la Commission, requiert à coup sûr des mécanismes adéquats de contrôle afin de surveiller son application dans les faits. C’est pourquoi le CESE suggère à la Commission d’élaborer et de mettre en place, par l’intermédiaire du groupe de contrôle de la TVA de la Commission, un système adéquat qui devrait être d’application dans tous les États membres pour contrôler le nouveau régime d’exonération visant à collecter, pour autant que cela soit possible et judicieux, toutes les informations pratiques pertinentes provenant des autorités fiscales nationales. |
3.13. |
Un tel système pourrait favoriser une application efficace et dans le même temps transparente de cette nouvelle exonération, tout en permettant d’élaborer d’une analyse d’impact ex post précise. Les États membres pourraient ainsi adopter une plateforme commune permettant d’établir un système unique qui serait appliqué par tous les États membres au lieu de faire cohabiter des systèmes différents selon les pays. |
3.14. |
Le CESE recommande de procéder à une estimation des coûts plus détaillée et plus efficace afin de connaître les effets de cette exonération de TVA, car c’est une partie des taxes payées par le grand public qui est en cause et qu’une plus grande transparence est souhaitable. Il apparaît également que, lors de catastrophes naturelles majeures, le coût de cette exonération pourrait être beaucoup plus élevé. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347 du 11.12.2006, p. 1).
(2) Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO L 9 du 14.1.2009, p. 12).
(3) La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union (PESC)[1]. La PSDC est définie par le traité sur l’Union européenne (TUE). L’article 41 expose les grandes lignes du financement de la PESC et de la PSDC, et cette dernière est décrite plus avant dans les articles 42 à 46, qui constituent la section 2 du chapitre 2 du titre V, intitulée «Dispositions concernant la politique de sécurité de défense commune», ainsi que dans les protocoles nos 1, 10 et 11 et les déclarations 13 et 14. L’article 36 du TUE décrit le rôle précis du Parlement européen dans le cadre de la PESC et de la PSDC.
(4) Les dispositions relatives à la CSP figurent à l’article 46 du traité sur l’Union européenne (TUE) et dans le protocole no 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42, paragraphe 6, du traité sur l’Union européenne.
(5) Le comité militaire de l’Union européenne (CMUE) est l’organe militaire le plus élevé mis en place au sein du Conseil (décision du Conseil du 22 janvier 2001 portant création du Comité militaire de l’Union européenne).
(6) Vision partagée, action commune: Une Europe plus forte — Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne.
(7) Améliorer la mobilité militaire dans l’Union européenne, communication conjointe au Parlement européen et au Conseil [JOIN(2017) 41 final].
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/81 |
Avis du Comité économique et social européen sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans l’Union européenne
[COM(2019) 12 final]
(2020/C 47/12)
Rapporteur: Jean-Marc ROIRANT
Consultation |
Commission, 12.3.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
15.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
213/1/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE se fait l’écho de la demande que le Parlement européen a formulée dans un récent rapport (1) visant à abroger progressivement l’ensemble des programmes pour les investisseurs et presse les États membres de suivre cette recommandation ou, s’il doit en aller autrement, de présenter des arguments et des éléments de preuve raisonnables à cet égard. |
1.2. |
En attendant que cette abrogation prenne effet, le CESE constate que pour pouvoir traiter des risques que présentent les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et qu’expose en détail la partie 3 ci-après, et que pour accomplir sa mission première, le groupe d’experts des États membres mis sur pied par la Commission européenne devrait s’attacher à établir:
|
1.3. |
Ces mesures doivent s’appuyer sur un suivi rigoureux et l’application de sanctions par la Commission dès lors que l’acquis de l’Union l’y autorise. |
1.4. |
Le CESE recommande que les États membres soient instamment invités à appliquer une procédure de vérification préalable sans restrictions spécifiques de durée et adaptée au profil de risque élevé des demandeurs, à savoir des normes renforcées de vérification préalable telles qu’exposées en détail par la cinquième directive anti-blanchiment (2). Cette procédure devrait concerner tout bienfaiteur lorsque les demandeurs disposent de la possibilité de s’appuyer sur des tiers pour réaliser leur investissement. |
1.5. |
Le CESE recommande à la Commission de mettre sur pied un mécanisme de coordination qui permet aux États membres d’échanger des informations sur les demandes acceptées et rejetées d’octroi de la citoyenneté et de titres de séjour. Celui-ci pourrait prendre la forme de registres centraux interconnectés qui concentrent des informations sur la procédure de vérification préalable ayant donné lieu au rejet d’une demande et sur les raisons qui ont motivé une telle décision afin de décourager la tentation de «faire son marché» entre les États membres. La publication des motifs de refus devrait tenir compte de toute préoccupation que pourraient avoir les autorités chargées de la sécurité pour des raisons de sécurité publique ou de coopération internationale entre ces autorités. |
1.6. |
Le CESE recommande que l’ensemble des agents et des intermédiaires fournissant des services aux demandeurs soient soumis aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux, comme le prévoit la cinquième directive anti-blanchiment. |
1.7. |
Le CESE recommande par ailleurs que l’Union européenne devrait inciter tous les agents qui fournissent des services aux demandeurs à se faire accréditer et à se soumettre à un code de conduite établissant des critères et des exigences minimaux et harmonisés à l’échelon de l’Union, afin de pouvoir sanctionner des agents dans l’incapacité de préparer une documentation rigoureuse et fiable en vue de son acceptation et qu’en cas de récidive, ceux-ci puissent perdre leur licence ou leur accréditation. |
1.8. |
Tout en reconnaissant que les pouvoirs publics puissent avoir besoin de recourir à des agences spécialisées pour procéder aux contrôles nécessaires, le CESE insiste sur la nécessité que les autorités soient néanmoins responsables au premier chef de l’acceptation ou du rejet des demandes. Ces autorités doivent également maintenir une série de mesures afin d’éviter les conflits d’intérêts ou les risques de corruption. En particulier, il convient de choisir les agences spécialisées selon des principes solides de passation des contrats, qui privilégient des services de haute qualité par rapport au coût de leur prestation, de leur interdire de commercialiser les programmes ou de fournir des services supplémentaires aux demandeurs, et de rendre leur rémunération indépendante de l’issue des demandes. |
1.9. |
Il est également essentiel que tout rapport de vigilance renforcée qui met en évidence des risques doive faire l’objet d’une discussion avec l’agence publique compétente afin de faire en sorte que tous les États membres concernés disposent d’une vue exhaustive du type et du degré de risque en cause et saisissent pleinement la mesure dans laquelle les sources et les techniques de recherche utilisées par l’agence spécialisée respectent les principes des bonnes pratiques. Les notes et documents adéquats relatifs aux décisions devraient être conservés aussi longtemps que le prévoient les dispositions concernant la prescription des délits de contrefaçon de documents et de corruption. |
1.10. |
Les États membres devraient faire en sorte que les programmes soient assortis dans leur fonctionnement de mécanismes robustes de gouvernance et de supervision et qu’ils soient soumis au contrôle du public. Les citoyens devraient être informés des objectifs, des risques et des avantages liés aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement. Le CESE souligne l’importance d’un accès public aux informations relatives aux demandeurs dans le cadre des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et il demande à la Commission d’encourager les États membres à collecter et à publier de manière systématique les informations sur ces programmes dans un format de données ouvert de manière harmonisée et comparable. |
1.11. |
Le CESE estime qu’il importe que les États membres effectuent régulièrement des évaluations d’impact et qu’ils procèdent aux ajustements qui s’imposent, qu’ils exercent une supervision indépendante des programmes et qu’ils veillent à ce que ceux-ci fassent régulièrement l’objet d’audits et à en publier les résultats conformément à la législation applicable. |
1.12. |
Les États membres devraient en outre prévoir des mécanismes solides de lancement d’alerte à l’intention de leur personnel et de leurs citoyens afin de signaler les problèmes ou les infractions, et ils devraient mettre en place des mécanismes de déchéance de la citoyenneté et des droits de résidence si de nouvelles preuves de corruption ou de criminalité venaient à être découvertes. Toute décision relative à la déchéance de citoyenneté devrait intervenir conformément au droit national et européen. |
2. Contexte et contenu essentiel du rapport de la Commission
2.1. |
La nationalité est un lien entre un citoyen et un État. La citoyenneté d’un pays est traditionnellement fondée sur l’acquisition de droits à la naissance, soit par filiation (jus sanguinis — droit du sang), soit par la naissance sur le territoire (jus soli — droit du sol). Les États peuvent également accorder la citoyenneté aux personnes qui remplissent certaines conditions ou qui peuvent démontrer un lien réel avec le pays (naturalisation). Il s’agit notamment de l’exigence d’acquérir et de maintenir une résidence permanente dans l’État membre concerné, ce qui manifeste l’intention du demandeur de transférer certains de ses intérêts dans l’État membre en question. |
2.2. |
Au cours des toutes dernières décennies, un grand nombre d’États membres de l’Union européenne ont mis en place des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement qui visent à attirer les investissements en échange de l’octroi de la citoyenneté ou de droits de résidence dans le pays concerné. |
2.3. |
Dans sa résolution du 16 janvier 2014 (3), le Parlement européen a affirmé craindre que les programmes nationaux impliquant la «vente pure et simple, directe ou indirecte» de la citoyenneté européenne ne sapent la notion même de citoyenneté de l’Union. Lors d’un débat tenu le 30 mai 2018, il s’est penché sur une série de risques liés à ces programmes (4). Cette question a été examinée plus en détail au sein de sa commission spéciale sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale (TAX3). Le rapport final de la commission TAX3 (5) établit un certain nombre de mesures d’atténuation clés visant à réduire les risques que présentent les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, appelant notamment les États membres à entamer leur suppression progressive dès que possible. Jusqu’à l’abrogation définitive de ces programmes, le rapport demande à la Commission de procéder à un contrôle rigoureux de la bonne application des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, ainsi que d’assurer une meilleure collecte des données et de coordonner les échanges d’informations entre les États membres. |
2.4. |
Le 23 janvier 2019, la Commission a publié un rapport (6) examinant les pratiques et cadres juridiques nationaux concernés et exposant les principaux risques, défis et préoccupations liés à ces programmes. |
2.5. |
Le rapport de la Commission européenne explique que les programmes présentent des risques touchant à la sécurité, au blanchiment d’argent, à l’évasion fiscale et au contournement des règles de l’Union européenne. Ce rapport affirme que ces risques sont encore aggravés par le manque de transparence dans la manière dont certains de ces programmes sont mis en œuvre et par l’absence de coopération entre les États membres. La Commission s’est engagée à poursuivre le suivi de ces programmes pour en vérifier la conformité à la législation de l’Union européenne et à prendre des mesures, le cas échéant. En vue d’améliorer ce processus et de définir des mesures spécifiques pour relever les défis que posent ces programmes, la Commission a mis en place un groupe d’experts qui s’est déjà réuni à deux reprises cette année afin d’examiner les risques qui découlent des programmes de citoyenneté par investissement et d’établir des mesures d’atténuation. |
2.6. |
La plupart de ces programmes ont été mis en place dans le sillage de la crise financière de 2007. Un certain nombre de pays européens durement frappés par cette crise ont pu y voir une possibilité pour rétablir leur économie. Dans le contexte de la concurrence que se livrent les pays pour attirer les investissements directs étrangers, cette situation a pu favoriser une diversification des normes et des exigences. |
3. Observations générales
3.1. Risques et menaces pour l’Union européenne
3.1.1. |
Le CESE accueille favorablement le rapport de la Commission qui fournit une analyse solide et une présentation claire des différents types de risques que présentent ces programmes pour tous les citoyens de l’Union européenne et pour l’Union européenne dans son ensemble. Il montre en particulier que si les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement ne sont pas appliqués correctement, ils peuvent comporter intrinsèquement des risques touchant à la corruption, au blanchiment d’argent, à la sécurité et à l’évasion fiscale, ce qui expose à la fois les États membres qui gèrent de tels programmes et l’ensemble de l’Union européenne à ces menaces. |
3.1.2. |
Le CESE estime que l’on peut s’interroger sur la conformité de certains de ces programmes aux principes et aux objectifs de l’Union, notamment au principe de coopération loyale. |
3.2. Absence de distinction entre programmes de citoyenneté par investissement et programmes de résidence par investissement
3.2.1. |
Le CESE convient qu’il ne faut pas faire de distinction dans la manière dont sont abordés les risques que présente le programme de citoyenneté par investissement et ceux que comporte le programme de résidence par investissement. |
3.2.2. |
Bien que les effets diffèrent sensiblement selon qu’il s’agit de l’octroi d’un passeport ou de l’octroi d’un visa, en ce qui concerne les droits qu’ils accordent, ces deux types de programmes comportent le même niveau de risque en matière de sécurité et devraient donc s’accompagner de mesures d’atténuation obéissant à une norme d’un niveau tout aussi élevé. Cela est particulièrement important pour éviter le report des candidats les plus risqués du programme de citoyenneté vers celui de résidence. |
3.2.3. |
Alors que les programmes de résidence par investissement peuvent paraître moins risqués en raison de leur caractère temporaire, ils fonctionnent également comme une passerelle vers un statut permanent. Dans certains pays, il suffit que quelques années seulement s’écoulent pour que les personnes qui ont obtenu des visas de séjour pour investisseurs puissent demander la résidence permanente ou la citoyenneté. |
3.3. Risques liés au blanchiment d’argent et à la corruption
3.3.1. |
Le rapport de la Commission souligne à quel point la prise de risque, conjuguée à des contrôles de sécurité et des vérifications préalables inappropriés auprès des demandeurs, est susceptible d’ouvrir la porte de l’Union à des individus corrompus. |
3.3.2. |
Le rapport de la Commission s’appuie sur un certain nombre de lacunes éventuelles et de zones d’ombre concernant les contrôles de sécurité et les vérifications préalables. Il fait notamment part d’inquiétudes quant au traitement des demandes de citoyenneté par les autorités nationales et à la manière dont celui-ci interagit avec les règles de l’Union. |
3.3.3. |
Le CESE note qu’en général, en dépit du profil de risque élevé des candidats, les contrôles préalables renforcés requis ne sont pas systématiquement effectués. En outre, les personnes à charge ou les financeurs tiers qui fournissent des fonds pour appuyer la démarche du demandeur ne sont pas soumis de manière systématique à des vérifications préalables et des contrôles stricts. |
3.3.4. |
Le CESE croit savoir que l’un des principaux «arguments de vente» de ces programmes est d’offrir un accès rapide à la citoyenneté ou à la résidence, et ce parfois en l’espace de quelques mois. Il n’est pas rare qu’on en fasse explicitement la publicité. Toutefois, selon le profil et l’origine des demandeurs, il va souvent être difficile d’effectuer des vérifications préalables et des contrôles de sécurité satisfaisants et d’élaborer des rapports de renseignements fiables dans le délai imparti. |
3.3.5. |
L’absence de normes minimales indique que tous les États membres ne sont pas sélectifs de la même manière, ce qui suscite des doutes quant au sérieux des vérifications et des contrôles effectués auprès des demandeurs. |
3.3.6. |
Certains des États membres qui gèrent des programmes de résidence par investissement ne semblent pas avoir mis en place une procédure de traitement proactif des problèmes de sécurité qui pourraient ne se poser qu’après l’octroi de la résidence. |
3.3.7. |
Le CESE souligne en outre qu’il existe un risque assez élevé de contournement des règles de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, étant donné que les intermédiaires et les organismes par lesquels les fonds versés par les demandeurs sont acheminés ne sont pas considérés comme des entités assujetties au titre des quatrième et cinquième directives anti-blanchiment. Par ailleurs, tous les États membres n’exigent pas que les investissements soient réalisés par l’intermédiaire d’une banque nationale soumise aux obligations de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, et dans les cas où les paiements sont versés en espèces directement aux organisations gouvernementales, ces versements ne sont pas non plus couverts par la législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. |
3.4. Lacunes en matière de gouvernance et de transparence
3.4.1. |
Le CESE s’inquiète du fait que le manque de sévérité de l’obligation de rendre des comptes et le peu de transparence des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement peuvent favoriser la corruption. Le manque de transparence et d’intégrité expose également l’État lui-même et les agents publics aux risques de corruption. Les faiblesses structurelles des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement pourraient être, entre autres: une marge d’appréciation élevée dans la prise de décision, l’absence d’une supervision indépendante adéquate et un risque de conflit d’intérêts parmi les agents privés et les intermédiaires qui sont parties prenantes aussi bien dans la phase de demande que dans celle de la vérification préalable. |
3.4.2. |
Le CESE est particulièrement préoccupé par le fait que de telles faiblesses structurelles et qu’un tel degré d’opacité dans un secteur qui génère un flux de trésorerie élevé et qui traite avec des clients disposant d’un avoir net élevé puissent exposer les gouvernements à des abus d’influence et de pouvoir, ainsi qu’à la corruption. En résumé, ces programmes ne risquent pas seulement de faire entrer des individus corrompus dans les États membres mais aussi d’en corrompre les autorités elles-mêmes. |
3.4.3. |
Le CESE note que, dans certaines juridictions, les pouvoirs publics effectuent eux-mêmes les vérifications préalables, tandis que dans d’autres, ils ont éventuellement recours à des agences spécialisées pour procéder aux contrôles qui seront ensuite pris en compte dans la décision finale. Il relève en outre qu’en tout état de cause, les gouvernements doivent conserver la responsabilité première de l’acceptation ou du rejet des demandes, en se basant sur les résultats des procédures de vigilance pour prendre leur décision. Dans les cas où cette étape clé de la procédure de candidature est confiée à des agences spécialisées, le CESE entend avertir des risques de conflit d’intérêts et de corruption, et estime qu’il ne devrait pas être permis que de telles agences puissent être engagées sous contrat par l’État pour effectuer des vérifications préalables auprès des demandeurs, tout en fournissant des services et des conseils aux demandeurs. |
3.4.4. |
Le Comité souhaite qu’il existe davantage de données chiffrées officielles disponibles sur l’ampleur du phénomène (qu’il s’agisse du volume des investissements, du nombre de demandeurs, des bénéficiaires, des nationalités concernées, du montant et des retombées de l’investissement, etc.) et déplore qu’en dépit de l’intérêt public croissant, le secret continue d’entourer l’information la plus élémentaire sur les demandeurs des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et leurs investissements. |
3.5. Dimension européenne
3.5.1. |
Le rapport de la Commission souligne la dimension européenne du problème. Non seulement l’Union européenne est utilisée comme un point de vente essentiel pour attirer les investisseurs, mais une décision prise par un État membre d’accorder un passeport ou un visa pourrait également avoir une incidence négative sur d’autres États membres et sur l’Union européenne dans son ensemble, étant donné qu’une telle décision accorde l’accès à l’ensemble de l’espace Schengen et du marché intérieur. |
3.5.2. |
Le CESE convient que la réputation de la citoyenneté de l’Union ainsi que l’ensemble des droits et des valeurs communs sont ainsi menacés et il fait siennes la position du Parlement et les déclarations d’une ancienne commissaire (7), selon lesquelles «la citoyenneté de l’Union n’est pas à vendre». |
3.5.3. |
Par conséquent, l’octroi de la citoyenneté et de la résidence, compte tenu de ses bénéfices, de ses implications éthiques et des risques qu’elle présente, touche tous les citoyens de l’Union. Le CESE note qu’en dépit de cela, les citoyens de l’Union restent dans le flou quant à la manière dont ces programmes fonctionnent et dont leurs gouvernements nationaux atténuent ou non les risques inévitablement liés aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, et quant à la destination finale des investissements réalisés dans le cadre de ces programmes. |
3.5.4. |
Le CESE reconnaît que l’absence de normes et de pratiques harmonisées au niveau de l’Union européenne est susceptible d’encourager un nivellement par le bas en ce qui concerne les normes en matière de vigilance et de transparence, et «le shopping de passeports» par des individus à risque entre les juridictions. Le rapport de la Commission souligne que ce risque est encore accru par l’actuelle absence de consultation et d’échange d’informations entre les États membres sur les demandeurs de la citoyenneté dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement. En pratique, cela signifie qu’une demande rejetée dans un État membre pour des raisons de sécurité et de blanchiment de capitaux a une chance d’aboutir dans un autre État membre. Le CESE estime donc qu’il serait utile que les États membres prévoient l’exigence de présenter un visa Schengen valable dans le cadre d’une demande d’acquisition de la citoyenneté par un investisseur. |
3.5.5. |
Le CESE estime, bien que la manière dont fonctionnent les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement varie d’un pays à l’autre, qu’une approche au cas par cas ciblée sur des problèmes spécifiques recensés dans les différents pays ne suffira pas et qu’il faut une approche coordonnée au niveau de l’Union européenne pour résoudre le problème. |
3.6. Évasion fiscale et autres types de risques
3.6.1. |
Comme le Parlement européen (8) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (9) l’ont récemment exposé en détail, les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement pourraient éventuellement être utilisés à des fins d’évasion fiscale, car ils permettent aux investisseurs de rester des résidents fiscaux dans leur juridiction d’origine tout en bénéficiant des avantages fiscaux que procurent lesdits programmes. |
3.6.2. |
Les programmes offrant un accès à des régimes fiscaux spéciaux ont été identifiés comme étant particulièrement risqués et susceptibles de favoriser l’évasion fiscale. Ils offrent notamment aux particuliers la possibilité de contourner l’obligation de déclaration selon la norme commune de déclaration (NCD). L’OCDE a inscrit deux États membres de l’Union européenne sur la liste qu’elle a dressée des juridictions proposant des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement susceptibles de présenter un risque élevé pour le respect de la norme commune de déclaration (10). |
3.6.3. |
L’étude du Parlement européen visée ci-avant aux paragraphes 2.3 et 3.6.1 met en lumière d’autres types de risques liés aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, tels que les risques macroéconomiques qu’entraîne la volatilité de ce type de flux d’investissement, les risques socioéconomiques qui découlent de l’inflation des prix sur le marché immobilier ou encore les risques politiques, notamment celui de détériorer la confiance dans les institutions européennes et de porter atteinte à la réputation de la citoyenneté de l’Union et donc éventuellement de compromettre à l’avenir la mobilité et la liberté de circulation des citoyens de l’Union. Elle souligne en outre le risque de discrimination accrue entre les différentes catégories de migrants. Il importe donc que les États membres posent clairement quels sont les risques qu’ils sont disposés à prendre au regard des bénéfices et de l’incidence escomptés, et qu’ils effectuent régulièrement des évaluations de cette dernière afin de s’assurer que les bénéfices en question l’emportent sur ces risques. |
4. Observations particulières
4.1. Rôle du secteur privé
4.1.1. |
Lors de l’évaluation du rôle des entreprises privées dans la gouvernance des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, le CESE est conscient qu’il en existe deux types distincts. Il s’agit en premier lieu des entreprises sous contrat avec l’État pour gérer le programme, traiter les demandes et filtrer les candidats, et en second lieu de celles qui fournissent des services aux investisseurs et les aident à présenter leur candidature pour le programme, qu’elles soient ou non accréditées. |
4.1.2. |
Le CESE, tout en reconnaissant que les entreprises privées engagées par l’État peuvent jouer un rôle utile dans la procédure de vigilance à l’égard des candidats, en procédant aux vérifications de fond nécessaires et en compilant des rapports de veille économique, met en garde contre l’attribution de tâches d’évaluation des risques ou de prise de décision à ces entreprises. Le CESE insiste sur le fait que cette responsabilité devrait incomber aux autorités publiques compétentes. |
4.1.3. |
Le CESE s’inquiète fortement de la publicité faite aux droits et à la citoyenneté de l’Union comme s’il s’agissait de produits à vendre. Il fait également part de sa très vive inquiétude quant à l’existence d’un conflit d’intérêts lorsque les entreprises engagées pour présélectionner les candidats exercent également des activités commerciales connexes ou fournissent des services supplémentaires à des investisseurs potentiels. |
4.1.4. |
En ce qui concerne les agents et entreprises privés fournissant des services aux investisseurs dans le cadre de leur demande au titre des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, le CESE déplore qu’en dépit du profil de risque de leurs clients, ceux qui travaillent dans l’industrie desdits programmes ne sont ni systématiquement soumis à la réglementation légale ni considérés comme des entités assujetties au sens des règles régissant la lutte contre le blanchiment de capitaux. |
4.1.5. |
En outre, le CESE note que l’accréditation et/ou l’octroi de licences aux intermédiaires fournissant des services aux demandeurs ne sont pas requis dans tous les États membres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas obligés de se soumettre à une évaluation de «compétence et d’honorabilité» et de respecter un ensemble de critères d’accréditation minimaux, échappant ainsi notamment aux obligations de confirmer qu’ils sont des professionnels habilités, de divulguer des informations relatives aux bénéficiaires effectifs et de déclarer leurs intérêts. Par conséquent, le CESE se féliciterait de l’introduction d’un code de conduite contraignant, d’une supervision des professionnels habilités par un organisme de l’État membre compétent et de la fourniture d’informations concernant les professionnels habilités par le truchement d’un registre des prestataires de services accessible au public. |
4.2. Dimension extérieure
4.2.1. |
Le CESE s’inquiète des risques que font courir à l’Union européenne les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement mis en place par des pays tiers avec lesquels l’Union européenne a conclu des accords d’exemption de visa, tels que les pays en voie d’adhésion, les pays du partenariat oriental et les pays des Caraïbes et du Pacifique. Il approuve la recommandation de la Commission de lier l’octroi à des pays tiers de l’exemption de visa à l’application des normes les plus strictes possibles de mise en œuvre des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et de réexaminer les régimes existants d’exemption de visa à l’aune de telles normes. |
4.2.2. |
Le CESE recommande que, tandis que l’Union européenne œuvre en son sein à abroger progressivement tous les programmes existants, les pays qui entendent la rejoindre ne devraient pas être autorisés à utiliser des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement au moment de leur adhésion, de manière à ne pas ajouter de nouveaux programmes à ceux qui sont actuellement en vigueur. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2019-0240_FR.pdf
(2) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0843&from=FR
(3) Résolution du Parlement européen du 16 janvier 2014 sur la citoyenneté de l’Union européenne à vendre (JO C 482 du 23.12.2016, p. 117). http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0038+0+DOC+XML+V0//FR
(4) http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/CRE-8-2018-05-30-ITM-019_FR.html
(5) http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2019-0240_FR.pdf
(6) https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/com_2019_12_final_report.pdf
(7) https://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-14-18_en.htm (disponible pour l’heure uniquement en anglais).
(8) http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/627128/EPRS_STU(2018)627128_EN.pdf (disponible pour l’heure uniquement en anglais).
(9) https://www.oecd.org/tax/automatic-exchange/crs-implementation-and-assistance/residence-citizenship-by-investment (disponible pour l’heure uniquement en anglais).
(10) http://www.oecd.org/tax/automatic-exchange/crs-implementation-and-assistance/residence-citizenship-by-investment (disponible pour l’heure uniquement en anglais).
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/87 |
Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne pour les forêts “Une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour les forêts et le secteur forestier”»
[COM(2018) 811 final]
(2020/C 47/13)
Rapporteur: Andreas THURNER
Corapporteur: Antonello PEZZINI
Saisine du Comité |
Commission européenne, 18.2.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision de l’Assemblée plénière |
22.1.2019 (en prévision de la saisine) |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
1.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
162/0/1 |
1. Conclusions et recommandations politiques
Le Comité économique et social européen (CESE)...
1.1. |
souligne la nécessité de mettre à jour la stratégie de l’Union européenne pour les forêts après 2020, dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. La nouvelle stratégie pourrait viser l’horizon 2050, en vue de garantir une mise en œuvre cohérente d’engagements politiques bien établis, tels que le plan stratégique des Nations unies pour les forêts, les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) et l’accord de Paris. L’importance que revêtent les forêts, la sylviculture et les industries forestières pour atteindre ces objectifs devrait être reconnue dans tous les secteurs et déboucher sur une coopération intersectorielle optimisée; |
1.2. |
souligne que le changement climatique constitue un défi majeur pour la planète, et a des conséquences immédiates, essentiellement négatives, pour le secteur forestier lui-même. Pour autant, ce secteur dispose d’un grand potentiel pour apporter des solutions d’atténuation grâce à une bioéconomie durable et circulaire, à la condition préalable que des stratégies d’adaptation efficaces soient mises en œuvre en temps utile. Il convient de développer plus avant toutes les possibilités offertes par la séquestration du CO2, en mobilisant davantage les ressources du bois de manière durable, en recourant de plus en plus au remplacement des matières premières et de l’énergie fossiles ainsi qu’en intensifiant la capture du carbone dans des produits du bois qui résistent au temps. Les forêts composées d’espèces variées ont plus d’effets bénéfiques pour le climat que les monocultures, qui peuvent avoir une incidence négative sur la viabilité à long terme; |
1.3. |
souligne qu’il importe de continuer à développer des systèmes harmonisés d’information sur les forêts afin d’accroître les connaissances et les données sur la disponibilité et l’état des ressources forestières ainsi que sur les possibilités qu’elles offrent de fournir à la société de multiples services, notamment des matières premières, de l’énergie et d’autres produits forestiers renouvelables; |
1.4. |
met en avant l’importance du rôle multifonctionnel des forêts et relève que le changement climatique constitue une menace pour les services écosystémiques. Celui-ci devrait provoquer une hausse de la probabilité des perturbations naturelles comme les feux de forêt, les inondations, les sécheresses et les dommages causés par les ravageurs tels que les scolytes. Une solide combinaison d’instruments financiers est essentielle pour garantir des investissements constants dans les technologies modernes ainsi que dans des mesures en faveur du climat et de l’environnement en vue de renforcer le rôle multifonctionnel des forêts. En ce qui concerne les exploitations forestières privées, il est essentiel de veiller à ce que les droits de propriété soient respectés et que les décisions relatives aux forêts soient prises en partenariat avec leurs propriétaires; |
1.5. |
recommande de dresser un état des lieux de la main-d’œuvre actuelle et de prévoir les besoins en la matière dans le secteur forestier européen, notamment en ce qui concerne la main-d’œuvre qui travaille dans les forêts. Une image précise de l’attractivité du secteur et de ses travailleurs qualifiés est nécessaire pour poursuivre le développement de la chaîne de valeur des forêts et assurer la vitalité de ces écosystèmes. Des conditions de travail et des emplois décents sont une condition préalable pour attirer les travailleurs vers le secteur forestier; |
1.6. |
encourage, en ce qui concerne les politiques liées aux forêts, la forte participation ex ante du comité permanent forestier, du groupe de dialogue civil sur la sylviculture et le liège et du groupe d’experts sur l’industrie forestière et les questions sectorielles connexes, afin de tirer pleinement parti de l’expertise disponible; |
1.7. |
fait valoir qu’il importe de réduire la déforestation et la dégradation des forêts au niveau mondial en renforçant la gestion active et durable des forêts, grâce à un accord paneuropéen, par exemple, en mobilisant la biomasse produite localement en Europe et en soutenant la transition vers des modèles de consommation plus durables. |
2. Observations générales
Le CESE...
2.1. |
se félicite du rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l’Union pour les forêts et note que la plupart des actions prévues dans le cadre du plan de mise en œuvre pluriannuel qui l’accompagne ont été mises en place comme prévu; |
2.2. |
accueille favorablement les conclusions du Conseil concernant les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne pour les forêts et les recommandations relatives à un nouveau cadre stratégique pour les forêts; |
2.3. |
réaffirme l’importance du respect du principe de subsidiarité vis à vis des États membres en matière de politique forestière et souligne le rôle crucial de la stratégie de l’Union pour les forêts en tant qu’instrument permettant d’assurer une coordination et une cohérence politique entre les différentes politiques liées aux forêts afin de renforcer la vision globale d’une gestion forestière durable et la chaîne de valeur du secteur forestier; |
2.4. |
souligne la pertinence de ce secteur s’agissant de la transition d’une économie à forte composante fossile vers une bioéconomie. Réserver un rôle important au secteur forestier dans la bioéconomie circulaire serait pour l’Union européenne une occasion sans précédent de devenir chef de file à l’échelle du monde en matière de technologie dans ce domaine; |
2.5. |
relève que le changement climatique, qui affecte déjà sérieusement les forêts et le secteur forestier (par exemple, en influant sur la quantité et la qualité des réserves de bois et en endommageant des volumes énormes de bois), constitue un défi majeur pour l’humanité et pour notre planète. Par conséquent, les mesures d’atténuation et la gestion des forêts ainsi que leur adaptation à l’évolution des conditions climatiques sont essentielles. Des forêts saines et résilientes ont un rôle décisif à jouer à cet égard. Une gestion active et durable des forêts, qui entretienne notamment leur biodiversité, est cruciale pour préserver leur résilience et leur vitalité à long terme. La poursuite du développement de la mobilisation de la ressource bois (grâce à la numérisation et aux nouvelles techniques, par exemple) et l’utilisation du bois et des produits à base de bois sont des éléments fondamentaux pour atteindre les objectifs en matière de climat. Il convient de développer plus avant toutes les possibilités offertes par la séquestration du CO2, en recourant de plus en plus au remplacement des matières premières et de l’énergie fossiles ainsi qu’au stockage du carbone dans les produits du bois qui résistent au temps; |
2.6. |
souligne l’importance de la recherche et de l’innovation dans l’élaboration de solutions pour disposer de chaînes de valeur issues de la biomasse ligneuse qui soient plus durables. Cela stimulera les progrès sur la voie de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour ce qui est des technologies de transformation ainsi que de la mise au point de solutions innovantes à base de biomasse ligneuse pour les marchés. La poursuite du développement et l’adoption de solutions numériques et technologiques faciliteront la mise en place de technologies forestières de précision et offriront des possibilités d’améliorations pour soutenir la gestion durable des forêts; |
2.7. |
prend acte de l’importance du rôle multifonctionnel des forêts et du fait qu’elles fournissent de multiples services écosystémiques, et admet que le changement climatique constitue une menace majeure pour les forêts qui remplissent ce rôle. Par conséquent, des ressources adéquates sont nécessaires pour garantir la perennité des divers services écosystémiques, parmi lesquels la fonction de protection que remplissent les forêts, ainsi qu’un approvisionnement durable en bois pour la société, tout en préservant la biodiversité et en veillant à l’adaptation au changement climatique. Une combinaison solide d’instruments financiers (BEI, EFSI, PAC, FSE, fonds nationaux et fonds privés, par exemple) garantira la poursuite des investissements dans les technologies modernes ainsi que dans les mesures en faveur du climat et de l’environnement qui renforcent le rôle multifonctionnel des forêts. Il convient d’envisager dans le contexte du futur cadre financier pluriannuel la création d’un fonds spécifique pour les mesures destinées à atténuer les pertes importantes que le secteur forestier enregistre en raison du changement climatique; |
2.8. |
souligne le rôle important des forêts gérées activement et de l’industrie forestière dans la création d’emplois verts supplémentaires et la croissance dans les zones rurales et urbaines, notamment dans l’écotourisme, les loisirs et les services de santé; |
2.9. |
fait valoir que les nouvelles techniques modernes utilisées dans le secteur forestier nécessitent une main-d’œuvre qualifiée et des conditions de travail décentes. À l’heure actuelle, le manque de jeunes travailleurs qualifiés semble être un problème qui se pose à l’échelle de toute l’Europe. Des mesures appropriées doivent donc être prises pour relever ce défi et attirer les jeunes vers le secteur forestier. Dresser un état des lieux de la main-d’œuvre constituerait une mesure utile à cet égard; |
2.10. |
met en avant la nécessité de promouvoir une planification anticipée, la coopération et l’investissement, s’agissant de prévention et de lutte contre les perturbations naturelles telles que les feux de forêt, les inondations, les sécheresses et les dommages causés par les ravageurs (par exemple, les scolytes) et les maladies; |
2.11. |
souligne l’importance de la fonction de protection que les forêts remplissent contre l’érosion, les avalanches, les éboulements et les inondations, en particulier dans les zones de montagne; |
2.12. |
constate que les forêts, y compris celles qui sont exploitées, sont naturellement des écosystèmes riches en biodiversité. Toutefois, les monocultures industrielles, en particulier celles d’espèces non indigènes, sont souvent pauvres en biodiversité, présentent un risque accru de catastrophe et, dans certains cas, ne contribuent pas à la séquestration nette de carbone. La sylviculture durable doit inclure une couverture forestière mixte gérée selon un modèle de couvert forestier permanent. Les forêts composées d’espèces variées ont plus d’effets bénéfiques pour le climat que les monocultures, qui peuvent avoir une incidence négative sur la viabilité à long terme; |
2.13. |
encourage une meilleure intégration ex ante de l’expertise du comité permanent forestier, du groupe de dialogue civil sur la sylviculture et le liège, et du groupe d’experts de l’Union européenne sur les industries forestières et les questions sectorielles connexes dans les politiques de l’Union relatives aux forêts. Cela renforcera la base de connaissances sur la chaîne de valeur de la filière bois pour étayer la prise de décision, sensibiliser le public et mener des campagnes de communication, ainsi que pour adopter et mettre en œuvre des décisions politiques; |
2.14. |
souligne que les gouvernements locaux et les collectivités régionales jouent un rôle important pour renforcer l’utilisation durable des forêts ainsi que la vitalité du secteur forestier, et qu’ils ont la possibilité de prendre cet aspect en considération dans le cadre des procédures de passation de marchés publics; |
2.15. |
estime que des mesures appropriées de communication et d’information sur la gestion durable des forêts sont importantes pour gagner le soutien de la société. À cet égard, les forêts urbaines et périurbaines offrent un potentiel considérable, compte tenu des liens étroits qui existent entre la société (activités récréatives locales) et le secteur forestier. |
2.16. |
souligne qu’il importe de favoriser le processus visant à élaborer un accord juridiquement contraignant sur les forêts afin de renforcer le cadre politique relatif aux forêts dans la région paneuropéenne. |
3. Observations particulières
3.1. Les forêts jouent un rôle décisif dans la lutte contre le changement climatique
3.1.1. |
La transition vers une économie neutre en carbone représente un immense défi et nécessite une réduction considérable des émissions d’origine fossile, ainsi qu’une augmentation de la séquestration du CO2. La substitution de produits et de combustibles à base de matières premières fossiles offre de vastes possibilités pour ce qui est de parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050. |
3.1.2. |
Pour être efficace, l’absorption de CO2 nécessite une croissance continue et de plus en plus importante de la biomasse, ainsi que des méthodes et un calendrier de récolte rationnels. Le stockage à long terme du carbone biogène nécessite une utilisation renforcée (accrue, meilleure et plus durable) des produits à base de bois. La gestion active et durable des forêts et l’utilisation efficace des ressources du bois sont des éléments essentiels à la réalisation des objectifs en matière de climat [comme cela a déjà été souligné dans deux précédents avis portant respectivement sur les incidences de la politique en matière de climat et d’énergie (1) et sur la répartition de l’effort et le secteur UTCATF (2)]. Dans le cadre des efforts visant à améliorer l’utilisation des produits à base de bois, l’on pourrait tirer parti de la reconnaissance d’un éventail plus large de «produits ligneux récoltés» au sens du règlement UTCATF (3) et, en tout état de cause, du fait que ces produits parviennent à des valeurs de demi-vie supérieures grâce à l’utilisation de technologies de préservation du bois respectueuses de l’environnement. |
3.1.3. |
Un mètre cube de bois capte environ une tonne métrique de CO2 (4). Il est prouvé que la biomasse en croissance a la capacité d’absorber le CO2. Dès lors, la gestion active des forêts au moyen des pratiques de gestion forestière durable (5) et la régénération continue des forêts apparaissent cruciales pour parvenir à une croissance maximale durable à même de favoriser la disponibilité de la biomasse. |
3.2. Une rémunération adéquate est nécessaire pour les forêts multifonctionnelles et leurs services écosystémiques
3.2.1. |
Outre le bois et les produits non ligneux (liège, champignons et baies, par exemple), les forêts fournissent toute une variété de services écosystémiques dont dépendent les communautés rurales, périurbaines et urbaines (eau, air, espaces récréatifs, services pour la santé, par exemple). Les modifications des conditions dues au changement climatique augmentent la pression sur les forêts et le risque de catastrophes naturelles. En conséquence, il faut des mesures appropriées de protection du climat et des efforts d’atténuation et d’adaptation pour renforcer la résilience et le rôle multifonctionnel des forêts. |
3.2.2. |
Compte tenu de la situation difficile du marché, aggravée par des calamités dues au changement climatique (scolytes, déracinements dus aux vents violents, incendies de forêt, inondations et sécheresse, par exemple), il est de la plus haute importance d’assurer la continuité des services écosystémiques que rendent les forêts afin de préserver ce rôle multifonctionnel qu’elles jouent. Il est donc essentiel de pouvoir s’appuyer sur un cadre de marché adéquat pour l’approvisionnement en bois et en biomasse ligneuse destinés aux industries de la filière bois. |
3.2.3. |
Il pourrait également être utile d’envisager la marchandisation des compensations de carbone par l’intermédiaire des marchés volontaires du carbone (6). Le projet pilote CARBOMARK (7) du programme Life, par exemple, traite du développement de marchés locaux d’échanges de quotas d’émissions de carbone sur une base volontaire, dans le but d’atténuer le changement climatique. L’objectif de ce projet est de promouvoir un marché local pour le commerce de crédits carbone sur une base volontaire, car c’est un moyen de renforcer les politiques de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique pour:
Il importe toutefois de veiller à ce que le mécanisme de compensation ne soit en aucune manière disproportionné et n’entrave pas la mobilisation durable de la ressource bois ni la gestion durable de celle-ci. |
3.3. Une bioéconomie durable et circulaire offre des perspectives économiques au secteur forestier ainsi qu’un fort potentiel d’atténuation du changement climatique [comme il est déjà indiqué dans un précédent avis (8) ]
3.3.1. |
Une bioéconomie durable contribue à atténuer le changement climatique au moyen de plusieurs mécanismes: la séquestration dans la biomasse du CO2 présent dans l’atmosphère par l’intermédiaire de la photosynthèse, le stockage du carbone dans les bioproduits et le remplacement des matières premières, des matériaux, des produits et des combustibles d’origine fossile par des matières premières biosourcées et des bioproduits. |
3.3.2. |
Les produits à base de bois peuvent stocker du carbone pendant une longue durée, de sorte que celui-ci est maintenu en dehors de l’atmosphère. Les produits du bois qui résistent au temps, tels que le bois utilisé pour les constructions en bois et le mobilier de haute qualité font partie des moyens les plus efficaces pour emmagasiner le carbone. La réutilisation et le recyclage des bioproduits dont le cycle de vie utile est plus court garantiront que le carbone reste stocké. Tous ces produits, y compris les biocarburants avancés, les textiles et les produits chimiques verts, offrent un potentiel considérable de remplacement des matières premières et produits d’origine fossile, qui sont la principale cause du changement climatique. En outre, à la fin de leur durée de vie utile, les bioproduits peuvent être utilisés comme bioénergie et remplacer ainsi les sources d’énergie fossiles. Cela vaut également bien sûr pour les flux latéraux tout au long de la chaîne de valeur. |
3.3.3. |
Faciliter la mise en place de chaînes de valeur bioéconomiques reposant sur le bois, qui fonctionnent bien grâce à une coopération intersectorielle, peut s’avérer essentiel pour développer de nouveaux écosystèmes économiques et des perspectives pour le secteur. À cet égard, il importe de donner la priorité à la recherche, à l’innovation et à la diffusion des innovations, ainsi qu’à l’éducation, à la formation et au développement des compétences, afin de soutenir ces chaînes de valeur à base de bois et la bioéconomie circulaire en général. |
3.4. Renforcer la gestion durable des forêts et mettre fin à la déforestation à l’échelle mondiale doivent rester des objectifs clairs de la stratégie de l’Union européenne pour les forêts
3.4.1. |
La gestion durable des forêts est une compétence nationale des États membres de l’Union européenne, et sa définition communément admise est intégrée dans les législations nationales et infranationales mises en œuvre dans l’ensemble de l’Union européenne. Les pratiques sylvicoles durables sont fondées sur des systèmes de gouvernance forestière au niveau national. Les instruments volontaires fondés sur le marché, tels que la certification, peuvent constituer un moyen d’apporter la preuve de la durabilité. |
3.4.2. |
Diminuer la déforestation et la dégradation des forêts à l’échelle mondiale en renforçant la gestion active et durable des forêts au moyen d’un accord paneuropéen, de l’inclusion dans les accords commerciaux de chapitres suffisamment solides sur le développement durable, mobiliser la biomasse produite localement en Europe et soutenir la transition vers des modes de consommation plus durables sont autant d’éléments essentiels à la réalisation des ODD. En outre, des efforts communs sont nécessaires pour soutenir les activités de boisement au niveau mondial. |
3.4.3. |
À cet égard, le CESE accueille favorablement la communication de la Commission intitulée «Renforcer l’action de l’Union européenne en matière de protection et de restauration des forêts de la planète» (9). |
4. Le contexte
4.1. |
Le 7 décembre 2018, la Commission européenne a publié le rapport (10) d’examen à mi-parcours sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie forestière de l’Union européenne (ci-après le «rapport»). Ce rapport fournit un aperçu des progrès accomplis dans la mise en œuvre de chacun des huit domaines prioritaires définis dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne pour les forêts (11):
|
4.2. |
Le plan pluriannuel de mise en œuvre (12) de la stratégie pour les forêts énumère les priorités de la Commission européenne jusqu’en 2017. Le rapport est également destiné à contribuer à déterminer les priorités pour la période restante (2018-2020). |
4.3. |
Le rapport conclut que la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne pour les forêts est en bonne voie. Certains de ses éléments importants sont en cours de réalisation ou seront mis en œuvre d’ici à 2020. Toutefois, le rapport ne porte pas sur la période postérieure à 2020. |
4.4. |
Le 15 avril 2019, le Conseil a adopté ses conclusions (13) sur les progrès de la mise en œuvre de la stratégie de l’Union pour les forêts et a invité la Commission «à commencer à réfléchir aux différentes possibilités envisagées concernant une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour la période après 2020». En toute logique, un tel cadre stratégique devrait concerner les forêts et le secteur forestier dans leur ensemble. |
4.5. |
Le Comité européen des régions a adopté un avis (14) sur la mise en œuvre de la stratégie forestière de l’Union européenne au cours de sa session plénière du mois d’avril 2019. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur le thème «Incidences de la politique en matière de climat et d’énergie sur les secteurs agricole et forestier» (JO C 291 du 4.9.2015,p. 1).
(2) Avis du CESE intitulé: «Répartition de l’effort à l’horizon 2030 et secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF)» (JO C 75 du 10.3.2017, p. 103).
(3) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 et la décision (UE) no 529/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 1).
(4) Source: BFW-Praxisinformation no 28 (2012, p. 4).
(5) Résolution H1 General Guidelines for the Sustainable Management of Forests in Europe.
(6) Voluntary Carbon Market Insights: 2018 Outlook and First-Quarter Trends.
(7) CARBOMARK — Improvement of policies toward local voluntary carbon markets for climate change mitigation.
(8) Avis du CESE sur «La bioéconomie – contribution à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie, ainsi que des objectifs de développement durable des Nations unies» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 45).
(9) COM(2019) 352 final.
(10) EU forest strategy on track to achieve its 2020 aims
(11) COM(2013) 659 final
(12) SWD(2015) 164 final
(13) Conclusions du Conseil concernant les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour les forêts et un nouveau cadre stratégique pour les forêts.
(14) Avis du Comoté des régions — Mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour les forêts (JO C 275 du 14.8.2019, p. 5).
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/92 |
Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relatif à la mise en œuvre du plan d’action en faveur d’une économie circulaire»
[COM(2019) 190 final]
(2020/C 47/14)
Rapporteur: Peter SCHMIDT
Consultation |
Commission, le 11.4.2019 |
Base juridique |
Article 29, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision du bureau |
19.3.2019 |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
1.10.2019 |
Adoption en session plénière |
31.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
164/2/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite du rapport de la Commission relatif à la mise en œuvre du plan d’action en faveur d’une économie circulaire, et notamment du fait qu’il reconnaisse le rôle essentiel de l’engagement des parties prenantes dans la transition vers une économie circulaire. Le Comité soutient également les projets définis dans les orientations politiques présentées par la présidente de la Commission, Mme von der Leyen (1), consistant à lancer un pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) et à proposer un nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire axé sur des secteurs spécifiques, comme les textiles et la construction. |
1.2. |
La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (PAEEC) a été créée pour réunir la communauté de l’économie circulaire en Europe. Initiative conjointe du Comité et de la Commission européenne, elle a été lancée en 2017 à la suite des recommandations formulées dans l’avis du CESE sur le paquet relatif à l’économie circulaire (2). Ce partenariat entre institutions a constitué un élément clé de la réussite de la plateforme, et il importe qu’il se poursuive et se développe dans le cadre de tout nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire, afin de placer les acteurs de la société civile au cœur de la transition. |
1.3. |
Le CESE a la ferme conviction que la plateforme joue un rôle essentiel pour garantir l’engagement des parties prenantes — rôle qui devrait perdurer et être renforcé à l’avenir. Il convient en particulier de poursuivre le développement de la plateforme afin de garantir une approche globale de l’économie circulaire, qui tienne compte des interactions avec d’autres domaines politiques (par exemple l’énergie, le changement climatique, la politique sociale, l’engagement citoyen, le bien-être, l’intégration et/ou l’insertion sociale, les droits et responsabilités des citoyens et des consommateurs, etc.) et entre les différents niveaux de gouvernance (européen, national, régional et local), et de recenser les obstacles à la transition vers une économie circulaire, en particulier dans des secteurs clés comme le textile, l’alimentation, la construction, l’électronique et les (micro)plastiques. Il est nécessaire de recueillir des données sur les avantages liés à la création d’emplois, à l’accès aux services, aux réductions de coûts et aux modèles de consommation collaborative. |
1.4. |
Pour refléter l’importance croissante et le caractère pluridimensionnel de l’économie circulaire, les membres du groupe de coordination qui soutiennent la plateforme devraient, au cours du prochain mandat, inclure d’autres acteurs clés (issus par exemple des secteurs financier et de la jeunesse), aider à élaborer des scénarios d’avenir destinés à renforcer les interconnexions entre les secteurs, se réunir plus régulièrement et devenir des ambassadeurs de la plateforme, y compris dans des enceintes extérieures à la communauté de l’économie circulaire. Le groupe de coordination pourrait également entreprendre à l’avenir de soutenir l’expérimentation de solutions de l’économie circulaire sur le terrain, grâce à des interventions pilotes et à des «laboratoires vivants» destinés à éclairer l’élaboration des politiques. Le groupe de coordination a été, est et restera un acteur majeur de la réussite de la plateforme, et devrait donc être consulté en ce qui concerne l’orientation politique de tout nouveau plan d’action sur l’économie circulaire. |
1.5. |
Le CESE souligne que la transition vers une économie circulaire doit maintenant être menée aux niveaux national, régional et local si l’on veut qu’elle soit inclusive. Il importe que ces activités soient adaptées aux problématiques locales et qu’elles s’appuient sur les atouts locaux. |
1.6. |
Une approche décentralisée peut être particulièrement utile pour explorer la manière dont l’économie circulaire contribue à la qualité de vie des citoyens. Le CESE recommande la création d’un panel sur la connaissance du citoyen (Citizen Insights Panel), qui contribuerait à évaluer le comportement des citoyens, leurs motivations et les obstacles qu’ils rencontrent dans leur recherche de solutions circulaires. Ce panel s’appuierait, en vue de le développer, sur l’actuel groupe d’action sur la connaissance du consommateur (Consumer Insight Action Panel), une initiative de certains membres du groupe de coordination de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire devant permettre de mieux comprendre l’engagement des consommateurs et des citoyens et d’accélérer l’évolution vers les comportements circulaires qui font réellement la différence. |
1.7. |
L’aspect financier joue déjà un rôle important pour favoriser la transition. Si l’on veut pousser plus loin la décentralisation de l’économie circulaire et la recherche de solutions au niveau local, il faut doter les institutions financières locales des moyens nécessaires pour soutenir davantage l’économie circulaire, par exemple en élargissant le programme en faveur des villes circulaires de la Banque européenne d’investissement aux «villages circulaires». Une autre proposition en vue d’orienter l’économie vers les principes de l’économie circulaire est d’utiliser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comme instrument économique pour contribuer à allonger la durée de vie des produits en favorisant la réutilisation et la réparation. |
1.8. |
Reconnaissant le rôle important joué par les détaillants pour rendre les produits plus circulaires, le Comité estime qu’un groupe de travail sur le commerce de détail circulaire pourrait contribuer à intégrer encore davantage les principes de l’économie circulaire tout au long de la chaîne de valeur, notamment en permettant un comportement circulaire. Le CESE suggère que la Commission pourrait encourager ce groupe de travail par l’intermédiaire du Forum européen du commerce de détail, qui existe déjà. Les organisations de la société civile et les organisations d’experts qui étudient les modes de vie et les comportements durables devraient être associées à ce processus afin de garantir la représentation des citoyens et une approche intégrée de la production et de la consommation circulaires. |
1.9. |
Les marchés publics peuvent être un moteur essentiel de l’accélération de la transition. Dans le but d’encourager un recours accru aux produits, travaux et services circulaires, et d’exploiter son potentiel de stimulation de la circularité, il est important d’institutionnaliser les marchés publics circulaires, de renforcer les capacités et les connaissances des parties prenantes concernées, de garantir la clarté juridique et de soutenir la mise en œuvre de marchés publics circulaires. Un programme de formation aux marchés publics circulaires serait très utile à cet égard. L’organisation, dans toute l’Europe, d’une série d’ateliers sur la consultation du marché centrés sur la circularité serait également efficace. Le CESE recommande, en vue de minimiser ou, dans le meilleur des cas, d’éviter les incidences négatives sur l’environnement et la production de déchets tout au long du cycle de vie, que les critères environnementaux minimaux applicables aux marchés publics, déjà prévus par les directives de l’Union européenne, deviennent obligatoires dans tous les États membres. |
1.10. |
La compréhension et l’engagement des consommateurs sont également essentiels à la réussite de la transition vers une économie circulaire. La création d’un label de l’économie circulaire pourrait accélérer la transition et aider les consommateurs à faire des choix durables, mais elle devrait s’accompagner d’une campagne de communication à l’échelle européenne. Le renforcement des capacités est également un pilier essentiel pour aider les parties prenantes à comprendre la transition de l’Union européenne vers l’économie circulaire, et à y participer activement. |
2. Plan d’action en faveur de l’économie circulaire
2.1. |
La stratégie Europe 2020 met l’accent sur une croissance intelligente, durable et inclusive, qui est un moyen d’améliorer la compétitivité et la productivité de l’économie européenne, et de soutenir une économie de marché sociale et durable. L’économie circulaire est l’une des meilleures façons de réaliser cette stratégie et d’assurer le bien-être de la population et de la planète. En 2015, la Commission européenne a publié un plan d’action en faveur de l’économie circulaire, afin de soutenir et de stimuler la transition, en Europe, d’un modèle économique linéaire vers un modèle circulaire. |
2.2. |
Ce plan d’action (3) a défini un ambitieux programme de 54 mesures à travers plusieurs chaînes de valeur et couvrant par exemple la production, la consommation, la gestion des déchets et les matières premières secondaires. Tout au long du plan d’action, la Commission européenne fait référence à la participation des parties prenantes et à la coopération avec celles-ci, de manière à permettre la transition vers un modèle économique circulaire. |
2.3. |
En 2016, le Comité économique et social européen a adopté un avis sur le paquet «Économie circulaire» (4), qui suggérait la création d’une plateforme permettant aux parties prenantes de l’économie circulaire de mettre en commun leurs bonnes pratiques, leurs connaissances et leurs expériences. Le Comité et la Commission ont créé ensemble la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (5), un espace virtuel qui rassemble les parties prenantes en ligne, et les réunit physiquement dans le cadre d’une conférence annuelle. Cette plateforme est soutenue par un groupe de coordination de 24 personnes représentant des organisations de la société civile de toute l’Europe, jouant le rôle d’ambassadeurs de ladite plateforme. |
2.4. |
En 2019, la Commission a adopté un rapport (6) relatif à la mise en œuvre du plan d’action en faveur d’une économie circulaire, présentant les principales réalisations et les difficultés qu’il reste à résoudre. Ce rapport porte sur des sujets tels que la construction d’une économie circulaire et l’accélération de la transition. Dans le cadre de cette dernière, la Commission indique en particulier qu’un engagement fort des parties prenantes est indispensable. Le CESE remarque que les documents accompagnant le rapport [SWD(2019) 90/91/92] ne sont disponibles qu’en anglais, ce qui nuit tant à la compréhension qu’à la participation à l’échelon des États membres. |
2.5. |
Le CESE se félicite de ce rapport actualisé, et notamment du fait qu’il reconnaît le rôle essentiel que jouera l’engagement des parties prenantes dans la transition vers une économie circulaire. |
2.6. |
Le CESE observe que l’économie circulaire devrait également figurer dans les plans nationaux en matière d’énergie et de climat, et que sa dimension sociale devrait également être davantage mise en exergue dans ce contexte. |
2.7. |
Le CESE souligne la nécessité de procéder à une analyse complète de tous les flux de matières, tant vers l’Union européenne qu’au départ de notre continent, dans le cadre d’une analyse plus large de l’incidence de l’économie circulaire sur le commerce. |
3. Mobiliser les parties prenantes au service d’un futur plan d’action en faveur de l’économie circulaire
3.1. |
La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire représente déjà un forum européen efficace et visible qui facilite la tenue de dialogues intersectoriels et multipartites ainsi que le partage de bonnes pratiques, de stratégies et de connaissances concernant un large éventail de sujets liés à l’économie circulaire. |
3.2. |
Il est temps à présent de transposer aux niveaux régional, national et local ce type d’engagement pluripartite qui fonctionne bien, afin d’en multiplier les effets positifs dans l’ensemble des États membres et d’accroître la participation des citoyens. Il est important que ces activités soient décentralisées, qu’elles tiennent compte des réalités du terrain et qu’elles s’appuient sur les atouts locaux. La diversité des cultures et des contextes dans toute l’Europe fait que les domaines d’intérêt et secteurs importants diffèrent en fonction des pays. C’est ce qui ressort de l’étude commandée par le CESE sur le thème «Stratégies et feuilles de route pour l’économie circulaire en Europe: recenser les synergies et étudier le potentiel de coopération et de constitution d’alliances» (7). |
3.3. |
Les comportements des citoyens, leurs motivations et les obstacles qui les empêchent de recourir à des solutions circulaires étant tout aussi dépendants du contexte, il importe d’autant plus de faciliter de multiples expériences décentralisées afin de mieux comprendre et d’accélérer les comportements circulaires qui sont réellement déterminants. Cette mobilisation devrait être pertinente au niveau local, reposer sur l’action et prévoir des activités spécifiques de mise en œuvre dans les différents pays, ce qui permettrait de répondre aux besoins et d’accroître le bien-être des populations locales. Cette approche, et d’autres stratégies s’intéressant aux comportements des citoyens, sont actuellement étudiées au sein du groupe d’action sur la connaissance du consommateur, et il est recommandé de les développer davantage. |
3.4. |
Une approche décentralisée peut être particulièrement utile si l’on veut explorer la manière dont l’économie circulaire contribue à assurer de bonnes conditions de vie aux citoyens, en intégrant des indicateurs sociaux lorsque l’on mesure le succès des activités liées à l’économie circulaire au niveau local. Des aspects tels que le niveau d’interaction et d’intégration sociales rendues possibles par le partage d’initiatives, ou la satisfaction liée à l’apprentissage de nouvelles compétences permettant de réparer des produits, produire sa propre nourriture ou fabriquer ses vêtements, en sont de bons exemples. |
3.5. |
Une telle approche pourrait prendre la forme d’événements organisés au niveau national, régional ou local (8), qui aborderaient les problèmes importants pour l’échelon local et renforceraient l’engagement des parties prenantes à ce niveau. Les principaux acteurs seraient les petites et moyennes entreprises, les gouvernements, les organisations de la société civile, et en particulier les consommateurs locaux, qui se réuniraient pour:
|
3.6. |
Les manifestations et plateformes de ce type joueront un rôle notamment dans les pays et les régions où il existe très peu d’activités de type circulaire. Ces événements devraient susciter de nouvelles actions circulaires ainsi qu’une mobilisation pour garantir une meilleure compréhension de l’économie circulaire et une mise en œuvre plus large de celle-ci dans l’ensemble de l’Union européenne. Les futurs plans d’action en faveur de l’économie circulaire devraient soutenir les acteurs locaux et les solutions locales en vue de parvenir à mettre en œuvre la stratégie européenne et d’améliorer le bien-être dans tous les pays d’Europe. |
3.7. |
Pour susciter des solutions locales en matière d’économie circulaire et favoriser une plus large adoption de ces pratiques, il est important de mettre en évidence et de développer des projets de l’économie circulaire pouvant être reproduits dans différents contextes (par exemple, 100 quartiers circulaires, 100 communautés circulaires, 100 villages circulaires, 10 campus circulaires et 10 îles circulaires). |
3.8. |
L’aspect financier joue déjà un rôle important pour favoriser la transition. Pour continuer à décentraliser l’économie circulaire et à trouver des solutions au niveau local, les institutions financières locales devraient être dotées des moyens nécessaires pour mieux appuyer l’économie circulaire, c’est-à-dire, dans un premier temps, mieux comprendre les principes circulaires, puis mieux soutenir la transition à l’aide de produits, de services et d’opérations. Par exemple, la Banque européenne d’investissement pourrait utiliser les instruments existants destinés aux grandes villes, tels que le programme en faveur des villes circulaires (Circular City programme), et étendre celui-ci également aux «villages circulaires». Les banques locales devraient jouer un rôle plus actif dans ce processus. Les interactions entre le financement des actions de lutte contre le changement climatique et celui de l’économie circulaire doivent également être davantage explorées. |
3.9. |
Les crises environnementales sont liées de manière systémique aux crises des inégalités, des migrations et de la démocratie. Ces crises sont nées, notamment, tant des inégalités considérables inhérentes au capitalisme financier que de l’érosion continue de la démocratie et sont le résultat de la société de marché que nous sommes devenus. Aucune de ces crises ne peut être traitée isolément de manière appropriée, et une économie circulaire bien conçue peut contribuer à atténuer la vulnérabilité du système économique, environnemental et social. |
3.10. |
Une transition systémique devrait également s’attaquer aux problèmes sociaux et environnementaux qui l’accompagnent, indissociables des crises provoquées par les inégalités ou par l’érosion démocratique. Il est important d’encourager le dialogue avec les organisations de la société civile (OSC) afin de réagir aux risques potentiels et aux questions plus profondes que pose une économie circulaire, et de renforcer les compétences des OSC concernées de manière à garantir une transition plus juste et plus équitable. |
3.11. |
Une transition vers l’économie circulaire requiert de la part des parties prenantes qu’elles développent de nouvelles compétences et/ou qualifications en vue de parvenir à une mentalité et à des pratiques circulaires, allant de la connaissance approfondie de la composition des matériaux à une meilleure compréhension des modèles économiques et du comportement social, en particulier dans des secteurs essentiels de l’économie tels que le textile, la construction, l’alimentation, l’électronique et les (micro)plastiques. Il importe de développer et d’améliorer les compétences en matière d’économie circulaire des principales parties prenantes que sont que les entrepreneurs, les fabricants, les détaillants, les acheteurs publics et les citoyens. |
3.12. |
Pour contribuer à stimuler la transition, il convient d’aider les entrepreneurs, les fabricants, les syndicats et les consommateurs à mettre en place une économie circulaire intelligente s’appuyant sur la technologie informatique. Il existe un certain nombre de moyens pour y parvenir, par exemple le développement de centres de compétences en économie circulaire intelligente, qui pourraient être intégrés aux plateformes locales pour favoriser les échanges et la mise en relation, ou la création d’un groupe de travail réunissant les principales parties prenantes du secteur des TIC. |
3.13. |
L’utilisation de la TVA devrait être étudiée comme moyen d’assurer aux produits une plus longue durée de vie en favorisant la réutilisation et la réparation. Un certain nombre d’États membres de l’Union européenne ont déjà consenti des efforts pour réduire la TVA, tant sur les biens d’occasion que sur les services de réparation (10). |
3.14. |
Il est également possible d’utiliser les cadres existants auxquels les entreprises sont déjà habituées, par exemple les outils d’audit environnemental tels que le système de management environnemental et d’audit (EMAS), les outils internationaux tels que ceux mis au point par l’ISO (par exemple ISO 14001 ou le futur ISO/TC 323 sur l’économie circulaire) ou les critères environnementaux minimaux (définis dans les directives de l’Union européenne mais dont l’application dans les États membres n’est pas obligatoire). |
3.15. |
Les détaillants jouent déjà un rôle important pour rendre les produits plus circulaires, par exemple en réduisant les emballages. Ils pourraient également avoir une forte influence sur le mode de vie des consommateurs — ce sont eux qui décident de la gamme des produits offerts à ces derniers, qui influencent leurs achats et même l’utilisation qu’ils en font, ainsi que la manière dont ils les éliminent. Un groupe de travail sur le commerce de détail circulaire, similaire au Forum européen du commerce de détail, pourrait contribuer à intégrer encore davantage les principes de l’économie circulaire tout au long de la chaîne de valeur, notamment en permettant un comportement circulaire, et devrait par ailleurs s’ouvrir aux organisations de consommateurs, aux organisations de citoyens qui s’intéressent aux changements de comportement, ainsi qu’aux syndicats. |
3.16. |
Les marchés publics sont un moteur essentiel de l’accélération de la transition, et le plan d’action en faveur de l’économie circulaire a lancé des actions visant à faciliter l’intégration des principes de l’économie circulaire en leur sein. Des travaux d’avant-garde ont été menés, et ont permis de tirer un certain nombre d’enseignements. Des discussions se font jour au sujet des modalités pratiques de passation de marchés circulaires, et du rôle tangible que les marchés circulaires pourraient jouer pour promouvoir le développement de l’économie circulaire, par exemple en tant que force de traction (c’est-à-dire élargir le marché des solutions circulaires existantes grâce au pouvoir d’achat) ou même comme moteur potentiel (c’est-à-dire créer de nouvelles solutions visant à répondre aux besoins des acheteurs publics). Dans le but d’encourager un recours accru aux marchés publics circulaires et d’exploiter son potentiel de stimulation de l’innovation, il est important d’institutionnaliser ces marchés publics, de renforcer les capacités et les connaissances des parties prenantes concernées, de garantir la clarté juridique et de favoriser le dialogue au sujet de ce type de marchés publics. |
3.17. |
Un mode de vie circulaire ou une évolution vers un comportement circulaire peuvent constituer un indicateur complémentaire permettant de mesurer la transition systémique de l’économie circulaire et de montrer l’influence exercée par les infrastructures, les entreprises et les politiques de l’économie circulaire sur les citoyens. Il est important que les citoyens européens aient l’occasion de réfléchir aux objets qu’ils utilisent, réparent et éliminent, et à la manière dont ils le font aujourd’hui, plutôt qu’à la manière dont ils les utilisaient, louaient, réparaient et éliminaient autrefois. Des outils tels que des «laboratoires vivants» devraient être créés dans les villes. Ces laboratoires sont des environnements réels, tels que des ménages, des organisations et même des quartiers urbains, au sein desquels des solutions et des interventions circulaires peuvent être élaborées en tant que prototypes, être testées dans la réalité et alimenter les stratégies en faveur de l’économie circulaire. Il y a lieu de s’attaquer plus résolument à l’obsolescence prématurée, comme le CESE l’a recommandé dans son avis intitulé «Pour une consommation plus durable: la durée de vie des produits de l’industrie et l’information du consommateur au service d’une confiance retrouvée». Il convient en particulier d’envisager une extension des garanties actuelles jusqu’à une durée d’au moins cinq ans. Le groupe d’action sur la connaissance du consommateur, en collaboration avec des entreprises, des organisations non gouvernementales et des organisations de consommateurs, étudie des solutions et des modèles visant à promouvoir des modèles de garantie à vie. |
3.18. |
L’économie circulaire est un instrument essentiel si l’on veut réaliser les objectifs de développement durable (ODD) et parvenir à une économie à faible intensité de carbone. Pour accélérer la transition vers une économie circulaire, il est essentiel d’encourager le dialogue et les échanges sur la manière dont les parties prenantes peuvent utiliser l’économie circulaire en tant qu’outil permettant d’atteindre les ODD ou d’autres objectifs pertinents. Afin de veiller à ce que toutes les parties prenantes puissent tirer parti d’une économie circulaire et durable, les salariés devraient bénéficier d’un soutien au moyen des cadres existants, tels que la formation professionnelle, qui permet de doter les travailleurs actuels et futurs des compétences nécessaires pour soutenir la transition. |
3.19. |
Il est important d’explorer et de montrer comment l’innovation en faveur d’une économie circulaire peut stimuler la compétitivité au service d’une économie plus durable et à faible intensité de carbone. Les universités et les centres de recherche devraient être des pôles d’innovation circulaire potentiels pour développer, expérimenter et diffuser les innovations, dans la mesure où ils disposent de solides capacités de recherche pour relever les défis de la circularité. L’apprentissage et la formation fondés sur la résolution de problèmes sont utiles pour encourager les futurs innovateurs, entrepreneurs et chercheurs qui construisent leur carrière au sein des universités. Les universités qui présentent une forte densité de population et une demande élevée en ressources peuvent servir de laboratoires vivants et tester des solutions avant leur lancement. Des projets pilotes sont nécessaires pour développer et mettre en évidence des approches et des solutions liées à des campus circulaires modulables, et un réseau de campus circulaires peut contribuer à promouvoir davantage les échanges de connaissances. |
3.20. |
La transition vers une économie circulaire en Europe aura sans aucun doute des conséquences sur les parties prenantes au niveau international, par exemple à travers les accords commerciaux. En innovant pour passer à une économie circulaire, l’Europe peut établir des normes mondiales en faveur d’une économie plus juste, au service de tous ses citoyens — une économie à la fois diversifiée et adaptable tant aux zones rurales qu’aux zones urbaines. Cela nécessitera une approche locale, régionale et nationale devant permettre d’associer les parties prenantes de la société civile à la création, au développement, à la mise en œuvre et au suivi de stratégies en faveur de l’économie circulaire (11) qui fonctionnent dans ces régions (par exemple pour lutter contre la pauvreté, créer des emplois de qualité et améliorer la qualité de la vie, tout en respectant les limites écologiques). L’approche slovène et sa feuille de route sur l’économie circulaire constitue une bonne pratique à cet égard. Le CESE encourage les responsables politiques concernés à élaborer des stratégies circulaires et des feuilles de route pour adopter cette approche. |
4. Le rôle de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire
4.1. |
La PAEEC est une plateforme créée pour réunir la communauté de l’économie circulaire en Europe. Initiative conjointe du Comité et de la Commission européenne, elle a été lancée en 2017 à la suite des recommandations formulées dans l’avis du CESE sur le thème «Boucler la boucle — Un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire» (12). Cette plateforme a pour objectif de faciliter la consultation de la société civile, la coopération entre les réseaux nationaux, régionaux et sectoriels et l’échange d’expertise, d’informations et de bonnes pratiques. Le CESE en assure le secrétariat et sert d’intermédiaire entre la société civile et les responsables politiques. |
4.2. |
La plateforme bénéficie du soutien d’un groupe de coordination qui se compose de 24 experts originaires de toute l’Europe et sélectionnés parmi des représentants des organisations de la société civile, des entreprises et des organisations syndicales, des groupes de réflexion, des centres de recherche et des organismes publics qui sont concernés par l’économie circulaire. Ces parties prenantes très diverses représentent la plateforme européenne grâce à leurs actions et leurs fonctions aux niveaux local, régional et national. Ces actions sont soutenues avec succès par le CESE et la Commission européenne par l’intermédiaire de la plateforme virtuelle (13). |
4.3. |
Le groupe de coordination oriente les activités de la plateforme, notamment le thème principal de la deuxième journée de la conférence annuelle sur l’économie circulaire européenne (trois éditions à ce jour), et ses membres agissent en qualité d’ambassadeurs. Le groupe se réunit de manière formelle une fois par an et dispose d’un mandat jusqu’en 2020. Il a été créé à la suite d’un appel à manifestation d’intérêt et son mandat a été défini par le CESE et la Commission européenne. À l’avenir, les membres du groupe de coordination devraient se réunir plus régulièrement et/ou au sujet de questions spécifiques, et être des ambassadeurs y compris en dehors de la communauté de l’économie circulaire. |
4.4. |
Ce partenariat entre institutions a constitué un élément clé de la réussite de la plateforme, et il est important que ce partenariat se poursuive et se développe dans le cadre de tout nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire afin de garantir que les acteurs de la société civile soient au cœur de la transition. |
4.5. |
Le groupe de coordination de la plateforme offre un réservoir de connaissances et d’expérience potentielles au niveau des États membres, qui devrait être considéré comme un atout par les institutions européennes telles que la Commission ou la Banque européenne d’investissement. Ces connaissances et cette expérience devraient être entretenues grâce à la participation et à une consultation plus actives du groupe de coordination. La participation du groupe de coordination a été, est et restera un facteur majeur de la réussite de la plateforme et devrait faire partie intégrante de tout nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Tout nouveau mandat confié à la plateforme devrait en tenir compte et chercher à développer davantage le rôle que ces acteurs de la société civile jouent déjà, par exemple dans le domaine des consommateurs, des finances, de la bioéconomie, de l’éducation et de l’innovation. Le groupe de coordination devrait par conséquent être consulté sur l’orientation politique de tout nouveau plan d’action. Dans ce contexte, le CESE poursuivra son rôle essentiel d’intégration des parties prenantes au sein du processus d’élaboration des politiques. |
4.6. |
L’expertise du CESE en matière de recherche d’un consensus et d’intégration des différents acteurs est essentielle. Le rôle important que joue le Comité en assurant le secrétariat et en gérant le site web de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire est reconnu et apprécié. Cette structure est indissociable du succès global de la plateforme. |
4.7. |
Le site internet de la PAEEC rassemble un nombre sans cesse croissant de connaissances et de bonnes pratiques, ce qui contribue à faire de cette plateforme un «guichet unique virtuel» pour les questions d’économie circulaire. Cet outil en ligne très précieux doit bénéficier, aujourd’hui comme demain, d’un soutien institutionnel approprié ainsi que de l’espace et des ressources nécessaires à son développement, afin de pouvoir continuer à diffuser des solutions innovantes, des connaissances stratégiques et des contacts importants en vue de libérer le potentiel des parties prenantes lorsqu’il s’agit de mener à bien la transition vers une économie circulaire à travers l’Europe. |
Bruxelles, le 31 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) «Une Union plus ambitieuse — Mon programme pour l’Europe».
(2) JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.
(3) COM(2015) 614 final.
(4) JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.
(5) La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.
(6) COM(2019) 190 final.
(7) Étude intitulée «Stratégies et feuilles de route pour l’économie circulaire en Europe: recenser les synergies et étudier le potentiel de coopération et de constitution d’alliances» et l’avis du CESE qui l’accompagne «Développer les synergies entre les différentes feuilles de route de l’économie circulaire » (non encore paru au JO).
(8) Par exemple, le Circular Economy Virtuous Circle Tour (tournée consacrée au cercle vertueux de l’économie circulaire) de la Commission européenne.
(9) Voir l’UNI.
(10) Reduced taxation to support re-use and repair (Une fiscalité réduite destinée à encourager la réutilisation et la réparation) (en anglais uniquement).
(11) Avis du CESE sur le thème «Développer les synergies entre les différentes feuilles de route de l’économie circulaire » (non encore paru au JO).
(12) JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.
(13) La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/98 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Ensemble pour atteindre les objectifs de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat — Jeter les bases pour réussir la transition vers une énergie propre”»
[COM(2019) 285 final]
(2020/C 47/15)
Rapporteur: Tommaso DI FAZIO
Consultation |
Commission, 22.7.2019 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
16.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’initiative de la Commission européenne visant à évaluer les projets de plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) présentés par les États membres. Cette initiative s’inscrit dans le droit fil du nouveau modèle de gouvernance approuvé par le Conseil et le Parlement européen en décembre 2018, qui a pour objet de garantir, avec le concours des États membres, des collectivités régionales et locales, de la société civile organisée et des citoyens, la convergence et la cohérence des efforts déployés au niveau européen pour assurer la transition vers une énergie propre et la protection du climat au moyen d’un dialogue interactif et multiniveaux qui associe pleinement la société civile et les acteurs publics et privés aux échelons local et régional. |
1.2. |
Le CESE se réjouit de constater que ces plans nationaux concrets font de l’Union européenne la première grande économie mondiale à avoir adopté un cadre juridiquement contraignant pour respecter les engagements pris en 2015 avec l’accord de Paris signé lors de la COP21 et le Programme 2030 des Nations unies, qui invitent les États membres à élaborer des propositions de plans nationaux «intégrés» en matière d’énergie et de climat. |
1.3. |
Le CESE se félicite que l’Union européenne devienne ainsi une référence, tant en matière de législation que de gouvernance, pour le monde entier, s’agissant de la lutte contre la détérioration persistante du climat, qui touche toute la planète sans exception. Seule une action globale des États membres, complexe et canalisée, permettra de réaliser l’objectif climatique à l’horizon 2030, prélude à l’objectif plus ambitieux et indispensable fixé pour 2050 — la décarbonation totale. |
1.4. |
Le CESE soutient résolument le lancement d’une plateforme commune, solide et harmonisée pour décloisonner les politiques, les secteurs, les administrations publiques, les points de vue des parties prenantes et du grand public, dépasser les approches nationales et tracer des voies communes afin de réaliser les objectifs fixés à l’horizon 2030 en assurant un développement durable et compétitif, la neutralité climatique, une décarbonation progressive et une approche systémique et intégrée. Le CESE considère que le meilleur moyen d’assurer le succès des PNEC est de veiller à ce qu’ils fassent l’unanimité au sein de la population grâce à un processus de participation ascendant. |
1.5. |
De l’avis du CESE, il est indispensable et prioritaire de développer une culture générale de la durabilité qui accompagne le processus de transition énergétique et de neutralité climatique et qui concerne tous les niveaux du système d’éducation et de formation, et ce dès l’enfance, afin d’assurer une participation précoce et responsable de toutes les composantes de la société. Le CESE juge fondamental de recommander que les PNEC prévoient des mesures dans ce sens. |
1.6. |
Le CESE estime que les PNEC doivent plaider pour une transition anthropocentrique vers un système énergétique mondial plus inclusif, durable, économique, équitable et sûr, qui apporte aux enjeux planétaires liés à l’énergie et au climat des solutions fondées sur le consensus social mais aussi sur la création de valeur pour les entreprises et la société, sans compromettre l’équilibre du triangle énergétique: sécurité et accès; durabilité environnementale et sociale; développement économique et croissance compétitive. |
1.7. |
De l’avis du CESE, l’achèvement effectif du marché européen de l’énergie, qui n’est pas encore totalement interconnecté, interopérable et transparent, et qui affiche des écarts importants des prix du gaz et de l’électricité, est une autre recommandation prioritaire qui doit être assortie d’engagements visant à mettre pleinement en œuvre et à contrôler ponctuellement l’application correcte de la législation. |
1.8. |
Le CESE estime que la contribution du secteur de l’énergie et des transports à la décarbonation devrait être axée sur des mesures d’incitation destinées aux consommateurs et la promotion du déploiement de technologies clés afin d’atteindre l’objectif de «zéro émission» en 2050. Le CESE recommande l’adoption de stratégies spécifiques pour les industries et les régions à forte intensité énergétique, y compris le recours aux mécanismes d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) et à ceux relevant du marché du carbone dans le cadre de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF); ces stratégies devraient figurer explicitement dans les PNEC, de même que les réformes mises en place pour décarboner le marché de gros et mieux en intégrer les secteurs de l’électricité, du gaz et de la production de chaleur ainsi que pour rendre le marché européen du commerce de détail plus transparent. Le CESE recommande d’accorder une attention particulière à l’application équitable du SEQE aux fins de la compétitivité, en introduisant une taxe carbone appropriée aux frontières sur les produits à forte consommation d’énergie importés dans l’Union européenne. |
1.9. |
Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les plans jouent un rôle clé pour garantir la réalisation collective des objectifs communs en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, pour autant qu’ils apportent aux entreprises et aux établissements financiers la clarté, la certitude et la prévisibilité nécessaires pour stimuler les investissements dans toute l’Europe, y compris dans le secteur de la recherche et de l’innovation, afin d’assurer la compétitivité de l’Union européenne dans ce secteur. Les plans nationaux devraient en outre aider les États membres à orienter les financements — soit, selon les prévisions, environ 25 % du total — au titre du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. |
1.10. |
Le CESE souligne qu’il importe de recommander que les PNEC soient plus clairs quant au montant des investissements supplémentaires nécessaires pour mettre en œuvre les mesures prévues, qui requièrent un vaste consensus politique et social ainsi que des plateformes qui encouragent la coopération et une communauté de vues entre de multiples acteurs. En ce qui concerne les investissements prévus dans les PNEC, le CESE considère qu’il faut évaluer les voies et les modalités permettant de les détacher des contraintes du pacte de stabilité, ou à tout le moins de les considérer séparément, compte tenu de leur finalité neutre, de leur nature transversale et de l’importance de l’objectif commun à atteindre. |
1.11. |
Le CESE recommande d’accorder une attention particulière au consensus social et à la résolution des problèmes que posera la mise en œuvre des plans, en particulier lorsque les objectifs en matière d’énergie propre impliquent la restructuration, voire la disparition, de secteurs entiers de production. La relocalisation des travailleurs devrait être prévue dans les PNEC mêmes. |
1.12. |
Le CESE recommande à la Commission de veiller à ce que les États membres fournissent des explications précises à propos des chapitres du PNEC sur la durabilité sociale des processus qu’ils ont l’intention de lancer et sur les politiques de mise en œuvre, qui doivent promouvoir une croissance inclusive, une répartition équitable des avantages et des charges, ainsi que des informations claires et transparentes à l’intention de la société civile. |
1.13. |
Le Comité juge utile de recommander que l’on active le réseau des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires dans les États membres, afin que la société civile organisée participe de manière proactive à l’élaboration et au suivi des PNEC, lesquels devraient consacrer un chapitre spécifique à la contribution apportée par la société civile ainsi qu’aux observations formulées par les acteurs publics et privés des échelons local et régional. |
1.14. |
Le CESE invite la Commission à présenter l’évaluation finale des PNEC au Conseil, au Parlement européen, au Comité des régions et au CESE lui-même, et souhaite qu’elle puisse faire l’objet d’une conférence interinstitutionnelle réunissant des représentants de la société civile et des collectivités locales et régionales, afin d’assurer un suivi efficace quant à la connaissance réelle du processus de transition énergétique et climatique et de la sensibilisation à celui-ci. |
1.15. |
Le CESE estime en outre que les PNEC doivent prévoir des mesures et un financement appropriés pour mener des campagnes continues de sensibilisation et de remise à niveau et éviter que les médias ne baissent la garde et ne relâchent leur vigilance lorsque l’énergie et le climat auront été relégués au second plan de l’actualité en raison d’une surabondance d’informations. |
1.16. |
De l’avis du CESE, le consensus qui règne aujourd’hui sur l’importance de l’objectif climatique et la nécessité de mettre en œuvre des plans nationaux en matière d’énergie et de climat justifie le fait que cette question soit insérée parmi les thèmes prioritaires et permanents du semestre européen. |
2. Introduction
2.1. |
Conformément au cadre législatif sur l’union de l’énergie et l’action pour le climat, entré en vigueur le 24 décembre 2018 (1), les États membres de l’Union se sont engagés à:
|
2.2. |
La communication faisant l’objet du présent avis s’inscrit dans ce cadre et comporte les recommandations de la Commission, basées sur l’évaluation des projets de PNEC présentés par les États membres, qui concernent notamment:
|
2.3. |
S’agissant des énergies renouvelables, les recommandations de la Commission aux États membres sont fondées sur une formule définie à l’annexe II du règlement (UE) 2018/1999, et qui repose elle-même sur des critères objectifs; elles visent, d’une part, à évaluer l’ambition globale au niveau de l’Union et, d’autre part, à faire en sorte que chaque État membre concerné dispose d’un délai suffisant pour obtenir un consensus social adéquat et élaborer les PNEC définitifs qui seront, selon un processus formel itératif, à nouveau soumis à l’examen et à l’évaluation de la Commission. |
3. La communication de la Commission
3.1. |
La communication à l’examen, élaborée par la Commission:
L’objectif est d’aider les États membres à parachever leurs PNEC pour la fin 2019, en vue d’une mise en œuvre des recommandations par un dialogue itératif continu. La Commission précise en particulier que d’autres améliorations seront nécessaires, qui devront être décidées par et avec les États membres, notamment en ce qui concerne les ambitions individuelles, la coopération transfrontalière, le lien entre la politique climatique et la qualité de l’air, ainsi qu’un renforcement de l’accent mis sur les investissements, la compétitivité et l’équité sociale. |
3.2. |
Selon la Commission, les PNEC définitifs devraient notamment:
|
4. Observations générales
4.1. |
Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission, qui vise à mettre en place pour la première fois un nouveau modèle permettant de garantir, avec les États membres, les collectivités régionales et locales, la société civile organisée et les citoyens, un processus de convergence et de cohérence, au niveau européen, de l’action pour la transition vers une énergie propre, le développement durable et compétitif, la décarbonation et une approche systémique et intégrée, neutre du point de vue de la technologie, l’économie circulaire en tant que levier pour des solutions innovantes en matière de changement climatique, ainsi que l’équité sociale fondée sur le pacte européen pour l’énergie (5), qui met les consommateurs au centre du système et prévoit un plan de lutte contre la précarité énergétique. |
4.2. |
Le CESE souligne que les citoyens de l’Union européenne ont toujours été très favorables aux objectifs de l’union de l’énergie et à des politiques plus ambitieuses en matière de climat et d’énergie, et que leur soutien n’a cessé de croître (6), tout comme celui des milieux d’affaires européens (7), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur de l’énergie, aux objectifs de l’union de l’énergie. Par ailleurs, le CESE s’est félicité (8) de l’entrée en vigueur du règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et des actions pour le climat et a invité la société civile organisée à jouer un rôle des plus actifs pour garantir la bonne mise en œuvre dudit règlement. |
4.3. |
Le CESE estime qu’«il y a urgence à agir dans le domaine du changement climatique, dont nous ressentons déjà les effets. La transition vers une économie durable représente aussi une chance. Si nous voulons qu’elle soit couronnée de succès, nous devons préserver la compétitivité de nos entreprises et encourager la recherche et le développement. Nous nous devons d’associer à la démarche l’ensemble des secteurs d’activité et toute la société civile, et d’entretenir un dialogue permanent avec les citoyens, afin que personne ne soit laissé de côté» (9). |
4.4. |
Le CESE souligne l’importance de l’engagement de l’Union — réaffirmé au plus haut niveau par la déclaration de Sibiu (10) — à prendre la tête, de manière responsable, de l’action mondiale face au changement climatique, tout en protégeant à la fois ses citoyens et notre environnement et en conservant le principe d’équité. |
4.5. |
Le CESE souscrit au principe selon lequel «les projets de PNEC offrent une plateforme commune, solide et comparable pour engager le dialogue et la discussion, dans toute l’Union, avec la société civile, les entreprises, les partenaires sociaux et les collectivités locales au sujet des priorités à long terme de l’Union et des défis communs auxquels celle-ci est confrontée dans le domaine de l’énergie et du climat» (11). |
4.6. |
Toutefois, le consensus social devrait être une priorité, en particulier alors que certaines régions de l’Union européenne qui dépendent encore de la production de charbon ou de l’utilisation d’autres combustibles fossiles sont loin d’avoir mené à bien la transition vers le développement durable, et que leurs habitants ont des revenus et des perspectives économiques moindres en comparaison avec d’autres États membres. L’absence de réponse adéquate aux incidences négatives de la transition énergétique sur les citoyens et les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, et l’incapacité à apporter un soutien approprié aux personnes les plus touchées peuvent aboutir à de fortes résistances politiques et sociales et ralentir le processus global de mise en œuvre des PNEC. |
4.7. |
Selon le CESE, il convient dès lors de plaider pour une transition anthropocentrique vers un système énergétique mondial plus inclusif, durable, économique, équitable et sûr, qui apporte des solutions aux enjeux planétaires liés à l’énergie et au climat, en créant de la valeur pour les entreprises et la société, sans compromettre l’équilibre du triangle énergétique: sécurité et accès; durabilité environnementale et sociale; développement économique et croissance compétitive. |
4.8. |
La première des recommandations — non seulement aux États membres mais aussi aux institutions européennes elles-mêmes — devrait être l’achèvement effectif du marché européen de l’énergie, qui n’est pas encore totalement interconnecté, interopérable et transparent, et qui affiche des écarts importants des prix du gaz et de l’électricité, tant en ce qui concerne l’énergie proprement dite que les redevances de réseau et de fourniture et la fiscalité. Par conséquent, le CESE exprime sa déception face à la persistance de différences notables dans les prix de l’énergie dans l’Union européenne, qui témoignent d’une grave défaillance du marché unique et risquent de compromettre, en l’absence de mesures correctives appropriées, la réalisation de l’objectif de l’union de l’énergie à l’horizon 2030. |
4.8.1. |
Le CESE invite dès lors la Commission et les États membres à intégrer dans les PNEC les engagements à mettre pleinement en œuvre la législation adoptée et à en vérifier l’application correcte en temps utile, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, dans le cadre d’une stratégie renouvelée d’achèvement du marché unique d’ici à 2025, qui soit de nature à répondre aux enjeux mondiaux que sont la croissance compétitive durable et le climat, dans un environnement intelligent moderne, numérisé et interconnecté à l’échelle du continent. |
4.8.2. |
Selon le CESE, il y a lieu de recommander de soutenir non seulement les réformes visant à décarboner le marché de gros et à mieux en intégrer les secteurs de l’électricité, du gaz et de la production de chaleur, mais aussi un marché européen du commerce de détail plus transparent, qui permette aux citoyens et aux entreprises de bénéficier efficacement des mesures de durabilité énergétique et climatique prises sur le marché de l’Union européenne en matière de consommation et de réduction des coûts, de manière à ce qu’ils puissent faire des choix en toute connaissance de cause. |
4.9. |
Les recommandations concernant la contribution du secteur de l’énergie à la décarbonation devraient être axées, selon le CESE, sur des mesures d’incitation destinées aux consommateurs et la promotion du déploiement de technologies clés pour une économie neutre pour le climat, afin d’atteindre l’objectif de «zéro émission» en 2050. À cet égard, la Commission européenne devrait recommander explicitement des stratégies spécifiques pour les secteurs à forte intensité énergétique tels que les industries de la chimie, de l’acier, du ciment et du papier, ainsi que pour les régions à forte intensité de carbone, en stimulant et en encourageant leur conversion à des technologies plus efficaces dans l’utilisation de l’énergie. |
4.9.1. |
Il est essentiel que l’Union européenne et les gouvernements nationaux apportent un soutien efficace aux industries à forte intensité énergétique, notamment en améliorant les lignes directrices du SEQE en ce qui concerne les aides d’État. Le CESE estime «que le système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE de l’Union européenne), en sa qualité d’instrument de réduction des émissions générées par la production d’énergie dans l’Union européenne, doit donner un signal quant au prix du carbone, mais aussi encourager les investissements durables dans les nouvelles technologies à faible intensité de carbone» (12), y compris par l’intermédiaire du Fonds européen pour l’innovation financé au moyen du SEQE. |
4.9.2. |
De l’avis du CESE, la décarbonation des transports, qui représentent aujourd’hui 90 % de la demande de pétrole, nécessitera une transition progressive vers des carburants de substitution à empreinte neutre, avec des infrastructures adéquates et une plus grande efficacité énergétique, qui exploite au maximum les technologies numériques et la tarification intelligente et encourage l’intégration multimodale et des modes de transport plus durables. |
4.9.3. |
Le secteur de la construction est responsable de 40 % de la consommation d’énergie et produit environ 15 % des émissions de gaz à effet de serre; la législation de l’Union européenne relative aux économies d’énergie dans les bâtiments et aux incitations en la matière doit être pleinement mise en œuvre. Il conviendra en outre de garantir des investissements dans des réseaux électriques intelligents afin d’intégrer et d’optimiser l’utilisation de différentes sources d’énergie renouvelables et de technologies durables de production, de stockage et de transmission. En particulier, l’utilisation locale de l’énergie renouvelable produite devrait être encouragée, au moyen de mesures de stimulation spécifiques incluses dans un cadre réglementaire approprié. |
4.10. |
Le CESE adhère à l’approche de la Commission, qui encourage la pleine mise en œuvre, dans les PNEC, de la réglementation européenne de mai 2018 (13) relative à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) (14), qui oblige les États membres à compenser les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres par des absorptions équivalentes de CO2 par les forêts au cours de la période 2021-2030. Le secteur peut encore augmenter la capture de carbone. Comme l’a souligné le CESE, «la gestion active et durable des forêts et l’utilisation efficace des ressources du bois sont des éléments essentiels à la réalisation des objectifs en matière de climat» (15). |
4.11. |
Quant à la sécurité, le CESE souscrit aux recommandations relatives à un système énergétique européen résilient, tant en matière d’approvisionnement et de stocks d’urgence que de cybersécurité. La cybersécurité revêt une importance capitale pour pouvoir garantir dans l’Union européenne une transition en toute sécurité vers un système énergétique décarboné, décentralisé, numérisé et intégré. |
4.12. |
Les enjeux et les risques recensés pour le secteur de l’énergie doivent être pleinement pris en compte, non seulement au niveau de l’Union européenne grâce à la promotion du rôle de l’Agence européenne de la cybersécurité (ENISA), mais aussi au moyen de recommandations adressées aux États membres, les invitant à adopter des approches harmonisées en matière de cybersécurité afin de réduire le risque de maillons faibles dans un système européen de réseaux de plus en plus interconnectés. Cela permettra d’assurer une compréhension commune des attaques et de répondre conjointement aux menaces qui pèsent sur la cybersécurité, comme l’a déjà souligné le CESE (16). L’ensemble du système énergétique est fortement informatisé, afin d’en garantir la stabilité et l’équilibre en permanence; une cyberattaque peut mettre en péril, voire définitivement hors service, non seulement des îlots territoriaux mais aussi de vastes zones géographiques, et pourrait même déclencher des problèmes géopolitiques dans le cas fâcheux, mais toujours possible, d’un piratage instrumentalisé. |
4.13. |
Le CESE approuve pleinement les recommandations de la Commission en matière de R&I, et juge essentiel de garantir la compétitivité internationale dans le cadre du processus de transition, d’accélérer la transformation du système énergétique d’une manière rentable financièrement et d’accroître la contribution des écosystèmes industriels et innovants nationaux à la création de chaînes de valeur européennes stratégiques durables, comme dans le domaine des batteries, qui a récemment fait l’objet d’un avis du CESE (17). |
4.14. |
Le nouveau programme-cadre Horizon Europe (2021-2027), les Fonds structurels et la Banque européenne d’investissement, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et le Fonds pour l’innovation financé par la vente des quotas du SEQE de l’Union européenne figurent parmi les instruments dont les États membres devraient garantir la mobilisation adéquate dans leurs PNEC. |
4.15. |
Les investissements — et les couvertures financières correspondantes — qui devraient être mobilisés pour atteindre les objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie [ce qui, selon les estimations, nécessiterait des investissements annuels supplémentaires d’environ 260 milliards d’EUR (18)] restent le facteur le plus problématique, tout comme l’équité et la viabilité sociale, qui doivent être au cœur d’un processus de transition énergétique et climatique centré sur l’être humain. |
4.15.1. |
Le CESE fait observer que ces investissements supplémentaires semblent très restrictifs par rapport à ceux mis en lumière dans un récent avis (19) et que le financement nécessaire requiert un large compromis politique et social, ainsi que des plateformes qui encouragent la coopération et une communauté de vues entre de multiples acteurs, à commencer par les citoyens, les consommateurs, les travailleurs et les entreprises, en ce qui concerne une vision à long terme de la transition énergétique, les objectifs intermédiaires et les priorités les plus immédiates. |
4.15.2. |
L’équité sociale et la viabilité sociale du processus de transition, ainsi que la répartition équitable des coûts et des avantages, sont également des problèmes majeurs: le CESE a déjà indiqué que «l’Europe a besoin d’un pacte social pour une transition énergétique […], approuvé par l’Union européenne, les États membres, les régions, les villes, les partenaires sociaux et la société civile organisée, de manière à s’assurer que la transition ne laisse personne de côté» (20). |
4.15.3. |
Le CESE recommande à la Commission de veiller à ce que les États membres fournissent des explications précises à propos des chapitres du PNEC sur la durabilité sociale des processus qu’ils ont l’intention de lancer et sur les politiques de mise en œuvre qui doivent promouvoir une croissance inclusive, une répartition équitable des avantages et des charges, ainsi que des informations claires et transparentes à l’intention de la société civile, accompagnées de plans de formation visant à doter les acteurs concernés des compétences nécessaires à une participation informée et proactive aux processus partagés. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO L 328 du 21.12.2018, p. 1).
(2) SWD(2019) 211; SWD(2019) 225; SWD(2019) 214; SWD(2019) 275; SWD(2019) 229; SWD(2019) 277; SWD(2019) 230; SWD(2019) 261; SWD(2019) 262; SWD(2019) 263; SWD(2019) 224; SWD(2019) 264; SWD(2019) 223; SWD(2019) 265; SWD(2019) 228; SWD(2019) 266; SWD(2019) 267; SWD(2019) 268; SWD(2019) 227; SWD(2019) 226; SWD(2019) 281; SWD(2019) 272; SWD(2019) 273; SWD(2019) 271; SWD(2019) 274; SWD(2019) 276; SWD(2019) 278; SWD(2019) 279.
(3) SWD(2019) 212.
(4) C(2019) 4401; C(2019)4402; C(2019) 4403; C(2019) 4404; C(2019) 4405; C(2019) 4406; C(2019) 4407; C(2019) 4408; C(2019) 4409; C(2019) 4410; C(2019) 4411; C(2019) 4412; C(2019) 4413; C(2019) 4414; C(2019) 4415; C(2019) 4416; C(2019) 4417; C(2019) 4418; C(2019) 4419; C(2019) 4420; C(2019) 4421; C(2019) 4422; C(2019) 4423; C(2019) 4424; C(2019) 4425; C(2019) 4426; C(2019) 4427; C(2019) 4428.
(5) COM(2015) 80 final et JO C 345 du 13.10.2017, p. 120.
(6) Rapport Eurobaromètre spécial 459 sur le changement climatique, mars 2017.
(7) Union of the Electricity Industry — Eurelectric et initiative The B Team.
(8) JO C 353 du 18.10.2019, p. 96.
(9) Le président Luca Jahier lors du séminaire sur «Des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique au cours de la nouvelle législature européenne 2019-2024», le 6 juin 2019 à Helsinki: https://www.eesc.europa.eu/fr/node/71384. En outre, «les prix de l’énergie, qui augmentent plus rapidement que les budgets des ménages, les inégalités de revenus en Europe et les coûts induits par la transition énergétique (décentralisation et numérisation des marchés de l’électricité et du gaz) déterminent le degré de précarité énergétique dans une société», selon l’avis TEN/694 (pas encore paru au JO).
(10) Déclaration de Sibiu, réunion informelle des chefs d’État ou de gouvernement, Sibiu, Roumanie, 9 mai 2019.
(11) COM(2019) 285 final.
(12) Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone» [COM(2015) 337 final — 2015/0148 (COD)] (JO C 71 du 24.2.2016, p. 57).
(13) Règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 et la décision (UE) no 529/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 1).
(14) JO C 351 du 15.11.2012, p. 85.
(15) Avis du CESE sur les «Incidences de la politique en matière de climat et d’énergie sur les secteurs agricole et forestier» (JO C 291 du 4.9.2015, p. 1) et la «Répartition de l’effort à l’horizon 2030 et secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF)» (JO C 75 du 10.3.2017, p. 103).
(16) JO C 81 du 2.3.2018, p. 102; JO C 75 du 10.3.2017, p. 124; JO C 227 du 28.6.2018, p. 86; JO C 440 du 6.12.2018, p. 8.
(17) JO C 353 du 18.10.2019, p. 102.
(18) Chiffre tiré du scénario EUCO32-32.5 (conformément aux modèles clés de technologie des scénarios de la famille EUCO, voir https://ec.europa.eu/energy/en/data-analysis/energy-modelling/euco-scenarios).
(19) JO C 353 du 18.10.2019, p. 79. Le CESE relève que pour parvenir à une économie à zéro émission nette de gaz à effet de serre, il faudra des investissements supplémentaires de l’ordre de 175 à 290 milliards d’EUR par an, pour un total de 520 à 575 milliards d’EUR dans l’énergie, et de 850 à 900 milliards d’EUR dans les transports.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/105 |
Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 573/2014/UΕ relative à l’amélioration de la coopération entre les services publics de l’emploi (SPE)»
[COM(2019) 620 final]
(2020/C 47/16)
Consultation |
Parlement européen, 19.9.2019 Conseil de l’Union européenne, 19.9.2019 |
Base juridique |
Articles 149 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
219/3/11 |
Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà fait l’objet de son avis SOC/620 sur «Le nouveau rôle des services publics de l’emploi (SPE) dans le contexte de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux» (1), adopté le 17 juillet 2019, le Comité, lors de sa 547e session plénière des 30 et 31 octobre 2019 (séance du 30 octobre 2019), a décidé, par 219 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/106 |
Avis du Comité économique et social européen sur la politique économique de la zone euro (2019) (supplément d’avis)
[COM(2018) 759 final]
(2020/C 47/17)
Rapporteur: Petr ZAHRADNÍK
Décision du bureau du Comité |
14.5.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
17.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
137/0/4 |
Préambule
Le présent avis fait partie d’un ensemble de deux avis de suivi, portant respectivement sur l’examen annuel de la croissance [COM(2018) 770 final] et sur la recommandation concernant la politique économique de la zone euro [COM(2018) 759 final]. L’objectif est de mettre à jour et de développer les propositions précédentes du CESE (1), compte tenu des évolutions récentes et des prévisions économiques pour l’Union européenne et la zone euro, ainsi que des différents rapports et recommandations publiés dans le cadre du semestre européen en cours. Cet ensemble d’avis constitue la contribution globale de la société civile de l’Union européenne à la politique économique, sociale et environnementale pour le prochain cycle du semestre européen, qui sera lancé en novembre 2019. Le CESE invite la Commission européenne et le Conseil à prendre cette contribution en considération dans le cadre du prochain «paquet d’automne» du semestre européen et du processus décisionnel interinstitutionnel qui en découle.
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE prend acte de l’évolution positive de l’économie de l’Union européenne et de la zone euro au cours des dernières années. Dans le même temps, il se dit parfaitement conscient des risques susceptibles d’entraîner un renversement de cette trajectoire. Il observe qu’à l’heure actuelle, l’économie de l’Union européenne et celle de la zone euro sont exposées relativement plus que d’habitude à l’influence de risques extérieurs. Dans ce contexte, on peut considérer le Brexit comme un élément essentiel d’incertitude — en particulier s’il devait se produire de manière spontanée, sans accord —, de même que l’escalade des guerres commerciales. |
1.2. |
Le CESE est convaincu que la priorité actuelle de la politique économique de l’Union européenne et de la zone euro est de réduire et d’atténuer le risque de récession et d’orienter l’économie de l’Union européenne sur la voie d’une croissance durable. À cette fin, il est essentiel que la politique budgétaire accompagne la politique monétaire expansionniste de la Banque centrale européenne, au moyen d’une orientation budgétaire positive dans la zone euro et dans l’Union européenne, tout en respectant les principes de la discipline budgétaire. Le CESE est convaincu qu’il est urgent de renforcer la résilience et de préserver le potentiel de croissance future, et qu’il est temps de s’y atteler. |
1.3. |
Le CESE estime que le rythme de croissance actuel des investissements est plus élevé que celui du PIB de l’Union européenne et de la zone euro, ce qui a permis aux taux d’investissement d’atteindre 20,5 % en 2018, leur valeur la plus élevée depuis 2008 (où elle était de 22,8 %). Néanmoins, il considère que les besoins en investissements sont plus importants et que davantage de ressources sont nécessaires pour combler ce déficit d’investissements, tant publics que privés, compte tenu notamment du fait que ces investissements atteignent des niveaux plus élevés en Chine ou aux États-Unis. |
1.4. |
Le CESE est toutefois pleinement conscient du fait que cette évolution économique ne s’est pas produite de manière uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union et de la zone euro et que les avancées en matière de convergence restent insatisfaisantes. La question de la durabilité est également un défi de plus en plus complexe pour l’Union européenne. |
1.5. |
Le CESE se félicite que l’amélioration significative de la discipline budgétaire ouvre la voie à une plus grande expansion budgétaire, sous réserve que l’ensemble des règles de prudence budgétaire soient respectées. Cette possibilité est ouverte tant au niveau de chacun des États membres qu’à celui de l’Union européenne dans son ensemble. Le CESE prend acte de la proposition d’un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC), lequel constitue un projet pilote visant à renforcer la politique budgétaire au niveau de la zone euro, et de son lien étroit avec le programme d’appui aux réformes. Le CESE escompte que l’IBCC et le programme d’appui aux réformes apporteront un soutien significatif aux réformes et aux investissements, tant au sein de la zone euro que dans les pays qui n’en font pas partie. Toutefois, le CESE estime dans l’ensemble que la proposition de la Commission européenne relative au cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 pourrait être insuffisante pour mettre en œuvre avec succès les programmes prioritaires, et il réitère son appel à augmenter le volume de ressources à cette fin. |
1.6. |
Dans le même temps, le CESE plaide en faveur de la poursuite de réformes structurelles efficaces assorties de stratégies d’investissement bien ciblées, tout en soutenant et en appréciant le respect du «triangle vertueux» dans les priorités économiques et politiques actuelles, lequel repose sur l’équilibre et la conditionnalité mutuelle entre le soutien à l’investissement, la mise en œuvre de réformes structurelles et l’application d’une responsabilité et d’une prudence budgétaires. Compte tenu du volume limité des fonds publics, le CESE insiste sur l’importance cruciale des investissements privés, dont la croissance à long terme dépend directement d’une politique économique crédible et de la réduction des déséquilibres budgétaires. L’union bancaire et l’union des marchés des capitaux peuvent contribuer à accélérer le rythme de croissance des investissements grâce à des flux de capitaux plus efficaces et flexibles. Le CESE se dit préoccupé des retards pris dans la mise en œuvre des éléments restants de ces deux unions. |
1.7. |
Le CESE note avec attention et préoccupation l’ampleur des déséquilibres macroéconomiques qui existent au sein de l’Union européenne et de la zone euro. Il invite la Commission européenne et les États membres à unir leurs efforts pour rapprocher les positions des États membres sur la manière de remédier au problème des déséquilibres extérieurs, compte tenu notamment du niveau plus élevé de risques extérieurs dans l’avenir. |
1.8. |
Le CESE souscrit pleinement au principe selon lequel les investissements et les réformes devraient aller de pair, de même qu’aux principes de responsabilité et de subsidiarité. |
1.9. |
Le CESE est d’avis que les priorités de l’économie européenne devraient à présent être axées plus fortement sur le soutien à la demande intérieure. Dans le même temps, il considère que le solde extérieur des échanges de biens et de services, très positif à l’échelle de l’Union, devrait être mieux réparti entre davantage d’États membres. |
1.10. |
Le CESE soutient fermement la poursuite des activités visant à améliorer la fonctionnalité et l’homogénéité du marché intérieur et unique, en particulier dans les segments qui n’ont pas encore fait l’objet d’une intégration plus importante et ceux où l’on observe des tendances centrifuges. Il note également avec préoccupation le problème de la pénurie de main-d’œuvre et de l’inadéquation entre les compétences offertes et les compétences requises. |
2. Contexte
2.1. Évolution économique actuelle de la zone euro et de l’Union européenne: prévisions du printemps et de l’été de la Commission européenne
2.1.1. |
L’économie de l’Union et de la zone euro poursuit sa croissance pour la septième année consécutive, mais les prévisions font entrevoir des signes de future dégradation des performances économiques. Cela ne signifie pas pour autant que cette croissance ait été uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union et de la zone euro. Selon les prévisions économiques du printemps et de l’été de la Commission européenne, la trajectoire de croissance de l’économie de l’Union et de la zone euro devrait se maintenir cette année et l’année prochaine, mais son rythme devrait ralentir; les prévisions de l’été annoncent une augmentation des risques de décélération. |
2.1.2. |
Ce ralentissement tient fortement à l’environnement extérieur et à la limitation de la capacité de l’Union à maintenir son volume record d’exportations. Les principaux facteurs de risque sont les incidences du Brexit, notamment en cas de mise en œuvre sans accord, et l’escalade des guerres commerciales dans l’économie mondiale, qui se font sentir aujourd’hui plus fortement, par exemple, qu’il y a un an. |
2.1.3. |
Parmi les facteurs endogènes les plus importants figurent notamment les difficultés à atteindre la durabilité sociale et environnementale et les avancées insuffisantes en matière de convergence au sein de l’Union européenne, ainsi qu’une répartition déséquilibrée des revenus et de la richesse. L’on peut également qualifier de considérables les mutations que connaissent des secteurs importants (tels que par exemple l’industrie automobile ou le secteur de l’énergie). Le ralentissement attendu de la croissance du crédit, passant de 3,7 % à 3,0 % en glissement annuel au cours de l’année 2019, est susceptible de causer quelques inquiétudes (2). |
2.1.4. |
L’avis du CESE sur la politique économique de la zone euro 2019 (3) a mis en garde contre les risques d’une nouvelle crise économique et a encouragé les autorités européennes et nationales à adopter une approche coordonnée pour identifier ces risques et renforcer la résilience de l’économie européenne, compte tenu notamment du fait que deux des grandes économies européennes sont susceptibles d’entrer en récession au second semestre de cette année. |
2.1.5. |
Alors que les taux de croissance des investissements, et leur volume, se sont rapprochés de leurs niveaux d’avant la crise ou les ont même déjà atteints, les besoins en investissement dans l’Union européenne et dans la zone euro restent supérieurs à leur niveau réel actuel; à cet égard, on peut parler d’un déficit d’investissement persistant tant dans l’Union européenne que dans la zone euro. Le fort ralentissement de la croissance des investissements qui est attendu au cours de la période à venir est également une source de préoccupation. En 2018, les investissements dans l’Union européenne ont augmenté de 3,7 % par rapport à l’année précédente; selon les estimations, cette année et l’année prochaine, cette croissance ne sera que de 2,3 % pour l’Union européenne et la zone euro. En 2018, le taux d’investissement se situait à 20,5 % du PIB, soit le niveau le plus élevé depuis 2008 (22,8 %) (4). Ici aussi, il serait nécessaire, dans une perspective d’avenir, que l’Europe alloue un volume bien plus important de moyens financiers, notamment dans les activités et les branches importantes sur le plan stratégique qui sont susceptibles de lui procurer un avantage concurrentiel à long terme dans le contexte mondial. |
2.1.6. |
L’emploi a sensiblement augmenté, et ce dans une mesure telle que de nombreux États sont confrontés au problème de la pénurie de main-d’œuvre disponible, entravant ainsi leur potentiel de croissance. Dans le même temps, cette situation incite à accélérer les processus et les procédés d’innovation fondés sur l’automatisation et la virtualisation des activités économiques qui ne nécessitent pas de main-d’œuvre physique, manuelle ou non qualifiée (découplage économique), ainsi qu’à intensifier la préparation de la main-d’œuvre aux nouveaux défis et à chercher des solutions au problème du chômage structurel. En outre, le marché du travail présente des disparités significatives entre les États membres: certains continuent d’afficher des taux de chômage supérieurs à 10 %, et dans de nombreux cas le chômage des jeunes atteint un niveau alarmant. Une autre source potentielle d’inquiétude est la croissance faible, voire négative, des salaires réels dans certains États membres, ou encore le problème de la pauvreté au travail. |
2.2. Politique budgétaire
2.2.1. |
L’amélioration de la discipline budgétaire, dans un contexte où les taux d’intérêt sont très bas, crée des conditions favorables au financement ainsi que des possibilités pour l’adoption de mesures budgétaires de soutien dans certains États membres, ce qui produit des retombées positives sur la demande intérieure. Le CESE ajoute que la politique budgétaire responsable se rapporte aussi au volet recettes du budget, et donc à la lutte efficace contre la fraude fiscale, qui peut apporter des ressources supplémentaires pour le financement des investissements publics. |
2.2.2. |
Il s’ouvre également des possibilités de renforcer le rôle budgétaire de la zone euro; la proposition d’un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC) (5) constitue un pas important dans cette direction. Grâce à l’aide financière qu’il apporte aux réformes et aux investissements dans les différents États membres, cet instrument doit contribuer à accroître la résilience économique de l’Union économique et monétaire (UEM). Le CESE réitère la position qu’il a déjà exprimée dans son avis sur le cadre financier pluriannuel après 2020 (6) relativement à l’insuffisance des ressources budgétaires dans le CFP tel que proposé pour la période 2021-2027, ce qui concerne également les crédits alloués aux réformes structurelles ou à la promotion de la convergence et de la compétitivité dans la zone euro. À l’instar du Parlement européen et du Comité des régions, le CESE a demandé que les ressources du prochain CFP atteignent 1,3 % du RNB. |
2.2.3. |
Son élément essentiel doit être le cadre pour la formulation d’orientations stratégiques concernant les réformes et les investissements qui devraient être soutenus par cet instrument. Sur la base de la proposition de la Commission européenne (7), le Conseil de l’Union européenne fixera (après discussion au sein de l’Eurogroupe) une stratégie sur les priorités en matière de réformes et d’investissements pour la zone euro dans son ensemble. Dans la foulée, le Conseil de l’Union européenne adoptera une recommandation, comportant des orientations prioritaires par pays adressées à chaque État membre de la zone euro, concernant les réformes et les investissements qui doivent être soutenus au titre de l’IBCC sous la forme de subventions. |
2.3. Politique économique et monétaire
2.3.1. |
Des réformes structurelles efficaces, liées à des stratégies d’investissement bien ciblées et accompagnées d’une approche budgétaire responsable, dans le respect des principes du développement durable, constituent la clé de voûte de la politique économique de l’Union européenne, de la zone euro et de chacun des États membres pour la période qui vient, au moins à moyen terme. |
2.3.2. |
Il a été publié, aux fins du sommet de l’Eurogroupe, un document dressant un état des lieux de la situation et des perspectives de la zone euro (8). Le thème de la zone euro a fait également l’objet de discussions dans le contexte des efforts visant à renforcer le statut international de l’euro (9). Les effectifs des membres de la zone euro sont susceptibles, semble-t-il, de s’élargir encore, puisqu’après les efforts menés l’année dernière par la Bulgarie afin de franchir les étapes officielles indispensables pour entrer dans l’environnement de la monnaie unique européenne, la Croatie s’y est également attelée cette année. Dans le même temps, le CESE encourage les autres États membres qui ne font pas partie de la zone euro à élaborer et à mettre en œuvre des projets visant à assurer une transition viable vers la zone euro dans un avenir proche. |
2.3.3. |
Parmi les mesures les plus récentes qui ont contribué à renforcer la zone euro, l’on ne saurait omettre, par exemple, la mise en œuvre de l’assurance commune pour le Fonds de résolution unique, dont les éléments fondamentaux avaient déjà été approuvés en 2012, et qui a renforcé dans le même temps le rôle du mécanisme européen de stabilité (MES). Les mesures visant à établir le système européen d’assurance des dépôts ont été définies, ce qui constitue un accomplissement majeur pour l’achèvement de l’union bancaire. L’on a esquissé les contours de l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro de manière à l’inscrire dans le cadre du futur budget de l’Union. Si certains progrès ont été accomplis dans le renforcement du rôle international de l’euro, il est possible de faire beaucoup plus en unissant les efforts des États membres et des institutions européennes. |
2.4. Politique et réformes structurelles
2.4.1. |
Des recommandations par pays de cette année, il ressort manifestement que l’on s’efforce de faire valoir le «triangle vertueux» que forment le soutien à l’investissement, la mise en œuvre de réformes structurelles et la mise en place des politiques budgétaires responsables, axées autant que faire se peut sur les besoins spécifiques de chacun des États membres. |
2.4.2. |
La question de la résolution des défaillances et des problèmes structurels des économies de l’Union, du renforcement de leur résilience et de la réalisation de leur potentiel de croissance à long terme dans le contexte d’une aggravation des risques économiques mondiaux, entraîne la nécessité de formuler des réformes prioritaires (à l’échelon des États membres et de l’ensemble de l’Union européenne) et d’en accélérer et d’en intensifier la réalisation. |
2.4.3. |
L’on s’attache également à parvenir à rétablir, de manière plus symétrique, l’équilibre au sein de l’Union et de la zone euro. La nécessité de corriger les déséquilibres macroéconomiques revêt des formes très diverses. Outre des problèmes liés à leurs soldes extérieurs, et en particulier leurs comptes courants, certains pays présentent d’autres manifestations de déséquilibres macroéconomiques, qui touchent par exemple à un endettement élevé du secteur public comme privé, à une croissance dynamique des prix de l’immobilier, à l’augmentation des coûts salariaux unitaires ou encore aux formes les plus diverses de déséquilibres extérieurs. |
2.4.4. |
Les réformes structurelles consistent également à renforcer l’environnement et la qualité du marché intérieur et unique et à améliorer la complémentarité de la politique concernant ledit marché avec les réformes structurelles menées au sein des États, sachant qu’il conviendrait de parvenir au degré de conformité le plus élevé possible. |
2.5. Gouvernance de la zone euro
2.5.1. |
Les recommandations par pays comprennent également des instructions et des lignes directrices en vue de renforcer la performance et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, la résilience des économies de la zone euro, conformément à la recommandation de 2019 concernant la politique économique de la zone euro, et les avancées dans le domaine de la convergence sociale conformément au socle européen des droits sociaux. Il semble en tout cas que l’Union européenne s’engage à nouveau dans une phase où les mesures de politique économique sont étroitement liées à l’environnement de la zone euro et où le fait de ne pas appartenir à cette dernière peut présenter pour l’État membre concerné un risque accru de marginalisation, notamment lorsqu’il apparaît que se manifeste de plus en plus fortement la volonté d’une position renforcée de la zone euro dans le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Le CESE insiste sur la nécessité d’équilibrer tous les piliers de l’UEM, comme il l’a indiqué dans son avis intitulé «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» (10). |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE estime qu’au moment où sont intervenus les changements aux postes-clés des institutions de l’Union européenne, l’état de l’économie européenne est meilleur que lors du dernier processus comparable de nomination aux fonctions importantes de l’Union, en 2014. Dans le même temps, cependant, le CESE est parfaitement conscient des risques (voir les paragraphes 2.1.1 à 2.1.3) susceptibles d’inverser cette évolution et perçoit les défis stratégiques qu’il faudra relever à la lumière des futurs développements économiques. |
3.2. |
Néanmoins, le ralentissement actuel de la croissance (confirmé par exemple par les faibles niveaux de l’indicateur de climat économique enregistrés en septembre), laquelle n’a par ailleurs jamais été particulièrement forte dans la zone euro, et la hausse des facteurs de risque de crise, devraient désormais conduire les institutions européennes et les États membres à entreprendre des démarches pour atteindre l’objectif principal de la politique économique européenne: élaborer des mesures préventives efficaces pour empêcher un retour à une récession générale et réorienter l’économie de la zone euro et celle de l’Union européenne sur la voie d’une croissance durable. À cette fin, il est essentiel d’aligner la politique budgétaire et la politique monétaire. Selon la Banque centrale européenne, il n’est pas possible de durcir la politique monétaire — actuellement souple — au cours de la période à venir car cela aurait une incidence négative sur la croissance économique. Une marge de manœuvre est toutefois dégagée pour une politique budgétaire propice à la croissance. Les États membres qui enregistrent des excédents importants de leur balance courante devraient développer un tel effort budgétaire à plus grande échelle, ce qui, à condition que des investissements durables soient réalisés, peut apporter des avantages supplémentaires à leur économie et à leur société. De l’avis du CESE, la politique monétaire et la politique budgétaire promouvant la croissance et, en particulier, les investissements, et les réformes structurelles renforçant la résilience économique devraient être les trois axes de la politique économique permettant de répondre à la situation actuelle. |
3.3. |
Le CESE approuve dès lors le renforcement de la résilience de l’économie de l’Union et de la zone euro aux facteurs négatifs sur le plan mondial qui mettent en péril les conditions permettant de commercer et d’investir sans heurt dans le monde, accroissent l’incertitude et aggravent les conditions qui prévalent sur les marchés financiers internationaux. Le CESE recommande que les priorités à moyen terme de l’économie européenne s’attachent plus fortement à satisfaire la demande intérieure. Dans le même temps, le solde extérieur très favorable des échanges de biens et de services devrait être mieux réparti entre davantage d’États membres. Nombre de ces derniers devront mener à bien des réformes structurelles fondamentales, car leurs performances actuelles concernant toute une série d’indicateurs de compétitivité présentent un risque élevé de ce point de vue. |
3.4. |
Le CESE est convaincu que la nécessité de renforcer la résilience de l’économie européenne et son potentiel de croissance future s’avère revêtir un caractère urgent et que c’est le bon moment pour le faire. Un amoindrissement des performances économiques dans un avenir relativement proche peut accroître l’acuité des problèmes structurels et des faiblesses existants, y compris celle des conséquences sociales qu’ils entraînent. Du point de vue d’une attitude responsable en matière budgétaire, il est essentiel de trouver l’équilibre, très fragile et ténu, entre d’une part les efforts menés par des pays lourdement endettés afin de réduire leur taux d’endettement et de se constituer des réserves budgétaires, et d’autre part la capacité des pays excédentaires ou neutres sur le plan budgétaire à exploiter leur marge de manœuvre budgétaire à des fins d’investissement, notamment à caractère public. |
3.5. |
Le CESE accueille favorablement la proposition d’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC). Cependant, il appelle à définir concrètement celui-ci dans un avenir proche et à établir un lien fonctionnel entre cet instrument et celui qui a aussi été récemment proposé dans le cadre du programme d’appui aux réformes. Il est particulièrement essentiel que le programme d’appui aux réformes soit en mesure d’assurer un soutien significatif aux réformes et aux investissements dans les pays n’appartenant pas à la zone euro, sans compromettre les objectifs spécifiques de l’IBCC axés sur la zone euro. Le CESE invite également la Commission européenne à mettre en place des indicateurs transparents que l’IBCC utilisera pour évaluer ses performances et ses résultats. Dans ce contexte, le CESE appelle de ses vœux un engagement accru du Parlement européen, des partenaires sociaux et de la société civile, à la lumière des conclusions de son avis intitulé «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» (11). |
3.6. |
Le CESE juge très positif que l’IBCC doive faire également partie intégrante du processus du semestre européen, puisque le soutien apporté doit être dirigé avant tout vers les recommandations faites dans le cadre dudit semestre européen. |
3.7. |
Le CESE souscrit à l’objectif principal de l’IBCC, qui est de parvenir à un degré accru de convergence et d’améliorer la compétitivité en renforçant la coordination des réformes et des plans d’investissement dans la zone euro. Pour atteindre cet objectif, le CESE invite la Commission européenne à prévoir un projet de répartition des moyens financiers entre les pays sur la base d’une méthodologie transparente. |
3.8. |
Le CESE se félicite que les recommandations par pays de cette année soient très bien adaptées aux besoins en matière de stratégies d’investissement ciblées. En outre, les recommandations par pays et le semestre européen en général devraient jouer à partir de l’année prochaine un rôle d’orientations économiques stratégiques de l’Union, puisque la stratégie Europe 2020 arrivera à expiration et qu’aucun autre successeur n’est visible à l’horizon. Dans ce contexte, le semestre européen devrait également respecter les objectifs du socle européen des droits sociaux et de la stratégie de développement durable à l’horizon 2030. |
3.9. |
Le CESE prend acte et se félicite des conclusions du sommet d’évaluation de l’Eurogroupe du 21 juin (12), qui non seulement a défini de manière objective l’évolution de la zone euro depuis le rapport des cinq présidents de 2015, mais a avant tout posé de nouveaux objectifs, touchant notamment au renforcement significatif du poids de la zone euro dans le futur cadre financier pluriannuel de l’Union. |
3.10. |
Le CESE est convaincu qu’à l’automne 2019, la zone euro est quelque chose de complètement différent de ce qu’elle était il y a exactement 10 ans, lorsqu’elle a été confrontée, sans préparation, à une crise d’une gravité sans précédent, à laquelle elle n’était pas en mesure de faire face avec succès avec l’équipement dont elle disposait alors. Mais au cours des quatre ou cinq dernières années, la zone euro a fait ses preuves. Elle a tiré les leçons de la crise et entend continuer de le faire. Cela devrait inclure non seulement la capacité de planifier pour quelques prochaines années, mais aussi d’allouer, de manière réaliste, les ressources nécessaires pour rendre l’économie européenne plus résiliente (ce qui n’est pas toujours le cas). |
3.11. |
Le CESE est d’avis que, d’une part, cette période vient parachever l’ère de la mise en place des éléments structurels des rouages de la zone euro, qui faisaient considérablement et cruellement défaut au moment de la crise, et que dans le même temps, l’Union avance de manière ambitieuse en s’efforçant de renforcer sensiblement la position budgétaire de la zone euro (qu’à l’heure actuelle, tant les partisans que les opposants à l’intégration monétaire européenne s’accordent presque à considérer comme encore très insuffisante). Le programme d’appui aux réformes proposé pourrait, conjointement avec le mécanisme européen de stabilisation des investissements, devenir un projet pilote, sur la base duquel la zone euro influencera de manière significative et décisive la forme du futur budget européen. Si cela se réalise dans la pratique, certains de ses chapitres (même s’ils sont pour le moment très mineurs) ne devraient être accessibles qu’aux membres de la zone euro. |
3.12. |
Le CESE considère que dans le cadre de la balance des paiements courants, les situations des États membres sur le territoire de l’Union restent totalement différentes, et s’accompagnent également d’interprétations non consensuelles du point de vue des instruments et des objectifs de politique économique. S’il est vrai qu’un certain nombre de pays qui présentaient auparavant un déficit chronique de leur balance courante ont considérablement réduit leurs déficits, il est également vrai que plusieurs États membres affichent encore d’importants excédents de la balance courante. Il importe de rapprocher ces deux groupes de pays, sans quoi il existe un risque élevé de voir une économie européenne à deux vitesses, phénomène qui pourrait s’installer dans la durée. Les processus de convergence devraient consister, pour les pays déficitaires, à prendre davantage de mesures pour soutenir leur compétitivité et leur productivité (conformément aux indicateurs utilisés dans le cadre du semestre européen), et pour les pays excédentaires, à se concentrer davantage sur des facteurs stimulant la demande globale, par exemple en procédant à des investissements plus robustes ayant une incidence positive sur la création d’emplois de qualité. |
3.13. |
Le CESE souscrit à l’objectif général des recommandations par pays pour la période 2019-2020, visant à encourager les États membres à moderniser leurs économies, consolidant ainsi leur potentiel de croissance et renforçant leur résilience. Il ne faut pas oublier les différences socioéconomiques parfois importantes qui existent dans certains pays. Leur développement économique est très inégal, ce qui constitue un obstacle majeur à leur croissance économique future. Il est également crucial d’activer les instruments visant à réduire les inégalités sociales et à renforcer la cohésion sociale. |
3.14. |
Le CESE est d’avis que les investissements et les réformes doivent aller de pair, ce qui est particulièrement important au moment de l’approbation finale du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027. En outre, les États membres devraient respecter pleinement les principes de responsabilité et de subsidiarité. Bien que le budget de l’Union européenne ne soit pas la panacée pour répondre à tous les besoins recensés en matière d’investissement, un ciblage approprié de ses ressources peut contribuer de manière significative à remédier aux déficits d’investissement recensés, qui ont été abordés en détail dans les recommandations par pays de cette année. Là encore, il est possible d’établir un lien bien plus étroit entre le futur budget de l’Union européenne et le semestre européen, qui permette de mieux relier les fonds limités avec les besoins réels, tout en respectant le critère de performance et de résultats quantifiés. |
3.15. |
Compte tenu du volume limité des fonds publics, le CESE insiste sur l’importance cruciale des investissements dans le secteur privé, dont la croissance à long terme est directement proportionnelle à une politique économique crédible et à la réduction des déséquilibres budgétaires. |
4. Observations particulières
4.1. |
Compte tenu de l’incertitude qui règne au niveau mondial dans les domaines de l’économie, du commerce et de l’investissement, il est de plus en plus nécessaire que l’Union devienne autonome en renforçant le fonctionnement du marché intérieur et unique. Le CESE est convaincu que le bon fonctionnement et l’homogénéité de ce marché peut contribuer à éliminer certains des déséquilibres identifiés. Il existe un niveau d’intégration relativement plus faible sur les marchés des services; dans le cas d’activités nouvelles sur le plan technologique, il existe un risque que, sans législation appropriée, celles-ci ne se propagent que dans certains pays, c’est-à-dire qu’au sein de l’Union européenne, les solutions adoptées dans les différents États membres deviendront incompatibles entre elles. De même, grâce à l’union bancaire et à l’union des marchés des capitaux, la libre circulation des capitaux devrait être plus efficace et plus souple. Dans le même temps, le CESE se dit préoccupé des retards pris dans la mise en œuvre des éléments restants de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux. L’union financière envisagée constitue une plateforme importante pour promouvoir des formes et des possibilités alternatives de financement. Concernant la nécessité d’intégrer le marché intérieur et unique, c’est sur le marché du travail et dans le domaine des impôts et des règles fiscales que la plus grande marge de manœuvre demeure (à ce jour, les États ont une autonomie exclusive dans le cas des impôts directs). |
4.2. |
Le CESE se félicite que cette année, le semestre européen mette fortement l’accent sur les activités d’investissement, ce qui a aidé les États membres à mieux définir leurs priorités d’investissement là où le taux de rentabilité macroéconomique est le plus élevé; dans le même temps ont été identifiés des obstacles réglementaires et structurels au niveau des États membres et de l’Union dans son ensemble, qui constituent un facteur clé de sous-exploitation du potentiel de croissance à long terme de l’économie européenne. |
4.3. |
De l’avis du CESE, un climat de confiance des entreprises, de prévisibilité et de sécurité juridique, dans le plein respect de l’état de droit et de la justice sociale, est essentiel pour une stratégie d’investissement saine et rationnelle. |
4.4. |
Le CESE considère toujours qu’une charge administrative excessive constitue un obstacle important. La solution réside peut-être dans l’adoption de systèmes de numérisation des services publics; la numérisation est considérée à juste titre comme un facteur clé de productivité, de compétitivité et de croissance. Son processus de mise en œuvre doit respecter le consensus social et les résultats du dialogue social mené à cet effet. |
4.5. |
Le CESE considère également qu’à l’heure actuelle, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences constituent un obstacle à une augmentation du volume des investissements. |
4.6. |
Le CESE souligne qu’il importe que les activités d’investissement soient de plus en plus liées à des activités de recherche et d’innovation intensives; il ne s’agit pas seulement du volume des fonds investis, mais aussi d’une amélioration substantielle des paramètres de qualité des investissements réalisés. Dans le même temps, le volume des besoins en investissements varie suivant les territoires dans l’Union européenne; les besoins d’investissement en capital sont considérables non seulement dans les régions en retard de développement, mais également dans celles qui subissent des changements technologiques importants, ainsi que dans celles qui sont à la pointe d’un secteur donné au niveau mondial et ambitionnent de conserver cette position. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur l’«Examen annuel de la croissance 2019» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 24) et sur la «Politique économique de la zone euro (2019)» (JO C 159 du 10.5.2019, p. 49).
(2) Prévisions économiques du printemps 2019 de la Commission européenne.
(3) JO C 159 du 10.5.2019, p. 49.
(4) Source: Eurostat.
(5) Modalités de fonctionnement de l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité, Eurogroupe, le 14 juin 2019 (disponible pour l’heure uniquement en anglais).
(6) L’avis du CESE sur le cadre financier pluriannuel après 2020 contient des conclusions pertinentes sur l’utilisation efficace des ressources budgétaires (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).
(7) COM(2019) 354 final.
(8) COM(2019) 279 final.
(9) Avis du CESE sur le thème «Vers un renforcement du rôle international de l’euro» (JO C 282 du 20.8.2019, p. 27).
(10) JO C 353 du 18.10.2019, p. 32.
(11) JO C 353 du 18.10.2019, p. 32.
(12) COM(2019) 279 final.
11.2.2020 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 47/113 |
Avis du Comité économique et social européen sur l’ «Examen annuel de la croissance 2019»
(supplément d’avis)
[COM(2018) 770 final]
(2020/C 47/18)
Rapporteure: Anne DEMELENNE
Décision du bureau du CESE |
14.5.2019 |
Base juridique |
Article 32, paragraphe 1, du règlement intérieur et article 29, paragraphe a), des modalités d’application du règlement intérieur Supplément d’avis |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
17.10.2019 |
Adoption en session plénière |
30.10.2019 |
Session plénière no |
547 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
140/3/6 |
Préambule
Le présent avis fait partie d’un ensemble de deux avis de suivi, portant respectivement sur l’examen annuel de la croissance [COM(2018) 770 final] et sur la recommandation concernant la politique économique de la zone euro [COM(2018) 759 final]. L’objectif est de mettre à jour et de développer les propositions précédentes du CESE (1), compte tenu des évolutions récentes et des prévisions économiques pour l’Union européenne et la zone euro, ainsi que des différents rapports et recommandations publiés dans le cadre du Semestre européen en cours. Cet ensemble d’avis constitue la contribution globale de la société civile de l’Union européenne à la politique économique, sociale et environnementale pour le prochain cycle du Semestre européen, qui sera lancé en novembre 2019. Le CESE invite la Commission européenne et le Conseil à prendre cette contribution en considération dans le cadre du prochain «paquet d’automne» du Semestre européen et du processus décisionnel interinstitutionnel qui en découle.
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le présent avis vient compléter l’avis du CESE sur l’examen annuel de la croissance 2019. Il tient compte des recommandations par pays (2), de la communication de la Commission européenne sur le Semestre européen et des recommandations correspondantes du Conseil. Il aborde de manière plus approfondie certaines questions économiques et sociales précises en rapport avec le Semestre européen 2019. |
1.2. |
Le déficit d’investissement dans l’Union européenne n’a pas encore été comblé. Des investissements publics et privés ainsi que des dépenses en matière de formation et d’éducation (à commencer par l’éducation de la petite enfance) restent nécessaires afin d’améliorer la compétitivité des entreprises européennes. Les recommandations par pays de cette année mettent un accent bienvenu sur les investissements. Il convient d’accorder une attention particulière aux investissements productifs et aux investissements dans les infrastructures sociales afin de donner la priorité à la croissance durable, ainsi qu’aux mesures de mise en œuvre du socle des droits sociaux. |
1.3. |
Les États membres doivent intensifier leurs efforts de réforme structurelle. En ce qui concerne plus particulièrement les pays présentant un excédent de la balance courante, il convient de s’attaquer au respect insuffisant, par les États membres, de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, dans l’intérêt de la stabilité économique et politique de l’Union européenne et de la zone euro. Le CESE déplore le déséquilibre entre, d’une part, les grandes recommandations générales concernant des domaines importants tels que l’investissement, les questions sociales et le changement climatique, et d’autre part, les objectifs stratégiques chiffrés concrets découlant des règles budgétaires. |
1.4. |
La conjoncture actuelle de taux d’intérêt très faibles a permis de libérer des fonds dans les budgets nationaux en raison de la baisse des dépenses liées aux intérêts pour les obligations d’État. Les États membres devraient utiliser ces fonds pour accroître leurs investissements matériels, numériques et environnementaux, ainsi que les dépenses en matière de formation, de développement des compétences et de qualifications, qui devraient être considérées comme des investissements dans les ressources humaines et non comme des coûts. |
1.5. |
En ce qui concerne les recommandations par pays en matière sociale, il y a lieu de se réjouir de l’importance accrue du socle européen des droits sociaux et du tableau de bord social. Le Comité encourage la Commission à poursuivre et à développer cette approche lors des prochains cycles du Semestre européen En cas de ralentissement économique au cours des prochaines années, il importe que les objectifs positifs de politique sociale jouent un rôle central dans le Semestre européen et soient placés sur le même plan que les objectifs macroéconomiques et budgétaires. |
1.6. |
Le changement climatique est devenu une question essentielle au cours de l’année écoulée et pourrait être davantage pris en compte dans le cadre du Semestre européen. Les recommandations par pays pour le prochain cycle annuel devraient contenir davantage de recommandations, et au moins une par État membre, concernant la lutte contre la menace existentielle que constitue le changement climatique. |
1.7. |
La fiscalité doit favoriser les investissements productifs et les dépenses dans l’économie réelle. Les recettes fiscales devraient reposer davantage sur d’autres sources que celles liées au travail et à la consommation durable. |
1.7.1. |
La financiarisation de certaines parties de l’économie européenne a fait peser une charge excessive sur les entreprises – et leurs salariés – qui créent de l’emploi, produisent de la valeur ajoutée et augmentent le stock de capital réel. Le CESE demande à la Commission d’explorer la possibilité d’utiliser le Semestre européen pour promouvoir la totalité de la valeur partenariale plutôt que seulement la valeur actionnariale. |
1.7.2. |
Plusieurs États membres ont reçu, dans le cadre des recommandations par pays de cette année, des recommandations sur le renforcement du dialogue social. Afin d’encourager la participation des partenaires sociaux, il conviendrait d’introduire des normes minimales relatives à la consultation des partenaires sociaux nationaux par les gouvernements nationaux à différents stades du processus du Semestre européen. |
1.7.3. |
La politique de la Commission en matière de biens publics devrait être guidée par le principe selon lequel la privatisation des biens publics devrait exclure ceux qui revêtent une importance stratégique et qui sont mieux gérés par le secteur public, et ne pas se traduire par une perte nette pour l’État qui vendrait dans une conjoncture défavorable. |
2. Contexte: les priorités de la Commission européenne dans le cadre du Semestre européen 2019 et des recommandations par pays
2.1. |
Selon la Commission européenne, les États membres ont accompli au moins certains progrès pour 40 % des recommandations qui leur avaient été adressées. Si l’on examine la situation sur une base pluriannuelle, «certains progrès» ont été accomplis dans la mise en œuvre de plus de deux tiers des recommandations par pays (3). Si la mise en œuvre reste forte en matière de services financiers, des progrès ont également été observés en ce qui concerne la promotion de la création d’emplois à durée indéterminée et la lutte contre la segmentation du marché du travail. Toutefois, la mise en œuvre reste limitée et trop lente dans des domaines essentiels à la correction des déséquilibres macroéconomiques (4). |
2.2. |
Les recommandations par pays pour 2019 s’appuient sur les conclusions des rapports par pays de 2019 et mettent davantage l’accent sur les investissements, avec au moins une recommandation d’investissement pour chaque État membre. |
2.3. |
En ce qui concerne les perspectives macroéconomiques, l’incertitude n’a pas diminué. La perspective du retrait britannique de l’Union européenne et les «guerres commerciales» provoquées par les États-Unis sur la scène mondiale sont plus que jamais considérées comme étant susceptibles d’entraîner une détérioration de la croissance économique et de l’emploi dans un avenir proche. Malgré un faible taux de chômage agrégé par rapport aux deux dernières décennies, plusieurs pays n’ont pas retrouvé les niveaux d’emploi d’avant la crise. Cette année, le taux de croissance du PIB devrait atteindre à peine 1,4 % pour l’Union européenne dans son ensemble et 1,2 % pour la zone euro (5). Comme le constatait le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (6), l’inflation en zone euro reste insuffisante par rapport à son objectif (d’un niveau inférieur à, mais proche de 2 % à moyen terme) et que la politique budgétaire devra dès lors jouer son rôle pour soutenir la croissance de la zone euro et de l’Union européenne. |
3. Observations générales sur les recommandations de la Commission européenne
3.1. Investissements
Le CESE approuve et soutient avec force l’attention particulière accordée par la Commission européenne à l’augmentation des investissements dans les rapports et recommandations par pays de cette année. Par le passé, le Comité a demandé à plusieurs reprises aux États membres et à la Commission européenne de mettre davantage l’accent sur l’augmentation des investissements publics et privés; il est donc heureux de constater que l’une de ses recommandations est mise en pratique. Dans cette optique, les investissements doivent être productifs et durables, tandis qu’il y a lieu d’éviter les investissements financiers et immobiliers à visée spéculative.
3.1.1. |
Les objectifs d’investissement dans le cadre des recommandations par pays ne sont pas très précis, conformément à la pratique de la Commission consistant à fixer des objectifs généraux. La situation n’en reste pas moins déséquilibrée étant donné que les objectifs budgétaires sont, eux, très concrets eu égard aux prescriptions des traités. La manière dont les pays étroitement liés par les exigences du pacte de stabilité et de croissance peuvent réaliser les objectifs d’investissement n’est pas précisée. Comme dans de précédents avis, le CESE recommande dès lors de conférer un rôle plus important aux investissements en introduisant une règle d’or dans le cadre budgétaire européen (7). |
3.1.2. |
Le Semestre européen doit mettre davantage l’accent sur une croissance durable guidée par les objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, comme le préconise le CESE lorsqu’il réclame la mise en place d’un examen annuel de la croissance durable (8). Les investissements dans les infrastructures doivent devenir écologiques et sociaux, l’accent devant être mis sur les énergies renouvelables, comme l’envisage d’ailleurs la nouvelle Commission. Cette nécessité devrait être davantage encore prise en compte dans le cadre du Semestre européen. En s’inspirant de l’attention bienvenue accordée cette année aux investissements dans les recommandations par pays, le CESE propose que la Commission européenne et le Conseil évaluent si les recommandations par pays ne devraient pas contenir au moins un objectif concret ambitieux par État membre afin de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à la résolution du problème climatique, potentiellement catastrophique. Dans ce contexte, il salue le fait que la BCE a investi dans des obligations vertes dans le cadre de ses programmes d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) du secteur privé, et considère que la BCE devrait continuer et amplifier cet engagement lorsqu’elle reprendra les achats nets et durant la phase de réinvestissement du programme. |
3.1.3. |
En ce qui concerne les besoins effectifs en matière d’investissement, le CESE demande à la Commission européenne et aux États membres de présenter un plan concret visant à accroître les investissements publics et privés afin de combler les lacunes recensées dans des domaines importants pour assurer l’avenir économique et social de l’Europe et préserver sa compétitivité vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, notamment les investissements dans les technologies de l’information et l’intelligence artificielle (la recherche, le développement, ainsi que les infrastructures informatiques). Il convient en outre d’inclure dans ces investissements les dépenses nécessaires dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’amélioration des compétences et de la mobilité, ainsi que l’encouragement des économies d’énergie dans l’industrie et les transports, par exemple le développement et l’utilisation du réseau ferroviaire. Ces dépenses devraient bénéficier d’un soutien accru grâce à l’utilisation des Fonds structurels. Cela contribuerait à la compétitivité et permettrait de remédier à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, qui est reconnue dans toute l’Union européenne comme étant un des obstacles à l’investissement (9). |
3.1.4. |
Le Comité estime qu’il est possible de définir des priorités stratégiques et des objectifs plus concrets pour atteindre les objectifs généraux fixés par le Conseil européen. Alors que les indicateurs de la stratégie Europe 2020 étaient trop sommaires, les grandes priorités convenues par le Conseil doivent être concrétisées et étendues à d’autres domaines d’action. Le CESE demande dès lors au Conseil et à la Commission d’élaborer une stratégie à long terme pour 2030, qui devrait être prise en compte dans les recommandations par pays de 2020 (10). Cette stratégie à long terme devrait inclure une vision relative à une économie du bien-être dans l’Union européenne, qui suppose des investissements plus importants dans les activités productives, dans une meilleure éducation, les qualifications, les compétences et la formation, dans la protection sociale, la santé et les économies d’énergie, dans des logements abordables et dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. |
3.2. Déséquilibres de la balance courante
3.2.1. |
Le Comité se félicite de l’attention que consacre la Commission européenne aux pays en excédent de balance courante, qui représentent un problème macroéconomique majeur de la zone euro et de l’Union européenne. Alors que les pays qui enregistraient autrefois un déficit de la balance courante ont réussi à le corriger, ceux dont la balance courante affiche un excédent persistent dans leur réticence à prendre des mesures politiques majeures pour accroître la demande intérieure, telles que l’augmentation des investissements publics, la hausse des salaires, l’accroissement des dépenses publiques ou la baisse des impôts, qui leur permettraient de réduire leurs excédents. La meilleure manière de mettre en œuvre la réduction de l’impôt est de délaisser la fiscalité du travail et la TVA au profit d’autres sources de recettes fiscales. Toutefois, toute diminution de la pression fiscale sur le travail devrait porter sur autre chose que les cotisations de sécurité sociale, car celles-ci représentent une contribution financière majeure aux régimes de soins de santé, de retraite, d’assurance accidents, d’assurance chômage et autres formes de protection sociale. |
3.2.2. |
Étant donné que les pays en excédent de balance courante ne sont toujours pas disposés à accroître de manière appropriée leur propre demande intérieure, les pays dont la balance courante est en déficit souffrent d’un manque de demande. La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) permet d’attirer l’attention sur le problème, mais ne s’accompagne d’aucun pouvoir d’exécution. La mise en œuvre des recommandations par pays est donc particulièrement faible pour celles relevant de la PDM (11). Le CESE invite le Conseil européen à coordonner une stratégie macroéconomique qui permettrait d’accroître la demande intérieure dans les pays en excédent de la balance courante et, partant, de réduire les excédents nationaux qui constituent l’excédent de la balance courante de la zone euro. Dans le cadre de cette stratégie, les pays dont la balance courante est excédentaire doivent s’engager de manière crédible à réduire leurs excédents de manière permanente et durable. |
3.2.3. |
Alors que les récentes négociations ont clarifié les contours d’un instrument budgétaire de la zone euro, il est devenu évident que le Conseil européen n’a pas réussi à s’accorder sur un budget significatif de la zone euro doté d’une fonction de stabilisation. Le CESE s’inquiète que le cadre macroéconomique au niveau européen ne soit pas adapté pour faire face à une crise future au cas où les risques qui pèsent sur la croissance économique se matérialiseraient. Il demande au Conseil européen de préparer une réponse efficace de politique budgétaire de la part des États membres en cas de récession éventuelle, ainsi qu’une réponse de la Banque centrale européenne en matière de politique monétaire. |
3.3. Politique budgétaire, dette publique et fiscalité
3.3.1. |
La réévaluation du risque lié aux obligations d’État durant la crise de la zone euro a introduit un facteur de divergence supplémentaire. Les gouvernements affichant des taux de croissance plus faibles et une dette initiale plus importante doivent payer des taux d’intérêt plus élevés sur leur dette publique, basés sur des estimations des marchés financiers, parfois assez inappropriées, concernant leur situation budgétaire. Tenter de reconstituer prématurément des marges budgétaires ou, en termes moins métaphoriques, réduire les dépenses et augmenter les impôts, comme le suggère la Commission aux États membres qui affichent des niveaux élevés de dette publique, risque de freiner une nouvelle fois la dynamique positive du secteur privé et la croissance toujours faible dans certains États membres. Définir des trajectoires obligatoires d’ajustement budgétaire pour les pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire moindre, en se limitant à faire des recommandations aux pays qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire plus importante, entraîne le risque que l’orientation budgétaire globale de la zone euro ne soit pas assez expansionniste pour maîtriser l’excédent important de la balance courante de la zone euro. |
3.3.2. |
Alors que les grands spécialistes du sujet sont en train de réévaluer le rôle de la dette publique dans les périodes de faibles taux d’intérêt (12), le CESE encourage le Conseil européen à réfléchir à la question de savoir si le cadre budgétaire actuel a freiné l’investissement public nécessaire ainsi que les dépenses publiques destinées à accroître la productivité, notamment dans l’éducation, l’amélioration des compétences, l’apprentissage tout au long de la vie, les soins de santé et la protection sociale (13). Comme elle l’a annoncé dans son train de mesures de septembre, la BCE maintiendra dans un avenir proche des taux d’intérêt très faibles. Cette politique a déjà donné lieu, ces dernières années, à une baisse des dépenses en intérêts pour les gouvernements. Le CESE demande aux États membres d’utiliser les fonds ainsi libérés pour accroître les investissements. |
3.3.3. |
Les experts considèrent de plus en plus que les mesures de l’écart de production utilisées par la Commission européenne pour déterminer l’orientation budgétaire appropriée sont trop procycliques (14). Au lieu de mesurer de manière indépendante la production maximale potentielle d’une économie par le nombre de chômeurs et le manque de capitaux, la mesure de la Commission européenne s’appuie trop sur les performances passées (15). Pour les pays qui respectent les règles du pacte de stabilité et de croissance, il est dès lors impossible de mener une politique budgétaire contracyclique, en période de vaches grasses comme de vaches maigres. Le CESE recommande à la Commission européenne d’évaluer, en collaboration avec les États membres, les procédures de calcul des écarts de production à la lumière de ces constatations. |
3.3.4. |
L’absence de demande globale, conjuguée à une évolution défavorable de la structure productive de l’économie en ce qui concerne les exportations, a contribué à la faiblesse de la croissance dans les pays qui, ces dernières années, n’ont pas pu profiter autant que prévu de la croissance économique. Le CESE encourage la Commission européenne et le Conseil européen à tenir compte des considérations de stratégie et de politique industrielles dans l’Union européenne pour le prochain cycle du Semestre européen. |
3.3.5. |
Comme indiqué dans de précédents avis du CESE, les États membres doivent éviter la planification fiscale agressive et la fraude fiscale et mettre l’accent sur la justice fiscale et le financement des dépenses publiques. |
3.3.6. |
La financiarisation de l’économie a permis à un petit nombre d’acteurs financiers d’exercer une influence injustifiée par rapport aux grandes entreprises et au secteur public, en recherchant les profits et les primes à court terme plutôt que la satisfaction des besoins à long terme de certaines entreprises, de leurs salariés et des régions dans lesquelles elles exercent leurs activités (16). Le CESE demande à la Commission d’explorer la possibilité d’utiliser le Semestre européen pour promouvoir la valeur partenariale plutôt que la valeur actionnariale. Le cas échéant, les États membres devraient réorienter leur système fiscal vers la promotion des investissements physiques, numériques et durables réels, ainsi que des investissements dans les ressources humaines, en décourageant les investissements à des fins purement financières et spéculatives. En particulier, les recommandations par pays devraient mettre en lumière les distorsions du système fiscal qui favorisent indûment et récompensent financièrement l’idée de la valeur actionnariale et suggérer une réforme en la matière. |
3.4. Socle européen des droits sociaux
3.4.1. |
Le CESE accueille favorablement et soutient le changement intervenu dans les recommandations politiques, qui mettent désormais l’accent sur le dialogue social, l’éducation, les compétences et la formation, la santé, ainsi que la protection sociale. Le Comité encourage la Commission à poursuivre et à développer cette approche lors des prochains cycles du Semestre européen, notamment en ce qui concerne des salaires minimums suffisants négociés de manière responsable par les partenaires sociaux, garantis par la loi et des conventions collectives nationales. |
3.4.2. |
Le Comité se réjouit de l’attention particulière qu’accorde la Commission aux résultats obtenus par les États membres concernant les différentes dimensions du socle européen des droits sociaux. Il reconnaît que l’introduction des indicateurs du tableau de bord social, qui mettent en lumière les évolutions sociales et la convergence entre les États membres de l’Union européenne, revêt une valeur ajoutée particulière dans la mesure où elle contrebalance utilement l’attention portée traditionnellement aux questions économiques et financières. Le CESE encourage la Commission à poursuivre sur cette voie et à accroître le poids du socle dans les recommandations par pays, ainsi qu’à envisager de nouveaux indicateurs pour le tableau de bord social, par exemple en ce qui concerne la négociation collective. |
3.4.3. |
Le fait que la convergence des salaires entre les pays soit beaucoup plus lente que ce qui avait été prévu par les dirigeants européens et la Commission a entraîné un accroissement des flux migratoires vers les pays et les régions où les emplois sont plus nombreux et les salaires plus élevés. En principe, ce flux de travailleurs vers des régions économiquement plus performantes est un mécanisme d’ajustement essentiel au sein de l’union monétaire européenne. Toutefois, en raison de la lenteur de la convergence des salaires et des conditions de vie, les flux migratoires ont été plus importants que prévu. Dans certains cas, une part non négligeable de la population en âge de travailler a émigré, ce qui peut poser un problème à moyen terme pour les pays concernés si les émigrants ne revenaient pas. Une convergence réelle plus rapide des salaires et des conditions de vie est donc nécessaire entre les pays de l’Union européenne et de l’union monétaire européenne. Le CESE demande à la Commission de présenter un rapport détaillé sur la convergence réelle et d’adapter ses recommandations stratégiques aux États membres et à l’Union dans son ensemble pour assurer une véritable convergence. |
3.4.4. |
Dans son introduction à l’examen annuel de la croissance 2019, la Commission européenne se félicite de la reprise de la croissance dans tous les États membres. Toutefois, des taux de croissance positifs du PIB ne sont pas nécessairement synonymes de convergence sociale ascendante. L’un des instruments permettant d’atteindre cet objectif est la négociation collective. Par conséquent, le Comité demande à la Commission d’intégrer au tableau de bord social des indicateurs mesurant la négociation collective. |
3.4.5. |
La mise en œuvre des recommandations découlant du socle européen des droits sociaux exige un financement adéquat. Il conviendrait de préciser la manière dont les objectifs du socle européen des droits sociaux peuvent être réalisés, en particulier dans les pays étroitement liés par les exigences du pacte de stabilité et de croissance. Le CESE, sur la base des propositions qu’il avait présentées dans un précédent avis (17), recommande à la Commission européenne et au Conseil de veiller à ce que des ressources soient disponibles, notamment dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens et d’autres fonds de l’Union européenne, pour compléter les apports de fonds publics et privés au niveau national. L’investissement public au sein des États membres pourrait être accru par l’application d’une «règle d’or» en matière d’investissements publics à but social, qui introduirait davantage de souplesse dans les règles budgétaires. Il convient également de s’opposer à toute réduction du budget de l’Union qui impliquerait une diminution des ressources allouées à la réalisation des objectifs du socle européen des droits sociaux. Le plan d’investissement pour l’Europe, soutenu par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), devrait également être amélioré, compte tenu des critiques formulées par la Cour des comptes européenne en janvier 2019, qui a souligné l’exagération de ses effets allégués sur les niveaux d’investissement (18). |
3.5. |
Si l’on se penche sur le contenu des recommandations par pays dans le domaine social et que l’on élargit la perspective en remontant au début du processus du Semestre européen, l’on constate que les États membres affichant une faible croissance et une dette publique plus élevée ont fait l’objet de recommandations qui encouragent la dévaluation sociale (19). La priorité a généralement été accordée aux objectifs macroéconomiques (20). Eu égard aux perspectives économiques incertaines, le CESE demande instamment au Conseil européen de veiller, dans les années à venir, à accorder aux objectifs positifs de politique sociale une priorité plus élevée, et donc identique aux autres objectifs, même en période de crise économique. |
3.5.1. |
La garantie d’une bonne qualité de l’emploi reste un défi. Les formes d’emploi atypique, telles que le travail temporaire, les contrats à horaires très réduits, la sous-traitance ou le travail de plateforme, se sont développées au cours des dix dernières années dans plusieurs États membres. Alors que les capacités et le niveau d’études des travailleurs ont augmenté, la qualité des emplois proposés a diminué dans plusieurs pays. Citons à titre d’illustration le nombre croissant, dans certains pays, de travailleurs contraints d’accepter des contrats temporaires ou à temps partiel en raison de l’absence d’emplois permanents à temps plein, selon les données recueillies par Eurostat (21). Parfois, ces formes d’emploi peuvent faire le bonheur des salariés, mais ce n’est souvent pas le cas, et les nouvelles formes d’emploi suscitent en outre des questions en ce qui concerne l’apprentissage tout au long de la vie pour les travailleurs temporaires et précaires. Le CESE invite les États membres à adopter en temps utile des mesures de protection des travailleurs et de protection sociale, dans un cadre européen, afin de s’adapter aux nouvelles formes d’emploi et à un monde du travail de plus en plus précaire. |
3.5.2. |
L’économie sociale joue un rôle de plus en plus important dans l’économie (22). En raison de sa diversité (coopératives, mutuelles, associations, fondations, entreprises sociales), elle recèle un vaste potentiel pour stimuler la croissance de l’économie et de l’emploi en Europe et contribuer sensiblement à la cohésion sociale dans l’Union européenne. Malheureusement, l’Union n’a pas développé de cadre juridique approprié pour exploiter ce potentiel au sein du marché intérieur. Le CESE demande à la Commission d’inscrire ce thème parmi les priorités de son prochain mandat. |
3.5.3. |
Un investissement accru des pouvoirs publics et des entreprises dans l’éducation peut contribuer à la lutte contre le chômage dans la société numérique d’aujourd’hui et de demain, la société de l’industrie et des services, exigeant un personnel hautement qualifié. Le CESE invite les États membres à utiliser les fonds européens pour assurer la reconversion de leur main-d’œuvre à l’ère du numérique. |
3.5.4. |
Lorsque le contexte national le justifie, une réorientation qualitative vers un enseignement professionnel de haute qualité, indépendant de l’enseignement supérieur, peut s’avérer utile. Une focalisation excessive sur l’enseignement supérieur, à l’instar des indicateurs du tableau de bord social consacrés à l’éducation, risque de fausser l’image globale. Le CESE demande à la Commission et aux États membres de prendre cet élément en considération et de réfléchir à la possibilité de mesurer plus efficacement la réussite scolaire dans le tableau de bord social. |
3.6. Participation des partenaires sociaux
3.6.1. |
Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’approfondir le dialogue avec les partenaires sociaux et la société civile, y compris les institutions de solidarité, les ONG, les universités et les organisations de consommateurs, afin d’encourager davantage la mise en œuvre des recommandations par pays, notamment au moyen de visites dans les États membres et de discussions bilatérales et multilatérales. |
3.6.2. |
À cet égard, le flux et l’échange régulier et informel d’informations peuvent être améliorés. Alors que la fourniture, aux partenaires sociaux, des informations préliminaires nécessaires avant les réunions importantes de manière à garantir un échange productif est une pratique bien établie pour les questions relatives au marché du travail et à l’inclusion sociale, ce n’est pas le cas pour les questions budgétaires et fiscales. Le CESE encourage la Commission à engager en temps utile un dialogue plus approfondi et constructif avec les partenaires sociaux en dehors des procédures formelles officielles. |
3.6.3. |
La participation constructive et en temps utile des partenaires sociaux au Semestre européen peut être améliorée, comme l’a fait observer à juste titre la Commission européenne (23). Si le Semestre européen fonctionne bien au niveau européen et dans certains États membres, l’on ne peut pas en dire autant pour tous les pays. Le CESE accueille favorablement les recommandations concernant le renforcement du dialogue social adressées à différents États membres dans le cadre des recommandations par pays, et encourage ces derniers à les mettre en œuvre. |
3.6.4. |
Les problèmes rencontrés en ce qui concerne l’accès à l’information pertinente et la consultation en temps utile, le sérieux de l’engagement des gouvernements et la capacité des partenaires sociaux ont entravé la consultation des partenaires sociaux au niveau national dans le cadre du Semestre européen. Le CESE recommande l’introduction de normes minimales relatives à la consultation des partenaires sociaux nationaux par les gouvernements nationaux à différents stades du processus du Semestre européen. Il conviendrait notamment d’indiquer si les gouvernements se sont écartés des propositions des partenaires sociaux, et d’expliquer pourquoi. Il y a lieu de garantir également la participation des partenaires sociaux à toute action de suivi évaluant la mise en œuvre des propositions. |
4. Recommandations spécifiques
4.1. |
En ce qui concerne la discussion au sein du Conseil sur l’opportunité d’élargir le champ d’application du Semestre européen aux questions de cohésion économique et sociale, le CESE soutient fermement la décision de les y intégrer (24). Le Comité encourage la Commission européenne et les États membres à poursuivre sur cette voie et à développer cette approche au cours des prochaines années, ce qui devrait également inclure une réponse au défi climatique. Il félicite également le Conseil européen d’avoir invité les États membres à s’inspirer du tableau de bord social, du relevé des résultats en matière d’emploi et du mécanisme de suivi des résultats dans le domaine de la protection sociale pour guider leurs efforts de convergence. |
4.2. Logement
4.2.1. |
Dans certains États membres, les prix des logements ont augmenté ces dernières années. Dans certaines métropoles ou villes de taille moyenne, les loyers sont devenus si élevés qu’ils absorbent une part de revenus de plus en plus importante. Bien que ce ne soit pas la seule raison, cette situation s’explique notamment par les taux d’intérêt peu élevés, étant donné que la politique monétaire produit ses effets les plus immédiats sur le marché du logement. Les taux d’intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels (ou à des niveaux plus bas) jusqu’à ce qu’il y ait une convergence durable de l’inflation vers son objectif (d’un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2 % sur l’horizon de projection) (25). En outre, l’augmentation des loyers aggrave le problème du sans-abrisme. En raison du manque de données, il est difficile de suivre de près l’évolution de la situation dans l’Union européenne. Le CESE invite les États membres et la Commission européenne à améliorer la collecte de données sur les sans-abri afin de mieux surveiller leur nombre, leur répartition et leurs conditions de vie dans l’Union. |
4.2.2. |
Pour améliorer le bilan énergétique et climatique des logements et des autres bâtiments, des modifications du régime fiscal et d’autres mesures d’incitation publiques pourraient être adoptées dans les États membres afin d’encourager davantage les travaux de rénovation et de construction dans une optique d’efficacité énergétique. |
4.3. Autres réformes
4.3.1. |
Dans plusieurs cas, les réformes individuelles mentionnées dans les recommandations par pays comportent un risque d’aggravation des inégalités sociales et économiques. Les réformes des retraites ne doivent pas pousser les personnes âgées dans la pauvreté. |
4.3.2. |
La privatisation des biens publics devrait exclure ceux qui revêtent une importance stratégique et qui sont mieux gérés par le secteur public, et ne pas se traduire par une perte nette pour l’État qui vendrait dans une conjoncture défavorable. En principe, c’est l’État qui fournit les services publics essentiels de la manière la plus efficace, en l’absence d’une obligation de bénéfice qui fait grimper les coûts. Dans les cas où la qualité et le financement des services publics ne correspondent pas aux attentes des citoyens, il convient d’améliorer la capacité administrative à fournir ces services de manière efficace et de prévoir les ressources financières nécessaires à cette fin. Cela n’exclut pas la possibilité que certains pays parviennent à la conclusion que des partenariats public-privé (PPP) sur mesure doivent être autorisés pour des services spécifiques dans une situation donnée. Ce faisant, ces PPP doivent servir l’intérêt public. En particulier dans les marchés en situation de monopole ou d’oligopole, il y a lieu d’éviter que certains groupes d’intérêt s’en servent pour en retirer des rentes en appliquant des prix plus élevés que nécessaires ou en renonçant aux investissements requis pour maintenir la qualité. |
4.3.3. |
Une politique industrielle bien conçue qui répond aux besoins du pays est susceptible d’augmenter la croissance, la productivité, le bien-être et l’emploi. Le CESE souligne la nécessité de mener une vaste discussion et d’entreprendre des actions concrètes en vue d’élaborer une stratégie industrielle au niveau de l’Union européenne et des États membres, étayée par des ressources financières suffisantes, et allant au-delà d’une simple adaptation du droit européen de la concurrence visant à autoriser davantage de fusions entre entreprises multinationales. |
Bruxelles, le 30 octobre 2019.
Le président
du Comité économique et social européen
Luca JAHIER
(1) Avis du CESE sur l’«Examen annuel de la croissance 2019» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 24) et sur la «Politique économique de la zone euro (2019)» (JO C 159 du 10.5.2019, p. 49).
(2) COM(2019) 500 final.
(3) COM(2019) 500 final, p. 3-4.
(4) Efstathiou, K., et Wolff, G. (2018), «Is the European Semester effective and useful?».
(5) Prévisions économiques européennes. Été 2019, Commission européenne.
(6) Mario Draghi, président de la BCE, conférence de presse – Déclaration introductive, Francfort-sur-le-Main, 12 septembre 2019.
(7) Avis du CESE sur l’«Examen annuel de la croissance 2019», paragraphe 3.9.8 (JO C 190 du 5.6.2019, p. 24).
(8) Avis du CESE sur l’«Examen annuel de la croissance 2019», paragraphe 1.7 (JO C 190 du 5.6.2019, p. 24).
(9) «Rapport de la BEI sur l’investissement 2018/2019 – Réoutiller l’économie européenne».
(10) Conformément à l’avis du CESE sur «Le semestre européen et la politique de cohésion – Vers une nouvelle stratégie européenne pour l’après-2020» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 39).
(11) «What drives national implementation of EU policy recommendations?», Bruegel working paper, numéro 04.
(12) Blanchard, O., «Public Debt and Low Interest Rates», janvier 2019, ainsi que le débat lancé en Allemagne par Michael Hüther sur la règle nationale du «frein à l’endettement», IW Policy Paper 3/19.
(13) «Germany’s even larger than expected fiscal surpluses: Is there a link with the constitutional debt brake?», Bruegel.
(14) «The campaign against “nonsense” output gaps», Bruegel.
(15) «Why Hysteria Over the Italian Budget Is Wrong-Headed».
(16) Vatteville, É., dans Management & Avenir, 2008/4 (no 18), p. 88-103.
(17) JO C 262 du 25.7.2018, p. 1.
(18) Rapport spécial no 03/2019: Fonds européen pour les investissements stratégiques: des mesures s’imposent pour en faire un véritable succès.
(19) Copeland, P., et Daly, M. (2018), «The European Semester and EU Social Policy».
(20) Degryse, C., et Pochet, P. (2018), «European social dynamics: a quantitative approach».
(21) Base de données Eurostat, «lfsa_eppgai» et «lfsa_etgar».
(22) Les institutions et les entreprises de l’économie sociale en Europe regroupent plus de 2,8 millions d’organisations, employant 13,6 millions de personnes et représentant 8 % du PIB de l’Union européenne.
(23) Projet de rapport conjoint sur l’emploi de la Commission et du Conseil, p. 11.
(24) «Conclusions du Conseil sur l’examen annuel de la croissance et le rapport conjoint sur l’emploi pour 2019», 15 mars 2019, p. 7.
(25) Mario Draghi, président de la BCE, conférence de presse – Déclaration introductive, Francfort-sur-le-Main, 12 septembre 2019.