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Document 62022CJ0366

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 novembre 2023.
    Viterra Hungary Kft. contre Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par la Pécsi Törvényszék.
    Renvoi préjudiciel – Union douanière – Tarif douanier commun – Nomenclature combinée – Positions tarifaires – Positions 2304 et 2309 – Tourteau de soja.
    Affaire C-366/22.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:876

     ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    16 novembre 2023 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Union douanière – Tarif douanier commun – Nomenclature combinée – Positions tarifaires – Positions 2304 et 2309 – Tourteau de soja »

    Dans l’affaire C‑366/22,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Pécsi Törvényszék (cour de Pécs, Hongrie), par décision du 29 avril 2022, parvenue à la Cour le 7 juin 2022, dans la procédure

    Viterra Hungary Kft.

    contre

    Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. P. G. Xuereb (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

    avocat général : M. G. Pitruzzella,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour Viterra Hungary Kft., par Mes B. Balog, D. Kelemen et Z. Várszegi, ügyvédek,

    pour le gouvernement hongrois, par Mme Zs. Biró-Tóth, M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par M. B. Béres et Mme M. Salyková, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des positions tarifaires 2304 et 2309 de la nomenclature combinée, figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016 (JO 2016, L 294, p. 1) (ci-après la « NC »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Viterra Hungary Kft. à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) au sujet du classement tarifaire de marchandises importées par cette société en Hongrie décrits comme des tourteaux de soja.

    Le cadre juridique

    Le SH

    3

    Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH ») a été institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). Les notes explicatives du SH sont élaborées au sein de l’OMD, conformément aux dispositions de cette convention.

    4

    En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), point 2, de cette convention, chaque partie contractante s’engage à appliquer les règles générales pour l’interprétation du SH ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions de celui-ci et à ne pas modifier la portée des sections, des chapitres, des positions ou des sous-positions.

    5

    Le chapitre 23 du SH, intitulé « Résidus et déchets des industries alimentaires ; aliments préparés pour animaux », comporte une note 1 rédigée comme suit :

    « Sont inclus dans le no 23.09 les produits des types utilisés pour l’alimentation des animaux, non dénommés ni compris ailleurs, obtenus par le traitement de matières végétales ou animales et qui, de ce fait, ont perdu les caractéristiques essentielles de la matière d’origine, autres que les déchets végétaux, résidus et sous-produits végétaux issus de ce traitement. »

    6

    Les considérations générales figurant dans les notes explicatives relatives au chapitre 23 du SH sont libellées comme suit :

    « Ce [c]hapitre comprend divers résidus et déchets provenant du traitement des matières végétales employées par les industries alimentaires, ainsi que certains produits résiduaires d’origine animale. La plupart de ces produits ont un emploi identique et à peu près exclusif : l’alimentation des animaux, soit isolément, soit en mélange avec d’autres matières, bien que certains soient propres à l’alimentation humaine. Par exception, certains d’entre eux (lies de vin, tartre, tourteaux, etc.) ont des utilisations industrielles.

    [...] »

    7

    La note explicative relative à la position 23.04 du SH, laquelle est intitulée « Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellets, de l’extraction de l’huile de soja », énonce :

    « La présente position comprend les tourteaux et autres résidus solides de l’extraction, par pressage, par solvants ou par centrifugation, de l’huile contenue dans les graines de soja. Ces résidus constituent des aliments pour le bétail très appréciés.

    Les résidus de la présente position peuvent se présenter en pains aplatis (galettes), en grumeaux ou sous forme de farine grossière (farine de tourteaux). Ils peuvent également être agglomérés sous forme de pellets [...]

    La présente position couvre également la farine de fèves de soja déshuilées non texturée, propre à l’alimentation humaine.

    Sont exclus de cette position :

    [...]

    b)

    Les concentrats de protéines obtenus par élimination de certains constituants de farines de soja déshuilées, destinés à être ajoutés à des préparations alimentaires, et la farine de fèves de soja texturée (no 21.06). »

    8

    La note explicative relative à la position 23.09 du SH, laquelle est intitulée « Préparations des types utilisés pour l’alimentation des animaux », indique :

    « Cette position comprend les préparations fourragères mélassées ou sucrées, ainsi que les préparations pour l’alimentation des animaux consistant en un mélange de plusieurs éléments nutritifs, destinées :

    [...]

    2)

    soit à compléter les aliments produits à la ferme par l’apport de certaines substances organiques ou inorganiques (aliments de complément) ;

    3)

    soit encore à entrer dans la fabrication des aliments complets ou des aliments de complément.

    [...]

    Sont exclus de la présente position :

    [...]

    c)

    Les préparations qui, en raison, notamment, de la nature, du degré de pureté, des proportions respectives des différents composants, des conditions d’hygiène dans lesquelles elles ont été élaborées et, le cas échéant, des indications figurant sur les emballages ou de tous autres renseignements fournis pour leur utilisation, peuvent être utilisées soit pour la nourriture des animaux soit dans l’alimentation humaine (nos 19.01 et 21.06, notamment).

    [...] »

    La NC

    9

    Ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16) (ci-après le « règlement no 2658/87 »), la nomenclature combinée, établie par la Commission européenne, régit le classement tarifaire des marchandises importées dans l’Union européenne. Selon l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, cette nomenclature reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

    10

    En vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, la Commission adopte, chaque année, un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane conformément à l’article 1er, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel de l’Union européenne au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

    11

    Il ressort du dossier dont dispose la Cour que la version de la nomenclature combinée applicable dans l’affaire au principal est celle issue du règlement d’exécution 2016/1821.

    12

    Aux termes des règles générales pour l’interprétation de la NC, qui figurent à l’annexe I, première partie, titre I, section A, de ce règlement d’exécution :

    « Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

    1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

    2. a)

    Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

    [...]

    4. Les marchandises qui ne peuvent pas être classées en vertu des règles visées ci-dessus sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues.

    [...] »

    13

    La deuxième partie de la NC, intitulée « tableau des droits », contient une section IV, intitulée « produits des industries alimentaires ; boissons, liquides alcooliques et vinaigres ; tabacs et succédanés de tabac fabriqués », dans laquelle figure le chapitre 23, intitulé « résidus et déchets des industries alimentaires ; aliments préparés pour animaux ». La note 1 de ce chapitre énonce :

    « Sont inclus dans le no 2309 les produits des types utilisés pour l’alimentation des animaux, non dénommés ni compris ailleurs, obtenus par le traitement de matières végétales ou animales et qui, de ce fait, ont perdu les caractéristiques essentielles de la matière d’origine, autres que les déchets végétaux, résidus et sous-produits végétaux issus de ce traitement. »

    14

    Sous ce chapitre 23, la position 2304 est libellée comme suit :

    Code NC

    Désignation des marchandises

    Taux du droit conventionnel (%)

    Unité supplémentaire

    2304 00 00

    Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellets, de l’extraction de l’huile de soja

    exemption

    15

    La position 2309 est structurée comme suit :

    Code NC

    Désignation des marchandises

    Taux du droit conventionnel (%)

    Unité supplémentaire

    2309

    Préparations des types utilisés pour l’alimentation des animaux :

     

     

    2309 10

    – Aliments pour chiens ou chats, conditionnés pour la vente au détail :

     

     

    [...]

     

     

     

    2309 90

    – autres :

     

     

    2309 90 10

    – – Produits dits « solubles » de poissons ou de mammifères marins

    3,8

    2309 90 20

    – – Produits visés à la note complémentaire 5 du présent chapitre

    exemption

     

    – – autres, y compris les prémélanges :

     

     

     

    – – – contenant de l’amidon ou de la fécule, du glucose ou du sirop de glucose, de la maltodextrine ou du sirop de maltodextrine relevant des sous-positions 1702 30 50, 1702 30 90, 1702 40 90, 1702 90 50 et 2106 90 55 ou des produits laitiers :

     

     

     

    – – – – contenant de l’amidon ou de la fécule, du glucose ou du sirop de glucose, de la maltodextrine ou du sirop de maltodextrine :

     

     

     

    – – – – – ne contenant ni amidon ni fécule ou d’une teneur en poids de ces matières inférieure ou égale à 10 %:

     

     

    2309 90 31

    – – – – – – ne contenant pas de produits laitiers ou d’une teneur en poids de produits laitiers inférieure à 10 %

    23 €/t [...]

    [...]

     

     

     

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    16

    Viterra Hungary, la requérante au principal, a demandé la mise en libre pratique d’une marchandise appelée « tourteau de soja », provenant du Brésil (ci-après le « produit en cause »), qu’elle a classée dans la position 2304 de la NC.

    17

    Un échantillon de cette marchandise a été examiné par le Nemzeti Adó-és Vámhivatal Szakértői Intézete (service d’expertise de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après le « service d’expertise »).

    18

    Ce service a, tout d’abord, estimé que le produit en cause était destiné à l’alimentation animale. Il a, ensuite, relevé que, selon les déclarations de la requérante au principal, la fabrication de ce produit comprenait plusieurs étapes consistant, premièrement, à nettoyer les graines de soja et à éliminer les corps étrangers, deuxièmement, à broyer et à travailler la matière pour faciliter l’extraction de l’huile, troisièmement, à conditionner et à préchauffer la matière, quatrièmement, à extraire l’huile à l’aide d’un dégraissant ordinaire à l’hexane jusqu’à ce que la teneur en huile du tourteau de soja soit réduite au maximum, cinquièmement, à séparer l’huile et le solvant par distillation à la vapeur, sixièmement, à procéder à un traitement thermique, au cours duquel le tourteau est cuit et perd par évaporation sa teneur en solvant (hexane), et septièmement, à sécher et à refroidir le tourteau.

    19

    Le service d’expertise a, enfin, considéré que l’objectif du traitement thermique, appelé toastage, était de faire disparaître l’hexane et d’inactiver les facteurs antinutritionnels, en raison de leur nocivité pour l’environnement ou pour la santé humaine et animale. Selon ce service, le toastage modifierait les valeurs nutritionnelles du produit. L’inactivation des facteurs antinutritionnels rendrait possible une utilisation de ce produit pour l’alimentation des animaux et serait un élément important du point de vue du classement tarifaire.

    20

    Le service d’expertise a conclu que le produit en cause était une préparation résultant d’une transformation supplémentaire par traitement thermique du résidu végétal, à teneur réduite en huile, obtenu lors de l’extraction par hexane de l’huile de soja. Il a émis l’avis que ce produit devait être classé dans la position 2309 de la NC.

    21

    Par des décisions du 1er août 2019, fondées sur les conclusions du service d’expertise et sur l’arrêt du 3 mars 2016, Customs Support Holland (C‑144/15, EU:C:2016:133, points 22, 36 et 38), l’autorité fiscale de premier degré a estimé que la classification tarifaire proposée par Viterra Hungary n’était pas correcte et que le produit en cause devait être classé dans la position 2309 de la NC. Par conséquent, elle a mis à la charge de Viterra Hungary des suppléments de droits de douane et de taxe sur la valeur ajoutée.

    22

    Viterra Hungary a contesté ces décisions auprès de la direction des recours de l’administration nationale des impôts et douanes, en faisant valoir que l’autorité fiscale de premier degré avait considéré, à tort, que les conditions qui, selon l’arrêt du 3 mars 2016, Customs Support Holland (C‑144/15, EU:C:2016:133) sont pertinentes pour qu’un produit puisse être classé dans la position 2309 de la NC, étaient remplies. En effet, selon la requérante au principal, le produit en cause ne serait pas destiné exclusivement à l’alimentation animale, il ne constituerait pas une préparation et il n’aurait pas subi une transformation définitive, au sens de cet arrêt.

    23

    La direction des recours de l’administration nationale des impôts et douanes a confirmé les décisions de l’autorité fiscale de premier degré.

    24

    Viterra Hungary a formé des recours contre les décisions de la direction des recours de l’administration nationale des impôts et douanes devant la Pécsi Törvényszék (cour de Pécs, Hongrie), la juridiction de renvoi.

    25

    Par un arrêt du 17 septembre 2021, celle-ci a rejeté les recours de Viterra Hungary. Se fondant sur les résultats d’une expertise qu’elle avait ordonnée, elle a considéré que le produit en cause était exclusivement destiné à l’alimentation animale, qu’il s’agissait d’une préparation et qu’il avait fait l’objet d’une transformation définitive. Elle a également souligné que, selon cette expertise, ce produit était identique, à des fins tarifaires, au tourteau de soja en provenance d’Argentine, pour lequel la Kúria (Cour suprême, Hongrie) avait définitivement jugé qu’il devait être classé dans la position 2309 de la NC.

    26

    Viterra Hungary a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de la juridiction de renvoi devant la Kúria (Cour suprême). Dans ce pourvoi, elle a demandé à ce que la Cour soit saisie d’une demande de décision préjudicielle.

    27

    Par ordonnance du 20 janvier 2022, la Kúria (Cour suprême) a annulé l’arrêt du 17 septembre 2021 de la juridiction de renvoi et a renvoyé l’affaire devant cette juridiction. Par cette ordonnance, la Kúria (Cour suprême) a indiqué que la juridiction de renvoi devait examiner si le classement du produit en cause dans la NC pouvait être effectué sur la base de la jurisprudence existante de la Cour et que si cette juridiction considérait que la Cour ne s’était pas encore prononcée sur cette question, une procédure de renvoi préjudiciel pouvait être engagée afin d’obtenir une classification correcte.

    28

    Dans ces conditions, la Pécsi Törvényszék (cour de Pécs) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens qu’il s’oppose à la pratique d’un État membre consistant à qualifier d’opération de transformation définitive justifiant un classement sous la position 2309 de la [NC], à l’exclusion d’un classement sous la position 2304, la réalisation, après extraction de l’huile de la graine de soja à l’aide d’un solvant, l’hexane, d’une opération de toastage, nécessaire pour éliminer de la matière résiduelle l’hexane utilisé pour extraire l’huile, lequel est nocif pour la santé humaine et animale ?

    2)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens qu’un produit est “impropre à la consommation humaine” lorsque

    a)

    l’utilisation du produit pour l’alimentation humaine est totalement exclue et impossible, c’est-à-dire que le produit considéré ne peut être ni utilisé ni transformé à des fins d’alimentation humaine et qu’il ne peut pas non plus servir à fabriquer un produit comestible, ou que

    b)

    le produit considéré n’est pas comestible dans l’état dans lequel il a été importé, mais peut servir à fabriquer un produit comestible après son utilisation ou sa transformation à des fins d’alimentation humaine ?

    3)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens qu’un produit est considéré comme un aliment pour le bétail très apprécié même si le produit importé sous forme d’aggloméré, de pellets ou de granulés doit faire l’objet d’une fragmentation physique et être incorporé à un mélange destiné à la consommation animale avant de pouvoir être consommé par l’animal ?

    4)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens qu’il s’oppose à une pratique d’un État membre consistant à considérer comme impropre à la consommation humaine tout produit génétiquement modifié, c’est-à-dire empêchant l’utilisation, à des fins d’alimentation humaine, du tourteau de soja génétiquement modifié ?

    5)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens que, aux fins du classement d’un produit sous la position 2304 ou 2309 de la [NC], il convient d’examiner

    a)

    l’utilisation effective du produit après son importation, ou

    b)

    les caractéristiques objectives du produit au moment de son importation, c’est-à-dire le point de savoir si, dans l’état dans lequel il a été importé, il peut être utilisé à des fins d’alimentation humaine ou animale, ou les deux ?

    6)

    Faut-il interpréter le droit de l’Union, notamment [la NC], en ce sens que le fait que le tourteau de soja soit impropre à la consommation humaine n’exclut pas son classement dans la position 2304 de la [NC] ?

    7)

    D’après une juste interprétation du droit de l’Union, [notamment de la NC], un tourteau de soja tel que celui qui fait l’objet du litige au principal, c’est-à-dire qui a subi une opération de toastage, nécessaire pour éliminer l’hexane utilisé pour extraire l’huile, lequel est nocif pour la santé humaine et animale, relève-t-il de la position 2304 ou bien de la position 2309 de la [NC] ? »

    Sur les questions préjudicielles

    29

    Par ses questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens qu’un produit importé sous forme agglomérée, de pellets ou de granulés, obtenu après extraction de l’huile de soja par solvant et traitement thermique visant à éliminer ce solvant afin que ce produit puisse être incorporé, après fragmentation physique, à un mélange destiné à la consommation animale, relève de la position 2304 de cette nomenclature ou de la position 2309 de ladite nomenclature.

    30

    À titre liminaire, il convient de rappeler, que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction de renvoi sur les critères dont la mise en œuvre permettra à celle-ci de classer correctement les produits concernés selon la NC qu’à procéder elle-même à un tel classement. Ce classement résulte d’une appréciation purement factuelle qu’il n’appartient pas à la Cour d’effectuer dans le cadre d’un renvoi préjudiciel [arrêt du 9 février 2023, LB (Air loungers), C‑635/21, EU:C:2023:85, point 31 et jurisprudence citée].

    31

    Toutefois, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile, la Cour peut, dans un esprit de coopération avec les juridictions nationales, lui fournir toutes les indications qu’elle juge nécessaires (arrêt du 26 mai 2016, Invamed Group e.a., C‑198/15, EU:C:2016:362, point 17 et jurisprudence citée).

    32

    Il importe également de rappeler que, conformément à la règle générale 1 pour l’interprétation de la NC, le classement tarifaire des marchandises est déterminé selon les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres de cette nomenclature.

    33

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire de ces marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives, telles que celles-ci sont définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres correspondantes. La destination du produit concerné peut constituer un critère objectif de classement, pour autant qu’elle est inhérente à ce produit, et doit s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives dudit produit [arrêt du 9 février 2023, LB (Air loungers), C‑635/21, EU:C:2023:85, point 33 et jurisprudence citée].

    34

    En outre, la Cour a itérativement jugé que, bien que les notes explicatives du SH et de la NC n’aient pas de force contraignante, elles constituent des instruments importants afin d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments utiles pour l’interprétation de celui-ci [arrêt du 9 février 2023, LB (Air loungers), C‑635/21, EU:C:2023:85, point 34 et jurisprudence citée].

    35

    De même, bien que les avis de l’OMD classant des marchandises dans le SH n’aient pas force obligatoire en droit, ils constituent, en ce qui concerne le classement de ces marchandises dans la NC, des éléments importants pour l’interprétation de la portée des différentes positions de la NC (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2007, Van Landeghem, C‑486/06, EU:C:2007:762, point 25, et du 25 juillet 2018, Pilato, C‑445/17, EU:C:2018:609, point 26).

    36

    En l’occurrence, les positions de la NC pertinentes relèvent du chapitre 23 de cette nomenclature et sont, d’une part, la position 2304, laquelle est intitulée « Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellets, de l’extraction de l’huile de soja », et, d’autre part, la position 2309 de ladite nomenclature, laquelle est intitulée « Préparations des types utilisés pour l’alimentation des animaux ».

    37

    Il ressort de la note 1 du chapitre 23 de la NC qu’un produit peut être considéré comme une « préparation » relevant de la position 2309 de la NC uniquement s’il ne s’agit pas de résidus ou de déchets relevant d’une autre position du chapitre 23 de la NC ou dénommés ou compris ailleurs. La position 2309 de la NC est donc une position résiduelle notamment par rapport à la position 2304 de la NC, ainsi que l’ont relevé la requérante au principal et la Commission.

    38

    Par conséquent, il convient d’examiner, d’emblée, si un produit, tel que le produit en cause, relève de cette dernière position.

    39

    La position 2304 de la NC est intitulée « Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellets, de l’extraction de l’huile de soja ».

    40

    Ni la NC ni ses notes de sections ou de chapitres ne définissent exactement ce que recouvre le terme « résidus ». Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, dans ce cas, d’en déterminer la signification conformément au sens habituel en langage courant de ce terme, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie (arrêt du 9 février 2023, Global Gravity, C‑788/21, EU:C:2023:86, point 46).

    41

    Un résidu dans le langage courant, désigne ce qui reste après une opération physique ou chimique ou un traitement industriel.

    42

    Cette interprétation du terme « résidus » est confirmée par les considérations générales figurant dans les notes explicatives relatives au chapitre 23 du SH selon lesquelles ce chapitre comprend divers résidus et déchets provenant du traitement des matières végétales employées par les industries alimentaires.

    43

    Il ressort, en outre, de la note explicative relative à la position 23.04 du SH, laquelle correspond à la position 2304 de la NC, que les résidus relevant de cette position proviennent de l’extraction, par pressage, par solvants ou par centrifugation, de l’huile contenue dans les graines de soja et qu’ils constituent des aliments pour le bétail très appréciés.

    44

    En l’occurrence, un produit, tel que le produit en cause, décrit comme du tourteau de soja, importé sous forme agglomérée, de pellets ou de granulés, obtenu après extraction de l’huile contenue dans les graines de soja par un solvant, l’hexane, et destiné à l’alimentation animale, paraît comporter toutes les caractéristiques des produits relevant de la position 2304 de la NC, telles qu’elles ressortent du libellé de cette position ainsi que de la note explicative mentionnée au point 43 ci-dessus.

    45

    La juridiction de renvoi se demande, toutefois, si certaines autres caractéristiques de ce produit l’excluent du champ d’application de la position 2304 de la NC, à savoir le fait que ledit produit a subi, après extraction de l’huile des graines de soja à l’aide d’un solvant, un traitement thermique, appelé toastage, visant à éliminer ce solvant, le fait qu’il doit faire l’objet d’une fragmentation physique et être incorporé à un mélange avant d’être consommé par l’animal ou encore la circonstance qu’il soit, le cas échéant, impropre à la consommation humaine.

    46

    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, dès lors qu’il ressort de la note explicative relative à la position 23.04 du SH que les produits relevant de cette position, y compris ceux qui résultent de l’extraction de l’huile de soja par solvant, sont des « aliments pour le bétail très appréciés », ces produits doivent pouvoir être consommés par les animaux. Or, à cette fin, il est nécessaire que le solvant utilisé pour extraire l’huile soit éliminé, dès lors que celui-ci est nocif pour la santé animale. Le traitement thermique appelé toastage, visant à éliminer ce solvant, doit donc être considéré comme étant indissociable de la production des résidus visés par la position 2304 de la NC qui proviennent de l’extraction de l’huile par solvant.

    47

    De plus, dès lors que l’extraction de l’huile par solvant est un processus technique normal pour produire des tourteaux de soja, ainsi que cela ressort du dossier dont dispose la Cour, considérer que le toastage, subi par le produit en cause, constitue une transformation qui lui fait perdre son caractère de résidu conduirait à exclure de cette position tous les produits qui sont issus de l’extraction de l’huile contenue dans les graines de soja par solvant et donc à vider cette position d’une grande partie de sa substance.

    48

    L’interprétation de la NC en ce sens que le fait qu’un produit, tel que le produit en cause, ait subi un traitement thermique, ne lui fait pas perdre son caractère de résidu relevant de la position 2304 de la NC est également confortée par l’avis de classement SH de l’OMD 2304.00/1 de 1991, joint en annexe 2 aux observations écrites de la Commission, qui constitue, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, un élément important pour l’interprétation de la portée de cette position. En effet, cet avis classe dans la position 23.04 du SH une « [f]arine de fèves de soja déshuilées, d’une teneur en protéines calculée sur matière sèche, d’environ 50 %, obtenue par traitement thermique à la vapeur des fèves de soja séchées séparées de leur gousse, extraction à l’aide de solvants et mouture ».

    49

    En deuxième lieu, la requérante au principal a expliqué que le tourteau de soja sous forme d’aggloméré, de pellets ou de granulés, en raison de sa teneur protéinique élevée, devait être soumis à fragmentation physique, c’est-à-dire être broyé et incorporé à un mélange destiné à l’alimentation des animaux.

    50

    À cet égard, il importe de rappeler qu’il ressort des considérations générales des notes explicatives relatives au chapitre 23 du SH que la plupart des produits relevant de ce chapitre, et donc notamment ceux relevant de la position 2304 de la NC, sont destinés à « l’alimentation des animaux, soit isolément, soit en mélange avec d’autres matières ». Ainsi, la circonstance qu’un produit, tel que le produit en cause, doit, après importation, être broyé et incorporé à un mélange afin de pouvoir être consommé par l’animal ne l’exclut pas du champ d’application de la position 2304 de la NC.

    51

    En troisième et dernier lieu, s’agissant de la circonstance que le produit en cause serait, le cas échéant, impropre à la consommation humaine, il convient de relever qu’il ressort des considérations générales figurant dans les notes explicatives relatives au chapitre 23 du SH et des notes explicatives relatives à la position 2304 du SH que les « résidus » relevant de cette position sont principalement utilisés comme aliments pour animaux. Ils peuvent, en outre, être propres à la consommation humaine sans que cela soit une condition pour qu’ils puissent relever de ladite position.

    52

    Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la NC doit être interprétée en ce sens qu’un produit tel que celui en cause relève de la position 2304 de la NC.

    53

    Cette interprétation n’est pas remise en cause par les arguments invoqués par le gouvernement hongrois dans ses observations écrites tirés de l’arrêt du 3 mars 2016, Customs Support Holland (C‑144/15, EU:C:2016:133).

    54

    D’une part, en ce qui concerne l’argument selon lequel, dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’un produit similaire au produit en cause, à savoir l’Imcosoy 62 qui est un concentré protéique de soja, ne relevait pas de la position 2304 de la NC, il convient de relever qu’il ressort des points 33, 35 et 41 dudit arrêt que cette conclusion était notamment fondée sur le fait que ce produit était obtenu à partir de la farine d’extraction de soja, au terme d’un processus visant, d’une part, à extraire la graisse subsistante de cette farine et certaines substances nocives et, d’autre part, à réduire la teneur en éléments autres que protéiques. En effet, le processus de transformation de la farine d’extraction de soja, dont est issu l’Imcosoy 62, poursuivait un objectif zootechnique déterminé puisqu’il visait à créer un concentré protéique susceptible d’être ingéré par les très jeunes veaux, à la différence de la farine d’extraction de soja.

    55

    Or, en l’occurrence, la requérante au principal a souligné que le produit en cause n’avait subi aucune transformation visant à augmenter la teneur en protéines, à réduire la structure en fibres ou à modifier sa composition et que le toastage avait pour but d’éliminer l’hexane, qui n’est pas un composant naturel du soja. Eu égard à ces indications, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un produit tel que le produit en cause doit être considéré comme ayant conservé le caractère de résidu résultant de l’extraction de l’huile de soja, relevant de la position 2304 de la NC, contrairement au produit qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 mars 2016, Customs Support Holland (C‑144/15, EU:C:2016:133).

    56

    D’autre part, s’agissant de l’argument selon lequel le produit en cause remplirait les trois conditions, énoncées dans cet arrêt, pour qu’un produit soit classé dans la position 2309 de la NC, il y a lieu de rappeler que, cette position ayant un caractère résiduel par rapport à la position 2304 de la NC, lorsqu’un produit est classé dans cette dernière position, le fait qu’il remplisse, le cas échéant, également les conditions pour être classé dans la position 2309 de cette nomenclature est dénué de pertinence aux fins de son classement.

    57

    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que la NC doit être interprétée en ce sens qu’un produit importé sous forme agglomérée, de pellets ou de granulés, obtenu après extraction de l’huile de soja par solvant et traitement thermique visant à éliminer ce solvant afin que ce produit puisse être incorporé, après fragmentation physique, à un mélange destiné à la consommation animale, relève de la position 2304 de cette nomenclature.

    Sur les dépens

    58

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

     

    La nomenclature combinée, figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016,

     

    doit être interprétée en ce sens que :

     

    un produit importé sous forme agglomérée, de pellets ou de granulés, obtenu après extraction de l’huile de soja par solvant et traitement thermique visant à éliminer ce solvant afin que ce produit puisse être incorporé, après fragmentation physique, à un mélange destiné à la consommation animale, relève de la position 2304 de cette nomenclature.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.

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