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Document 62020CO0054

    Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 21 décembre 2023.
    Stefano Missir Mamachi di Lusignano et Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano contre Commission européenne.
    Taxation des dépens.
    Affaire C-54/20 P-DEP.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:1032

    ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

    21 décembre 2023 (*)

    « Taxation des dépens »

    Dans l’affaire C-54/20 P-DEP,

    ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 29 mars 2023,

    Stefano Missir Mamachi di Lusignano, demeurant à Shanghai (Chine),

    Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano, demeurant à Bruxelles (Belgique),

    représentés par Mes G. Coppo, F. Di Gianni et A. Scalini, avvocati,

    parties requérantes,

    contre

    Commission européenne, représentée par MM. T. S. Bohr et G. Gattinara, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. F. Biltgen, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de juge de la septième chambre, et M. N. Wahl, juge,

    avocat général : Mme T. Ćapeta,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    l’avocate générale entendue,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés par M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano dans le cadre des affaires T-502/16 et C‑54/20 P.

    2        Par un pourvoi introduit le 30 janvier 2020, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne a demandé, premièrement, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 novembre 2019, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑502/16, EU:T:2019:795), par lequel celui-ci l’a condamnée in solidum à verser, à titre de réparation de leur préjudice moral subi du fait du décès de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano, la somme de 10 000 euros à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano ainsi que la somme de 10 000 euros à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano, deuxièmement, d’évoquer l’affaire aux fins de rejeter le recours en première instance comme étant irrecevable et, troisièmement, de condamner M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano aux dépens afférents à la procédure de première instance et à la procédure de pourvoi.

    3        Par l’arrêt du 5 mai 2022, Commission/Missir Mamachi di Lusignano (C‑54/20 P, EU:C:2022:349), la Cour a rejeté ce pourvoi et a condamné la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérants.

    4        Aucun accord n’étant intervenu entre les requérants et la Commission sur le montant des dépens récupérables afférents à la procédure de première instance et à la procédure de pourvoi, les requérants ont, en application de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduit la présente demande.

     Les conclusions des parties

    5        Les requérants concluent à ce qu’il plaise à la Cour, en application du principe d’équité, de fixer le montant des dépens récupérables, au titre des frais qu’ils ont exposés dans le cadre des affaires T-502/16 et C‑54/20 P, à 99 380 euros, taxe sur la valeur ajoutée et frais afférents à la présente procédure de taxation inclus, majorés des intérêts moratoires.

    6        La Commission conclut que le montant des dépens récupérables pour ces affaires ne peut excéder 6 477 euros, les dépens afférents à la présente procédure de taxation inclus.

     Argumentation des parties

    7        Au soutien de leur demande, les requérants allèguent, premièrement, que les affaires T-502/16 et C-54/20 P avaient un objet et une nature particuliers en ce qu’elles portaient sur l’indemnisation des préjudices qu’ils avaient subis à la suite de l’assassinat de leur frère fonctionnaire des institutions de l’Union européenne et de son épouse.

    8        Deuxièmement, le litige serait d’une grande importance sous l’angle du droit de l’Union, car les questions portant sur la responsabilité des institutions de l’Union en raison de la mort d’un de leurs fonctionnaires et de la réparation des préjudices subis par, notamment, le frère et la sœur du fonctionnaire défunt seraient inédites. Les arrêts du 20 novembre 2019, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑502/16, EU:T:2019:795), et du 5 mai 2022, Commission/Missir Mamachi di Lusignano (C‑54/20 P, EU:C:2022:349), auraient fait évoluer le droit de l’Union en matière de responsabilité non contractuelle des institutions de l’Union et cette évolution aurait des implications au-delà du contentieux de la fonction publique européenne.

    9        Troisièmement, le litige en cause présenterait objectivement un degré de difficulté important compte tenu du caractère délicat des questions juridiques qu’il soulevait, notamment, en matière de recevabilité et d’absence de réglementation claire en droit de l’Union ou de précédents portant sur la réparation du préjudice matériel et moral subi en cas de décès d’un fonctionnaire des institutions de l’Union et sur l’indemnisation d’un frère ou d’une sœur de ce fonctionnaire dans un tel cas. Le litige aurait ainsi requis d’effectuer une analyse comparée approfondie du droit des États membres aux fins d’identifier les principes qui leur étaient communs. Cette analyse se serait révélée ardue compte tenu de l’extrême complexité de la matière, des obstacles linguistiques et de la difficulté d’accès à la réglementation pertinente des États membres en raison notamment des évolutions continues de la jurisprudence des juridictions de ceux-ci. À cet égard, ladite analyse aurait justifié l’intervention de plusieurs avocats de différents États membres.

    10      Quatrièmement, s’agissant de l’ampleur du travail requis de la part des avocats des requérants, les 242 heures consacrées par ces avocats à l’affaire T-502/16 auraient été tout à fait justifiées compte tenu de l’absence de précédents pertinents sur les questions soulevées dans la jurisprudence des juridictions de l’Union ainsi que des particularités et des difficultés propres à cette affaire. Les 159 heures consacrées par les avocats des requérants à l’affaire C‑54/20 P auraient été également nécessaires compte tenu, d’une part, des questions nouvelles soulevées par cette affaire quant à l’interprétation de l’article 90 et de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne au vu de la demande indemnitaire du frère et de la sœur du fonctionnaire défunt et, d’autre part, des arguments avancés par la Commission au cours de la procédure de pourvoi. En outre, le moyen tiré de la violation, par le Tribunal, de son obligation de motivation aurait obligé les avocats des requérants à réexaminer l’ensemble du dossier de l’affaire. Le temps consacré à la recherche et à la rédaction, dans ces deux affaires, par les assistants juridiques originaires de différents États membres serait justifié compte tenu de la nouveauté et de la complexité de celles-ci ainsi que de la nécessité de les traiter efficacement dans l’intérêt des requérants. Par ailleurs, les requérants font valoir que le taux horaire de 380 euros pratiqué par Me Di Gianni est justifié compte tenu de son expérience et que, notamment, dans les ordonnances du 28 novembre 2013, Lagardère/Éditions Odile Jacob (C‑551/10 P‑DEP, EU:C:2013:809), et du 30 mai 2018, Simba Toys/EUIPO et Seven Towns (C‑30/15 P‑DEP, EU:C:218:353), ont été admis des taux horaires de 450 euros environ. Dans l’hypothèse où le nombre total d’heures effectuées par cet avocat devrait être réévalué, il conviendrait de prendre en compte un taux horaire supérieur à 280 euros.

    11      Enfin, cinquièmement, bien que la somme octroyée par le Tribunal, à titre d’indemnisation, ait été inférieure à celle réclamée par les requérants, l’intérêt économique du litige pour ceux-ci serait néanmoins significatif.

    12      La Commission estime, à titre principal, que la demande de taxation des dépens des requérants est irrecevable en raison de son manque de précision. En particulier, les différentes activités menées par les avocats pour les différentes phases de la procédure, dans chacune des affaires en cause, ne serait pas précisées et ces activités ne seraient pas quantifiées en termes économiques. L’invocation des annexes A1 et A2 de ladite demande ne pallierait pas ces manquements, car, d’une part, les requérants procéderaient à un renvoi global à l’annexe A1 et, d’autre part, l’annexe A2 ne saurait être prise en compte, dès lors qu’elle contient la réponse de la Commission à la demande des requérants visant à obtenir un règlement à l’amiable du litige et que cette réponse est donnée sans préjudice de la position de la Commission en l’absence d’un tel règlement à l’amiable.

    13      À titre subsidiaire, la Commission estime que le montant des dépens récupérables sollicité par les requérants est disproportionné compte tenu de la quantité réelle de travail requise pour les affaires en cause.

    14      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige dans l’affaire T‑502/16, la Commission avance, en substance, que, si la question de l’indemnisation du préjudice moral subi par les membres de la famille en ligne collatérale d’un fonctionnaire à la suite du décès de celui-ci était certes inédite, la réponse donnée par le Tribunal à celle-ci était d’une grande simplicité dès lors qu’elle requérait uniquement d’interpréter le statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Quant à la nature et à l’objet du litige dans l’affaire C‑54/20 P, la Commission relève que seules certaines questions de droit nécessitaient un examen, lequel n’était pas particulièrement complexe.

    15      En deuxième lieu, la Commission estime que les affaires T-502/16 et C‑54/20 P n’ont aucune importance particulière au regard du droit de l’Union en général, dès lors que le litige en cause portait sur un aspect très spécifique du droit de la fonction publique européenne, à savoir la réparation du préjudice moral subi par certains membres de la famille d’un fonctionnaire décédé.

    16      En troisième lieu, la Commission avance que les requérants n’ont pas démontré que les affaires en cause étaient d’une difficulté particulière. Les requérants allégueraient à tort que ces affaires requéraient une analyse comparée approfondie ou l’intervention d’avocats de différents États membres.

    17      En quatrième lieu, s’agissant de l’ampleur du travail accompli par les avocats, la Commission soutient que le nombre d’heures de travail objectivement indispensable pour traiter l’affaire T-502/16 était de 26 heures et avance plusieurs arguments à cet égard. Concernant l’affaire C-54/20 P, la Commission estime que, au vu de la portée du litige en cause et des interventions des requérants consistant en grande partie à répéter des arguments déjà avancés en première instance, 21 heures de travail étaient appropriées pour traiter cette affaire, soit dix heures pour la rédaction du mémoire en réponse, cinq heures pour celles du mémoire en duplique et six heures pour la rédaction de la réponse écrite à la question que la Cour avait posée aux parties. Aucune autre activité des avocats n’aurait été indispensable.

    18      La Commission estime également que le travail des assistants juridiques ne peut être pris en compte faute d’avoir démontré que leur travail était indispensable pour assurer la représentation des requérants. En outre, elle allègue que le taux horaire de 380 euros pratiqué par Me Di Gianni est excessif et qu’un taux horaire de 270 euros aux fins du traitement de l’affaire en première instance ainsi qu’un taux horaire de 280 euros pour traiter l’affaire dans le cadre de la procédure de pourvoi sont appropriés, ainsi qu’il ressortirait de l’ordonnance du 19 septembre 2019, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑401/11 P‑DEP, EU:T:2019:660).

    19      Enfin, en cinquième lieu, la Commission ne conteste pas que le litige en cause présentait un intérêt économique pour les requérants.

    20      Au vu de l’ensemble de ces considérations, la Commission estime que le montant approprié des dépens récupérables, au titre des frais que les requérants ont exposés dans le cadre des affaires T-502/16 et C‑54/20 P, doit être fixé à 12 954 euros, soit à 7 074 euros pour l’affaire T‑502/16, correspondant à 26 heures de travail au taux horaire de 270 euros, auquel s’ajoutent les frais de déplacement aux fins d’assister à l’audience, équivalant à 5 % du montant correspondant aux quatre heures de travail consacrées à la préparation de l’audience, et à 5 880 euros pour l’affaire C‑54/20 P, correspondant à 21 heures de travail au taux horaire de 280 euros. Toutefois, étant donné que les affaires T‑502/16 et C‑54/20 P concernaient non seulement le frère et la sœur du fonctionnaire décédé, mais également sa mère et ses quatre enfants et que la présente procédure n’a été introduite que par ce frère et cette sœur, la Commission considère que le montant des dépens récupérables doit être réduit de moitié. La somme appropriée des dépens récupérables s’élèverait donc à 6 477 euros. Ce montant ne devrait pas être majoré d’un montant correspondant aux frais afférents à la procédure de taxation des dépens ou par des intérêts moratoires, car les requérants n’auraient pas formulé de demande en ce sens.

     Appréciation de la Cour

     Sur la compétence

    21      Pour autant que la présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés dans le cadre de l’affaire T-502/16, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 133 du règlement de procédure du Tribunal, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance et que, en vertu de l’article 170 de ce règlement, en cas de contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours.

    22      En l’occurrence, dans son arrêt du 20 novembre 2019, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑502/16, EU:T:2019:795), le Tribunal a condamné la Commission aux dépens. Cet arrêt a mis fin à l’instance devant le Tribunal dès lors que le pourvoi de la Commission contre ledit arrêt a été rejeté par la Cour dans son arrêt du 5 mai 2022, Commission/Missir Mamachi di Lusignano (C‑54/20 P, EU:C:2022:349). Ainsi, conformément à l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, la demande de taxation des dépens relative à la procédure dans l’affaire T-502/16 relève de la compétence du Tribunal et non de la Cour (voir, par analogie, ordonnances du 12 octobre 2012, Zafra Marroquineros/Calvin Klein Trademark Trust, C‑254/09 P‑DEP, EU:C:2012:628, point 35, et du 26 février 2015, Wedl & Hofmann/Reber Holding, C‑141/13 P‑DEP, EU:C:2015:133, points 16 et 17).

    23      Par ailleurs, étant donné que l’article 54, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que, lorsque la Cour constate qu’un recours relève de la compétence du Tribunal, elle le renvoie à ce dernier, il convient de renvoyer la présente affaire au Tribunal pour autant qu’elle concerne la taxation des dépens exposés par les requérants dans le cadre de l’affaire T‑502/16.

     Sur la recevabilité

    24      La Commission conteste la recevabilité de la présente demande de taxation des dépens au motif qu’elle manque de précision et que le renvoi aux annexes A1 et A2 de cette demande ne peut pallier ce manquement.

    25      À cet égard, il y a lieu d’observer que, s’agissant de l’affaire C-54/20 P, les requérants ont exposé dans leur demande de taxation des dépens l’objet et la nature particulière de cette affaire, son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que son degré de difficulté. En outre, ils ont justifié le nombre d’heures consacrées par leurs avocats au traitement de ladite affaire ainsi que les taux horaires pratiqués par ceux-ci tels que détaillés dans cette annexe A1 et ont souligné l’importance du travail effectué par des assistants juridiques dans la même affaire. Enfin, ils ont exposé l’intérêt économique que représentait à leur égard le litige à l’origine de celle-ci. Une lecture combinée de cette demande et de ladite annexe A1 permet de comprendre à suffisance la portée et les motifs de ladite demande en ce qu’elle a trait à l’affaire C‑54/20 P.

    26      Partant, pour autant qu’elle concerne la taxation des dépens exposés par les requérants dans le cadre de l’affaire C-54/20 P, la présente demande de taxation des dépens est recevable.

     Sur le fond

    27      Aux termes de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, sont considérés comme constituant des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

    28      Il ressort du libellé de cet article 144, sous b), que la rémunération d’un avocat relève des frais « indispensables », au sens de cette disposition, et que les dépens récupérables sont limités aux frais indispensables exposés aux fins de la procédure (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 19 et jurisprudence citée).

    29      Il convient également de rappeler que le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. À cette fin, le juge de l’Union n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats (ordonnance du 5 octobre 2023, Pirelli Tyre/EUIPO, C‑818/18 P‑DEP, EU:C:2023:747, point 33 et jurisprudence citée).

    30      En l’absence de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, la Cour doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de la nature et de l’objet du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 21 et jurisprudence citée).

    31      En outre, la Cour, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris les frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P‑DEP, EU:C:2022:768, point 20 et jurisprudence citée).

    32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables afférents à l’affaire C-54/20 P.

    33      S’agissant, en premier lieu, de la nature et de l’objet du litige en cause, il convient de rappeler que la Cour a été saisie dans le cadre d’une procédure de pourvoi, qui, par sa nature même, est limitée aux questions de droit et n’a pas pour objet, hormis le cas de la dénaturation, la constatation ou l’appréciation des faits du litige. L’objet du litige était circonscrit à deux questions. La première, exposée dans le cadre du premier moyen qui comportait deux branches, avait trait, en substance, à la possibilité pour le frère et la sœur d’un fonctionnaire défunt de saisir les juridictions de l’Union sur le fondement de l’article 270 TFUE, afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant du décès de ce fonctionnaire. La seconde, exposée dans le cadre du second moyen, portait sur le respect par le Tribunal de son obligation de motivation.

    34      S’agissant, en deuxième lieu, de l’importance du litige en cause sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés que présentent les questions examinées dans le cadre de la procédure de pourvoi, il y a lieu de relever que la question du respect par le Tribunal de son obligation de motivation fait l’objet d’une jurisprudence bien établie et ne pose pas de difficultés particulières. En revanche, la question de savoir si les juridictions de l’Union sont compétentes pour apprécier une demande d’indemnisation formulée par le frère ou la sœur d’un fonctionnaire défunt sur le fondement de l’article 270 TFUE était inédite. En outre, cette question était importante dès lors qu’elle concerne l’accès au juge de l’Union et, en particulier, la délimitation entre la voie de recours propre au contentieux de la fonction publique prévue à l’article 270 TFUE et les voies de recours générales prévues, pour le recours en annulation, à l’article 263 TFUE et, pour le recours en indemnité, à l’article 268 TFUE ainsi qu’à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. L’examen de ladite question était également d’une certaine complexité et nécessitait une analyse approfondie, de sorte que la Cour a estimé que son traitement justifiait le bénéfice de conclusions d’un avocat général.

    35      Partant, l’affaire C-54/20 P revêtait une importance particulière sous l’angle du droit de l’Union et soulevait une question d’une certaine complexité.

    36      S’agissant, en troisième lieu, de l’intérêt économique que le litige en cause présentait pour les parties en cause, la Commission ne conteste pas qu’il a eu un tel intérêt pour les requérants. Cet intérêt était important dès lors que ceux-ci avaient demandé au Tribunal que la Commission soit condamnée à leur verser à chacun la somme de 154 350 euros au titre du préjudice moral qu’ils avaient subi et que le Tribunal a condamné la Commission à payer à chacun des requérants 10 000 euros à ce titre.

    37      S’agissant, en quatrième lieu, de l’ampleur du travail requis par la procédure de pourvoi, il ressort d’une lecture combinée de la demande de taxation des dépens et de l’annexe A1 à celle-ci que cette procédure a requis 159 heures de travail de la part des conseillers des requérants, lesquelles auraient été réparties sur cinq tâches, à savoir, premièrement, l’analyse de l’arrêt attaqué (10 heures), deuxièmement, l’analyse du pourvoi de la Commission ainsi que la rédaction et la révision du mémoire en réponse (52 heures), troisièmement, l’analyse du mémoire en réplique ainsi que la rédaction et la révision du mémoire en duplique (46 heures), quatrièmement, la rédaction et la révision de la réponse écrite à la question de la Cour (44 heures) et, cinquièmement, l’analyse des conclusions de Mme l’avocate générale rendues dans cette procédure (7 heures). Ce travail a été effectué par plusieurs avocats et assistants juridiques pratiquant des taux horaires pouvant aller de 150 euros à 380 euros.

    38      À cet égard, il importe de rappeler que, si, en principe, la rémunération d’un seul agent, conseil ou avocat est recouvrable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de « frais indispensables », au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 36 et jurisprudence citée).

    39      Il s’ensuit que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il doit être tenu compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 37 et jurisprudence citée).

    40      Par ailleurs, des avocats dont les prestations sont facturées à un tarif horaire moyen de plus de 270 euros doivent justifier d’une qualification et d’une expérience élevées et sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées avec efficacité et célérité. En effet, il a déjà été jugé qu’un taux horaire de 270 euros n’apparaissait pas disproportionné au regard des tarifs pratiqués dans les affaires relevant du domaine de la fonction publique au stade du pourvoi (voir, en ce sens, ordonnances du 3 octobre 2022, EUIPO/Schneider, C‑116/19 P‑DEP, EU:C:2022:751, point 30, et du 3 octobre 2022, EUIPO/Pethke, C‑382/19 P‑DEP EU:C:2022:752, point 29). Partant, la prise en compte d’une rémunération de plus de 270 euros par heure de travail accomplie doit avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure concernée (voir, en ce sens, ordonnance du 21 février 2022, OZ/BEI, C‑558/17 P‑DEP, EU:C:2022:140, point 38 et jurisprudence citée).

    41      Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait que, en l’espèce, les avocats des requérants disposaient déjà d’une connaissance approfondie de l’affaire en cause, puisqu’ils avaient représenté ces mêmes requérants au cours de la procédure en première instance. Les dix heures de travail effectuées par ces avocats et leurs assistants juridiques pour examiner l’arrêt attaqué n’apparaissent dès lors pas, dans leur totalité, objectivement indispensables aux fins de la procédure devant la Cour.

    42      De plus, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que, en principe, les honoraires d’avocat se rapportant à une période postérieure à la procédure orale devant la Cour ne sauraient être qualifiés de frais indispensables exposés aux fins d’une procédure de pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P‑DEP, EU:C:2022:768, point 32 et jurisprudence citée). Par conséquent, en l’absence d’autre précision, il n’y a pas lieu de prendre en compte les sept heures d’analyse des conclusions de Mme l’avocate générale rendues dans le cadre de la procédure de pourvoi.

    43      En ce qui concerne les 52 heures de travail effectuées aux fins de la soumission du mémoire en réponse et les 46 heures de travail accomplies pour la soumission du mémoire en duplique, celles-ci ne paraissent pas, dans leur totalité, objectivement indispensables. En effet, ainsi qu’exposé au point 34 de la présente ordonnance, l’affaire en cause ne portait que sur deux questions de droit dont seule la question de savoir si les juridictions de l’Union étaient compétentes pour apprécier une demande d’indemnisation formulée par le frère ou la sœur d’un fonctionnaire défunt sur le fondement de l’article 270 TFUE était inédite, d’une certaine complexité et nécessitait une analyse approfondie.

    44      De même, la totalité des 44 heures de travail aux fins de répondre par écrit à la question que la Cour avait posée aux requérants ne semble pas objectivement indispensable au regard du fait qu’une seule question était posée aux requérants ainsi que de la réponse apportée à cette question.

    45      Eu égard aux considérations exposées aux points 33 à 44 de la présente ordonnance, il convient, en l’espèce, de fixer le montant des honoraires d’avocat objectivement indispensables pour assurer la défense des intérêts des requérants dans le cadre de la procédure de pourvoi ainsi que de la présente procédure de taxation à la somme de 18 000 euros.

    46      En ce qui concerne le paiement par la Commission d’intérêts moratoires sur ce montant, la Commission allègue à tort que les requérants n’ont pas demandé une telle condamnation. Ainsi qu’indiqué au point 5 de la présente ordonnance, les requérants ont expressément conclu en ce sens.

    47      Pour déterminer le taux de ces intérêts, il y a lieu de tenir compte de l’article 99, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1). Par conséquent, le taux des intérêts moratoires affecté au montant mentionné au point 45 de la présente ordonnance sera celui appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement, en vigueur le premier jour civil du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi de pourcentage (voir, en ce sens, ordonnances du 14 janvier 2016, Commission/Marcuccio, C‑617/11 P‑DEP, EU:C:2016:17, point 12, et du 17 décembre 2020, Zumex Group/Comercializadora Eloro, C‑71/16 P‑DEP, EU:C:2020:1060, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

    48      Dans la mesure où, en application de l’article 91, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, l’ordonnance rendue par la Cour a force obligatoire à compter du jour de sa signification, les intérêts moratoires commenceront à courir à compter de la date de la signification de la présente ordonnance.

    49      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par les requérants auprès de la Commission, afférents à l’affaire C-54/20 P, en fixant leur montant total à la somme de 18 000 euros, somme à laquelle seront ajoutés les intérêts moratoires à partir du jour de la signification de la présente ordonnance jusqu’à la date du paiement du montant total dû, à un taux égal à celui appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement en vigueur le premier jour civil du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi de pourcentage.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

    1)      L’affaire C-54/20 P-DEP est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne pour autant qu’elle concerne la taxation des dépens exposés par M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano dans le cadre de l’affaire T-502/16.

    2)      Le montant total des dépens que la Commission européenne doit rembourser à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano au titre de l’affaire C-54/20 P est fixé à 18 000 euros, somme à laquelle seront ajoutés les intérêts moratoires à partir du jour de la signification de la présente ordonnance jusqu’à la date du paiement du montant total dû, à un taux égal à celui appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en vigueur le premier jour civil du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi de pourcentage.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’italien.

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