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Document 62023CJ0014

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 juillet 2024.
XXX contre État belge.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (Belgique).
Renvoi préjudiciel – Politique d’immigration – Directive (UE) 2016/801 – Conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins d’études – Article 20, paragraphe 2, sous f) – Demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études – Autres finalités – Refus de visa – Motifs de rejet de la demande – Absence de transposition – Principe général d’interdiction des pratiques abusives – Article 34, paragraphe 5 – Autonomie procédurale des États membres – Droit fondamental à un recours juridictionnel effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Affaire C-14/23.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:647

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

29 juillet 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’immigration – Directive (UE) 2016/801 – Conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins d’études – Article 20, paragraphe 2, sous f) – Demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études – Autres finalités – Refus de visa – Motifs de rejet de la demande – Absence de transposition – Principe général d’interdiction des pratiques abusives – Article 34, paragraphe 5 – Autonomie procédurale des États membres – Droit fondamental à un recours juridictionnel effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑14/23 [Perle] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 23 décembre 2022, parvenue à la Cour le 16 janvier 2023, dans la procédure

XXX

contre

État belge, représenté par la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. Z. Csehi et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 octobre 2023,

considérant les observations présentées :

pour XXX, par Me D. Andrien, avocat,

pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et M. Van Regemorter, en qualité d’agents, assistées de Mes E. Derriks et K. de Haes, avocats,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, Mme J. Očková et M. J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement lituanien, par Mme E. Kurelaitytė, en qualité d’agent,

pour le gouvernement luxembourgeois, par MM. A. Germeaux et T. Schell, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme E. M. M. Besselink, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Hottiaux et A. Katsimerou, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2016, relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair (JO 2016, L 132, p. 21), notamment l’article 3, point 3, l’article 20, paragraphe 2, sous f), et l’article 34, paragraphe 5, de celle-ci, ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XXX à l’État belge, représenté par la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, au sujet du refus de celui-ci de lui accorder l’autorisation de séjour sollicitée afin de poursuivre des études en Belgique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2, 3, 14, 41 et 60 de la directive 2016/801 énoncent :

« (2)

La présente directive devrait répondre à la nécessité exprimée dans les rapports sur la mise en œuvre des directives 2004/114/CE [du Conseil, du 13 décembre 2004, relative aux conditions d’admission des ressortissants de pays tiers à des fins d’études, d’échange d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat (JO 2004, L 375, p. 12),] et 2005/71/CE [du Conseil, du 12 octobre 2005, relative à une procédure d’admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique (JO 2005, L 289, p. 15),] de remédier aux points faibles qui ont été constatés, de garantir une plus grande transparence et une plus grande sécurité juridique et d’offrir un cadre juridique cohérent aux différentes catégories de ressortissants de pays tiers qui se rendent dans l’Union [européenne]. Elle devrait, dès lors, simplifier et rationaliser au sein d’un seul instrument les dispositions existantes applicables à ces catégories. Bien que les catégories relevant de la présente directive présentent des différences, elles partagent également plusieurs caractéristiques, ce qui permet de réglementer leurs situations respectives au moyen d’un cadre juridique commun à l’échelle de l’Union.

(3)

La présente directive devrait contribuer à la réalisation de l’objectif du programme de Stockholm consistant à rapprocher les législations nationales qui régissent les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers. L’immigration en provenance de pays extérieurs à l’Union représente un vivier de personnes hautement qualifiées, et les étudiants et chercheurs, en particulier, sont des catégories de plus en plus prisées. Ces personnes jouent un rôle important en ce qu’elles constituent l’atout majeur de l’Union, le capital humain, et qu’elles assurent une croissance intelligente, durable et inclusive, et contribuent, de ce fait, à la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020.

[...]

(14)

Afin de promouvoir l’Europe dans son ensemble comme centre mondial d’excellence pour les études et la formation, il convient d’améliorer et de simplifier les conditions d’entrée et de séjour des personnes qui souhaitent s’y rendre à ces fins. [...]

[...]

(41)

En cas de doute concernant les motifs de la demande d’admission introduite, les États membres devraient pouvoir procéder aux vérifications appropriées ou exiger les preuves nécessaires pour, d’une part, évaluer au cas par cas la recherche que le demandeur compte mener, les études ou la formation qu’il envisage de suivre, le service volontaire, le programme d’échange d’élèves ou le projet éducatif auquel il entend participer ou le travail au pair qu’il a l’intention d’exercer et, d’autre part, lutter contre toute utilisation abusive ou frauduleuse de la procédure établie par la présente directive.

[...]

(60)

Il convient que chaque État membre veille à ce que des informations appropriées et régulièrement actualisées soient mises à la disposition du grand public, notamment sur l’internet, en ce qui concerne les entités d’accueil agréées aux fins de la présente directive et les conditions et procédures d’admission de ressortissants de pays tiers sur le territoire des États membres aux fins de la présente directive. »

4

L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3)

“étudiant”, un ressortissant de pays tiers qui a été admis dans un établissement d’enseignement supérieur et est admis sur le territoire d’un État membre pour suivre, à titre d’activité principale, un cycle d’études à plein temps menant à l’obtention d’un titre d’enseignement supérieur reconnu par cet État membre, y compris les diplômes, les certificats ou les doctorats délivrés par un établissement d’enseignement supérieur, qui peut comprendre un programme de préparation à ce type d’enseignement, conformément au droit national, ou une formation obligatoire ;

[...] »

5

L’article 5 de ladite directive, intitulé « Principes », est ainsi libellé :

« 1.   L’admission d’un ressortissant de pays tiers au titre de la présente directive est subordonnée à la vérification des documents justificatifs attestant que le ressortissant de pays tiers remplit :

a)

les conditions générales fixées à l’article 7 ; et

b)

les conditions particulières applicables définies à l’article 8, 11, 12, 13, 14 ou 16.

2.   Les États membres peuvent imposer au demandeur de présenter les documents justificatifs visés au paragraphe 1 dans une langue officielle de l’État membre concerné ou dans toute autre langue officielle de l’Union déterminée par ledit État membre.

3.   S’il remplit les conditions générales et spécifiques, le ressortissant de pays tiers a droit à une autorisation.

Si un État membre délivre des titres de séjour uniquement sur son territoire et si toutes les conditions d’admission prévues par la présente directive sont remplies, l’État membre concerné doit délivrer le visa sollicité au ressortissant de pays tiers. »

6

L’article 7 de la directive 2016/801, intitulé « Conditions générales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne l’admission d’un ressortissant de pays tiers dans le cadre de la présente directive, le demandeur doit :

a)

présenter un document de voyage en cours de validité conformément au droit national et, si cela est exigé, une demande de visa ou un visa en cours de validité ou, le cas échéant, un titre de séjour en cours de validité ou un visa de long séjour en cours de validité ; les États membres peuvent exiger que la période de validité du document de voyage couvre au moins la durée du séjour envisagé ;

b)

présenter, si le ressortissant de pays tiers est mineur au regard du droit national de l’État membre concerné, une autorisation parentale ou un document équivalent pour le séjour envisagé ;

c)

produire la preuve que le ressortissant de pays tiers a souscrit ou, si le droit national le prévoit, qu’il a demandé à souscrire une assurance maladie pour tous les risques contre lesquels les ressortissants de l’État membre concerné sont normalement couverts ; l’assurance est valable pendant toute la durée du séjour envisagé ;

d)

si l’État membre le demande, apporter la preuve du paiement des droits exigés pour le traitement de la demande prévus à l’article 36 ;

e)

à la demande de l’État membre concerné, apporter la preuve que le ressortissant de pays tiers disposera au cours du séjour envisagé de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné, ainsi que ses frais de retour. L’évaluation de la suffisance des ressources est fondée sur un examen individuel du cas d’espèce et tient compte des ressources provenant, entre autres, d’une indemnité, d’une bourse, d’un contrat de travail valable ou d’une offre d’emploi ferme ou d’une déclaration de prise en charge par un organisme participant à un programme d’échange d’élèves, une entité accueillant des stagiaires, un organisme participant à un programme de volontariat, une famille d’accueil ou un organisme servant d’intermédiaire pour les jeunes au pair. »

7

L’article 11 de cette directive, intitulé « Conditions particulières applicables aux étudiants », dispose, à son paragraphe 1 :

« Outre les conditions générales énoncées à l’article 7, en ce qui concerne l’admission d’un ressortissant de pays tiers à des fins d’études, le demandeur apporte la preuve :

a)

que le ressortissant de pays tiers a été admis dans un établissement d’enseignement supérieur pour y suivre un cycle d’études ;

b)

si l’État membre le demande, que les droits d’inscription exigés par l’établissement d’enseignement supérieur ont été payés ;

c)

si l’État membre le demande, que le ressortissant de pays tiers dispose d’une connaissance suffisante de la langue du programme d’études qu’il suivra ;

d)

si l’État membre le demande, que le ressortissant de pays tiers disposera de ressources suffisantes pour couvrir ses frais d’études. »

8

L’article 20 de ladite directive, intitulé « Motifs de rejet de la demande », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les États membres rejettent une demande lorsque :

a)

les conditions générales fixées à l’article 7 ou les conditions particulières applicables fixées à l’article 8, 11, 12, 13, 14 ou 16 ne sont pas remplies ;

b)

les documents présentés ont été obtenus par des moyens frauduleux, falsifiés ou altérés d’une quelconque manière ;

c)

l’État membre concerné n’autorise l’admission que par l’intermédiaire d’une entité d’accueil agréée et que celle-ci ne l’est pas.

2.   Les États membres peuvent rejeter une demande lorsque :

[...]

f)

l’État membre possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que le ressortissant de pays tiers séjournerait à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission. »

9

L’article 21 de la directive 2016/801, intitulé « Motifs de retrait ou de non‑renouvellement d’une autorisation », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres retirent ou, le cas échéant, refusent de renouveler une autorisation lorsque :

[...]

d)

le ressortissant de pays tiers séjourne sur le territoire à d’autres fins que celles pour lesquelles son séjour a été autorisé. »

10

Aux termes de l’article 24 de cette directive, intitulé « Activités économiques exercées par des étudiants » :

« 1.   En dehors du temps dévolu aux études et sous réserve des règles et conditions applicables à l’activité concernée dans l’État membre concerné, les étudiants sont autorisés à être employés et peuvent être autorisés à exercer une activité économique indépendante, sous réserve des limitations prévues au paragraphe 3.

2.   Le cas échéant, les États membres délivrent aux étudiants et/ou aux employeurs une autorisation préalable, conformément au droit national.

3.   Chaque État membre fixe le nombre maximal d’heures de travail autorisées par semaine ou de jours ou de mois de travail autorisés par année pour l’activité concernée, qui ne peut être inférieur à quinze heures par semaine ou à l’équivalent en jours ou en mois par année. Il peut être tenu compte de la situation du marché du travail dans l’État membre concerné. »

11

L’article 34 de ladite directive, intitulé « Garanties procédurales et transparence », est ainsi libellé :

« 1.   Les autorités compétentes de l’État membre concerné adoptent une décision statuant sur la demande d’autorisation ou de renouvellement d’une autorisation et notifient par écrit leur décision au demandeur, conformément aux procédures de notification prévues par le droit national, le plus rapidement possible mais au plus tard dans un délai de 90 jours à compter de la date d’introduction de la demande complète.

2.   Par dérogation au paragraphe 1 du présent article, si la procédure d’admission concerne une entité d’accueil agréée visée aux articles 9 et 15, la décision au sujet de la demande complète est prise le plus rapidement possible mais au plus tard dans un délai de 60 jours.

3.   Si les informations ou les documents fournis à l’appui de la demande sont incomplets, les autorités compétentes précisent au demandeur, dans un délai raisonnable, quelles informations complémentaires sont requises et fixent un délai raisonnable pour la communication de celles-ci. Le délai visé au paragraphe 1 ou 2 est suspendu jusqu’à ce que les autorités compétentes aient reçu les informations complémentaires requises. Si les informations ou les documents complémentaires n’ont pas été fournis dans les délais, la demande peut être rejetée.

4.   Les motifs d’une décision déclarant irrecevable ou rejetant une demande ou refusant un renouvellement sont communiqués par écrit au demandeur. Les motifs d’une décision de retrait d’une autorisation sont communiqués par écrit au ressortissant de pays tiers. Les motifs d’une décision de retrait d’une autorisation peuvent aussi être communiqués par écrit à l’entité d’accueil.

5.   Toute décision déclarant irrecevable ou rejetant une demande ou toute décision de refus de renouvellement ou de retrait d’une autorisation est susceptible d’un recours dans l’État membre concerné, conformément au droit national. La notification écrite indique la juridiction ou l’autorité administrative auprès de laquelle le recours peut être introduit, ainsi que le délai dans lequel il doit être formé. »

12

L’article 35 de la directive 2016/801, intitulé « Transparence et accès à l’information », dispose :

« Les États membres mettent à la disposition des demandeurs, de manière facilement accessible, les informations relatives aux documents justificatifs exigés dans le cadre d’une demande ainsi que les informations relatives aux conditions d’entrée et de séjour, y compris les droits, obligations et garanties procédurales des ressortissants de pays tiers relevant du champ d’application de la présente directive et, le cas échéant, des membres de leur famille. Cela comprend, le cas échéant, l’indication du niveau de ressources suffisantes par mois, y compris des ressources suffisantes pour couvrir les frais d’études ou de formation, sans préjudice d’un examen individuel de chaque cas, ainsi que des droits à acquitter.

Les autorités compétentes dans chaque État membre publient les listes des entités d’accueil agréées aux fins de la présente directive. Des versions actualisées de ces listes sont publiées le plus rapidement possible après toute modification apportée à celles-ci. »

13

L’article 40 de cette directive, intitulé « Transposition », prévoit :

« 1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 23 mai 2018. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Elles contiennent également une mention précisant que les références faites, dans les dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur, aux directives abrogées par la présente directive s’entendent comme faites à la présente directive. Les modalités de cette référence et la formulation de cette mention sont arrêtées par les États membres.

2.   Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

Le droit belge

14

Aux termes de l’article 58 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 ») :

« Lorsque la demande d’autorisation de séjourner plus de trois mois dans le Royaume est introduite auprès d’un poste diplomatique ou consulaire belge par un étranger qui désire faire en Belgique des études dans l’enseignement supérieur ou y suivre une année préparatoire à l’enseignement supérieur cette autorisation doit être accordée si l’intéressé ne se trouve pas dans un des cas prévus à l’article 3, alinéas 1er et 5 à 8, et s’il produit les documents ci-après :

1)

une attestation délivrée par un établissement d’enseignement conformément à l’article 59 ;

2)

la preuve qu’il possède des moyens de subsistance suffisants ;

3)

un certificat médical d’où il résulte qu’il n’est pas atteint d’une des maladies ou infirmités énumérées à l’annexe de la présente loi ;

4)

un certificat constatant l’absence de condamnations pour crimes ou délits de droit commun, si l’intéressé est âgé de plus de 21 ans.

[...] »

15

L’article 39/2, paragraphe 2, de cette loi énonce :

« Le Conseil [du contentieux des étrangers] statue en annulation, par voie d’arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

Le 6 août 2020, la requérante au principal, ressortissante d’un pays tiers, a introduit, sur le fondement de l’article 58 de la loi du 15 décembre 1980, une demande de visa afin d’étudier en Belgique.

17

L’octroi de ce visa lui ayant été refusé par décision du 18 septembre 2020, au motif qu’il découlait des incohérences de son projet d’études une absence d’intention réelle de poursuivre des études en Belgique, la requérante au principal a, le 28 septembre 2020, sollicité l’annulation de cette décision auprès du Conseil du contentieux des étrangers, lequel a rejeté sa demande par arrêt du 23 décembre 2020.

18

Le Conseil du contentieux des étrangers a relevé, dans cet arrêt, que, aux termes de l’article 58 de la loi du 15 décembre 1980, la demande d’autorisation de séjour est introduite par un ressortissant de pays tiers qui « désire faire en Belgique des études dans l’enseignement supérieur ou y suivre une année préparatoire à l’enseignement supérieur ». Il en a déduit que cette disposition impose aux autorités compétentes de vérifier la volonté réelle du demandeur d’étudier en Belgique.

19

Le Conseil du contentieux des étrangers a également estimé qu’il était possible de refuser l’octroi du visa sollicité sur le fondement de cet article 58 si l’intention du demandeur n’est pas d’étudier, même si l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 2016/801 n’avait pas encore été transposé dans l’ordre juridique belge malgré l’expiration du délai de transposition prévu à l’article 40, paragraphe 1, de celle-ci, dès lors que la faculté de rejet prévue à cet article 20, paragraphe 2, sous f), résultait également dudit article 58. Il a ainsi considéré que l’application du même article 58 était conforme audit article 20, paragraphe 2, sous f).

20

Par requête du 19 janvier 2021, la requérante au principal a saisi le Conseil d’État (Belgique), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours en cassation contre ledit arrêt.

21

Dans le cadre de ce recours, elle fait valoir, en premier lieu, que le Conseil du contentieux des étrangers a considéré à tort que l’application de l’article 58 de la loi du 15 décembre 1980, dans les circonstances en cause au principal, était conforme à l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 2016/801, alors que cette dernière disposition n’avait pas été transposée en droit belge et que le droit national ne précise pas les motifs sérieux et objectifs permettant d’établir qu’un ressortissant de pays tiers séjournerait à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission sur le territoire belge.

22

La requérante au principal fait également valoir que, au regard de la définition de la notion d’« étudiant », énoncée à l’article 3, point 3, de cette directive, il est seulement permis de s’assurer que le ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une demande de visa à des fins d’études est admis dans un établissement d’enseignement supérieur, et non pas de vérifier que le demandeur a la volonté d’étudier.

23

L’État belge soutient, en revanche, que cet article 58 reconnaît la faculté pour les autorités compétentes de vérifier l’intention d’étudier du demandeur, conformément au considérant 41 de ladite directive, et ce indépendamment de la transposition de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de celle-ci, de telle sorte qu’il est possible d’exiger toutes les preuves nécessaires pour évaluer la cohérence de la demande d’admission.

24

La juridiction de renvoi est d’avis que, dès lors que l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 2016/801 permet de rejeter la demande introduite sur le fondement de cette directive s’il est avéré que le ressortissant d’un pays tiers a la volonté de séjourner à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission, les États membres sont nécessairement en droit de vérifier que l’intention de ce ressortissant est réellement de poursuivre des études dans l’État membre d’accueil. Toutefois, elle estime qu’il convient d’interroger la Cour à ce sujet, compte tenu de ses doutes et du fait qu’elle statuera en dernier ressort.

25

Par ailleurs, la juridiction de renvoi considère qu’il y a également lieu d’interroger la Cour afin de déterminer si, comme le soutient la requérante au principal, l’application de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de ladite directive requiert, pour justifier le rejet d’une demande de séjour, d’une part, que la réglementation nationale prévoie expressément que cette demande peut être rejetée lorsque l’État membre d’accueil possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que le ressortissant d’un pays tiers a l’intention de séjourner à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission, et d’autre part, que la réglementation nationale précise quels sont les preuves ou les motifs sérieux et objectifs permettant de constater que tel est le cas.

26

En second lieu, la requérante au principal allègue que les modalités du contrôle exercé par le Conseil du contentieux des étrangers, qui se limite à un contrôle de légalité, méconnaissent les exigences découlant du droit de l’Union. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que l’article 34, paragraphe 5, de la directive 2016/801 impose aux États membres de prévoir que les décisions rejetant les demandes de séjour soient susceptibles de recours et estime que les modalités procédurales de ce recours doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité.

27

Elle précise que le recours prévu par le droit belge, à l’article 39/2, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980, est un recours en annulation et qu’il s’agit d’un contrôle de légalité qui ne confère pas de pouvoir de réformation à la juridiction compétente, à savoir le Conseil du contentieux des étrangers, ne lui permettant pas, par conséquent, de substituer son appréciation à celle des autorités administratives compétentes ni de prendre une nouvelle décision à la place de celles-ci. Néanmoins, en cas d’annulation d’une telle décision, ces autorités sont tenues par l’autorité de la chose jugée s’attachant au dispositif de l’arrêt et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire.

28

La requérante au principal faisant valoir que l’absence d’un pouvoir de réformation dans le chef du Conseil du contentieux des étrangers est contraire aux exigences découlant de l’article 34, paragraphe 5, de la directive 2016/801, du principe d’effectivité et de l’article 47 de la Charte, la juridiction de renvoi estime qu’il est nécessaire d’interroger la Cour à cet égard.

29

Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Eu égard à l’article 288 [TFUE], aux articles 14 et 52 de la [Charte], aux articles 3, 5, 7, 11, 20, 34, 35 et 40 de la [directive 2016/801] et à ses [considérants 2 et 60], [ainsi qu’]aux principes de sécurité juridique et de transparence, la faculté de rejet de la demande de séjour, conférée à l’État membre par l’article 20, paragraphe 2, sous f), de cette directive, doit‑elle, pour être utilisée par ledit État [membre], être expressément prévue par sa législation ? Si tel est le cas, les motifs sérieux et objectifs doivent-ils être précisés par sa législation ?

2)

L’examen de la demande de visa pour études impose-t-il à l’État membre de vérifier la volonté et l’intention de l’étranger de faire des études, alors que l’article 3 de la directive [2016/801] définit l’étudiant comme celui qui est admis dans un établissement d’enseignement supérieur et que les motifs de rejet de la demande énoncés à l’article 20, paragraphe 2, sous f), [de cette directive] sont facultatifs et non contraignants comme ceux énoncés à l’article 20, paragraphe 1, de [ladite] directive ?

3)

L’article 47 de la [Charte], le principe d’effectivité et l’article 34, paragraphe 5, de la directive [2016/801] requièrent-ils que le recours, organisé par le droit national contre une décision rejetant une demande d’admission sur le territoire à des fins d’études, permette au juge de substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative et de réformer la décision de cette autorité ou un contrôle de légalité permettant au juge de censurer une illégalité, notamment une erreur manifeste d’appréciation, en annulant la décision de l’autorité administrative est-il suffisant ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les deux premières questions

30

À titre liminaire, il convient d’observer qu’il ressort tant de la demande de décision préjudicielle que des observations soumises à la Cour que l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 2016/801, lequel prévoit que l’État membre concerné peut rejeter une demande lorsqu’il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que le ressortissant de pays tiers séjournerait à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission, n’a fait l’objet d’une transposition expresse en droit belge que postérieurement aux faits en cause au principal.

31

Toutefois, la juridiction de renvoi indique que, dans l’arrêt du 23 décembre 2020 du Conseil du contentieux des étrangers, ce dernier a estimé que, même en l’absence de transposition de cette disposition, les autorités compétentes ont la possibilité, en conformité avec le droit de l’Union, de rejeter une demande de visa pour étudier en Belgique, lorsque l’intention réelle du demandeur n’est pas d’étudier.

32

Par ailleurs, lors de l’audience devant la Cour, tout en confirmant que l’article 20, paragraphe 2, sous f), de cette directive n’avait pas encore été expressément transposé dans le droit national lors de la période pertinente pour le litige en cause au principal, le gouvernement belge a précisé, dans le prolongement de ses observations écrites, dans lesquelles il soutient que les autorités compétentes ont la faculté, indépendamment de la transposition de cette disposition, de vérifier l’intention du ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une demande de visa de suivre des études, que le litige en cause au principal concerne non pas une telle transposition, mais la notion d’« étudiant », telle que définie à l’article 3, point 3, de ladite directive.

33

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2016/801, notamment eu égard à l’article 3, point 3, de celle‑ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’un État membre, alors qu’il n’a pas transposé l’article 20, paragraphe 2, sous f), de cette directive, rejette une demande d’admission sur son territoire à des fins d’études au motif que le ressortissant d’un pays tiers a introduit cette demande sans avoir l’intention réelle d’étudier sur le territoire de cet État membre.

34

En vertu de l’article 5, paragraphe 3, de ladite directive, le ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une telle demande a droit à une autorisation de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné s’il remplit les conditions générales fixées à l’article 7 de la directive 2016/801 et les conditions particulières applicables en fonction du type de demande introduite, en l’occurrence celles prévues à l’article 11 de cette directive pour les demandes d’admission à des fins d’études.

35

Il s’ensuit que, en application de cet article 5, paragraphe 3, les États membres sont tenus de délivrer un titre de séjour à des fins d’études au demandeur ayant satisfait aux exigences figurant aux articles 7 et 11 de ladite directive (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2014, Ben Alaya, C‑491/13, EU:C:2014:2187, point 31).

36

Or, aucune de ces exigences ne fait expressément référence à l’existence d’une intention réelle de suivre des études sur le territoire de l’État membre concerné.

37

Cela étant, selon un principe général du droit de l’Union, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 96 ainsi que jurisprudence citée).

38

Il en découle qu’un État membre doit refuser le bénéfice des dispositions du droit de l’Union lorsque celles-ci sont invoquées non pas en vue de réaliser les objectifs de ces dispositions, mais dans le but de bénéficier d’un avantage du droit de l’Union alors que les conditions pour bénéficier de cet avantage ne sont que formellement remplies (arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 98).

39

Le principe général d’interdiction des pratiques abusives doit, par conséquent, être opposé à une personne lorsque celle-ci se prévaut de certaines règles du droit de l’Union prévoyant un avantage d’une manière qui n’est pas cohérente avec les finalités que visent ces règles (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 102).

40

Il convient encore de préciser que, dans la mesure où des faits frauduleux ou abusifs ne sauraient fonder un droit prévu par l’ordre juridique de l’Union, le refus d’un avantage au titre d’une directive, en l’occurrence la directive 2016/801, ne revient pas à imposer une obligation au particulier concerné en vertu de cette directive, mais n’est que la simple conséquence de la constatation selon laquelle les conditions objectives requises aux fins de l’obtention de l’avantage recherché, prévues par ladite directive en ce qui concerne ce droit, ne sont que formellement remplies (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 119 ainsi que jurisprudence citée).

41

Ainsi, si l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 2016/801 prévoit que l’État membre concerné peut rejeter une demande d’admission sur le territoire introduite sur le fondement de cette directive lorsqu’il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que le ressortissant de pays tiers séjournerait à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission, cette disposition ne saurait être interprétée comme excluant l’application du principe général du droit de l’Union de l’interdiction des pratiques abusives, dans la mesure où l’application de ce principe n’est pas soumise à une exigence de transposition comme le sont les dispositions d’une directive (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 105 ainsi que jurisprudence citée).

42

Le considérant 41 de la directive 2016/801 énonce, au demeurant, que, en cas de doute concernant les motifs de la demande d’admission introduite, les États membres devraient pouvoir procéder aux vérifications appropriées ou exiger les preuves nécessaires notamment pour lutter contre toute utilisation abusive ou frauduleuse de la procédure établie par cette directive.

43

Il résulte de ces éléments qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales de refuser le bénéfice de droits prévus par ladite directive lorsque ceux-ci sont invoqués frauduleusement ou abusivement, et ce quand bien même l’État membre concerné n’aurait pas transposé cet article 20, paragraphe 2, sous f).

44

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives dont il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention (arrêt du 14 janvier 2021, The International Protection Appeals Tribunal e.a., C‑322/19 et C‑385/19, EU:C:2021:11, point 91 ainsi que jurisprudence citée).

45

En l’occurrence, en ce qui concerne l’objectif poursuivi par la directive 2016/801, ses considérants 3 et 14 énoncent, d’une part, que l’immigration en provenance de pays extérieurs à l’Union représente un vivier de personnes hautement qualifiées, et que les étudiants ainsi que les chercheurs, en particulier, sont des catégories de plus en plus prisées et, d’autre part, que, afin de promouvoir l’Europe dans son ensemble comme centre mondial d’excellence pour les études et la formation, cette directive vise à améliorer et à simplifier les conditions d’entrée et de séjour des personnes qui souhaitent s’y rendre à ces fins.

46

En ce sens, ladite directive vise, en particulier, ainsi qu’il ressort de l’article 3, point 3, et de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, à autoriser les ressortissants de pays tiers à séjourner sur le territoire d’un État membre lorsqu’ils ont été admis dans un établissement d’enseignement supérieur de l’État membre concerné et ce pour y suivre, à titre d’activité principale, un cycle d’études à plein temps menant à l’obtention d’un titre d’enseignement supérieur reconnu par cet État membre.

47

Dès lors, lorsqu’est en cause une demande d’admission à des fins d’études, le constat d’une pratique abusive exige d’établir, à la lumière de toutes les circonstances spécifiques du cas d’espèce, que, nonobstant le respect formel des conditions générales et particulières, respectivement établies aux articles 7 et 11 de la directive 2016/801, ouvrant droit à un titre de séjour à des fins d’études, le ressortissant de pays tiers concerné a introduit sa demande d’admission sans avoir réellement l’intention de suivre, à titre d’activité principale, un cycle d’études à plein temps menant à l’obtention d’un titre d’enseignement supérieur reconnu par cet État membre.

48

S’agissant des circonstances permettant d’établir le caractère abusif d’une demande d’admission, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où, à la date de l’introduction de la demande d’autorisation de séjour, le ressortissant de pays tiers n’a, par hypothèse, pas encore commencé le cycle d’études identifié dans cette demande et, par conséquent, ne peut avoir eu la possibilité de concrétiser son intention de suivre, à titre d’activité principale, un cycle d’études à plein temps menant à l’obtention d’un titre d’enseignement supérieur reconnu par cet État membre, une demande d’admission ne saurait être rejetée que si ce caractère abusif ressort de manière suffisamment manifeste de l’ensemble des éléments pertinents dont les autorités compétentes disposent pour évaluer cette demande.

49

Dans le cadre de l’article 267 TFUE, la Cour n’a pas compétence pour apprécier les faits et appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée. Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de procéder aux qualifications juridiques nécessaires pour la solution du litige au principal. En revanche, il incombe à la Cour de lui fournir toutes les indications nécessaires en vue de la guider dans cette appréciation [arrêt du 19 octobre 2023, Lufthansa CityLine, C‑660/20, EU:C:2023:789, point 55 et jurisprudence citée].

50

À cet égard, il peut être relevé, d’une part, qu’il ressort de l’article 24 de la directive 2016/801 que celle-ci ne s’oppose pas à ce que les ressortissants de pays tiers ayant sollicité une autorisation de séjour à des fins d’études puissent, en dehors du temps dévolu aux études et sous réserve du respect des conditions qui sont indiquées à cette disposition, être employés ou exercer une activité économique indépendante dans ledit État membre. Partant, ne saurait être considéré comme étant nécessairement l’indice d’une pratique abusive le fait que le ressortissant de pays tiers ayant introduit la demande d’admission à des fins d’études aurait également l’intention de mener une activité autre sur le territoire de l’État membre concerné, notamment si cette dernière n’affecte pas la poursuite des études, à titre d’activité principale, justifiant cette demande.

51

En revanche, dans le cas où le demandeur se serait engagé à exercer une activité, notamment d’ordre professionnel, dont la réalisation paraîtrait manifestement incompatible avec la poursuite, à titre d’activité principale, d’un cycle d’études à plein temps menant à l’obtention d’un titre d’enseignement supérieur reconnu par cet État membre, cet engagement pourrait constituer un élément de nature à susciter un doute sur les motifs réels de la demande d’admission et, le cas échéant, à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce, l’indice que le ressortissant de pays tiers aurait l’intention de séjourner à d’autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission.

52

D’autre part, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, le considérant 41 de la directive 2016/801 précise que, en cas de doute concernant les motifs de la demande d’admission, les États membres doivent pouvoir procéder aux vérifications appropriées ou exiger les preuves nécessaires pour évaluer au cas par cas, notamment, les études que le ressortissant de pays tiers à l’intention de suivre.

53

Les incohérences du projet d’étude du demandeur peuvent donc également constituer une des circonstances objectives participant au constat d’une pratique abusive, au motif que la demande de celui-ci tend, en réalité, à d’autres fins que la poursuite d’études, pour autant que ces incohérences revêtent un caractère suffisamment manifeste et qu’elles soient appréciées à la lumière de toutes les circonstances spécifiques du cas d’espèce. Ainsi, une circonstance qui peut être considérée comme étant ordinaire au cours d’études supérieures, telle qu’une réorientation, ne saurait suffire à elle seule pour établir que le ressortissant de pays tiers ayant introduit une demande d’admission à des fins d’études est dépourvu d’une intention réelle d’étudier sur le territoire de cet État membre. De la même manière, la seule circonstance que les études envisagées ne soient pas directement en lien avec les objectifs professionnels poursuivis n’est pas nécessairement indicative d’une absence de volonté de suivre effectivement les études justifiant la demande d’admission.

54

Cela étant, il importe de souligner que, dès lors que les circonstances permettant de conclure au caractère abusif d’une demande d’admission à des fins d’études sont nécessairement propres à chaque cas d’espèce, comme cela a été relevé au point 47 du présent arrêt, une liste exhaustive des éléments pertinents à cet égard ne saurait être établie. Partant, le caractère éventuellement abusif d’une demande d’admission à des fins d’études ne saurait être présumé au regard de certains éléments, mais doit être évalué au cas par cas, à l’issue d’une appréciation individuelle de l’ensemble des circonstances propres à chaque demande.

55

À cet égard, y compris dans les circonstances visées aux points 50 à 53 du présent arrêt, il appartient aux autorités compétentes de procéder à toutes les vérifications appropriées et d’exiger les preuves nécessaires à une évaluation individuelle de cette demande, le cas échéant en invitant le demandeur à fournir des précisions et des explications à cet égard.

56

Dans ce contexte, il y a encore lieu de préciser, d’une part, que, si les motifs de refus pertinents doivent être liés aux circonstances propres à la demande concernée, cela n’a toutefois pas pour effet de dispenser les autorités compétentes de l’obligation de communiquer ces motifs par écrit au demandeur, comme le prévoit l’article 34, paragraphes 1 et 4, de la directive 2016/801.

57

D’autre part, les considérations qui précèdent sont sans préjudice de la possibilité pour les États membres de constater et de sanctionner, par un retrait de l’autorisation ou un refus de renouvellement de celle-ci, une éventuelle pratique abusive après que le séjour a été autorisé, ainsi que le prévoit l’article 21 de la même directive.

58

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que la directive 2016/801, notamment eu égard à l’article 3, point 3, de celle‑ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un État membre, alors qu’il n’a pas transposé l’article 20, paragraphe 2, sous f), de cette directive, rejette une demande d’admission sur son territoire à des fins d’études au motif que le ressortissant d’un pays tiers a introduit cette demande sans avoir l’intention réelle d’étudier sur le territoire de cet État membre, en application du principe général du droit de l’Union de l’interdiction des pratiques abusives.

Sur la troisième question

59

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 34, paragraphe 5, de la directive 2016/801, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le recours contre une décision prise par les autorités compétentes rejetant une demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études consiste exclusivement en un recours en annulation, sans que la juridiction saisie de ce recours dispose du pouvoir de substituer, le cas échéant, son appréciation à celle des autorités compétentes ou d’adopter une nouvelle décision.

60

Aux termes de l’article 34, paragraphe 5, de cette directive, toute décision déclarant irrecevable ou rejetant une demande ou toute décision de refus de renouvellement ou de retrait d’une autorisation est susceptible d’un recours dans l’État membre concerné, conformément au droit national.

61

Il en ressort que, en cas de décision rejetant une demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études, cet article 34, paragraphe 5, confère expressément au ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une telle demande la possibilité de former un recours conformément à la législation nationale de l’État membre qui a pris cette décision (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2021, Konsul Rzeczypospolitej Polskiej w N., C‑949/19, EU:C:2021:186, point 41).

62

À cet égard, il convient de rappeler que les caractéristiques de la procédure de recours visée à l’article 34, paragraphe 5, de la directive 2016/801 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte (arrêt du 10 mars 2021, Konsul Rzeczypospolitej Polskiej w N., C‑949/19, EU:C:2021:186, point 44).

63

Or, le droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte, serait illusoire si l’ordre juridique d’un État membre permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, points 35 et 36). Cela est tout particulièrement vrai lorsque l’obtention du bénéfice effectif des droits découlant du droit de l’Union, tels que reconnus par une décision juridictionnelle, implique le respect d’impératifs de temps.

64

Ainsi, lorsqu’est en cause une décision administrative nationale qui, afin d’assurer le respect du bénéfice effectif des droits de l’intéressé découlant du droit de l’Union, doit impérativement être adoptée avec célérité, il ressort de la nécessité, découlant de l’article 47 de la Charte, d’assurer l’effectivité du recours introduit contre la décision administrative initiale rejetant la demande de celui-ci, que chaque État membre doit aménager son droit national de telle manière que, en cas d’annulation de celle-ci, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, point 59 et jurisprudence citée).

65

Il s’ensuit que, pour ce qui est des demandes d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études, le fait que la juridiction saisie est compétente pour statuer seulement en annulation sur la décision des autorités compétentes rejetant une telle demande, sans pouvoir substituer son appréciation à celle de ces autorités ou adopter une nouvelle décision, suffit, en principe, à satisfaire les exigences de l’article 47 de la Charte, à condition que, le cas échéant, lesdites autorités soient liées par l’appréciation contenue dans le jugement qui prononcerait l’annulation de cette décision.

66

En outre, si, dans le cadre d’un tel recours, la juridiction saisie dispose uniquement d’un pouvoir d’annulation de la décision des autorités compétentes rejetant une telle demande d’admission, il doit être veillé à ce que les conditions dans lesquelles ce recours est exercé et, le cas échéant, le jugement adopté à l’issue de celui-ci est exécuté soient telles qu’elles permettent, en principe, l’adoption d’une nouvelle décision dans un bref délai, de telle manière que le ressortissant de pays tiers suffisamment diligent puisse bénéficier de la pleine effectivité des droits qu’il tire de la directive 2016/801.

67

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 34, paragraphe 5, de cette directive, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que le recours contre une décision prise par les autorités compétentes rejetant une demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études consiste exclusivement en un recours en annulation, sans que la juridiction saisie de ce recours dispose du pouvoir de substituer, le cas échéant, son appréciation à celle des autorités compétentes ou d’adopter une nouvelle décision, pour autant que les conditions dans lesquelles ce recours est exercé et, le cas échéant, le jugement adopté à l’issue de celui-ci est exécuté soient de nature à permettre l’adoption d’une nouvelle décision dans un bref délai, conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation, de telle manière que le ressortissant d’un pays tiers suffisamment diligent soit en mesure de bénéficier de la pleine effectivité des droits qu’il tire de la directive 2016/801.

Sur les dépens

68

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

1)

La directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2016, relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, notamment eu égard à l’article 3, point 3, de celle-ci,

doit être interprétée en ce sens que :

elle ne s’oppose pas à ce qu’un État membre, alors qu’il n’a pas transposé l’article 20, paragraphe 2, sous f), de cette directive, rejette une demande d’admission sur son territoire à des fins d’études au motif que le ressortissant d’un pays tiers a introduit cette demande sans avoir l’intention réelle d’étudier sur le territoire de cet État membre, en application du principe général du droit de l’Union de l’interdiction des pratiques abusives.

 

2)

L’article 34, paragraphe 5, de la directive 2016/801, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce que le recours contre une décision prise par les autorités compétentes rejetant une demande d’admission sur le territoire d’un État membre à des fins d’études consiste exclusivement en un recours en annulation, sans que la juridiction saisie de ce recours dispose du pouvoir de substituer, le cas échéant, son appréciation à celle des autorités compétentes ou d’adopter une nouvelle décision, pour autant que les conditions dans lesquelles ce recours est exercé et, le cas échéant, le jugement adopté à l’issue de celui‑ci est exécuté soient de nature à permettre l’adoption d’une nouvelle décision dans un bref délai, conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation, de telle manière que le ressortissant d’un pays tiers suffisamment diligent soit en mesure de bénéficier de la pleine effectivité des droits qu’il tire de la directive 2016/801.

 

Regan

Csehi

Jarukaitis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juillet 2024.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

E. Regan


( *1 ) Langue de procédure : le français.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.

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