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Document 62021CO0480

Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 12 juillet 2022.
W O et J.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court (Irlande).
Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47, deuxième alinéa – Droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi – Défaillances systémiques ou généralisées – Examen en deux étapes – Critères d’application – Obligation de l’autorité judiciaire d’exécution de vérifier de manière concrète et précise s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen court, en cas de remise, un risque réel de violation de son droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.
Affaire C-480/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:592

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

12 juillet 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47, deuxième alinéa – Droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi – Défaillances systémiques ou généralisées – Examen en deux étapes – Critères d’application – Obligation de l’autorité judiciaire d’exécution de vérifier de manière concrète et précise s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen court, en cas de remise, un risque réel de violation de son droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi »

Dans l’affaire C‑480/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), par décision du 30 juillet 2021, parvenue à la Cour le 3 août 2021, dans la procédure relative à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis contre

W O,

J L,

en présence de :

Minister for Justice and Equality,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de la troisième chambre, et M. N. Piçarra, juge,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour W O, par M. T. Horan, BL, et M. P. McGrath, SC,

–        pour J L, par MM. M. Lynn, SC, K. Spencer, BL, et M. N. O’Connor, solicitor,

–        pour le Minister for Justice and Equality, par Mmes M. Browne, A.‑L. Carey, J. Quaney et M. G. Lynch, en qualité d’agents, assistés de M. R. Farrell, SC, Mme G. Mullan et M. B. Storan, BL,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Grünheid, K. Herrmann, MM. J. Tomkin et P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Irlande, d’une part, de quatre mandats d’arrêt européens émis par le Sąd Okręgowy w Lublinie (tribunal régional de Lublin, Pologne) et par le Sąd Okręgowy w Zamość (tribunal régional de Zamość, Pologne) ainsi que par un autre tribunal régional polonais, aux fins de l’exercice de poursuites pénales à l’égard de W O et de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce dernier et, d’autre part, d’un mandat d’arrêt européen émis par le Sąd Okręgowy w Rzeszów (tribunal régional de Rzeszów, Pologne), aux fins de poursuites pénales à l’égard de J L.

 Le cadre juridique

3        L’article 1er de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

4        Aux termes de l’article 15 de cette décision‑cadre, intitulé « Décision sur la remise » :

« 1.      L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.      Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3.      L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

5        W O et J L font l’objet de plusieurs mandats d’arrêt européens en vue de leur remise aux autorités judiciaires polonaises. W O fait l’objet de quatre mandats d’arrêt européens émis par le Sąd Okręgowy w Lublinie (tribunal régional de Lublin) et par le Sąd Okręgowy w Zamość (tribunal régional de Zamość) ainsi que par un autre tribunal régional polonais, aux fins de l’exercice de poursuites pénales et de l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée à son égard. J L fait, pour sa part, l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis par le Sąd Okręgowy w Rzeszów (tribunal régional de Rzeszów), aux fins de poursuites pénales.

6        La procédure ordinaire d’exécution des mandats d’arrêt européens visés au point précédent a été appliquée à l’égard des requérants au principal. Le Minister for Justice and Equality (ministre de la Justice et de l’Égalité, Irlande) (ci-après le « ministre ») a saisi la High Court (Haute Cour, Irlande), sollicitant l’exécution de ces mandats d’arrêt européens. Cette juridiction a accueilli la demande du ministre et a ordonné la remise des requérants au principal. Ces derniers ont demandé, et obtenu, une autorisation pour former un pourvoi devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

7        Cette juridiction indique que l’argument central des requérants au principal est que la situation en Pologne a changé depuis le prononcé de l’arrêt de la Supreme Court (Cour suprême) rendu à la suite du prononcé de l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586), en raison, notamment, de l’adoption de l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 20 décembre 2019 (Dz. U. de 2020, position 190), entrée en vigueur le 14 février 2020 (ci-après la « loi de 2020 »). Il existerait, depuis l’adoption de la loi de 2020, un risque que les juridictions polonaises qui examineront leur cause ne soient pas constituées conformément aux exigences d’indépendance, telles que posées dans l’arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153). En outre, ils font valoir qu’aucun mécanisme en Pologne ne leur permet de contester cette illégalité.

8        Selon eux, les arrêts du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586), ainsi que du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) (C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, EU:C:2020:1033), ne sont pas pertinents en l’occurrence, dès lors que ces arrêts portaient uniquement sur la question de l’indépendance des juridictions polonaises concernées, laquelle est une question distincte de celle de savoir si ces juridictions sont établies préalablement par la loi, au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

9        Or, selon les requérants au principal, si lesdites juridictions n’étaient pas établies par la loi, il n’y aurait pas lieu de déterminer si les mêmes juridictions sont indépendantes ou impartiales. Dans ces circonstances, la High Court (Haute Cour) n’aurait pas à examiner la situation personnelle, la nature de l’infraction concernée ni le contexte factuel dans lequel les mandats d’arrêt européens concernés ont été émis, puisque de telles questions seraient extérieures à celle préalable de savoir si les juridictions polonaises concernées sont établies par la loi.

10      Pour sa part, le ministre soutient que les requérants au principal demandent à la juridiction de renvoi de les dispenser de la seconde étape de l’examen issu de l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586), qui consiste à déterminer s’il existe des circonstances spécifiques et précises qui font naître un risque réel de violation d’un droit protégé par la Charte. Cependant, les requérants au principal n’invoqueraient aucun motif permettant de conclure que le droit à un recours effectif devrait être traité différemment des autres droits et qui justifierait de s’écarter de la jurisprudence issue de cet arrêt. En outre, il existerait des motifs pour maintenir l’approche définie dans ledit arrêt. Par ailleurs, la distinction entre l’indépendance et la légalité de l’établissement d’une juridiction serait artificielle, dans la mesure où celles-ci constitueraient deux aspects différents du même droit consacré à l’article 47 de la Charte, ainsi que la Cour l’aurait reconnu dans l’arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232).

11      La juridiction de renvoi précise que, dans le cadre de l’examen de l’affaire au principal, elle a tenu compte d’éléments de preuve relatifs notamment au droit polonais et, en particulier, à la loi de 2020, dont il ressortirait qu’il ne serait pas possible à ce stade de déterminer la composition des juridictions devant lesquelles les requérants au principal seront jugés en raison d’un système aléatoire d’attribution des affaires. En outre, elle indique que des informations supplémentaires au sujet de W O ont été sollicitées auprès de l’autorité judiciaire d’émission, laquelle aurait confirmé que, conformément à la loi de 2020, un recours contestant la composition d’une juridiction n’est pas examiné s’il porte sur l’établissement d’un tribunal conformément à la loi, sur l’appréciation de la légalité de la nomination du juge concerné ou encore sur la légitimité de ce dernier à exercer des fonctions dans le cadre du système juridictionnel.

12      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi, qui indique avoir une connaissance aiguë des défaillances systémiques de l’État de droit en Pologne depuis le prononcé de l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586), considère que la situation dans cet État membre est encore plus troublante et grave que celle qui prévalait lorsque la Cour a rendu cet arrêt.

13      Il apparaîtrait désormais qu’il existe des problèmes importants concernant la validité du système de nomination des juges en Pologne. Il serait impossible pour les requérants au principal d’identifier les juges devant lesquels ils seront jugés en raison de l’attribution aléatoire des affaires. Même s’ils pouvaient identifier ces juges et établir que ceux-ci n’ont pas été valablement nommés et qu’ils ne siègent par conséquent pas dans un tribunal préalablement établi par la loi, il ne serait pas possible pour ces requérants au principal de contester la validité de la composition de la juridiction désignée pour les juger en raison des dispositions de la loi de 2020. Cela étant, se poserait la question de savoir si les défaillances systémiques dans le système polonais sont telles qu’elles entraînent, en soi, une violation du contenu essentiel du droit à un procès équitable, exigeant de la part de l’autorité judiciaire d’exécution de refuser la remise en exécution des mandats d’arrêt européens concernés.

14      L’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C‑791/19, EU:C:2021:596), rendu après la tenue de l’audience devant la juridiction de renvoi, renforcerait les préoccupations de cette juridiction quant au respect de l’État de droit en Pologne et aux conséquences qui en découlent pour les particuliers attraits devant les juridictions de cet État membre.

15      Dans ces conditions, la Supreme Court (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’appliquer le critère établi dans [l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586),] et confirmé par [l’arrêt du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) (C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, EU:C:2020:1033),] lorsqu’il existe un risque réel que les parties requérantes seront jugées par des juridictions qui ne sont pas établies par la loi ?

2)      Convient-il d’appliquer le critère établi dans [l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586),] et confirmé par [l’arrêt du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) (C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, EU:C:2020:1033),] lorsqu’une personne cherchant à contester une demande dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ne peut satisfaire ce critère au motif qu’il n’est pas possible de déterminer, à ce moment-là, la composition des juridictions devant lesquelles elle sera jugée, en raison des modalités d’attribution aléatoire des affaires ?

3)      L’absence de recours effectif pour contester la validité de la nomination des juges en Pologne, dans des circonstances où il semble que les parties requérantes ne peuvent établir, à ce moment-là, que les juridictions devant lesquelles elles seront jugées seront composées de juges non valablement nommés est-elle constitutive d’une violation du contenu essentiel du droit à un procès équitable qui implique l’obligation pour l’État membre d’exécution de refuser la remise des parties requérantes ? »

 Sur la demande de procédure accélérée et la procédure devant la Cour

16      En premier lieu, la Supreme Court (Cour suprême) a demandé de soumettre sa demande de décision préjudicielle à une procédure accélérée en vertu de l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.

17      Au soutien de cette demande, premièrement, la Supreme Court (Cour suprême) indique que, bien que n’ayant pas été placés en détention, les requérants au principal font l’objet d’une ordonnance de maintien en liberté sous caution, ce qui équivaudrait à une restriction de leur liberté. Deuxièmement, les réponses aux questions posées seraient déterminantes pour décider de l’éventuelle remise en exécution des mandats d’arrêt européens concernés. La juridiction de renvoi ne pourrait rendre de décision définitive à ce sujet tant que la Cour ne s’est pas prononcée sur ces questions. Troisièmement, les réponses de la Cour pourraient être déterminantes pour apprécier si d’autres personnes que les requérantes au principal doivent faire l’objet d’une remise vers la Pologne en exécution de mandats d’arrêt européens. Une réponse en ce sens que de tels mandats d’arrêt européens ne devraient pas être exécutés pourrait conduire à une suspension de facto de l’application de la décision-cadre 2002/584 entre l’Irlande et la République de Pologne.

18      L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

19      Il importe de rappeler, à cet égard, qu’une telle procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire [arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a., C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 25 ainsi que jurisprudence citée].

20      En l’occurrence, par la décision du 8 septembre 2021, le président de la Cour a, la juge rapporteure et l’avocat général entendus, rejeté la demande tendant à ce que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée.

21      En effet, d’une part, il ne ressort pas des éléments fournis par la juridiction de renvoi que les requérants au principal se trouvent dans une situation d’urgence qui justifierait l’ouverture de la procédure accélérée. La circonstance qu’ils fassent l’objet d’une ordonnance de maintien en liberté sous caution n’est pas, à cet égard, suffisante.

22      En outre, le fait que la demande de décision préjudicielle concerne des procédures pénales et, de ce fait, exige une réponse donnée avec célérité aux fins de clarifier la situation juridique des personnes mises en cause dans le cadre des procédures au principal ne peut suffire, à lui seul, à justifier que ces affaires soient soumises à la procédure accélérée (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, point 117 ainsi que jurisprudence citée).

23      D’autre part, s’agissant de l’importance des questions préjudicielles pour la mise en œuvre de la décision-cadre 2002/584, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée. Il en va de même du nombre important d’affaires qui pourraient être suspendues dans l’attente de la décision de la Cour rendue sur le renvoi préjudiciel [arrêt du 8 décembre 2020, Staatsanwaltschaft Wien (Ordres de virement falsifiés), C‑584/19, EU:C:2020:1002, point 36 et jurisprudence citée].

24      Cela étant, au vu des éléments invoqués par la juridiction de renvoi, il a été décidé de faire bénéficier la présente affaire d’un traitement prioritaire, en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure.

25      En second lieu, par la décision du président de la Cour du 22 février 2022, le greffe de la Cour a notifié à la juridiction de renvoi l’arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, ci-après l’« arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) », EU:C:2022:100), au vu de la connexité entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à cet arrêt, lui demandant si elle souhaitait maintenir la demande de décision préjudicielle.

26      Par la lettre du 14 mars 2022, la juridiction de renvoi a répondu qu’elle retirait les première et deuxième questions, mais qu’elle maintenait la troisième question, sans toutefois indiquer les raisons d’un tel maintien.

27      Par la décision du président de la Cour du 18 mars 2022, le greffe de la Cour a demandé à la juridiction de renvoi d’indiquer les motifs pour lesquels elle estimait nécessaire de maintenir la troisième question.

28      Par la lettre du 22 mars 2022, la juridiction de renvoi a répondu que, au regard des circonstances particulières de l’espèce, l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) ne permettait pas de répondre complètement à cette question.

29      Tout en notant qu’une question analogue à la troisième question avait été posée dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la juridiction de renvoi estime que, en premier lieu, la question posée dans le cadre de cette affaire s’inscrivait dans un contexte différent de celui de la présente affaire du point de vue des éléments de preuve produits. En second lieu, la Cour n’aurait pas répondu dans le dispositif dudit arrêt à la question de l’absence de recours effectif. Dans ce contexte, elle ne perçoit pas clairement comment les éléments de preuve dont elle dispose peuvent intervenir dans le cadre de son appréciation, lorsque l’absence d’un recours effectif est en cause et qu’il apparaîtrait que la juridiction devant laquelle la personne est attraite n’a pas été préalablement établie par la loi.

30      Selon la juridiction de renvoi, en l’occurrence, la difficulté qu’elle rencontrerait réside dans le fait que les requérants au principal ne peuvent connaître la composition des juridictions devant lesquelles ils seront jugés et que les éléments du dossier indiquent que, lorsque cette composition sera connue, il ne sera pas possible pour eux de contester la validité de ladite composition de la juridiction désignée.

 Sur la question préjudicielle

31      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment décider, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

32      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

33      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen dispose d’éléments faisant état de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission, s’agissant notamment de la procédure de nomination des membres de ce pouvoir, cette autorité peut refuser cette remise, au motif qu’il existe, dans l’hypothèse d’une telle remise, un risque réel de violation du droit fondamental de cette personne à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, dès lors que :

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, une éventuelle violation de ce droit fondamental lors de la procédure qui a abouti à la condamnation de ladite personne n’est susceptible d’aucun recours juridictionnel effectif, et

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales, la personne concernée ne peut déterminer, au moment de cette remise, la composition des formations de jugement devant lesquelles elle sera jugée, en raison des modalités d’attribution aléatoire des affaires au sein des juridictions concernées, et qu’il n’existe pas, dans l’État membre d’émission, de recours effectif aux fins de contester la validité de la nomination des juges.

34      Aux points 40 à 46 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), la Cour a, en substance, tout d’abord rappelé les principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle sur lesquels repose le mécanisme du mandat d’arrêt européen établi par la décision-cadre 2002/584. Elle a ensuite décrit l’examen en deux étapes, au terme duquel l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser, sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 3, de cette décision-cadre, la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen au motif qu’il existe un risque réel que cette personne subisse, en cas de remise à l’autorité judiciaire d’émission, une violation de son droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi.

35      Dans le cadre de cet examen en deux étapes, dans un premier temps, l’autorité judiciaire d’exécution doit déterminer s’il existe des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés tendant à démontrer l’existence d’un risque réel de violation, dans l’État membre d’émission, du droit fondamental à un procès équitable garanti par cette disposition, en raison de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de cet État membre (première étape de l’examen) [voir, en ce sens, arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 52 et jurisprudence citée].

36      Dans un second temps, l’autorité judiciaire d’exécution doit vérifier, de manière concrète et précise, dans quelle mesure les défaillances constatées lors de la première étape sont susceptibles d’avoir une incidence au niveau des juridictions dudit État membre compétentes pour connaître des procédures dont la personne concernée fera l’objet et si, eu égard à la situation personnelle de cette personne, à la nature de l’infraction pour laquelle cette dernière est poursuivie et au contexte factuel dans lequel l’émission de ce mandat d’arrêt s’inscrit, et compte tenu des informations éventuellement fournies par le même État membre en application de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que ladite personne court un tel risque en cas de remise à ce dernier (seconde étape de l’examen) [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 53 et jurisprudence citée].

37      Aux points 55 à 65 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), la Cour a jugé que ledit examen en deux étapes s’appliquait dans l’hypothèse où est en cause, comme dans le litige au principal, la garantie inhérente au droit fondamental à un procès équitable consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, relative à un tribunal préalablement établi par la loi.

38      S’agissant de la mise en œuvre de la première étape du même examen, dans la mesure où, en substance, elle faisait l’objet des première et deuxième questions qui, ainsi qu’il ressort du point 26 de la présente ordonnance, ont été retirées par la juridiction de renvoi, il suffit de rappeler que la Cour a indiqué, au point 81 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution estime, au terme d’une appréciation globale et, en particulier, sur la base des éléments visés aux points 78 à 80 de cet arrêt, qu’il existe un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable, notamment lié à un manque d’indépendance des juridictions de l’État membre d’émission ou à une méconnaissance de l’exigence d’un tribunal établi préalablement par la loi, en raison de défaillances systémiques ou généralisées dans cet État membre, elle ne peut refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen sans procéder à la seconde étape de l’examen visé au point 36 de la présente ordonnance.

39      S’agissant de la mise en œuvre de cette seconde étape, la Cour a jugé que l’autorité judiciaire d’exécution doit apprécier si les défaillances systémiques ou généralisées constatées lors de la première étape sont susceptibles de se concrétiser en cas de remise de la personne concernée à l’État membre d’émission et si, dans les circonstances particulières de l’espèce, cette personne court ainsi un risque réel de violation de son droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 82].

40      Il appartient à la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen d’apporter des éléments concrets donnant à penser, dans le cas d’une procédure de remise aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, que les défaillances systémiques ou généralisées du système juridictionnel de l’État membre d’émission ont eu une incidence concrète sur le traitement de son affaire pénale et, dans le cas d’une procédure de remise aux fins de l’exercice de poursuites pénales, que de telles défaillances sont susceptibles d’avoir une telle incidence. La production de tels éléments concrets relatifs à l’incidence, dans son cas particulier, des défaillances systémiques ou généralisées susmentionnées est sans préjudice de la possibilité pour cette personne de faire état de tout autre élément ponctuel et propre à l’affaire concernée de nature à établir que la procédure en vue de laquelle sa remise est demandée par l’autorité judiciaire d’émission porterait concrètement atteinte à son droit fondamental à un procès équitable [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 83].

41      S’agissant, en premier lieu, de la situation dans laquelle un mandat d’arrêt européen est émis en vue de la remise pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, il appartient à la personne dont la remise est demandée d’invoquer des éléments concrets sur la base desquels elle considère que les défaillances systémiques ou généralisées du système juridictionnel de l’État membre d’émission ont eu une incidence concrète sur la procédure pénale dont elle a fait l’objet [voir, en ce sens, arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), points 86 à 89].

42      À cet égard, la Cour a précisé, aux points 87 et 88 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), que ne saurait suffire pour refuser la remise l’information faisant état du fait qu’un ou plusieurs juges qui ont participé à la procédure ayant abouti à la condamnation de la personne dont la remise est demandée ont été nommés sur proposition d’un organe composé, de manière prépondérante, de membres représentant les pouvoirs législatif ou exécutif ou choisis par ceux-ci. La personne concernée devrait dès lors fournir, s’agissant de la formation de jugement ayant connu de son affaire pénale, des éléments relatifs, notamment, à la procédure de nomination du juge ou des juges concernés et à la délégation éventuelle de ceux‑ci au sein de cette formation de jugement, sur le fondement desquels l’autorité judiciaire d’exécution serait en mesure de constater, dans les circonstances de l’espèce, qu’il existe des motifs sérieux et avérés de considérer que la composition de ladite formation de jugement a été de nature à affecter le droit fondamental de cette personne à un procès équitable devant un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, lors de la procédure pénale dont ladite personne a fait l’objet.

43      Au point 90 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), la Cour a, en outre, indiqué que, parmi les éléments à prendre en considération, figure l’exercice éventuel par la personne concernée des voies de recours qui lui sont ouvertes. En particulier, il convient de tenir compte de la possibilité pour cette personne de demander, dans l’État membre d’émission, la récusation d’un ou de plusieurs membres de la formation de jugement pour des motifs tenant à une violation de son droit fondamental à un procès équitable, de l’exercice éventuel par ladite personne de son droit de demander une telle récusation et des informations obtenues concernant la suite donnée à une telle demande dans le cadre de cette procédure ou d’une éventuelle procédure d’appel.

44      En l’occurrence, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que celle-ci s’interroge sur le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2020, il ne serait plus possible de contester de manière effective la validité de la nomination d’un juge ou la légalité de l’exercice des fonctions juridictionnelles de ce dernier.

45      La juridiction de renvoi estime qu’elle dispose d’éléments de preuve relatifs à l’état du droit national qui permettraient de conclure, contrairement à ce que la Cour a jugé au point 92 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), que la possibilité pour la personne concernée de faire valoir ses droits aurait été remise en cause par la seule adoption de la loi de 2020.

46      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que la procédure de renvoi préjudiciel instituée à l’article 267 TFUE constitue une procédure de coopération directe entre la Cour et les juridictions des États membres. Dans le cadre de cette procédure, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 28 et jurisprudence citée).

47      D’autre part, il découle de la jurisprudence rappelée au point 39 de la présente ordonnance, qu’il incombe à la seule autorité judiciaire d’exécution d’apprécier s’il existe, dans le cas concret en cause, des motifs sérieux et avérés de croire que les requérants au principal courront, une fois remis à l’État membre d’émission, un risque réel de violation de leur droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte. Si tel est le cas, l’autorité judiciaire d’exécution doit s’abstenir, au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de cette décision-cadre, de donner suite au mandat d’arrêt européen concerné. Dans le cas contraire, elle doit procéder à l’exécution de ce dernier, conformément à l’obligation de principe établie à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision‑cadre [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 101].

48      Partant, il ne revient pas à la Cour, mais à la juridiction de renvoi d’apprécier si les éléments de preuve évoqués au point 45 de la présente ordonnance sont susceptibles de révéler un motif justifiant de refuser l’exécution des mandats d’arrêt européens en cause au principal, étant toutefois précisé que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le refus d’exécution est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 44 et jurisprudence citée].

49      S’agissant, en second lieu, de la situation dans laquelle un mandat d’arrêt européen est émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales, la Cour a précisé, au point 93 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), que la circonstance, qui fait l’objet des interrogations de la juridiction de renvoi, que la personne dont la remise est demandée ne peut avoir connaissance, avant sa remise éventuelle, de l’identité des juges qui seront appelés à connaître de l’affaire pénale dont cette personne fera éventuellement l’objet après cette remise ne saurait suffire, à elle seule, aux fins de refuser ladite remise.

50      En effet, rien dans le système mis en place dans la décision-cadre 2002/584 ne permet de considérer que la remise d’une personne à l’État membre d’émission en vue de l’exercice de poursuites pénales serait conditionnée par l’assurance que ces poursuites aboutissent à une procédure pénale devant une juridiction précise et encore moins par l’identification précise des juges qui seront appelés à connaître d’une telle affaire pénale [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 94].

51      Au point 96 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), la Cour a néanmoins précisé que la circonstance visée au point 49 de la présente ordonnance ne dispense pas pour autant l’autorité judiciaire d’exécution d’une appréciation globale des circonstances de l’espèce visant à vérifier, sur la base des éléments fournis par cette personne et complétés, le cas échéant, par les informations fournies par l’autorité judiciaire d’émission, s’il existe, en cas de remise, un risque réel de violation du droit fondamental de ladite personne à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi.

52      C’est dans le cadre de cette appréciation globale, qui incombe à la seule autorité judiciaire d’exécution, que cette dernière doit tenir compte de toute information qu’elle estime pertinente afin de déterminer s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée court, en cas de remise, un risque réel de violation de ce droit fondamental.

53      Ainsi qu’il ressort des points 97 et 98 de l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), ces informations peuvent, en particulier, avoir trait aux déclarations effectuées par des autorités publiques qui pourraient avoir une incidence dans le cas concret en cause. L’autorité judiciaire d’exécution peut aussi se fonder sur toute autre information qu’elle estime pertinente, telle que celle liée à la situation personnelle de la personne concernée, à la nature de l’infraction pour laquelle cette dernière est poursuivie et au contexte factuel dans lequel l’émission du mandat d’arrêt européen concerné s’inscrit, mais aussi, le cas échéant, sur toute autre information dont elle dispose en ce qui concerne les juges, notamment les éléments relatifs à leur nomination, composant les formations de jugement vraisemblablement compétentes pour connaître de la procédure dont cette personne fera l’objet après sa remise à l’État membre d’émission.

54      D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 99 de cet arrêt, elle peut également prendre en compte, dans le cadre de son appréciation, tout élément pertinent tenant à la possibilité de demander la récusation d’un ou de plusieurs membres de la formation de jugement qui sera appelée à connaître de l’affaire pénale de la personne concernée ainsi qu’aux éventuelles voies de recours offertes par le droit de l’État membre d’émission.

55      À cet égard, la Cour a jugé que la circonstance qu’une telle récusation ne puisse, le cas échéant, être demandée, dans le contexte d’un mandat d’arrêt européen émis à des fins d’exercice de poursuites pénales, qu’après la remise de la personne concernée et une fois que celle-ci aura eu connaissance de la composition de la formation de jugement appelée à se prononcer sur les poursuites dont cette personne fait l’objet est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque réel que ladite personne subisse, en cas de remise, une violation dudit droit fondamental [arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), point 100)].

56      Néanmoins, au vu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient de préciser qu’est pertinent, aux fins d’évaluer l’existence d’un risque réel de violation, tout élément dont disposerait l’autorité judiciaire d’exécution lui permettant de conclure, dans le cadre de son appréciation souveraine, à l’absence d’effectivité de la procédure de récusation ou des voies de recours visées au point 53 de la présente ordonnance.

57      Ainsi qu’il ressort du point 47 de la présente ordonnance, l’autorité judiciaire d’exécution doit exécuter le mandat d’arrêt européen en cause sauf si elle constate, à l’issue d’une appréciation globale de tous les éléments pertinents, qu’il existe, dans le cas concret en cause, un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

58      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen dispose d’éléments faisant état de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission, s’agissant notamment de la procédure de nomination des membres de ce pouvoir, cette autorité ne peut refuser la remise de cette personne :

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, que si ladite autorité constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’espèce, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments fournis par ladite personne et relatifs à la composition de la formation de jugement ayant connu de son affaire pénale ou à toute autre circonstance pertinente pour l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de cette formation, le droit fondamental de la même personne à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, a été violé, et

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales, que si la même autorité constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’espèce, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments fournis par la personne concernée et relatifs à sa situation personnelle, à la nature de l’infraction pour laquelle celle-ci est poursuivie, au contexte factuel dans lequel ce mandat d’arrêt européen s’inscrit ou à toute autre circonstance pertinente pour l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de la formation de jugement vraisemblablement appelée à connaître de la procédure relative à cette personne, cette dernière court, en cas de remise, un risque réel de violation de ce droit fondamental.

 Sur les dépens

59      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen dispose d’éléments faisant état de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission, s’agissant notamment de la procédure de nomination des membres de ce pouvoir, cette autorité ne peut refuser la remise de cette personne :

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, que si ladite autorité constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’espèce, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments fournis par ladite personne et relatifs à la composition de la formation de jugement ayant connu de son affaire pénale ou à toute autre circonstance pertinente pour l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de cette formation, le droit fondamental de la même personne à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a été violé, et

–        dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales, que si la même autorité constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’espèce, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments fournis par la personne concernée et relatifs à sa situation personnelle, à la nature de l’infraction pour laquelle celle-ci est poursuivie, au contexte factuel dans lequel ce mandat d’arrêt européen s’inscrit ou à toute autre circonstance pertinente pour l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de la formation de jugement vraisemblablement appelée à connaître de la procédure relative à cette personne, cette dernière court, en cas de remise, un risque réel de violation de ce droit fondamental.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.

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