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Document 62022CC0116

Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 20 avril 2023.
Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne.
Manquement d’État – Environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 4, paragraphe 4, et article 6, paragraphe 1 – Absence de désignation des zones spéciales de conservation – Absence de détermination des objectifs de conservation – Absence ou insuffisance de mesures de conservation – Pratique administrative.
Affaire C-116/22.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:317

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 20 avril 2023 ( 1 )

Affaire C‑116/22

Commission européenne

contre

République fédérale d’Allemagne

« Manquement d’État – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 4, paragraphe 4 – Zones spéciales de conservation – Obligation de fixer des objectifs de conservation »

I. Introduction

1.

« Ce que nous faisons entre 2020 et 2030 [...] [sera décisif] pour l’avenir de l’humanité sur la planète. L’avenir n’est pas déterminé, il se trouve entre nos mains. » ( 2 )

2.

L’Union européenne contribue à orienter l’avenir, pour partie, par la directive 92/43/CEE ( 3 ).

3.

La présente affaire s’inscrit dans la série d’affaires au travers desquelles la Commission européenne met en œuvre cet instrument. Elle a engagé une procédure en manquement contre la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 258 TFUE pour manquement à ses obligations au titre de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

4.

C’est d’ailleurs le quatrième recours en manquement formé devant la Cour dans ce domaine, à la suite des arrêts du 5 septembre 2019, Commission/Portugal (Désignation et protection des zones spéciales de conservation) ( 4 ), et du 17 décembre 2020, Commission/Grèce ( 5 ), ainsi que de l’affaire C‑444/21, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation), pendante devant la Cour et dans laquelle j’ai récemment présenté mes conclusions ( 6 ). En outre, un autre recours de type similaire est pendant devant la Cour ( 7 ) et des procédures d’infraction à l’encontre de plusieurs autres États membres sont en cours ( 8 ).

5.

Après avoir brièvement décrit le déroulement de la présente procédure d’infraction contre la République fédérale d’Allemagne (partie II), j’examinerai d’abord la directive « habitats » ainsi que son article 4, paragraphe 4, et son article 6, paragraphe 1 (partie III). J’analyserai ensuite, conformément à la demande de la Cour, le deuxième grief invoqué par la Commission dans la présente affaire et relatif à la violation de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » au regard des exigences relatives aux objectifs de conservation (partie IV).

II. Le déroulement de la présente affaire : la procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

6.

La présente affaire concerne la mise en œuvre par la République fédérale d’Allemagne de ses obligations en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » dans les régions biogéographiques alpine, atlantique et continentale ( 9 ).

7.

Pour chacune de ces régions, la Commission a arrêté une liste des sites d’importance communautaire (SIC) sur le territoire allemand par des décisions prises en 2003 et en 2004 ( 10 ). Ultérieurement, la Commission a mis à jour ces listes, notamment par des décisions prises en 2007 et en 2008 ( 11 ). La présente affaire porte donc, au total, sur 4606 sites répertoriés dans ces décisions de la Commission.

8.

À la suite d’enquêtes suivant une procédure « EU Pilot », la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne, le 27 février 2015, une lettre de mise en demeure, conformément à l’article 258 TFUE, dans laquelle elle considérait que cet État membre avait omis de désigner un certain nombre de SIC comme zones spéciales de conservation (ZSC) et d’établir les mesures de conservation nécessaires en violation des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

9.

Le 24 juin 2015, la République fédérale d’Allemagne a répondu à la lettre de mise en demeure en indiquant ses progrès dans la désignation des ZSC et l’adoption de mesures de conservation. À la suite de cela, le 14 janvier 2016, le 7 avril 2016, le 25 juillet 2016, le 23 décembre 2016, le 27 juillet 2017, le 22 décembre 2017 et le 3 août 2018, la République fédérale d’Allemagne a transmis à la Commission sept mises à jour concernant la désignation des ZSC et l’adoption de mesures de conservation.

10.

Il importe pour les présentes conclusions que, le 26 janvier 2019, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne une lettre de mise en demeure complémentaire, dans laquelle elle affirmait que, en n’établissant pas, de manière générale et persistante, des objectifs de conservation et des mesures de conservation suffisamment détaillées et spécifiques aux sites concernés, cet État membre manquait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6 de la directive « habitats ».

11.

Les 26 avril et 11 juin 2019, la République fédérale d’Allemagne a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire en indiquant son état d’avancement dans la désignation des ZSC et l’adoption de mesures de conservation. Elle a contesté le point de vue de la Commission en ce qui concerne les obligations au titre de la directive « habitats » s’agissant des objectifs de conservation et des mesures de conservation.

12.

Le 13 février 2020, considérant que les manquements reprochés à l’article 4, paragraphe 4, et à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » persistaient, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne. À la demande de cet État membre, la Commission a, par lettre du 12 mars 2020, prolongé le délai de réponse à l’avis motivé jusqu’au 13 juin 2020.

13.

Le 12 juin 2020, la République fédérale d’Allemagne a répondu à cet avis motivé. En particulier, elle a exposé ses progrès en vue de la finalisation de la désignation des ZSC et de l’adoption de mesures de conservation. Elle a maintenu son désaccord avec le point de vue de la Commission en ce qui concerne les exigences de la directive « habitats » s’agissant des objectifs de conservation et des mesures de conservation.

14.

Considérant que, au 13 juin 2020, la République fédérale d’Allemagne n’avait toujours pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », la Commission a saisi la Cour du présent recours au titre de l’article 258 TFUE par une requête qu’elle a déposée le 18 février 2022.

15.

Par son premier grief, la Commission demande à la Cour de constater que la République fédérale d’Allemagne a enfreint l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en ne désignant pas un certain nombre de sites présents sur son territoire en tant que ZSC (88 des 4606 SIC).

16.

Par son deuxième grief, la Commission demande à la Cour de constater que la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », d’une part, en ne fixant aucun objectif de conservation pour 88 des 4606 SIC et, d’autre part, en fixant, de manière générale et persistante, des objectifs de conservation insuffisamment spécifiques dans les ZSC désignées.

17.

Par son troisième grief, la Commission demande à la Cour de constater que la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », d’une part, en n’établissant aucune mesure de conservation pour 737 des 4606 SIC et, d’autre part, en établissant, de manière générale et persistante, des mesures de conservation qui ne satisfont pas aux exigences de cette disposition.

18.

Dans son mémoire en défense déposé le 23 mai 2022, la République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de rejeter le présent recours dans son intégralité comme non fondé.

19.

La Commission et la République fédérale d’Allemagne ont aussi déposé, respectivement, un mémoire en réplique et un mémoire en duplique les 4 juillet et 16 août 2022.

20.

Conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice, aucune audience n’a été tenue.

III. La directive « habitats », son article 4, paragraphe 4, et son article 6, paragraphe 1

A.   Natura 2000 et les trois régions biogéographiques en cause

21.

Pour rappel ( 12 ), les ZSC instaurées en vertu de la directive « habitats » ( 13 ), conjointement avec les zones de protection spéciale (ZPS) instaurées en vertu de la directive 2009/147/CE ( 14 ), font partie d’un réseau écologique européen cohérent, dénommé « Natura 2000 » ( 15 ), qui vise à assurer la survie à long terme des habitats et des espèces les plus précieux et les plus menacés de l’Union.

22.

Les régions alpine, atlantique et continentale en cause dans la présente affaire font partie de Natura 2000, qui est divisé en cinq régions marines et neuf régions biogéographiques terrestres ( 16 ).

23.

La région biogéographique alpine, dénommée « le toit de l’Europe », comprend cinq des massifs montagneux les plus longs et les plus élevés, et présente une biodiversité très riche, avec près des deux tiers des plantes du continent européen ( 17 ). La région biogéographique atlantique, dénommée « la marge occidentale de l’Europe », regroupe deux des mers les plus productives dans le monde (la mer du Nord et l’océan Atlantique) et plus de la moitié du littoral de l’Union, qui est également riche en habitats et en espèces ( 18 ). La région biogéographique continentale, dénommée « le cœur de l’Europe », couvre plus d’un quart de l’Union et présente un degré élevé de biodiversité, connue en particulier pour héberger de nombreuses espèces animales et végétales rares ( 19 ).

B.   Le système de la directive « habitats » revisité

24.

Comme je l’ai expliqué plus en détail dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) ( 20 ), les États membres contribuent à Natura 2000 en fonction de la représentation sur leur territoire des types d’habitats et espèces pertinents énumérés dans les annexes de la directive « habitats » qu’ils désignent comme ZSC.

25.

En résumé, la directive « habitats » prévoit que les ZSC sont établies par étapes, en commençant par les contributions des États membres, sur la base desquelles la Commission établit la liste des SIC au moyen d’un acte contraignant. Dès l’entrée en vigueur de cet acte contraignant, les États membres disposent d’un délai de six ans pour désigner officiellement ces SIC comme ZSC et établir les mesures de conservation nécessaires.

26.

L’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » impose aux États membres de désigner des ZSC. Il est libellé comme suit :

« Une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel de l’annexe I ou d’une espèce de l’annexe II et pour la cohérence de Natura 2000, ainsi qu’en fonction des menaces de dégradation ou de destruction qui pèsent sur eux. »

27.

Parallèlement à la désignation d’une ZSC, un État membre doit également mettre en place les mesures de conservation nécessaires. C’est ce que prévoit l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », qui est libellé comme suit :

« Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites. »

28.

Même si la directive « habitats » énonce les obligations qui incombent aux États membres dans deux dispositions distinctes, la désignation des ZSC et la mise en place des mesures de conservation nécessaires constituent un tout indivisible pour atteindre les objectifs de Natura 2000. Pour rappel, l’objectif de la directive « habitats » est d’obtenir des résultats réels sur les parties de nature désignées ( 21 ).

29.

En ce qui concerne les sites sur le territoire allemand, pertinents en l’espèce, le délai imparti pour remplir les obligations découlant tant de l’article 4, paragraphe 4, que de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » a expiré au plus tard en 2014 (voir note 11 des présentes conclusions).

30.

Ni l’article 4, paragraphe 4, ni l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » ne mentionnent expressément la fixation d’objectifs de conservation. La Cour a toutefois considéré que l’obligation de fixer des objectifs de conservation était une étape obligatoire et nécessaire entre la désignation des ZSC exigée par l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » et la mise en œuvre des mesures de conservation requise par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive ( 22 ).

31.

En réalité, les objectifs de conservation pour lesquels un site spécifique a été sélectionné pour être protégé en tant que ZSC existaient déjà avant sa désignation formelle, du moins dans une certaine mesure. Cela semble être reconnu dans la jurisprudence relative à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » ( 23 ). Cette disposition, qui est la seule à mentionner expressément les objectifs de conservation ( 24 ), vise à préserver la possibilité d’atteindre les objectifs de la future ZSC dès son inscription sur la liste des SIC, en exigeant une autorisation préalable pour tout projet susceptible de mettre en péril ces objectifs. Ainsi, comme l’a relevé l’avocate générale Kokott, « [à] la date à laquelle un site est inscrit sur la liste communautaire, les objectifs de conservation déterminés ne sont certes pas encore expressément définis, mais ceux-ci résultent de l’ensemble des habitats et espèces pour lesquels [...] le site a été protégé » ( 25 ).

32.

Étant donné que les objectifs de conservation reflètent les raisons pour lesquelles un site donné doit être désigné en tant que ZSC en premier lieu, la jurisprudence de la Cour n’a logiquement exigé que ces objectifs de conservation soient exprimés qu’au stade de la désignation formelle d’une ZSC. L’expression des objectifs de conservation fait donc partie de cette désignation formelle d’une ZSC. Les objectifs de conservation doivent donc être fixés dans le même délai de six ans prévu à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » ( 26 ).

33.

C’est sur cette base que je vais examiner à présent le deuxième grief soulevé par la Commission dans la présente affaire.

IV. Sur le deuxième grief, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats »

34.

Par son deuxième grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne d’avoir violé l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en ce que cet État membre n’a pas fixé d’objectifs de conservation pour un certain nombre des 4606 sites en cause.

35.

La Commission fait valoir, en substance, deux types d’allégation. En premier lieu, certains sites (88 des 4606 sites) n’ont aucun objectif de conservation. En second lieu, les objectifs de conservation ne sont pas quantifiés et mesurables pour de nombreux sites ; ils n’opèrent pas de distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés présents sur le site ; et ils ne sont pas contraignants à l’égard des tiers. En outre, la Commission soutient que ce dernier type de manquement est de nature générale et persistante.

36.

J’aborderai ci-après chacune de ces allégations séparément.

A.   Sur l’allégation selon laquelle la République fédérale d’Allemagne n’a pas établi d’objectifs de conservation pour certains sites

37.

La Commission allègue que, eu égard aux informations que la République fédérale d’Allemagne a fournies dans le cadre de la procédure précontentieuse, aucun objectif de conservation n’a été arrêté pour 88 sites. Elle s’appuie sur la jurisprudence de la Cour exigeant la fixation d’objectifs de conservation pour chaque ZSC.

38.

En réponse à cette allégation, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, entre la date de transmission de l’avis motivé et le 31 mars 2022, elle a fixé des objectifs de conservation spécifiques pour ces sites, à l’exception de quelques sites dont il est prévu qu’ils soient retirés de la liste des sites dans le cadre de la prochaine mise à jour.

39.

Comme je l’ai indiqué ci-dessus (voir points 30 et 32 des présentes conclusions), la fixation d’objectifs de conservation est obligatoire en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ». Les États membres doivent les fixer pour les sites désignés comme ZSC dans le délai de six ans prévu à cet article.

40.

Comme l’a indiqué la Commission, la République fédérale d’Allemagne ne conteste pas ne pas avoir fixé d’objectifs de conservation pour au moins certains des sites en cause à l’expiration du délai fixé par l’avis motivé, à savoir le 13 juin 2020 (voir point 12 des présentes conclusions) ( 27 ).

41.

Dans ces conditions, je suis d’avis qu’il y a lieu de confirmer l’allégation de la Commission selon laquelle plusieurs sites sont dépourvus d’objectifs de conservation.

B.   Sur l’allégation selon laquelle les objectifs de conservation fixés par la République fédérale d’Allemagne ne sont pas suffisamment précis et que cet État membre a commis un manquement général et persistant

42.

La Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne, sur la base des informations fournies par cet État membre dans le cadre de la procédure précontentieuse, d’avoir violé de manière générale et persistante ses obligations au titre de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en fixant systématiquement des objectifs de conservation non conformes aux exigences de cette disposition. En premier lieu, ces objectifs ne sont pas quantifiés et mesurables. En deuxième lieu, ils n’établissent pas de distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés présents sur le site. En troisième lieu, ils ne sont pas contraignants à l’égard des tiers.

43.

En outre, la Commission fait valoir non seulement que certains objectifs de conservation ne sont pas suffisamment spécifiques, mais aussi qu’ils sont représentatifs d’un schéma aboutissant à un manquement général et persistant de la République fédérale d’Allemagne.

44.

La République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’elle n’a commis aucun manquement général et persistant à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ». Elle ne conteste pas que les États membres soient tenus de fixer des objectifs de conservation spécifiques au site. Toutefois, la République fédérale d’Allemagne conteste le fait que la directive « habitats » exige que les objectifs de conservation soient toujours quantifiables, et qu’ils doivent établir une distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés. Enfin, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que les objectifs de conservation définis dans son cadre juridique sont contraignants. Elle considère que le point de vue de la Commission ne trouve aucun fondement dans les dispositions de la directive « habitats » ni dans la jurisprudence de la Cour et qu’il est susceptible d’aller à l’encontre des objectifs de cette directive.

45.

Ainsi, le litige entre les parties relatif au grief sous cette rubrique est un litige sur le droit et non sur les faits. La République fédérale d’Allemagne ne conteste pas les faits présentés par la Commission. Elle fait plutôt valoir que ces faits ne constituent pas une violation de l’obligation de fixer des objectifs de conservation suffisamment clairs. En d’autres termes, la République fédérale d’Allemagne s’oppose à l’interprétation de la Commission quant à ce qui est requis pour qu’un objectif de conservation soit suffisamment spécifique.

46.

À mon avis, l’interprétation de la Commission selon laquelle les États membres doivent toujours indiquer des objectifs de conservation quantifiés qui établissent une distinction entre les objectifs de maintien et de rétablissement ne découle pas de la directive « habitats ». En outre, la position de la Commission sur l’incidence des effets contraignants d’une désignation comme ZSC n’est pas défendable. Si la Cour accepte l’interprétation que je propose, elle devrait rejeter l’allégation de la Commission selon laquelle la République fédérale d’Allemagne n’a pas fixé, de manière générale et persistante, des objectifs de conservation suffisamment précis et conformes aux exigences de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ».

1. Sur l’allégation selon laquelle les objectifs de conservation doivent être quantifiés

47.

La Commission allègue qu’il existe de nombreux sites qui ne comportent pas d’éléments quantifiés et mesurables ( 28 ). Elle affirme que l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » exige que les objectifs de conservation contiennent des éléments indiquant de manière chiffrée la contribution spécifique que doit apporter le site protégé à la réalisation d’un état de conservation favorable au niveau national pour l’habitat ou les espèces (par exemple, l’augmentation de la population de certaines espèces par un nombre précis d’individus nouveaux).

48.

La Commission comprend la jurisprudence de la Cour en ce sens que lorsqu’elle exige que les objectifs de conservation soient suffisamment spécifiques, cela signifie que ces objectifs doivent être quantifiés [ci-après sous a)]. La Commission s’appuie également sur les objectifs [ci-après sous b)] ainsi que sur le libellé [ci-après sous c)] de la directive « habitats » et invoque des exemples provenant d’autres États membres qui ont introduit des objectifs de conservation quantifiés [ci‑après sous d)].

49.

La République fédérale d’Allemagne conteste les allégations de la Commission. En particulier, cet État membre fait valoir que des objectifs de conservation spécifiques, quantifiés ou non, doivent être vérifiables. Si une approche purement quantitative est possible pour certains types d’habitats et certaines espèces, elle n’est pas appropriée en tant que critère général. D’une part, le fait d’atteindre ou non le chiffre préétabli ne reflète pas l’état du site de conservation. D’autre part, une telle approche n’est pas adaptée aux sites de conservation complexes ou dynamiques. Enfin, elle ne rend pas compte du caractère cohérent du réseau Natura 2000 et de l’existence de liens écologiques au sein de ce réseau [ci-après sous e)].

50.

Contrairement aux arguments avancés par la Commission, je ne suis pas convaincue que les objectifs de conservation ne soient pas conformes à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » simplement parce qu’ils ne sont pas quantifiés. J’examinerai successivement les arguments de la Commission puis ceux de la République fédérale d’Allemagne.

a) Les arguments de la Commission tirés de la jurisprudence de la Cour

51.

Dans la jurisprudence invoquée par la Commission, à savoir l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Grèce ( 29 ), la Cour a considéré que les objectifs de conservation étaient insuffisants parce qu’ils étaient trop généraux et imprécis, et ne concernaient pas les principaux types d’habitats et d’espèces présents sur le site. Il ne saurait être déduit de cet arrêt que des moyens suffisamment précis ont été quantifiés.

52.

Ainsi, la jurisprudence n’a pas encore répondu à la question de savoir si l’exigence selon laquelle les objectifs de conservation sont suffisamment spécifiques signifie qu’ils doivent toujours être quantifiés. Je propose à la Cour de retenir l’interprétation selon laquelle il n’est pas nécessaire que les objectifs de conservation soient toujours quantifiés pour être suffisamment précis.

53.

Il ressort de la jurisprudence que les objectifs de conservation ne sauraient être vagues. Ils doivent permettre de vérifier si les mesures fondées sur ces objectifs permettent d’atteindre l’état de conservation souhaité du site. Toutefois, je partage l’avis de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la question de savoir si une précision suffisante nécessite une quantification ne peut pas être déterminée de manière générale, mais dépend plutôt des circonstances du site concerné. Parfois, l’objectif de conservation doit être exprimé en chiffres, mais la question de savoir si tel est le cas ne peut être déterminée qu’au cas par cas ( 30 ).

54.

Il appartient à la Commission de démontrer dans le cas d’espèce que la protection des types d’habitats et des espèces du site concerné nécessite la fixation d’objectifs de conservation quantifiés.

55.

La position proposée selon laquelle les objectifs de conservation ne doivent pas nécessairement être quantifiés est étayée par la doctrine. Il a été souligné que l’un des principaux éléments des objectifs de conservation est l’importance écologique des sites, mesurée selon les critères de l’annexe III de la directive « habitats », qui sont à la fois qualitatifs et quantitatifs ( 31 ).

b) Les arguments de la Commission tirés des objectifs de la directive « habitats »

56.

La Commission défend sa position selon laquelle les objectifs de conservation doivent être quantifiés en se fondant sur l’article premier de la directive « habitats », qui définit un « état de conservation favorable » à atteindre pour les types d’habitats et les espèces.

57.

Toutefois, cet argument n’est pas convaincant, étant donné que les éléments permettant d’évaluer ce qu’est un état de conservation favorable sont à la fois qualitatifs et quantitatifs ( 32 ).

58.

La Commission fait valoir, en outre, que les États membres ont accepté, dans le cadre du comité visé à l’article 20 de la directive « habitats », de fixer des valeurs de référence quantifiées indiquant le seuil à partir duquel un état de conservation favorable d’un type d’habitat ou d’une espèce est atteint aux fins de leurs obligations de déclaration au titre de l’article 17 de cette directive. La Commission en conclut que les objectifs de conservation doivent également être quantifiés en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ».

59.

La Commission s’appuie en outre sur des éléments empiriques figurant dans le rapport allemand au titre de l’article 17 de la directive « habitats » pour la période 2013‑2018 et qui démontrent qu’environ 80 % des types d’habitats et des espèces protégés en Allemagne se trouvent toujours dans un état de conservation défavorable. Elle fait valoir que la République fédérale d’Allemagne n’a pas atteint un état de conservation favorable en raison de l’absence d’objectifs de conservation quantifiés.

60.

La République fédérale d’Allemagne rejette tout d’abord le lien établi par la Commission entre les valeurs de référence et les exigences auxquelles les objectifs de conservation doivent satisfaire en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ». En effet, de telles valeurs de référence ne constituent qu’un moyen de remplir les obligations déclaratives énoncées à l’article 17 de cette directive et concernent non pas spécifiquement la situation dans les différentes ZSC, mais l’ensemble du territoire de l’État membre concerné. En outre, si un rapport conclut qu’un état de conservation favorable pour certains habitats ou certaines espèces n’a pas encore été atteint, on ne saurait en déduire que les objectifs de conservation fixés pour des ZSC spécifiques sont insuffisants. On ne peut qu’en conclure que ces objectifs de conservation n’ont pas été atteints dans leur ensemble. La République fédérale d’Allemagne réfute le fait que les tendances signalées, même si elles sont défavorables, soient dues à l’absence d’objectifs de conservation quantifiés.

61.

Je partage la position de la République fédérale d’Allemagne. Je ne vois pas le lien entre les seuils quantitatifs non atteints convenus aux fins de l’établissement de rapports et l’argument selon lequel les objectifs de conservation doivent être quantifiés.

c) Les arguments de la Commission tirés du libellé de la directive « habitats »

62.

La Commission invoque en outre l’article 6 de la directive « habitats ».

63.

En ce qui concerne les arguments tirés de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », je ne vois pas en quoi l’absence d’objectifs de conservation quantifiés serait contraire aux exigences visant à établir les mesures de conservation nécessaires. En effet, comme je l’ai indiqué dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) ( 33 ), les mesures de conservation doivent correspondre à des objectifs de conservation. Toutefois, cela n’implique pas que ces objectifs doivent toujours être quantifiés.

64.

La Commission fonde également son argumentation sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », en faisant valoir que seuls des objectifs de conservation déterminés quantitativement peuvent servir de critère d’évaluation des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site. Les effets négatifs sur les objectifs de conservation ne peuvent, selon elle, être exclus avec certitude que s’ils sont suffisamment précisés par des éléments quantitatifs. Pour l’étayer, la Commission en donne un exemple. Elle explique qu’une évaluation des incidences qu’un projet de centrale hydroélectrique pourrait avoir sur une espèce de poisson protégée dans une zone protégée ne peut apporter la certitude requise à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » que si les objectifs de conservation de cette zone fournissent des données chiffrées sur le nombre de spécimens de ces espèces de poissons et leur structure d’âge nécessaire pour déterminer un état de conservation favorable.

65.

Toutefois, dans une affaire s’apparentant à un tel scénario, la Cour s’est prononcée sur le respect de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » en l’absence de tels objectifs de conservation quantifiés.

66.

J’ai à l’esprit l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 avril 2017, Commission/Allemagne ( 34 ). Dans cette affaire, la Commission avait engagé une procédure d’infraction contre la République fédérale d’Allemagne au motif, entre autres, que cet État membre avait apprécié de manière erronée certaines mesures au regard de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». Ces mesures portaient sur une passe de montaison installée à proximité de la centrale de Moorburg et destinée à compenser les poissons tués lors de l’exploitation de la centrale qui puisait de grandes quantités d’eau dans une rivière proche. Cette rivière constituait un itinéraire migratoire pour plusieurs espèces de poissons couvertes par plusieurs zones Natura 2000 situées en amont et dont les objectifs de conservation couvraient ces espèces.

67.

Dans l’arrêt précité, la Cour a jugé que la passe de montaison visait à augmenter les stocks de poissons migrateurs en permettant à ces espèces d’atteindre plus rapidement leurs aires de reproduction et devait ainsi compenser la mort des poissons près de la centrale de Moorburg, de sorte que les objectifs de conservation des zones Natura 2000 situées en amont de cette centrale ne seraient pas affectés de manière significative. La Cour a procédé à cette appréciation sans se fonder sur des objectifs de conservation quantifiés ( 35 ).

68.

En outre, la jurisprudence comporte d’autres exemples illustrant que la Cour a pu apprécier si les obligations prévues à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » étaient remplies en l’absence d’objectifs de conservation quantifiés ( 36 ).

69.

Par conséquent, je suis d’avis que l’argumentation de la Commission fondée sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » ne permet pas d’étayer l’affirmation selon laquelle les objectifs de conservation doivent toujours être quantifiés.

d) Les arguments de la Commission tirés d’exemples d’autres États membres

70.

Enfin, la Commission fait valoir que son insistance sur la quantification n’est pas déraisonnable parce qu’il existe des États membres qui fixent des objectifs de conservation quantifiés, en citant des exemples provenant de Belgique, de Bulgarie, de Lituanie et de Roumanie ( 37 ).

71.

La République fédérale d’Allemagne répond à cette argumentation en affirmant que les exemples choisis sont anecdotiques et ne démontrent pas une approche générale dans la fixation d’objectifs de conservation. Elle souligne également que les États membres concernés font partie des États contre lesquels la Commission poursuit des procédures d’infraction pour violation alléguée de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

72.

Selon moi, on ne saurait tirer de la pratique des États membres une conclusion quant aux exigences imposées par la directive « habitats ». Dès lors, l’argumentation de la Commission est dénuée de pertinence.

e) Sur les arguments de la République fédérale d’Allemagne selon lesquels une approche quantitative ne peut pas être imposée de manière générale

73.

Selon la République fédérale d’Allemagne, s’il est possible d’effectuer une détermination quantitative des objectifs de conservation pour certains types d’habitats et certaines espèces, cette détermination n’est pas appropriée en tant que critère général. Cet État membre avance trois raisons pour étayer ce point.

74.

La première raison est qu’une approche purement quantitative, fondée sur la zone des types d’habitats, ne saurait refléter l’état de ces zones. Par exemple, la République fédérale d’Allemagne explique qu’une augmentation de 10 % de la zone couverte par le type d’habitat (6510) Prairies maigres de fauche de basse altitude, invoquée par la Commission, pourrait révéler une amélioration de l’état de conservation, mais que, dans le même temps, l’état des zones existantes pourrait se détériorer. Par conséquent, l’objectif de conservation quantifié ne démontrerait pas en soi si l’état favorable du site est atteint.

75.

La deuxième raison est qu’une approche quantitative n’est pas adaptée à des types d’habitats complexes ou à des zones de conservation à caractère dynamique (où certains éléments des habitats complexes ou différents types d’habitats au sein d’une zone de conservation changent constamment dans leur nature et interagissent entre eux). Les objectifs quantitatifs de conservation ne peuvent pas refléter de manière adéquate cette évolution souhaitée et ne sont pas compatibles avec l’état de conservation des sites dans leur ensemble, étant donné que ces évolutions et leur incidence sur l’état de conservation ne peuvent pas être calculées, mais doivent être considérées de manière qualitative.

76.

La troisième raison est que des objectifs quantitatifs de conservation relatifs aux ZSC individuels pourraient ne pas respecter la cohérence du réseau Natura 2000 et ne pas tenir compte de l’existence de liens écologiques au sein de ce réseau.

77.

À cet égard, la République fédérale d’Allemagne fournit un exemple. L’Oenanthe conioides, l’espèce végétale endémique de l’estuaire de l’Elbe – qui est un habitat complexe hautement dynamique –, est une plante pionnière qui colonise des zones ouvertes en fonction des marées. Cela entraîne d’importantes fluctuations de la population dans l’évolution naturelle de l’espèce, sans mettre en péril son état de conservation, de sorte que le fait de ne pas atteindre les valeurs de référence des sites ne signifie pas nécessairement que des mesures doivent être prises en faveur de l’espèce. En outre, l’aire de répartition de cette espèce s’étend sur plusieurs ZSC interconnectées et dont les populations interagissent. L’évolution de l’espèce est dynamique non seulement au sein d’une ZSC, mais également entre les différentes ZSC pour lesquelles cette espèce présente un intérêt. La contribution quantitative de chaque ZSC à la conservation de l’espèce dans son ensemble est également sujette à des variations considérables, sans que l’état de conservation varie globalement. Ainsi, la contribution de chaque ZSC à la conservation de l’espèce ne peut être déterminée à long terme que de manière qualitative.

78.

Je considère que les arguments de la République fédérale d’Allemagne sont convaincants. Les différences entre les habitats et les espèces protégés par la directive « habitats » nécessitent une approche souple et un choix au cas par cas des objectifs de conservation appropriés adaptés aux besoins du site particulier. Les objectifs de conservation doivent parfois être quantifiés, mais ne peuvent parfois être fixés qu’en termes qualitatifs. Par conséquent, je propose que la Cour rejette la position de la Commission selon laquelle il y a lieu de quantifier les objectifs de conservation pour chaque type d’habitat et chaque espèce.

79.

En conclusion, je considère que l’allégation de la Commission selon laquelle la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en fixant des objectifs de conservation qui ne sont pas quantifiés comme étant dénuée de fondement parce que la directive « habitats » n’exige pas que les objectifs de conservation soient toujours quantifiés.

2. Sur l’allégation selon laquelle les objectifs de conservation doivent opérer une distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés

80.

La Commission allègue qu’il existe de nombreux sites pour lesquels les objectifs de conservation ne font pas de distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés présents sur le site ( 38 ).

81.

Selon la Commission, pour être conformes à la directive « habitats », les objectifs de conservation doivent distinguer selon qu’ils visent au maintien ou au rétablissement dans un état de conservation favorable des habitats et des espèces couverts par une ZSC.

82.

La Commission s’appuie sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle les objectifs de conservation doivent être suffisamment spécifique, concluant ainsi que la spécificité rend nécessaire une différenciation entre le maintien et le rétablissement. Elle s’appuie en outre sur le libellé de la directive « habitats ». À cet égard, la Commission souligne qu’une telle distinction est reprise dans toute la directive « habitats » et qu’elle est essentielle pour établir les mesures de conservation nécessaires à mettre en œuvre sur la base de ces objectifs en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », et pour évaluer si un plan ou un projet est susceptible d’affecter un site de manière significative en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive. Enfin, la Commission invoque un exemple émanant d’un autre État membre ( 39 ).

83.

Sur la base de son interprétation selon laquelle les objectifs de conservation doivent établir une distinction claire entre le maintien et le rétablissement, la Commission conclut que les objectifs de conservation qui ne comportent pas une telle distinction, ce qui est systématiquement le cas en Allemagne, ne sont pas conformes à la directive « habitats ».

84.

La République fédérale d’Allemagne conteste l’interprétation de la Commission. Même si cet État membre convient que des objectifs de conservation clairs et univoques doivent être fixés pour chaque ZSC, il fait valoir que la question de savoir si ces objectifs sont atteints par le maintien ou par le rétablissement des intérêts protégés dépend de l’état réel de la ZSC. Les mesures de maintien ou de rétablissement doivent être mises en œuvre en fonction de la manière dont se développe, dans chaque cas, l’état réel d’un type d’habitat ou d’une espèce.

85.

La République fédérale d’Allemagne considère qu’il n’y a aucune raison d’établir une distinction entre le maintien et le rétablissement lorsque l’on indique les objectifs de conservation, mais qu’il convient plutôt de définir un objectif qualitatif ou quantitatif, de sorte que l’objectif de conservation vise le rétablissement tant que cet objectif n’est pas encore atteint et au maintien de cet état cible dès qu’il est atteint.

86.

Cet État membre ajoute que si, selon la Commission, il y a lieu de distinguer les objectifs de conservation selon qu’ils doivent être atteints par le maintien ou le rétablissement des intérêts protégés, il faudrait alors, à chaque changement du degré de conservation dans une ZSC, modifier l’objectif de conservation correspondant pour chaque type d’habitat et chaque espèce. En particulier, dans les habitats dynamiques, tels que l’estuaire de l’Elbe où est présente l’espèce végétale Oenanthe conioides, mentionnée par la Commission, les objectifs de conservation pourraient devoir être adaptés à plusieurs reprises en fonction de l’évolution des conditions environnementales. Il pourrait en résulter une situation dans laquelle aucun objectif de conservation visant le maintien ne serait fixé entre-temps, mais uniquement des objectifs de conservation visant au rétablissement, ou vice versa. La position adoptée par la Commission pourrait donc entraîner des lacunes dans le niveau de protection.

87.

La République fédérale d’Allemagne rejette également l’argumentation de la Commission fondée sur le libellé de la directive « habitats ». En particulier, le fait qu’il existe une dichotomie entre l’objectif de maintien et l’objectif de rétablissement qui sous-tend l’ensemble du texte de cette directive n’est pas invoqué à l’encontre de la pratique allemande, l’état cible obligatoire devant à tout moment être soit maintenu, soit rétabli. Il ne semble pas non plus qu’il y ait lieu de distinguer le maintien du rétablissement ; une lecture combinée du huitième considérant et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive « habitats » montre qu’il existe un seul critère variable : l’objectif est généralement un état de conservation favorable, et les mesures de maintien ou de rétablissement sont fondées sur des circonstances profondément modifiées dans chaque cas particulier.

88.

En ce qui concerne l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », la République fédérale d’Allemagne convient que les mesures de conservation qui visent à maintenir l’état de l’intérêt protégé sont différentes de celles qui visent à le rétablir. Toutefois, aucune conclusion ne peut en être tirée quant aux exigences auxquelles doivent répondre les objectifs de conservation. Quant aux arguments tirés de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », la question de savoir si un plan ou un projet proposé est susceptible d’affecter un site de manière significative dépend des conditions concrètes prévalant sur celui-ci au moment de l’évaluation, et non pas du choix formel effectué dans le passé, attribuant aux objectifs de conservation de ce site le maintien ou le rétablissement de celui-ci. En effet, la République fédérale d’Allemagne soutient encore, dans ce contexte, que la Cour n’a rien constaté d’erroné dans la formulation d’un objectif de conservation ne comportant pas une telle distinction ( 40 ).

89.

La directive « habitats » impose-t-elle aux États membres de faire une distinction entre la nécessité de maintenir et la nécessité de rétablir les objectifs de conservation d’une ZSC lorsqu’ils expriment les objectifs de conservation ?

90.

Tout d’abord, à l’instar de ce que j’ai indiqué à propos de la question de savoir si les objectifs de conservation doivent être quantifiés (voir points 51 et 52 des présentes conclusions), la jurisprudence de la Cour impliquant que les objectifs de conservation doivent être suffisamment précis n’a pas abordé la question de savoir si cela signifie que de tels objectifs doivent opérer une distinction entre le maintien et le rétablissement. La Commission ne saurait, dès lors, se fonder sur cette jurisprudence pour étayer sa position sur la nécessité d’une telle différenciation. En outre, les arguments tirés de la pratique dans un État membre sont dénués de pertinence, ainsi qu’il a déjà été expliqué au point 72 des présentes conclusions.

91.

Cela étant dit, je tiens à souligner que, comme l’indique l’article 2, paragraphe 1 de la directive « habitats », l’objectif général de cette directive est le maintien de la biodiversité. Cela est également exprimé dans son préambule :

« considérant que le but principal de la présente directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle contribue à l’objectif général, d’un développement durable ; que le maintien de cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines. » ( 41 )

92.

La préservation de la biodiversité nécessitera donc des actions différentes, selon que l’état de conservation de certains habitats ou de certaines espèces est favorable ou non. En résumé, l’état d’un habitat ou d’une espèce est favorable lorsqu’il n’a pas besoin d’une action humaine pour survivre dans un avenir prévisible ( 42 ). Lors de l’établissement des ZSC, les États membres doivent être clairs sur leur objectif quant à l’effort plus général de préservation de la biodiversité, et sur l’état (favorable ou non) des habitats et des espèces qui ont motivé le choix de cette zone spécifique pour participer à Natura 2000. Je peux donc convenir avec la République fédérale d’Allemagne que les objectifs de conservation d’une ZSC doivent exprimer des objectifs (qualitatifs ou quantitatifs), qui traduisent l’état de conservation favorable de l’habitat et des espèces qu’elle couvre.

93.

Si l’état de conservation est favorable, la réalisation de ces objectifs ne nécessitera souvent aucune action humaine (sauf une surveillance visant à s’assurer que la tendance positive se poursuit). Toutefois, il semble que de nombreux ZSC n’atteignent pas un état de conservation favorable des habitats et des espèces qu’ils couvrent ( 43 ). Dans le même temps, un état de conservation favorable pourrait changer en raison d’un événement (naturel ou d’origine humaine) qui provoque sa détérioration (par exemple, une sécheresse grave sur une longue période ou un rejet d’hydrocarbures dans un fleuve). Dans un tel cas, la réalisation des objectifs nécessitera des mesures humaines actives. Ainsi, les mesures de conservation nécessaires pour atteindre le même objectif pourraient, parfois, viser le maintien et, d’autre fois, le rétablissement. La fixation des objectifs qui, lorsqu’ils sont atteints, démontrent que l’état de conservation est favorable, permet l’adoption de mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs.

94.

Alors que les objectifs restent inchangés (ou pourraient nécessiter d’être légèrement modifiés au fil du temps), les mesures doivent être constamment adaptées et viser soit le maintien, soit le rétablissement. À mon avis, l’expression « objectifs de conservation » expriment les objectifs à atteindre au sein d’une ZSC. Les objectifs de conservation ne doivent donc pas être fixés en termes de maintien ou de rétablissement.

95.

Les autorités chargées de la gestion d’une ZSC doivent savoir à tout moment si la réalisation des objectifs de conservation nécessite soit des mesures de maintien, soit des mesures de rétablissement plus actives, et doivent ajuster les mesures de conservation en conséquence. Selon moi, il est pertinent d’opérer une distinction entre le maintien et le rétablissement au niveau des mesures de conservation et non au niveau des objectifs de conservation. Une telle interprétation permet d’opérer une distinction entre les notions d’objectifs de conservation et de mesures de conservation. Les objectifs de conservation sont dans cette optique des objectifs stables fixés pour les habitats et les espèces au sein d’une ZSC, et les mesures de conservation constituent une catégorie dynamique, qui doit être constamment adaptée en fonction de l’état de conservation réel d’une ZSC. Dans le cas contraire, la différence entre les objectifs de conservation et les mesures de conservation n’est plus qu’une différence de degrés, qui rend inutile l’utilisation des deux notions.

96.

La pratique allemande, qui fixe un état cible d’un habitat ou d’une espèce et oblige les autorités à atteindre cet état au cas par cas par des mesures de maintien ou de rétablissement, satisfait à la directive « habitats », et notamment à l’objectif énoncé à son article 2, paragraphe 2, d’assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats et des espèces.

97.

En conclusion, je considère que le grief de la Commission selon lequel la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en fixant des objectifs de conservation qui n’opère pas de distinction entre le maintien et le rétablissement des intérêts protégés présents sur le site est dénué de fondement, car la directive « habitats » n’impose pas aux États membres de procéder à une telle distinction au niveau des objectifs de conservation.

3. Sur l’allégation de caractère contraignant des objectifs de conservation à l’égard des tiers

98.

La Commission allègue qu’il existe des sites pour lesquels les objectifs de conservation qui sont précisés au niveau des plans de gestion ne sont pas contraignants à l’égard des tiers ( 44 ).

99.

La Commission estime que l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » exige que les objectifs de conservation soient définis dans des actes qui lient non seulement les autorités nationales compétentes sur le plan interne, mais également les tiers.

100.

La République fédérale d’Allemagne conteste cette position. Selon elle, les objectifs de conservation, par leur nature même d’« objectifs », ne sont pas conçus pour être imposés à des tiers, mais sont mis en œuvre par les autorités compétentes.

101.

Néanmoins, cet État membre explique que, dans un premier temps, des objectifs de conservation propres au site sont définis par des dispositions législatives ou réglementaires par lesquelles les ZSC sont désignées et ont donc incontestablement un caractère contraignant à l’égard des tiers. Ensuite, dans un second temps, les mesures de conservation et, le cas échéant, des objectifs de conservation plus spécifiques sont définis de manière plus détaillée dans le cadre des plans de gestion et de développement, qui sont également indirectement contraignants à l’égard des tiers.

102.

La Commission ne réfute pas les arguments de la République fédérale d’Allemagne selon lesquels les objectifs de conservation du site sont énoncés dans des actes juridiques qui sont généralement contraignants à l’égard des tiers. Toutefois, la Commission considère que les objectifs de conservation plus détaillés fixés dans les plans de gestion ne sont pas juridiquement contraignants mais devraient l’être.

103.

Selon la République fédérale d’Allemagne, les mesures de maintien ou de rétablissement élaborées conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », nécessaires pour atteindre les objectifs de conservation, pourraient devoir être mises en œuvre par des tiers. Dans ce cas, les plans de gestion et de développement ne contiennent pas en eux-mêmes les dispositions nécessaires, mais nécessitent la conclusion ou l’adoption d’autres instruments, tels que des contrats ou des mesures réglementaires supplémentaires. Seuls ces contrats ou autres réglementations créeront alors l’obligation pour les tiers contractants d’exécuter ces mesures.

104.

Néanmoins, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, les objectifs de conservation précisés de manière plus détaillée par les plans de gestion et de développement sont indirectement contraignants à l’égard des tiers en ce que, d’une part, ces parties ne peuvent mettre en œuvre aucun plan ou projet ni aucune autre action susceptible de compromettre les objectifs de conservation ( 45 ) et où, d’autre part, les propriétaires fonciers de zones situées dans une ZSC doivent tolérer des mesures de maintien et de rétablissement ( 46 ).

105.

Selon moi, les objectifs de conservation, par leur nature même d’« objectifs », sont conçus pour continuer à être mis en œuvre, ce qui doit être assuré par les autorités compétentes. La jurisprudence de la Cour selon laquelle la désignation des sites doit être contraignante ( 47 ) ne saurait être comprise comme une exigence qu’un tel acte de désignation impose à des tiers des obligations actives concrètes. Toutefois, comme l’a expliqué la République fédérale d’Allemagne, les objectifs de conservation limitent la liberté des tiers de prendre des mesures privées contraires à ces objectifs et imposent aux tiers de tolérer des mesures actives prises dans le but de réaliser ces objectifs. Une fois que les objectifs de conservation sont mis en œuvre au moyen de mesures, ces mesures peuvent créer des obligations concrètes pour les tiers (par exemple, l’interdiction de pénétrer dans certaines parties d’une forêt), si cela est nécessaire pour atteindre l’objectif reflétant l’état de conservation favorable.

106.

En conclusion, je considère que la Commission n’a pas démontré que la République fédérale d’Allemagne a enfreint l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en ne fixant pas d’objectifs de conservation dans des actes contraignants à l’égard des tiers.

107.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le deuxième grief soulevé par la Commission, selon lequel la République fédérale d’Allemagne a violé de manière générale et persistante l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en fixant des objectifs de conservation qui ne satisfont pas aux exigences légales de cette disposition, ne saurait être accueilli ( 48 ).

V. Conclusion

108.

Eu égard aux considérations qui précèdent et sans préjudice de l’examen des autres griefs soulevés dans la présente affaire, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

constater que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, telle que modifiée en dernier lieu par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013, en n’ayant pas fixé d’objectifs de conservation pour 88 des 4606 sites en question ;

rejeter pour le surplus le deuxième grief soulevé par la Commission européenne.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Clay, J., (dir.), Breaking Boundaries : The Science of Our Planet, Documentaire original de Netflix (narrateurs : Attenborough, D. et Rockström, J.), 2021.

( 3 ) Directive du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7) telle que modifiée en dernier lieu par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive “habitats” »).

( 4 ) C‑290/18, non publié, EU:C:2019:669.

( 5 ) C‑849/19, non publié, EU:C:2020:1047.

( 6 ) C‑444/21, EU:C:2023:90.

( 7 ) Voir affaire C‑85/22, Commission/Bulgarie, pendante devant la Cour.

( 8 ) La Commission a indiqué dans sa requête dans la présente affaire qu’il existait des procédures d’infraction de même type concernant la Belgique, l’Espagne, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie.

( 9 ) Les régions mentionnées font partie du réseau Natura 2000. Voir, également, points 21 à 23 des présentes conclusions.

( 10 ) Décision 2004/69/CE de la Commission, du 22 décembre 2003, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine (JO 2004, L 14, p. 21) ; décision 2004/813/CE de la Commission, du 7 décembre 2004, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique (JO 2004, L 387, p. 1) ; décision 2004/798/CE de la Commission, du 7 décembre 2004, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], la liste des [sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO 2004, L 382, p. 1). Le délai de six ans prévu aux fins de la désignation de ces sites en tant que zones spéciales de conservation conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » a expiré le 22 décembre 2009 pour la région biogéographique alpine et le 7 décembre 2010 pour les régions biogéographiques atlantique et continentale.

( 11 ) Décision 2008/218/CE de la Commission, du 25 janvier 2008, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine (JO 2008, L 77, p. 106) ; décision 2008/23/CE de la Commission, du 12 novembre 2007, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], une première liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique (JO 2008, L 12, p. 1) ; décision 2008/25/CE de la Commission, du 13 novembre 2007, arrêtant, en application de la [directive « habitats »], une première liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO 2008, L 12, p. 383). Le délai de six ans aux fins de la désignation de ces sites supplémentaires en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » a expiré le 25 janvier 2014 pour la région biogéographique alpine, le 12 novembre 2013 pour la région biogéographique atlantique et le 13 novembre 2013 pour la région biogéographique continentale. Ainsi, en considérant la première de ces décisions, le délai de six ans prévu à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » pour les sites supplémentaires a expiré le 25 janvier 2014 au plus tard.

( 12 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:90, points 25 à 28).

( 13 ) Voir article 3, paragraphe 1, ainsi que sixième et septième considérants de la directive « habitats ».

( 14 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la « directive “oiseaux” »), qui a abrogé la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1).

( 15 ) À titre de curiosité, dans le processus décisionnel, le Parlement européen a proposé un amendement visant à l’appeler « Natura Semper », ce qui a échoué. Voir, à cet égard, avis du Parlement européen en première lecture de la proposition de directive du Conseil concernant la protection des habitats naturels et semi-naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, amendement no 13 (JO 1990, C 324, p. 26).

( 16 ) Voir, notamment, rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, « État de conservation de la nature dans l’Union européenne – Rapport relatif à l’état de conservation des espèces et des habitats protégés au titre des directives “oiseaux” et “habitats” et aux tendances observées au cours de la période 2013–2018 » [COM(2020) 635 final], Bruxelles, 15 octobre 2020 (ci-après le « rapport de la Commission »), p. 1.

( 17 ) Voir, entre autres, Commission, « Natura 2000 dans la région alpine », Office des publications des Communautés européennes, Luxembourg, 2005 ; Agence européenne de l’environnement, « Biogeographical regions in Europe : The Alpine region – mountains of Europe », 2008, disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.eea.europa.eu/publications/report_2002_0524_154909/biogeographical-regions-in-europe.

( 18 ) Voir, entre autres, Commission, « Natura 2000 dans la région atlantique », Office des publications des Communautés européennes, Luxembourg, 2009.

( 19 ) Voir, entre autres, Commission, « Natura 2000 dans la région continentale », Office des publications des Communautés européennes, 2005.

( 20 ) C‑444/21, EU:C:2023:90, points 29 à 53.

( 21 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:90, point 9).

( 22 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, non publié, EU:C:2020:1047, point 52).

( 23 ) Voir arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 54).

( 24 ) Les objectifs de conservation sont également mentionnés aux huitième et dixième considérants de la directive « habitats ».

( 25 ) Conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires CFE et Terre wallonne (C‑43/18 et C‑321/18, EU:C:2019:56, point 76).

( 26 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, non publié, EU:C:2020:1047, point 53).

( 27 ) Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour. Voir, notamment, arrêts du 11 septembre 2001, Commission/Allemagne (C‑71/99, EU:C:2001:433, point 29), et du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, non publié, EU:C:2020:1047, point 56).

( 28 ) Dans ses écritures devant la Cour, la Commission cite deux exemples : 1°) en ce qui concerne les sites où le type d’habitat (6510) Prairies maigres de fauche de basse altitude (Alopecurus pratensis, Sanguisorba officinalis) est présent, le Land de Bavière fixe l’objectif de conservation suivant : « Garantir un état de conservation favorable par le maintien, ou si nécessaire le rétablissement, d’un équilibre favorable des nutriments pour ce type d’habitat et une gestion appropriée au site existant. » ; et 2°) en ce qui concerne la moule fluviale épaisse (Unio crassus), le Land de Bade‑Wurtemberg fixe dans un site particulier l’objectif de conservation suivant : « Entretien de flux et fossés riches en structures, avec un flux permanent, modéré à fort, avec une substrat à graver, bien fournie en oxygène – Maintien d’un très bon état ou potentiel chimique et écologique des eaux sans pollution nocive des sédiments fins ou des nutriments – Maintien de cours d’eau continus avec des populations de poissons hôtes suffisamment importantes – Maintien de l’espèce également en vue d’un entretien approprié des cours d’eau. »

( 29 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020 (C‑849/19, non publié, EU:C:2020:1047, notamment points 57 à 59).

( 30 ) Dans sa note de 2012 sur la fixation d’objectifs de conservation pour les sites Natura 2000, disponible à l’adresse Internet : https://ec.europa.eu/environment/nature/natura2000/management/docs/commission_note/commission_note2_FR.pdf, p. 7, la Commission indique : « Les objectifs de conservation pour les sites Natura 2000 doivent être aussi clairs et directs que possible et permettre la mise en place de mesures de conservation opérationnelles dans la pratique. Ils doivent être spécifiés en termes concrets et, chaque fois que cela est possible, être quantifiables en chiffres et/ou en taille. » (italique ajouté par mes soins). Il semble donc que la Commission elle-même ne considère pas que les objectifs de conservation doivent toujours être exprimés en chiffres.

( 31 ) Voir, en ce sens, Stahl, L., « The concept of “conservation objectives” in the Habitats Directive : a need for a better definition ? », dans Born, C.-H., Cliquet, A., Schoukens, H., Misonne, D., et Van Hoorick, G. (éd.), The Habitats Directive in its EU Environmental Law Context : European Nature’s Best Hope ?, Routledge, Londres, 2015, p. 56, plus spécialement p. 63.

( 32 ) Voir article 1er, sous e) et i), de la directive « habitats ».

( 33 ) C‑444/21, EU:C:2023:90, point 87.

( 34 ) C‑142/16, EU:C:2017:301, notamment points 6 à 9 ainsi que point 14.

( 35 ) Néanmoins, la Cour a constaté que l’analyse d’impact réalisée par les autorités allemandes ne contenait pas de données définitives concernant l’efficacité de la passe de montaison et s’est limitée à indiquer que son efficacité ne pouvait être confirmée qu’après plusieurs années de surveillance. Ainsi, au moment de l’octroi de l’autorisation, la passe de montaison ne pouvait garantir, au-delà de tout doute raisonnable, que, conjointement avec d’autres mesures, l’installation ne porterait pas atteinte à l’intégrité du site. Il s’ensuit que, en autorisant la construction de cette installation, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». Voir arrêt du 26 avril 2017, Commission/Allemagne (C‑142/16, EU:C:2017:301, notamment points 36 à 38 ainsi que point 45).

( 36 ) Voir, entre autres, arrêt du 11 avril 2013, Sweetman e.a. (C‑258/11, EU:C:2013:220, point 45), dans lequel la Cour a jugé que « l’objectif de conservation correspond ainsi au maintien dans un état de conservation favorable des caractéristiques constitutives dudit site, à savoir la présence de pavement calcaire ». Voir également, notamment, arrêts du 13 décembre 2007, Commission/Irlande (C‑418/04, EU:C:2007:780, point 259) ; du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 101) ; du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330, point 22), et du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 157).

( 37 ) Dans ses écritures devant la Cour, la Commission invoque les exemples suivants : 1°) en Belgique, la Région flamande a fixé une valeur de référence de 2150 hectares supplémentaires pour le type d’habitat (1130) Estuaires afin d’atteindre un état de conservation favorable, qui se traduit par des objectifs de conservation quantifiés et, dans un site, pour le type d’habitat (9120) Hêtraies acidophiles atlantiques à sous-bois à Ilex et parfois à Taxus (Quercion robori‑petraeae ou Ilici-Fagenion), il est précisé qu’en plus des 4 hectares existants de ce type d’habitat, 13 hectares sont requis ; 2°) la Bulgarie prévoit un site pour lequel le type d’habitat (prioritaire) (1530) Steppes salées et marais salés pannoniques doit être présent de manière permanente sur le site sur une superficie d’au moins 29,51 hectares ; 3°) la Lituanie a fixé, pour un site, l’objectif quantifié de conservation qui consiste à rétablir dans un état de conservation favorable au moins 17,1 hectares pour le type d’habitat 6450 – Prairies alluviales nord-boréales et, pour les espèces (prioritaires), le scarabée pique-prune (Osmoderma eremita), a fixé un objectif de conservation afin de lui garantir un habitat approprié sur le site d’au moins 0,9 hectare ; et 4°) la Roumanie a fixé pour un site un objectif de conservation pour le type d’habitat (3220) Rivières alpines avec végétation ripicole herbacée d’au moins 10 hectares sur la base de l’état actuel de 1 à 2 hectares, et, pour l’espèce de coléoptères Morimus funereus, a fixé une valeur cible de 10000 à 50000 individus, sur la base de 5000 à 10000 individus actuellement, et estime qu’une superficie d’habitat de 68800 hectares (contre seulement 13765 hectares à l’heure actuelle) est nécessaire pour atteindre cette taille de population.

( 38 ) Dans ses écritures devant la Cour, la Commission fournit trois exemples : 1°) pour le type d’habitat (6210), Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaires (Festuco-Brometalia), les autorités bavaroises ont fixé l’objectif de conservation : « maintien, et si nécessaire rétablissement, de prairies calcaires sèches à proximité de plantes boisées naturelles et largement exemptes » ; 2°) en Brandebourg, l’objectif de conservation du type d’habitat (6240) Prairies steppiques subpannoniques pour un même site est fixé comme suit : « maintien et rétablissement de prairies semi‑sèches et de steppe riches en termes structurels et spéciaux » ; et 3°) en Basse-Saxe, dans un seul site, les objectifs de conservation pour le type d’habitat (91D0) Tourbières boisées sont « le maintien et le rétablissement d’un état de conservation favorable ».

( 39 ) Dans ses écritures devant la Cour, la Commission se réfère à un exemple de la Région wallonne (Belgique), qui a fixé comme objectif de conservation pour le type d’habitat (5110) Formations stables xérothermophiles à Buxus sempervirens des pentes rocheuses (Berberidion p.p.) qu’il ne devrait être « maintenu » que parce que ni son étendue ni son environnement de qualité ne devraient être augmentés, tandis que, pour le type d’habitat (6210) Pelouses sèches semi‑naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaires (Festuco-Brometalia), 150 hectares et la qualité écologique doivent être « rétablis ».

( 40 ) La République fédérale Allemagne se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman (C‑164/17, EU:C:2018:593, point 36), dans lequel la Cour a considéré que « l’objectif de conservation de la ZPS est de maintenir ou de rétablir des conditions de conservation favorables au busard Saint-Martin. Plus particulièrement, c’est en offrant à l’espèce protégée un habitat comportant une zone d’alimentation que la ZPS permet de réaliser cet objectif ». En définitive, la Cour a jugé que le projet proposé en cause dans cette affaire ne répondait pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » (voir points 42 à 57 de cet arrêt).

( 41 ) Italique ajouté par mes soins.

( 42 ) À cet égard, l’article 1er, sous e), de la directive « habitats » explique ce qu’il faut entendre par état de conservation favorable d’un habitat, et son article 1er, sous i), définit quand un état de conservation favorable d’une espèce peut être considéré comme existant.

( 43 ) Voir, par exemple, document de travail des services de la Commission, « Fitness Check of the EU Nature Legislation (Birds and Habitats Directives) » [SWD(2016) 472 final], Bruxelles, 16 décembre 2016, en particulier points 5.5, 6.1.1 et 7 ; rapport de la Commission, cité dans la note en bas de page 16 des présentes conclusions, en particulier points 2, 3 et 6.

( 44 ) Dans ses écritures devant la Cour, la Commission fournit trois exemples : 1°) l’article 4, paragraphe 2, du règlement Natura 2000 bavarois dispose que les plans de gestion ne créent pas d’obligations pour les propriétaires fonciers et les titulaires de permis de pâturage privés, et le plan de gestion intégré de l’estuaire de l’Elbe dispose qu’il n’impose aucune obligation directe aux particuliers ; 2°) le site web pertinent du Land de Saxe indique que les dispositions des plans de gestion ne sont pas contraignantes pour les particuliers et que les plans de gestion ne sont contraignants que pour les autorités chargées de la protection de la nature, tandis que, pour les autres autorités, ils doivent simplement être consultés ou pris en considération ; et 3°) le manuel de gestion des sites dans le Land de Brandebourg prévoit que les plans de gestion sont contraignants pour les autorités chargées de la conservation de la nature.

( 45 ) Cela est garanti par l’article 34 du Gesetz über Naturschutz und Landschaftspflege (Bundesnaturschutzgesetz) [loi sur la protection de la nature et la gestion du paysage (loi fédérale sur la protection de la nature)], du 29 juillet 2009 (BGBl. 2009 I, p. 2542), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « BNatSchG »), qui transpose en droit allemand l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

( 46 ) Cela est garanti par l’article 65 du BNatSchG.

( 47 ) Voir, à cet égard, arrêts du 27 février 2003, Commission/Belgique (C‑415/01, EU:C:2003:118, point 22), et du 14 octobre 2010, Commission/Autriche (C‑535/07, EU:C:2010:602, points 64 et 65).

( 48 ) Il n’est pas nécessaire d’analyser si le manquement présente un caractère général et persistant, les infractions individuelles n’ayant pas été établies en l’espèce. Sur la notion de manquement général et persistant, voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:90, points 103 à 107).

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