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Document 62023CC0023

    Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 30 mai 2024.


    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:444

    Édition provisoire

    CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

    MME TAMARA ĆAPETA

    présentées le 30 mai 2024 (1)

    Affaire C23/23

    Commission européenne

    contre

    République de Malte

    « Manquement d’État – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Capture d’individus vivants – Régime dérogatoire permettant la capture des fringillidés – Article 9, paragraphe 1, sous b) – Dérogation pour des fins de recherche – Exigences – Motivation claire et suffisante – Absence d’autre solution satisfaisante »






    I.      Introduction

    1.        Le faucon n’est pas le seul oiseau pour lequel Malte est célèbre (2). En effet, pendant des siècles, elle a eu une tradition de piégeage des fringillidés sauvages dont la route migratoire passait par son territoire (3).

    2.        Dans l’Union européenne, les fringillidés sauvages sont protégés par la directive Oiseaux (4). Faisant sienne la réplique immortelle de Sam Spade dans The Maltese Falcon [le Faucon Maltais], « I don’t mind a reasonable amount of trouble » [à petites doses, je ne déteste pas les ennuis ], la République de Malte a accepté, au cours des négociations d’adhésion, d’adapter ses coutumes aux exigences de la directive Oiseaux au plus tard à la fin de l’année 2008 (5).

    3.        En 2009, Malte a par conséquent interdit le piégeage des fringillidés. Toutefois, en 2014, elle a décidé d’utiliser la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive Oiseaux afin de permettre le piégeage de sept espèces de fringillidés sauvages en tant qu’activité récréative (6).

    4.        Dans son arrêt du 21 juin 2018, Commission contre Malte (7), la Cour a jugé que ce régime récréatif ne satisfaisait pas aux conditions de cette dérogation. En ce qui concerne plus particulièrement le présent recours, la Cour a considéré que l’absence de connaissance de la provenance des populations de référence d’oiseaux dont la route migratoire passe par Malte s’opposait à ce qu’il soit satisfait au critère des « petites quantités » fixé aux fins de la dérogation récréative de la directive Oiseaux (le « déficit de connaissance ») (8).

    5.        À la suite de cet arrêt, Malte a abrogé le régime dérogatoire récréatif.

    6.        En octobre 2020, Malte a adopté le « projet Fringillidés » (9). Il prévoit la capture d’individus vivants des sept mêmes espèces de fringillidés que celles prévues par la législation permettant le piégeage récréatif, mais le piégeage proposé par le projet Fringillidés est envisagé comme faisant partie d’un prétendu projet de recherche. La nouvelle législation qui établit le cadre du projet Fringillidés est fondée sur une autre dérogation de la directive Oiseaux qui, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, peut être invoquée pour des « fins de recherche ».

    7.        La Commission européenne considère que le projet Fringillidés n’est qu’une « couverture » permettant la poursuite des mêmes activités récréatives de piégeage de fringillidés que la Cour a jugées contraires à la directive Oiseaux dans l’arrêt Commission contre Malte. La Commission a par conséquent engagé la procédure d’infraction qui a abouti au présent recours, sur le fondement de l’article 258 TFUE (10).

    II.    Le cadre juridique :

    A.      Le droit de l’Union

    8.        Avec la directive Habitats (11), la directive Oiseaux est l’instrument de l’Union qui a pour objectif la conservation de la biodiversité (12).

    9.        Ainsi qu’il ressort des considérants 3 et 5 de la directive Oiseaux, la conservation de la diversité des espèces d’oiseaux n’est pas seulement une finalité environnementale en soi, mais elle est également comprise comme un élément nécessaire à la réalisation des objectifs de l’UE dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie et du développement durable.

    10.      Nonobstant certaines différences dans le régime applicable aux espèces d’oiseaux énumérées aux annexes I à III de la directive Oiseaux, l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci indique clairement qu’elle a pour objectif la conservation de « toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable » (13). À cette fin, la directive Oiseaux régit la « protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation ».

    11.      L’article 5 de la directive Oiseaux interdit, entre autres choses, de tuer ou de capturer intentionnellement les oiseaux, quelle que soit la méthode employée, et de perturber intentionnellement les oiseaux.

    12.      L’article 8, paragraphe 1, de la directive Oiseaux dispose :

    « En ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d’oiseaux dans le cadre de la présente directive, les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, [sous] a). »

    13.      L’annexe IV, sous a), quatrième tiret, mentionne les filets et les pièges-trappes parmi les moyens et méthodes de capture interdits et il résulte de l’arrêt Commission contre Malte que les clap-nets, dont l’utilisation est prévue par le « projet Fringillidés », relèvent de cette disposition (14).

    14.      Même si la directive oiseaux interdit en principe le piégeage des oiseaux, la Cour a considéré que, sous certaines conditions, la chasse ou la capture d’oiseaux sauvages à des fins récréatives peut constituer une « exploitation judicieuse » autorisée par cette directive (15). Cela semble être conforme à l’article 2 de ladite directive, qui permet aux États membres de tenir compte des exigences économiques et récréationnelles lorsqu’ils prennent les mesures nécessaires à la conservation des oiseaux.

    15.      Néanmoins, comme l’a également confirmé la Cour (16), le maintien d’activités traditionnelles ne constitue pas une dérogation autonome au régime de protection établi par la directive oiseaux. Au contraire, une dérogation ne peut être autorisée que si elle est prévue par la directive Oiseaux et qu’elle remplit les conditions précisées par celles-ci.

    16.      À cet égard, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive Oiseaux :

    « Les États membres peuvent déroger aux articles 5 à 8 s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après :

    […]

    b)      pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions ;

    c)      pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités. »

    B.      Le droit maltais

    17.      La République de Malte a lancé le projet Fringillidés en 2020. La législation pertinente a été adoptée sur la base des règles sur les oiseaux sauvages (17), qui est l’acte législatif transposant la directive Oiseaux en droit maltais.

    18.      La règle 9 des règles sur les oiseaux sauvages transpose l’article 9 de la directive Oiseaux, fixe les conditions devant servir à l’examen des dérogations et établit une procédure décisionnelle précise impliquant le comité ornithologique maltais, dont le rôle est énoncé à la règle 10 des règles sur les oiseaux sauvages.

    19.      Le projet Fringillidés a été créé par les règles-cadres de 2020 (18) et mis en œuvre cette année-là au moyen de la déclaration de 2020 (19). Le cadre de base a été modifié en 2021 par les règles-cadres de 2021 (20), qui ont été mises en œuvre cette année-là par la déclaration de 2021 (21) et l’année suivante par la déclaration de 2022 (22).

    20.      Les règles pertinentes « établi[ssent] un cadre permettant, dans des conditions strictement contrôlées, une dérogation à des fins de recherche en vue de déterminer la population de référence [de sept espèces de fringillidés] à Malte sur la base de l’article 9, paragraphe 1, sous b), [de la directive Oiseaux] » (23). Les règles-cadre de 2020 précisent ensuite à la règle 1, paragraphe 2, que le projet « vis[e] spécifiquement à recueillir des informations scientifiques suffisantes pour permettre à Malte de mettre en place un régime dérogatoire au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive Oiseaux qui satisfasse au critère des “petites quantités”, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’[affaire Commission contre Malte] ».

    21.      Dans le cadre du projet Fringillidés, ces données seraient collectées en capturant des oiseaux appartenant aux sept espèces de fringillidés visées par le projet au moyen de l’utilisation de clap-nets d’un maillage d’au moins 18 mm par 18 mm. Ce protocole vise à atteindre la saturation des données lorsque la taille de l’échantillon atteint 60 à 70 récupérations de bagues pour chacune des sept espèces de fringillidés.

    22.      La capture doit être effectuée par des personnes titulaires d’une licence spéciale, appelés collecteurs de données. La licence spéciale peut être délivrée à une personne qui est titulaire d’une licence générale de capture d’individus vivants, qui présente un plan d’ensemble indiquant la localisation de ses clap-nets autorisés et qui a suivi un cours obligatoire sur les objectifs des recherches.

    23.      Lors de la capture de l’oiseau, le collecteur de données vérifie si l’oiseau capturé est bagué et, si c’est le cas, inscrit les informations provenant de la bague sur un formulaire de contrôle (c’est ce que l’on appelle le « contrôle »). Le formulaire doit être renvoyé à l’unité maltaise de régulation des oiseaux sauvages (Maltese Wild Birds Regulation Unit, ci-après la « WBRU »). À compter de l’adoption des règles-cadres de 2021, il est prévu que tous les individus qui auront été capturés par un collecteur de données soient immédiatement signalés à l’organisme de régulation (qui était déjà, pour l’époque concernée, la WBRU), y compris les individus qui ne sont pas bagués. Après avoir « contrôlé » l’oiseau, le collecteur de données doit le relâcher immédiatement dans la nature.

    24.      Le cadre réglementaire pertinent prévoit également la possibilité de faire participer au projet des personnes titulaires d’une licence spéciale de baguage, auxquelles aurait été dévolue la tâche d’équiper les oiseaux capturés avec une bague présentant les données pertinentes. Toutefois, les organisations actives à Malte dans le secteur du baguage d’oiseaux, l’EURING et BirdLife Malta, ont refusé de participer au projet Fringillidés en invoquant des raisons éthiques (24), et elles ont invité les bagueurs d’oiseaux à ne pas participer à ce projet. Dans la mesure où les bagueurs d’oiseaux du programme national de baguage ne participent pas au projet, comme cela a été expliqué lors de l’audience, Malte a publié avant chaque saison de recherche un appel d’offres à l’échelle européenne destiné aux bagueurs d’oiseaux. Toutefois, aucun bagueur d’oiseaux n’a répondu à cet appel d’offres. Pour cette raison, le projet Fringillidés a consisté exclusivement à capturer et à contrôler des oiseaux déjà bagués.

    25.      Le projet Fringillidés tel que décrit a été mis en œuvre de 2020 à 2022. Chaque année, entre le 20 octobre et le 20 décembre, les déclarations de mise en œuvre ont ouvert les périodes de recherche pendant lesquelles le piégeage des oiseaux était autorisé.

    III. La procédure précontentieuse

    26.      Le 3 décembre 2020, la Commission a adressé à Malte une lettre de mise en demeure. Dans cette lettre, elle considérait que le projet Fringillidés était incompatible avec l’article 5 et l’article 8, paragraphe 1, de la directive Oiseaux et qu’il n’était pas justifié par la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de ladite directive. La Commission a estimé que Malte n’avait pas établi que le projet Fringillidés poursuivait un véritable objectif de recherche, que la législation maltaise était dépourvue de motivation quant à l’existence d’une autre solution satisfaisante et que Malte n’avait pas démontré l’absence d’une autre solution satisfaisante.

    27.      Malte a répondu le 3 février 2021 et elle a allégué que le projet Fringillidés était justifié par l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux. Elle a affirmé que le nouveau régime dérogatoire servait des objectifs de recherche. Cette recherche a notamment pour objectif de combler le déficit de connaissances qui a été constaté par la Cour dans l’arrêt Commission contre Malte.

    28.      Le 9 juin 2021, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle a soulevé les mêmes griefs que dans la lettre de mise en demeure. Malte ayant déjà indiqué qu’elle ouvrirait une autre saison de piégeage à l’automne 2021, l’avis motivé fixait un bref délai de réponse d’un mois. Une demande de prorogation de ce délai présentée par Malte a été rejetée.

    29.      Malte a répondu à cet avis motivé le 15 juillet 2021, en maintenant sa position selon laquelle le régime en cause était conforme au droit de l’Union.

    30.      À la suite de discussions et de réunions à différents niveaux entre les services de la Commission et les autorités maltaises, le 14 octobre 2021, le ministre maltais de l’environnement a abrogé les règles-cadres de 2020 « sans préjudice de la validité de tout ce qui a été fait ou omis au titre de celles-ci ».

    31.      Le 19 octobre 2021, ce même ministre a poursuivi le projet Fringillidés en adoptant les règles-cadres de 2021 (25)

    32.      La Commission considère que les règles-cadres de 2020 et les règles-cadres de 2021, ainsi que les déclarations ouvrant des périodes de recherche en 2020, 2021 et 2022, constituent des comportements du même type, de sorte qu’elle les traite collectivement comme une mesure unique.

    IV.    La Procédure devant la Cour

    33.      Par son recours déposé le 20 janvier 2023, la Commission demande à la Cour de constater que, en adoptant le projet Fringillidés et en permettant ainsi la capture d’individus vivants des sept espèces de fringillidés sauvages en question, Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive Oiseaux, lues conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci.

    34.      Dans son mémoire en défense déposé le 21 avril 2023, Malte a demandé à la Cour de rejeter le présent recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme dénué de fondement.

    35.      La Commission et Malte ont aussi déposé, respectivement, un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, le 19 juin 2023 et le 24 juillet 2023.

    36.      Une audience s’est tenue le 7 mars 2024, au cours de laquelle la Commission et Malte ont été entendues en leurs plaidoiries.

    V.      Analyse

    37.      Avant d’examiner le fond de la présente affaire, j’examinerai tout d’abord sa recevabilité.

    A.      Recevabilité

    38.      Malte affirme que le recours est irrecevable, dans la mesure où il est fondé sur un avis motivé qui a été rapidement suivi d’une modification substantielle du cadre légal national, que la requête confond avec l’ancien cadre. Par conséquent, la portée du présent recours n’est pas claire et viole les droits de défense de Malte.

    39.      La Commission répond que l’avis motivé du 9 juin 2021 faisait référence au projet Fringillidés de Malte, qui, à l’époque, était constitué des règles-cadres de 2020 et de la déclaration de 2020. Le recours est dirigé contre le même projet, qui à ce stade, avait été prorogé par les règles-cadre de 2021 et les déclarations de 2021 et de 2022. Selon la Commission, ces dernières mesures sont des comportements « du même type » (26).

    40.      La Commission affirme que les caractéristiques essentielles du projet Fringillidés original, qui, selon l’avis motivé, ne respectaient pas l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux, ont été maintenus dans le régime qui était en vigueur lorsque la Commission a introduit le recours. Ces caractéristiques essentielles sont les suivantes : le projet poursuit le même prétendu objectif de recherche consistant à recueillir des informations (27), qui concernent les sept mêmes espèces de fringillidés (28) ; le projet prévoit les mêmes conditions de licence, y compris l’octroi de licences non à des scientifiques professionnels, mais à toute personne titulaire d’une licence générale pour la capture d’individus vivants qui possède une paire de clap-nets et a suivi le même cours (29) ;  en outre, le champ d’application du régime dérogatoire couvre la même période de 64 jours en automne (30).

    41.      Contrairement aux arguments de Malte selon lesquels les règles‑cadres de 2021 remédiaient aux objections de la Commission soulevées au cours de la procédure d’infraction, la Commission considère que les nouveautés introduites par les règles-cadres de 2021 et les déclarations de mise en œuvre sont négligeables. L’introduction de l’organisme de régulation chargé de la recherche n’a pas eu d’incidence significative, ce rôle étant exercé par la WBRU (31), comme c’était déjà le cas en vertu des règles-cadres précédentes. Les règles-cadres de 2021 accordaient des licences sur la base de demandes présentées en vertu des règles-cadres précédentes de 2020 ; les déclarations (de 2020, 2021 et 2022) sont presque identiques.

    42.      À mon avis, l’exception d’irrecevabilité soulevée par Malte devrait être rejetée.

    43.      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’objet d’un recours introduit en application de l’article 258 TFUE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition et l’avis motivé, et le recours de la Commission doivent être fondés sur des griefs identiques (32).

    44.      Dans le même temps, la Cour admet qu’une telle condition ne saurait toutefois aller jusqu’à exiger que les dispositions nationales citées dans l’avis motivé et dans la requête soient toujours complètement identiques. Lorsqu’un changement législatif est intervenu entre la phase précontentieuse et la phase judiciaire de la procédure, il suffit que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l’État membre postérieurement à l’avis motivé, alors même que la nouvelle législation n’a pas été formellement attaquée dans la phase précontentieuse (33).

    45.      J’admets en effet que si, par chaque changement non substantiel de la législation examinée, les États membres pouvaient déterminer la nécessité de rouvrir la procédure d’infraction depuis le début, celle-ci perdrait son efficacité. Le simple changement de législation ne saurait par conséquent justifier automatiquement l’irrecevabilité d’un recours devant la Cour. Néanmoins, comme le fait valoir Malte, cela ne devrait pas avoir pour effet de priver l’État défendeur de la possibilité de se défendre efficacement.

    46.      À cet égard, je partage l’avis de la Commission selon lequel la nouvelle version de la législation nationale qui a façonné le projet Fringillidés n’a pas apporté de modification substantielle aux éléments identifiés par la Commission (34).

    47.      En outre, les affirmations de la Commission relatives aux raisons pour lesquelles le projet Fringillidés ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux étaient compréhensibles pour Malte. Cet État membre a eu l’occasion d’expliquer si et en quoi la nouvelle législation traitait différemment les défaillances qui lui étaient reprochées par la Commission, ainsi que d’expliquer à la Cour pourquoi il considérait que cette législation remplissait les conditions de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux. Les droits de défense de Malte ont par conséquent été respectés.

    48.      Partant, le présent recours est, à mon avis, recevable.

    B.      Sur le fond

    49.      En l’espèce, la Commission affirme que Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive Oiseaux, et que la violation de ces dispositions ne peut pas être fondée sur la dérogation pour des fins de recherche prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la même directive.

    50.      Malte a, dès le départ et mot pour mot, basé sa législation sur l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux. La décision d’invoquer une dérogation ne peut être comprise qu’en ce sens que Malte accepte que, si l’activité prévue par sa législation ne relevait pas du champ d’application d’une dérogation, elle serait contraire à la directive Oiseaux.

    51.      La question qui se trouve au cœur de la présente affaire est donc de savoir si Malte a rempli les conditions requises pour bénéficier de la dérogation à des fins de recherche au titre de la directive Oiseaux (35).

    52.      À cet égard, la Commission invoque trois principaux moyens. Elle soutient, premièrement, que Malte n’a pas établi que le projet Fringillidés poursuivait un véritable objectif de recherche ; deuxièmement, qu’elle n’a pas motivé l’absence d’une autre solution satisfaisante et, troisièmement, qu’elle n’a pas démontré l’absence d’une autre solution satisfaisante.

    53.      La question la plus importante et nouvelle soulevée dans la présente affaire concerne le premier moyen – le projet Fringillidés de Malte est-il un véritable projet de recherche ou s’agit-il seulement d’une couverture, comme le prétend la Commission, pour poursuivre les activités qui enfreignent la directive Oiseaux ? J’aborderai d’abord cette question (1). Ma conclusion est que le projet de recherche en cause, tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, présente des défauts qui devraient amener la Cour à conclure qu’il ne s’agit effectivement pas d’un véritable projet de recherche. Pour cette raison, je considère que les deuxième et troisième moyens de la Commission ne sont que subsidiaires. Je les traiterai ensemble (2).

    1.      Il n’a pas été établi que le projet Fringillidés poursuit un objectif de recherche

    54.      Comment la Cour peut-elle décider si un projet, présenté par le législateur d’un État membre comme un projet de recherche, est effectivement adopté à des fins de recherche, ou si cet État membre n’invoque la dérogation de recherche que dans le but de permettre des activités qui sont par ailleurs illégales ?

    55.      Il serait logique de répondre que, si un projet remplit toutes les conditions requises par la directive Oiseaux pour se prévaloir de cette dérogation, la Cour devrait conclure qu’il est adopté à des fins de recherche.

    56.      Toutefois, cette proposition a l’air plus simple qu’elle ne l’est en réalité. Si la directive Oiseaux autorise, à titre de dérogation à des fins de recherche, ce qui serait autrement considéré comme la capture et la perturbation interdites d’oiseaux sauvages, elle ne contient aucune indication sur la signification de l’expression « pour des fins de recherche » figurant à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

    57.      Sa directive « sœur », la directive Habitats, qui contient une dérogation à des fins de recherche formulée de manière presque identique, permettant de s’écarter de la protection prévue par cet acte aux fins de la conservation des animaux et des végétaux qui en font l’objet, ne fournit pas non plus d’explications (36).

    58.      Pour déterminer le sens de la notion de « recherche », on peut s’inspirer de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, à laquelle l’Union européenne est partie (37). L’article 9 de cette convention prévoit des dérogations de recherche rédigées dans des termes semblables à ceux des directives Oiseaux et Habitats. En ce qui concerne la signification de ces dérogations, le comité permanent de la convention de Berne a considéré que la « recherche est une activité intellectuelle ayant pour but d’arriver à de nouvelles conclusions scientifiques de manière méthodique, systématique et vérifiable »(38).

    59.      Cette description permet de tirer des conclusions sur certains éléments de la notion de « recherche », tant du point de vue matériel que procédural. La dimension matérielle d’un projet de recherche est son objectif ; elle répond à la question de savoir quel est l’ensemble de connaissances que le projet vise à développer et elle explique pourquoi cette question devrait être initialement posée. La dimension procédurale concerne les méthodes scientifiques qu’il utilise, c’est-à-dire la manière dont le résultat souhaité sera atteint.

    60.      Je propose donc que, aux fins de la présente affaire et sans qu’il soit nécessaire de donner une définition plus complète de la notion de « recherche », la Cour établisse qu’un projet de recherche doit avoir un objectif exprimé dans une question de recherche et être conçu de manière à permettre de répondre à cette question. Ces éléments de la notion de « recherche », dont les deux parties s’accordent en outre à dire qu’elle implique une « recherche scientifique », n’ont pas été contestés (39).

    61.      Saisie d’une question semblable à celle dont est saisie la Cour dans la présente affaire, la Cour internationale de justice (CIJ), dans une affaire qui concernait le projet japonais de chasse à la baleine dans l’Antarctique (40), a également considéré qu’il n’était pas nécessaire qu’elle donne une définition générale de la notion de « recherche ». Cette juridiction a toutefois précisé que « pour répondre objectivement à la question de savoir si un programme est conduit en vue de recherches scientifiques, il y a lieu d’examiner non pas les intentions de représentants du gouvernement concerné, mais le caractère raisonnable de la conception et de la mise en œuvre du programme au regard des objectifs de recherche annoncés » (41).

    62.      Je propose à la Cour d’adopter une méthode similaire et d’apprécier si la conception et la mise en œuvre du projet Fringillidés sont raisonnables au regard des objectifs de recherche annoncés de ce projet.

    63.      La Commission a soulevé à la fois la question des objectifs de recherche annoncés et celle de la conception et de la mise en œuvre du projet Fringillidés. Je les traiterai l’une après l’autre.

    a)      Sur la question de recherche et son objectif

    64.      La question de recherche du projet Fringillidés est rédigée comme suit : « d’où viennent les fringillidés qui migrent au-dessus des îles maltaises au cours de la migration postnuptiale (automne) ? » (42).

    65.      La Commission affirme que l’objectif de cette question de recherche n’est pas un objectif de conservation. Si Malte cherche à répondre à cette question, c’est plutôt pour (ré) introduire la dérogation récréative et seulement à cette fin.

    66.      Selon la Commission, la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux ne peut être invoquée qu’à des fins de recherche ayant un objectif de conservation.

    67.      Malte a confirmé que la nécessité de répondre à la question de recherche du projet Fringillidés a effectivement été reconnue après que la Cour a souligné le déficit de connaissance dans son arrêt Commission contre Malte. Toutefois, elle affirme que le comblement du déficit de connaissance qui empêche Malte d’introduire une dérogation récréative pourrait être l’objectif d’un projet de recherche au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux.

    68.      En outre, Malte explique que le projet Fringillidés a également un objectif plus large de conservation. Elle affirme que savoir d’où viennent les fringillidés qui survolent Malte peut l’aider à concevoir sa politique de conservation. Les données produites par le projet Fringillidés permettraient notamment d’identifier les routes migratoires pertinentes et, partant, de contribuer à orienter les efforts de conservation de l’habitat ainsi qu’à concevoir l’aménagement du territoire qui protégerait les sites de halte et les routes essentielles.

    69.      J’estime que la position de la Commission, selon laquelle l’objectif d’un projet de recherche au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux ne doit être qu’un objectif de conservation, ne saurait être admise. Les recherches nécessitant une dérogation à la protection des oiseaux peuvent poursuivre n’importe quel intérêt de recherche légitime. À cet égard, aussi longtemps que le piégeage récréatif des oiseaux sera considéré comme une exploitation judicieuse autorisée de la dérogation récréative, à condition que seul un petit nombre d’oiseaux soient capturés, la collecte de données pour l’introduction d’une telle dérogation ne pourra pas être contestée au motif qu’elle aurait un objectif illégitime.

    70.      La recherche visant à promouvoir les objectifs de conservation est encouragée par une autre disposition de la directive Oiseaux. L’article 10 de cette directive dispose que « [l]es États membres encouragent les recherches et les travaux nécessaires aux fins de la protection, de la gestion et de l’exploitation de la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er ». Il s’agit d’un argument en faveur de ma position selon laquelle l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux doit être entendu comme permettant également les recherches ayant des objectifs légitimes autres que la conservation.

    71.      Dans le même temps, j’estime que, même s’il n’est pas nécessaire qu’une recherche au titre d’une disposition dérogatoire ait pour objectif d’améliorer les méthodes de conservation, elle ne saurait avoir pour effet d’empêcher ou de gêner la réalisation des objectifs de maintien du bon état de conservation d’une espèce.

    72.      Pour en revenir aux circonstances de l’espèce, les règles-cadres de 2020 ont défini l’objectif du projet Fringillidés d’une manière différente de celle des règles-cadres de 2021. La référence expresse à la dérogation récréative, qui figurait dans les règles-cadres de 2020, a été supprimée dans les règles-cadres de 2021 (43). Toutefois, lors de l’audience, Malte a précisé que la possibilité d’introduire une dérogation récréative est toujours l’un des objectifs des règles-cadres de 2021, bien que leur rédaction ait été modifiée.

    73.      La question de recherche à laquelle le projet Fringillidés vise à répondre me semble appropriée pour remédier au déficit de connaissance constaté par la Cour dans l’arrêt Commission contre Malte en ce qui concerne la dérogation récréative.

    74.      À l’inverse, même si, selon Malte, le projet Fringillidés a des objectifs de conservation plus larges, cet État n’a pas expliqué, sauf en termes très généraux, les objectifs de conservation que le projet entend poursuivre. Il est donc difficile d’établir le lien entre la question de recherche relative à la provenance des oiseaux survolant Malte en automne et les éventuels objectifs de conservation.

    75.      Néanmoins, en accordant à Malte le bénéfice du doute, je procéderai à l’analyse en partant du principe que le projet Fringillidés poursuit également un objectif de conservation plus large. Lors de l’appréciation du caractère raisonnable de la conception d’un projet, il est nécessaire de prendre en considération ses objectifs. J’apprécierai donc la question de savoir si la conception du projet peut être justifiée au regard de ses deux objectifs déclarés.

    b)      Sur la conception et la mise en œuvre du projet de recherche

    76.      Ainsi que je l’ai expliqué, la conception d’un projet et la manière dont il est mis en œuvre doivent être raisonnables (44). Cela signifie que la perturbation des oiseaux, qui est en principe interdite par la directive Oiseaux, doit être justifiée par les objectifs du projet (45).

    77.      Je distinguerai les questions relatives à la conception et à la mise en œuvre du projet Fringillidés en traitant, d’une part, des aspects contestés par la Commission dont j’estime qu’il s’agit de parties raisonnables de la conception de ce projet et, d’autre part, de ceux parmi lesdits aspects que je ne considère pas comme raisonnables.

    1)      Les éléments acceptables de la conception du projet Fringillidés

    78.      La Commission allègue que l’utilisation de clap-nets n’est pas justifiée, que le nombre de sites de piégeage est excessif et qu’il n’est pas clairement lié aux enjeux. En outre, compte tenu du faible nombre d’individus bagués piégés à Malte, la collecte des données sur les seuls oiseaux bagués ne peut absolument pas répondre à la question de recherche dans un délai raisonnable. La Commission affirme que, compte tenu de la manière dont le projet actuel est conçu, il faudrait environ 70 ans pour collecter le nombre nécessaire de bagues.

    79.      À mon avis, Malte a présenté des arguments convaincants à l’encontre de ces éléments soulevés par la Commission comme constituant des défauts de conception du projet. Premièrement, tant les clap-nets que les filets japonais sont, en principe, interdits par l’annexe IV de la directive Oiseaux et ils ne peuvent être utilisés qu’en vertu de l’une des dérogations. Par conséquent, si les oiseaux doivent être capturés, et cela semble être la seule méthode scientifiquement disponible aujourd’hui pour lire des données provenant de bagues de fringillidés bagués, l’utilisation de clap-nets permet une capture plus sélective des oiseaux que les filets japonais. Étant donné que le projet Fringillidés vise précisément sept espèces de fringillidés, ce choix semble justifié.

    80.      Deuxièmement, je peux admettre que le grand nombre d’oiseaux piégés sur la vaste superficie du pays n’est pas nécessairement un défaut du projet. Une telle conception du projet augmente les chances de piéger un oiseau bagué et de recueillir les informations nécessaires plus rapidement. Néanmoins, l’un des arguments avancés par Malte à cet égard ne saurait être retenu. Malte a souligné que, contrairement à ce qui était le cas dans un projet récréatif précédent, le piégeage d’un grand nombre d’oiseaux n’était pas un problème, car ils sont relâchés sains et saufs dans la nature. Toutefois, le fait que les fringillidés soient relâchés après avoir été capturés ne saurait être considéré comme justifiant la conception du projet en soi. Il ne faut pas oublier que, en vertu de la directive Oiseaux, il est également interdit de piéger et de perturber les oiseaux et pas seulement de les détenir ou de les tuer.

    81.      Troisièmement, en ce qui concerne la saturation fixée à 60 à 70 bagues collectées par espèce de fringillidés, qui permet de conclure que des données suffisantes pour tirer des conclusions fiables sont collectées, je ne considère pas que la Cour soit suffisamment informée pour se prononcer. Il en va de même pour les projections sur l’éventuelle fin du projet.

    2)      Les défauts inacceptables dans la conception et la mise en œuvre du projet

    82.      Comme je l’ai déjà proposé, pour déterminer si un projet est un véritable projet de recherche, la Cour devrait se concentrer sur son caractère raisonnable. L’appréciation du caractère raisonnable d’un projet de recherche suppose de mettre en balance la perturbation des fringillidés sauvages requise par le projet, qui est interdite par la directive Oiseaux, avec l’objectif scientifique du projet. Plus l’objectif du projet est important, plus il est facile de justifier la capture et la perturbation des oiseaux. Moins l’objectif est important, plus l’exercice de justification est difficile, ce qui pourrait conduire à la conclusion que la capture et la perturbation des oiseaux ne devraient pas être autorisées.

    83.      La mise en balance doit également prendre en considération le fait que le projet en cause concerne des animaux vivants (46). Il convient de rappeler que la protection du bien-être animal constitue, conformément à l’article 13 TFUE, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union européenne (47). La Cour a déjà explicitement reconnu son importance en ce qui concerne la directive Oiseaux (48).

    84.      S’agissant du caractère raisonnable du projet Fringillidés, la Commission relève les défauts suivants dans la conception du projet. Premièrement, il n’existe pas de méthode de collecte de données exhaustive qui pourrait justifier la perturbation des oiseaux et le projet se concentre, à tort, sur l’enregistrement d’individus déjà bagués. Deuxièmement, les collecteurs de données qui participent au projet ne sont pas formés de manière adéquate et ils se trouvent dans une situation de conflit d’intérêts qui devrait les empêcher de participer au projet.

    i)      Le projet n’est axé que sur des individus déjà bagués

    85.      S’agissant du premier argument, la Commission soutient tout d’abord que le fait d’avoir axé le projet sur la provenance des fringillidés est une erreur, en se fondant sur les conclusions des rapports de BirdLife Malta et d’EURING. Selon ces dernières, « [p]our éclairer l’amélioration de la conservation et de la gestion des fringillidés hivernant à Malte et pour fournir une base permettant de contrôler l’efficacité des futures mesures de conservation, il est important de comprendre leur répartition, leur nombre et leur renouvellement, ainsi que leurs origines migratoires ». L’accent initial d’un projet crédible ne devrait pas être mis sur les origines de la population, mais le projet devrait d’abord estimer la taille, la composition et le renouvellement des populations de fringillidés présentes à Malte en dehors de la saison de reproduction. Cela pourrait être fait au moyen d’enquêtes d’observation, qui « fourniraient des informations de base sur la concentration saisonnière et sur l’utilisation de l’habitat, en identifiant les zones et les habitats qui sont les plus importants et dont la conservation devrait être prioritaire pour ce qui concerne ces espèces » (49).

    86.      Cet argument n’a pas été réfuté par Malte. De fait, si elle n’était envisagée que dans le contexte de son objectif de permettre la (ré)introduction d’une dérogation récréative, en remédiant au déficit de connaissance reconnu par la Cour dans l’arrêt Commission contre Malte, la collecte de données sur la provenance des oiseaux pourrait sembler constituer un axe adéquat pour le projet. Toutefois, se concentrer sur ce type d’informations, en particulier en l’absence d’autres données pertinentes qui ne peuvent pas être collectées dans le cadre du projet Fringillidés, ne saurait justifier de perturber les oiseaux au regard d’un objectif de conservation plus large.

    87.      Le deuxième défaut qui pose de sérieux problèmes dans la conception du projet est que la capture d’oiseaux n’est autorisée que pour lire et pour enregistrer des données relatives à des individus capturés qui sont déjà bagués. Ainsi que l’affirme la Commission, cela n’est pas justifié d’un point de vue scientifique ou éthique. Lorsque des oiseaux sont capturés lors d’opérations de baguage, toutes les données scientifiques appropriées devraient être collectées afin de garantir que l’utilisation scientifique des données puisse être optimisée. La collecte de données provenant non seulement de la bague, mais également de données supplémentaires relatives à chaque oiseau capturé, telles que l’âge, le sexe, le poids, l’état des plumes, la mesure des ailes et d’autres données similaires, ainsi que le baguage de tous les individus capturés, pourrait effectivement justifier les actions interdites par ailleurs par la directive Oiseaux. Pour ce faire, la participation de bagueurs formés et qualifiés serait nécessaire.

    88.      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans sa conception initiale conformément à la réglementation pertinente, le projet Fringillidés prévoyait effectivement non seulement de collecter des données provenant d’oiseaux déjà bagués, mais également de baguer tous les oiseaux capturés. Pour la mise en œuvre de cette partie du projet, il était prévu qu’une licence spéciale de participation au projet puisse être octroyée à des bagueurs d’oiseaux titulaires d’une licence. Toutefois, l’organisation de baguage d’oiseaux concernée, EURING, n’ayant pas confiance dans le projet proposé, les bagueurs d’oiseaux exerçant leurs activités à Malte ont refusé de participer à ce projet (50). L’appel d’offres lancé à l’échelle européenne à l’intention des bagueurs n’a en effet pas abouti, selon Malte. C’est la raison pour laquelle, au cours des trois années examinées, le projet n’a été mis en œuvre que pour collecter des données provenant d’oiseaux déjà bagués.

    89.      La capture d’oiseaux à grande échelle, telle qu’envisagée par le projet Fringillidés, aux seules fins de collecter les données des oiseaux bagués ne saurait, à mon sens, justifier le projet, indépendamment de la question de savoir si son objectif est uniquement de permettre la (ré)introduction de la dérogation récréative ou si elle poursuit effectivement des objectifs de conservation plus larges. Dans les deux cas de figure, la perturbation des oiseaux à une échelle aussi importante serait disproportionnée par rapport aux bénéfices scientifiques du projet (51).

    90.      L’absence de participation de bagueurs d’oiseaux au projet Fringillidés aurait peut-être pu être évitée si le législateur avait renoncé à une partie de la conception du projet. L’une des questions controversées en raison de laquelle les bagueurs ont refusé de participer au projet Fringillidés était l’utilisation d’appelants vivants. Cela ne semble toutefois pas nécessaire pour permettre la capture des fringillidés au moyen de clap-nets. Il est tout aussi efficace d’utiliser les appeaux préenregistrés (52). Étant donné qu’une telle modification de la conception du projet pourrait accroître son caractère raisonnable, car des oiseaux pourraient être bagués parallèlement à l’enregistrement des informations existantes sur les bagues et sans diminuer l’efficacité de la méthode de capture, on doit se demander si cette partie de la conception du projet n’a pas un objectif différent des fins de recherche. Cette partie de la conception du projet permet de perpétuer des activités récréatives de piégeage de fringillidés dans lesquelles des appelants vivants étaient traditionnellement utilisés (53).

    ii)    Les collecteurs de données et la science citoyenne

    91.      Cela m’amène à l’argument suivant soulevé par la Commission, qui concerne le caractère inadéquat de la participation au projet de personnes ayant participé à un projet de dérogation récréatif antérieur.

    92.      La principale réponse que Malte donne à ces allégations est la science citoyenne. Malte affirme que la science citoyenne est une idée fortement soutenue par la Commission et elle s’étonne de la position de la Commission en l’espèce (54). Elle soutient en outre qu’il est approprié de faire participer des personnes titulaires de la licence de capture d’individus vivants qu’elles ont acquise dans le cadre d’une dérogation de piégeage récréatif, car ces personnes savent comment utiliser les clap-nets. Enfin, Malte insiste sur le fait que seuls les piégeurs qui suivent une formation peuvent acquérir la licence spéciale qui leur permet de participer au projet Fringillidés.

    93.      La science citoyenne est en effet une idée soutenue par l’Union européenne (55). Toutefois, l’idée d’inclure les citoyens dans les projets scientifiques n’est pas de concevoir des projets afin d’y faire participer des citoyens, mais plutôt d’inclure des citoyens dans les projets de recherche qui sont en eux-mêmes justifiés par certains objectifs de recherche pertinents. La participation des citoyens devrait être rendue possible pour toutes les personnes qui souhaitent participer au projet et elle ne devrait pas être discriminatoire, même si certaines conditions de participation peuvent être imposées.

    94.      Au contraire, le projet Fringillidés est conçu de manière à ce que seules les personnes qui possèdent la licence générale de capture d’individus vivants, qui n’est plus délivrée mais dont les seuls titulaires sont d’anciens participants au projet de dérogation récréative, puissent demander la licence spéciale pour participer au projet Fringillidés (56). Malte l’a confirmé lors de l’audience. Cet État membre n’a toutefois pas présenté d’explication raisonnable du fait que le projet, s’il est fondé sur l’idée de science citoyenne, n’est pas ouvert à tous les citoyens qui pourraient souhaiter y participer. Un des arguments qui a été présenté était que les personnes titulaires d’une licence générale de capture d’individus vivants savent comment utiliser les clap-nets. Toutefois, aucune explication n’a suivi en ce qui concerne les raisons pour lesquelles d’autres citoyens ne seraient pas en mesure d’apprendre comment ces filets devraient être utilisés aux fins du projet.

    95.      La formation obligatoire aux fins de l’éligibilité à la licence spéciale ne semble se concentrer que sur l’information des participants potentiels à propos de la conception juridique du projet, y compris celles, et non des moindres, sur l’obligation de relâcher immédiatement les oiseaux capturés. D’après les données présentées à la Cour, il ne semble pas que la formation en cause donne les compétences nécessaires pour collecter des données, par exemple comment utiliser correctement les clap-nets ou comment distinguer les sept espèces de fringillidés entre elles et par rapport à d’autres oiseaux (57). Cette formation ne semble effectivement pas suffisante pour permettre à tout citoyen intéressé de participer au projet.

    96.      Les autres projets prétendument comparables au projet Fringillidés, que Malte a mentionnés dans son mémoire en défense comme impliquant des citoyens dans la recherche sur les oiseaux, n’impliquaient pas de citoyens dans des actions invasives concernant les oiseaux. Ces projets concernaient plutôt, pour la plupart, l’observation et la notification des données observées (58). En outre, comme l’explique EURING, les citoyens qui participent aux projets de baguage suivent une formation sérieuse, s’étendant souvent sur un an, et participent au projet aux côtés de bagueurs professionnels (59).

    97.      Je peux convenir avec Malte que le fait d’inclure des personnes qui participaient auparavant au piégeage récréatif de fringillidés ne constitue pas en soi un problème et peut même avoir une composante pédagogique, notamment étant donné qu’il est interdit de détenir les oiseaux dans le cadre du projet.

    98.      Toutefois, cela n’explique pas pourquoi seules ces personnes sont invitées à participer au projet Fringillidés dans le cadre de la science citoyenne. Cela n’est pas conforme à la notion de « science citoyenne ». Il s’agit plutôt d’un indice que le projet a bien été conçu et mis en œuvre dans le but de permettre à ce groupe particulier de citoyens de poursuivre ses activités récréatives de piégeage de fringillidés.

    99.      Malte a souligné que le projet prévoit la surveillance de sa mise en œuvre et de son respect, ce qui devrait empêcher les collecteurs de données de détenir les oiseaux capturés. En outre, les chiffres relatifs aux deux dernières années de mise en œuvre du projet montrent que le contrôle du respect de son application a été efficace dans la pratique. À cet égard, Malte a fourni des chiffres significatifs relatifs aux efforts importants mis en œuvre pour améliorer le contrôle du respect de sa législation. Par exemple, pour l’année 2021, lors de l’ouverture des « périodes de recherche », et compte tenu du fait que 2 904 licences spéciales avaient été délivrées en vertu de la présente dérogation, la législation imposait que 50 agents soient présents pendant les heures autorisées et ces agents ont effectué 3 111 contrôles inopinés au total, qui ont permis de constater 122 illégalités (60).

    100. Cela aurait effectivement pu conduire à la diminution des cas dans lesquels les oiseaux capturés ne sont pas relâchés. Toutefois, ainsi que l’a relevé la Commission lors de l’audience, il est étrange qu’un véritable projet de recherche nécessite une mobilisation aussi constante et importante de ressources policières.

    101. Enfin, non seulement la conception du projet Fringillidés est difficile à défendre sous l’angle de la science citoyenne, mais ce projet n’est pas non plus engagé dans la coopération avec d’autres projets de recherche. On s’attendrait en effet à ce que le projet, qui dépend des données d’autres pays et peut contribuer à d’autres projets relatifs aux déplacements des oiseaux, envisage une coopération nationale et internationale avec des projets similaires (61).

    102. En conclusion, je partage l’avis de la Commission selon lequel les éléments de preuve produits ne démontrent pas que la conception et la mise en œuvre du projet Fringillidés sont sincères et raisonnables pour ce qui est de la réalisation de ses objectifs déclarés. Pour cette raison, il ne saurait être justifié au titre de la dérogation pour la recherche prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux.

    2.      Absence d’une autre solution satisfaisante et obligation de motivation

    103. La Commission fait valoir que Malte n’a pas expliqué pourquoi il n’est pas possible de répondre à la question de recherche par d’autres méthodes, pas plus qu’elle ne l’a clairement expliqué dans la législation introduisant la dérogation.

    104. Malte répond que les rapports cités dans les déclarations mettant en œuvre les règles-cadres de 2020 et de 2021 expliquent de manière suffisamment claire pourquoi il n’existe pas de solution de remplacement appropriée au projet Fringillidés.

    105. Premièrement, quelle que soit la raison de la dérogation autorisée conformément à l’article 9 de la directive Oiseaux, cette disposition prévoit, à son paragraphe 1, une condition selon laquelle une telle dérogation ne peut être utilisée que « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ».

    106. J’ai déjà expliqué pourquoi je considère que la conception et la mise en œuvre du projet Fringillidés ne sont pas raisonnables aux fins de la réalisation de ses objectifs de recherche. J’estime donc qu’il n’a pas été adopté pour des fins de recherche. Partant, la question de la solution de remplacement ne se pose pas.

    107. Si toutefois la Cour considère que le projet Fringillidés a été adopté à des fins de recherche, je suis d’avis que, comme l’affirme la Commission, Malte n’a pas clairement expliqué pourquoi les deux autres solutions mentionnées sont insuffisantes.

    108. L’objectif du projet Fringillidés est d’établir d’où proviennent les fringillidés qui survolent Malte. Pour ce faire, le projet propose d’utiliser des méthodes qui sont interdites par la directive Oiseaux – la capture des oiseaux et l’utilisation de clap-nets. Pour que le projet Fringillidés soit justifié au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive Oiseaux, il est donc nécessaire que Malte établisse que d’autres méthodes, qui ne sont pas contraires à cette directive ou qui impliquent une dérogation mais qui sont moins intrusives, ne sont pas disponibles.

    109. La première autre solution mentionnée par la Commission concerne la participation d’experts ornithologues. La Commission n’a pas clairement expliqué de quelle manière ils devaient participer au projet. Il est certain qu’ils doivent participer à la conception du projet, à l’analyse des données collectées, qu’ils doivent tirer des conclusions de ces analyses et, enfin, participer à la publication des résultats du projet (62).

    110. Toutefois, le problème de l’absence de participation d’ornithologues dans la conception du projet Fringillidés que la Commission a souligné concernait le moment de collecter les données provenant des bagues des oiseaux et de recueillir des informations supplémentaires sur les oiseaux capturés.

    111. À cet égard, il me semble que Malte ne saurait prétendre que la solution la plus satisfaisante ne serait pas la participation d’ornithologues au projet, étant donné qu’elle avait initialement envisagé la participation de bagueurs d’oiseaux lors de la collecte de données. Toutefois, après l’échec de sa tentative d’impliquer des ornithologues, Malte a ignoré cet aspect initial de la conception du projet et elle a poursuivi sa mise en œuvre sans la participation d’ornithologues. Une première solution existait manifestement, mais elle a été négligée par Malte.

    112. La seconde solution mentionnée était la modélisation à grande échelle. Même si Malte avance de multiples raisons pour lesquelles cette option serait moins efficace que le projet fondé sur la collecte de données provenant des bagues des oiseaux, elle n’a pas affirmé qu’une telle méthode n’est pas en mesure de répondre à la question de recherche et de combler ainsi le déficit de connaissances en cause. Étant donné que la modélisation à grande échelle est une méthode de recherche qui n’est pas intrusive, de sorte qu’elle n’est pas contraire à la directive Oiseaux, le rejet d’une telle méthode nécessiterait une explication plus approfondie.

    113. Je considère que Malte n’a pas clairement expliqué pourquoi d’autres méthodes disponibles ne sont pas appropriées pour combler le déficit de connaissance dont l’identification se trouve à l’origine du développement du projet Fringillidés. Par conséquent, les motivations contenues dans la législation de mise en œuvre (les déclarations) ne satisfont pas au critère de sécurité juridique établi par la jurisprudence (63) lequel exige la présentation d’une motivation précise et adéquate expliquant en quoi les conditions prévues à l’article 9 sont remplies, y compris les raisons pour lesquelles l’autorité qui introduit la mesure dérogatoire estime qu’une autre solution satisfaisante n’existe pas (64).

    114. Aucune motivation quant à une autre solution disponible n’est fournie dans les règles-cadres de 2020 ou de 2021. Les trois déclarations de mise en œuvre, ouvrant la période de recherche pour les années 2020, 2021 et 2022, contiennent une certaine motivation. Alors que la déclaration de 2020 ne fait qu’indiquer implicitement des études sous-jacentes utilisées pour la conception du projet, les déclarations ultérieures indiquent plus explicitement ces études dans des notes en bas de page. Toutefois, ni ces études ni les arguments présentés au cours de la procédure devant la Cour ne répondent clairement à la question de savoir pourquoi les autres méthodes devaient être écartées. Il n’est pas allégué qu’elles ne sont pas appropriées, mais seulement qu’elles sont moins efficaces.

    115. La Commission a donc démontré de manière suffisante que Malte n’a pas motivé l’absence d’une autre solution satisfaisante et qu’elle n’a pas démontré l’absence d’une autre solution satisfaisante.

    116. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de constater que Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive Oiseaux, lus conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.

    VI.    Sur les dépens

    117. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Malte et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de condamner la République de Malte aux dépens.

    VII. Conclusion

    118. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

    –        déclarer qu’en ayant adopté le régime dérogatoire permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages (le pinson des arbres Fringilla coelebs, la linotte mélodieuse Carduelis cannabina, le chardonneret élégant Carduelis carduelis, le verdier d’Europe Carduelis chloris, le gros-bec casse-noyaux Coccothraustes coccothraustes, le serin cini Serinus serinus et le tarin des aulnes Carduelis spinus), la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages, lues conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, et

    –        de condamner la République de Malte à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.


    1      Langue originale : l’anglais.


    2      Huston, J., The Maltese Falcon, Warner Bros, 1941. Sur les faits historiques liés à cette histoire, voir Falzon, M-A., Birds of Passage, Hunting and Conservation in Malta, Berghahn Books, New York, Oxford, 2020, p. 26.


    3      Á ma connaissance, le piégeage des fringillidés était pratiqué à Malte pour utiliser ces oiseaux comme appelants vivants pour la chasse ou le piégeage ultérieur. Les oiseaux étaient également détenus en cages et utilisés pour la reproduction ou comme animaux de compagnie, ou pour le plaisir d’écouter leur chant. Voir, à cet égard, Falzon, M-A.,  op.cit., p. 14 à 15, 51 et 55 à 56.


    4      Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7) qui a abrogé la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1) (ci-après la « directive Oiseaux »).


    5      Le traité d’adhésion prévoyait une période de transition pendant laquelle Malte devait progressivement supprimer les activités de piégeage des oiseaux interdites par la directive Oiseaux. Voir traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque, relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17).


    6      Les sept espèces de fringillidés sauvages en cause sont les suivantes : le pinson des arbres Fringilla coelebs, la linotte mélodieuse Carduelis cannabina, le chardonneret élégant Carduelis carduelis, le verdier d’Europe Carduelis chloris, le gros-bec casse-noyaux Coccothraustes coccothraustes, le serin cini Serinus serinus et le tarin des aulnes Carduelis spinus.


    7      Arrêt du 21 juin 2018, Commission/Malte (C‑557/15, ci-après l’« arrêt Commission contre Malte », EU:C:2018:477,).


    8      Voir arrêt Commission contre Malte, points 62 à 76. D’autres raisons pour lesquelles la Cour a considéré que la dérogation récréative ne satisfaisait pas aux conditions de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive Oiseaux, étaient que les clap-nets constituaient des méthodes de capture non sélectives, que le piégeage était très intensif et que la dérogation n’était pas utilisée dans des conditions strictement contrôlées (voir arrêt Commission contre Malte, points 71, 79, 81, 84, et 97).


    9      Le projet Fringillidés est fondé sur la législation exposée à la section II des présentes conclusions.


    10      Lors de l’audience, la Commission a expliqué qu’elle a décidé d’introduire le présent recours en se fondant sur l’article 258 TFUE et non sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la législation introduisant le projet Fringillidés étant prétendument justifiée par une autre disposition de la directive Oiseaux. Ainsi, même si, selon la Commission, la nouvelle législation maintient l’ancien régime, le fait qu’elle se fonde sur un motif dérogatoire différent exigeait l’ouverture d’une nouvelle procédure d’infraction.


    11      Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7) telle que modifiée en dernier lieu par la directive 2013/17/UE du Conseil du 13 mai 2013 portant adaptation de certaines directives dans le domaine de l’environnement, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive Habitats »).


    12      Sur l’importance de la biodiversité, voir remarques introductives à mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:90, points 1 à 3).


    13      Italique ajouté par mes soins. Il convient de préciser que l’annexe I de la directive Oiseaux énumère les oiseaux qui, conformément à son article 4, font l’objet de mesures de conservation spéciale afin d’assurer leur survie. L’annexe II énumère les espèces pouvant être chassées conformément à la législation nationale et l’annexe III énumère les espèces qui peuvent faire l’objet d’échanges commerciaux dans des conditions spécifiques. Les fringillidés qui font l’objet du « projet Fringillidés » ne sont énumérés dans aucune des annexes de la directive Oiseaux. Toutefois, ils sont également soumis à des mesures spéciales de conservation en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive Oiseaux, qui exige un tel traitement à l’égard des « espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière ».


    14      Voir, en ce sens, points 79, 81 et 84 de l’arrêt Commission contre Malte.


    15      Voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux (C‑900/19, ci-après l’« arrêt One Voice », EU:C:2021:211, point 33 et jurisprudence citée).


    16      Voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1987, Commission/Belgique (247/85, EU:C:1987:339, point 8) , du 28 février 1991, Commission/Allemagne (C‑57/89, EU:C:1991:89, point 22) , du 23 avril 2020, Commission/Finlande (Chasse printanière à l’eider à duvet mâle) (C‑217/19, EU:C:2020:291, point 85) , et arrêt One Voice, point 35.


    17      Legal Notice 79 (acte juridique 79) du 29 mars 2006, qui contient les règles sur la conservation des oiseaux sauvages (annexe A.1 à la requête).


    18      Legal Notice 399 (acte juridique 399) du 27 octobre 2020.


    19      Legal Notice 400 (acte juridique 400) de 2020, concernant une déclaration relative à une dérogation autorisant une période de recherche pour 2020.


    20      Legal Notice 394 (acte juridique 394) de 2021.


    21      Legal Notice 395 (acte juridique 395) de 2021 concernant une déclaration relative à une dérogation autorisant des recherches scientifiques pour 2021.


    22      Legal Notice 257 (acte juridique 257) de 2022 concernant une déclaration relative à une dérogation autorisant des recherches scientifiques pour 2022.


    23      Cela est prévu à la règle 1, paragraphe 2, des règles-cadres de 2020 et de 2021. Toutefois, l’expression « dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective » a été insérée par les règles-cadres de 2021.


    24      Voir, à cet égard, règle 2, sous c), de la déclaration de 2021, expliquant que les bagueurs d’oiseaux du programme national de baguage ne peuvent pas utiliser d’appelants vivants et que, pour des raisons éthiques, ils sont défavorables à leur utilisation à des fins de baguage et de contrôle.


    25      Par la déclaration de 2021, adoptée le même jour que les règles-cadres de 2021, Malte a ouvert une autre période de recherche allant du 20 octobre 2021 au 20 décembre 2021. Une période de recherche similaire a été ouverte, du 20 octobre 2022 au 20 décembre 2022, par la déclaration de 2022.


    26      Voir arrêt du 22 mars 1983, Commission/France (42/82, EU:C:1983:88, point 20).


    27      Voir règle 1, paragraphe 2 des règles-cadres de 2020 et des règles-cadres de 2021.


    28      Voir règle 2, paragraphe 2, définition des « espèces concernées », des règles-cadres de 2020 et des règles-cadres de 2021.


    29      Voir règles 5 à 7 des règles-cadres de 2020 et règles 10 à 12 des règles-cadres de 2021.


    30      Voir règle 4 des règles-cadres de 2020 et règle 8 des règles-cadres de 2021.


    31      Voir règle 3 des règles-cadres de 2021.


    32      Voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1992, Commission/Grèce (C‑105/91, EU:C:1992:441, point 12 et jurisprudence citée), et du 4 septembre 2014, Commission/Allemagne (C‑211/13, EU:C:2014:2148, point 23 et jurisprudence citée).


    33      Voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1992, Commission/Grèce (C‑105/91, EU:C:1992:441, point 13 et jurisprudence citée) ; du 9 septembre 2004, Commission/Grèce (C‑417/02, EU:C:2004:503, point 17), et du 4 septembre 2014, Commission/Allemagne (C‑211/13, EU:C:2014:2148, point 24 et jurisprudence citée).


    34      Voir point 40 des présentes conclusions.


    35      Voir, en ce sens, arrêt One Voice, point 29 et jurisprudence citée.


    36      Voir article 16, paragraphe 1, sous d), de la directive Habitats. La petite différence réside dans l’utilisation du singulier dans la version en langue anglaise de la directive Habitats. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une différence importante ou intentionnelle. En outre, la version en langue française des directives Habitats et Oiseaux utilise le pluriel et, à mon sens, le pluriel est plus approprié pour faire référence à la fois à la recherche et à l’enseignement.


    37      L’avocate générale Kokott a considéré que l’article 9 de la directive Oiseaux constitue la transposition de l’article 9 de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 (JO 1982, L 38, p. 3, ci-après la « convention de Berne »), à laquelle l’Union européenne est partie [82/72/CEE : Décision du Conseil, du 3 décembre 1981, concernant la conclusion de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (JO 1982, L 38 p.1)] ; c’est pourquoi cette convention doit être prise en considération aux fins de l’interprétation de la directive Oiseaux. Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires jointes Föreningen Skydda Skogen (C‑473/19 et C‑474/19, EU:C:2020:699, point 73).


    38      Comité permanent, Provisions on Exceptions in accordance with Article 9 of the Bern Convention (Dispositions relatives aux exceptions conformément à l’article 9 de la convention de Berne), T-PVS/Inf (2011) 23, point 3.5.5, p. 19, disponible à l’adresse Internet suivante : https://rm.coe.int/0900001680746b62 (consulté en dernier lieu le 29 février 2024).


    39      En se fondant sur Day, R. et Gastel, B., « How to Write and Publish a Scientific Paper », 9e éd., Cambridge University Press, 2022, Malte a proposé les éléments suivants comme constitutifs d’un projet de recherche scientifique : un tel projet doit formuler une question de recherche ; faire un choix en ce qui concerne la structure de la recherche ; prévoir les méthodes de collecte et d’analyse des données ; et, enfin, interpréter et présenter les résultats. Malte soutient que le projet Fringillidés contient tous ces éléments. La Commission ne conteste pas la définition de la recherche scientifique donnée par Malte. Toutefois, elle estime que le projet Fringillidés ne répond pas à cette définition.


    40      Voir arrêt de la CIJ du 31 mars 2014, Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 226, p. 258.


    41      Voir arrêt de la CIJ du 31 mars 2014, Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 226, point 97.


    42      Cette question est présentée comme la question qui sous-tend le projet Fringillidés « projet de recherche maltais sur les fringillidés sauvages : portée et méthodologie », de la WBRU, p. 4. Ce rapport semble être le rapport d’expert rédigé avant l’introduction du projet Fringillidés. Le document présenté à la Cour (en Annexe B.2 au mémoire en défense) indique qu’il a été adopté au mois de mai 2020, mais n’a été publié qu’au mois de mars 2023, dans une version mise à jour. Dans ses mémoires, Malte a confirmé qu’il s’agit effectivement de la question de recherche du projet Fringillidés.


    43      La règle 2, paragraphe 1, des règles-cadres de 2020 mentionne expressément la collecte de données pour l’introduction de la dérogation récréative à l’avenir en tant qu’objectif du projet Fringillidés. La règle 2, paragraphe 1, des règles-cadres de 2021 n’énonce plus expressément cet objectif.


    44      Voir points 60 et 61 des présentes conclusions.


    45      Sur la nécessité que toute mesure fondée sur l’article 9 de la directive Oiseaux soit proportionnée, voir arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 57) et arrêt One Voice , point 61 et jurisprudence citée.


    46      Voir, à cet égard, considérations et procédures éthiques à inclure dans les projets proposés dans le cadre du programme Horizon 2020, à l’adresse Internet suivante : https://ec.europa.eu/research/participants/docs/h2020-funding-guide/cross-cutting-issues/ethics_en.htm.


    47      Voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C‑336/19, EU:C:2020:1031, point 63), ainsi que du 29 février 2024, cdVet Naturprodukte (C‑13/23, EU:C:2024:175, point 49). À cet égard, l’Union européenne a adopté la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (JO 2010, L 276, p. 33).


    48      Voir arrêt One Voice , points 39 et 65.


    49      Avis d’EURING à la Commission européenne sur la collecte de données destinées à éclairer la conservation et la gestion des populations de fringillidés à Malte (annexe A.21 à la requête), p. 12.


    50      Voir, à cet égard, procès-verbal de la réunion du comité ornithologique maltais du mercredi 26 août 2020 (annexe A.20 à la requête), point 5.29, p. 13.


    51      Selon les données dont dispose la Cour, seules dix bagues ont été recueillies en 2020 [« Rapport de la WBRU sur les résultats de la dérogation de recherche de l’automne 2020, pour déterminer la population maltaise de référence des sept espèces de fringillidés », mars 2021 (annexe A.11 à la requête), point 5.2] et vingt-deux en 2021 [« Rapport de la WBRU sur les résultats de la dérogation de recherche de 2021 pour déterminer la population maltaise de référence des sept espèces de fringillidés », mars 2022 (annexe B.27 au mémoire en défense), point 5.2].


    52      Le comité ornithologique maltais a effectivement voté, lors de sa réunion, en faveur de l’ajout d’appeaux à la possibilité d’utiliser des appelants vivants par les piégeurs. Un représentant de BirdLife Malta a voté contre cette proposition parce que des appelants vivants continuaient à être utilisés. Voir, à cet égard, le procès‑verbal de la réunion du comité ornithologique maltais du mercredi 26 août 2020 (note en bas de page 50 des présentes conclusions), points 5.14, 5.26 et 5.30. Lors de l’audience, Malte n’a pas expliqué pourquoi un tel changement n’avait pas été introduit, mais s’est bornée à répéter que l’utilisation d’appeaux était ajoutée en tant que possibilité supplémentaire à l’utilisation d’appelants vivants.


    53      Voir, à cet égard, procès-verbal de la réunion du comité ornithologique maltais du mercredi 26 août 2020 (note en bas de page 50 des présentes conclusions), point 5.14.


    54      À cet égard, Malte cite le livre vert de 2013 sur la science citoyenne, disponible à l’adresse Internet suivante :http://socientize.eu/sites/default/files/Green%20Paper%20on%20Citizen%20Science%202013.pdf ; Recommandation (UE) 2024/736 de la Commission du 1er mars 2024 sur un code de bonnes pratiques en matière de participation des citoyens à la valorisation des connaissances (JO L 2024/736).


    55      La Commission finance l’initiative de la science citoyenne de l’Union dans le cadre de son projet Horizon 2020, expliqué à l’adresse Internet suivante : https://eu-citizen.science/. Le site énumère 328 projets qui impliquent le public dans la recherche au moyen d’activités de science citoyenne.


    56      Voir règle 5, paragraphe 3, sous a), des règles-cadres de 2020 et règle 10, paragraphe 5, sous a), des règles-cadres de 2021. Voir, également, « Rapport de la WBRU sur les résultats de la dérogation de recherche de l’automne 2020 pour déterminer la population maltaise de référence des sept espèces de fringillidés » mars 2021 (annexe A.11 à la requête), point 4.1 ; et « Rapport de la WBRU sur les résultats de la dérogation de recherche de 2021 pour déterminer la population maltaise de référence des sept espèces de fringillidés », mars 2022 (annexe B.27 au mémoire en défense), point 4.1.


    57      En l’absence de toute autre information détaillée relative à la formation, cette conclusion peut être tirée en se fondant sur l’exemple d’épreuve que les candidats à la licence doivent réussir, qui figurait dans les documents soumis à la Cour en annexe B.3 au mémoire en défense.


    58      Malte a fait mentionné eBird, le Christmas Bird Count et le Breeding Bird Survey, qui, comme elle l’a admis dans ses mémoires, sont axés sur l’observation et le suivi non invasifs.


    59      Voir, par exemple, British Trust for Ornithology et Bird Banding Laboratory aux États-Unis.


    60      Ces chiffres ont été confirmés par la lettre du chef de la police. Voir annexe B. 28 au mémoire en défense.


    61      Voir, également, de manière similaire, arrêt de la C.I.J. du 31 mars 2014, Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 226, points 220 à 222.


    62      Le comité permanent de la convention de Berne a expliqué que, qu’elles soient organisées par des institutions publiques ou privées, voire par des particuliers, les recherches doivent être menées par « des chercheurs [...] dotés d’une solide formation dans le domaine de référence » et elles doivent être « destinées à avoir un effet public ». Comité permanent, Dispositions relatives aux exceptions conformément à l’article 9 de la convention de Berne, T-PVS/Inf (2011) 23, p. 20, disponible à l’adresse Internet suivante : https://rm.coe.int/0900001680746b62 (qui a été consultée en dernier lieu le 29 février 2024).


    63      Voir arrêts du 8 juin 2006, WWF Italia e.a. (C‑60/05, EU:C:2006:378, point 34 et jurisprudence citée) , Commission contre Malte, point 47 et arrêt, One Voice , point 28.


    64      Voir, par exemple, arrêts du 11 novembre 2010, Commission/Italie (C‑164/09, non publié, EU:C:2010:672, point 26), Commission contre Malte, point 50 et arrêt One Voice, point 31).

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