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Document 62022CJ0313

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 13 juillet 2023.
Achilleion Anomymi Xenodocheiaki Etaireia contre Elliniko Dimosio.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Elegktiko Synedrio.
Renvoi préjudiciel – Fonds structurels – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Cofinancement – Règlement (CE) no 1260/1999 – Article 30, paragraphe 4, et article 39, paragraphe 1 – Pérennité des opérations relatives à des investissements – “Modification importante” d’une opération d’investissement cofinancée – Récupération d’une aide en cas de cession de l’établissement faisant l’objet de cette opération – Incidence des circonstances spécifiques entourant cette cession.
Affaire C-313/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:574

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

13 juillet 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds structurels – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Cofinancement – Règlement (CE) no 1260/1999 – Article 30, paragraphe 4, et article 39, paragraphe 1 – Pérennité des opérations relatives à des investissements – “Modification importante” d’une opération d’investissement cofinancée – Récupération d’une aide en cas de cession de l’établissement faisant l’objet de cette opération – Incidence des circonstances spécifiques entourant cette cession »

Dans l’affaire C‑313/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes, Grèce), par décision du 28 janvier 2022, parvenue à la Cour le 11 mai 2022, dans la procédure

Achilleion Anomymi Xenodocheiaki Etaireia

contre

Elliniko Dimosio,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Piçarra et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits, Mmes E. Panopoulou, G. Papadaki et E. Tsaousi, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par Mme J. Očková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement estonien, par Mme M. Kriisa, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. M. Farley, I. Georgiopoulos et P. Rossi, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de différentes dispositions du droit de l’Union, notamment de l’article 30 du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO 1999, L 161, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Achilleion Anomymi Xenodocheiaki Etaireia à l’Elliniko Dimosio (État hellénique) au sujet de la récupération partielle d’une aide financière octroyée aux fins de la modernisation d’un établissement hôtelier et de la création de trois nouveaux emplois.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1260/1999

3

Les considérants 4, 6, 7 et 41 du règlement no 1260/1999 énonçaient :

« 4

[...] en vue de renforcer la concentration et de simplifier l’action des Fonds structurels, il convient de réduire le nombre d’objectifs prioritaires par rapport au règlement (CEE) no 2052/88 [du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO 1988, L 185, p. 9)] ; [...] il convient de définir ceux-ci comme visant le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement, la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle et l’adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d’éducation, de formation et d’emploi ;

[...]

6

[...] le développement culturel, la qualité de l’environnement naturel et bâti et la dimension qualitative et culturelle du cadre de vie et le développement du tourisme contribuent à rendre les régions économiquement et socialement plus attractives dans la mesure où ils favorisent la création d’emplois durables ;

7

[...] le Fonds européen de développement régional (FEDER) contribue principalement à la réalisation de l’objectif du développement et de l’ajustement structurel des régions en retard de développement et à la reconversion économique et sociale des régions en difficultés structurelles ;

[...]

41

[...] il convient, conformément au principe de subsidiarité, que les règles nationales pertinentes s’appliquent aux dépenses éligibles en l’absence de règles communautaires, qui peuvent être établies par la Commission [européenne] lorsqu’elles apparaissent nécessaires pour garantir une application uniforme et équitable des Fonds structurels dans la Communauté ; [...] il est toutefois nécessaire de spécifier l’éligibilité des dépenses en ce qui concerne les dates initiales et finales d’éligibilité et la pérennité des investissements ; [...] en conséquence, pour assurer l’efficacité et un effet durable de l’action des Fonds, une aide des Fonds ne devrait rester acquise, en tout ou en partie, à une opération qu’à la condition que ni sa nature ni ses conditions de mise en œuvre ne connaissent de modification importante, qui détournerait l’opération aidée de son objectif initial ».

4

L’article 12 du règlement no 1260/1999, intitulé « Compatibilité », disposait :

« Les opérations faisant l’objet d’un financement par les Fonds ou d’un financement de la [Banque européenne d’investissement (BEI)] ou d’un autre instrument financier doivent être conformes aux dispositions du traité et des actes [arrêtés] en vertu de celui-ci, ainsi qu’aux politiques et actions communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics, la protection et l’amélioration de l’environnement, l’élimination des inégalités, et la promotion de l’égalité, entre les hommes et les femmes. »

5

L’article 30 de ce règlement, intitulé « Éligibilité », prévoyait :

« 1.   Les dépenses liées à des opérations ne sont éligibles à la participation des Fonds que si ces opérations s’intègrent dans l’intervention concernée.

[...]

3.   Les règles nationales pertinentes s’appliquent aux dépenses éligibles sauf si, lorsque c’est nécessaire, la Commission établit des règles communes d’éligibilité des dépenses conformément à la procédure visée à l’article 53, paragraphe 2.

4.   Les États membres s’assurent que la participation des Fonds reste acquise à une opération uniquement si celle-ci ne connaît pas, dans un délai de cinq ans à compter de la décision de l’autorité nationale compétente ou de l’autorité de gestion sur la participation des Fonds, de modification importante :

a)

affectant sa nature ou ses conditions de mise en œuvre ou procurant un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique

et

b)

résultant soit d’un changement dans la nature de la propriété d’une infrastructure, soit de l’arrêt ou du changement de localisation d’une activité productive.

Les États membres informent la Commission de toute modification de ce type ; s’il y a une telle modification les dispositions de l’article 39 s’appliquent. »

6

Le titre IV dudit règlement, intitulé « Efficacité des interventions des Fonds », contenait un chapitre II, intitulé « Contrôle financier », dont faisait partie l’article 38 du même règlement, intitulé « Dispositions générales ». Aux termes du paragraphe 1 de cet article :

« Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général de l’Union européenne, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l’intervention. À cette fin, ils prennent notamment les mesures suivantes :

[...]

e)

ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités ; [...]

[...]

h)

ils récupèrent les montants perdus à la suite d’une irrégularité constatée, en appliquant, le cas échéant, des intérêts de retard. »

7

Figurant également à ce chapitre II, l’article 39 du règlement no 1260/1999, intitulé « Corrections financières », énonçait, à son paragraphe 1 :

« Il incombe en premier lieu aux États membres de poursuivre les irrégularités et d’agir lorsqu’est constatée une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle d’une intervention, et d’effectuer les corrections financières nécessaires.

Les États membres procèdent aux corrections financières requises en liaison avec l’irrégularité individuelle ou systémique. Les corrections auxquelles procède l’État membre consistent en une suppression totale ou partielle de la participation communautaire. Les fonds communautaires ainsi libérés peuvent être réaffectés par l’État membre à l’intervention concernée, dans le respect des modalités à définir en vertu de l’article 53, paragraphe 2. »

8

Ce règlement a été abrogé, à compter du 1er janvier 2007, par le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25). Toutefois, il ressort de l’article 105, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 que celui-ci n’affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d’une intervention cofinancée par les Fonds structurels ou d’un projet cofinancé par le Fonds de cohésion, approuvé par la Commission sur la base du règlement no 1260/1999 ou de toute autre législation applicable à cette intervention au 31 décembre 2006, qui s’applique dès lors, à partir de cette date, à ladite intervention ou à ce projet jusqu’à sa clôture.

Le règlement (CE) no 1685/2000

9

Le règlement (CE) no 1685/2000 de la Commission, du 28 juillet 2000, portant modalités d’exécution du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses dans le cadre des opérations cofinancées par les Fonds structurels (JO 2000, L 193, p. 39), contenait une annexe intitulée « Règles d’éligibilité ». Aux termes de la règle no 1, point 1.10, de cette annexe, dans sa version résultant du règlement (CE) no 448/2004 de la Commission, du 10 mars 2004 (JO 2004, L 72, p. 66) (ci-après l’« annexe du règlement no 1685/2000 »), « [l]es États membres peuvent appliquer des règles nationales plus strictes pour déterminer les dépenses éligibles au titre des points 1.6, 1.7 et 1.8 », qui concernent les coûts relatifs à l’amortissement de biens immeubles ou de biens d’équipement, les contributions en nature et les frais généraux.

Le règlement (CE) no 448/2001

10

Le chapitre II du règlement (CE) no 448/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne la procédure de mise en œuvre des corrections financières applicables au concours octroyé au titre des Fonds structurels (JO 2001, L 64, p. 13), intitulé « Corrections financières effectuées par les États membres », contenait l’article 2 de ce règlement, qui prévoyait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Dans le cas d’irrégularités systémiques, les enquêtes menées au titre de l’article 39, paragraphe 1, du règlement [no 1260/1999] couvrent toutes les opérations susceptibles d’être affectées.

2.   En supprimant en sa totalité ou en partie le cofinancement communautaire, les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités ainsi que de la perte financière pour les Fonds. »

Les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale

11

Les points 4.12 et 4.14 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9) sont libellés comme suit :

« 4.12.

On entend par création d’emploi, l’augmentation nette du nombre de postes de travail [...] de l’établissement considéré par rapport à la moyenne d’une période de référence. Il y a ainsi lieu de déduire du nombre apparent de postes de travail créés au cours de la période concernée, les postes de travail éventuellement supprimés au cours de la même période [...]

[...]

4.14.

Les aides à l’emploi doivent être subordonnées, par leur mode de versement ou par les conditions liées à leur obtention, au maintien de l’emploi créé pendant une période minimale de cinq ans. »

Le règlement (CE) no 659/1999

12

L’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), intitulé « Récupération de l’aide », disposait, à son paragraphe 1 :

« En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. »

Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95

13

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1) :

« Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. »

14

L’article 2 de ce règlement prévoit :

« 1.   Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l’application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d’assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés.

[...]

3.   Les dispositions du droit communautaire déterminent la nature et la portée des mesures et sanctions administratives nécessaires à l’application correcte de la réglementation considérée en fonction de la nature et de la gravité de l’irrégularité, du bénéfice accordé ou de l’avantage reçu et du degré de responsabilité.

4.   Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l’application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des États membres. »

15

L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :

par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus,

[...] »

Le règlement no 70/2001

16

Intitulé « Investissement », l’article 4 du règlement (CE) no 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO 2001, L 10, p. 33), tel que modifié par le règlement (CE) no 364/2004 de la Commission, du 25 février 2004 (JO 2004, L 63, p. 22) (ci-après le « règlement no 70/2001 »), prévoyait :

« 1.   Les aides à l’investissement dans des immobilisations corporelles et incorporelles, à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté, sont compatibles avec le marché commun au sens de l’article [107, paragraphe 3, TFUE] et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE] si elles remplissent les conditions énoncées aux paragraphes 2 à 6.

[...]

3.   Lorsque l’investissement est réalisé dans une région et un secteur admis à bénéficier d’aides à finalité régionale à la date de l’octroi de l’aide, l’intensité de l’aide n’excède pas le plafond des aides à l’investissement à finalité régionale, fixé dans la carte approuvée par la Commission pour chaque État membre, de plus de :

a)

10 points de pourcentage brut dans les régions couvertes par l’article [107, paragraphe 3, sous c), TFUE] pour autant que l’intensité nette totale de l’aide n’excède pas 30 %, ou

b)

15 points de pourcentage brut dans les régions couvertes par l’article [107, paragraphe 3, sous a), TFUE] pour autant que l’intensité nette totale de l’aide n’excède pas 75 %.

Les plafonds d’aide régionale supérieurs ne sont applicables que si l’aide est accordée sous réserve que l’investissement soit maintenu dans la région bénéficiaire pendant au moins cinq ans et que le bénéficiaire contribue à son financement à hauteur d’au moins 25 %.

4.   Les plafonds fixés aux paragraphes 2 et 3 s’appliquent à l’intensité de l’aide calculée soit en pourcentage des dépenses d’investissement admissibles, soit en pourcentage des coûts salariaux afférents aux emplois créés par la réalisation de l’investissement (aides à la création d’emplois), ou d’une combinaison des deux, pour autant que l’aide n’excède pas le montant le plus favorable résultant de l’application de l’un ou l’autre de ces modes de calcul.

[...]

6.   Lorsque l’aide est calculée sur la base des emplois créés, le montant de l’aide est exprimé en pourcentage des coûts salariaux afférents aux emplois créés sur une période de deux ans conformément aux conditions suivantes :

[...]

c)

les emplois créés doivent être maintenus pendant une période minimale de cinq ans. »

Le règlement (CE) no 438/2001

17

L’article 4 du règlement (CE) no 438/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des Fonds structurels (JO 2001, L 63, p. 21), disposait :

« Les systèmes de gestion et de contrôle prévoient des procédures pour vérifier la remise des produits et services cofinancés et la réalité des dépenses déclarées ainsi que pour assurer le respect des conditions établies dans la décision correspondante de la Commission au titre de l’article 28 du règlement [no 1260/1999] et avec les règles nationales et communautaires en vigueur concernant, en particulier, l’éligibilité des dépenses pour le concours des Fonds structurels au titre de l’intervention concernée, les marchés publics, les aides d’État (y compris les règles relatives au cumul des aides), la protection de l’environnement et l’égalité des chances.

[...] »

Le droit hellénique

18

Aux termes de l’article 477 de l’Astikos Kodikas (code civil) (FEK A’ 164/24.10.1984), « [s]i l’on promet, par contrat passé avec le créancier, d’acquitter la dette d’autrui, le débiteur n’est pas libéré, il naît une obligation supplémentaire à la charge de celui qui promet, sauf si le contraire résulte clairement ».

19

L’article 479 de ce code dispose :

« Si un patrimoine ou une entreprise a été cédé par contrat, l’acquéreur est responsable vis-à-vis du créancier des dettes attachées au patrimoine ou à l’entreprise, jusqu’à concurrence de la valeur des éléments cédés. La responsabilité du cédant subsiste. Une convention stipulant le contraire, conclue entre les cocontractants au détriment des créanciers, est nulle vis-à-vis de ces derniers. »

20

La juridiction de renvoi indique qu’une « entreprise », au sens de cet article 479, s’entend d’un objet de droit consistant en un ensemble de divers éléments hétéroclites, à savoir des choses (meubles et immeubles), des droits, des biens immatériels (raison sociale, marque, signes distinctifs) ainsi que des situations et des relations factuelles vis‑à-vis du marché (clientèle, réputation, emplacement des locaux, perspectives et espoirs de développement), cet ensemble formant une organisation et unité économique appartenant à une entité particulière.

21

Selon cette juridiction, il ressort des articles 1er à 4 du Proedrikó Diátagma 178/2002 : Métra schetiká me tin prostasía ton dikaiomáton ton ergazoménon se períptosi metavívasis epicheiríseon, egkatastáseon í tmimáton egkatastáseon í epicheiríseon, se symmórfosi pros tin Odigía 98/50/EK tou Symvoulíou (décret présidentiel 178/2002 sur les mesures relatives à la protection des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, afin de se conformer à la directive 98/50/CE) (FEK A’ 162/12.7.2002) que constitue un transfert d’entreprise toute reprise et poursuite d’une activité économique par un tiers, dès lors que l’identité de l’entreprise ou de l’exploitation concernée est conservée. Dans un tel cas, le changement de la personne de l’employeur entraîne, indépendamment de la cause juridique et de la forme de la cession en cause, la subrogation de plein droit du nouvel employeur dans les relations de travail existantes et la décharge de l’ancien employeur pour la période postérieure à ce changement. Toutefois, même après une telle cession, ce dernier demeure responsable, solidairement et conjointement avec le nouvel employeur, des obligations nées d’un contrat ou d’une relation de travail jusqu’au moment de leur reprise par le successeur. Cet effet se produit indépendamment de tout consentement des travailleurs.

22

L’article 18, paragraphe 5, du Koini Ypourgiki Apofasi 192249/EYS 4057, Rýthmisi themáton pou aforoún tin efarmogí dráseon ton kratikón enischýseon stous tomeís tis metapoíisis kai tou tourismoú sto plaísio ton dekatrión (13) Perifereiakón Epicheirisiakón Programmáton tou K.P.S 2000-2006 sýmfona me to árthro 35 tou n. 3016/2002 [arrêté ministériel conjoint 192249/EYS 4057, Réglementation des questions concernant la mise en œuvre d’actions des aides d’État dans les secteurs de la transformation et du tourisme dans le cadre des treize (13) Programmes Opérationnels Régionaux du CCS 2000-2006 conformément à l’article 35 de la loi 3016/2002] (FEK Β’ 1079/19.08.2002) du ministre de l’Économie et des Finances et du ministre du Développement (ci-après l’« arrêté ministériel conjoint ») prévoit que, en cas d’octroi d’une aide financière pour un investissement, le bénéficiaire a l’obligation de s’abstenir de toute cession des actifs fixes de l’entreprise subventionnée durant une période de cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

Le 10 mai 2004, Gousios V. – Ntagkoumas G. AXE, société devenue Achilleion, a soumis à la région de Macédoine occidentale (Grèce) une demande tendant à ce que son investissement relatif à la modernisation d’un hôtel situé dans une municipalité de cette région soit inscrit dans un régime d’aide visant le soutien financier des petites et moyennes entreprises (PME) de ladite région dans le secteur du tourisme. Le 27 janvier 2005, le secrétaire général de la région de Macédoine occidentale a décidé d’inclure cet investissement dans ce régime d’aide.

24

Ledit investissement avait pour objet la construction, la modernisation et le réaménagement des bâtiments d’un hôtel existant ainsi que la fourniture d’équipements d’hôtellerie et d’un système d’économie d’énergie. Il était prévu que trois emplois seraient créés une fois le projet réalisé.

25

Le montant total de l’investissement en cause s’élevait à 201 900 euros et celui de l’aide à 90000 euros. La date de début d’éligibilité des dépenses relatives à ce projet avait été fixé au 10 mai 2004, tandis que le délai d’achèvement de celui-ci était de 18 mois à compter de la date d’inclusion de cet investissement dans le régime d’aide concerné.

26

Par une décision d’achèvement du 8 juin 2006, il a été constaté que ledit investissement avait été achevé au cours de la période d’éligibilité et que trois nouveaux emplois avaient été créés.

27

À la suite d’un contrôle effectué pendant l’année 2009, il a été constaté que l’établissement hôtelier concerné avait été cédé, le 9 novembre 2006, à Gousios Vaios – Monoprosopi EPE, de telle sorte que l’obligation, prévue à l’article 18, paragraphe 5, de l’arrêté ministériel conjoint, de ne pas céder des actifs fixes de l’entreprise bénéficiaire de l’aide durant une période de cinq ans à compter de la décision d’achèvement, soit en l’espèce jusqu’au 8 juin 2011, n’avait pas été respectée.

28

Dès lors, au cours de l’année 2010, le secrétaire d’État à l’Économie, à la Compétitivité et aux Affaires maritimes a adopté une décision par laquelle il a imposé à la requérante au principal une correction financière d’un montant de 82500 euros, à hauteur de 75 % des ressources du FEDER et à hauteur de 25 % des ressources nationales. Cette décision avait pour objet la récupération de l’aide, déduction faite du montant correspondant à la période de cinq mois durant lesquels la requérante au principal avait exploité cet établissement hôtelier conformément à l’obligation visée au point précédent.

29

Saisi en première instance par la requérante au principal d’un recours contre ladite décision, l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes, Grèce), siégeant en chambre, a, par un arrêt, rejeté ce recours, en estimant que la correction financière et la récupération de l’aide faisant l’objet de la même décision étaient légales, dans la mesure où la requérante au principal n’avait pas respecté cette obligation et où elle avait ainsi violé l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999 et l’article 18, paragraphe 5, de l’arrêté ministériel conjoint.

30

La requérante au principal a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes), siégeant cette fois-ci en formation plénière.

31

Dans le cadre de ce pourvoi, elle fait valoir, tout d’abord, que ledit arrêt est entaché d’une interprétation erronée de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999, dans la mesure où il a été jugé que la cession de l’établissement hôtelier concerné constituait un motif automatique de récupération de l’aide versée, sans qu’il soit vérifié si l’opération d’investissement en cause avait effectivement subi une modification importante s’agissant de ses conditions de mise en œuvre ou en raison de l’obtention d’un avantage indu.

32

Ensuite, la requérante au principal avance, d’une part, que cet établissement hôtelier a été cédé à une société contrôlée par l’un de ses deux actionnaires et que cette cession était nécessaire pour assurer la viabilité financière dudit établissement. D’autre part, conformément à l’article 479 du code civil, en vertu duquel, en cas de cession d’une entreprise, l’entité cédante demeure responsable des dettes de cette entreprise, la requérante au principal garantirait que les obligations à long terme seraient honorées par la société cessionnaire.

33

Enfin, la requérante au principal invoque, devant la juridiction de renvoi, une violation de sa liberté d’entreprise et de son droit de propriété, au motif que la correction financière ordonnée par la décision mentionnée au point 28 du présent arrêt n’aurait pas dû être infligée, l’ensemble des obligations à long terme ayant été respectées et l’objectif poursuivi par l’aide octroyée ayant été atteint.

34

Dans ces conditions, l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Au sens des dispositions i) de l’article 30, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement no 1260/1999, ainsi que de la règle no 1, [point 1.10, de l’annexe] du règlement no 1685/2000, ii) de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 70/2001 et iii) des articles 38 et 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, de l’article 4 du règlement no 438/2001, de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 448/2001, de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95 ainsi que de l’article 14 du règlement no 659/1999, la vente de l’entreprise subventionnée, avec ses actifs fixes, constitue-t-elle nécessairement une modification à tel point importante des conditions de mise en œuvre de l’investissement cofinancé dans cette entreprise qu’elle justifie à elle seule une réglementation nationale, telle que celle de l’article 18, paragraphe 5, de l’[arrêté ministériel conjoint], imposant une interdiction absolue et de longue durée de céder les actifs fixes de l’entreprise subventionnée, sous peine de révocation totale ou partielle de la décision d’inclusion de l’entreprise dans le régime d’aide, et sous peine de remboursement de tout ou partie de l’aide publique versée ?

2)

Convient-il d’interpréter les dispositions i) de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999, ii) de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 70/2001 et du point 4.12 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, relatifs au principe de pérennité des PME bénéficiaires d’aides, iii) des articles 38 et 39 du règlement no 1260/1999, de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 448/2001, de l’article 1er, paragraphe 2, et des articles 2 et 4 du règlement no 2988/95 ainsi que de l’article 14 du règlement no 659/1999 en ce sens que la vente des actifs fixes ainsi que de l’entreprise subventionnée elle-même, réalisée dans le cadre d’un accord interne à la société et conclu par ses actionnaires afin de garantir la viabilité de celle‑ci, n’apporte pas de modification importante à l’opération de cofinancement ni d’avantage indu à quelque cocontractant que ce soit et, partant, ne constitue pas une irrégularité ni un motif de récupération de l’aide, dès lors que les conditions de mise en œuvre de l’investissement ne sont pas modifiées et que la cession est soumise à un régime juridique dans le cadre duquel le cédant et l’acquéreur sont solidairement responsables des dettes et des obligations existant au moment de la cession ?

3)

Les articles 17, 52 et 53 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(ci-après la « Charte »)] ainsi que le principe de sécurité juridique, interprétés en combinaison avec l’article 1er du [protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952 (ci-après le « premier protocole additionnel à la CEDH »)], imposent-ils que les mesures de la correction financière et de la récupération de l’aide – au sens de l’article 38, [paragraphe 1,] sous h), et de l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 448/2001, de l’article 4 du règlement no 2988/95 ainsi que de l’article 14 du règlement no 659/1999 – soient en juste équilibre avec le droit à la protection de la “propriété” du bénéficiaire de l’aide, ce juste équilibre entraînant une exonération partielle voire totale du bénéficiaire, et cela même s’il devait être constaté qu’il y a eu une modification importante de l’opération subventionnée ou un avantage indu lors de la cession de l’entreprise ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

35

Bien que la recevabilité de la demande de décision préjudicielle n’ait été contestée par aucun des intéressés ayant déposé des observations écrites dans la présente affaire, il y a lieu de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2012, Epitropos tou Elegktikou Synedriou (C‑363/11, EU:C:2012:825), la Cour, après avoir relevé, notamment, que la procédure dans le cadre de laquelle s’inscrivait la demande de décision préjudicielle présentée par l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes) était destinée non pas à aboutir à une décision de caractère juridictionnel, mais à exercer un contrôle préalable des dépenses de l’État, a jugé que, dans un tel contexte, l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes) ne constituait pas une juridiction au sens de l’article 267 TFUE et que, par conséquent, cette demande de décision préjudicielle devait être déclarée irrecevable.

36

En revanche, ainsi qu’il découle de la présente demande de décision préjudicielle et des dispositions du droit hellénique mentionnées dans celle-ci, l’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes) exerce, dans le contexte ayant donné lieu à cette demande, une fonction juridictionnelle et constitue, partant, une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.

37

Dans ces conditions, la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

38

À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi interroge la Cour, notamment, sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 448/2001, de l’article 1er, paragraphe 2, et des articles 2 et 4 du règlement no 2988/95, de l’article 14 du règlement no 659/1999 ainsi que du point 4.12 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, mais, en méconnaissance de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, n’expose pas avec la clarté requise les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de ces dispositions ni le lien qu’elle établit entre ces dernières et la législation nationale applicable au litige au principal, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’interpréter lesdites dispositions.

39

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par ces questions, cette juridiction demande, en substance, si l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999 doit être interprété en ce sens que, d’une part, la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union constitue, en soi, une « modification importante », au sens de cette disposition, et que, d’autre part, il s’oppose à une réglementation nationale qui fait obligation au bénéficiaire d’une subvention versée au titre d’une telle opération d’investissement de ne pas céder, sans exception, durant cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de l’investissement en cause, un établissement faisant l’objet de cette opération, sous peine d’une correction financière assortie d’une récupération totale ou partielle de la subvention. Ladite juridiction souhaite également savoir si l’article 38 et l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, la règle no 1, point 1.10, de l’annexe du règlement no 1685/2000, l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 70/2001 ainsi que l’article 4 du règlement no 438/2001 sont susceptibles d’avoir une incidence sur la réponse donnée auxdites questions.

Sur l’applicabilité de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999

40

L’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 1260/1999 énonçait un principe dit « de pérennité » selon lequel la participation des Fonds structurels à une opération ne restait acquise à cette opération que si celle-ci ne connaissait pas de « modification importante » dans un délai de cinq ans à compter de la décision de l’autorité nationale compétente ou de l’autorité de gestion sur la participation desdits Fonds.

41

Devant la juridiction de renvoi, les parties s’opposent notamment sur le point de savoir si la cession de l’établissement faisant l’objet de l’opération d’investissement cofinancée par le FEDER constitue une « modification importante », au sens de cette disposition.

42

À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de qualifier concrètement la modification en cause au principal, résultant de cette cession. En effet, une telle appréciation relève de la seule compétence du juge national, le rôle de la Cour se cantonnant à fournir à ce dernier une interprétation du droit de l’Union utile pour la décision qu’il lui reviendra de prendre dans le litige dont il est saisi. Cela étant, la Cour peut déterminer les éléments pertinents, susceptibles de guider la juridiction de renvoi dans son appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 19 et jurisprudence citée).

43

Pour considérer qu’une modification relève du champ d’application de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999, il y a lieu de s’assurer d’abord que l’opération donnée qui subit cette modification relève de cet article et, dans l’affirmative, d’examiner ensuite si ladite modification satisfait aux deux conditions cumulatives mentionnées audit article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a) et b) (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 20).

44

Lors de l’examen de ces conditions, il convient de vérifier, en premier lieu, si la modification litigieuse satisfait à la condition mentionnée à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous b), du règlement no 1260/1999, qui exige que celle-ci résulte soit d’un changement dans la nature de la propriété d’une infrastructure, soit de l’arrêt ou du changement de localisation d’une activité productive. En effet, lors de la vérification de cette condition, il convient d’apprécier les éléments qui sont à l’origine de la modification litigieuse et en constituent ainsi les causes (arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 21).

45

En deuxième lieu, il convient d’examiner si cette modification relève de l’une des hypothèses mentionnées à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), de ce règlement, à savoir qu’elle affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’opération concernée ou qu’elle procure un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique, ces hypothèses portant sur les effets de ladite modification (arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 22).

46

En troisième lieu, une fois examinées les conditions mentionnées à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a) et b), du règlement no 1260/1999, il y a lieu de vérifier si la modification litigieuse est importante (arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 23).

47

En l’occurrence, dès lors qu’il n’est pas contesté que l’opération d’investissement cofinancée en cause au principal relève de l’article 30 du règlement no 1260/1999, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, premièrement, si la modification concernée satisfait aux conditions énoncées à cet article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous b).

48

À cet égard, il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle qu’il y ait eu un arrêt ou un changement de localisation d’une activité productive. Au contraire, il en ressort que, après sa cession, l’établissement hôtelier ayant fait objet de cette opération a continué d’être utilisé pour la même activité que celle prévue dans la demande de subvention.

49

S’agissant de la question de savoir si un changement dans la nature de la propriété d’une infrastructure a eu lieu, il convient de relever que le bénéficiaire de la subvention en cause a transmis la propriété de cet établissement hôtelier, en tant qu’infrastructure au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous b), du règlement no 1260/1999, à une société détenue par un de ses actionnaires.

50

À cet égard, le fait que la propriété d’une telle infrastructure a subi un changement ne signifie pas qu’il puisse être automatiquement considéré que ce changement affecte la nature même de la propriété de cette infrastructure. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de vérifier, sur la base d’un examen circonstancié, si, malgré le transfert de propriété, la nature de cette dernière a été modifiée ou non. En effet, tel pourrait ne pas être le cas, compte tenu de la formulation de la deuxième question préjudicielle, d’un accord de cession interne à une société dans le cadre duquel le cédant et le cessionnaire sont solidairement responsables des dettes et des obligations existant au moment de la cession.

51

Pour le cas où la juridiction de renvoi en viendrait à conclure que la condition visée à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous b), du règlement no 1260/1999 est remplie dans le litige au principal, il lui incombera, deuxièmement, dans le cadre de la vérification du point de savoir si la modification considérée relève de l’une des hypothèses énoncées à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), de ce règlement, en ce qu’elle affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’opération d’investissement en cause ou en ce qu’elle procure un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique, d’examiner les effets de cette modification.

52

D’une part, en ce qui concerne la condition relative à la nature et aux conditions de mise en œuvre de l’opération d’investissement en cause, il y a lieu de tenir compte de l’objectif de la mesure dans le cadre de laquelle cette opération a été financée (arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 54), à savoir le soutien financier des PME de la région de Macédoine occidentale dans le secteur du tourisme. Un tel objectif figure parmi les objectifs prioritaires et plus généraux des Fonds structurels et ceux, plus spécifiques, du FEDER.

53

En effet, selon le considérant 4 du règlement no 1260/1999, l’intervention des Fonds structurels répond à des objectifs prioritaires, à savoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement, la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle ainsi que l’adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d’éducation, de formation et d’emploi. En outre, aux termes du considérant 6 de ce règlement, « le développement du tourisme [contribue] à rendre les régions économiquement et socialement plus attractives dans la mesure où il favorise la création d’emplois durables ».

54

En particulier, selon le considérant 7 dudit règlement, le FEDER contribue principalement à la réalisation de l’objectif du développement et de l’ajustement structurel des régions en retard de développement et à la reconversion économique et sociale des régions en difficultés structurelles.

55

Dans la mesure où, sous réserve que la région de Macédoine occidentale puisse être qualifiée de région en retard de développement ou de région en difficulté structurelle, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la subvention en cause au principal s’inscrivait dans un objectif de développement de la région de Macédoine occidentale, de soutien financier des PME de cette région et de développement du secteur de tourisme, la circonstance que le sujet en charge de ce projet, à savoir la requérante au principal, a été remplacé par une société cessionnaire, à savoir Gousios Vaios – Monoprosopi EPE, n’implique pas en soi que cet objectif n’ait pas été atteint et, partant, qu’une modification de la nature ou des conditions de mise en œuvre de l’opération d’investissement cofinancée en cause au principal ait eu lieu (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 56).

56

Ainsi, le seul fait que l’établissement faisant l’objet de cette opération a été cédé ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une modification de la nature ou des conditions de mise en œuvre de ladite opération, au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement no 1260/1999 (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 57).

57

Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier si la cession en cause au principal a entraîné une modification de la nature ou des conditions de mise en œuvre de l’opération cofinancée par le FEDER au regard de l’objectif poursuivi par la subvention, tel qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt.

58

D’autre part, s’agissant de l’autre condition prévue, à titre alternatif, à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement no 1260/1999, il convient de relever que cette condition implique qu’il soit vérifié si la modification de l’opération concernée procure un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique.

59

Dans un cas tel que celui en cause au principal, il résulte de ladite condition que la pérennité d’une opération d’investissement cofinancée requiert qu’un avantage indu n’ait été procuré ni au cédant ni au cessionnaire. En effet, la création d’un tel avantage soit au bénéfice du propriétaire ayant cédé l’établissement en cause, soit au bénéfice de la société cessionnaire est susceptible de constituer une modification de l’opération en cause, au sens de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 59).

60

Néanmoins, même en présence d’éléments mettant en évidence, à première vue, l’existence d’un avantage indu, le bénéficiaire de la subvention doit avoir la possibilité de démontrer que la cession de l’établissement faisant l’objet de l’opération subventionnée en cause n’a procuré un tel avantage ni à lui-même ni à cette société (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 60).

61

La Cour a jugé que, dans le cas où l’autorité nationale compétente est amenée à rechercher si un avantage indu a été procuré à une entreprise ou à une collectivité publique, il lui appartient nécessairement de déterminer en quoi, concrètement, consiste cet avantage (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 66).

62

En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de tenir compte, le cas échéant, des effets concrets et réels de la cession, de l’incidence de cette dernière sur la subvention en cause, de l’existence et de la nature de la contrepartie fixée pour la cession de l’établissement hôtelier concerné ainsi que de tous les éléments pertinents permettant d’apprécier si cette cession a procuré un avantage au cédant et/ou au cessionnaire. Dans ce cadre, est susceptible d’être prise en compte la circonstance selon laquelle le cédant et le cessionnaire sont, en vertu du droit hellénique, solidairement responsables des dettes et des obligations existant au moment de ladite cession.

63

Il convient d’ajouter que, s’agissant du bénéficiaire de la subvention, l’existence et l’ampleur d’un tel avantage doivent être appréciées au regard de l’éventuelle différence entre les avantages, pécuniaires ou autres, que ce bénéficiaire devait tirer de l’opération telle qu’elle était initialement envisagée et ceux qu’il en tire à la suite de la cession de l’établissement faisant l’objet de cette opération (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 61).

64

Quant à la société cessionnaire, il y a lieu de relever que cette cession est de nature à lui procurer un avantage indu lorsqu’elle perçoit, sans que cela soit objectivement expliqué par les circonstances de l’espèce, des recettes supérieures à celles que percevait le bénéficiaire de la subvention jusqu’à la date de la cession. Un avantage indu peut également être constaté lorsque la contrepartie que la société cessionnaire a acquittée au titre de la cession n’a pas été fixée selon les conditions du marché (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 62).

65

Troisièmement, dans le cas où la juridiction de renvoi en viendrait à conclure que les deux conditions cumulatives visées au point 43 du présent arrêt sont remplies, il lui incombera de vérifier si la modification litigieuse est « importante », au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 1260/1999, c’est-à-dire si elle revêt une certaine ampleur (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, point 35).

66

S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si un changement dans la nature de la propriété d’une infrastructure, au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous b), du règlement no 1260/1999, revêt une telle ampleur, il convient de considérer que, dans le cas d’une cession telle que celle en cause au principal, il ne saurait être question d’une modification importante si le cessionnaire, en tant que nouveau propriétaire de l’infrastructure concernée, reste tenu, en vertu des dispositions du contrat de cession ou des dispositions légales applicables, de poursuivre l’exploitation de cette infrastructure conformément, d’une part, aux modalités et aux conditions attachées à la subvention en cause ainsi que, d’autre part, à l’objectif poursuivi lors de l’octroi de celle-ci et si, en outre, il ressort d’un examen circonstancié que le changement dans la nature de la propriété de ladite infrastructure n’a pas été objectivement opéré dans le but de contourner les règles relatives à la participation des Fonds, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

67

S’agissant, ensuite, de la question de savoir si une modification affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’opération concernée, au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement no 1260/1999, est importante, il y a lieu de relever que, selon le considérant 41 de ce règlement, l’aide apportée par l’un des Fonds structurels ne devrait rester acquise, en tout ou en partie, à une opération qu’à la condition que ni sa nature ni ses conditions de mise en œuvre ne connaissent de modification importante qui détournerait l’opération aidée de son objectif initial. En conséquence, lorsqu’une modification remplit la condition figurant à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement no 1260/1999, en tant qu’elle affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre d’une opération, une telle modification ne peut être qualifiée de « modification importante », au sens de cet article 30, paragraphe 4, que si elle réduit d’une manière significative la capacité de l’opération concernée à atteindre l’objectif lui ayant été assigné (arrêt du 14 novembre 2013, Comune di Ancona, C‑388/12, EU:C:2013:734, points 36 et 37).

68

Dès lors, dans le cadre de l’examen qu’il incombe à la juridiction nationale d’effectuer à cet égard, il y a lieu de vérifier si la société cessionnaire concernée peut être qualifiée de PME. En effet, si, certes, les éléments du dossier, notamment la circonstance qu’il s’agit d’une société unipersonnelle à responsabilité limitée, comportent des indices à cet égard, il importe de veiller à ce que la subvention concernée contribue, notamment, à la réalisation de l’objectif de soutien financier des PME.

69

Si, après une telle vérification, il s’avère que cette société ne peut être qualifiée de PME et que la capacité de l’opération concernée à atteindre cet objectif est réduite, voire inexistante, une modification importante affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre de cette opération est susceptible d’être constatée par la juridiction de renvoi.

70

S’agissant, enfin, de la question de savoir si une modification procurant un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique, au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement no 1260/1999, est importante, il convient de préciser, ainsi que cela a été relevé au point 65 du présent arrêt, que, pour relever du champ d’application de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999, la modification procurant l’avantage indu en cause doit revêtir une certaine ampleur, ce qui exclut les avantages indus dont l’importance ou le montant sont minimes ou insignifiants.

71

Il s’ensuit qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et en tenant compte des éléments exposés aux points 47 à 70 du présent arrêt, si la cession de l’établissement faisant l’objet de l’opération d’investissement cofinancée en cause au principal constitue une « modification importante », au sens de l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999.

Sur les exigences découlant du principe de pérennité prévu à l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999

72

En vertu de l’article 30, paragraphe 3, du règlement no 1260/1999, les règles nationales pertinentes s’appliquent aux dépenses éligibles, sauf si, lorsque c’est nécessaire, la Commission établit, dans le cadre des modalités d’application de cet article 30 qu’elle adopte, des règles communes d’éligibilité des dépenses.

73

Par ailleurs, conformément à l’article 12 du règlement no 1260/1999, les opérations faisant l’objet d’un financement par les Fonds structurels doivent être conformes aux dispositions du traité FUE et des actes arrêtés en vertu de celui-ci.

74

Or, en fixant de manière exclusive, à son article 30, paragraphe 4, les conditions relatives à la pérennité des opérations cofinancées, le règlement no 1260/1999 a clairement soustrait cette question au droit national (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 79).

75

En l’occurrence, selon l’article 18, paragraphe 5, de l’arrêté ministériel conjoint, en cas d’octroi d’une aide financière pour un investissement, le bénéficiaire de cette aide a l’obligation de s’abstenir de toute cession des actifs fixes de l’entreprise subventionnée durant une période de cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement. Il en résulte que, en cas de cession, par le bénéficiaire d’une telle aide, d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée, effectuée au cours des cinq ans suivant l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement, une correction financière a lieu systématiquement.

76

Force est de constater qu’une telle réglementation nationale est incompatible avec l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999, tel qu’interprété par la Cour.

77

En effet, contrairement à ce qui est indiqué au point 60 du présent arrêt, cette réglementation nationale ne permet pas au bénéficiaire d’une subvention de démontrer, en cas de cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée, que l’une ou l’autre des deux conditions mentionnées à cet article 30, paragraphe 4, premier alinéa, sous a) et b), voire les deux conditions, ne sont pas remplies ni que la modification de l’opération en cause ne revêt pas une ampleur suffisante pour pouvoir être qualifiée d’« importante », au sens de cette disposition.

78

En outre, s’agissant de la période pendant laquelle, dans un cas tel que celui en cause au principal, la pérennité d’une opération est imposée, il importe de rappeler que, conformément à l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 1260/1999, la participation des Fonds structurels reste acquise à une opération si elle ne connaît pas de modification importante dans un délai de cinq ans à compter de la décision de l’autorité nationale compétente ou de l’autorité de gestion sur la participation des Fonds. Or, habituellement, ce délai échoit plus tôt que celui prévu par une réglementation nationale qui impose au bénéficiaire d’une subvention l’obligation de s’abstenir de toute cession des actifs fixes de l’entreprise subventionnée durant une période de cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de l’investissement concerné (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Järvelaev, C‑580/17, EU:C:2019:391, point 81).

79

Il s’ensuit que l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999 s’oppose à une réglementation nationale qui fait obligation au bénéficiaire d’une subvention versée au titre d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union de ne pas céder, sans exception, durant cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement, un établissement faisant l’objet de cette opération, sous peine d’une correction financière.

80

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’article 38 et l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, par la règle no 1, point 1.10, de l’annexe du règlement no 1685/2000, par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 70/2001 ou par l’article 4 du règlement no 438/2001.

81

En effet, premièrement, conformément à l’article 38, paragraphe 1, sous e) et h), du règlement no 1260/1999, l’État membre concerné doit examiner si une modification qui se situe en dehors du champ d’application de l’article 30, paragraphe 4, de ce règlement et qui, partant, ne doit pas être appréciée au regard de cette dernière disposition ne constitue pas une irrégularité au sens des articles 38 et 39 dudit règlement, pour laquelle il conviendra, par la suite, d’effectuer les corrections financières nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2014, Baltlanta, C‑410/13, EU:C:2014:2134, point 47 et jurisprudence citée). Dès lors, ces articles 38 et 39 ne s’appliquent en principe pas à une situation relevant de cet article 30, paragraphe 4, premier alinéa, caractérisée par l’absence d’une « modification importante » de l’opération concernée.

82

Deuxièmement, la règle no 1, point 1.10, de l’annexe du règlement no 1685/2000 se limitait à permettre aux États membres d’appliquer des règles nationales plus strictes pour déterminer le montant des dépenses éligibles, sans toutefois les habiliter à s’écarter des exigences de pérennité prévues à l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999.

83

Troisièmement, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 70/2001, pour bénéficier de plafonds d’aide régionale supérieurs et continuer à être exempté de l’obligation de notification, l’investissement concerné doit être maintenu dans la région du bénéficiaire pendant au moins cinq ans. Or, force est de constater que cette disposition ne saurait être appliquée au litige au principal et que, en tout état de cause, elle n’empêche pas la cession des actifs fixes de l’entreprise subventionnée à une autre entreprise, à condition que l’investissement concerné soit maintenu dans la région du bénéficiaire de la subvention en cause.

84

Quatrièmement, il y a lieu de relever que l’article 4 du règlement no 438/2001, en vertu duquel les États membres peuvent adopter des procédures pour vérifier, notamment, la réalité des dépenses déclarées au titre de l’intervention des Fonds structurels concernée, ne permet pas aux États membres d’introduire de nouvelles conditions quant aux règles relatives à la pérennité des opérations.

85

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 30, paragraphe 4, du règlement no 1260/1999 doit être interprété en ce sens que :

la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union est susceptible de constituer une « modification importante » de cette opération, au sens de cette disposition, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier compte tenu de tous les éléments de fait et de droit en cause, au regard des conditions énoncées à ladite disposition ;

il s’oppose à une réglementation nationale qui fait obligation au bénéficiaire d’une subvention versée au titre d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union de ne pas céder, sans exception, durant cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement, un établissement faisant objet de cette opération, sous peine d’une correction financière assortie d’une récupération totale ou partielle de cette subvention.

Sur la troisième question

86

À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, notamment, sur l’interprétation de l’article 38, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1260/1999, de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 448/2001, de l’article 4 du règlement no 2988/95, de l’article 14 du règlement no 659/1999 et du principe de sécurité juridique, mais, en méconnaissance de l’article 94, sous c), du règlement de procédure, n’expose pas avec la clarté requise les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de ces dispositions et de ce principe ni le lien qu’elle établit entre ces derniers et la législation nationale applicable au litige au principal, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’interpréter lesdites dispositions et ledit principe.

87

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par cette question, cette juridiction demande, en substance, si l’article 30, paragraphe 4, et l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, lus en combinaison avec les articles 17 et 52, paragraphe 1, de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’il n’y a pas lieu de procéder aux corrections financières prévues à cet article 39, paragraphe 1, lorsque la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union constitue une modification importante de cette opération, au sens de cet article 30, paragraphe 4. Ladite juridiction souhaite également connaître le niveau de protection assuré par le droit de propriété reconnu à l’article 17 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphes 2 et 3, et l’article 53 de la Charte ainsi qu’avec l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH.

88

Selon l’article 30, paragraphe 4, second alinéa, du règlement no 1260/1999, les États membres informent la Commission de toute modification importante d’une opération cofinancée, au sens de cet article 30, paragraphe 4, premier alinéa, une telle modification impliquant l’application de l’article 39 de ce règlement.

89

Conformément à cet article 39, paragraphe 1, lu en combinaison avec ledit article 30, paragraphe 4, second alinéa, il incombe aux États membres de poursuivre les irrégularités et d’agir lorsqu’est constatée une telle modification importante et d’effectuer les corrections financières nécessaires prévues audit article 39, paragraphe 1.

90

Il s’ensuit que, lorsqu’ils constatent une modification importante, au sens de l’article 30, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 1260/1999, d’une opération cofinancée dans le délai indiqué à cette disposition, les États membres sont, en vertu de l’article 39, paragraphe 1, de ce règlement, tenus, à titre de correction financière, de procéder à la suppression totale ou partielle de la participation communautaire et donc, le cas échéant, à la récupération totale ou partielle de la subvention octroyée.

91

En ce qui concerne le bénéficiaire, son obligation de rembourser cette subvention ne saurait être assimilée à une atteinte au droit de propriété, reconnu à l’article 17 de la Charte.

92

En effet, il découle sans ambigüité de l’article 30, paragraphe 4, et de l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999 qu’un tel remboursement a lieu dans l’hypothèse d’une modification importante d’une opération subventionnée, résultant du non-respect de l’exigence de pérennité de cette opération, qui constitue une condition d’éligibilité de cette dernière.

93

Par conséquent, un bénéficiaire qui a l’obligation de rembourser une subvention lui ayant été octroyée, en tant que simple conséquence de la méconnaissance des conditions d’éligibilité de l’opération subventionnée en cause, ne saurait se prévaloir de la protection conférée par l’article 17 de la Charte (voir, par analogie, arrêt du 26 mai 2016, Ezernieki, C‑273/15, EU:C:2016:364, point 49).

94

Étant donné que, en l’occurrence, il n’est pas question d’une limitation de l’exercice du droit de propriété reconnu à l’article 17 de la Charte, il n’y a pas lieu d’analyser une telle obligation ni l’ampleur de celle-ci au regard des articles 52 et 53 de la Charte ainsi que de l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH.

95

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 30, paragraphe 4, et l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, lus en combinaison avec l’article 17 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’il y a lieu de procéder aux corrections financières prévues à cet article 39, paragraphe 1, lorsque la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union constitue une modification importante de cette opération, au sens de cet article 30, paragraphe 4.

Sur les dépens

96

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 30, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels,

doit être interprété en ce sens que :

la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union européenne est susceptible de constituer une « modification importante » de cette opération, au sens de cette disposition, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier compte tenu de tous les éléments de fait et de droit en cause, au regard des conditions énoncées à ladite disposition ;

il s’oppose à une réglementation nationale qui fait obligation au bénéficiaire d’une subvention versée au titre d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union de ne pas céder, sans exception, durant cinq ans à compter de l’adoption de la décision d’achèvement de cet investissement, un établissement faisant objet de cette opération, sous peine d’une correction financière assortie d’une récupération totale ou partielle de cette subvention.

 

2)

L’article 30, paragraphe 4, et l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, lus en combinaison avec l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

il y a lieu de procéder aux corrections financières prévues à cet article 39, paragraphe 1, lorsque la cession d’un établissement faisant l’objet d’une opération d’investissement cofinancée par les Fonds structurels de l’Union européenne constitue une modification importante de cette opération, au sens de cet article 30, paragraphe 4.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le grec.

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