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Document 62023CC0579

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 27 juin 2024.


Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:561

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 27 juin 2024 ( 1 )

Affaire C‑579/23 P

Cunsorziu di i Salamaghji Corsi – Consortium des Charcutiers Corses,

Charcuterie Fontana,

Costa et fils,

L’Aziana,

Charcuterie Passoni,

Orezza – Charcuterie la Castagniccia,

Salaisons réunies,

Salaisons Joseph Pantaloni,

Antoine Semidei,

L’Atelu Corsu

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Agriculture – Règlement (UE) no 1151/2012 – Protection des appellations d’origine (AOP) et des indications géographiques (IGP) – Rejet des demandes “Jambon sec de l’Île de Beauté”, “Lonzo de l’Île de Beauté” et “Coppa de l’Île de Beauté” – Éligibilité des dénominations – Évocation des AOP antérieures “Jambon sec de Corse/Prisuttu”, “Lonzo de Corse/Lonzu” et “Coppa de Corse/Coppa di Corsica” – Étendue du contrôle par la Commission européenne de la demande d’enregistrement »

1.

Le présent pourvoi est dirigé contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2023 ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté le recours en annulation formé contre la décision d’exécution (UE) 2021/1879 ( 3 ), refusant l’enregistrement de trois indications géographiques protégées (ci-après les « IGP »).

2.

L’Union européenne dispose d’un système très développé de protection des dénominations enregistrées de produits agricoles et de denrées alimentaires ( 4 ). Ce système vient d’être renforcé, modifié et unifié à compter du 13 mai 2024 par le règlement (UE) 2024/1143 ( 5 ), qui établit un régime plus uniformisé pour les indications géographiques relatives au vin, aux boissons spiritueuses ainsi qu’aux produits agricoles et qui abroge le règlement no 1151/2012. Ce nouveau règlement 2024/1143 n’est pas applicable au présent litige, mais ses dispositions sont quasiment identiques à celles du règlement no 1151/2012 en ce qui concerne les questions soulevées en l’espèce.

3.

Le règlement no 1151/2012 a créé un système commun et centralisé de protection pour l’ensemble de l’Union, qu’il s’agisse des appellations d’origine protégées (ci-après les « AOP ») ou des IGP.

4.

Les demandes de protection des IGP sont traitées selon une procédure administrative composite, dans laquelle interviennent les autorités nationales et la Commission européenne.

5.

Jusqu’à présent, la Cour a essentiellement examiné des litiges relatifs à la phase « nationale » de cette procédure. Le présent pourvoi lui permettra de déterminer dans quelle mesure la Commission peut refuser, lors de la phase « européenne » de la procédure, l’inscription dans le registre ( 6 ) de plusieurs IGP préalablement approuvées par les autorités françaises.

I. Le cadre juridique : le règlement no 1151/2012

6.

Le considérant 58 de ce règlement énonce ce qui suit :

« Afin de veiller à ce que les dénominations enregistrées des appellations d’origine et indications géographiques et des spécialités traditionnelles garanties satisfassent aux conditions établies par le présent règlement, il convient que l’examen des demandes soit effectué par les autorités nationales de l’État membre concerné, dans le respect de dispositions communes minimales incluant une procédure nationale d’opposition. Il convient que la Commission procède ensuite à un examen approfondi des demandes afin de s’assurer qu’elles ne comportent pas d’erreurs manifestes et qu’elles ont tenu compte du droit de l’Union et des intérêts des parties prenantes en dehors de l’État membre de demande. »

7.

L’article 13 dudit règlement, intitulé « Protection », dispose :

« 1.   Les dénominations enregistrées sont protégées contre :

[...]

b)

toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;

[...]

3.   Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale visée au paragraphe 1 d’appellations d’origine protégées ou d’indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire.

[...] »

8.

L’article 49 du règlement no 1151/2012, intitulé « Demande d’enregistrement de dénominations », se lit comme suit :

« 1.   Les demandes d’enregistrement de dénominations au titre des systèmes de qualité visés à l’article 48 ne peuvent être présentées que par des groupements travaillant avec les produits dont la dénomination doit être enregistrée. [...]

[...]

2.   Lorsque la demande au titre du système énoncé au titre II concerne une aire géographique dans un État membre ou lorsqu’une demande au titre du système énoncé au titre III est préparée par un groupement établi dans un État membre, la demande est adressée aux autorités de cet État membre.

L’État membre examine la demande par les moyens appropriés afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions du système correspondant.

3.   Dans le cadre de l’examen visé au paragraphe 2, deuxième alinéa, du présent article, l’État membre entame une procédure nationale d’opposition garantissant une publicité suffisante de la demande et octroyant une période raisonnable pendant laquelle toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et établie ou résidant sur son territoire peut déclarer son opposition à la demande.

L’État membre examine la recevabilité des oppositions reçues au titre du système énoncé au titre II à la lumière des critères visés à l’article 10, paragraphe 1, ou la recevabilité des oppositions reçues au titre du système énoncé au titre III à la lumière des critères visés à l’article 21, paragraphe 1.

4.   Si, après avoir évalué les déclarations d’opposition reçues, l’État membre considère que les exigences du présent règlement sont respectées, il peut rendre une décision favorable et déposer un dossier de demande auprès de la Commission. Dans ce cas, il informe la Commission des oppositions recevables déposées par une personne physique ou morale ayant légalement commercialisé les produits en question en utilisant les dénominations concernées de façon continue pendant au moins cinq ans précédant la date de publication visée au paragraphe 3.

L’État membre veille à ce que sa décision favorable soit portée à la connaissance du public et à ce que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime dispose de voies de recours.

L’État membre veille à ce que la version du cahier des charges du produit sur laquelle il a fondé sa décision favorable soit publiée et soit accessible par voie électronique.

En ce qui concerne les appellations d’origine protégée et les indications géographiques protégées, l’État membre veille également à ce que soit publiée la version du cahier des charges du produit sur laquelle la Commission prend sa décision conformément à l’article 50, paragraphe 2.

5.   Lorsque la demande au titre du système énoncé au titre II concerne une aire géographique dans un pays tiers ou lorsqu’une demande au titre du système énoncé au titre III est préparée par un groupement établi dans un pays tiers, la demande est déposée auprès de la Commission, soit directement, soit par l’intermédiaire des autorités du pays tiers concerné.

[...] »

9.

L’article 50 du règlement no 1151/2012, intitulé « Examen par la Commission et publication aux fins d’opposition », dispose :

« 1.   La Commission examine par des moyens appropriés toute demande qu’elle reçoit conformément à l’article 49, afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions du système correspondant. Cet examen ne devrait pas durer plus de six mois. Lorsque ce délai est dépassé, la Commission indique par écrit les raisons de ce retard au demandeur.

Au moins une fois par mois, la Commission rend publique la liste des dénominations ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement, ainsi que la date de leur dépôt.

[...] »

10.

L’article 52 de ce règlement, intitulé « Décision concernant l’enregistrement », énonce :

« 1.   Lorsque, sur la base des informations dont elle dispose et à partir de l’examen effectué conformément à l’article 50, paragraphe 1, premier alinéa, la Commission estime que les conditions requises pour l’enregistrement ne sont pas remplies, elle adopte des actes d’exécution rejetant la demande. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 57, paragraphe 2.

2.   Si la Commission ne reçoit aucun acte d’opposition ou aucune déclaration d’opposition motivée recevable au titre de l’article 51, elle adopte des actes d’exécution sans appliquer la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, pour enregistrer la dénomination.

3.   Si la Commission reçoit une déclaration d’opposition motivée recevable, elle procède, à la suite des consultations appropriées visées à l’article 51, paragraphe 3, et compte tenu des résultats de ces consultations :

a)

si un accord a été trouvé, à l’enregistrement de la dénomination au moyen d’actes d’exécution adoptés sans appliquer la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, et, si nécessaire, à la modification des informations publiées en vertu de l’article 50, paragraphe 2, pour autant que les changements ne soient pas substantiels ; ou

b)

si aucun accord n’a pu être trouvé, à l’adoption d’actes d’exécution décidant de l’enregistrement. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 57, paragraphe 2.

4.   Les actes d’enregistrement et les décisions de rejet sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne. »

II. Antécédents du litige

11.

Le contexte dans lequel le litige s’inscrit est présenté aux points 4 à 9 de l’arrêt attaqué en des termes que je résume ci-après.

12.

Les dénominations « Jambon sec de Corse »/« Jambon sec de Corse – Prisuttu », « Lonzo de Corse »/« Lonzo de Corse – Lonzu » et « Coppa de Corse »/« Coppa de Corse – Coppa di Corsica » ont fait l’objet d’un enregistrement en tant qu’AOP le 28 mai 2014 par trois règlements d’exécution ( 7 ).

13.

Au mois de décembre 2015, le Consortium des Charcutiers Corses a déposé sept demandes d’enregistrement en tant qu’IGP auprès des autorités nationales françaises, en application du règlement no 1151/2012. Les sept demandes portaient sur les dénominations suivantes : « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Coppa de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté », « Saucisson sec de l’Île de Beauté », « Pancetta de l’Île de Beauté », « Figatelli de l’Île de Beauté » et « Bulagna de l’Île de Beauté ».

14.

Le 20 avril 2018, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (France) et le ministre de l’Économie et des Finances (France) ont pris sept arrêtés procédant à l’homologation des sept cahiers des charges correspondants en vue de leur transmission à la Commission pour approbation.

15.

Par requêtes introduites le 27 juin 2018 devant le Conseil d’État (France), le syndicat détenteur ( 8 ) des cahiers des charges des AOP « Jambon sec de Corse – Prisuttu », « Coppa de Corse – Coppa di Corsica » et « Lonzo de Corse – Lonzu » a demandé l’annulation des arrêtés du 20 avril 2018 concernant l’homologation des cahiers des charges des dénominations « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Coppa de l’Île de Beauté » et « Lonzo de l’Île de Beauté ». Selon ce syndicat, parmi d’autres motifs, le terme « Île de Beauté » imitait ou évoquait le terme « Corse » et introduisait donc une confusion avec les dénominations déjà enregistrées en tant qu’AOP.

16.

Le 17 août 2018, les autorités françaises ont transmis à la Commission les sept demandes d’enregistrement en tant qu’IGP des dénominations de produits de charcuterie corse.

17.

Pour ce qui est des demandes d’enregistrement en tant qu’IGP des dénominations « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté » et « Coppa de l’Île de Beauté », la Commission a envoyé deux lettres, le 12 février 2019 et le 24 novembre 2020, aux autorités françaises demandant des éclaircissements, notamment en ce qui concernait la question de leur éventuelle inéligibilité.

18.

Les autorités nationales ont répondu qu’elles considéraient que les deux groupes de produits (c’est-à-dire les AOP enregistrées et les demandes de protection en tant qu’IGP) étaient clairement différents en ce qui concerne les produits et que les dénominations leur paraissaient suffisamment distinctes.

19.

Par un arrêt du 19 décembre 2019 [relatif à la dénomination « Jambon sec de l’Île de Beauté » (IGP)], et deux arrêts du 13 février 2020 [relatifs respectivement aux dénominations « Coppa de l’Île de Beauté » (IGP) et « Lonzo de l’Île de Beauté » (IGP)], le Conseil d’État a rejeté les trois requêtes introduites par le syndicat de gestion des AOP.

20.

Le Conseil d’État a considéré en particulier que « [l]es requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions [...] de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 1151/2012] » (point 5 des trois arrêts du Conseil d’État).

21.

Après avoir analysé les demandes d’enregistrement des sept IGP de produits de charcuterie corse, la Commission a refusé l’enregistrement de trois d’entre elles par la décision d’exécution 2021/1879. Elle a en revanche approuvé les quatre autres demandes transmises par les autorités françaises ( 9 ).

III. La procédure devant le Tribunal

22.

Le 20 janvier 2022, le Consortium des Charcutiers Corses et plusieurs producteurs associés ont introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

23.

Le 12 juillet 2023, le Tribunal a rejeté le recours en annulation et condamné les requérants aux dépens.

24.

Les requérants avaient soulevé deux moyens d’annulation, tirés : a) de ce que la Commission aurait outrepassé ses compétences, et b) d’une démonstration suffisante par les autorités nationales et le Conseil d’État de la conformité des trois demandes d’enregistrement aux articles 7 et 13 du règlement no 1151/2012.

25.

Les motifs qui, selon le Tribunal, ont conduit au rejet du recours sont, en résumé, les suivants :

la Commission, à qui il appartient, conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, de refuser l’enregistrement demandé si elle estime que les conditions requises ne sont pas remplies, ne saurait être tenue d’accorder l’enregistrement d’une dénomination lorsqu’elle considère que l’utilisation de celle-ci dans le commerce est illégale ;

la question de l’évocation est sous-jacente à l’éligibilité à l’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1151/2012. Cette disposition, lue en combinaison avec l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, constitue un fondement légal valable pour le refus d’enregistrement d’une dénomination ( 10 ) ;

même si les autorités nationales considèrent, lorsqu’elles la transmettent à la Commission, qu’une demande d’enregistrement remplit les conditions posées par le règlement no 1151/2012, la Commission n’est pas liée par l’appréciation de ces autorités ;

la Commission dispose, lors de l’enregistrement d’une dénomination en tant qu’AOP ou IGP, d’une marge d’appréciation autonome, dès lors qu’elle est tenue de vérifier, conformément à l’article 50 du règlement no 1151/2012, que les conditions d’enregistrement sont remplies ;

dans le cas des IGP corses, la Commission avait procédé à un examen exhaustif des demandes des requérants ;

la Commission n’a pas outrepassé ses compétences en rejetant les demandes d’IGP transmises par les autorités françaises ( 11 ). La Commission dispose d’une marge d’appréciation différente selon qu’il s’agit de la première étape de la procédure (celle au cours de laquelle sont réunies les pièces constitutives du dossier de la demande d’enregistrement que les autorités nationales transmettront éventuellement à la Commission) ou de la seconde étape de cette procédure (celle qui correspond à son propre examen de cette demande) ;

alors que, lors de la première de ces deux phases, la Commission n’a qu’une marge d’appréciation « limitée, voire inexistante », tel n’est pas le cas en ce qui concerne sa décision d’enregistrer une dénomination en tant qu’AOP ou IGP au regard des conditions d’éligibilité prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1151/2012, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Dans ce dernier cas, la Commission dispose d’une marge d’appréciation autonome ;

la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en estimant que les trois IGP rejetées évoquent les dénominations protégées par les AOP antérieures, dès lors qu’il est admis que les termes « Corse » et « Île de Beauté » sont synonymes et désignent la même aire géographique. La proximité conceptuelle entre les deux termes est effectivement avérée.

IV. La procédure devant la Cour

26.

Le 19 septembre 2023, le Consortium des Charcutiers Corses et les producteurs associés ont formé le présent pourvoi.

27.

Les requérants concluent à ce qu’il plaise à la Cour :

annuler l’arrêt attaqué ;

annuler la décision litigieuse ;

condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre de la procédure en première instance et du pourvoi.

28.

Pour sa part, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

rejeter le pourvoi ;

condamner les requérants aux dépens.

29.

À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens :

la violation des articles 7 et 13 du règlement no 1151/2012 ;

la violation des articles 49, 50 et 52 du règlement no 1151/2012 ;

la violation de l’article 50 du règlement no 1151/2012 et du principe général de bonne administration ;

la violation des articles 7 et 13 du règlement no 1151/2012 et de l’obligation de motivation, dans le cadre de l’appréciation que le Tribunal a opérée.

30.

La Cour a jugé nécessaire que des conclusions soient présentées sur les deux premiers de ces moyens. Je les examinerai en commençant par le deuxième qui, sur le plan logique, me paraît prioritaire, car il a trait aux compétences de la Commission plutôt qu’au fond de sa décision.

V. Sur le deuxième moyen du pourvoi

A.   Argumentation des parties

31.

Les requérants font grief au Tribunal d’avoir méconnu la répartition des compétences entre les autorités nationales et la Commission, telle qu’elle est prévue aux articles 49 et 50 du règlement no 1151/2012 pour la procédure d’enregistrement d’une IGP ( 12 ).

32.

Selon eux, la Commission jouit d’une marge d’appréciation limitée dans le cadre de la procédure d’enregistrement et dispose uniquement de la possibilité de vérifier la régularité formelle de la demande d’IGP transmise par les autorités nationales et d’examiner si celles-ci ont commis une erreur manifeste lors de la phase nationale de la procédure.

33.

La Commission réfute cette argumentation et confirme la pertinence du raisonnement et de la solution retenus par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

B.   Appréciation

34.

L’enregistrement d’une IGP fait l’objet d’une procédure administrative composite, avec l’intervention des autorités compétentes de l’État membre et de la Commission. C’est ce que souligne le considérant 58 du règlement no 1151/2012 ( 13 ).

35.

La procédure d’enregistrement des IGP ( 14 ) comporte une première phase nationale, régie par l’article 49 du règlement no 1151/2012. Elle commence par la demande d’enregistrement de l’IGP, présentée par le groupement de producteurs concerné aux autorités de l’État membre où la zone de production est située géographiquement.

36.

L’autorité nationale doit examiner la demande par les moyens appropriés afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions de fond du règlement no 1151/2012 ( 15 ). L’État membre doit garantir une publicité suffisante de la demande et octroyer une période raisonnable pendant laquelle toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et établie ou résidant sur son territoire peut déclarer son opposition ( 16 ).

37.

Les autorités nationales évaluent les déclarations d’opposition reçues et déterminent si la demande respecte les exigences du règlement no 1151/2012. Si leur évaluation est positive, elles rendent une décision favorable. Elles s’assurent également que le cahier des charges sur lequel elles ont fondé leur décision favorable est publié et est accessible par voie électronique ( 17 ). L’État membre veille en outre à ce que sa décision favorable soit portée à la connaissance du public et à ce que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime dispose de voies de recours ( 18 ).

38.

Si la décision de l’autorité nationale est favorable, la phase nationale se conclut par la transmission à la Commission du dossier de demande d’enregistrement de l’IGP, accompagné des oppositions recevables déposées ( 19 ).

39.

Lorsqu’il s’agit de demandes d’enregistrement d’IGP provenant d’États tiers, il n’existe logiquement pas de phase nationale. La procédure se déroule devant la Commission, qui concentre tout le pouvoir décisionnel ( 20 ).

40.

La phase européenne de la procédure d’enregistrement d’une IGP, régie par l’article 50 du règlement no 1151/2012, débute par l’examen que doit effectuer la Commission, une fois la décision nationale reçue, afin de vérifier que la demande est justifiée et qu’elle remplit les conditions prévues pour les IGP.

41.

Si, à la suite de cet examen (qui ne doit pas durer plus de six mois), la Commission considère que « les conditions requises pour l’enregistrement ne sont pas remplies », elle rejette la demande d’enregistrement de l’IGP ( 21 ). Si, au contraire, elle l’accueille, elle publie au JO le document unique et la référence à la publication du cahier des charges du produit ( 22 ).

42.

Après la publication au JO, les autorités d’un État membre ou d’un pays tiers ou une personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et étant établie dans un pays tiers peuvent déposer un acte d’opposition. La Commission transmet cet acte à l’autorité de l’État membre qui avait déposé la demande ( 23 ) et une procédure est ouverte si cette opposition est confirmée ( 24 ).

43.

Si elle ne reçoit aucun acte d’opposition (ou aucune déclaration d’opposition motivée recevable), la Commission adopte la décision d’enregistrer l’IGP. Elle procède de la même manière si, après qu’elle a reçu une déclaration d’opposition motivée recevable, un accord a été trouvé à la suite des consultations visées à l’article 51, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012. Si aucun accord n’a pu être trouvé, la Commission adopte, le cas échéant, les actes d’exécution décidant de l’enregistrement de l’IGP ( 25 ).

44.

En tout état de cause, les actes d’enregistrement et les décisions de refus d’enregistrement de l’IGP sont publiés au JO ( 26 ).

45.

La Cour a eu l’occasion de préciser dans sa jurisprudence les caractéristiques de cette procédure administrative composite. À la différence des procédures composites existant dans le cadre de l’union bancaire ( 27 ) (où la phase nationale est simplement préparatoire par rapport à la phase européenne, dans laquelle l’institution ou l’organe de l’Union concentre le pouvoir décisionnel), la phase nationale de la procédure d’enregistrement d’une IGP est dotée d’une substance propre, puisque les autorités nationales adoptent des décisions produisant des effets pour les tiers (et non pas simplement préparatoires), soumises au contrôle des juridictions nationales.

46.

Dans l’arrêt GAEC Jeanningros ( 28 ), la Cour a consolidé sa jurisprudence relative à la phase nationale des procédures d’enregistrement des IGP. Elle a notamment souligné que les autorités de l’État membre concerné disposent d’un pouvoir de décision spécifique et autonome au cours de cette phase nationale.

47.

Selon la Cour, « le règlement no 1151/2012 instaure un système de partage des compétences, en ce sens que, en particulier, la décision d’enregistrer une dénomination en tant qu’indication géographique protégée ne peut être prise par la Commission que si l’État membre concerné lui a soumis une demande à cette fin et qu’une telle demande ne peut être faite que si cet État membre a vérifié qu’elle était justifiée. Ce système de partage des compétences s’explique notamment par le fait que l’enregistrement d’une indication géographique protégée présuppose la vérification qu’un certain nombre de conditions sont réunies, ce qui exige, dans une large mesure, des connaissances approfondies d’éléments particuliers audit État membre, que les autorités compétentes de celui-ci sont les mieux placées pour vérifier » ( 29 ).

48.

En vertu de cette jurisprudence, l’autorité nationale a le contrôle de la procédure d’enregistrement d’une IGP, ce qui se justifie notamment ( 30 ) par les raisons suivantes :

les groupements de producteurs doivent engager cette procédure devant l’autorité nationale compétente de l’État membre sur le territoire duquel l’IGP est située. Ces groupements ne peuvent pas présenter directement leur demande à la Commission ;

l’autorité nationale vérifie la compatibilité de la demande avec les conditions de fond du règlement no 1151/2012, puisque c’est elle qui dispose des connaissances les plus approfondies pour vérifier les particularités des produits qui aspirent à la protection d’une IGP ;

l’autorité de l’État membre est compétente pour approuver ou rejeter la demande d’enregistrement de l’IGP au niveau national. C’est donc elle qui détient la clé pour ouvrir l’étape ultérieure de la procédure en transmettant la demande à la Commission. Sans décision favorable de l’autorité nationale, la Commission ne peut enregistrer une IGP ;

l’autorité nationale peut retirer la demande d’enregistrement de l’IGP présentée à la Commission avant que celle‑ci ne l’enregistre.

49.

Dès lors que le contrôle de la phase nationale de cette procédure composite incombe à l’autorité nationale, ses décisions ne sont pas de simples actes préparatoires à la décision ultérieure de la Commission, mais sont dotées d’une substance propre et produisent des effets juridiques pour les demandeurs d’une l’IGP. C’est pourquoi la Cour admet le contrôle, par les juges nationaux, des décisions des autorités nationales relatives à l’enregistrement d’une IGP ( 31 ).

50.

Selon les requérants, le fait que la phase nationale de la procédure soit dotée d’une substance propre affaiblit sa phase européenne au point que la Commission devrait se limiter à contrôler que le dossier transmis par l’autorité nationale est complet et à vérifier que cette autorité nationale n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

51.

En se fondant sur cette prémisse, et dès lors que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas jugé que la Commission disposait d’une marge d’appréciation aussi réduite dans le cadre de la phase européenne de la procédure, les requérants affirment qu’il a commis une erreur de droit en interprétant les articles 49 et 50 du règlement no 1151/2012.

52.

Je considère, au contraire, que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

53.

La Commission procède à l’examen des demandes transmises par les autorités nationales « afin de s’assurer qu’elles ne comportent pas d’erreurs manifestes et qu’elles ont tenu compte du droit de l’Union et des intérêts des parties prenantes en dehors de l’État membre de demande » ( 32 ).

54.

L’article 50, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012 confirme que la Commission « examine par des moyens appropriés toute demande qu’elle reçoit conformément à l’article 49, afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions du système correspondant ». À l’issue de cet examen, la Commission peut rejeter la demande lorsqu’elle « estime que les conditions requises pour l’enregistrement ne sont pas remplies » (article 52, paragraphe 1, de ce règlement).

55.

Bien que le règlement no 1151/2012 ne définisse pas la notion d’« examen “par des moyens appropriés” », la lecture des dispositions de ce règlement mentionnées jusqu’ici dans les présentes conclusions montre que, en effectuant cet examen, la Commission n’est pas liée par l’appréciation des autorités nationales et qu’elle dispose d’une marge d’appréciation autonome. C’est ce que le Tribunal a déclaré à juste titre dans l’arrêt attaqué (point 44).

56.

Au cours de la phase européenne de la procédure, la Commission doit vérifier trois éléments, dont chacun répond à une logique propre :

l’absence d’erreurs manifestes dans le traitement de la demande d’enregistrement de l’IGP par les autorités de l’État membre ;

le respect des intérêts des parties prenantes et concernées en dehors de l’État membre de demande ( 33 ) ;

le respect, dans la demande d’enregistrement de l’IGP transmise par les autorités nationales, des dispositions du droit de l’Union applicables.

57.

La Commission dispose donc, tout d’abord, d’un pouvoir de contrôle des erreurs manifestes que les autorités nationales auraient pu commettre au cours de la phase nationale de la procédure d’enregistrement d’une IGP. Il est logique qu’il en soit ainsi, car ces autorités détiennent un pouvoir de décision substantiel lors de cette phase, sous le contrôle des juges nationaux.

58.

La référence faite par la Cour (point 25 de l’arrêt GAEC Jeanningros) à la « marge d’appréciation limitée ou inexistante » de la Commission dans les procédures relatives aux modifications du cahier des charges et à l’enregistrement d’une IGP concerne, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre, la phase nationale de la procédure ( 34 ). Le raisonnement exposé dans d’autres arrêts de la Cour doit être compris dans le même sens ( 35 ).

59.

Or, au cours de la phase européenne de ces procédures, la Commission dispose, comme l’affirme le Tribunal ( 36 ), d’une marge d’appréciation autonome et n’est pas liée par l’appréciation des autorités nationales. Elle peut octroyer ou refuser l’enregistrement des IGP lorsqu’elle constate que les conditions requises sont remplies ou non.

60.

Le pouvoir décisionnel autonome de la Commission au cours de la phase européenne de cette procédure va au-delà de la simple vérification d’erreurs formelles et manifestes dans le traitement national de la demande. La Commission doit procéder à une analyse complète de la demande d’enregistrement approuvée par les autorités nationales afin de vérifier qu’elle est conforme aux exigences du règlement no 1151/2012.

61.

Cette analyse complète peut conduire la Commission à adopter une décision différente de celle retenue par les autorités nationales. Tel a été, en partie, le cas en l’espèce ( 37 ).

62.

Le pouvoir de la Commission de traiter les oppositions transnationales soulevées par des parties intéressées d’autres États membres à l’encontre de l’enregistrement d’une IGP et de statuer sur celles-ci (article 51 du règlement no 1151/2012) confirme sa compétence autonome pour se prononcer sur les demandes d’enregistrement ( 38 ).

63.

De même, l’application uniforme des conditions d’enregistrement des IGP, énoncées par le règlement no 1151/2012, exige que, au cours de la phase européenne de la procédure, la Commission bénéficie d’un pouvoir autonome lui permettant d’établir la pratique uniforme à suivre par les autorités des États membres. Si elle ne disposait pas de ce pouvoir décisionnel autonome, il existerait un risque non négligeable d’application différenciée des conditions d’enregistrement des IGP dans les États membres.

64.

La phase européenne de la procédure serait dépourvue de substance propre si la Commission était tenue de suivre les appréciations des autorités nationales et ne pouvait pas rejeter les demandes d’enregistrement que ces autorités ont approuvées. La procédure d’enregistrement des IGP prévue par le règlement no 1151/2012 cesserait d’être une véritable procédure composite si sa phase européenne était dénaturée du fait d’une diminution drastique des pouvoirs de la Commission.

65.

J’estime par conséquent, à l’instar du Tribunal, que la Commission dispose du pouvoir de vérifier que la demande d’enregistrement de l’IGP transmise par les autorités nationales est conforme aux dispositions du droit de l’Union applicables. Le deuxième moyen du pourvoi doit donc être écarté.

VI. Sur le premier moyen du pourvoi

A.   Argumentation des parties

66.

Les requérants font grief au Tribunal d’avoir illégalement ajouté aux conditions d’enregistrement d’une IGP, telles que définies aux articles 5, 6 et 7 du règlement no 1151/2012, l’exigence que la dénomination dont l’enregistrement est demandé en tant qu’IGP ne viole pas la protection contre l’évocation, prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

67.

Selon les requérants, le Tribunal affirme à juste titre dans l’arrêt attaqué (points 29 et 30) que l’article 13 du règlement no 1151/2012 n’est pas relatif à l’enregistrement, mais à l’étendue de la protection des dénominations enregistrées, et que, dès lors, cette dernière disposition « ne saurait, à elle seule, constituer le fondement légal du rejet d’une demande d’enregistrement ».

68.

Le Tribunal se serait toutefois écarté de ce constat et aurait commis plusieurs erreurs de droit aux points 32 à 40 de l’arrêt attaqué :

en premier lieu, il admet que la Commission est compétente pour appliquer l’article 13 du règlement no 1151/2012, alors que le paragraphe 3 de cette disposition réserve ce pouvoir aux États membres ;

en deuxième lieu, l’article 7 du règlement no 1151/2012 se borne à exiger que la dénomination soit utilisée dans le commerce ou dans le langage commun, ce qui constitue un élément factuel objectif dont la légalité n’est pas soumise à l’appréciation subjective de la Commission. L’article 13 de ce règlement est étranger à la procédure d’enregistrement ;

en troisième lieu, contrairement à ce qu’admet le Tribunal (points 38 et 39 de l’arrêt attaqué), la Commission n’a pas les moyens ni la connaissance approfondie des usages locaux, des habitudes de consommation, de l’histoire, de la culture ainsi que des faits du dossier, éléments dont les autorités nationales disposent. Ces dernières avaient précisément écarté le risque d’évocation en l’espèce.

69.

La Commission réfute ces arguments et défend l’application combinée de l’article 7, paragraphe 1, sous a), et de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012, que le Tribunal a entérinée. Cette application intervient pour la première fois, en raison des caractéristiques particulières de la situation qui s’était produite en ce qui concerne les demandes d’enregistrement des IGP en cause.

B.   Appréciation

70.

La nature particulière de la situation évoquée par la Commission découle d’un enchaînement de faits qu’il convient de rappeler :

depuis le 28 mai 2014, les dénominations « Jambon sec de Corse »/« Jambon sec de Corse – Prisuttu », « Lonzo de Corse »/« Lonzo de Corse – Lonzu » et « Coppa de Corse »/« Coppa de Corse – Coppa di Corsica » font l’objet d’un enregistrement en tant qu’AOP en vertu des règlements correspondants ;

dans ces règlements, une période transitoire expirant le 27 avril 2017 a été accordée à certaines entreprises établies en Corse, utilisant ces dénominations, pour continuer à fabriquer des produits présentant des caractéristiques distinctes de celles prévues dans le cahier des charges ;

il était ainsi permis aux producteurs concernés de s’adapter aux exigences du cahier des charges entérinées au niveau de l’Union ou, à défaut, de modifier la dénomination de vente utilisée ;

au cours de la période transitoire, les sociétés en cause ont créé en 2014 et commercialisé à partir de l’année 2015 des produits portant les dénominations « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté » et « Coppa de l’Île de Beauté » ;

les autorités françaises ont toléré la coexistence, entre 2015 et avril 2017, des trois AOP enregistrées en 2014 avec les trois dénominations visant les mêmes types de produits de charcuterie corse ;

les entreprises ayant bénéficié de la période transitoire ont déposé auprès des autorités françaises les demandes d’enregistrement en tant qu’IGP des dénominations « Jambon sec de l’Île de Beauté », « Lonzo de l’Île de Beauté » et « Coppa de l’Île de Beauté », lesquelles ont été transmises à la Commission le 17 août 2018, c’est‑à-dire à une date où ces dénominations ne pouvaient plus être légalement utilisées, la période transitoire ayant pris fin ;

les autorités françaises ont approuvé ces trois demandes d’enregistrement en estimant qu’elles ne constituaient pas une évocation des AOP enregistrées ( 39 ). Elles ont fait valoir, à cet égard, que : i) les deux groupes de produits (c’est-à-dire les AOP enregistrées et les candidates IGP) seraient clairement différents en ce qui concerne les matières premières (races, poids des carcasses), descriptions, spécifications, volumes de production et prix de vente ; ii) les dénominations seraient suffisamment distinctes, de même que les prononciations y afférentes, sans qu’il y ait homonymie, s’agissant de signes différents (AOP et IGP) ( 40 ) ; iii) vu les différences entre les produits et les dénominations, et compte tenu des précédents, les consommateurs seraient parfaitement conscients de la différence de qualité entre le produit enregistré comme AOP et le produit mis sur le marché sous le nom « Île de Beauté » ; iv) il y aurait « la suffisante distinctivité » entre les trois dénominations contenant les termes « Île de Beauté » et les trois dénominations correspondantes enregistrées et contenant le terme « Corse », recouvrant la même zone géographique ;

la Commission, dans la décision litigieuse, a toutefois rejeté les arguments des autorités françaises et a refusé l’enregistrement des trois IGP, considérant qu’il s’agissait de demandes d’enregistrement de dénominations potentiellement évocatrices d’appellations déjà enregistrées, pour un produit similaire, ce qui comporte l’impossibilité de remplir les conditions d’éligibilité à l’enregistrement visées à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1151/2012 ;

à cet égard, la Commission considère que les dénominations des trois demandes d’IGP ont été utilisées dans le commerce ou dans le langage commun en contrevenant à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. Les demandes ne respectent donc pas les conditions d’éligibilité définies à l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

71.

Le raisonnement de la Commission, avalisé par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, me semble correct et je ne partage pas les arguments invoqués par les requérants à l’appui de leur premier moyen du pourvoi.

72.

L’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1151/2012 prévoit que les IGP respectent un cahier des charges qui comporte au moins, parmi d’autres éléments, « la dénomination devant être protégée en tant qu’appellation d’origine ou indication géographique telle qu’elle est utilisée dans le commerce ou dans le langage commun, et uniquement dans les langues qui sont ou étaient historiquement utilisées pour décrire le produit spécifique dans l’aire géographique délimitée ».

73.

J’ai déjà rappelé que, lors de la phase européenne de la procédure d’enregistrement d’une IGP, il appartient à la Commission de rejeter la demande si les conditions requises ne sont pas remplies. L’une de ces conditions est que le cahier des charges comporte une dénomination de produit dont l’utilisation dans le commerce est licite.

74.

L’utilisation d’une dénomination est illicite lorsqu’elle porte atteinte à la protection contre l’évocation prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. Aux termes de cette disposition, « [l]es dénominations enregistrées sont protégées contre [...] toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ».

75.

Comme le souligne à juste titre l’arrêt attaqué (points 36 et 37), admettre l’enregistrement d’une IGP évoquant une dénomination déjà enregistrée en tant qu’AOP priverait d’effet utile la protection prévue par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012. Une fois cette dénomination enregistrée comme IGP, celle précédemment enregistrée en tant qu’AOP ne pourrait plus bénéficier, à l’égard de cette IGP, de la protection visée à cette disposition. Le cahier des charges d’une demande d’enregistrement d’une IGP ne peut donc pas comporter une dénomination évoquant celle d’une AOP précédemment enregistrée.

76.

Les requérants soutiennent qu’il appartient aux autorités nationales, et non à la Commission, de contrôler les violations de l’article 13 du règlement no 1151/2012. Je ne partage pas ce point de vue, car, selon moi :

l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012 se borne à indiquer que les États membres prennent les mesures nécessaires pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale des AOP ou des IGP, ce qui englobe l’interdiction des dénominations qui les évoquent ( 41 ) ;

or, rien dans cette disposition n’empêche la Commission de réprimer l’utilisation de dénominations évocatrices de noms précédemment enregistrés ;

la Commission doit agir contre l’évocation afin d’empêcher qu’il soit fait un usage abusif des AOP et des IGP, et ce non seulement dans l’intérêt des acheteurs, mais également dans l’intérêt des producteurs qui ont consenti des efforts pour garantir les qualités des produits portant légalement de telles indications ( 42 ) ;

cette interprétation s’inscrit dans la logique du considérant 19 du règlement no 1151/2012 : garantir le respect uniforme dans l’ensemble de l’Union des droits de propriété intellectuelle liés à des dénominations protégées constitue un objectif prioritaire.

77.

Pour la Cour, « le système de protection des AOP et des IGP vise essentiellement à assurer aux consommateurs que les produits agricoles bénéficiant d’une dénomination enregistrée présentent, en raison de leur provenance d’une zone géographique déterminée, certaines caractéristiques particulières et, partant, offrent une garantie de qualité due à leur provenance géographique, dans le but de permettre aux opérateurs agricoles ayant consenti des efforts qualitatifs réels d’obtenir en contrepartie de meilleurs revenus et d’empêcher que des tiers ne tirent abusivement profit de la réputation découlant de la qualité de ces produits » ( 43 ).

78.

L’interdiction de l’évocation, énoncée à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1151/2012, vise à éviter que des producteurs tiers ne tirent indûment profit de la réputation des AOP et IGP déjà enregistrées.

79.

Selon la Cour, « la notion d’“évocation” recouvre une hypothèse dans laquelle le signe utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une indication géographique protégée ou d’une AOP, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit en cause, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette indication ou de cette appellation » ( 44 ). L’essentiel est que le consommateur établisse un lien suffisamment direct et univoque entre le terme utilisé pour désigner le produit en cause et l’IGP.

80.

La jurisprudence relative à la notion d’« évocation » ( 45 ) s’est essentiellement consolidée en réponse à des demandes de décision préjudicielle en matière de marques ou de dénominations protégées par des AOP et IGP. Les décisions statuant sur des pourvois dirigés contre des arrêts rendus par le Tribunal qui, à leur tour, interprètent (et appliquent) cette notion sont moins fréquentes.

81.

Or, la Cour a considéré que les appréciations du Tribunal par lesquelles celui-ci admet ou rejette la constatation qu’un nouveau signe distinctif (le cas échéant une demande d’AOP ou d’IGP) évoque une dénomination déjà protégée sont « de nature factuelle » et ne sauraient, en principe, être critiquées au stade du pourvoi ( 46 ).

82.

Sur la base de cette prémisse, il convient d’écarter le grief des requérants tiré de ce que le Tribunal a confirmé le point de vue de la Commission quant à l’existence d’une évocation en l’espèce. Il s’agit d’une question de fait sur laquelle le Tribunal a le dernier mot et qui ne peut pas être examinée au stade du pourvoi.

83.

Dans l’hypothèse où la Cour admettrait que le raisonnement sur ce point est susceptible d’être contrôlé dans le cadre d’un pourvoi, je partage l’appréciation du Tribunal quant à l’existence de l’évocation sur laquelle la décision litigieuse est fondée.

84.

Les dénominations en cause utilisées dans le commerce depuis l’année 2015 concernent la même zone géographique (île de Corse) que les AOP. Les termes « Île de Beauté » constituent une expression habituelle qui, pour un consommateur français, désigne l’île de Corse ( 47 ). Bien qu’il ne s’agisse pas de dénominations totalement ou partiellement homonymes ( 48 ), il y a synonymie et l’évocation, qui ne nécessite pas de similitude phonétique, ne peut être exclue.

85.

Les différences qualitatives entre les produits dont les dénominations font l’objet d’une demande d’enregistrement comme IGP et ceux dont les dénominations sont déjà protégées en tant qu’AOP ne sont pas mises en exergue sur les étiquettes et ne sont connues que d’un public particulièrement averti. Ces différences vont dans le sens d’une moindre qualité des produits couverts par les IGP et d’un lien plus ténu avec le terroir ( 49 ). La perception des consommateurs n’est pas suffisante pour retenir le caractère distinctif autonome des IGP demandées par rapport aux AOP enregistrées, sans s’appuyer sur des études et des sondages objectifs ( 50 ).

86.

Les requérants soutiennent enfin que l’arrêt attaqué empêche la coexistence de dénominations de différents types pour des produits similaires d’un même territoire.

87.

Bien que le Tribunal ne se soit pas prononcé explicitement dans l’arrêt attaqué sur cet argument, il a néanmoins analysé des cas de coexistence entre AOP et IGP ( 51 ) et je ne constate aucune erreur de droit entachant son raisonnement sur ce point. Les exemples de coexistence d’AOP et d’IGP cités par les requérants ont été acceptés sous l’empire de dispositions désormais abrogées (AOP « Corse/Vin de Corse » et IGP « Île de Beauté ») ou étaient antérieurs à l’entrée en vigueur du régime de protection des indications géographiques de l’Union (AOP « Aceto balsamico tradizionale di Modena » et IGP « Aceto Balsamico di Modena »).

88.

Sous le régime du règlement no 1151/2012, la coexistence de deux dénominations analogues, portant sur les mêmes produits et sur le même territoire, doit être écartée, en principe, parce qu’une IGP ultérieure affaiblirait la protection offerte par ce règlement à une AOP antérieure, en sapant sa réputation.

89.

En somme, le premier moyen du pourvoi doit également être rejeté.

VII. Dépens

90.

Les présentes conclusions ne portant que sur deux des moyens du pourvoi, sans aborder les autres, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur une éventuelle condamnation des requérants aux dépens.

VIII. Conclusion

91.

Je propose donc à la Cour de rejeter les premier et deuxième moyens du pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2023, Cunsorziu di i Salamaghji Corsi – Consortium des Charcutiers Corses e.a./Commission (T‑34/22, EU:T:2023:386).


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Arrêt Cunsorziu di i Salamaghji Corsi – Consortium des Charcutiers Corses e.a./Commission (T‑34/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:386).

( 3 ) Décision d’exécution de la Commission du 26 octobre 2021 portant rejet de trois demandes de protection de dénomination en tant qu’indication géographique conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil [« Jambon sec de l’Île de Beauté » (IGP), « Lonzo de l’Île de Beauté » (IGP), « Coppa de l’Île de Beauté » (IGP)] (JO 2021, L 383, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

( 4 ) Règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1).

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 concernant les indications géographiques relatives au vin, aux boissons spiritueuses et aux produits agricoles, ainsi que les spécialités traditionnelles garanties et les mentions de qualité facultatives pour les produits agricoles, modifiant les règlements (UE) no 1308/2013, (UE) 2019/787 et (UE) 2019/1753 et abrogeant le règlement (UE) no 1151/2012 (JO L, 2024/1143).

( 6 ) Le registre des indications géographiques de l’Union est dénommé eAmbrosia et est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/agriculture/eambrosia/geographical-indications-register/. eAmbrosia est un registre légal des dénominations des produits agricoles et des denrées alimentaires, des vins et des boissons spiritueuses qui sont protégées dans toute l’Union. Il fournit un accès direct aux informations sur toutes les indications géographiques enregistrées, y compris les instruments juridiques de protection et les cahiers des charges.

( 7 ) Règlement d’exécution (UE) no 580/2014 de la Commission, du 28 mai 2014, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Lonzo de Corse/Lonzo de Corse – Lonzu (AOP)] (JO 2014, L 160, p. 21) ; règlement d’exécution (UE) no 581/2014 de la Commission, du 28 mai 2014, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Jambon sec de Corse/Jambon sec de Corse – Prisuttu (AOP)] (JO 2014, L 160, p. 23), et règlement d’exécution (UE) no 582/2014 de la Commission, du 28 mai 2014, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Coppa de Corse/Coppa de Corse – Coppa di Corsica (AOP)] (JO 2014, L 160, p. 25).

( 8 ) « Salameria Corsa » est le syndicat chargé de la défense des intérêts des producteurs de charcuterie corse protégés par les AOP enregistrées en 2014. Ci‑après le « syndicat de gestion des AOP ».

( 9 ) Règlement d’exécution (UE) 2023/1546 de la Commission, du 26 juillet 2023, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [« Pancetta de l’Île de Beauté/Panzetta de l’Île de Beauté » (IGP), « Saucisson sec de l’Île de Beauté/Salciccia de l’Île de Beauté » (IGP), « Bulagna de l’Île de Beauté » (IGP) et « Figatelli de l’Île de Beauté/Figatellu de l’Île de Beauté » (IGP)] (JO 2023, L 188, p. 24).

( 10 ) Arrêt attaqué, point 40.

( 11 ) Arrêt attaqué, points 59 à 61.

( 12 ) Les requérants concentrent leurs critiques sur les points 41 à 61 de l’arrêt attaqué.

( 13 ) Reproduit au point 6 des présentes conclusions.

( 14 ) Cette procédure s’applique également aux modifications importantes du cahier des charges de l’IGP et à l’annulation de son enregistrement.

( 15 ) Article 49, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012.

( 16 ) Article 49, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012.

( 17 ) Article 49, paragraphe 4, premier et troisième alinéas, du règlement no 1151/2012.

( 18 ) Article 49, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement no 1151/2012.

( 19 ) À savoir de celles qui émanent d’une personne physique ou morale ayant légalement commercialisé les produits en question en utilisant les dénominations concernées de façon continue pendant les cinq années précédentes au moins (article 49, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 1151/2012).

( 20 ) Article 49, paragraphe 5, du règlement no 1151/2012.

( 21 ) Article 52, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012.

( 22 ) Article 50, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1151/2012.

( 23 ) Article 51, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement no 1151/2012.

( 24 ) L’acte d’opposition doit être accompagné d’une déclaration d’opposition motivée dont la Commission examine la recevabilité. Si elle la juge recevable, la Commission invite l’autorité ou la personne à l’origine de l’opposition et l’autorité nationale qui a déposé la demande à engager des consultations appropriées pendant une période de temps raisonnable ne dépassant pas trois mois (article 51, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1151/2012).

( 25 ) Article 52, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1151/2012.

( 26 ) Article 52, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012.

( 27 ) Voir, en particulier, arrêts du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023), et du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036) ; ainsi que les conclusions du 27 juin 2018 (C‑219/17, EU:C:2018:502) et du 9 juillet 2019 (C‑414/18, EU:C:2019:574) que j’ai présentées dans ces affaires. Voir également Eckes, C., D’Ambrosio, R., Composite administrative procedures in the European Union, Legal Working Paper Series, no 20, novembre 2020, et Di Bucci, V., « Procedural and judicial implications of composite procedures in the banking union », dans Zilioli, C., Wojcik, K.-P. (dir.), Judicial Review in the European Banking Union, Edward Elgar, 2021, p. 114 à 129.

( 28 ) Arrêt du 29 janvier 2020 (C‑785/18, ci-après l’ arrêt GAEC Jeanningros , EU:C:2020:46, points 23 à 27). Voir également arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415).

( 29 ) Arrêt du 15 avril 2021, Hengstenberg (C‑53/20, EU:C:2021:279, point 37, citant l’arrêt GAEC Jeanningros, point 24).

( 30 ) Les États membres peuvent prévoir, dans leur législation interne, une protection nationale transitoire des IGP, limitée à leur territoire, courant de l’achèvement de la phase nationale de la procédure d’enregistrement jusqu’à ce que la Commission se prononce sur la demande. Cette circonstance reflète le contrôle exercé par l’autorité nationale sur la phase interne de ces procédures composites.

( 31 ) Arrêt GAEC Jeanningros, points 31 et 37. Voir commentaire de cette jurisprudence par Brito Bastos, F., « Judicial Annulment of National Preparatory Acts and the Effects on Final Union Administrative Decisions : Comments on the Judgment of 29 January 2020, Case C‑785/18 Jeanningros, EU:C:2020:46 », Review of European Administrative Law, 2021, no 2, p. 109 à 117.

( 32 ) Considérant 58 du règlement no 1151/2012.

( 33 ) Ce qui conduit la Commission à traiter les oppositions transnationales selon la procédure de l’article 51 du règlement no 1151/2012.

( 34 ) Arrêt attaqué, point 59.

( 35 ) Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, points 57 et 58), ainsi que du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, points 70 et 71).

( 36 ) Arrêt attaqué, point 44.

( 37 ) Comme je l’ai déjà indiqué, la Commission n’a rejeté que trois des sept demandes d’IGP transmises par les autorités françaises.

( 38 ) La Commission concentre en outre tout le pouvoir décisionnel en ce qui concerne les demandes d’enregistrement d’IGP émanant de pays tiers, pour lesquelles la procédure d’enregistrement ne comporte pas de phase nationale (article 49, paragraphe 5, du règlement no 1151/2012).

( 39 ) Voir décision d’exécution 2021/1879, considérants 13 à 16. Par un arrêt du 19 décembre 2019, relatif à la dénomination « Jambon sec de l’Île de Beauté » (IGP), et deux arrêts du 13 février 2020, relatifs, respectivement, aux dénominations « Coppa de l’Île de Beauté » (IGP) et « Lonzo de l’Île de Beauté » (IGP), le Conseil d’État a rejeté les trois requêtes introduites par le syndicat de gestion des AOP et admis les arguments des autorités françaises en faveur de l’enregistrement de ces dénominations en tant qu’IGP.

( 40 ) Les autorités françaises ont mentionné l’existence de cas semblables de dénominations similaires en référence à la même aire géographique : les dénominations viticoles enregistrées « Île de Beauté » (AOP) et « Corse » (IGP), synonymes et concernant la même aire géographique, et les dénominations agricoles enregistrées « Aceto balsamico tradizionale di Modena » (AOP) et « Aceto Balsamico di Modena » (IGP), presque intégralement homonymes.

( 41 ) Voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/Danemark (AOP Feta) (C‑159/20, EU:C:2022:561), dans lequel la Cour a déclaré qu’en ayant omis de prévenir et d’arrêter l’utilisation, par les producteurs laitiers danois, de l’AOP « Feta » pour désigner du fromage ne répondant pas au cahier des charges de cette AOP, le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012.

( 42 ) Arrêts du 15 avril 2021, Hengstenberg (C‑53/20, EU:C:2021:279, point 43), et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 38).

( 43 ) Arrêts du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 35) ; du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑783/19, EU:C:2021:713, point 49), et du 14 juillet 2022, Commission/Danemark (AOP Feta) (C‑159/20, EU:C:2022:561, point 56).

( 44 ) Arrêts du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑783/19, EU:C:2021:713, point 55) ; du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 26), et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, point 44).

( 45 ) Voir, entre autres, arrêts du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association (C‑44/17, EU:C:2018:415, points 45, 51 et 53) ; du 17 décembre 2020, Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (C‑490/19, EU:C:2020:1043, point 26), et du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑783/19, EU:C:2021:713, points 58 à 60).

( 46 ) Arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 126).

( 47 ) La décision litigieuse, en son considérant 9, indique que l’utilisation de l’expression « Île de Beauté » pour désigner la Corse est un usage très répandu sur les sites notamment de tourisme y compris non français, et une abondante bibliographie confirme que les deux expressions sont réputées synonymes dans l’esprit des consommateurs, si bien qu’« Île de Beauté » apparaît « évocateur » de la Corse et inversement. Voir également arrêt attaqué, points 87, 88 et 94.

( 48 ) L’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012 interdit l’enregistrement de dénominations homonymes avec d’autres dénominations déjà inscrites dans le registre eAmbrosia.

( 49 ) Arrêt attaqué, points 80 et 81, et considérant 19 de la décision litigieuse.

( 50 ) Les autorités françaises et les arrêts du Conseil d’État se réfèrent à une étude du Consortium des Charcutiers Corses, jointe aux demandes d’IGP, concernant les différences entre les produits couverts par ces IGP et ceux protégés par les AOP. L’arrêt attaqué (point 82) fait référence à une autre étude, fournie par le même consortium et réalisée, à sa demande, au mois de mai 2021, concernant la perception par les consommateurs des différences entre les AOP et les IGP protégeant les produits de charcuterie corse, dont les autorités françaises n’ont pas pu tenir compte. L’analyse du contenu de cette étude par le Tribunal (qui, en tant qu’appréciation d’un élément de preuve, n’est pas, en principe, susceptible de faire l’objet d’un pourvoi) exclut la possibilité d’en déduire qu’une certaine proportion de consommateurs connaît ces différences.

( 51 ) Arrêt attaqué, points 100 à 108.

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