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Document 62022CJ0457

Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 14 mars 2024.
Commission européenne contre République de Slovénie.
Manquement d’État – Article 258 TFUE – Directive (UE) 2018/1972 – Code des communications électroniques européen – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et d’une astreinte – Critères pour établir le montant de la sanction – Désistement partiel.
Affaire C-457/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:237

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

14 mars 2024 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Directive (UE) 2018/1972 – Code des communications électroniques européen – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et d’une astreinte – Critères pour établir le montant de la sanction – Désistement partiel »

Dans l’affaire C‑457/22,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le 8 juillet 2022,

Commission européenne, représentée par Mmes M. Kocjan, U. Małecka, MM. L. Malferrari et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Slovénie, représentée par Mme T. Mihelič Žitko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, faisant fonction de président de chambre, M. S. Rodin et Mme L. S. Rossi (rapporteure), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

de constater que, en ne prenant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36), ou, en tout état de cause, en ne communiquant pas ces dispositions à la Commission, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 124, paragraphe 1, de cette directive ;

de condamner la République de Slovénie, en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, à payer une astreinte journalière de 6256,17 euros à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, au motif que cet État membre a manqué à son obligation de communiquer les mesures de transposition de ladite directive ;

de condamner la République de Slovénie, en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, à payer une somme forfaitaire de 1390,77 euros par jour, multipliée par le nombre de jours de persistance du manquement décrit au premier tiret, avec un minimum de 383000 euros, et

de condamner la République de Slovénie aux dépens.

Le cadre juridique

2

Les considérants 2 et 3 de la directive 2018/1972 énoncent :

« (2)

Le fonctionnement des cinq directives qui font partie du cadre réglementaire actuellement applicable aux réseaux et aux services de communications électroniques [...] fait l’objet d’un réexamen périodique par la Commission, en vue de déterminer, en particulier, s’il est nécessaire d’apporter des modifications en fonction de l’évolution des technologies et du marché.

(3)

Dans sa communication du 6 mai 2015 exposant une stratégie pour un marché unique numérique, la Commission a indiqué que son réexamen du cadre des télécommunications aurait comme grands axes des mesures visant à inciter à investir dans les réseaux à haut débit ultrarapides, à susciter une approche plus cohérente à l’échelle du marché intérieur en ce qui concerne la politique et la gestion du spectre radioélectrique, à mettre en place un environnement propice à un véritable marché intérieur par la défragmentation de la régulation, à garantir une protection efficace des consommateurs, à établir des conditions de concurrence équitables pour tous les acteurs du marché et l’application cohérente des règles, ainsi qu’à instaurer un cadre institutionnel et réglementaire plus efficace. »

3

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet, champ d’application et finalités », prévoit :

« 1.   La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, et de certains aspects des équipements terminaux. Elle fixe les tâches incombant aux autorités de régulation nationales et, s’il y a lieu, aux autres autorités compétentes et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de l’Union [européenne].

2.   La présente directive vise à :

a)

mettre en œuvre un marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques qui aboutisse au déploiement et à la pénétration de réseaux à très haute capacité, à l’instauration d’une concurrence durable, à l’interopérabilité des services de communications électroniques, à l’accessibilité, à la sécurité des réseaux et services, tout en procurant des avantages aux utilisateurs finaux ; et

b)

assurer la fourniture dans toute l’Union de services accessibles au public de bonne qualité et abordables grâce à une concurrence et à un choix effectifs, traiter les cas où les besoins des utilisateurs finaux ne sont pas correctement satisfaits par le marché, notamment les besoins des personnes handicapées afin qu’elles puissent avoir accès aux services sur un pied d’égalité avec les autres utilisateurs, et définir les droits qu’il est nécessaire de conférer aux utilisateurs finaux.

[...] »

4

L’article 124 de ladite directive, intitulé « Transposition », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 21 décembre 2020, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Les États membres appliquent ces dispositions à partir du 21 décembre 2020.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Elles contiennent également une mention précisant que les références faites, dans les dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur, aux directives abrogées par la présente directive s’entendent comme faites à la présente directive. Les modalités de cette référence et la formulation de cette mention sont arrêtées par les États membres. »

La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

5

La République de Slovénie n’ayant transmis aucune information relative à l’adoption des dispositions nécessaires pour transposer la directive 2018/1972 dans le droit slovène, conformément à l’article 124 de celle-ci, la Commission a, le 4 février 2021, envoyé à cet État membre une lettre de mise en demeure.

6

Après avoir demandé et obtenu une prolongation du délai de réponse à cette lettre de mise en demeure, les autorités slovènes ont, le 4 juin 2021, répondu en indiquant, en particulier, que la directive 2018/1972 devait être transposée au moyen d’une loi devant être publiée et communiquée à la Commission au plus tard au mois de décembre 2021 (ci-après la « loi de transposition »).

7

Le 23 septembre 2021, la Commission a adressé un avis motivé à la République de Slovénie. Le 5 novembre 2021, les autorités slovènes ont demandé une prolongation du délai de réponse à cet avis motivé et informé la Commission qu’un incident durant la procédure législative interne avait retardé l’adoption de cette loi, celle-ci devant désormais être publiée et communiquée au mois de mars 2022.

8

La Commission a accédé à cette demande et prolongé ce délai jusqu’au 23 février 2022.

9

Dans leur lettre de réponse à l’avis motivé du 18 février 2022, les autorités slovènes ont fait valoir que des circonstances imprévues avaient causé un retard supplémentaire dans la transposition de la directive 2018/1972. En particulier, elles ont indiqué que le projet de loi de transposition devait être désormais adopté au mois d’avril 2022, puis cette loi publiée et communiquée à la Commission. Par ailleurs, le 18 mars 2022, ces autorités ont transmis un tableau de correspondance entre les dispositions de ce projet de loi et celles de certaines dispositions de cette directive. Le 25 mars 2022, la Commission a formulé des observations sur ledit projet de loi.

10

Considérant que la République de Slovénie n’avait pas adopté les dispositions nécessaires pour se conformer à ladite directive, la Commission a, le 6 avril 2022, décidé de saisir la Cour du présent recours.

11

Le 12 avril 2022, les autorités slovènes ont informé la Commission du fait que le vote sur le projet de loi de transposition avait été suspendu en raison de la demande, de la part d’un groupe de députés, d’organisation d’un référendum consultatif sur ce projet.

12

Le 14 juin 2022, les autorités slovènes ont informé la Commission des progrès accomplis dans la transposition de la directive 2018/1972. En particulier, elles ont indiqué que, à la suite du changement de législature, il avait été mis fin à toutes les procédures législatives entamées lors de la législature précédente, y compris celle relative au projet de loi de transposition, qu’un nouveau projet de loi de transposition avait été présenté et qu’aucun référendum sur celui-ci n’avait été ni ne serait organisé. Aucun calendrier d’adoption de ce nouveau projet de loi n’a été communiqué par ces autorités.

13

Le 8 juillet 2022, la Commission a introduit le présent recours.

14

La République de Slovénie demande à la Cour, à titre principal, de réduire le montant des sanctions pécuniaires demandées par la Commission et, à titre subsidiaire, de rejeter l’intégralité des prétentions de cette dernière.

15

Dans sa duplique du 19 décembre 2022, la République de Slovénie a informé la Cour que, le 28 septembre 2022, la loi de transposition avait été adoptée, qu’elle en avait informé la Commission le même jour et que cette loi était entrée en vigueur le 10 novembre 2022.

16

Le 19 décembre 2022, la procédure écrite dans la présente affaire a été clôturée.

17

Par un acte du 20 juin 2023, la Commission a informé la Cour que la transposition de la directive 2018/1972 par la République de Slovénie pouvait être considérée comme ayant été achevée à la date du 10 novembre 2022 et s’est partiellement désistée de son recours, renonçant à sa demande de fixation d’une astreinte, tout en adaptant ses conclusions tendant à la condamnation de cet État membre au paiement d’une somme forfaitaire d’un montant de 958240,53 euros.

18

Le 31 juillet 2023, la République de Slovénie a présenté ses observations sur le désistement partiel de la Commission et sur l’adaptation des conclusions de cette dernière.

Sur le recours

Sur le manquement au titre de l’article 258 TFUE

Argumentation des parties

19

La Commission rappelle que, en application de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres sont tenus d’adopter les dispositions nécessaires pour assurer la transposition des directives dans leur ordre juridique national, dans les délais prescrits par ces directives, et de communiquer immédiatement ces dispositions à la Commission.

20

La Commission précise que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

21

Or, en l’occurrence, à l’expiration de ce délai, voire à la date d’introduction du présent recours, la République de Slovénie n’aurait pas encore pris les mesures nécessaires pour transposer la directive 2018/1972 dans son droit national et, en tout état de cause, ne les aurait pas communiquées à la Commission.

22

Selon la Commission, la République de Slovénie ne conteste pas réellement le manquement qui lui est reproché, se limitant à invoquer des circonstances d’ordre pratique et interne pour justifier celui-ci. Or, la non-transposition d’une directive dans le délai prévu par celle-ci ne saurait être justifiée par de telles circonstances.

23

Effectivement, la République de Slovénie ne conteste pas réellement le manquement et se limite à décrire le déroulement des travaux ayant finalement conduit à l’adoption de la loi de transposition, qui serait entrée en vigueur le 10 novembre 2022. Elle souligne cependant que, tout au long de la procédure, elle a toujours coopéré loyalement avec la Commission et a tenu cette dernière informée des développements de cette procédure, dont le retard serait dû à des circonstances imprévues que cet État membre aurait expliquées à la Commission dans sa réponse à l’avis motivé.

Appréciation de la Cour

24

Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 15 et jurisprudence citée].

25

La Cour a, par ailleurs, itérativement jugé que, si une directive prévoit expressément l’obligation pour les États membres d’assurer que les dispositions nécessaires pour sa mise en œuvre contiennent une référence à cette directive ou soient accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle, il est, en tout état de cause, nécessaire que les États membres adoptent un acte positif de transposition de la directive en cause [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 16 et jurisprudence citée].

26

En l’espèce, le délai de réponse à l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission, a expiré le 23 février 2022. Il convient, par conséquent, d’apprécier l’existence ou non du manquement allégué au regard de l’état de la législation interne en vigueur à cette date [voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 17 et jurisprudence citée].

27

À cet égard, il est constant que, à ladite date, la République de Slovénie n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2018/1972 ni, partant, communiqué ces mesures à la Commission.

28

Afin de justifier son manquement, la République de Slovénie, d’une part, invoque un incident survenu pendant la procédure législative, un changement de législature ainsi qu’une demande d’organisation d’un référendum consultatif et, d’autre part, souligne l’esprit de collaboration et de coopération loyale dont elle aurait toujours fait preuve à l’égard de la Commission.

29

Or, de tels arguments ne sauraient justifier le manquement reproché par la Commission.

30

En effet, d’une part, les circonstances de nature constitutionnelle interne invoquées par la République de Slovénie ne sauraient être pertinentes, dès lors que, selon une jurisprudence constante, des pratiques ou des situations de l’ordre interne d’un État membre ne sauraient justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des directives de l’Union ni, partant, la transposition tardive ou incomplète de celles-ci [arrêt du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 79 et jurisprudence citée].

31

D’autre part, la circonstance que la République de Slovénie aurait coopéré avec la Commission n’est pas non plus pertinente pour apprécier la réalité du manquement reproché à cet État membre, dès lors que les États membres et les institutions de l’Union ont, conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE, le devoir de coopérer entre eux et que ce devoir comprend aussi la transposition correcte et complète des directives, dans les délais prévus par celles-ci.

32

Dès lors, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2018/1972 et, partant, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 124, paragraphe 1, de cette directive.

Sur les demandes présentées au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

Sur la demande de condamnation au paiement d’une astreinte

33

Ainsi qu’il a été relevé au point 17 du présent arrêt, par un acte du 20 juin 2023, la Commission a reconnu que la transposition de la directive 2018/1972 par la République de Slovénie pouvait être considérée comme ayant été achevée à la date du 10 novembre 2022 et a, dès lors, retiré sa demande d’imposition d’une astreinte.

34

Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de se prononcer sur cette demande.

Sur la demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire

– Argumentation des parties

35

La Commission fait valoir, d’une part, que la directive 2018/1972 a été adoptée selon la procédure législative ordinaire et relève donc du champ d’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE et, d’autre part, que le manquement par la République de Slovénie aux obligations prévues à l’article 124, paragraphe 1, de cette directive constitue manifestement une absence de communication des mesures de transposition de ladite directive, au sens de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

36

La Commission rappelle que, au point 23 de sa communication 2011/C 12/01, intitulée « Mise en œuvre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE » (JO 2011, C 12, p. 1) (ci-après la « communication de 2011 »), elle a précisé que les sanctions qu’elle proposera en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, seront calculées selon la même méthode que celle utilisée pour les saisines de la Cour au titre de cet article 260, paragraphe 2, telle qu’exposée aux points 14 à 18 de sa communication SEC (2005) 1658, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » (ci-après la « communication de 2005 »).

37

Par conséquent, la détermination de la sanction devrait se fonder, en premier lieu, sur la gravité de l’infraction, en deuxième lieu, sur la durée de celle-ci et, en troisième lieu, sur la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction elle-même pour éviter les récidives.

38

S’agissant, en premier lieu, de la gravité de l’infraction, conformément au point 16 de la communication de 2005 et à la communication de 2011, la Commission fixerait le coefficient de gravité en tenant compte de deux paramètres, à savoir, d’une part, l’importance des règles de l’Union faisant l’objet de l’infraction et, d’autre part, leurs conséquences pour les intérêts généraux et particuliers en cause.

39

Ainsi, d’une part, la Commission relève que la directive 2018/1972 est le principal acte législatif dans le domaine des communications électroniques. Tout d’abord, le code des communications électroniques européen (ci-après le « CCEE ») moderniserait le cadre réglementaire de l’Union relatif aux communications électroniques en renforçant les choix et les droits des consommateurs, en garantissant des normes de services de communication plus élevées, en favorisant l’investissement dans des réseaux à très haute capacité et en promouvant l’accès sans fil à la connectivité à très haute capacité dans l’ensemble de l’Union. Ensuite, le CCEE fixerait des règles d’organisation du secteur des communications électroniques, y compris sa structure institutionnelle et sa gouvernance. Les dispositions de celui-ci renforceraient le rôle des autorités de régulation nationales en fixant un ensemble minimal de compétences pour ces autorités et en renforçant leur indépendance, par l’établissement de critères pour les nominations, et les obligations en matière de communication d’informations. En outre, le CCEE assurerait également une gestion efficace et effective du spectre radioélectrique (ci-après le « spectre »). Ces dispositions renforceraient la cohérence des pratiques des États membres en ce qui concerne les aspects essentiels des autorisations liées au spectre. Lesdites dispositions promouvraient la concurrence entre infrastructures et le déploiement de réseaux à très haute capacité dans l’ensemble de l’Union. Enfin, le CCEE réglementerait différents aspects de la fourniture de services de communications électroniques, y compris les obligations de service universel, les ressources de numérotation et les droits des utilisateurs finaux. Le renforcement de ces règles viserait à accroître la sécurité et la protection des consommateurs, en particulier en ce qui concerne l’accès à ces services à un coût abordable.

40

D’autre part, la non-transposition de la directive 2018/1972 dans le droit slovène, premièrement, nuirait aux pratiques de régulation dans l’ensemble de l’Union en ce qui concerne la gestion du système de communications électroniques, les autorisations liées au spectre et les règles d’accès au marché. En conséquence, les entreprises ne bénéficieraient ni de procédures plus cohérentes et prévisibles pour l’octroi ou le renouvellement des droits d’utilisation du spectre existant ni de la prévisibilité de la régulation résultant de la durée minimale de 20 ans des licences d’utilisation du spectre. De telles défaillances auraient une influence directe sur la disponibilité et le déploiement de réseaux à très haute capacité au sein de l’Union. Deuxièmement, les consommateurs ne pourraient pas bénéficier d’une série d’avantages tangibles qui leur sont conférés par cette directive, tels que des solutions relatives à l’accès à la fourniture de services de communications abordables, l’exigence de leur fournir des informations claires sur les contrats, l’obligation de pratiquer des tarifs transparents, la simplification du changement de fournisseurs de réseaux afin de promouvoir des prix de détail plus abordables et l’obligation, pour les opérateurs, d’offrir aux utilisateurs finaux handicapés un accès équivalent aux services de communications.

41

La République de Slovénie ayant communiqué à la Commission les mesures de transposition d’un nombre très réduit d’articles de la directive 2018/1972, la Commission propose un coefficient de gravité de 9.

42

En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée du manquement, la Commission soutient que celle-ci correspond à la période allant de la date suivant celle de l’expiration du délai de transposition de la directive 2018/1972, à savoir le 22 décembre 2020, à la date à laquelle le manquement constaté au point 32 du présent arrêt a pris fin, à savoir celle précédant le jour de la mise en conformité par la République de Slovénie, qui a eu lieu le 10 novembre 2022, c’est-à-dire à la date à laquelle la loi de transposition est entrée en vigueur, tel qu’indiqué au point 15 du présent arrêt. Il s’ensuivrait que le manquement a duré 688 jours.

43

En troisième lieu, quant à la capacité de paiement de la République de Slovénie, la Commission a appliqué le facteur « n » prévu par sa communication 2019/C 70/01, intitulée « Modification de la méthode de calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne » (JO 2019, C 70, p. 1). Ce facteur tiendrait compte de deux éléments, à savoir le produit intérieur brut (PIB) et le poids institutionnel de l’État membre concerné, représenté par le nombre de sièges attribués à cet État membre au Parlement européen.

44

Même si la Cour, dans son arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36), aurait déjà remis en question la pertinence tant de ce second élément que du coefficient d’ajustement de 4,5 prévus par cette communication, la Commission a néanmoins décidé d’appliquer en l’occurrence les critères prévus par celle-ci, dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle communication qui tiendrait compte de cette jurisprudence récente de la Cour.

45

Ainsi, conformément à la communication 2022/C 74/02 de la Commission, intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des procédures d’infraction » (JO 2022, C 74, p. 2) (ci-après la « communication de 2022 »), le facteur « n » pour la République de Slovénie serait de 0,17.

46

S’agissant de la fixation du montant de la somme forfaitaire, il ressortirait du point 20 de la communication de 2005 que celle-ci devrait avoir au moins un socle minimal fixe, reflétant le principe que tout cas d’inexécution persistante du droit de l’Union représente en soi, indépendamment de toute circonstance aggravante, une atteinte au principe de légalité dans une communauté de droit qui appelle une sanction réelle. Conformément à la communication de 2022, la somme forfaitaire minimale pour la République de Slovénie serait de 383000 euros.

47

En application de la méthode établie par les communications de 2005 et de 2011, si le résultat du calcul de la somme forfaitaire dépassait cette somme forfaitaire minimale, la Commission proposerait à la Cour de déterminer la somme forfaitaire au moyen de la multiplication d’un montant journalier par le nombre de jours correspondant à la durée de l’infraction, en l’occurrence 688 jours.

48

Ainsi, le montant journalier de la somme forfaitaire devrait être calculé en multipliant le forfait de base uniforme applicable au calcul du montant journalier de la somme forfaitaire par le coefficient de gravité et par le facteur « n ». Or, le forfait de base uniforme serait, conformément à la communication de 2022, de 909 euros. En l’espèce, le coefficient de gravité est de 9. Le facteur « n » est de 0,17. Il en résulterait que le montant de la somme forfaitaire est de 1390,77 euros par jour.

49

La somme forfaitaire devrait donc être fixée à un montant de 958240,53 euros.

50

La République de Slovénie considère qu’un tel montant est excessif.

51

Tout d’abord, s’agissant du coefficient de gravité, l’effet du défaut de transposition de la directive 2018/1972 dans le droit slovène sur les intérêts généraux et particuliers ne serait pas aussi important que la Commission le soutient.

52

En effet, la République de Slovénie affirme avoir communiqué à la Commission, le 18 mars 2022, un tableau de correspondance dans lequel elle aurait énuméré les dispositions du droit slovène ayant assuré une transposition partielle de cette directive. Or, du fait de la mise en œuvre de ces dispositions, l’effet du défaut de transposition de ladite directive serait moindre que celui estimé par la Commission.

53

Par ailleurs, les efforts continus de la République de Slovénie pour atteindre dans les meilleurs délais les objectifs de la directive 2018/1972 se refléteraient également dans les progrès constants de cet État membre en ce qui concerne son classement dans l’indice de référence DESI (Digital Economy and Society Index) (indice de l’économie et de la société numériques) élaboré par la Commission, qui suit l’état général de la numérisation dans l’Union et les progrès en termes de compétitivité numérique réalisés par chaque État membre.

54

Ensuite, en ce qui concerne le coefficient de durée de l’infraction, la République de Slovénie fait valoir que, contrairement à la méthode utilisée par la Commission, la période à prendre en compte afin de déterminer cette durée est non pas celle débutant le jour suivant celui de l’expiration du délai de transposition fixé par la directive en cause, mais, conformément à la jurisprudence, celle qui court à partir de la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

55

Enfin, quant au facteur « n », la République de Slovénie s’appuie, en particulier, sur les points 111 à 117 de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36), pour soutenir que c’est à tort que la Commission a tenu compte du poids institutionnel de cet État membre dans l’Union et a appliqué le coefficient d’ajustement de 4,5 prévu par la communication 2019/C 70/01, mentionnée au point 43 du présent arrêt.

56

La Commission rétorque, d’une part, que, s’agissant de la gravité de l’infraction concernée, elle a, compte tenu de la transposition partielle notifiée par la République de Slovénie, proposé de retenir un coefficient de 9. En effet, la transposition de six articles de la directive 2018/1972, qui en contient 127, ne justifierait pas l’adoption d’un coefficient de gravité inférieur, et cela d’autant plus que les articles auxquels la République de Slovénie fait référence dans son mémoire en défense ne sauraient tous être considérés comme assurant une transposition complète. Par ailleurs, la progression de la République de Slovénie au classement de l’indice de référence DESI ne serait pas pertinente pour déterminer la gravité de cette infraction.

57

D’autre part, en ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission rappelle que, conformément au point 17 de la communication de 2005 ainsi qu’aux points 27 et 31 de la communication de 2011, la période à retenir pour déterminer cette durée et en calculer le coefficient est bien celle allant de la date suivant celle de l’expiration du délai de transposition fixé par la directive en cause jusqu’à la date à laquelle la Commission a décidé de saisir la Cour.

58

Cela n’empêcherait pas la Cour de prendre en considération une période différente et, en effet, elle détermine la durée d’un manquement en considérant comme date de fin de celui-ci la date à laquelle elle apprécie les faits et non pas celle à laquelle elle est saisie par la Commission. Cette dernière ne pouvant se fonder sur cette première date, elle devrait utiliser d’autres dates de début et de fin pour déterminer cette durée et en calculer le coefficient.

59

La Commission considère que le calcul de ce coefficient doit prendre en compte toute la période écoulée depuis la date d’expiration du délai de transposition de la directive concernée. Dans le cadre des procédures en manquement, le but poursuivi par la prise en compte de la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé consisterait à déterminer, afin d’établir un manquement, au sens de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, l’existence de ce manquement à cette date précise. Or, par définition, la durée d’un manquement ne se limiterait pas à ladite date, mais porterait sur l’ensemble de la période infractionnelle, qui a commencé non pas simplement à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, mais dès celle de l’expiration du délai de transposition de la directive concernée. Par conséquent, il ne pourrait être considéré que l’existence d’un manquement ne commence qu’à compter de la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

60

Une telle approche serait conforme au principe d’égalité de traitement. Si la date de début d’un manquement à prendre en compte aux fins du calcul du coefficient de durée de celui-ci et de l’imposition d’une sanction était celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la durée de ce manquement dépendrait de la durée de la procédure précontentieuse. Il pourrait en résulter une inégalité de traitement entre les États membres soumis au même délai de transposition.

61

La Commission souligne également que la date pertinente pour déterminer la durée d’une infraction dépend de l’objet de cette infraction. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il s’agirait du défaut d’exécution d’un arrêt de la Cour, de sorte que le point de référence chronologique pertinent serait la date du prononcé de cet arrêt. En revanche, dans le cas de la procédure visée à cet article 260, paragraphe 3, l’infraction résiderait dans l’absence de notification des mesures de transposition d’une directive par un État membre, de sorte que le point de référence chronologique pertinent serait la date à partir de laquelle cet État membre a manqué à son obligation de communiquer ces mesures de transposition.

62

Dans sa duplique, la République de Slovénie affirme que l’infliction d’une sanction pécuniaire ne se justifie plus, dès lors que la directive 2018/1972 a été pleinement transposée dans le droit slovène le 10 novembre 2022.

– Appréciation de la Cour

63

Dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 32 du présent arrêt, il est établi que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission, la République de Slovénie n’avait pas communiqué à la Commission les mesures de transposition complète de la directive 2018/1972, au sens de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, le manquement ainsi constaté relève du champ d’application de cette disposition.

64

Il est de jurisprudence constante que la finalité de la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire au titre de ladite disposition repose sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 54 et jurisprudence citée].

65

S’agissant de l’opportunité d’imposer une somme forfaitaire en l’espèce, il convient de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 69 et jurisprudence citée].

66

Dans la présente affaire, il convient de considérer que, nonobstant le fait que la République de Slovénie a coopéré avec les services de la Commission tout au long de la procédure précontentieuse et qu’elle a tenu ces derniers informés des raisons qui l’ont empêchée d’assurer la transposition de la directive 2018/1972 dans le droit slovène, l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté, à savoir l’absence de communication des mesures nécessaires à la transposition complète de cette directive à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et même à la date de l’introduction du présent recours, constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire [voir, par analogie, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 70 et jurisprudence citée].

67

Il est donc opportun d’imposer une somme forfaitaire à la République de Slovénie.

68

En ce qui concerne le calcul du montant de cette somme forfaitaire, il convient de rappeler que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière tel qu’encadré par les propositions de la Commission, il appartient à la Cour de fixer le montant de la somme forfaitaire au paiement de laquelle un État membre peut être condamné en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE de telle sorte qu’il soit, d’une part, adapté aux circonstances et, d’autre part, proportionné à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 73 et jurisprudence citée].

69

Concernant, en premier lieu, la gravité de l’infraction, il convient de rappeler que l’obligation d’adopter les mesures nationales pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces mesures à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 74 et jurisprudence citée].

70

En l’espèce, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 32 du présent arrêt, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission, à savoir le 23 février 2022, la République de Slovénie a manqué aux obligations de transposition qui lui incombaient en vertu de la directive 2018/1972, de telle sorte que la pleine effectivité du droit de l’Union n’a pas été assurée. La gravité de ce manquement est accrue par la circonstance que, à cette date, la République de Slovénie n’avait encore communiqué aucune mesure de transposition de cette directive.

71

En outre, comme la Commission le met en exergue, la directive 2018/1972 est le principal acte législatif dans le domaine des communications électroniques.

72

En particulier, tout d’abord, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2018/1972, celle-ci « crée un cadre harmonisé pour la réglementation des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, et de certains aspects des équipements terminaux. Elle fixe les tâches incombant aux autorités de régulation nationales et, s’il y a lieu, aux autres autorités compétentes et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de l’Union ».

73

Ensuite, selon l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, celle-ci vise, d’une part, à mettre en œuvre un marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques qui aboutisse au déploiement et à la pénétration de réseaux à très haute capacité, à l’instauration d’une concurrence durable, à l’interopérabilité des services de communications électroniques, à l’accessibilité, à la sécurité des réseaux et services, tout en procurant des avantages aux utilisateurs finaux, et, d’autre part, à assurer la fourniture dans toute l’Union de services accessibles au public de bonne qualité et abordables grâce à une concurrence et à un choix effectifs, traiter les cas où les besoins des utilisateurs finaux ne sont pas correctement satisfaits par le marché, notamment les besoins des personnes handicapées afin qu’elles puissent avoir accès aux services sur un pied d’égalité avec les autres utilisateurs, et définir les droits qu’il est nécessaire de conférer aux utilisateurs finaux.

74

Enfin, ainsi qu’il résulte des considérants 2 et 3 de la directive 2018/1972, celle-ci apporte des modifications au cadre réglementaire en vigueur avant son adoption afin de tenir compte de l’évolution des technologies et du marché.

75

Or, comme la Commission le fait valoir à juste titre, la non‑transposition de la directive 2018/1972 par la République de Slovénie, premièrement, nuit aux pratiques de régulation dans l’ensemble de l’Union en ce qui concerne la gestion du système de communications électroniques, les autorisations liées au spectre et les règles d’accès au marché. En conséquence, les entreprises ne bénéficient ni de procédures plus cohérentes et prévisibles pour l’octroi ou le renouvellement des droits d’utilisation du spectre existant ni de la prévisibilité de la régulation résultant de la durée minimale de 20 ans des licences d’utilisation du spectre. De telles défaillances ont une influence directe sur la disponibilité et le déploiement de réseaux à très haute capacité au sein de l’Union. Deuxièmement, les consommateurs ne peuvent pas bénéficier d’une série d’avantages tangibles qui leur sont conférés par cette directive, tels que des solutions relatives à l’accès à la fourniture de services de communications abordables, l’exigence de leur fournir des informations claires sur les contrats, l’obligation de pratiquer des tarifs transparents, la simplification du changement de fournisseurs de réseaux afin de promouvoir des prix de détail plus abordables et l’obligation, pour les opérateurs, d’offrir aux utilisateurs finaux handicapés un accès équivalent aux services de communications.

76

Concernant, en deuxième lieu, la durée de l’infraction, il importe de rappeler que celle-ci doit, en principe, être évaluée en tenant compte de la date à laquelle la Cour apprécie les faits et que cette appréciation des faits doit être considérée comme intervenant à la date de clôture de la procédure [voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 79 et jurisprudence citée].

77

S’agissant, d’une part, du début de la période dont il convient de tenir compte pour fixer le montant de la somme forfaitaire à infliger en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, la Cour a jugé que, à la différence de l’astreinte journalière, la date à retenir en vue de l’évaluation de la durée du manquement en cause est non pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, mais la date à laquelle expire le délai de transposition prévu par la directive en question [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 79, et du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 90].

78

En l’espèce, il n’est pas valablement contesté que, à l’expiration du délai de transposition prévu à l’article 124 de la directive 2018/1972, à savoir le 21 décembre 2020, la République de Slovénie n’avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition complète de cette directive ni, partant, communiqué celles-ci à la Commission.

79

D’autre part, dans ses observations sur l’adaptation des conclusions de la Commission, la République de Slovénie ne conteste pas que la transposition de la directive 2018/1972 dans le droit slovène peut être considérée comme ayant été achevée le 10 novembre 2022.

80

Il s’ensuit que le manquement constaté au point 32 du présent arrêt a persisté durant la période comprise entre le 22 décembre 2020 et le 11 novembre 2022, c’est-à-dire une période de 688 jours, ce qui constitue une très longue durée.

81

Cela étant, il y a lieu de prendre en considération que cette durée a pu en partie résulter des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19. En effet, la République de Slovénie soutient, sans être contestée, que ces circonstances, imprévisibles et indépendantes de sa volonté, ont retardé le processus législatif nécessaire à la transposition de la directive 2018/1972 et ont, par conséquent, allongé la période pendant laquelle ce manquement a persisté.

82

Concernant, en troisième lieu, la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient de prendre en compte le PIB de cet État membre, tel qu’il se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 85, et du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 97].

83

La Commission propose de prendre en compte, outre le PIB de la République de Slovénie, le poids institutionnel de celle-ci dans l’Union exprimé par le nombre de sièges dont cet État membre dispose au sein du Parlement européen. La Commission estime également qu’il convient d’utiliser un coefficient d’ajustement de 4,5 afin de garantir le caractère proportionné et dissuasif des sanctions qu’elle demande à la Cour d’imposer audit État membre.

84

Cependant, la Cour a récemment précisé de manière très claire, d’une part, que la prise en compte du poids institutionnel de l’État membre concerné n’apparaît pas indispensable pour garantir une dissuasion suffisante et amener cet État membre à modifier son comportement actuel ou futur et, d’autre part, que la Commission n’a pas démontré les critères objectifs sur le fondement desquels elle a fixé la valeur du coefficient d’ajustement de 4,5 [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, points 115 et 117].

85

Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne la somme forfaitaire dont elle inflige le paiement, dépasser le montant indiqué par la Commission, il y a lieu de considérer que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues à celle résultant de la violation de l’article 124 de la directive 2018/1972 et affectant la pleine effectivité du droit de l’Union est de nature à requérir l’imposition d’une somme forfaitaire dont le montant doit être fixé à 800000 euros.

86

Il convient, par conséquent, de condamner la République de Slovénie à payer à la Commission une somme forfaitaire d’un montant de 800000 euros.

Sur les dépens

87

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 141, paragraphe 1, de ce règlement, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. Cet article 141, paragraphe 2, prévoit toutefois que, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l’attitude de cette dernière. Enfin, selon ledit article 141, paragraphe 4, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

88

En l’occurrence, si la Commission a conclu à la condamnation de la République de Slovénie et si le manquement a été constaté, cette institution s’est désistée partiellement de son recours sans demander que cet État membre supporte les dépens afférents au présent recours. Par ailleurs, dans ses observations sur le désistement de la Commission, ledit État membre n’a pas demandé que cette dernière soit condamnée aux dépens.

89

Cela étant, il convient de relever que le désistement de la Commission a été le résultat de l’attitude de la République de Slovénie, cet État membre n’ayant adopté et communiqué à la Commission les mesures de transposition complète de la directive 2018/1972 qu’après l’introduction du présent recours, et que c’est en raison de cette attitude que la demande de cette institution visant à la condamnation dudit État membre au paiement d’une astreinte est devenue sans objet et que la Commission l’a retirée.

90

Dans ces conditions et faute de pouvoir établir une distinction pertinente entre les dépens afférents au manquement constaté au point 32 du présent arrêt et ceux afférents au désistement partiel de la Commission, il y a lieu de décider que la République de Slovénie supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

 

1)

En n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, tel que prorogé par la Commission européenne, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen, et, partant, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 124, paragraphe 1, de cette directive.

 

2)

La République de Slovénie est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 800000 euros.

 

3)

La République de Slovénie est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le slovène.

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