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Document 62020CJ0426

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 mai 2022.
    GD et ES contre Luso Temp – Empresa de Trabalho Temporário SA.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Judicial da Comarca de Braga, Juízo do Trabalho de Barcelos.
    Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2008/104/CE – Travail intérimaire – Article 5, paragraphe 1 – Principe d’égalité de traitement – Article 3, paragraphe 1, sous f) – Notion de “conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires” – Indemnité due au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante en cas de cessation de la relation de travail.
    Affaire C-426/20.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:373

     ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    12 mai 2022 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2008/104/CE – Travail intérimaire – Article 5, paragraphe 1 – Principe d’égalité de traitement – Article 3, paragraphe 1, sous f) – Notion de “conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires” – Indemnité due au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante en cas de cessation de la relation de travail »

    Dans l’affaire C‑426/20,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Judicial da Comarca de Braga, Juízo do Trabalho de Barcelos (tribunal d’arrondissement de Braga, juge du travail de Barcelos, Portugal), par décision du 15 juillet 2020, parvenue à la Cour le 10 septembre 2020, dans la procédure

    GD,

    ES

    contre

    Luso Temp ‑ Empresa de Trabalho Temporário SA,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de Mme I. Ziemele, présidente de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,

    avocat général : M. G. Pitruzzella,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour le gouvernement portugais, par Mmes A. Pimenta, P. Barros da Costa, M. J. Marques et D. Silva ainsi que par M. L. Claudino Oliveira, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mme D. Recchia et M. G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2021,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire (JO 2008, L 327, p. 9), lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci.

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GD et ES, travailleurs intérimaires, à Luso Temp ‑ Empresa de Trabalho Temporário SA (ci-après « Luso Temp »), société avec laquelle ces travailleurs ont conclu un contrat de travail intérimaire, au sujet du montant de l’indemnité que cette société doit leur verser, au titre des jours de congés payés non pris et de la prime de vacances correspondante, en raison de la cessation de leur relation de travail.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    L’accord-cadre sur le travail à temps partiel

    3

    La clause 4, intitulée « Principe de non-discrimination », de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998 (JO 1998, L 131, p. 10) (ci-après l’« accord-cadre sur le travail à temps partiel »), énonce, à son point 1 :

    « Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. »

    L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

    4

    La clause 4, intitulée « Principe de non-discrimination », de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43) (ci-après l’« accord-cadre sur le travail à durée déterminée »), prévoit, à son point 1 :

    « Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. »

    La directive 2008/104

    5

    Les considérants 1, 10 à 12 et 15 de la directive 2008/104 sont libellés comme suit :

    « (1)

    La présente directive respecte les droits fondamentaux et principes qui sont reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [...] Elle vise en particulier à assurer le plein respect de l’article 31 de la charte [des droits fondamentaux] qui prévoit que tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ainsi qu’à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.

    [...]

    (10)

    Au sein de l’Union européenne, la situation juridique, le statut et les conditions de travail des travailleurs intérimaires se caractérisent par une très grande diversité.

    (11)

    Le travail intérimaire répond non seulement aux besoins de flexibilité des entreprises mais aussi à la nécessité de concilier la vie privée et la vie professionnelle des salariés. Il contribue ainsi à la création d’emplois ainsi qu’à la participation et à l’insertion sur le marché du travail.

    (12)

    La présente directive établit un cadre protecteur pour les travailleurs intérimaires qui est non discriminatoire, transparent et proportionné, tout en respectant la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux.

    [...]

    (15)

    Les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail. S’agissant des travailleurs liés à l’entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée indéterminée et, compte tenu de la protection particulière afférente à la nature de leur contrat de travail, il convient de prévoir la possibilité de déroger aux règles applicables dans l’entreprise utilisatrice. »

    6

    L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

    « La présente directive s’applique aux travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction. »

    7

    En vertu de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Objet » :

    « La présente directive a pour objet d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe de l’égalité de traitement, tel qu’il est énoncé à l’article 5, à l’égard des travailleurs intérimaires et en reconnaissant les entreprises de travail intérimaire comme des employeurs, tout en tenant compte de la nécessité d’établir un cadre approprié d’utilisation du travail intérimaire en vue de contribuer efficacement à la création d’emplois et au développement de formes souples de travail. »

    8

    L’article 3 de la directive 2008/104, intitulé « Définitions », dispose, à son paragraphe 1, sous f) :

    « Aux fins de la présente directive, on entend par :

    [...]

    f)

    “conditions essentielles de travail et d’emploi” : les conditions de travail et d’emploi établies par la législation, la réglementation, les dispositions administratives, les conventions collectives et/ou toute autre disposition générale et contraignante, en vigueur dans l’entreprise utilisatrice, relatives :

    i)

    à la durée du travail, aux heures supplémentaires, aux temps de pause, aux périodes de repos, au travail de nuit, aux congés, aux jours fériés ;

    ii)

    à la rémunération. »

    9

    L’article 5 de cette directive, intitulé « Principe d’égalité de traitement », énonce :

    « 1.   Pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste.

    [...]

    2.   En ce qui concerne la rémunération, les États membres peuvent, après consultation des partenaires sociaux, prévoir qu’il peut être dérogé au principe énoncé au paragraphe 1 lorsque les travailleurs intérimaires, liés à l’entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée indéterminée, continuent d’être rémunérés dans la période qui sépare deux missions.

    3.   Les États membres peuvent, après avoir consulté les partenaires sociaux, leur offrir la possibilité de maintenir ou de conclure, au niveau approprié et sous réserve des conditions fixées par les États membres, des conventions collectives qui, tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires, peuvent mettre en place, pour les conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, des dispositions qui peuvent différer de celles qui sont visées au paragraphe 1.

    4.   Pour autant qu’un niveau de protection suffisant soit assuré aux travailleurs intérimaires, les États membres dans lesquels il n’existe pas de système juridique conférant aux conventions collectives un caractère universellement applicable ou dans lesquels il n’existe pas de système juridique ou de pratique permettant d’étendre les dispositions de ces conventions à toutes les entreprises similaires d’une zone géographique ou d’un secteur donné, peuvent, après consultation des partenaires sociaux au niveau national et sur la base d’un accord conclu avec eux, mettre en place, en ce qui concerne les conditions essentielles de travail et d’emploi, des dispositions qui dérogent au principe énoncé au paragraphe 1. Ces dispositions peuvent notamment prévoir un délai d’accès au principe de l’égalité de traitement.

    [...] »

    Le droit portugais

    10

    L’article 185 du Código do Trabalho (code du travail), tel qu’approuvé par la Lei n.o 7/2009 (loi no 7/2009), du 12 février 2009 (Diário da República, 1re série, no 30, du 12 février 2009) (ci-après le « code du travail »), intitulé « Conditions de travail des travailleurs intérimaires », dispose, à son paragraphe 6 :

    « Les travailleurs intérimaires ont droit, proportionnellement à la durée de leur contrat, à des congés, à une prime de vacances et à une prime de Noël, ainsi qu’à d’autres prestations régulières et périodiques auxquelles ont droit les travailleurs de l’entreprise utilisatrice pour un travail égal ou de valeur égale. »

    11

    En vertu de l’article 237 du code du travail, intitulé « Droit aux congés » :

    « 1.   Le travailleur a droit, au cours de chaque année civile, à une période de congés payés, qui échoit le 1er janvier.

    2.   Le droit aux congés se rapporte en règle générale au travail effectué au cours de l’année civile précédente, mais il n’est pas conditionné à la présence ou à l’effectivité du service.

    [...] »

    12

    L’article 238 de ce code, intitulé « Durée de la période de congés », énonce, à son paragraphe 1 :

    « La durée annuelle des congés est de 22 jours ouvrables au minimum.

    [...] »

    13

    Aux termes de l’article 239 dudit code, intitulé « Cas particuliers de durée des congés » :

    « 1.   L’année de son recrutement, le travailleur a droit à deux jours ouvrables de congé pour chaque mois de durée du contrat, jusqu’à concurrence de 20 jours, dont la jouissance peut avoir lieu après six mois complets d’exécution du contrat.

    2.   Si l’année civile se termine avant la date limite visée au paragraphe précédent, les congés peuvent être pris jusqu’au 30 juin de l’année suivante.

    3.   L’application des dispositions des paragraphes précédents ne peut avoir pour effet de faire bénéficier, au cours d’une même année civile, de plus de 30 jours ouvrables de congés, sans préjudice des dispositions d’une convention collective.

    [...] »

    14

    L’article 245 du code du travail, intitulé « Effets de la cessation du contrat de travail sur le droit aux congés », prévoit :

    « 1.   En cas de cessation du contrat de travail, le travailleur a droit au paiement des congés et de la prime de vacances respective :

    a)

    correspondants aux congés échus et non pris ;

    b)

    proportionnels à la durée du service effectué au cours de l’année de cessation du contrat.

    2.   Dans le cas visé au point a) du paragraphe précédent, la période de congé est prise en compte aux fins de l’ancienneté.

    3.   En cas de cessation d’un contrat au cours de l’année civile qui suit le recrutement ou d’un contrat dont la durée est inférieure à douze mois, le total des congés annuels ou de la rémunération correspondante auxquels le salarié a droit ne peut dépasser celui qui découle du calcul des congés annuels dus proportionnellement à la durée du contrat.

    [...] »

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    15

    ES et GD ont conclu, respectivement les 9 et 29 octobre 2017, un contrat de travail intérimaire avec Luso Temp, dans le cadre duquel ils ont été mis à disposition pour effectuer une mission auprès de l’entreprise utilisatrice en cause au principal.

    16

    Cette mission a pris fin le 8 octobre 2019 dans le cas de ES et le 28 octobre suivant dans celui de GD.

    17

    À la suite de la cessation de leur relation de travail intérimaire, les requérants au principal ont formé un recours contre Luso Temp devant le Tribunal Judicial da Comarca de Braga, Juízo do Trabalho de Barcelos (tribunal d’arrondissement de Braga, juge du travail de Barcelos, Portugal), la juridiction de renvoi, tendant au recouvrement des montants prétendument non versés au titre des jours de congés payés et de la prime de vacances correspondante dus pour la période pendant laquelle ils avaient été employés par cette société.

    18

    Selon la décision de renvoi, les parties au principal sont en désaccord concernant la méthode de calcul à appliquer pour déterminer le nombre de jours de congés payés et le montant de la prime de vacances correspondante auxquels les requérants au principal ont droit.

    19

    En effet, les requérants au principal feraient valoir que ce nombre et ce montant doivent être déterminés conformément au régime général des congés payés, prévu aux articles 237 à 239 et à l’article 245 du code du travail. Ainsi, ES et GD estimeraient que, en application de ces dispositions, ils ont droit à un versement équivalant respectivement à 65 et à 67 jours de congés payés, ainsi qu’à la prime de vacances correspondante, à savoir :

    à deux jours de congés par mois de travail effectué pendant l’année d’entrée en service, en application de l’article 239, paragraphe 1, de ce code, soit quatre jours pour les deux mois de travail qu’ils ont effectués au cours de l’année 2017 ;

    à 22 jours par année travaillée, au titre de l’article 237, paragraphe 1, et de l’article 238, paragraphe 1, dudit code, échus au 1er janvier 2018 et au 1er janvier 2019, soit un total de 44 jours, et

    au nombre de jours de congés calculé au prorata du temps de travail effectué au cours de l’année de cessation de leur relation de travail, à savoir l’année 2019, en vertu de l’article 245, paragraphe 1, sous b), du même code, et ainsi, à 17 jours dans le cas de ES et à 19 jours dans celui de GD.

    20

    Au contraire, Luso Temp considérerait que la méthode de calcul à appliquer pour déterminer le nombre de jours de congés payés et le montant de la prime de vacances correspondante auxquels les requérants au principal ont droit est celle prévue dans le régime spécial en matière de congés payés applicable aux travailleurs intérimaires, prévu à l’article 185, paragraphe 6, du code du travail, selon lequel les travailleurs intérimaires n’ont droit à des congés payés et à la prime de vacances correspondante que proportionnellement à la durée de leur contrat. Ainsi, chacun des requérants au principal n’aurait droit qu’à 44 jours de congés payés correspondant aux deux années de travail qu’ils ont effectuées.

    21

    La juridiction de renvoi indique que l’article 185 de ce code est une règle spécifique applicable aux contrats de travail intérimaire, de telle sorte que son application prévaut sur celle des règles générales prévues par ledit code pour la plupart des contrats de travail. En effet, compte tenu de son insertion systématique dans le même code, il serait clair que le législateur a voulu écarter l’application du régime général des congés.

    22

    Cette juridiction nourrit des doutes quant à la compatibilité de l’article 185, paragraphe 6, du code du travail avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104.

    23

    En effet, selon ladite juridiction, l’article 185, paragraphe 6, de ce code introduit une différence de traitement entre, d’une part, les travailleurs intérimaires qui sont en mission dans une entreprise utilisatrice pour une période supérieure ou égale à douze mois ou pour une période qui commence au cours d’une année civile et qui ne se termine que deux années civiles ou plus après cette date et, d’autre part, les travailleurs qui ont été recrutés directement par cette entreprise utilisatrice, dès lors que le droit des travailleurs intérimaires à des congés payés et à la prime de vacances correspondante serait toujours calculé de manière proportionnelle à la durée de leur contrat, tandis que les travailleurs recrutés directement par ladite entreprise utilisatrice et y occupant le même poste pourraient, dans les mêmes circonstances, bénéficier du régime général plus favorable prévu aux articles 237 à 239 et à l’article 245, paragraphe 1, dudit code.

    24

    En l’occurrence, il en résulterait que les requérants au principal auraient droit à un nombre de jours de congés payés et à un montant de prime de vacances correspondante inférieurs à ceux dont ils bénéficieraient s’ils avaient été recrutés directement par l’entreprise utilisatrice en cause au principal pour la même période et pour le même poste.

    25

    La juridiction de renvoi relève qu’une telle différence de traitement n’est néanmoins pas constatée lorsque la durée de la relation de travail intérimaire est inférieure à douze mois ou lorsqu’elle commence au cours d’une année civile et s’achève au cours de l’année civile suivante. En effet, dans de telles situations, le calcul du nombre de jours de congés payés et du montant de la prime de vacances correspondante des travailleurs entrant dans le champ d’application du régime général s’effectuerait également de manière proportionnelle à la durée de leur contrat de travail, en application de l’article 245, paragraphe 3, du code du travail, de telle sorte que, en pratique, il n’existerait pas de différences de traitement dans ces cas.

    26

    C’est dans ces circonstances que le Tribunal Judicial da Comarca de Braga, Juízo do Trabalho de Barcelos (tribunal d’arrondissement de Braga, juge du travail de Barcelos) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « L’article 3, paragraphe 1, sous f), et l’article 5, paragraphe 1, de la directive [2008/104] s’opposent-ils à une règle telle que celle figurant à l’article 185, paragraphe 6, du [code du travail], en vertu de laquelle le nombre de jours de congés et le montant de la prime de vacances correspondante auxquels un travailleur intérimaire a droit sont toujours proportionnels au temps travaillé pour l’entreprise utilisatrice, même lorsque ce travailleur commence à travailler au cours d’une année civile et qu’il ne cesse son activité que deux années civiles ou plus après cette date, tandis qu’un travailleur recruté directement par l’entreprise utilisatrice et occupant le même poste pendant la même durée se verra appliquer le régime général des congés, qui lui garantit une période de congés plus longue et une prime de vacances correspondante plus élevée, car celles‑ci ne sont pas proportionnelles au temps travaillé ? »

    Sur la question préjudicielle

    27

    Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’indemnité à laquelle les travailleurs intérimaires peuvent prétendre, en cas de cessation de leur relation de travail avec une entreprise utilisatrice, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante, est inférieure à l’indemnité à laquelle ces travailleurs pourraient prétendre, dans la même situation et au même titre, s’ils avaient été recrutés directement par cette entreprise utilisatrice pour y occuper le même poste pendant la même durée.

    Sur la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci

    28

    En premier lieu, il convient d’examiner si une indemnité, due en cas de cessation d’une relation de travail intérimaire, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante, relève de la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci.

    29

    Selon une jurisprudence constante, en vue de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 octobre 2021, Magistrat der Stadt Wien (Grand Hamster ‑ II), C‑357/20, EU:C:2021:881, point 20 et jurisprudence citée].

    30

    Premièrement, si le libellé de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104 ne comporte aucune indication permettant de savoir si la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi » qui y figure doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut ou non une telle indemnité, cette notion fait référence, conformément à la définition énoncée à l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la directive 2008/104, tant aux congés qu’à la rémunération.

    31

    Or, dès lors qu’il est expressément fait référence aux congés dans cette définition et qu’il ressort du considérant 1 de la directive 2008/104 que cette dernière vise à assurer le plein respect de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, lequel prévoit, notamment, que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, le droit à des congés annuels payés fait partie des « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci.

    32

    Deuxièmement, s’agissant du contexte dans lequel s’insère cette disposition, il convient de rappeler que la directive 2008/104 a été adoptée pour compléter le cadre réglementaire établi par la directive 97/81, telle que modifiée par la directive 98/23, ainsi que par la directive 1999/70, sur le fondement de l’article 137, paragraphes 1 et 2, CE, qui habilitait les institutions de l’Union à arrêter, par la voie des directives, des prescriptions minimales applicables progressivement notamment aux conditions de travail [arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire), C‑681/18, EU:C:2020:823, point 39].

    33

    Or, la Cour a jugé, à l’égard de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, que l’expression « conditions d’emploi » désigne les droits et les obligations qui définissent une relation de travail donnée, en y incluant tant les conditions dans lesquelles une personne exerce un emploi que celles relatives à la cessation de cette relation de travail (arrêt du 20 décembre 2017, Vega González, C‑158/16, EU:C:2017:1014, point 34).

    34

    La Cour a également jugé que la notion de « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de cet accord-cadre, inclut l’indemnité qu’un employeur est tenu de verser à un travailleur en raison de la résiliation de son contrat de travail à durée déterminée (arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras, C‑596/14, EU:C:2016:683, point 32).

    35

    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’accord-cadre sur le travail à temps partiel que, s’agissant d’un travailleur qui n’a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail, l’indemnité à laquelle il a droit doit être calculée de sorte que ce travailleur soit placé dans une situation comparable à celle dans laquelle il aurait été s’il avait exercé ce droit pendant la durée de sa relation de travail (arrêt du 11 novembre 2015, Greenfield, C‑219/14, EU:C:2015:745, point 51 et jurisprudence citée).

    36

    De surcroît, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 59 et 60 de ses conclusions, l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104 vise, de manière encore plus ciblée que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel ainsi que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, à assurer une protection effective des travailleurs atypiques et précaires, de telle sorte qu’une solution analogue à celle retenue par la jurisprudence citée aux points 33 à 35 du présent arrêt, concernant l’interprétation de la notion de « conditions d’emploi », au sens de ces clauses 4, s’impose, a fortiori, pour déterminer la portée de la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de cet article 5.

    37

    En effet, en vertu dudit article 5, qui consacre le principe d’égalité de traitement, « [p]endant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par [cette] entreprise pour y occuper le même poste », alors que, conformément auxdites clauses 4, qui prévoient le principe de non-discrimination, les travailleurs à durée déterminée et ceux à temps partiel « ne sont pas traités d’une manière moins favorable » que, respectivement, les travailleurs à durée indéterminée et ceux à temps plein comparables.

    38

    Enfin, la Cour a jugé que, lorsque la relation de travail a pris fin et que, partant, la prise effective du congé annuel payé n’est plus possible, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), prévoit que le travailleur a droit à une indemnité afin d’éviter que, en raison de cette impossibilité, toute jouissance par le travailleur de ce droit, même sous forme pécuniaire, soit exclue (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C‑341/15, EU:C:2016:576, point 26 et jurisprudence citée).

    39

    Partant, le contexte dans lequel s’inscrit l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104 corrobore l’interprétation selon laquelle la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi » visée à cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut une indemnité, due par l’employeur en raison de la cessation de la relation de travail intérimaire, au titre des jours de congés annuels payés non pris ainsi que de la prime de vacances correspondante.

    40

    En ce qui concerne, troisièmement, les objectifs poursuivis par la directive 2008/104, cette directive vise à assurer, comme il est indiqué au point 31 du présent arrêt, le plein respect de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux qui, conformément à son paragraphe 1, consacre, de manière générale, le droit de tout travailleur à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. Les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17) indiquent, à cet égard, que l’expression « conditions de travail » doit être entendue au sens de l’article 156 TFUE. Cette dernière disposition, toutefois, ne fait que viser, sans les définir plus avant, les « conditions de travail » comme étant l’un des domaines de la politique sociale de l’Union dans lequel la Commission européenne peut intervenir pour encourager la coopération entre les États membres et faciliter la coordination de leur action. Au regard de la finalité protectrice des droits du travailleur intérimaire poursuivie par ladite directive, cette absence de précision milite en faveur d’une interprétation large de la notion de « conditions de travail » [arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire), C‑681/18, EU:C:2020:823, point 54].

    41

    Par ailleurs, il ressort des considérants 10 et 12 de la directive 2008/104 que, la situation juridique, le statut et les conditions de travail des travailleurs intérimaires au sein de l’Union se caractérisant par une très grande diversité, cette directive vise à établir un cadre protecteur pour ces travailleurs, qui soit non discriminatoire, transparent et proportionné, tout en respectant la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux. Ainsi, conformément à l’article 2 de ladite directive, celle-ci a pour objet d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard de ces travailleurs et en reconnaissant les entreprises de travail intérimaire comme des employeurs, tout en tenant compte de la nécessité d’établir un cadre approprié d’utilisation de ce type de travail en vue de contribuer efficacement à la création d’emplois et au développement de formes souples de travail [arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire), C‑681/18, EU:C:2020:823, point 40].

    42

    En outre, il convient de préciser que le considérant 11 de la directive 2008/104 indique que celle-ci entend répondre non seulement aux besoins de flexibilité des entreprises, mais aussi à la nécessité pour les salariés de concilier la vie privée et la vie professionnelle et contribue ainsi à la création d’emplois ainsi qu’à la participation et à l’insertion sur le marché du travail. Cette directive tend, partant, à concilier l’objectif de flexibilité visé par les entreprises et l’objectif de sécurité répondant à la protection des travailleurs [arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire), C‑681/18, EU:C:2020:823, point 50].

    43

    Ce double objectif répond ainsi à la volonté du législateur de l’Union de rapprocher les conditions du travail intérimaire des relations de travail « normales », d’autant plus que, au considérant 15 de la directive 2008/104, ce législateur a explicitement précisé que la forme générale de travail est le contrat à durée indéterminée. Cette directive vise, dès lors, également à encourager l’accès des travailleurs intérimaires à un emploi permanent dans l’entreprise utilisatrice. Le principe d’égalité de traitement, tel que prévu à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, s’inscrit dans ledit double objectif [arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire), C‑681/18, EU:C:2020:823, points 51 et 52].

    44

    Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 39 de ses conclusions, l’équilibre entre la promotion de l’emploi et la sécurité sur le marché du travail peut uniquement être mis en œuvre si ce principe d’égalité de traitement est pleinement respecté.

    45

    Par conséquent, une interprétation de la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », qui exclurait l’indemnité qu’un employeur est tenu de verser à un travailleur intérimaire, en raison de la cessation de sa relation de travail, du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, serait contraire aux objectifs qu’elle poursuit et qui sont exposés aux points 40 à 44 du présent arrêt.

    46

    En effet, d’une part, une telle interprétation reviendrait à réduire, au mépris de l’un des objectifs assignés à cette disposition, le champ d’application de la protection accordée aux travailleurs intérimaires en matière d’égalité de traitement (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras, C‑596/14, EU:C:2016:683, point 30).

    47

    D’autre part, cette interprétation aurait pour conséquence que le principe d’égalité de traitement ne serait plus applicable à partir du moment où le contrat du travailleur intérimaire est résilié, de telle sorte qu’elle favoriserait la résiliation des contrats intérimaires au lieu de mettre en œuvre l’objectif poursuivi par la directive 2008/104, rappelé au point 43 du présent arrêt, consistant à encourager l’accès des travailleurs intérimaires à un emploi permanent.

    48

    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut une indemnité qu’un employeur est tenu de verser à un travailleur, en raison de la cessation de sa relation de travail intérimaire, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante.

    Sur la portée du principe d’égalité de traitement visé à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104

    49

    S’agissant, en deuxième lieu, de la portée du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, les travailleurs intérimaires doivent, pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, bénéficier de conditions essentielles de travail et d’emploi au moins égales à celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par cette entreprise pour y occuper le même poste.

    50

    Il incombe, dès lors, à la juridiction de renvoi de déterminer, dans un premier temps, les conditions essentielles de travail et d’emploi qui seraient applicables au travailleur intérimaire s’il était recruté directement par l’entreprise utilisatrice, pour y occuper le même poste que celui qu’il y occupe effectivement, et ce pendant la même durée, et, plus précisément, en l’occurrence, l’indemnité à laquelle il aurait droit, en raison de la cessation de sa relation de travail intérimaire, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante. Dans un second temps, il appartient à cette juridiction de comparer ces conditions essentielles de travail et d’emploi à celles qui sont effectivement applicables à ce travailleur intérimaire, pendant la durée de sa mission auprès de cette entreprise utilisatrice, ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, et ce afin de s’assurer, sur la base de l’ensemble des circonstances pertinentes en cause au principal, du respect ou non du principe de l’égalité de traitement à l’égard dudit travailleur intérimaire.

    51

    En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique, notamment, que les travailleurs intérimaires qui entrent au service d’une entreprise utilisatrice au cours d’une année civile et ne cessent leur activité que deux années civiles ou plus après cette entrée en service se trouvent dans une situation moins favorable, pendant la durée de leur mission auprès de cette entreprise utilisatrice, que celle dans laquelle ils se seraient trouvés s’ils avaient été recrutés directement par cette dernière pour y occuper le même poste pendant la même durée.

    52

    En effet, selon la juridiction de renvoi, les travailleurs intérimaires n’ont droit, conformément à l’article 185, paragraphe 6, du code du travail, qu’à des congés et à une prime de vacances calculés proportionnellement au temps de service effectué, tandis que les travailleurs recrutés directement par une entreprise utilisatrice ont droit à des congés payés selon le régime général de ce code, prévu à ses articles 237 à 239 et 245. Cela aurait pour conséquence que, en l’occurrence, chacune des parties requérantes au principal a droit à 44 jours de congés payés, alors que, si elles avaient été recrutées directement par l’entreprise utilisatrice en cause au principal pour y occuper exactement le même poste pendant la même durée, elles auraient droit, s’agissant de GD, à 67 jours et, s’agissant de ES, à 65 jours de congés payés.

    53

    Le gouvernement portugais conteste cette interprétation du droit national, soutenant, en substance, que, dans la mesure où l’article 185 du code du travail ne définit pas les modalités ni les règles de calcul spécifiques du nombre de jours de congés des travailleurs intérimaires ou encore les effets de la cessation de leur relation de travail sur leur droit à des congés, il est nécessaire de recourir à l’application des règles générales de ce code, prévues aux articles 237 à 239 et 245 de celui-ci, qui s’appliqueraient indépendamment de la nature du lien contractuel, y compris aux travailleurs intérimaires, et qui prévoiraient des cas particuliers concernant le calcul du nombre de jours de congés payés et les effets de la cessation de leur contrat de travail sur le droit aux congés.

    54

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il appartient au seul juge national de constater et d’apprécier les faits du litige au principal ainsi que de déterminer l’exacte portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales (arrêt du 13 janvier 2022, Benedetti Pietro e Angelo e.a., C‑377/19, EU:C:2022:4, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

    55

    Enfin, il y a lieu d’observer que, bien que les États membres aient la possibilité, en vertu de l’article 5, paragraphes 2 à 4, de la directive 2008/104, de prévoir, sous certaines conditions précises, des dérogations au principe d’égalité de traitement, la décision de renvoi et le dossier dont dispose la Cour ne comportent aucune information relative à une éventuelle mise en œuvre de l’une de ces dérogations au Portugal.

    Sur les conséquences à tirer pour la juridiction de renvoi

    56

    En troisième lieu, il y a lieu de rappeler que la Cour a itérativement jugé qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne adoptées aux fins de transposer les obligations prévues par une directive, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (arrêts du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, point 38 et jurisprudence citée ; du 4 juin 2015, Faber, C‑497/13, EU:C:2015:357, point 33, ainsi que du 17 mars 2022, Daimler, C‑232/20, EU:C:2022:196, point 76).

    57

    Cependant, le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit national est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 17 mars 2022, Daimler, C‑232/20, EU:C:2022:196, point 77 et jurisprudence citée).

    58

    Au regard des considérations qui précèdent, il convient de préciser que la juridiction de renvoi devra, notamment, vérifier si, ainsi que le gouvernement portugais l’a, en substance, invoqué dans ses observations écrites et ainsi que cela a été relevé au point 53 du présent arrêt, le régime général des congés prévu aux articles 237 à 239 et 245 du code du travail est applicable, en l’occurrence, dans la mesure où l’expression « proportionnellement à la durée de leur contrat » qui figure à l’article 185, paragraphe 6, de ce code devrait être lue non pas automatiquement et exclusivement en combinaison avec les dispositions de l’article 238, paragraphe 1, dudit code, mais également avec les autres dispositions de ce régime général, afin de déterminer le montant de l’indemnité à laquelle les requérants au principal peuvent prétendre, au titre des congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante, en raison de la cessation de leur relation de travail intérimaire avec Luso Temp.

    59

    En effet, dans une telle hypothèse, il ne saurait être considéré que des travailleurs intérimaires, tels que les requérants au principal, bénéficient, pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, de conditions essentielles de travail et d’emploi qui ne sont pas au moins égales à celles qui leur seraient applicables s’ils avaient été recrutés directement par cette entreprise utilisatrice pour y occuper le même poste pendant la même durée, de telle sorte qu’il ne pourrait être conclu à l’existence d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104.

    60

    Il résulte de tout ce qui précède que l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’indemnité à laquelle les travailleurs intérimaires peuvent prétendre, en cas de cessation de leur relation de travail avec une entreprise utilisatrice, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante, est inférieure à l’indemnité à laquelle ces travailleurs pourraient prétendre, dans la même situation et au même titre, s’ils avaient été recrutés directement par cette entreprise utilisatrice pour y occuper le même poste pendant la même durée.

    Sur les dépens

    61

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

     

    L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous f), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’indemnité à laquelle les travailleurs intérimaires peuvent prétendre, en cas de cessation de leur relation de travail avec une entreprise utilisatrice, au titre des jours de congés annuels payés non pris et de la prime de vacances correspondante, est inférieure à l’indemnité à laquelle ces travailleurs pourraient prétendre, dans la même situation et au même titre, s’ils avaient été recrutés directement par cette entreprise utilisatrice pour y occuper le même poste pendant la même durée.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le portugais.

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