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Document 62022TJ0048

Arrêt du Tribunal (dixième chambre) du 6 décembre 2023.
République tchèque contre Commission européenne.
FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Procédure d’apurement de conformité – Agriculteur actif – Prairies permanentes – Échantillon de contrôle – Paiements indus – Dépôt tardif de la demande – Discipline financière – Obligation de motivation – Confiance légitime – Proportionnalité.
Affaire T-48/22.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2023:787

 ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

6 décembre 2023 ( *1 )

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Procédure d’apurement de conformité – Agriculteur actif – Prairies permanentes – Échantillon de contrôle – Paiements indus – Dépôt tardif de la demande – Discipline financière – Obligation de motivation – Confiance légitime – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑48/22,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil, O. Serdula et Mme J. Očková, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes J. Aquilina, A. Becker, K. Walkerová et M. J. Hradil, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), faisant fonction de président, P. Nihoul et S. Verschuur, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 mai 2023,

rend le présent

Arrêt

1

Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République tchèque demande l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2021/2020 de la Commission, du 17 novembre 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2021, L 413, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), en tant qu’elle concerne les dépenses qu’elle aurait engagées au cours des années 2015 à 2017, pour un montant de 43470836,30 euros (ci-après la « correction financière attaquée »).

I. Antécédents du litige

A. Enquête AA/2017/010/CZ

2

La Commission européenne a ouvert l’enquête AA/2017/010/CZ à l’encontre de la République tchèque pour vérifier si le contrôle par celle-ci des aides versées aux agriculteurs au titre du FEAGA et du Feader avait été effectué conformément à la législation de l’Union européenne pour les années 2015 à 2017 (ci-après l’« enquête »), sur le fondement de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549) et de l’article 34 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), dans sa version en vigueur au moment de l’enquête.

3

Du 18 au 22 septembre 2017, dans le cadre de l’enquête, la Commission a effectué un audit sur place, en République tchèque.

4

Par lettre du 30 novembre 2017 (ci-après la « lettre de constatation »), la Commission a notifié aux autorités tchèques les résultats de ses vérifications, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014. Dans cette lettre, la Commission a, notamment, relevé que le système de contrôle mis en place par la République tchèque pour vérifier l’octroi aux agriculteurs des aides à la surface au titre du FEAGA et du Feader n’était pas conforme à la législation de l’Union. De plus, elle a demandé aux autorités tchèques de fournir une description détaillée des mesures correctives mises en place.

5

Par lettre du 29 mars 2018, la République tchèque a fait parvenir à la Commission ses observations relatives à la lettre de constatation.

6

Par lettre du 4 juin 2018, la Commission a invité la République tchèque à une réunion bilatérale, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014.

7

Le 11 septembre 2018, la Commission a transmis à la République tchèque le procès-verbal de cette réunion bilatérale et lui a demandé des informations complémentaires en ce qui concernait, notamment, la classification des prairies permanentes.

8

Par lettre du 1er octobre 2018, la République tchèque a fait parvenir à la Commission ses observations relatives au procès-verbal de la réunion bilatérale. Dans cette lettre, elle lui fournissait, notamment, des informations relatives aux modalités de dépôt des demandes d’aide et de paiement, conformément à l’article 13 du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48).

9

Par lettre du 11 décembre 2018, la République tchèque a communiqué à la Commission des informations complémentaires en ce qui concernait, notamment, le rejet de plusieurs demandes visant à obtenir des paiements au titre du régime d’agriculteur actif, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608).

10

Par lettre du 6 mai 2019, la Commission a communiqué aux autorités tchèques l’existence d’un manquement en ce qui concernait le taux minimal des contrôles devant être effectués, sur la base de l’article 35 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), pour le régime d’aide « écologisation » (ci-après le « régime écologisation »), et leur a demandé des informations additionnelles. Ces informations ont été fournies par les autorités tchèques par lettre du 4 juillet 2019.

11

Par lettre du 20 décembre 2019, la Commission a envoyé aux autorités tchèques les conclusions préliminaires de l’enquête (ci-après les « conclusions préliminaires »), conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014. Dans cette lettre, la Commission a confirmé sa position, déjà exprimée dans la lettre de constatation, quant à la non-conformité du système de contrôle mis en place par la République tchèque pour vérifier l’octroi des aides à la surface versées aux agriculteurs, au titre du FEAGA et du Feader, au cours des années 2015 à 2017. De plus, elle a informé la République tchèque de son droit d’entamer une procédure de conciliation, conformément à l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014.

12

Plus particulièrement, s’agissant de la non-conformité du système de contrôle mis en place par la République tchèque, la Commission a, notamment, relevé des insuffisances relatives à cinq contrôles clés.

13

En premier lieu, la Commission a estimé que, lors de la détermination du statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide, les autorités tchèques avaient violé l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 (ci-après la « violation concernant le statut d’agriculteur actif »).

14

À cet égard, la Commission a fait valoir que les autorités tchèques :

avaient employé un seul critère pour prouver que deux des trois conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 étaient remplies ; ainsi, la Commission a estimé que la République tchèque avait restreint, de manière injustifiée, l’accès au statut d’agriculteur actif pour les personnes relevant de la liste de personnes qui, sauf preuve contraire, ne sont pas autorisées à recevoir des aides dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) parce qu’elles ne sont pas considérées comme étant des agriculteurs actifs, à savoir les personnes physiques ou morales et les groupements de personnes physiques ou morales qui exploitent des aéroports, des services ferroviaires, des sociétés de services des eaux, des services immobiliers ou des terrains de sport et de loisirs permanents (ci-après la « liste d’exclusion »), figurant à l’article 9, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1307/2013 ;

n’avaient pas pris en compte les sociétés liées au demandeur de l’aide lors du contrôle des conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 pour accéder au statut d’agriculteur actif.

15

En deuxième lieu, la Commission a relevé des insuffisances dans le système de contrôle mis en place par les autorités tchèques en ce qui concernait l’identification des prairies permanentes, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 (ci-après la « violation concernant l’identification des prairies permanentes »).

16

En troisième lieu, la Commission a fait valoir une violation, par les autorités tchèques, des dispositions du droit de l’Union concernant la sélection de l’échantillon des bénéficiaires d’une aide devant faire l’objet d’un contrôle de sa part (ci-après la « violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle »). La violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle comportait deux volets :

s’agissant du premier volet (ci-après la « violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards »), la Commission a considéré que les autorités tchèques avaient erronément inclus, dans le calcul du taux minimal des contrôles standards devant être effectués pour le régime de paiement unique à la surface (ci-après le « régime RPUS »), conformément à l’article 30, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014 (ci-après les « contrôles standards »), les contrôles de suivi devant être effectués lorsque le bénéficiaire d’une aide avait reçu, au cours de l’année précédente, une sanction administrative réduite, au sens de l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014 tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2016/1394 de la Commission, du 16 août 2016, modifiant le règlement no 809/2014 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (ci-après les « contrôles de suivi ») ;

s’agissant du second volet (ci-après la « violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative à l’écologisation »), la Commission a fait valoir une violation de l’article 35 du règlement d’exécution no 809/2014, au motif que les autorités tchèques n’avaient pas augmenté, en 2016 et en 2017, pour le régime écologisation, le pourcentage des bénéficiaires de l’aide devant faire l’objet d’un contrôle sur place à la suite du constat de l’existence, lors des années précédentes, d’irrégularités dans le régime RPUS.

17

En quatrième lieu, la Commission a relevé une violation de l’article 63 du règlement no 1306/2013 et de l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, lesquels prévoient que, à la suite de la déclaration d’inadmissibilité d’une surface au bénéfice de l’aide, les paiements indûment versés aux agriculteurs pour cette surface doivent être recouvrés et des sanctions administratives sont appliquées. Or, selon la Commission, le système mis en place par les autorités tchèques pour l’identification des surfaces inadmissibles, par le biais de la mise à jour annuelle du système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA »), ne permettait pas de vérifier si une surface inadmissible au bénéfice de l’aide pour une année l’était aussi pour les années précédentes et devait donner lieu à l’ouverture d’une procédure de recouvrement des paiements indus. Ainsi, selon la Commission, à la suite du constat de l’existence d’une surface inadmissible en 2017, les autorités tchèques auraient dû contrôler si la même surface était inadmissible en 2015 et en 2016 (ci-après la « violation concernant le recouvrement des paiements indus »).

18

En cinquième lieu, la Commission a fait valoir une violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 640/2014 (ci-après la « violation concernant le dépôt tardif de la demande »). À cet égard, la Commission a relevé que, lorsque les demandes d’aide ou de paiement avaient été déposées en ligne dans les délais prévus par l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 640/2014 sans signature électronique et avaient été, ensuite, signées en personne par le demandeur auprès du bureau compétent, dans les cinq jours suivants, les autorités tchèques auraient dû appliquer la réduction de 1 % par jour ouvrable du montant de l’aide auquel le demandeur avait droit, prévue par l’article 13, paragraphe 1, du même règlement (ci-après la « réduction de 1 % »). En effet, selon la Commission, la date de dépôt de ces demandes était celle de leur signature en personne par le demandeur, et non celle de leur dépôt en ligne, et cette date était postérieure à celle marquant la fin de l’écoulement des délais prévus par l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 640/2014. Il s’agissait donc, selon la Commission, de demandes tardives qui auraient dû donner lieu à l’application de la réduction de 1 %.

19

Le 4 février 2020, les autorités tchèques ont demandé une conciliation, sur le fondement de l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014.

20

Le 5 octobre 2020, l’organe de conciliation a communiqué son rapport, dans lequel il a conclu qu’une conciliation n’était pas possible.

21

Par lettre du 13 novembre 2020, la République tchèque a envoyé à la Commission des informations complémentaires.

22

Par lettre du 26 mars 2021, la Commission a communiqué à la République tchèque les conclusions finales de l’enquête (ci-après les « conclusions finales »), conformément à l’article 34, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 908/2014.

23

Tout d’abord, dans les conclusions finales, la Commission a confirmé sa position selon laquelle la République tchèque avait violé cinq contrôles clés.

24

Ensuite, dans les conclusions finales, la Commission a décidé d’appliquer une correction forfaitaire de 2 % sur les crédits qu’elle avait remboursés à la République tchèque au titre du régime de la discipline financière pour les années 2015 à 2017.

25

La Commission a rappelé que les crédits initialement retirés des paiements destinés aux agriculteurs avaient été restitués aux autorités tchèques par les règlements d’exécution suivants (ci-après les « règlements de remboursement ») :

le règlement d’exécution (UE) 2016/2073 de la Commission, du 23 novembre 2016, relatif au remboursement, conformément à l’article 26, paragraphe 5, du règlement no 1306/2013, des crédits reportés de l’exercice 2016 (JO 2016, L 320, p. 25) ;

le règlement d’exécution (UE) 2017/2197 de la Commission, du 27 novembre 2017, relatif au remboursement, conformément à l’article 26, paragraphe 5, du règlement no 1306/2013, des crédits reportés de l’exercice 2017 (JO 2017, L 312, p. 86) ;

le règlement d’exécution (UE) 2018/1848 de la Commission, du 26 novembre 2018, relatif au remboursement, conformément à l’article 26, paragraphe 5, du règlement no 1306/2013, des crédits reportés de l’exercice 2018 (JO 2018, L 300, p. 4).

26

Dès lors que le montant des crédits remboursés par la Commission, par le biais des règlements de remboursement, devait refléter celui des sommes initialement retirées des paiements directs destinés aux agriculteurs, celle-ci a décidé, dans les conclusions finales, d’assujettir ces crédits à une correction forfaitaire de 2 %, en conformité avec les corrections qu’elle avait appliquées, dans le cadre de l’enquête, pour les régimes RPUS et écologisation ainsi que pour le régime en faveur des jeunes agriculteurs (ci-après le « régime RJA »), et pour le régime de soutien couplé facultatif (ci-après le « régime SCF »). Le montant de cette correction forfaitaire s’élevait donc à 654697,95 euros.

27

Enfin, dans les conclusions finales, pour toutes les violations reprochées à la République tchèque, la Commission a proposé d’exclure du financement de l’Union une somme d’un montant de 44098570,70 euros, résultant de l’application d’une correction financière conformément à l’article 12, paragraphes 6 à 8, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18).

28

Par lettre du 21 octobre 2021, la Commission a transmis à la République tchèque un rapport de synthèse (ci-après le « rapport de synthèse »), dans lequel elle a rappelé les différentes étapes de l’enquête, la portée des observations formulées par la République tchèque au cours de la procédure d’apurement de conformité et la motivation de ses conclusions finales.

29

Le 17 novembre 2021, la Commission a adopté la décision attaquée imposant à la République tchèque une correction financière d’un montant de 44098570,70 euros.

B. Enquête de suivi AA/2020/012/CZ

30

Avant la conclusion de l’enquête, la Commission a ouvert une enquête de suivi à l’encontre de la République tchèque pour approfondir certaines questions ayant déjà fait l’objet de l’enquête (AA/2020/012/CZ, ci-après l’« enquête de suivi »), sur le fondement de l’article 52 du règlement no 1306/2013 et de l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014. L’enquête de suivi s’est, notamment, concentrée sur la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

31

Du 31 août 2020 au 4 septembre 2020, dans le cadre de l’enquête de suivi, la Commission a effectué un audit de suivi sur place, en République tchèque.

32

Par lettre du 23 octobre 2020, la Commission a notifié aux autorités tchèques les résultats de ses vérifications, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014. Dans cette lettre, elle a, notamment, indiqué que l’enquête de suivi avait mis en évidence des défaillances dans la classification des prairies permanentes, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013. Il s’agissait, selon elle, des mêmes défaillances que celles qui avaient été constatées dans les conclusions préliminaires de l’enquête. De plus, la Commission a invité les autorités tchèques à fournir des informations supplémentaires.

33

Le 1er juillet 2021, la Commission et les autorités tchèques se sont rencontrées lors d’une réunion bilatérale de suivi.

34

Par lettre du 30 juillet 2021, les autorités tchèques ont fourni à la Commission des informations supplémentaires en ce qui concernait la classification des prairies permanentes, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 (ci-après la « lettre du 30 juillet 2021 »).

35

Le 24 août 2021, la Commission a transmis à la République tchèque le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi. Dans ce document, la Commission a :

indiqué que, à la suite des informations fournies par les autorités tchèques lors de la réunion bilatérale de suivi et dans la lettre du 30 juillet 2021, elle considérait comme étant close la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes pour la période couverte par l’enquête de suivi ;

regretté que les informations fournies, qui auraient été pertinentes également dans le cadre de l’enquête, n’aient pas été transmises par les autorités tchèques dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant mené à l’adoption de la décision attaquée.

II. Conclusions des parties

36

La République tchèque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle concerne l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée en raison des violations concernant le statut d’agriculteur actif, l’identification des prairies permanentes, la sélection de l’échantillon de contrôle, le recouvrement des paiements indus et le dépôt tardif de la demande ainsi que dans le cadre du régime de la discipline financière ;

condamner la Commission aux dépens.

37

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la République tchèque aux dépens.

III. Sur le fond

38

À l’appui de son recours, la République tchèque soulève six moyens, contestant, le premier, la violation concernant le statut d’agriculteur actif, le deuxième, la violation concernant l’identification des prairies permanentes, le troisième, la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle, le quatrième, la violation concernant le recouvrement des paiements indus, le cinquième, la violation concernant le dépôt tardif de la demande et, le sixième, le régime de la discipline financière.

A. Sur le premier moyen, contestant la violation concernant le statut d’agriculteur actif

39

Le premier moyen, contestant la violation concernant le statut d’agriculteur actif, comporte deux branches.

1.   Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée alors que la République tchèque n’a pas violé l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013

40

Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la République tchèque soulève deux griefs.

a)   Sur le premier grief, contestant la violation de l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 en raison de l’emploi d’un seul critère pour prouver le respect de deux des trois conditions prévues par cette disposition

41

Par ce premier grief, la République tchèque soutient qu’elle n’a pas violé l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013. Son choix de l’emploi d’un seul critère pour prouver tant le respect de la condition prévue à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, sous b), du règlement no 1307/2013, selon laquelle les activités agricoles du demandeur ne sont pas négligeables [ci-après la « condition sous b) »], que celui de la condition prévue à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du même règlement, selon laquelle l’activité principale ou l’objet social du demandeur est l’exercice d’une activité agricole [ci-après la « condition sous c) »], ne serait pas illégal.

42

La Commission conteste ce grief.

43

À titre liminaire, il y a lieu de considérer que l’article 9, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1307/2013 établit une présomption simple selon laquelle les personnes physiques ou morales et les groupements de personnes physiques ou morales qui exercent une activité relevant de la liste d’exclusion ne sont pas considérés comme des agriculteurs actifs et ne sont pas admissibles au bénéfice des paiements directs au titre du FEAGA et du Feader (ci-après la « présomption simple »). Cependant, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013, ces mêmes personnes physiques ou morales et groupements de personnes physiques ou morales peuvent renverser la présomption simple s’ils produisent des éléments de preuve vérifiables, selon les prescriptions des États membres, qui démontrent que l’une des trois conditions suivantes est remplie :

le montant annuel des paiements directs qu’ils ont reçus s’élève au minimum à 5 % des recettes totales découlant des activités non agricoles au cours de l’année fiscale la plus récente pour laquelle ils disposent de telles preuves ;

leurs activités agricoles ne sont pas négligeables ;

leur activité principale ou leur objet social est l’exercice d’une activité agricole.

44

Les critères pour l’application des conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 sont précisés par l’article 13 du règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1307/2013 et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1). Cette disposition prévoit :

s’agissant de la condition sous b), que les activités agricoles du demandeur ne sont pas négligeables si le total des recettes découlant d’activités agricoles, perçues par le demandeur au cours de l’année fiscale la plus récente pour laquelle il existe des preuves, représente au moins un tiers du total des recettes perçues au cours de l’année fiscale la plus récente pour laquelle il existe de telles preuves ; toutefois, les États membres peuvent établir d’autres critères permettant au demandeur d’apporter la preuve que ses activités agricoles ne sont pas négligeables ;

en ce qui concerne la condition sous c), qu’une activité agricole est considérée comme la principale activité ou l’objet social d’une personne morale si cette activité est inscrite en tant que telle dans le registre officiel du commerce ou dans tout document probant officiel équivalent d’un État membre ; dans le cas d’une personne physique, un document probant équivalent est exigé ; en l’absence de registre de ce type, les États membres utilisent des documents probants équivalents ; toutefois, les États membres peuvent établir d’autres critères selon lesquels une activité agricole doit être considérée comme l’activité principale ou l’objet social d’une personne physique ou morale.

45

C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les quatre arguments soulevés par la République tchèque.

1) Sur le premier argument, selon lequel l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement délégué no 639/2014 donne aux États membres la faculté d’identifier des critères alternatifs à ceux qu’il définit et ne prévoit aucune restriction quant au choix de ceux-ci

46

Par le premier argument, la République tchèque relève que les critères pour l’interprétation de la condition sous b) et de la condition sous c) sont fixés par l’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement délégué no 639/2014.

47

À cet égard, la République tchèque fait valoir que l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué no 639/2014 pose deux critères différents pour l’appréciation du respect de la condition sous b) et de la condition sous c). En effet, selon elle, cette disposition prévoit que, pour prouver le respect de la condition sous b), il doit être démontré qu’au moins un tiers des recettes du demandeur de l’aide sont des recettes agricoles (ci-après le « critère tenant aux recettes agricoles ») et que, pour prouver le respect de la condition sous c), il doit être démontré que l’exercice par le demandeur de l’aide d’une activité agricole résulte du registre officiel du commerce ou de tout document probant officiel équivalent. Toutefois, la République tchèque relève que, par dérogation à ces critères, l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement délégué no 639/2014 donne aux États membres la faculté d’établir des critères alternatifs permettant d’apporter la preuve que le demandeur de l’aide remplit la condition sous b) et la condition sous c).

48

De plus, selon la République tchèque, l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué no 639/2014 ne prévoit aucune restriction quant au choix, par les États membres, des critères alternatifs à adopter pour prouver que la condition sous b) et la condition sous c) sont remplies et n’empêche pas lesdits États d’utiliser le même critère pour prouver le respect de ces deux conditions, ceux-ci jouissant, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation.

49

Par conséquent, la République tchèque estime qu’elle était libre, en l’espèce, d’appliquer le critère tenant aux recettes agricoles pour prouver que la condition sous b) et la condition sous c) étaient remplies. Il s’agirait, en effet, d’un critère pertinent pour démontrer non seulement que les activités agricoles du demandeur n’étaient pas négligeables [condition sous b)], mais aussi que l’activité agricole était l’activité principale ou faisait partie de l’objet social du demandeur [condition sous c)].

50

Il y a lieu de considérer que, s’il est indéniable que l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement délégué no 639/2014 donne aux États membres la faculté d’identifier des critères alternatifs à ceux qu’il définit et ne prévoit aucune restriction quant au choix de ceux-ci, il n’en reste pas moins que les États membres doivent employer ces critères alternatifs pour apprécier le respect des trois conditions indiquées à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013.

51

Ainsi, le choix d’autres critères par les États membres, au sens de l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement délégué no 639/2014 ne saurait conduire à priver d’objet l’une des conditions visées à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 et, ainsi, à restreindre les possibilités dont les bénéficiaires de l’aide disposent pour renverser la présomption simple.

52

En l’espèce, l’emploi par la République tchèque du critère tenant aux recettes agricoles pour prouver à la fois le respect de la condition sous b) et celui de la condition sous c) a limité à deux les conditions permettant aux bénéficiaires de l’aide de renverser la présomption simple. Ce choix méconnaît donc l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013, qui prévoit expressément que le bénéficiaire de l’aide dispose de trois possibilités différentes pour renverser la présomption simple.

53

Il y a donc lieu de rejeter le premier argument.

2) Sur le deuxième argument, selon lequel, en République tchèque, il n’existait pas de registre ou de document probant officiel équivalent permettant de démontrer que l’activité principale ou l’objet social du demandeur de l’aide était une activité agricole

54

Par le deuxième argument, la République tchèque fait valoir que le choix d’utiliser le critère tenant aux recettes agricoles pour prouver à la fois le respect de la condition sous b) et celui de la condition sous c) était rendu nécessaire par le fait que, dans son droit national, il n’existait pas de registre ou de document probant officiel équivalent permettant de démontrer que l’activité principale ou l’objet social du demandeur de l’aide était une activité agricole, comme cela est prévu par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, sous c), du règlement no 1307/2013 et par l’article 13, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement délégué no 639/2014.

55

Il convient de noter que, si, dans son droit national, il n’existait pas de registre ou de document probant officiel équivalent permettant de démontrer le respect de la condition sous c), la République tchèque était libre, conformément à l’article 13, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement délégué no 639/2014, de prévoir un critère alternatif pour prouver le respect de la condition sous c).

56

Il s’ensuit que, en l’espèce, la République tchèque aurait pu choisir un critère différent pour prouver le respect de la condition sous c) sans avoir besoin de faire appel au critère tenant aux recettes agricoles, qu’elle avait déjà utilisé pour démontrer le respect de la condition sous b).

57

Il y a ainsi lieu de rejeter le deuxième argument.

3) Sur le troisième argument, selon lequel la possibilité d’appliquer le critère tenant aux recettes agricoles pour prouver à la fois le respect de la condition sous b) et celui de la condition sous c) avait été confirmée par la Commission

58

Par le troisième argument, la République tchèque relève que la possibilité d’appliquer le critère tenant aux recettes agricoles pour prouver à la fois le respect de la condition sous b) et celui de la condition sous c) avait été confirmée par la Commission à l’occasion d’une présentation aux États membres qui s’était tenue le 27 octobre 2015 concernant l’évaluation du statut d’agriculteur actif (ci-après la « présentation aux États membres »).

59

Il convient de relever que, à supposer même que la présentation aux États membres puisse lier la Commission dans l’interprétation à donner à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013, cette dernière y a précisé que le critère tenant aux recettes agricoles ne pouvait être appliqué, comme critère alternatif pour démontrer le respect de la condition sous c), que si l’État membre ne l’utilisait pas également pour prouver le respect de la condition sous b).

60

Il convient ainsi de rejeter le troisième argument.

4) Sur le quatrième argument, selon lequel l’article 9, paragraphe 7, du règlement no 1307/2013, tel que modifié par le règlement 2017/2393, prévoit que les États membres peuvent décider que seule une ou deux des conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 soient invoquées pour démontrer le statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide

61

Par le quatrième argument, la République tchèque soutient que l’article 9, paragraphe 7, du règlement no 1307/2013, tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017, modifiant les règlements (UE) no 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Feader, no 1306/2013, no 1307/2013, (UE) no 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) no 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d’une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien-être des animaux et, d’autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux (JO 2017, L 350, p. 15), prévoit que les États membres peuvent décider que seule une ou deux des conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 soient invoquées pour démontrer le statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide.

62

Il y a lieu de considérer, certes, que l’article 9, paragraphe 7, du règlement no 1307/2013, dans sa version actuellement en vigueur à la suite de l’entrée en vigueur du règlement 2017/2393, prévoit que les États membres peuvent décider que seules une ou deux des trois conditions énumérées à l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 peuvent être invoquées par des personnes ou des groupements de personnes afin de démontrer qu’ils sont des agriculteurs actifs.

63

Toutefois, cette possibilité est définie dans le temps, dans la mesure où les États membres peuvent s’en prévaloir seulement à compter de l’année 2018, et subordonnée à l’envoi par l’État membre concerné d’une notification à la Commission au plus tard le 31 mars 2018, si la décision s’applique à compter de l’année 2018, ou le 1er août de l’année précédant l’application de la décision, si celle-ci s’applique à compter d’une année postérieure.

64

En l’espèce, l’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée couvre les années 2015 à 2017. La possibilité donnée aux États membres par le nouvel article 9, paragraphe 7, du règlement no 1307/2013 de limiter à une ou à deux les conditions prévues par l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, dudit règlement ne pouvait être utilisée qu’à partir de 2018, soit postérieurement aux faits de l’espèce, et doit donc être considérée comme étant sans pertinence pour la résolution de la présente affaire.

65

Il y a ainsi lieu de rejeter le quatrième argument et, partant, le premier grief dans son ensemble.

b)   Sur le second grief, contestant la violation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 en raison du défaut de prise en compte des sociétés liées lors du contrôle du statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide

66

Par le second grief, la République tchèque soutient qu’elle n’a pas violé l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 en raison du défaut de prise en compte des sociétés liées lors du contrôle du statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide.

67

À cet égard, la République tchèque soutient que l’expression « groupements de personnes physiques ou morales » figurant à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 vise uniquement les groupements de personnes physiques ou morales, à l’exclusion des sociétés liées. Selon elle, cela signifie que c’est uniquement au regard d’un groupement dans son ensemble qu’il convient de vérifier le respect des conditions visées par cette disposition permettant au demandeur de l’aide d’accéder au statut d’agriculteur actif.

68

La Commission conteste ce grief.

69

À titre liminaire, il y a lieu de relever que la notion de « groupements de personnes physiques ou morales » figurant à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, dont les termes sont rappelés au point 43 ci-dessus, n’est définie ni par le règlement no 1307/2013 ni par le règlement délégué no 639/2014, lequel prévoit pourtant les critères de mise en œuvre de l’article 9 du règlement no 1307/2013.

70

En ce qui concerne les sociétés liées, il convient de relever qu’aucune référence à cette notion ni, a fortiori, aucune définition de cette notion ne figurent ni dans le règlement no 1307/2013, ni dans le règlement délégué no 639/2014, ni dans le document d’orientation DSCG/2014/29 de la Commission, du 15 avril 2014, lequel fixe les critères d’interprétation de l’article 9 du règlement no 1307/2013.

71

Cependant, dans la présentation aux États membres, la Commission a indiqué que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 devait être interprété dans le sens que les activités relevant de la liste d’exclusion pouvaient être exercées par les personnes physiques ou morales ou par leurs groupements directement ou par le biais d’une société liée.

72

De plus, dans une lettre envoyée au ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture allemand, le 29 janvier 2016, qui a été mise ensuite à la disposition des autres États membres, la Commission a fait valoir que, au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, il convenait d’entendre par « société liée » toute entité directement ou indirectement liée au demandeur de l’aide par une relation de contrôle prenant la forme d’une possession entière ou majoritaire.

73

C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les quatre arguments soulevés par la République tchèque au soutien de son second grief.

1) Sur le premier argument, selon lequel l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est contraire au libellé de cette disposition

74

Par le premier argument, la République tchèque fait valoir qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 que les sociétés liées au demandeur de l’aide doivent être prises en considération lors du contrôle par un État membre du respect des conditions d’accès au statut d’agriculteur actif. Il s’ensuit, selon la République tchèque, que l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 doit être interprété comme visant à indiquer qu’aucun paiement direct n’est octroyé à des personnes physiques, des personnes morales ou des groupements de personnes physiques ou morales qui exercent eux-mêmes l’une des activités relevant de la liste d’exclusion.

75

La Commission conteste cet argument.

76

En premier lieu, il peut être observé que la notion de « sociétés liées » n’apparaît pas dans le texte de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013.

77

En second lieu, il y a lieu de relever que, par essence, un groupement désigne un ensemble d’entités liées les unes aux autres au sein d’une même organisation. Ainsi, le terme « groupement » doit être interprété comme se rapprochant du terme « groupe » et comme visant tout ensemble de personnes physiques ou morales liées les unes aux autres au sein d’une même organisation sociétaire plus ou moins structurée. Il s’ensuit qu’un groupement de personnes physiques ou morales inclut les sociétés liées.

78

Dans ces conditions, il convient de considérer que, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, le demandeur de l’aide, groupement de personnes physiques ou morales, peut exercer les activités relevant de la liste d’exclusion tant directement que par le biais d’une société liée faisant partie du même groupement. De même, si le demandeur de l’aide n’est pas un groupement, mais une personne physique ou morale faisant partie d’un groupement, il peut exercer les activités relevant de la liste d’exclusion directement ou par le biais d’une société liée faisant partie du même groupement.

79

Il y a ainsi lieu de rejeter le premier argument.

2) Sur le deuxième argument, selon lequel l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est contraire à la définition d’« agriculteur » figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1307/2013

80

Par le deuxième argument, la République tchèque fait valoir que la notion d’« agriculteur actif », au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, doit être interprétée à la lumière de la notion d’« agriculteur », conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du même règlement. Or, tant la notion d’« agriculteur actif » que celle d’« agriculteur » se référeraient aux demandeurs eux-mêmes, à l’exclusion des sociétés liées.

81

La Commission conteste cet argument.

82

Il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1307/2013 définit un agriculteur comme étant une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national à un tel groupement et à ses membres, dont l’exploitation se trouve dans le champ d’application territoriale des traités, tel que défini à l’article 52 TUE, lu conjointement avec les articles 349 et 355 TFUE.

83

L’existence d’un lien entre la notion d’« agriculteur actif », au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, et celle d’« agriculteur », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du même règlement, est confirmée par la jurisprudence qui précise que, pour pouvoir bénéficier du statut d’agriculteur actif, une personne doit, au préalable, satisfaire aux exigences visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1307/2013 concernant la notion d’« agriculteur » (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Avio Lucos, C‑176/20, EU:C:2022:274, point 54).

84

Or, l’existence d’un lien entre la notion d’« agriculteur » et celle d’« agriculteur actif » ne saurait remettre en cause la conclusion, établie au point 78 ci-dessus, selon laquelle, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, le demandeur de l’aide peut exercer les activités relevant de la liste d’exclusion tant directement que par le biais d’une société liée faisant partie du même groupement.

85

En effet, contrairement à ce que soutient la République tchèque, il ne ressort pas du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1307/2013 que, pour pouvoir être qualifié d’agriculteur, une personne physique, une personne morale ou un groupement de personnes physiques ou morales doit exercer ses activités directement.

86

Il y a ainsi lieu de rejeter le deuxième argument.

3) Sur le troisième argument, selon lequel l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est contraire à la finalité de cette disposition

87

Par le troisième argument, la République tchèque fait valoir que l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est contraire à la finalité de cette disposition, qui est de limiter les paiements directs, au titre de la PAC, aux agriculteurs qui exercent eux-mêmes une activité agricole non marginale.

88

La Commission conteste cet argument.

89

Il y a lieu de relever que l’objectif de la réglementation concernant la notion d’« agriculteur actif » est précisé par le considérant 10 du règlement no 1307/2013, qui indique, notamment, ce qui suit :

« L’expérience acquise dans le cadre de l’application des différents régimes de soutien en faveur des agriculteurs montre que, dans certains cas, le soutien était accordé à des personnes physiques ou morales dont l’objectif commercial n’était pas, ou n’était que de façon marginale, lié à l’exercice d’une activité agricole. Afin de garantir un meilleur ciblage du soutien, il importe que les États membres s’abstiennent d’octroyer des paiements directs à certaines personnes physiques ou morales, à moins que celles-ci ne soient en mesure de démontrer que leur activité agricole ne revêt pas un caractère marginal. »

90

Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la République tchèque, le considérant 10 du règlement no 1307/2013 ne requiert pas que les activités relevant de la liste d’exclusion soient exercées directement par le demandeur, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une personne morale ou d’un groupement de personnes physiques ou morales.

91

Au vu de sa finalité, qui est d’éviter le risque de fraude à l’encontre du budget de l’Union et de limiter les paiements, au titre de la PAC, aux seuls agriculteurs qui exercent véritablement une activité agricole, l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 doit s’interpréter comme s’appliquant indépendamment du fait que le demandeur, personne physique ou morale, ou le groupement concerné exerce l’une des activités relevant de la liste d’exclusion directement ou par l’intermédiaire de sociétés liées.

92

À défaut de prise en compte des sociétés liées, les demandeurs pourraient, en effet, répartir leurs activités entre plusieurs entités juridiques liées afin de contourner les limites posées par cette disposition à la reconnaissance de leur statut d’agriculteur actif. Le contrôle exercé par les autorités compétentes des États membres serait alors limité aux activités agricoles exercées directement par le demandeur, à l’exclusion de celles mises en œuvre par le biais de sociétés liées.

93

À cet égard, dans la réplique, la République tchèque fait valoir que le risque que le demandeur de l’aide fractionne, de manière intentionnelle, ses activités en plusieurs entités juridiques pour contourner l’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est visé par l’article 60 du règlement no 1306/2013.

94

Toutefois, en premier lieu, il convient de relever que l’article 60 du règlement no 1306/2013 ne suffit pas pour éviter le risque de fraude au budget de l’Union qui résulterait du fractionnement des activités d’un demandeur, au titre du statut d’agriculteur actif. Cette disposition prévoit en effet ce qui suit :

« Sans préjudice de dispositions particulières, aucun des avantages prévus par la législation agricole sectorielle n’est accordé en faveur des personnes physiques ou morales dont il est établi qu’elles ont créé artificiellement les conditions requises en vue de l’obtention de ces avantages, en contradiction avec les objectifs visés par cette législation. »

95

En second lieu, selon une jurisprudence constante, la preuve de la création artificielle des conditions, au sens de l’article 60 du règlement no 1306/2013, nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation pertinente, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant dans la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention [voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2005, Eichsfelder Schlachtbetrieb, C‑515/03, EU:C:2005:491, point 39, et du 7 février 2023, Confédération paysanne e.a. (Mutagenèse aléatoire in vitro), C‑688/21, EU:C:2023:75, point 33].

96

Dans ces circonstances, compte tenu du large champ d’application de l’article 60 du règlement no 1306/2013 et des contraintes en matière de preuves établies par la jurisprudence visée au point 95 ci-dessus, il se peut qu’une pratique abusive consistant à contourner l’application des règles relatives au statut d’agriculteur actif n’entre pas dans le champ d’application de l’article 60 du règlement no 1306/2013, mais qu’elle constitue pourtant une violation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013.

97

Ainsi, il ne saurait être soutenu que cette seule disposition suffit pour éviter le risque que le demandeur de l’aide fractionne ses activités en plusieurs entités juridiques afin de se soustraire au contrôle de son statut d’agriculteur actif au titre de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013.

98

Il y a ainsi lieu de rejeter le troisième argument.

4) Sur le quatrième argument, selon lequel l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 est contraire au principe de sécurité juridique

99

Par le quatrième argument, la République tchèque fait valoir que, conformément au principe de sécurité juridique, la Commission ne peut infliger une correction financière à un État membre que si la violation qu’elle lui reproche résulte avec clarté et précision du cadre juridique applicable. Or, en l’espèce, l’inclusion des sociétés liées dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 ne résulterait pas avec clarté et précision du cadre juridique applicable.

100

La Commission conteste cet argument.

101

Selon une jurisprudence constante, toute obligation imposée aux États membres qui est susceptible d’avoir des conséquences financières pour ceux-ci doit être suffisamment claire et précise, afin de leur permettre d’en comprendre la portée et de s’y conformer. En effet, le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2018, République tchèque/Commission, C‑4/17 P, EU:C:2018:678, point 58 ; du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms, C‑443/21, EU:C:2022:899, point 46, et du 19 décembre 2019, République tchèque/Commission, T‑509/18, EU:T:2019:876, point 40).

102

Or, en l’espèce, il ressort avec clarté et précision, au sens de cette jurisprudence, qu’un groupement de personnes physiques ou morales ou une personne physique ou morale faisant partie d’un groupement peut exercer les activités relevant de la liste d’exclusion tant directement que par le biais d’une société liée faisant partie du même groupement.

103

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le quatrième argument.

104

En conséquence, il y a lieu de rejeter le second grief et, partant, la première branche du premier moyen dans son ensemble.

2.   Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation, par la Commission, de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et du principe de proportionnalité, au motif que le montant de la correction financière attaquée se rapportant à la prétendue violation concernant le statut d’agriculteur actif ne correspond pas à la gravité de la non-conformité reprochée

105

Par la seconde branche du premier moyen, la République tchèque soutient que la Commission a méconnu l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et le principe de proportionnalité, au motif que le montant de la correction financière se rapportant à la prétendue violation concernant le statut d’agriculteur actif ne correspond pas à la gravité de la non-conformité reprochée.

106

À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 prévoit trois types de corrections : une correction « calculée », une correction « extrapolée » et une correction « forfaitaire ». En outre, il établit une hiérarchie entre ces corrections. En effet, une correction calculée est appliquée lorsque des sommes précises indûment dépensées peuvent être mises en évidence. Si tel n’est pas le cas, une correction extrapolée ou une correction forfaitaire peut être appliquée, étant entendu qu’une correction forfaitaire n’est appliquée que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer précisément le préjudice financier causé à l’Union.

107

Par ailleurs, il ressort de l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué no 907/2014 que ce n’est que lorsque les conditions pour appliquer une correction calculée ou une correction extrapolée ne sont pas remplies ou lorsque la nature du cas est telle que les montants des sommes à exclure ne peuvent pas être clairement déterminés que la Commission peut appliquer une correction forfaitaire, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction et de sa propre estimation du risque de préjudice financier pour l’Union. Lors de l’application d’une correction forfaitaire, la Commission, tout en déployant des efforts proportionnés, doit également tenir compte du type de non-conformité constatée et, notamment, déterminer s’il s’agit d’une insuffisance dans un contrôle clé ou dans un contrôle secondaire.

108

En outre, selon une jurisprudence constante, en tant que principe général du droit de l’Union, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt du 12 février 2020, Hongrie/Commission, T‑505/18, non publié, EU:T:2020:56, point 105 et jurisprudence citée). Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (voir arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, T‑675/14, non publié, EU:T:2016:123, point 51 et jurisprudence citée).

109

En l’espèce, la Commission a imposé à la République tchèque une correction forfaitaire unique pour les deux composantes de la violation concernant le statut d’agriculteur actif contestées dans le cadre de la première branche du premier moyen, à savoir la violation de l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 1307/2013 en raison de l’emploi d’un seul critère pour prouver le respect de deux des trois conditions prévues par cette disposition et la violation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 en raison du défaut de prise en compte des sociétés liées lors du contrôle du statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide. La correction forfaitaire imposée par la Commission s’élève, en effet, à 5 % sur 10 % des paiements effectués par la République tchèque en violation des dispositions concernant le statut d’agriculteur actif.

110

C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les deux griefs formulés par la République tchèque au sein de la seconde branche du premier moyen.

a)   Sur le premier grief, tiré de l’absence de préjudicier financier pouvant justifier l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée se rapportant à la prétendue violation concernant le statut d’agriculteur actif

111

Par ce premier grief, la République tchèque fait valoir que la prétendue violation concernant le statut d’agriculteur actif n’a causé aucun préjudicier financier à l’Union pouvant justifier l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée.

112

À cet égard, la République tchèque relève que, comme cela était indiqué dans la lettre du 11 décembre 2018 et dans une lettre du ministère de l’Agriculture tchèque du 9 octobre 2015, à la suite du rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif sur la base de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, les sommes destinées aux agriculteurs actifs n’ont pas été employées par ses autorités au bénéfice d’autres agriculteurs au titre de différents régimes d’aide. Par conséquent, la République tchèque soutient que le rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif n’a pas entraîné de hausse des paiements à d’autres agriculteurs et qu’aucun préjudice financier ne résulte du rejet de ces demandes.

113

De plus, la République tchèque estime qu’aucun des demandeurs dont l’accès au statut d’agriculteur actif a été refusé par ses autorités en utilisant le critère tenant aux recettes agricoles pour prouver le respect de la condition sous c) n’aurait pu bénéficier d’un tel statut et des paiements qui s’y rapportent, au titre du FEAGA et du Feader, si un critère différent avait été retenu. Ainsi, selon la République tchèque, aucun préjudice financier au budget de l’Union ne peut résulter du rejet de ces demandes d’aide.

114

La Commission conteste ce grief.

115

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, lorsqu’elle conteste les résultats des vérifications effectuées par les autorités nationales et aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la PAC, de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les autorités nationales ou des chiffres transmis par celles-ci. La Commission ne doit pas démontrer de façon exhaustive l’insuffisance de ces contrôles ou l’irrégularité de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve à apporter par la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds agricoles (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑295/18, non publié, EU:T:2019:880, point 77 et jurisprudence citée, et du 25 juin 2020, Pologne/Commission, T‑506/18, non publié, EU:T:2020:282, point 31 et jurisprudence citée).

116

Ainsi, selon la jurisprudence, si un doute sérieux et raisonnable est exprimé par la Commission, il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 12 novembre 2015, Italie/Commission, T‑255/13, non publié, EU:T:2015:838, point 55 et jurisprudence citée).

117

Il s’ensuit que l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêts du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑295/18, non publié, EU:T:2019:880, point 77 et jurisprudence citée, et du 25 juin 2020, Pologne/Commission, T‑506/18, non publié, EU:T:2020:282, point 31 et jurisprudence citée).

118

En l’espèce, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant donné lieu à la décision attaquée, la Commission a considéré que le rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif pouvait entraîner le risque d’une hausse des paiements effectués par la République tchèque à d’autres agriculteurs au titre de différents régimes d’aide. À cet égard, la Commission a fait valoir que le montant des paiements directs pouvant être accordés, chaque année, à un État membre ne pouvait pas dépasser le plafond établi conformément à l’article 6 du règlement no 1307/2013. Ainsi, selon la Commission, à la suite du rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif, il pouvait exister un risque que, dans la limite du plafond autorisé, la République tchèque utilise les sommes destinées au paiement au titre des dispositions régissant le statut d’agriculteur actif pour financer, avec des montants plus élevés, des agriculteurs dans le cadre d’autres régimes d’aide. La hausse des paiements effectués au titre des autres régimes d’aide représenterait pour la Commission un risque pour le budget de l’Union, dès lors qu’elle n’aurait pas été étayée par des éléments spécifiques à ces régimes d’aide, mais ne serait que la conséquence du rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif.

119

Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée aux points 115 et 117 ci-dessus, pour écarter le doute sérieux et raisonnable exprimé par la Commission, la République tchèque aurait dû fournir la preuve la plus détaillée et complète que le rejet des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif sur la base de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 n’engendrait pas un préjudice financier pour le budget de l’Union.

120

Or, cela n’a pas été le cas en l’espèce.

121

Premièrement, certes, dans la lettre du 11 décembre 2018, la République tchèque a fourni des indications quant aux neuf demandeurs ayant été exclus du statut d’agriculteur actif au titre de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 et a relevé que cette exclusion n’avait pas causé de préjudice financier au budget de l’Union parce qu’elle n’avait pas engendré de hausse des paiements effectués à d’autres agriculteurs. Cependant, elle n’a produit aucun élément de preuve au soutien de ses allégations.

122

Deuxièmement, dans la requête, la République tchèque fait référence à une lettre envoyée le 27 octobre 2015 par le département des paiements directs de son ministère de l’Agriculture à la direction du département des paiements directs et des aides à l’environnement du Fond national d’intervention agricole, qui indiquait que le ministre de l’Agriculture tchèque avait approuvé les taux des paiements uniques à la surface, les paiements en faveur des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement et les paiements en faveur des jeunes agriculteurs. Or, il n’est pas contesté que cette lettre n’a pas été communiquée à la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité et n’a donc pas pu être prise en considération lors de l’adoption de la correction financière attaquée. À supposer même que cette lettre ait été envoyée à la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, il y a lieu de noter qu’elle n’apporte pas la preuve que le rejet, pour les années 2015 à 2017, des demandes d’accès au statut d’agriculteur actif sur la base de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 n’a pas causé de préjudice financier à l’Union. Elle se limite, en effet, à fixer, pour l’année 2015, le taux de certains paiements agricoles.

123

Troisièmement, la République tchèque n’a fourni aucun élément de preuve au soutien de son affirmation selon laquelle aucun des demandeurs dont l’accès au statut d’agriculteur actif a été refusé par ses autorités sur la base du critère tenant aux recettes agricoles pour prouver le respect de la condition sous c) n’aurait pu bénéficier d’un tel statut et des paiements qui s’y rapportent, au titre du FEAGA et du Feader, si un critère différent avait été retenu.

124

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier grief.

b)   Sur le second grief, tiré du défaut de précision dans la détermination du montant de la correction financière attaquée se rapportant à la prétendue violation concernant le statut d’agriculteur actif

125

Par le second grief, la République tchèque soutient que, à supposer que la violation concernant le statut d’agriculteur actif ait causé un préjudice financier à l’Union, ce préjudice aurait dû être calculé de manière précise par la Commission et n’aurait pas dû faire l’objet d’une correction forfaitaire.

126

La Commission conteste ce grief.

127

À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission peut appliquer une correction forfaitaire lorsqu’il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union, notamment parce que l’État membre ne lui a pas fourni les informations nécessaires en vertu de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

128

À cet égard, il y a lieu de relever que la lettre du 11 décembre 2018 précise le nombre total des demandeurs exclus du statut d’agriculteur actif, mais n’indique pas le préjudice que cette exclusion aurait pu causer au FEAGA et au Feader.

129

En outre, ni la lettre du 11 décembre 2018 ni les documents ultérieurs envoyés par les autorités tchèques à la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ne donnent d’indication quant au préjudice financier pouvant découler du défaut de prise en compte des sociétés liées dans le cadre du contrôle du statut d’agriculteur actif du demandeur de l’aide.

130

Dans ces conditions, compte tenu de l’importance et de la nature de la non-conformité constatée, qui relevait du défaut d’un contrôle clé, et de l’impossibilité de chiffrer exactement, en déployant des efforts proportionnés, le préjudice financier causé à l’Union à la suite du rejet des demandes d’aide relatives au statut d’agriculteur actif, il ne saurait être considéré que la Commission a violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et le principe de proportionnalité lors de l’imposition à la République tchèque, pour la violation concernant le statut d’agriculteur actif, de la correction forfaitaire à hauteur de 5 % sur 10 % des paiements effectués en violation du droit de l’Union.

131

Il y a ainsi lieu de rejeter le second grief et, partant, la seconde branche du premier moyen.

132

En conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

B. Sur le deuxième moyen, contestant la violation concernant l’identification des prairies permanentes

133

Le second moyen, contestant la violation concernant l’identification des prairies permanentes, comporte deux branches.

1.   Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant l’identification des prairies permanentes en raison du défaut de prise en compte, dans le cadre de l’enquête, des résultats de l’enquête de suivi ayant écarté l’existence de ladite violation

134

Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la République tchèque soulève trois griefs.

a)   Sur le premier grief, tiré de la violation, par la Commission, de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, de l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 et du principe de bonne administration

135

Par le premier grief, la République tchèque fait valoir que, en omettant de prendre en compte, dans le cadre de l’enquête, les résultats de l’enquête de suivi qui avaient écarté l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes, la Commission a méconnu l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 et le principe de bonne administration.

136

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’enquête et l’enquête de suivi se sont chevauchées dans le temps. L’enquête a été ouverte le 18 septembre 2017 (soit au début du premier audit sur place) et a été clôturée, à la suite de l’envoi du rapport de synthèse le 21 octobre 2021, par l’adoption de la décision attaquée, le 17 novembre 2021. L’enquête de suivi a commencé le 31 août 2020 (soit au début de l’audit de suivi) et s’est terminée, s’agissant de la violation concernant l’identification des prairies permanentes, le 24 août 2021, avec l’adoption du procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi qui a permis de clore la question tenant à l’existence de ladite violation.

137

Dans ces conditions, compte tenu du fait que le rapport de synthèse et la décision attaquée ont été adoptés après que, dans le cadre de l’enquête de suivi, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes avait été close, il y a lieu d’examiner si la Commission aurait dû trancher, dans le cadre de l’enquête, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes en prenant en compte les éléments apparus lors de l’enquête de suivi.

138

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, lorsqu’elle considère que des dépenses n’ont pas été effectuées, par un État membre, conformément au droit de l’Union, la Commission adopte des actes d’exécution déterminant les sommes à exclure du financement de l’Union.

139

Il convient également de relever que l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 subordonne la décision de la Commission d’exclure du financement de l’Union les dépenses effectuées par un État membre en violation des règles applicables au respect de la procédure d’apurement de conformité.

140

En outre, selon une jurisprudence constante, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure, notamment, le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aux termes de cette disposition, le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. Ce droit reflète un principe général du droit de l’Union [arrêts du 8 mai 2014, N., C‑604/12, EU:C:2014:302, point 49, et du 1er juin 2016, Wolf Oil/EUIPO – SCT Lubricants (CHEMPIOIL), T‑34/15, non publié, EU:T:2016:330, points 69 et 70].

141

À cet égard, il y a lieu de considérer que le principe de bonne administration n’impose pas aux institutions de l’Union de prolonger indéfiniment les procédures administratives, mais se traduit par des dispositions prévoyant des délais pour le déroulement desdites procédures et l’envoi, dans le cadre de celles-ci, d’informations par les États membres aux institutions de l’Union. La fixation de ces délais permet de concilier l’exigence de garantir que les procédures administratives se déroulent dans un délai raisonnable avec les droits de la défense ainsi que de s’assurer que les institutions de l’Union reçoivent les informations pertinentes de la part des États membres en temps utile et puissent prendre en compte, avec soin et impartialité, toutes les informations pertinentes du cas d’espèce.

142

S’agissant de la procédure d’apurement de conformité, le principe de bonne administration résulte de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et de l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014, qui subordonnent l’obligation de la Commission de prendre en compte, avec diligence, les informations transmises par les États membres au respect par ceux-ci des délais prévus par ces dispositions pour les transmettre.

143

C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les trois arguments soulevés par la République tchèque au soutien de son premier grief.

1) Sur le premier argument, relatif au champ d’application de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et de l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014

144

Par le premier argument, la République tchèque fait valoir que les délais prévus par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et par l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 pour la transmission, par un État membre, d’informations à la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ne s’appliquent pas lorsque celle-ci doit apprécier l’existence d’une violation du droit de l’Union, mais uniquement lorsqu’elle doit déterminer le montant de la correction financière à appliquer. Cela signifie, selon la République tchèque, que la Commission peut faire valoir le caractère tardif des informations transmises par un État membre lorsqu’elle doit déterminer le montant de la correction financière, mais non lorsqu’elle doit décider de l’existence des éléments constitutifs d’une violation du droit de l’Union.

145

La Commission conteste cet argument.

146

Il y a lieu de relever qu’il ressort des termes de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et de l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 que la détermination des montants des sommes à exclure du financement de l’Union est intrinsèquement liée à la constatation, par la Commission, de l’existence d’une violation du droit de l’Union. En effet, la Commission ne peut pas imposer de correction financière en l’absence de la réunion des éléments constitutifs d’une violation des règles de l’Union, préalable nécessaire à l’éventuelle détermination du montant d’une correction financière.

147

Par conséquent, les délais pour l’envoi d’informations par les États membres prévus par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et par l’article 34, paragraphes 1 et 6, du règlement d’exécution no 908/2014 ne sauraient être interprétés comme s’appliquant uniquement lorsque la Commission doit déterminer les montants des sommes à exclure du financement de l’Union et ne concernant pas l’hypothèse dans laquelle la Commission doit apprécier l’existence d’une violation du droit de l’Union, cette appréciation de la violation et cette détermination d’une correction financière étant intrinsèquement liées.

148

Ainsi, il y a lieu de rejeter le premier argument.

2) Sur le deuxième argument, relatif au caractère nouveau des informations fournies par les autorités tchèques dans le cadre de l’enquête de suivi

149

Par le deuxième argument, la République tchèque fait valoir que les informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes qu’elle a communiquées à la Commission dans le cadre de l’enquête de suivi n’étaient pas nouvelles et avaient déjà été transmises lors de l’enquête. Par conséquent, la limitation temporelle prévue à l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, selon laquelle les États membres ne peuvent pas communiquer d’informations à la Commission après l’envoi par celle-ci des conclusions préliminaires (sauf dans les cas prévus par cette disposition), ne serait pas applicable en l’espèce.

150

La Commission conteste cet argument.

151

En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la lettre de constatation, qui a été envoyée le 30 novembre 2017, la Commission a relevé des insuffisances dans le système de contrôle mis en place par les autorités tchèques en ce qui concernait l’identification des prairies permanentes, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013.

152

En deuxième lieu, dans le procès-verbal de la réunion bilatérale du 11 septembre 2018, la Commission a demandé aux autorités tchèques des informations supplémentaires en ce qui concernait la classification des terres en jachère et a réitéré ses doutes en ce qui concernait l’adéquation du système de contrôle à la règle selon laquelle les prairies permanentes sont des terres consacrées à la production d’herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins et qui, lorsque les États membres le décident, n’ont pas été labourées depuis cinq ans.

153

En troisième lieu, dans les conclusions préliminaires, la Commission a, notamment, fait valoir que :

avant 2015, les autorités tchèques ne disposaient pas d’informations sur l’historique de l’utilisation des terres et n’étaient donc pas en mesure de contrôler la mise en œuvre de la règle mentionnée au point 152 ci-dessus ;

après 2015, la raison pour laquelle les autorités tchèques avaient employé trois codes différents pour se référer aux terres non cultivées qui, à l’expiration d’un délai de cinq ans, avaient vocation à devenir des prairies permanentes, à savoir le code « G » pour les prairies situées sur des terres arables non cultivées, le code « R » pour les terres arables non cultivées qui n’étaient pas considérées comme des prairies et le code « U » pour les terres en jachère, n’était pas claire ; l’utilisation de plusieurs codes entraînait le risque, selon la Commission, que des terres ne soient pas correctement déclarées en tant que prairies permanentes.

154

En quatrième lieu, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes n’a pas fait l’objet de la demande de conciliation introduite par les autorités tchèques.

155

En cinquième lieu, aucune information portant sur la violation concernant l’identification des prairies permanentes n’a été incluse parmi les informations supplémentaires transmises par les autorités tchèques à la Commission à la suite de la réception du rapport de l’organe de conciliation.

156

En sixième lieu, il convient de relever que, dans les conclusions finales et dans le rapport de synthèse, en réitérant les arguments mentionnés au point 153 ci-dessus, la Commission a confirmé l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes et, par l’adoption de la décision attaquée, a imposé à la République tchèque une correction financière de 14923784,40 euros pour cette violation.

157

En septième lieu, il y a lieu de rappeler que, comme cela est indiqué dans le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi, c’est, pour la première fois, à l’occasion de cette réunion et dans la lettre du 30 juillet 2021 que les autorités tchèques ont fourni à la Commission des explications, des exemples et des informations claires et étayées concernant le système de classification des prairies situées sur des terres arables et des terres en jachère.

158

Il résulte également du procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi que c’est sur la base de ces informations que la Commission a décidé de clore la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes dans le cadre de l’enquête de suivi et a regretté que ces informations, qui auraient été pertinentes également dans le cadre de l’enquête, n’aient pas été transmises par les autorités tchèques dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant mené à l’adoption de la décision attaquée.

159

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée aux points 115 à 117 ci-dessus, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission. Ainsi, dès lors que l’État membre concerné ne parvient pas, dans les délais prévus par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014, à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle.

160

En l’espèce, dans le cadre de l’enquête, la République tchèque n’a pas fourni la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles en ce qui concernait l’identification des prairies permanentes et n’est pas parvenue à démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes. En effet, c’est seulement lors de l’enquête de suivi que la République tchèque a apporté, pour la première fois, des explications détaillées et des éléments de preuve additionnels qui ont permis à la Commission de vérifier la non-existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

161

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le deuxième argument.

3) Sur le troisième argument, relatif aux conditions prévues à l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014

162

Par le troisième argument, la République tchèque fait valoir que la Commission aurait dû prendre en compte, dans le cadre de l’enquête, les informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes transmises par les autorités tchèques au cours de l’enquête de suivi. Il s’agirait, en effet, d’informations qui remplissaient les deux conditions figurant à l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, lequel permet à un État membre de communiquer des informations à la Commission après l’envoi par celle-ci des conclusions préliminaires.

163

La Commission conteste cet argument.

164

Il convient de rappeler que l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 prévoit que les informations communiquées par un État membre après que la Commission lui a notifié les conclusions préliminaires de l’enquête peuvent être prises en compte uniquement :

a)

dans le cas où il est nécessaire d’éviter la surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union ; et

b)

dans le cas où la transmission tardive des informations est dûment justifiée par des facteurs externes et ne compromet pas l’adoption en temps voulu par la Commission de la décision en vertu de l’article 52 du règlement no 1306/2013.

165

À cet égard, il y a lieu de considérer que, si la version française de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 est ambiguë quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions établies par cette disposition, il ressort de l’analyse des autres versions linguistiques de cette disposition que ces conditions ont un caractère cumulatif. À titre d’exemple, dans la version portugaise de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, il est indiqué qu’un État membre peut envoyer des informations à la Commission après qu’elle lui a notifié les conclusions préliminaires de l’enquête lorsque les deux conditions cumulatives prévues par ladite disposition sont remplies. Ce caractère cumulatif a par ailleurs été confirmé par les parties lors de l’audience.

166

En l’espèce, comme cela est indiqué au point 157 ci-dessus, les informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes ont été communiquées à la Commission par les autorités tchèques à l’occasion de la réunion bilatérale de suivi et dans la lettre du 30 juillet 2021, soit après l’envoi par la Commission, le 20 décembre 2019, des conclusions préliminaires de l’enquête.

167

Il convient donc d’apprécier si les deux conditions prévues par l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 pour que puissent être prises en compte des informations communiquées tardivement étaient remplies en l’espèce.

168

S’agissant de la première condition énoncée à l’article 34, paragraphe 6, sous a), du règlement d’exécution no 908/2014, il y a lieu de considérer que les informations fournies par les autorités tchèques lors de la réunion bilatérale de suivi et le 30 juillet 2021 au sujet de la violation concernant l’identification des prairies permanentes étaient nécessaires pour éviter la surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union. Il s’agissait, en effet, d’éviter l’imposition d’une correction financière pour une violation considérée comme étant non existante dans le cadre de l’enquête de suivi. L’absence de prise en compte par la Commission de ces informations dans le cadre de l’enquête s’était en effet traduite par une surestimation du préjudice financier causé à l’Union, d’un montant de 14923784,40 euros, soit un montant équivalent à celui de la correction financière imposée à la République tchèque pour la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

169

La condition prévue à l’article 34, paragraphe 6, sous a), du règlement d’exécution no 908/2014 est donc remplie en l’espèce.

170

En ce qui concerne la seconde condition énoncée à l’article 34, paragraphe 6, sous b), du règlement d’exécution no 908/2014, il y a lieu de relever que l’envoi des informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes lors de la réunion bilatérale de suivi et le 30 juillet 2021 n’était pas justifié par des facteurs externes. Lesdites informations étaient déjà disponibles lors de l’enquête, mais n’avaient pas été transmises, de manière claire et étayée, à la Commission. Il s’ensuit que la République tchèque aurait dû et aurait pu envoyer ces informations à la Commission en respectant les délais prévus par l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014.

171

Par conséquent, la condition prévue à l’article 34, paragraphe 6, sous b), du règlement d’exécution no 908/2014 n’est pas remplie en l’espèce.

172

Il y a donc lieu de rejeter le troisième argument et, partant, le premier grief dans son ensemble.

b)   Sur le deuxième grief, tiré de la violation, par la Commission, du principe de protection de la confiance légitime

173

Par le deuxième grief, la République tchèque soutient que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime dès lors que la décision de clore, dans le cadre de l’enquête de suivi, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes a fait naître chez elle une attente légitime quant à la non-imposition, même dans le cadre de l’enquête, d’une correction financière pour ladite violation.

174

Selon la République tchèque, cette attente était d’autant plus légitime que, pour une autre défaillance du système de contrôle mis en place par les autorités tchèques pour vérifier l’octroi des aides au titre du FEAGA et du Feader tenant à la déclaration des surfaces agricoles, la Commission avait pris en compte, dans les conclusions finales de l’enquête, les résultats de l’enquête de suivi et avait décidé de clore le point correspondant.

175

La Commission conteste ce grief.

176

Selon une jurisprudence constante, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union. Le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable chez lequel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation dudit principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission, T‑33/21, EU:T:2023:5, point 69 et jurisprudence citée).

177

En premier lieu, il convient de rappeler que c’est dans le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi que la Commission a fait part à la République tchèque de sa décision de clore, dans le cadre de l’enquête de suivi, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

178

Or, le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi n’arrête pas la position définitive de la Commission quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union, mais constitue une étape préliminaire de la procédure d’apurement de conformité qui permet de faire état des échanges qui ont eu lieu entre les parties lors de la réunion bilatérale (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, EU:C:2003:474, points 69 et 70). La position définitive de la Commission quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union n’est en effet arrêtée que dans les conclusions finales de l’enquête, envoyées à l’État membre conformément à l’article 34, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 908/2014, et dans le rapport de synthèse qui contient une explication détaillée des motifs ayant conduit à l’exclusion de certaines dépenses du financement de l’Union.

179

Dans ces conditions, dès lors que le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi n’exprimait pas la position définitive de la Commission quant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes, il ne pouvait pas faire naître d’espérances fondées et légitimes dans le chef de la République tchèque quant à ladite position et à la non-application, dans le cadre de l’enquête, d’une correction financière pour cette violation.

180

En second lieu, à supposer même que le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi puisse être considéré comme un document arrêtant la position définitive de la Commission quant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes, il convient de relever que la décision de clore, dans le cadre de l’enquête de suivi, la question tenant à l’existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes ne donne pas de renseignements précis, inconditionnels et concordants, au sens de la jurisprudence citée au point 176 ci-dessus, pouvant faire naître dans le chef de la République tchèque une attente légitime quant à la non-application, dans le cadre de l’enquête, d’une correction financière pour ladite violation.

181

Certes, dans le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi, la Commission a indiqué regretter que les autorités tchèques n’aient pas envoyé, dans le cadre de l’enquête, les informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes transmises lors de l’enquête de suivi. Selon la Commission, ces informations auraient également été pertinentes dans le cadre de l’enquête.

182

Cependant, dans le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi, la Commission ne s’est pas exprimée quant à la prise en compte de ces nouvelles informations dans le cadre de l’enquête et n’a pris position ni sur la violation alléguée ni sur l’application d’une correction financière pour la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

183

Il s’ensuit que la Commission n’a pas méconnu le principe de protection de la confiance légitime en ne prenant pas en compte, dans le cadre de l’enquête, les résultats de l’enquête de suivi portant sur la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

184

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République tchèque selon lequel, s’agissant des défaillances relevées par la Commission concernant la déclaration des surfaces agricoles par les autorités tchèques, celle-ci avait pris en compte les résultats de l’enquête de suivi dans les conclusions finales de l’enquête et avait décidé de clôturer le point correspondant.

185

En effet, cet argument n’est pas pertinent. Il résulte des conclusions finales de l’enquête que, lors de l’audit de suivi effectué par la Commission en République tchèque du 31 août au 4 septembre 2020, les autorités tchèques avaient fourni à la Commission des informations nouvelles en ce qui concernait la déclaration des surfaces agricoles. Ces informations, transmises avant l’adoption des conclusions finales de l’enquête, le 26 mars 2021, avaient été prises en compte par la Commission dans le cadre de l’enquête et avaient permis, dans les conclusions finales, de clôturer le point correspondant.

186

Il s’ensuit que, à la différence des informations relatives à la violation concernant l’identification des prairies permanentes, qui ont été transmises par les autorités tchèques après l’envoi des conclusions finales par la Commission, les informations relatives à la déclaration des surfaces agricoles ont été fournies avant cet envoi.

187

Par conséquent, compte tenu de la différence tenant à la période d’envoi de ces informations, la clôture du point relatif à l’existence d’une violation concernant la déclaration des surfaces agricoles ne pouvait faire naître, dans le chef de la République tchèque, aucune attente légitime quant à la non-application d’une correction financière pour la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

188

Il y a ainsi lieu de rejeter le deuxième grief.

c)   Sur le troisième grief, tiré de la violation, par la Commission, de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

189

Par le troisième grief, la République tchèque fait valoir que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE dès lors que, dans la motivation de la décision attaquée et dans le rapport de synthèse, elle n’a pas fait référence aux constatations qu’elle avait formulées dans le procès-verbal de la réunion bilatérale de suivi ayant mené à la clôture du point portant sur la violation concernant l’identification des prairies permanentes. Ainsi, selon la République tchèque, la motivation de la décision attaquée et du rapport de synthèse ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas pris en compte, dans le cadre de l’enquête, les résultats de l’enquête de suivi portant sur la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

190

La Commission conteste ce grief.

191

Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 et 147 ; du 9 septembre 2020, Grèce/Commission, T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 47, et du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission, T‑33/21, EU:T:2023:5, point 36).

192

Il ne saurait, cependant, être exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait aux exigences rappelées au point 191 ci-dessus doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 janvier 2023, Roumanie/Commission, T‑33/21, EU:T:2023:5, point 38 et jurisprudence citée).

193

Il s’ensuit que, selon la jurisprudence, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, l’obligation de motivation est considérée comme étant satisfaite si l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaît les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas devoir mettre à la charge des fonds en cause les sommes litigieuses (voir arrêt du 16 février 2017, Roumanie/Commission, T‑145/15, EU:T:2017:86, point 45 et jurisprudence citée).

194

À cet égard, lorsque la Commission rejette les éléments d’évaluation suffisamment précis avancés par les autorités nationales compétentes, il lui incombe d’exposer, notamment dans ses échanges avec l’État membre concerné ainsi que dans le rapport de synthèse, les éléments fondant le doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des chiffres communiqués par les autorités nationales ou des résultats des contrôles effectués par ces dernières, de sorte que lesdits éléments doivent apparaître dans les actes établis par la Commission durant la procédure d’apurement de conformité ainsi que dans les motifs de la décision prise à l’issue de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2017, Roumanie/Commission, T‑145/15, EU:T:2017:86, point 47, et du 9 septembre 2020, Grèce/Commission, T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 49).

195

En l’espèce, il n’est pas contesté que les autorités tchèques ont été étroitement associées au processus d’élaboration de la décision attaquée et qu’elles ont eu connaissance des raisons justifiant ladite décision. Celle-ci a, en effet, été adoptée à l’issue d’une procédure contradictoire lors de laquelle la Commission et les autorités tchèques ont eu, à plusieurs reprises, la possibilité d’échanger leurs points de vue quant à la constatation de la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

196

De plus, il y a lieu de considérer que, dans le cadre de l’enquête, aucun élément de preuve suffisamment précis n’a été fourni par les autorités tchèques au sujet de la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

197

En outre, comme cela est indiqué aux points 153 et 156 ci-dessus, dans les conclusions préliminaires, dans les conclusions finales ainsi que dans le rapport de synthèse, la Commission a clairement motivé l’imposition de la correction financière pour la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

198

Dans ces conditions, il ne saurait être conclu que la Commission a méconnu son obligation de motivation, au sens de la jurisprudence citée au point 193 ci-dessus et de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

199

Il y a ainsi lieu de rejeter le troisième grief et, partant, la première branche du deuxième moyen dans son ensemble.

2.   Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée alors que, en République tchèque, le système d’identification des prairies permanentes était conforme au droit de l’Union

200

Par la seconde branche du deuxième moyen, la République tchèque fait valoir que la Commission a violé l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 en lui imposant la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant l’identification des prairies permanentes alors que son système d’identification des prairies permanentes était conforme au droit de l’Union.

201

La Commission conteste cette branche.

202

Il convient de rappeler qu’il a été conclu que, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée :

la République tchèque n’avait pas fourni la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles, au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, en ce qui concernait l’identification des prairies permanentes, et n’était pas parvenue à démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes ; en effet, c’est seulement lors de l’enquête de suivi et par sa lettre du 30 juillet 2021 que la République tchèque a apporté, pour la première fois, des explications claires et des éléments de preuve additionnels qui ont permis à la Commission de vérifier la non-existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes (voir point 160 ci-dessus) ;

dès lors que les conditions prévues à l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, permettant la prise en compte des informations communiquées tardivement par l’État membre après l’envoi par la Commission des conclusions préliminaires, n’étaient pas cumulativement remplies en l’espèce, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte, dans le cadre de l’enquête, les résultats de l’enquête de suivi concernant la non-existence de la violation concernant l’identification des prairies permanentes (voir point 171 ci-dessus).

203

Dans ces conditions, les informations et les explications que la République tchèque fournit dans la requête en ce qui concerne la violation concernant l’identification des prairies permanentes et qui n’avaient pas été transmises à la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ne sauraient être prises en considération, dans la mesure où elles ont été envoyées en violation des délais prévus par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et par l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014.

204

Il y a ainsi lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

C. Sur le troisième moyen, contestant la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle

205

Le troisième moyen, contestant la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle, se compose de quatre branches.

206

Toutefois, par leurs réponses à une mesure d’organisation de la procédure et à une question du Tribunal posée lors de l’audience, les parties ont indiqué explicitement que les troisième et quatrième branches du troisième moyen, portant, respectivement, sur la violation, par la Commission, de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 au motif du défaut d’indication, dans la lettre de constatation, de la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative à l’écologisation et sur la violation, par la Commission, de l’article 35 du règlement d’exécution no 809/2014 au motif de la prise en compte des irrégularités du régime RPUS au sein du régime écologisation, devaient être considérées comme étant inopérantes en cas de rejet par le Tribunal du deuxième moyen se rapportant à la violation concernant l’identification des prairies permanentes.

207

En effet, la correction financière imposée par la Commission à la République tchèque pour la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative à l’écologisation, qui fait l’objet des troisième et quatrième branches du troisième moyen, a été absorbée par la correction financière relative à la violation concernant l’identification des prairies permanentes et n’a pas été prise en compte par la Commission lors de la détermination du montant de la correction financière attaquée.

208

Ainsi, dans la mesure où le deuxième moyen est rejeté, il y a lieu de considérer les troisième et quatrième branches du troisième moyen comme étant inopérantes. Leur examen est, en effet, sans pertinence pour l’appréciation du bien-fondé de l’imposition de la correction financière attaquée.

209

Il convient donc d’analyser uniquement les première et deuxième branches du troisième moyen.

1.   Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards alors que la République tchèque n’a pas violé l’article 30, sous a), et l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394

210

Par la première branche du troisième moyen, la République tchèque fait valoir que la Commission a méconnu l’article 30, sous a), et l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, dès lors que, pour le régime RPUS, elle a considéré que les bénéficiaires d’une aide faisant l’objet d’un contrôle de suivi sur place parce qu’ils avaient reçu, au cours de l’année précédente, une sanction administrative réduite au sens de l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, (ci-après les « bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite ») devaient être distingués des bénéficiaires devant faire l’objet d’un contrôle standard conformément à l’article 30, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014 (ci-après les « bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard »).

211

À cet égard, la République tchèque soutient qu’elle n’a pas violé le droit de l’Union lorsque, en 2017, parmi les 87 bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite en 2016, 75 avaient été inclus dans l’échantillon de 5 % des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard et 12 avaient fait l’objet d’un contrôle de suivi sur place.

212

La Commission conteste la première branche du troisième moyen.

213

Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 30, sous a), du règlement d’exécution no 809/2014, pour les régimes d’aide liée à la surface autres que le paiement en faveur des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, l’échantillon de contrôle relatif aux contrôles sur place effectués chaque année couvre au moins 5 % de tous les bénéficiaires introduisant une demande de paiement de base ou une demande de paiement unique à la surface.

214

Il convient également de relever que l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, intitulé « Taux des contrôles supplémentaires pour les contrôles sur place aux fins du suivi des bénéficiaires visés à l’article 19 bis, paragraphe 2, du règlement [no 640/2014] », dispose, à son paragraphe 1, ce qui suit :

« Les bénéficiaires qui ont fait l’objet d’une sanction administrative réduite, conformément à l’article 19 bis, paragraphe 2, du règlement [no 640/2014] pour un régime d’aide ou [une] mesure de soutien liés à la surface à la suite d’une surdéclaration constatée lors d’un contrôle sur place, font l’objet d’un contrôle [de suivi sur place] pour ce régime d’aide ou cette mesure de soutien au cours de l’année de demande suivante. »

215

Il ressort, notamment, de l’analyse de ces dispositions que les contrôles standards diffèrent, par leur objet et leur finalité, des contrôles de suivi sur place.

216

S’agissant de leur objet, les contrôles standards concernent 5 % de tous les bénéficiaires introduisant une demande de paiement de base ou une demande de paiement unique à la surface, alors que les contrôles de suivi sur place concernent uniquement les bénéficiaires qui ont fait l’objet d’une sanction administrative réduite pour avoir effectué, lors de l’année précédente, une surdéclaration des superficies admissibles au bénéfice des aides.

217

En ce qui concerne leur finalité, les contrôles standards ont pour objectif de fixer un nombre minimal de bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle afin d’assurer une vérification efficace, de la part de la Commission, du respect des dispositions en ce qui concerne les différents régimes d’aide et mesures de soutien, tandis que les contrôles de suivi sur place ont pour objectif, comme cela ressort du considérant 1 du règlement d’exécution (UE) 2016/1394 de la Commission, du 16 août 2016, modifiant le règlement d’exécution no 809/2014 établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 (JO 2016, L 225, p. 50), de vérifier si, à la suite de l’application d’une sanction administrative réduite pour une première surdéclaration des superficies, les bénéficiaires d’une aide ont commis une nouvelle infraction qui donnerait lieu à l’application d’une sanction administrative à part entière.

218

La nature spécifique des contrôles de suivi sur place est confirmée par le titre de l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, qui les qualifie expressément de « contrôles supplémentaires », ce qui laisse entendre qu’ils se distinguent des contrôles standards dans la mesure où ils assujettissent les bénéficiaires d’une aide à un contrôle additionnel qui doit être mis en place lorsque les conditions prévues par ledit article sont remplies.

219

Ainsi, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu l’article 30, sous a), et l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, dès lors qu’elle a considéré que les bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite, au cours de l’année précédente, devaient être distingués de ceux qui faisaient l’objet d’un contrôle standard.

220

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les trois arguments soulevés par la République tchèque.

221

Par son premier argument, la République tchèque soutient que l’exclusion des bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite de l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard conduirait à la conséquence absurde que les bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite au motif que, au cours de l’année précédente, ils avaient effectué une surdéclaration de leurs superficies ne seraient pas assujettis au contrôle standard, mais seulement au contrôle de suivi sur place. Ainsi, selon la République tchèque, ces agriculteurs auraient une position plus avantageuse que celle des autres agriculteurs.

222

À cet égard, il y a lieu de considérer que les contrôles de suivi sur place ne se conçoivent pas comme des contrôles alternatifs, mais comme des contrôles supplémentaires, qui s’ajoutent aux contrôles standards et visent à prévoir un régime de contrôle renforcé pour les bénéficiaires ayant reçu, au cours de l’année précédente, une sanction administrative réduite. En plus d’un contrôle standard, ceux-ci doivent, en effet, faire l’objet d’un contrôle de suivi sur place pour vérifier s’ils ont commis une nouvelle infraction au droit de l’Union qui les exposerait à l’imposition d’une sanction d’administrative à part entière. Il s’ensuit que les bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite ne se trouvent pas dans une situation avantageuse au regard des autres bénéficiaires.

223

Il y a ainsi lieu de rejeter le premier argument.

224

Par son deuxième argument, la République tchèque estime que l’exclusion des bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite de l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard est contraire à la lettre de l’article 30 sous a), du règlement d’exécution no 809/2014, qui prévoit que 5 % de tous les bénéficiaires introduisant une demande de paiement font l’objet d’un contrôle standard. Or, selon la République tchèque, en excluant les bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite de l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard, celui-ci ne viserait plus 5 % de tous les bénéficiaires, mais seulement 5 % d’une partie d’entre eux.

225

À cet égard, il y a lieu de relever que les contrôles de suivi sur place sont des contrôles supplémentaires qui, parmi les moyens dont dispose la Commission pour vérifier la conformité au droit de l’Union des aides octroyées par les fonds agricoles de l’Union, s’ajoutent aux contrôles standards. Les contrôles standards et les contrôles de suivi sur place ont ainsi une finalité et un champ d’application différents et ne sauraient être confondus par les autorités nationales.

226

Or, le choix, par un État membre, de l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard et d’un contrôle de suivi sur place ne saurait, dans les faits, méconnaître la distinction entre ces contrôles. C’est pourquoi, en l’espèce, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la République tchèque avait violé l’article 30, sous a), et l’article 33 bis du règlement d’exécution no 809/2014, tel que modifié par le règlement d’exécution 2016/1394, dès lors que, parmi les 87 bénéficiaires qui avaient reçu une sanction administrative réduite en 2016, 75 avaient été inclus dans l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard et 12 avaient fait l’objet d’un contrôle de suivi sur place.

227

En effet, dans ce scénario, l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard était composé, en grande majorité, des bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite, au regard de tous les autres bénéficiaires qui auraient dû faire l’objet d’un contrôle, et seuls douze bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite avaient fait l’objet d’un contrôle de suivi sur place.

228

Il s’ensuit que, dans le choix des échantillons des bénéficiaires devant faire l’objet d’un contrôle standard et des bénéficiaires devant faire l’objet d’un contrôle de suivi sur place, la République tchèque aurait dû prendre en compte la différence entre ces contrôles en s’assurant, d’une part, que tous les bénéficiaires, et pas seulement une grande majorité de ceux ayant reçu une sanction administrative réduite, soient assujettis aux contrôles standards et, d’autre part, que tous les bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite fassent l’objet d’un contrôle de suivi sur place.

229

Il y a donc lieu de rejeter le deuxième argument.

230

Par son troisième argument, la République tchèque considère que l’exclusion des bénéficiaires ayant reçu une sanction administrative réduite de l’échantillon des bénéficiaires faisant l’objet d’un contrôle standard est contraire à l’article 34, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, qui permet d’exclure de l’échantillon de contrôle uniquement les bénéficiaires dont la demande est jugée inadmissible.

231

Les termes de l’article 34, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014 sont les suivants :

« Les demandes ou les demandeurs jugés non admissibles ou non admissibles au bénéfice du paiement, au moment de la présentation ou après les contrôles administratifs ou les contrôles sur place, ne font pas partie de la population de contrôle. »

232

À cet égard, il y a lieu de considérer que l’exclusion de l’échantillon de contrôle des demandes ou des demandeurs jugés inadmissibles, au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, est sans pertinence dans la présente affaire, où il est question de déterminer le champ d’application des contrôles standards et des contrôles de suivi sur place qui, par définition, supposent que les demandeurs inclus dans l’échantillon de contrôle soient considérés comme étant admissibles et puissent donc faire l’objet d’un contrôle standard ou d’un contrôle de suivi sur place.

233

Il convient ainsi de rejeter le troisième argument et, partant, la première branche du troisième moyen dans son ensemble.

2.   Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation, par la Commission, de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et du principe de proportionnalité, au motif que le montant de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards ne correspond pas à la gravité de la non-conformité reprochée

234

Par la deuxième branche du troisième moyen, la République tchèque fait valoir que la Commission a méconnu l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et le principe de proportionnalité, au motif que le montant de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards, qui s’élève à 18833,24 euros, ne correspond pas à la gravité de la non-conformité reprochée.

235

Plus particulièrement, la République tchèque fait valoir que, pour parvenir à ce montant, la Commission s’est fondée :

pour l’année 2017, sur le calcul chiffré du préjudice causé au budget de l’Union par la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards, s’élevant à un montant de 6277,75 euros ;

pour les années 2015 et 2016, sur l’hypothèse selon laquelle le même préjudice que celui calculé pour 2017 se serait produit en 2015 et en 2016, alors que, selon la République tchèque, il s’agit d’une hypothèse non étayée et qui n’est fondée sur aucun élément factuel et juridique.

236

La Commission conteste la deuxième branche du troisième moyen.

237

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la Commission évalue les montants des sommes à exclure du financement de l’Union au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée, de la nature de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

238

De plus, selon la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, le principe de proportionnalité exige, en tant que principe général du droit de l’Union, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés.

239

Il y a lieu de rappeler également que, selon la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, il appartient à la Commission, lorsqu’elle conteste les résultats des vérifications effectuées par les autorités nationales et aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la PAC, de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les autorités nationales ou des chiffres transmis par celles-ci. Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, si un doute sérieux et raisonnable est exprimé par la Commission, il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission.

240

Or, en l’espèce, la Commission n’a présenté aucun élément de preuve permettant de considérer que le doute qu’elle éprouvait quant à la possibilité que le préjudice financier de 6277,75 euros causé à l’Union au cours de l’année 2017 se soit également produit en 2015 et 2016 constitue un doute sérieux et raisonnable au sens de la jurisprudence.

241

En premier lieu, dans les conclusions préliminaires, dans les conclusions finales et dans le rapport de synthèse, la Commission s’est limitée à indiquer que le montant de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards, s’élevant à 18833,24 euros, couvrait aussi le risque de ne pas recouvrer rétroactivement les paiements irréguliers concernant les années 2015 et 2016.

242

Toutefois, elle n’a fourni aucun élément de preuve permettant de comprendre pourquoi le préjudice s’étant produit en 2017 aurait pu se produire également en 2015 et en 2016 et donnerait lieu à une obligation de recouvrement rétroactif.

243

En deuxième lieu, pour étayer sa position, la Commission a fait référence, dans les conclusions préliminaires, à l’article 3 du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), qui justifiait, selon elle, la poursuite rétroactive des sommes indûment versées aux agriculteurs.

244

Or, l’article 3 du règlement no 2988/95 prévoit que, aux fins de la protection des intérêts financiers de l’Union, le délai de prescription des poursuites pour des paiements indus est de quatre ans à partir de la survenue de l’irrégularité ayant causé un préjudice financier à l’Union, les réglementations sectorielles pouvant prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

245

Selon la jurisprudence, en adoptant le règlement no 2988/95 et, en particulier, son article 3, paragraphe 1, premier alinéa, le législateur de l’Union a entendu instituer une règle générale de prescription applicable en la matière et par laquelle il entendait, d’une part, définir un délai minimal appliqué dans tous les États membres et, d’autre part, renoncer à la possibilité de recouvrer des sommes indûment perçues du budget de l’Union après l’écoulement d’une période de quatre années postérieure à la survenue de l’irrégularité affectant les paiements litigieux. Il en résulte que, à partir de la date d’entrée en vigueur du règlement no 2988/95, tout avantage indûment perçu du budget de l’Union peut, en principe et excepté dans des secteurs pour lesquels le législateur de l’Union a prévu un délai inférieur, être recouvré par les autorités compétentes des États membres dans un délai de quatre années (arrêts du 29 janvier 2009, Josef Vosding Schlacht-, Kühl- und Zerlegebetrieb e.a., C‑278/07 à C‑280/07, EU:C:2009:38, point 27, et du 29 mars 2012, Pfeifer & Langen, C‑564/10, EU:C:2012:190, point 37).

246

La référence à cette disposition est donc sans pertinence en l’espèce, dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre la raison pour laquelle le préjudice pour le budget de l’Union s’étant produit en 2017 se serait produit également en 2015 et en 2016.

247

En troisième lieu, pour justifier ses allégations, la Commission se réfère pour la première fois dans le mémoire en défense à l’article 63 du règlement no 1306/2013 et à l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, qui justifient selon elle la poursuite rétroactive des paiements indus.

248

Or, selon une jurisprudence constante, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée et les carences constatées lors de cette enquête dans la communication envoyée sur le fondement de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 (voir arrêt du 7 septembre 2022, Slovaquie/Commission, T‑40/21, non publié, EU:T:2022:515, point 46 et jurisprudence citée).

249

En outre, la Commission ne peut pas compléter la motivation de la décision attaquée en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission, T‑289/01, EU:T:2007:155, point 132, et du 15 décembre 2021, Oltchim/Commission, T‑565/19, EU:T:2021:904, point 275).

250

Il s’ensuit que, dans la mesure où, dans la lettre de constatation ainsi que dans les documents successifs qu’elle a transmis à la République tchèque dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant donné lieu à la décision attaquée, la Commission n’a fait référence ni à l’article 63 du règlement no 1306/2013 ni à l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, celle-ci ne saurait se prévaloir de ces dispositions pour étayer ses allégations quant à l’existence, en 2015 et en 2016, d’un préjudice financier pour le budget de l’Union du même montant que celui s’étant produit en 2017.

251

En tout état de cause, à supposer même que la Commission puisse étayer ses allégations sur le fondement de l’article 63 du règlement no 1306/2013 et de l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, ces dispositions ne fournissent pas la preuve que le doute qu’elle a exprimé quant à l’existence, en 2015 et en 2016, d’un préjudice financier pour le budget de l’Union du même montant que celui s’étant produit en 2017 constitue un doute sérieux et raisonnable au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

252

En effet, l’article 63 du règlement no 1306/2013 et l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014 prescrivent la procédure à suivre et les délais pour le recouvrement des paiements indus, mais ne contiennent aucun élément permettant d’étayer l’allégation de la Commission selon laquelle la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards qui s’est produite en 2017 s’était nécessairement également produite en 2015 et en 2016.

253

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas prouvé que le doute qu’elle a exprimé quant à l’existence, en 2015 et en 2016, du même préjudice financier que celui qui s’était produit en 2017 était sérieux et raisonnable au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

254

Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du troisième moyen et, partant, d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle concerne l’imposition, par la Commission à la République tchèque, de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards, d’un montant de 18833,24 euros.

D. Sur le quatrième moyen, contestant la violation concernant le recouvrement des paiements indus

255

Le quatrième moyen, contestant la violation concernant le recouvrement des paiements indus, se compose de deux branches.

256

Par la première branche du quatrième moyen, la République tchèque soutient que la Commission a méconnu l’article 63 du règlement no 1306/2013 et l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, dès lors que, dans le cadre de l’enquête, celle-ci a considéré que les autorités tchèques auraient dû, par le biais du SIPA, vérifier l’admissibilité d’une surface agricole non seulement pour l’année couverte par la procédure de recouvrement des paiements indus, mais aussi pour les années précédentes.

257

À cet égard, la République tchèque fait valoir que l’article 63 du règlement no 1306/2013 et l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014 indiquent la procédure à suivre pour le recouvrement des sommes indûment versées aux agriculteurs pour des surfaces qui ne sont pas admissibles au bénéfice de l’aide. Or, ces dispositions ne concernent pas, selon la République tchèque, la question distincte de savoir si et comment les États membres sont tenus de déceler si une surface inadmissible au bénéfice de l’aide au cours d’une année l’était aussi lors des années précédentes.

258

Il s’ensuit, selon la République tchèque, que, conformément à l’article 63 du règlement no 1306/2013 et à l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014, elle était tenue de rayer, lors de la mise à jour annuelle du SIPA, les surfaces inadmissibles au bénéfice de l’aide pour lesquelles une procédure de recouvrement était en cours, mais n’était pas obligée de vérifier si ces mêmes surfaces étaient également inadmissibles lors des années précédentes et si les éventuelles aides versées pour ces années devaient faire l’objet d’un recouvrement.

259

La Commission conteste cette branche.

260

Tout d’abord, il y a lieu de relever que, s’agissant de la violation concernant le recouvrement des paiements indus, la Commission a imposé à la République tchèque :

pour le régime RPUS, une correction financière de 17855884,41 euros ;

pour le régime écologisation, une correction financière de 7832400 euros ;

pour le régime RJA, une correction forfaitaire de 2 % sur 100 % des dépenses effectuées en violation des règles du droit de l’Union.

261

Cependant, les corrections imposées pour les régimes écologisation et RJA ont été absorbées par la correction infligée pour la violation concernant l’identification des prairies permanentes faisant l’objet du deuxième moyen.

262

Par conséquent, comme cela a été confirmé par les parties dans leurs réponses à une mesure d’organisation de la procédure et à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, dans la mesure où le deuxième moyen est rejeté, il y a lieu de considérer le quatrième moyen comme étant inopérant en ce qu’il concerne l’imposition des corrections financières relatives aux régimes écologisation et RJA. En effet, dans la mesure où les corrections relatives aux régimes écologisation et RJA ont été absorbées par la correction relative à la violation concernant l’identification des prairies permanentes, leur examen est sans pertinence pour l’appréciation du bien-fondé de l’imposition de la correction financière attaquée.

263

Concernant la correction imposée pour le régime RPUS, tout d’abord, il y a lieu de relever que l’article 63 du règlement no 1306/2013 prévoit, en substance, que, lorsqu’il est constaté qu’un bénéficiaire ne respecte pas les conditions d’octroi de l’aide, l’État membre concerné ne verse pas l’aide ou la retire en totalité ou en partie et les sommes versées, y compris les intérêts qui s’y rapportent, doivent être recouvrées. Cette même disposition énonce que, lorsque la législation sectorielle agricole le prévoit, les États membres imposent des sanctions administratives. De plus, l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014 dispose, en substance, que, en cas de paiement indu, le bénéficiaire concerné a l’obligation de rembourser les sommes en cause, le cas échéant, majorées d’intérêts.

264

Il s’ensuit que l’article 63 du règlement no 1306/2013 et l’article 7 du règlement d’exécution no 809/2014 n’imposent pas aux États membres l’obligation de vérifier, de manière rétroactive, si une surface inadmissible au bénéfice de l’aide au cours d’une année l’était aussi lors des années précédentes.

265

Ensuite, il convient de rappeler que la prétendue obligation des États membres d’effectuer un contrôle rétroactif de l’admissibilité d’une surface ne résulte pas de l’article 3 du règlement no 2988/95. Comme cela est indiqué au point 244 ci-dessus, cette disposition se limite, en effet, à indiquer que le délai de prescription des poursuites pour des paiements indus est de quatre ans, sauf si un délai inférieur de trois ans est prévu par la réglementation sectorielle.

266

Enfin, il convient de relever que, certes, dans l’arrêt du 7 septembre 2022, Slovaquie/Commission (T‑40/21, non publié, EU:T:2022:515, points 54 et 55), le Tribunal a indiqué que, sur la base des informations figurant dans la lettre de constatation envoyée par la Commission sur le fondement de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014, la Slovaquie aurait dû inclure dans l’évaluation du risque potentiel pour le FEAGA, s’agissant des années de demande 2015 et 2016, l’impact financier de l’absence de recouvrement des aides indûment versées au titre des trois années de demande antérieures. Toutefois, le Tribunal a précisé que le fait que le calcul du risque encouru par le FEAGA s’agissant des années de demande 2015 et 2016 devait prendre en compte l’impact de l’absence de procédure de recouvrement pour les paiements indûment effectués au titre des trois années de demande antérieures résultait d’une particularité du système de contrôle slovaque que les autorités de cet État ne pouvaient ignorer. Partant, ne résulte pas dudit arrêt une obligation à charge de l’État membre de vérifier, de manière rétroactive, si une surface inadmissible au bénéfice de l’aide au cours d’une année l’était aussi lors les années précédentes.

267

Il en découle qu’il y a lieu d’accueillir la première branche du quatrième moyen.

268

Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner la seconde branche du quatrième moyen, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle porte sur la correction financière appliquée aux dépenses effectuées par la République tchèque dans le cadre du régime RPUS, en relation avec la prétendue violation concernant le recouvrement des paiements indus, d’un montant de 17855884,41 euros.

E. Sur le cinquième moyen, contestant la violation concernant le dépôt tardif de la demande

269

Par son cinquième moyen, la République tchèque fait valoir l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction financière attaquée se rapportant à la violation concernant le dépôt tardif de la demande en raison du défaut d’application, s’agissant des demandes d’aide ou de paiement déposées en ligne sans signature électronique dans les délais prévus par l’article 13 du règlement no 640/2014 et complétées, dans les cinq jours suivants auprès du bureau compétent, avec la signature manuscrite du demandeur, de la réduction de 1 %.

270

Au soutien de ce moyen, la République tchèque soulève quatre arguments.

271

En premier lieu, la République tchèque soutient qu’aucune disposition du droit de l’Union ne fait obstacle à la possibilité qu’une demande déposée en ligne soit, par la suite, complétée en présence par la signature manuscrite du demandeur. À cet égard, la République tchèque relève que l’article 13 du règlement no 640/2014 précise la procédure à suivre en cas de dépôt tardif d’une demande d’aide ou de paiement, mais ne dispose pas que les demandes déposées en ligne et complétées par la suite, en présence du demandeur, par la signature manuscrite de ce dernier constituent des demandes tardives. De plus, elle considère que l’article 72 du règlement no 1306/2013 n’inclut pas la signature du demandeur parmi les éléments obligatoires de la demande.

272

En deuxième lieu, la République tchèque fait valoir que, dans son droit national, la signature en présence du demandeur de la demande déposée en ligne est nécessaire pour l’authentification du dépôt, mais ne constitue pas une condition d’admissibilité de la demande. La signature manuscrite permettrait, en effet, de vérifier que l’entité déposant la demande est celle pour laquelle la demande est présentée [article 37, paragraphe 4, du code administratif tchèque (Zákon č. 500/2004 Sb., správní řád)].

273

En troisième lieu, la République tchèque relève que, dans son droit national, la seule chose que le demandeur peut ajouter à la demande déposée en ligne est sa signature manuscrite, qui doit être apposée, auprès du bureau compétent, dans les cinq jours suivant le dépôt en ligne de la demande. Or, aucun complément ni aucune modification de la demande ne pourrait être effectué ni entre le moment du dépôt en ligne de la demande et celui de sa signature en présence du demandeur, ni au moment de la signature en présence du demandeur.

274

En quatrième lieu, la République tchèque soutient que l’authentification en présence du demandeur du dépôt d’une demande effectué auparavant en ligne est un mécanisme courant en droit de l’Union, prévu, notamment, par l’article 57, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour.

275

La Commission conteste ces arguments.

276

S’agissant des premier et deuxième arguments soulevés par la République tchèque, qu’il convient de traiter ensemble, il y a lieu de considérer qu’il appartient aux États membres de définir les règles établissant, dans leur droit national, les modalités de dépôt des demandes d’aide et de paiement, lesquelles doivent toutefois être compatibles avec le droit de l’Union.

277

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 13 du règlement no 640/2014, les demandes d’aide ou de paiement présentées après la date limite fixée par la Commission donnent lieu à l’application de la réduction de 1 %.

278

Par ailleurs, l’indication de l’identité du bénéficiaire de l’aide fait partie des informations que la demande d’aide ou de paiement doit contenir pour être considérée admissible, pourvu qu’elle ait été présentée dans les délais fixés conformément à l’article 13 du règlement no 640/2014. En effet, bien que l’article 72 du règlement no 1306/2013 n’inclue pas la signature du demandeur parmi les éléments devant figurer dans une demande d’aide ou de paiement, il prévoit que cette demande doit contenir « toute autre information prévue par le présent règlement ou requise en vue de l’application de la législation agricole sectorielle pertinente ou par l’État membre concerné ». À cet égard, l’article 14, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, qui établit les modalités d’application du règlement no 1306/2013, précise que, pour être considérée comme étant admissible, une demande d’aide ou de paiement doit, notamment, inclure l’identité du bénéficiaire.

279

Or, il résulte des écritures des parties que, selon le droit tchèque, la signature manuscrite de la demande est une formalité obligatoire, en l’absence de laquelle la demande n’est pas acceptée. En effet, comme l’ont indiqué les autorités tchèques dans leurs observations du 1er octobre 2018 sur le procès-verbal de la réunion bilatérale, le dépôt en ligne, sans signature électronique, d’une demande doit être confirmé par une signature manuscrite dans les cinq jours suivants. Dans cette hypothèse, si le demandeur signe la demande en personne auprès du bureau compétent, dans la forme et dans les délais prescrits par la loi, la date de dépôt de ladite demande est considérée comme étant celle de son dépôt en ligne. Toutefois, si le demandeur ne signe pas la demande en personne ou s’il ne le fait pas dans la forme prescrite par la loi, ladite demande est considérée comme étant irrecevable et n’est pas prise en compte par les autorités compétentes.

280

Il s’ensuit que la signature manuscrite de la demande déposée en ligne sans signature électronique ne remplit pas seulement, comme le relèvent les autorités tchèques, la fonction d’authentification du dépôt de la demande, mais constitue aussi une condition d’admissibilité de la demande. Seules les demandes complétées en présence du demandeur par sa signature manuscrite sont, en effet, traitées par les autorités compétentes.

281

Par conséquent, bien que, en l’espèce, les demandes aient été déposées en ligne sans signature électronique dans les délais prévus par l’article 13 du règlement no 640/2014, elles ne comportaient pas la signature manuscrite des demandeurs, qui était pourtant une information déterminante pour vérifier l’identité de ceux-ci et pour décider de leur admissibilité, au sens de l’article 72 du règlement no 1306/2013, lu conjointement avec l’article 14, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014.

282

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où, à la date de leur dépôt en ligne, il manquait dans les demandes un élément essentiel pour décider de leur admissibilité et que cet élément, à savoir la signature manuscrite des demandeurs, a été apporté après l’écoulement des délais prévus par l’article 13 du règlement no 640/2014, lesdites demandes étaient tardives, ce qui aurait dû donner lieu à l’application de la réduction de 1 %.

283

Il convient ainsi de rejeter les premier et deuxième arguments.

284

S’agissant du troisième argument, il y a lieu de considérer qu’il est dénué de pertinence en l’espèce. En effet, bien que, entre la date de dépôt en ligne et celle de la signature en présence du demandeur, le contenu des demandes d’aide ou de paiement n’ait pas fait l’objet de modifications, celles-ci étaient incomplètes à la date de leur dépôt en ligne compte tenu de l’absence de signature et ne remplissaient donc pas les critères d’admissibilité prévus par le droit de l’Union.

285

Le troisième argument doit donc être rejeté.

286

En ce qui concerne le quatrième argument, il y a lieu de relever que la circonstance selon laquelle la Cour autorise, à l’article 57, paragraphe 7, de son règlement de procédure, que l’original signé des actes de procédure soit déposé au greffe par les parties au plus tard dix jours après l’envoi de la copie de ce document est également sans pertinence en l’espèce. En tout état de cause, la situation visée par l’article 57, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour diffère de celle en cause, dans la mesure où, aux termes de cette disposition, le document original transmis par les parties à la Cour dans un délai de dix jours doit être le même que celui transmis antérieurement, y compris en ce qui concerne sa signature, qui doit avoir été apposée lors de l’envoi de la copie des actes de procédure.

287

Il y a ainsi lieu de rejeter le quatrième argument et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

F. Sur le sixième moyen, contestant le régime de la discipline financière

288

Par son sixième moyen, la République tchèque fait valoir que la Commission a méconnu l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et le principe de proportionnalité, dès lors que la correction forfaitaire de 2 % qu’elle lui a imposée dans le cadre du régime de la discipline financière ne correspond pas à la gravité de la non-conformité relevée.

289

La Commission conteste ce moyen.

290

À titre liminaire, il y a lieu de relever que la procédure de discipline financière, prévue aux articles 25 et 26 du règlement no 1306/2013 et à l’article 8 du règlement no 1307/2013, se distingue de la procédure d’apurement de conformité prévue à l’article 52 du règlement no 1306/2013 et à l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014.

291

En effet, la procédure d’apurement de conformité vise à permettre à la Commission, à la suite d’une procédure contradictoire, d’exclure du financement de l’Union des dépenses effectuées par un État membre en violation du droit de l’Union.

292

Le régime de la discipline financière, quant à lui, a pour finalité de permettre aux États membres de transférer à la Commission des crédits initialement destinés aux paiements directs aux agriculteurs afin de constituer une réserve financière vouée à financer une éventuelle crise qui pourrait se produire dans le secteur agricole. Néanmoins, si ces crédits ne sont pas utilisés, ils sont restitués, lors des années suivantes, par la Commission aux États membres qui les transfèrent, par la suite, aux agriculteurs initialement concernés par une réduction des paiements directs auxquels ils avaient droit.

293

En l’espèce, le remboursement des crédits initialement prélevés aux agriculteurs, au titre du régime de la discipline financière, a été effectué par la Commission à la République tchèque par le biais des règlements de remboursement.

294

Au soutien de son moyen, la République tchèque soulève deux arguments.

295

Par son premier argument, la République tchèque fait valoir que, dans la mesure où la correction forfaitaire imposée dans le cadre du régime de la discipline financière reflète les corrections qui ont été appliquées, par la Commission, dans le cadre de l’enquête concernant les régimes RPUS, RJA, écologisation et SCF, son montant devrait être le même que celui des corrections imposées pour chacun de ces régimes. Or, la République tchèque relève que, pour le régime SCF, la Commission a appliqué, dans le cadre de l’enquête, une correction forfaitaire de 5 % sur 10 % des dépenses effectuées en violation de ce régime. Il s’ensuit, selon la République tchèque, que la même correction de 5 % sur 10 % des dépenses effectuées aurait dû être appliquée par la Commission lors de la détermination, pour le régime SCF, du montant de la correction forfaitaire imposée dans le cadre du régime de la discipline financière.

296

À cet égard, il n’est pas contesté que, en l’espèce, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant donné lieu à la décision attaquée, les autorités tchèques ont fourni à la Commission une ligne budgétaire unique pour tous les régimes d’aide faisant l’objet de la discipline financière. Cela signifie que les autorités tchèques n’ont pas indiqué, pour chaque régime d’aide, le montant du crédit qui avait d’abord été versé à la Commission, puis qui leur avait été transféré par celle-ci par le biais des règlements de remboursement, mais qu’elles ont fait référence à une somme unique pour tous les différents régimes d’aide. C’est, ainsi, cette somme unique que la Commission a prise en considération pour déterminer le montant de la correction forfaitaire imposée dans le cadre du régime de la discipline financière.

297

Toutefois, dans la demande de conciliation du 4 février 2020, la République tchèque a reproché à la Commission de ne pas avoir appliqué, lors du calcul de la correction forfaitaire relative au régime de la discipline financière pour le régime SCF, une correction réduite correspondant à celle de 5 % sur 10 % des dépenses effectuées en violation du droit de l’Union qu’elle avait appliquée, pour ce même régime, dans le cadre de l’enquête.

298

Or, ni dans leur lettre du 13 novembre 2020 qui faisait suite à la réception du rapport de l’organe de conciliation ni dans leurs échanges successifs les autorités tchèques n’ont fourni à la Commission d’informations permettant de distinguer exactement, au sein du poste budgétaire unique relatif aux crédits ayant fait l’objet des règlements de remboursement, la partie relative au régime SCF.

299

Dans ces conditions, la Commission a décidé, dans les conclusions finales et dans le rapport de synthèse, d’appliquer une correction forfaitaire unique de 2 % sur l’ensemble des crédits qui avaient fait l’objet de la procédure de discipline financière.

300

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et à l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014, la Commission fonde l’exclusion d’une dépense du financement de l’Union sur la mise en évidence des montants des sommes indûment dépensées uniquement si ceux-ci peuvent être déterminés en déployant des efforts proportionnés.

301

Par ailleurs, selon la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

302

Or, en l’espèce, la République tchèque n’a pas fourni à la Commission d’informations lui permettant d’identifier, au sein du poste budgétaire relatif aux crédits ayant fait l’objet des règlements de remboursement, la partie relative au régime SCF. Ainsi, c’est à bon droit que la Commission a décidé, en déployant des efforts proportionnés, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, à l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 et au principe de proportionnalité, d’appliquer, au titre du régime de la discipline financière, une correction forfaitaire unique pour tous les régimes d’aide.

303

Le premier argument doit donc être rejeté.

304

Par son second argument, la République tchèque fait valoir que, si le Tribunal devait annuler, en tout ou en partie, les corrections pour les régimes RPUS, RJA, écologisation et SCF imposées par la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, il devrait annuler aussi, de manière automatique et généralisée, pour un montant correspondant, la correction imposée dans le cadre du régime de la discipline financière, dès lors que celle-ci ne correspondrait plus au préjudice financier prétendument causé au budget de l’Union.

305

À cet égard, il y a lieu de relever que l’imposition d’une correction dans le cadre du régime de la discipline financière est liée aux corrections imposées, par la Commission, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité pour les régimes d’aide faisant l’objet de la discipline financière. En effet, pour garantir, autant que possible, la correspondance entre les paiements directs versés, chaque année, aux agriculteurs et les crédits prélevés sur ces paiements au titre de la discipline financière, qui seront éventuellement remboursés à ces agriculteurs lors des années suivantes, si la Commission impose, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, une correction pour des irrégularités relevées dans les paiements directs, elle est tenue également d’imposer une correction sur les crédits faisant l’objet de la discipline financière.

306

Toutefois, aucun automatisme ne saurait être identifié entre l’application par la Commission, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, d’une correction pour un certain régime d’aide et l’imposition par celle-ci d’une correction pour les sommes issues de ce même régime d’aide qui ont fait l’objet d’un remboursement aux États membres au titre de la discipline financière.

307

En premier lieu, conformément à l’article 26 du règlement no 1306/2013, les sommes transférées à la Commission, au titre de la discipline financière, sont restituées, le cas échéant, aux agriculteurs moyennant l’application d’un taux d’ajustement fixe, qui s’applique à tous les paiements effectués au titre des différents régimes d’aide.

308

Ainsi, le montant de la correction imposée dans le cadre du régime de la discipline financière est calculé par la Commission de manière forfaitaire pour tous les régimes d’aide et n’est pas nécessairement lié au montant de la correction imposée par elle, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, pour des irrégularités relevées dans les paiements directs effectués aux agriculteurs relatifs à un régime d’aide spécifique.

309

En second lieu, comme cela est indiqué au point 302 ci-dessus, la possibilité, pour la Commission, d’identifier, en déployant des efforts proportionnés, parmi les crédits faisant l’objet de la discipline financière, ceux qui se rapportent à chaque régime d’aide concerné par la procédure d’apurement de conformité dépend des informations disponibles fournies, dans chaque cas d’espèce, par les États membres.

310

Ainsi, il ne saurait être soutenu que l’annulation totale ou partielle de la correction financière attaquée imposée pour un certain régime d’aide entraînerait de manière automatique et généralisée celle de la correction forfaitaire imposée dans le cadre du régime de la discipline financière.

311

Il y a ainsi lieu de rejeter le second argument et, partant, le sixième moyen dans son ensemble.

312

Eu égard aux considérations qui précédent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle impose à la République tchèque la correction financière attaquée en raison, d’une part, de la violation concernant la sélection de l’échantillon de contrôle relative aux contrôles standards, pour un montant de 18833,24 euros, ainsi que, d’autre part, de la violation concernant le recouvrement des paiements indus, pour un montant de 17855884,41 euros, et de rejeter le recours pour le surplus.

IV. Sur les dépens

313

Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Le recours ayant été partiellement accueilli, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision d’exécution (UE) 2021/2020 de la Commission, du 17 novembre 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) est annulée en ce qu’elle impose à la République tchèque une correction financière en raison, d’une part, d’une violation des dispositions du droit de l’Union concernant la sélection de l’échantillon des bénéficiaires d’une aide devant faire l’objet d’un contrôle standard, pour un montant de 18833,24 euros, et, d’autre part, de défaillances dans le contrôle visant à vérifier si une surface inadmissible au bénéfice de l’aide, pour une année, l’était aussi pour les années précédentes et devait donner lieu à l’ouverture d’une procédure de recouvrement des paiements indus dans le cadre du régime de paiement unique à la surface, pour un montant de 17855884,41 euros.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

La République tchèque et la Commission européenne supporteront chacune leurs propres dépens.

 

Jaeger

Nihoul

Verschuur

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2023.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.

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