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Document 62021CC0580
Opinion of Advocate General Rantos delivered on 17 November 2022.#EEW Energy from Waste Großräschen GmbH v MNG Mitteldeutsche Netzgesellschaft Strom GmbH.#Request for a preliminary ruling from the Bundesgerichtshof.#Reference for a preliminary ruling – Environment – Directive 2009/28/EC – Promotion of energy from renewable energy sources – Article 16(2)(c) – Access to transmission and distribution grids – Priority access of electricity produced from renewable energy sources – Production from both renewable and conventional energy sources.#Case C-580/21.
Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 17 novembre 2022.
EEW Energy from Waste Großräschen GmbH contre MNG Mitteldeutsche Netzgesellschaft Strom GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2009/28/CE – Promotion de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables – Article 16, paragraphe 2, sous c) – Accès aux réseaux de transport et de distribution – Accès prioritaire conféré à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables – Production à partir de sources d’énergie tant renouvelables que conventionnelles.
Affaire C-580/21.
Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 17 novembre 2022.
EEW Energy from Waste Großräschen GmbH contre MNG Mitteldeutsche Netzgesellschaft Strom GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2009/28/CE – Promotion de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables – Article 16, paragraphe 2, sous c) – Accès aux réseaux de transport et de distribution – Accès prioritaire conféré à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables – Production à partir de sources d’énergie tant renouvelables que conventionnelles.
Affaire C-580/21.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:904
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. ATHANASIOS RANTOS
présentées le 17 novembre 2022 ( 1 )
Affaire C‑580/21
EEW Energy from Waste Großräschen GmbH
contre
MNG Mitteldeutsche Netzgesellschaft Strom GmbH,
en présence de
50 Hertz Transmission GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2009/28/CE – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Article 5, paragraphe 3 – Article 16, paragraphe 2, sous c) – Installation de production d’électricité qui utilise des sources d’énergie renouvelables – Déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux – Appel en priorité aux fins de l’alimentation du réseau électrique – Marge d’appréciation des États membres pour mettre en œuvre cette priorité »
I. Introduction
1. |
Aux termes de l’article 194, paragraphe 1, sous c), TFUE, la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, le développement des énergies renouvelables ( 2 ). Les enjeux de ce développement, dont la portée est considérable, en particulier dans le contexte géopolitique actuel, sont mis en exergue au premier considérant de la directive 2009/28/CE ( 3 ), qui mentionne la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, la promotion de la sécurité des approvisionnements en énergie, le développement technologique et de l’innovation, ainsi que la création de perspectives d’emplois et le développement régional ( 4 ). |
2. |
En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle porte sur la notion d’« installation de production d’électricité qui utilise des sources d’énergie renouvelables », au sens de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28, ainsi que sur l’étendue de l’appel en priorité aux fins de l’alimentation du réseau électrique dont bénéficie une telle installation. Plus précisément, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) cherche à savoir si, et dans quelle mesure, une installation qui produit de l’électricité par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux doit bénéficier de cette priorité d’accès. |
3. |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EEW Energy from Waste Großräschen GmbH (ci-après « EEW »), qui exploite une installation de traitement thermique des déchets, à MNG Mitteldeutsche Netzgesellschaft Strom GmbH (ci-après « MNG Strom »), un gestionnaire de réseau de transport d’électricité, au sujet du droit à indemnisation d’EEW à la suite de la réduction de l’alimentation du réseau en raison de congestions. 50 Hertz Transmission GmbH (ci-après « 50 Hertz »), le gestionnaire du réseau de transport en amont de MNG Strom, a participé à la procédure au principal en tant qu’intervenant aux côtés de cette dernière. |
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 2001/77/CE
4. |
L’article 2 de la directive 2001/77/CE ( 5 ), intitulé « Définitions », énonce : « Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...] » |
2. La directive 2009/28
5. |
Aux termes des considérants 1, 11, 25, 60 et 61 de la directive 2009/28 :
[...]
[...]
[...]
|
6. |
L’article 1er de la directive 2009/28, intitulé « Objet et champ d’application », énonce : « La présente directive définit un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie pour les transports. Elle établit des règles concernant les transferts statistiques entre les États membres, les projets conjoints entre ceux-ci et avec des pays tiers, les garanties d’origine, les procédures administratives, l’information, la formation et l’accès au réseau électrique pour l’énergie produite à partir de sources renouvelables. [...] » |
7. |
L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit : « Aux fins de la présente directive, les définitions de la directive [2003/54] s’appliquent. Les définitions suivantes s’appliquent également :
[...]
[...] » |
8. |
L’article 5 de la directive 2009/28, intitulé « Calcul de la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 : « 1. La consommation finale brute d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans chaque État membre est calculée comme étant la somme :
[...] 3. Aux fins du paragraphe 1, point a), la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables est la quantité d’électricité produite dans un État membre à partir de sources renouvelables, à l’exclusion de l’électricité produite dans des systèmes d’accumulation par pompage à partir de l’eau pompée auparavant en amont. Dans les installations multicombustible utilisant aussi bien des sources d’énergie renouvelables que conventionnelles, seule la part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables est prise en compte. Pour effectuer ce calcul, la contribution de chaque source d’énergie est calculée sur la base de son contenu énergétique. [...] » |
9. |
L’article 15 de cette directive, intitulé « Garantie d’origine de l’électricité et de l’énergie de chauffage et de refroidissement produites à partir de sources d’énergie renouvelables », est libellé comme suit, à son paragraphe 1 : « Aux fins de démontrer aux clients finals la part ou la quantité d’énergie produite à partir de sources renouvelables que contient le bouquet énergétique d’un fournisseur d’énergie, conformément à l’article 3, paragraphe 6, de la directive [2003/54], les États membres font en sorte que l’origine de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables puisse être garantie comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. » |
10. |
L’article 16 de la directive 2009/28, intitulé « Accès aux réseaux et gestion des réseaux », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 : « 1. Les États membres prennent les mesures appropriées pour développer l’infrastructure du réseau de transport et de distribution, des réseaux intelligents, des installations de stockage et le réseau électrique de manière à permettre la gestion du réseau électrique en toute sécurité et à tenir compte des progrès dans le domaine de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, notamment l’interconnexion entre États membres, et entre États membres et pays tiers. Les États membres prennent également des mesures appropriées pour accélérer les procédures d’autorisation pour l’infrastructure de réseau et pour coordonner l’approbation de l’infrastructure de réseau et les procédures administratives et d’aménagement. 2. Sous réserve des exigences relatives au maintien de la fiabilité et de la sécurité du réseau, reposant sur des critères transparents et non discriminatoires définis par les autorités nationales compétentes :
|
B. Le droit allemand
11. |
L’article 3, intitulé « Définitions », du Erneuerbare-Energien-Gesetz (loi allemande sur les énergies renouvelables, ci-après l’« EEG »), du 25 octobre 2008, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2014 (ci-après l’« EEG de 2012 ») ( 7 ), énonce : « Aux fins de la présente loi, on entend par :
[...]
[...] » |
12. |
L’article 8 de cette loi, intitulé « Achat, transport et distribution », prévoit, à son paragraphe 1 : « Sans préjudice de l’article 11, les gestionnaires de réseau sont tenus d’acheter, de transporter et de distribuer sans délai et en priorité toute l’électricité proposée produite à partir de sources d’énergie renouvelables. [...] » |
13. |
L’article 11 de ladite loi, intitulé « Gestion de l’alimentation du réseau en électricité », dispose, à son paragraphe 1 : « [...] les gestionnaires de réseau sont exceptionnellement habilités à réguler les installations [...] directement ou indirectement raccordées à leur réseau [...] :
[...] » |
14. |
L’article 12 de la même loi, intitulé « Dispositions exceptionnelles », est libellé comme suit, à son paragraphe 1 : « Lorsque l’alimentation du réseau en électricité provenant d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables [...] est réduite en raison d’une congestion, conformément à l’article 11, paragraphe 1, les exploitants concernés par cette mesure sont indemnisés [...] à hauteur de 95 % de la perte de revenus subie, majorée des dépenses supplémentaires auxquelles ils ont dû faire face et minorée des frais qu’elle leur a permis d’économiser. [...] » |
15. |
L’article 16 de l’EEG de 2012, intitulé « Droit à rémunération », énonce, à son paragraphe 1 : « Les gestionnaires de réseau rémunèrent les exploitants d’installations pour l’électricité provenant d’installations utilisant exclusivement des sources d’énergie renouvelables [...], à tout le moins dans la mesure prévue aux articles 18 à 33. [...] » |
16. |
Ces dispositions de l’EEG de 2012 correspondent, en substance, à celles de l’EEG dans sa version en vigueur entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011 ( 8 ) ainsi qu’à celles de l’EEG dans sa version en vigueur entre le 1er août 2014 et le 31 décembre 2016 ( 9 ). |
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
17. |
EEW exploite une installation de traitement thermique des déchets qui lui permet de produire de l’énergie électrique et thermique (ci-après l’« installation en cause »). Celle-ci utilise presque exclusivement des déchets industriels et municipaux, qui sont mélangés avant leur combustion et disposent d’une fraction biodégradable, dont l’importance varie et représente jusqu’à 50 % des déchets selon les indications fournies par EEW. L’installation en cause alimente le réseau de distribution d’électricité de MNG Strom, à laquelle elle est liée par une convention de raccordement et d’achat, avec une partie de l’électricité produite. |
18. |
Entre les années 2011 et 2016, MNG Strom a enjoint à EEW, à de nombreuses reprises, dans le cadre de sa gestion de la sécurité du réseau d’électricité, de réduire temporairement l’alimentation du réseau en raison de congestions. En conséquence, EEW a demandé à MNG Strom une indemnisation d’un montant de 2,24 millions d’euros sur le fondement, notamment, des dispositions exceptionnelles prévues par l’EEG, dans ses versions en vigueur entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2016, parmi lesquelles l’article 12, paragraphe 1, de l’EEG de 2012. |
19. |
La juridiction d’appel saisie a débouté EEW de sa demande d’indemnisation au motif que l’électricité produite dans l’installation en cause n’était pas obtenue exclusivement à partir de sources d’énergie renouvelables. |
20. |
EEW a introduit un pourvoi en Revision contre l’arrêt de la juridiction d’appel devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), la juridiction de renvoi. Celle-ci relève que l’issue du litige pendant devant elle dépend de la réponse à la question de savoir si l’installation en cause doit être qualifiée d’« installation de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables », au sens de l’article 12, paragraphe 1, de l’EEG de 2012. Selon cette juridiction, l’application de cette disposition n’est pas exclue du fait que l’électricité produite dans l’installation en cause n’est pas obtenue exclusivement à partir de sources d’énergie renouvelables. |
21. |
À cet égard, ladite juridiction souligne que l’EEG, dans sa première version entrée en vigueur au cours de l’année 2000, visait l’électricité produite par des installations utilisant exclusivement des sources d’énergie renouvelables. Cependant, dans le cadre de la transposition de la directive 2001/77 en droit allemand, et notamment de l’article 2, sous c), de celle-ci, le champ d’application de l’EEG a été étendu au cours de l’année 2004 pour inclure la part d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables dans des installations hybrides utilisant les sources d’énergie classiques. |
22. |
Il découlerait du libellé des dispositions exceptionnelles visées à l’article 12 de l’EEG de 2012 et de l’économie de cette loi que ces dispositions, introduites dans l’EEG pour la première fois au cours de l’année 2009, s’appliquent également aux installations qui n’utilisent pas exclusivement des sources d’énergie renouvelables. Ainsi, dès lors qu’une installation produit de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, et doit donc bénéficier de la priorité aux fins de l’alimentation du réseau en électricité, conformément à l’EEG, toute réduction ou toute interruption de l’achat d’électricité dans le cadre de la gestion de l’alimentation du réseau donne lieu à l’obligation d’indemnisation prévue par lesdites dispositions exceptionnelles. |
23. |
Selon la juridiction de renvoi, bien que le législateur allemand ait choisi de suivre le droit de l’Union et de s’écarter de la règle selon laquelle n’est prise en compte que l’électricité obtenue exclusivement à partir de sources d’énergie renouvelables, il n’est pas certain que, en droit allemand, doit être qualifiée d’« installation », au sens de l’article 3, point 1, de l’EEG de 2012, toute installation de production d’électricité traitant une quelconque fraction de sources d’énergie renouvelables, aussi faible soit-elle, de sorte que celle-ci bénéficie de la priorité aux fins du raccordement et de l’alimentation du réseau en électricité. À cet égard, il conviendrait d’interpréter les dispositions du droit allemand pertinentes conformément à la notion d’« électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2001/77. Cette disposition faisant référence à la notion d’« installation hybride », celle-ci ne serait pas définie dans cette directive et ne serait pas dénuée d’ambiguïté. En effet, les termes « installation hybride » désigneraient généralement, dans un langage technique, une installation qui utilise plusieurs technologies différentes aux fins de la production d’énergie, par exemple l’énergie solaire et le gaz. Selon une telle acception, les installations qui se contentent d’utiliser un mélange de différentes sources d’énergie, renouvelables et conventionnelles, dans le cadre d’un seul et même processus de production d’électricité, ne seraient pas couvertes par cette notion d’« installation hybride ». Tel serait le cas lorsque les différentes sources d’énergie sont mélangées juste avant d’être utilisées aux fins de la production d’énergie, mais aussi lorsque, pour produire de l’électricité, l’installation a recours à des sources d’énergie renouvelables et fossiles sous la forme d’un mélange préexistant, variable et inaltérable, comme en ce qui concerne l’installation en cause. |
24. |
Cette juridiction relève que, toutefois, l’article 2, sous a), de la directive 2001/77 définit la « biomasse » en tant que source d’énergie renouvelable et que l’article 2, sous b), de cette directive énonce que celle-ci englobe la « fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ». Ces dispositions iraient dans le sens que l’électricité produite par incinération de cette fraction biodégradable doit être considérée comme provenant de sources d’énergie renouvelables, les installations produisant de l’énergie de la sorte devant alors, en droit allemand, être qualifiées d’« installations », au sens de l’EEG, et bénéficier de la priorité d’accès au réseau électrique. |
25. |
Ladite juridiction observe que la directive 2001/77 ayant été remplacée par la directive 2009/28, laquelle est applicable au litige au principal ( 10 ), le droit allemand doit être interprété conformément à cette dernière. La même juridiction indique que, prenant en compte le droit de l’Union, elle tend à interpréter les dispositions de l’EEG relatives à la priorité aux fins de l’alimentation du réseau en électricité en ce sens qu’elles ne s’appliquent aux installations qui n’utilisent pas exclusivement des sources d’énergie renouvelables que si les sources d’énergie renouvelables et conventionnelles sont employées dans le cadre de systèmes séparés. En tout état de cause, les installations recourant à un mélange préexistant, variable et inaltérable de sources d’énergie renouvelables et conventionnelles, comme dans le cas de la production d’électricité par incinération des déchets, ne devraient bénéficier des dispositions exceptionnelles prévues à l’article 12, paragraphe 1, de l’EEG de 2012 que dans le cas où la part de sources d’énergie renouvelables est, en moyenne, plus importante que celle de sources d’énergie conventionnelles. Dans le cadre du litige au principal, cette interprétation aboutirait à ce que EEW ne puisse réclamer aucune indemnisation au titre de ces dispositions exceptionnelles dès lors que l’installation en cause utilise des sources d’énergie préalablement mélangées dans des fractions variables et que la part des sources d’énergie renouvelables n’est pas prépondérante, selon les indications fournies par EEW. |
26. |
La juridiction de renvoi ajoute que, dans le cas où l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28 devait être interprété en ce sens qu’il vise des installations dans lesquelles la part des sources d’énergie renouvelables n’est pas prépondérante, se pose la question de savoir s’il existe un seuil en deçà duquel une installation produisant de l’électricité à partir de telles sources d’énergie ne peut plus être considérée comme une installation qui utilise des sources d’énergie renouvelables, au sens de cette disposition. |
27. |
Enfin, cette juridiction demande si, dans le cas où l’électricité dont seule une part est produite à partir de déchets biodégradables bénéficie de la priorité d’accès au réseau électrique, la ratio legis de l’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2009/28, selon lequel dans les installations multicombustible utilisant aussi bien des sources d’énergie renouvelables que conventionnelles, seule la part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables est prise en compte, peut être invoquée. Cette question serait importante en vue de déterminer si la demande d’indemnisation fondée sur les dispositions exceptionnelles prévues à l’article 12, paragraphe 1, de l’EEG de 2012 porte sur la perte des revenus perçus en lien avec la totalité de l’électricité produite dans l’installation en cause ou uniquement sur la part de l’électricité produite à partir de la fraction biodégradable du mélange de déchets. |
28. |
C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
29. |
Des observations écrites ont été déposées par EEW, MNG Strom, 50 Hertz et la Commission européenne. Ces parties ont également présenté des observations orales lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 8 septembre 2022. |
IV. Analyse
A. Sur la première question préjudicielle
30. |
Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28 doit être interprété en ce sens que la priorité d’accès au réseau électrique dont bénéficient les installations de production d’électricité qui utilisent des sources d’énergie renouvelables doit être accordée non pas uniquement aux installations produisant de l’électricité exclusivement à partir de sources d’énergie renouvelables, mais également à celles dont l’électricité est obtenue par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux. |
31. |
Aux termes de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28, les États membres font en sorte que, lorsqu’ils appellent les installations de production d’électricité, les gestionnaires de réseau de transport donnent la priorité à celles qui utilisent des sources d’énergie renouvelables, dans la mesure où la gestion en toute sécurité du réseau national d’électricité le permet et sur la base de critères transparents et non discriminatoires. |
32. |
J’observe que cette disposition vise à répondre à la circonstance que, sur le plan technique, les réseaux de transport et de distribution d’électricité disposent d’une capacité d’acheminement intrinsèquement limitée et qu’ils ne peuvent pas nécessairement acheminer toute l’électricité produite ou pouvant être produite par les installations qui en relèvent, compte tenu de la consommation ( 11 ). Dans ces conditions, le législateur de l’Union a fait le choix de privilégier les installations de production d’électricité qui utilisent des sources d’énergie renouvelables. À cet égard, comme l’a jugé la Cour, si l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2009/72/CE ( 12 ) prévoit qu’un gestionnaire de réseau de distribution peut refuser l’accès à son réseau s’il ne dispose pas de la capacité nécessaire, sous réserve qu’il motive et justifie ce refus, cette possibilité de refuser l’accès au réseau s’apprécie au cas par cas et n’autorise pas les États membres à prévoir ces dérogations de manière générale sans appréciation concrète, pour chaque gestionnaire, de l’incapacité technique du réseau à satisfaire à la demande d’accès émanant de tiers ( 13 ). |
33. |
Eu égard à la première question posée, il convient de déterminer le sens de la notion d’« installation de production d’électricité qui utilise des sources d’énergie renouvelables », telle que visée à l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28, afin de vérifier si cette notion couvre une installation dont l’électricité est obtenue par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux. Si tel est le cas, cette installation doit bénéficier de la priorité d’accès au réseau électrique prévue par cette disposition et, dans l’hypothèse où le gestionnaire du réseau de distribution lui refuserait cet accès, elle serait alors susceptible d’obtenir une compensation financière, ainsi que l’énonce le considérant 61 de cette directive. |
34. |
La notion d’« installation de production d’électricité qui utilise des sources d’énergie renouvelables » n’est pas définie par la directive 2009/28. Selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause ( 14 ). |
35. |
Dans ce cadre, il convient de constater, en premier lieu, que le libellé de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28, qui se réfère uniquement aux installations qui utilisent des sources d’énergie renouvelables, ne permet pas, en lui-même, de déterminer si cette disposition concerne les installations dont l’électricité est obtenue par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux. |
36. |
En deuxième lieu, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrit ladite disposition, comme l’a souligné la juridiction de renvoi, l’article 2, sous c), de la directive 2001/77 définissait l’« électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables » comme « l’électricité produite par des installations utilisant exclusivement des sources d’énergie renouvelables, ainsi que la part d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables dans des installations hybrides utilisant les sources d’énergie classiques » ( 15 ). Cependant, cette directive n’était plus en vigueur à la date des faits au principal. Quant à l’article 2, sous a), de la directive 2009/28, il définit l’« énergie produite à partir de sources renouvelables » comme une « énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir : énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ». Par conséquent, ainsi que l’a relevé 50 Hertz dans ses observations écrites, dans le cadre du litige au principal, la qualification d’« électricité renouvelable » ne dépend plus dès lors de l’installation dans laquelle l’électricité a été produite, mais uniquement des sources d’énergie utilisées. |
37. |
L’article 2, sous a), de la directive 2009/28 énonce que l’énergie produite par la biomasse ( 16 ) est considérée comme une énergie obtenue à partir de sources renouvelables. Or, aux termes de la définition figurant à l’article 2, sous e), de cette directive, la biomasse comprend la « fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ». Il résulte de ces dispositions, lues conjointement, que l’énergie produite par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux doit être considérée, pour cette fraction, comme une énergie produite à partir de sources renouvelables. |
38. |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’installation en cause traite des déchets en mélange contenant des fractions de déchets biodégradables municipaux et industriels, lesquels constituent ainsi de la biomasse, au sens de l’article 2, sous e), de ladite directive ( 17 ). |
39. |
Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2009/28 énonce que, dans les installations multicombustible utilisant aussi bien des sources d’énergie renouvelables que conventionnelles, seule la part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables est prise en compte. Par conséquent, cette directive n’exclut pas de son champ d’application, par principe, les installations qui utilisent en partie des sources d’énergie renouvelables. |
40. |
En troisième lieu, en ce qui concerne les objectifs poursuivis par la directive 2009/28, celle-ci, ainsi qu’il ressort de son article 1er, a pour objet de définir un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables en fixant, notamment, des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de telles sources dans la consommation finale brute d’énergie ( 18 ). En ce sens, l’article 16, paragraphe 2, sous c), de cette directive énonce que les États membres veillent à ce que les mesures concrètes appropriées concernant le réseau et le marché soient prises pour minimiser l’effacement de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables. Par ailleurs, le considérant 60 de ladite directive indique que, lorsque l’électricité issue de sources d’énergie renouvelables est intégrée dans le marché au comptant, l’accès garanti assure que toute l’électricité vendue et bénéficiant d’une aide a accès au réseau, ce qui permet d’utiliser une quantité maximale d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables provenant d’installations raccordées au réseau. Quant au considérant 61 de la même directive, il précise que celle-ci a pour objectif une augmentation durable du transport et de la distribution d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sans que soient affectées la fiabilité ou la sécurité du réseau. |
41. |
En outre, je relève que, selon la jurisprudence de la Cour, s’agissant de l’accès garanti au réseau prévu à l’article 16, paragraphe 2, sous b), de la directive 2009/28, celui-ci vise à intégrer les sources d’énergie renouvelables dans le marché intérieur de l’électricité en assurant que toute l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables a accès aux réseaux, ce qui permet d’utiliser une quantité maximale d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ( 19 ). |
42. |
Par conséquent, la directive 2009/28 a pour but l’utilisation la plus importante possible des sources d’énergie renouvelables. Or, ne pas accorder la priorité aux installations dont l’électricité est obtenue par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables conduirait à la perte de cette fraction de sources d’énergie renouvelables lorsque le gestionnaire du réseau de distribution refuse l’accès à son réseau au producteur d’électricité concerné en raison de congestions. |
43. |
Partant, je propose de répondre à la première question préjudicielle que l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28 doit être interprété en ce sens que la priorité d’accès au réseau électrique dont bénéficient les installations de production d’électricité qui utilisent des sources d’énergie renouvelables doit être accordée non pas uniquement aux installations produisant de l’électricité exclusivement à partir de sources d’énergie renouvelables, mais également à celles dont l’électricité est obtenue par traitement thermique de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables industriels et municipaux. |
B. Sur les deuxième à cinquième questions préjudicielles
44. |
Par ses deuxième à cinquième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28 doit être interprété en ce sens qu’une installation de production d’électricité bénéficie d’une priorité d’accès au réseau électrique uniquement pour l’électricité produite à partir de la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux utilisés et, dans l’affirmative, quelles sont les modalités d’application de cette priorité d’accès. |
45. |
Ainsi qu’il a été précisé dans le cadre de la réponse apportée à la première question préjudicielle, il ressort de l’article 2, sous a) et e), de la directive 2009/28 que l’énergie obtenue par la biomasse constitue une énergie produite à partir de sources renouvelables mais, en ce qui concerne les déchets industriels et municipaux, seule la fraction biodégradable de ceux-ci est prise en compte. Il en découle qu’une installation de production d’électricité bénéficie d’une priorité d’accès au réseau électrique, sur le fondement de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de cette directive, uniquement pour l’électricité produite à partir de cette fraction biodégradable et non de la fraction composée de déchets conventionnels. |
46. |
Dans le même sens, la Cour a relevé, au sujet de l’article 16, paragraphe 2, sous b), de ladite directive, que si cette disposition évoque la possibilité d’instaurer un « accès garanti » au réseau pour l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, c’est uniquement en ce qui concerne l’électricité « verte » et que ladite disposition ne saurait donc servir de base juridique à des dispositions nationales visant l’accès garanti pour des installations de production d’énergie provenant d’une source non renouvelable ( 20 ). Une telle interprétation peut s’appliquer par analogie à la priorité d’accès au réseau visée à l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la même directive. |
47. |
Eu égard à son libellé, cette disposition prévoit une telle priorité d’accès pour les installations de production d’électricité obtenue à partir de sources d’énergie renouvelables sans fixer, lorsque ces installations utilisent simultanément des sources d’énergie renouvelables et conventionnelles, une part minimale de sources d’énergie renouvelables. En d’autres termes, la priorité aux fins de l’alimentation du réseau en électricité prévue par ladite disposition ne dépend pas de l’importance de la fraction des déchets biodégradables utilisés pour la production d’électricité, la part des déchets conventionnels ne jouant aucun rôle dans cette priorité. Ainsi, il n’existe pas de seuil en deçà duquel l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ne bénéficie pas de la priorité d’accès au réseau ( 21 ). |
48. |
Dans la mesure où une installation de production d’électricité bénéficie d’une priorité d’accès au réseau uniquement pour l’électricité produite à partir de cette fraction biodégradable, la juridiction de renvoi demande comment appliquer cette priorité d’accès, en se référant à l’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2009/28. |
49. |
À cet égard, je relève que, sur le plan juridique, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, loin d’entendre opérer une harmonisation exhaustive des régimes nationaux de soutien à la production d’énergie verte, le législateur de l’Union est parti, d’une part, du constat selon lequel les États membres appliquent différents régimes de soutien et, d’autre part, du principe qu’il importe de garantir le bon fonctionnement de ceux-ci afin de conserver la confiance des investisseurs et de permettre à ces États de définir des mesures nationales efficaces pour atteindre les objectifs contraignants nationaux globaux que leur impartit cette directive ( 22 ). À mon sens, le même raisonnement peut être appliqué s’agissant de la mise en œuvre de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de ladite directive. Dès lors, il y a lieu de considérer que les États membres disposent d’une importante marge de manœuvre en vue d’appliquer la priorité d’accès au réseau électrique des installations qui utilisent des sources d’énergie renouvelables. |
50. |
Par ailleurs, sur le plan technique, MNG Strom a exposé que le gestionnaire du réseau de transport d’électricité ne connaît pas, en temps réel, la fraction de déchets biodégradables utilisés par une installation de production d’électricité lorsqu’il doit choisir l’ordre dans lequel les installations doivent être mises à l’arrêt, les exploitants de ces installations ne sachant d’ailleurs pas eux-mêmes à tout moment quelle est la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables. 50 Hertz, quant à elle, a souligné que la décision de priorité est une mesure d’urgence qui se prend quasiment sur l’instant et qu’elle entraîne des répercussions sur les opérateurs en aval, ce qui implique que les critères de priorité doivent permettre de donner des orientations concrètes au gestionnaire du réseau. En outre, la Commission a fait valoir que, dans certains cas, il peut être impossible, d’un point de vue technique, d’appliquer la priorité d’accès au réseau à seulement une partie de l’électricité produite par une installation, en l’occurrence la partie obtenue par des sources d’énergie renouvelables. |
51. |
Dans ce contexte juridique et technique, je suis d’avis qu’il n’appartient pas à la Cour d’indiquer de façon détaillée comment la priorité d’accès au réseau électrique doit être appliquée, cette tâche revenant, conformément au libellé de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28, aux États membres, lesquels sont les mieux à même de connaître les spécificités du réseau de transport d’électricité national ( 23 ). Lors de l’audience, MNG Strom a ainsi indiqué qu’il existe en Allemagne des lignes directrices relatives à la gestion du réseau de transport d’électricité, lesquelles, ayant pour objectif la fiabilité et la sécurité de ce réseau, ont fixé l’ordre de déconnexion des installations pour permettre de réduire la congestion physique dudit réseau. |
52. |
Néanmoins, et eu égard aux observations écrites des parties intéressées ainsi qu’aux débats lors de l’audience, la Cour demeure compétente pour donner des indications, tirées des dispositions de la directive 2009/28, quant aux éléments à prendre en compte par les États membres en vue d’appliquer la priorité d’accès au réseau électrique. |
53. |
À cet égard, premièrement, il ressort des termes de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de cette directive que la priorité d’accès doit être mise en œuvre dans la mesure où la gestion en toute sécurité du réseau national d’électricité le permet. À ce titre, comme l’indique le considérant 60 de ladite directive, les exigences relatives au maintien de la fiabilité et de la sécurité du réseau et à l’appel peuvent différer en fonction des caractéristiques du réseau national et de son bon fonctionnement. |
54. |
Deuxièmement, il découle également de l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la même directive que la priorité d’accès au réseau électrique doit être effectuée sur la base de critères transparents et non discriminatoires, ce qui implique qu’ils soient clairs, communiqués à l’avance par les États membres, et que leur application soit prévisible pour toutes les parties concernées. |
55. |
Troisièmement, il résulte des objectifs de la directive 2009/28 que les États membres doivent accorder une priorité maximale d’accès au réseau électrique aux installations qui produisent exclusivement de l’énergie provenant de sources renouvelables, ce qui implique que le refus d’accès à ce réseau à leur égard soit opéré en dernier lieu. |
56. |
Quatrièmement, s’agissant des installations dont l’électricité est obtenue par traitement de déchets en mélange contenant une fraction de déchets biodégradables, je considère qu’elles doivent être prises en compte lorsque cette fraction est stable dans le temps, calculable et considérable. Dans le cas contraire, il existe un risque d’abus, en particulier dans l’hypothèse où il est techniquement impossible d’appliquer la priorité d’accès au réseau à seulement une partie de l’électricité produite par une installation et que cette dernière bénéficie d’une telle priorité alors que, en pratique, l’électricité est produite surtout à partir de sources d’énergie conventionnelles. Tel serait le cas, par exemple, si la part de l’énergie tirée de sources renouvelables évolue considérablement selon les périodes, avec la conséquence que, à certaines de celles-ci, cette part est nulle ou faible. |
57. |
Cinquièmement, EEW fait valoir qu’elle a systématiquement reçu de l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne), pendant la période en cause au principal, les garanties d’origine visées à l’article 15 de la directive 2009/28, qui lui ont permis d’établir qu’environ 50 % de sa production d’électricité provenait de sources d’énergie renouvelables. Cependant, ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous j), de cette directive, la « garantie d’origine » est définie comme un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources d’énergie renouvelables. Par conséquent, cette garantie est établie à titre rétrospectif et ne permet pas de connaître en temps réel la part de ces sources d’énergie, c’est-à-dire au moment où le gestionnaire du réseau doit prendre la décision de réduire temporairement l’alimentation en raison de congestions ( 24 ). Dès lors, à mon sens, une « garantie d’origine » ne peut servir de référence, en tant que telle, dans le cadre de la détermination des critères de la priorité d’accès au réseau d’électricité. |
58. |
Sixièmement, la juridiction de renvoi demande si la ratio legis de l’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2009/28 peut être invoquée pour l’électricité dont seule une part est produite à partir de déchets biodégradables. Je rappelle que, aux termes de cette disposition, dans les installations multicombustible utilisant aussi bien des sources d’énergie renouvelables que conventionnelles, seule la part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables est prise en compte et que, pour effectuer ce calcul, la contribution de chaque source d’énergie est calculée sur la base de son contenu énergétique. Eu égard à l’importante marge de manœuvre conférée aux États membres, je considère, en l’absence d’indication contraire dans cette directive, qu’ils peuvent prendre pour référence ledit article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, pour mettre en œuvre la priorité d’accès au réseau électrique ( 25 ). Dans ce cadre, une demande d’indemnisation émise par l’exploitant d’une installation de production d’électricité, à la suite du refus d’accès au réseau en raison de congestions, porterait uniquement sur la part de l’électricité produite à partir de la fraction biodégradable du mélange de déchets. |
59. |
Au regard de tout ce qui précède, je propose de répondre aux deuxième à cinquième questions préjudicielles que l’article 16, paragraphe 2, sous c), de la directive 2009/28 doit être interprété en ce sens qu’une installation de production d’électricité bénéficie d’une priorité d’accès au réseau uniquement pour l’électricité produite à partir de la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux utilisés. Il appartient aux États membres, dans la mesure où la gestion en toute sécurité du réseau national d’électricité le permet, de fixer des critères transparents et non discriminatoires aux fins de déterminer les modalités d’application de cette priorité d’accès à une telle installation. |
V. Conclusion
60. |
Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) de la manière suivante :
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Sur l’évolution de la réglementation de l’Union relative aux énergies renouvelables, voir Johnston, A., et Block, G., EU Energy Law, Oxford University Press, Oxford, 2012, nos 12.01 à 12.185.
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16). Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO 2018, L 328, p. 82). Cependant, compte tenu de la date des faits en cause, la directive 2009/28 demeure applicable au litige au principal.
( 4 ) Voir, également, arrêt du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen e.a. (C‑215/16, C‑216/16, C‑220/16 et C‑221/16, EU:C:2017:705, point 38 ainsi que jurisprudence citée).
( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2001, L 283, p. 33). Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive 2009/28.
( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO 2003, L 176, p. 37).
( 7 ) BGBl. 2011 I, p. 1634.
( 8 ) BGBl. 2008 I, p. 2074.
( 9 ) BGBl. 2014 I, p. 1066. Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, pendant la période visée par la décision de renvoi, ces trois versions de l’EEG étaient successivement applicables. Dès lors que le libellé ou la teneur des dispositions pertinentes étaient identiques dans ces trois versions de l’EEG, il sera fait référence, par souci de simplification, uniquement à l’EEG de 2012.
( 10 ) Aux termes de l’article 27 de la directive 2009/28, les États membres devaient avoir transposé cette directive le 5 décembre 2010 au plus tard.
( 11 ) Voir conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Fondul Proprietatea (C‑179/20, EU:C:2021:731, point 51). Voir, également, arrêt du 27 janvier 2022, Fondul Proprietatea (C‑179/20, EU:C:2022:58, points 59 et 60), selon lequel l’accès au réseau de transport n’est pas illimité, puisqu’il dépend de la capacité maximale que peut supporter le réseau. Le « redispatching » est désormais régi par le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54). L’article 2, point 26, de ce règlement le définit comme « une mesure, y compris de réduction, qui est activée par un ou plusieurs gestionnaires de réseau de transport ou de réseau de distribution et consistant à modifier le modèle de production, de charge, ou les deux, de manière à modifier les flux physiques sur le système électrique et soulager ainsi une congestion physique ou assurer autrement la sécurité du système ».
( 12 ) Directive du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55). Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO 2019, L 158, p. 125).
( 13 ) Arrêt du 28 novembre 2018, Solvay Chimica Italia e.a. (C‑262/17, C‑263/17 et C‑273/17, EU:C:2018:961, point 60).
( 14 ) Arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession) (C‑617/20, EU:C:2022:426, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
( 15 ) Mise en italique par mes soins. La directive 2001/77 ne définissait pas la notion d’« installation hybride », laquelle était susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations.
( 16 ) Sur la biomasse dans l’Union, voir, en anglais, European Commission, Joint Research Centre, Brief on biomass for energy in the European Union, Office des publications de l’Union européenne, 2019.
( 17 ) Je rappelle que les États membres doivent respecter la hiérarchie des déchets telle que prévue à l’article 4 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), l’élimination intervenant en dernier lieu.
( 18 ) Voir, notamment, arrêt du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park (C‑220/19, EU:C:2021:163, point 62).
( 19 ) Voir arrêt du 27 janvier 2022, Fondul Proprietatea (C‑179/20, EU:C:2022:58, point 62).
( 20 ) Voir arrêt du 27 janvier 2022, Fondul Proprietatea (C‑179/20, EU:C:2022:58, point 65).
( 21 ) Cette considération est précisée au point 56 des présentes conclusions.
( 22 ) Arrêt du 4 octobre 2018, L.E.G.O. (C‑242/17, EU:C:2018:804, point 53 et jurisprudence citée).
( 23 ) Je relève que le règlement 2019/943 a indiqué de façon détaillée les règles du redispatching en énonçant, notamment, à son article 13, paragraphe 6, sous a), que, lorsque le redispatching à la baisse non fondé sur le marché est utilisé, les installations de production d’électricité utilisant des sources d’énergie renouvelables ne peuvent faire l’objet de redispatching à la baisse que s’il n’existe aucune autre solution ou si les autres solutions entraîneraient des coûts fortement disproportionnés ou des risques majeurs pour la sécurité du réseau. Cependant, ce règlement n’est pas applicable aux faits au principal.
( 24 ) Voir, également, arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft (C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 90).
( 25 ) Voir, également, considérant 11 de la directive 2009/28.