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Document 62020CC0217
Opinion of Advocate General Hogan delivered on 8 July 2021.#XXXX v Staatssecretaris van Financiën.#Request for a preliminary ruling from the Rechtbank Overijssel.#Reference for a preliminary ruling – Directive 2003/88/EC – Organisation of working time – Protection of the health and safety of workers – Article 7(1) – Right to paid annual leave – Level of remuneration – Reduced remuneration due to incapacity for work.#Case C-217/20.
Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 8 juillet 2021.
XXXX contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank Overijssel.
Renvoi préjudiciel – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Protection de la santé et de la sécurité des travailleurs – Article 7, paragraphe 1 – Droit au congé annuel payé – Niveau de rémunération – Rémunération réduite en raison d’une incapacité de travail.
Affaire C-217/20.
Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 8 juillet 2021.
XXXX contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank Overijssel.
Renvoi préjudiciel – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Protection de la santé et de la sécurité des travailleurs – Article 7, paragraphe 1 – Droit au congé annuel payé – Niveau de rémunération – Rémunération réduite en raison d’une incapacité de travail.
Affaire C-217/20.
Court reports – general ; Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:559
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GERARD HOGAN
présentées le 8 juillet 2021 ( 1 )
Affaire C-217/20
XXXX
contre
Staatssecretaris van Financiën
[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Overijssel, zittingsplaats Zwolle (tribunal d’Overijssel, siégeant à Zwolle, Pays‑Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la santé et de la sécurité des travailleurs – Directive 2003/88/CE – Article 7, paragraphe 1 – Droit au congé annuel payé – Niveau de rémunération – Rémunération réduite en raison de l’incapacité de travail »
I. Introduction
1. |
La Cour a été appelée à de nombreuses reprises, au fil des années, à interpréter l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 2 ). Toutefois, une caractéristique de l’article 7 de cette directive qui n’a pas été examinée par la Cour à ce jour est le montant de la rémunération due à un travailleur lorsque celui-ci décide de prendre son congé annuel pendant qu’il est en congé de maladie (de longue durée). Les conséquences d’une décision de justice à cet égard pourraient varier considérablement dans les différents États membres. Ainsi que la Commission européenne l’a relevé dans ses observations écrites, lorsque la loi nationale impose des indemnités de maladie, le pourcentage du salaire brut mensuel versé au titre des indemnités de maladie varie entre 25 % et 100 % dans les différents États membres et dépend largement de divers facteurs, tels que la durée du contrat de travail, le statut du travailleur, l’existence de conventions collectives et le type de blessure ou de maladie ( 3 ). |
2. |
Telle est, en substance, la problématique soulevée dans les questions posées à la Cour par le rechtbank Overijssel, zittingsplaats Zwolle (tribunal d’Overijssel, siégeant à Zwolle, Pays-Bas). |
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
3. |
L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », est libellé comme suit : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. » |
B. Le droit néerlandais
4. |
Conformément à l’article 22, paragraphe 1, du Algemeen Rijksambtenarenreglement (statut général des fonctionnaires de l’État, ci-après l’« ARAR »), le fonctionnaire a droit chaque année à des congés avec maintien de sa rémunération intégrale. |
5. |
L’article 37, paragraphes 1 et 5, de l’ARAR dispose : « 1. En cas d’incapacité de travail pour raison de maladie, le fonctionnaire a droit au maintien de sa rémunération pendant une période de 52 semaines. Si l’incapacité de travail se poursuit, il a alors droit au maintien de 70 % de sa rémunération. [...] 5. Par dérogation au paragraphe 1, le fonctionnaire a droit, même après la fin de la période de 52 semaines visée au paragraphe 1, au maintien de sa rémunération pour le nombre d’heures pendant lesquelles il a travaillé ou aurait travaillé si cela lui avait été proposé. » |
III. Les faits à l’origine du litige au principal
6. |
Le requérant est un fonctionnaire, employé par le Belastingdienst (administration fiscale, Pays-Bas) depuis le 1er mars 2002. Depuis le 1er novembre 2014, il est employé comme collaborateur de recherche. Toutefois, le 24 novembre 2015, il a été déclaré en incapacité de travail partielle de longue durée pour raison de maladie et continue de l’être depuis cette date. Aux mois de juillet et d’août 2017, à savoir pendant la période pertinente en l’espèce, il a suivi un programme de réintégration. |
7. |
En application de l’article 37, paragraphe 1, de l’ARAR, le requérant a perçu 100 % de sa rémunération habituelle pour la première année de sa maladie. Depuis le 24 novembre 2016, il continue d’être payé au taux de 70 % de ce montant. En application de l’article 37, paragraphe 5, de l’ARAR, la rémunération afférente aux heures pendant lesquelles le requérant était considéré comme étant apte à travailler et a effectué un travail a été maintenue à 100 % ( 4 ). |
8. |
Le demandeur a bénéficié de congés annuels du 25 juillet 2017 au 17 août 2017. Il ressort de ses fiches de paie des mois de juillet et d’août 2017 que le requérant a été rémunéré – comme il l’avait été pendant la période durant laquelle il n’a pas pris ses congés annuels – au taux de 70 % pour les heures pendant lesquelles il était en incapacité de travail pendant la période de congé et au taux de 100 % pour les heures pendant lesquelles il était considéré apte à travailler (dans la mesure où il pouvait travailler dans le cadre de sa réintégration). |
9. |
Le demandeur a contesté le montant de sa rémunération pendant cette période de congé annuel. Il estime avoir droit à percevoir, pendant ses congés, sa rémunération intégrale, c’est-à-dire également pour les heures correspondant à son incapacité de travail. Par une décision du 13 octobre 2017, l’administration fiscale néerlandaise a déclaré non fondée la réclamation introduite par le demandeur. Ce dernier a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. |
10. |
Le demandeur invoque à cet égard l’article 22 de l’ARAR, la directive 2003/88 et la jurisprudence de la Cour, plus particulièrement les conclusions de la Cour dans l’arrêt Schultz-Hoff e.a ( 5 ). Il fait également référence à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). |
IV. Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
11. |
C’est dans ce contexte factuel et juridique que le rechtbank Overijssel, zittingsplaats Zwolle (tribunal d’Overijssel, siégeant à Zwolle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
12. |
Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement néerlandais et la Commission. |
V. Analyse
13. |
Par ses trois questions préjudicielles, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui prévoit qu’un travailleur qui est en incapacité totale ou partielle de travail et qui prend son congé annuel perçoit une rémunération réduite – au même taux que celle versée pendant un congé de maladie de longue durée – pendant cette période de congé annuel ( 6 ). Il convient donc d’examiner les trois questions préjudicielles en même temps. |
14. |
Le libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ne contribue guère à répondre à cette question. Il se borne à énoncer que « tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines » ( 7 ). Il existe, toutefois, une jurisprudence bien établie de la Cour concernant l’article 7 de la directive 2003/88 qui décrit le fonctionnement général de cette disposition. |
15. |
En premier lieu, la Cour a jugé que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, disposition à laquelle cette directive ne permet pas de déroger ( 8 ), prévoit que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines et que ce droit au congé annuel payé doit être considéré comme étant un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière ( 9 ). En tant que principe du droit social de l’Union, le droit au congé annuel payé non seulement revêt une importance particulière, mais il est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités ( 10 ). |
16. |
En second lieu, selon la jurisprudence de la Cour, la directive 2003/88 considère le droit au congé annuel et celui de recevoir un paiement à ce titre comme étant deux aspects d’un droit unique. L’objectif de l’exigence de payer pour ce congé est de placer le travailleur, lors dudit congé, dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail ( 11 ). |
17. |
La jurisprudence de la Cour s’articule donc en deux volets, l’un consacré au droit au congé annuel, et plus particulièrement à sa durée, et l’autre à la question de la rémunération. Bien que le renvoi préjudiciel ne porte que sur la question de la rémunération, je propose d’examiner brièvement le volet relatif à la durée afin de comparer les principes appliqués dans ces deux volets. |
18. |
En ce qui concerne le premier volet, la durée du congé annuel accordé conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, la Cour a jugé que les droits au congé annuel payé doivent en principe être calculés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail ( 12 ). Cela est dû au fait que la finalité du droit au congé annuel payé, conféré à chaque travailleur par l’article 7 de la directive 2003/88, est de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d’une part, et de disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part ( 13 ). La Cour a donc jugé que, si un travailleur ne travaille qu’à temps partiel, la diminution du droit au congé annuel par rapport à celui octroyé pour une période d’emploi à temps plein selon la règle du prorata temporis est, au moins en substance, justifiée par des raisons objectives ( 14 ). |
19. |
Ces considérations ne sont cependant pas applicables en cas de congé de maladie. Comme il ressort clairement de sa jurisprudence établie, la Cour considère que la directive 2003/88 n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, de courte ou de longue durée, pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période. Il s’ensuit que, s’agissant de travailleurs en congé de maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par la directive 2003/88 elle-même à tous les travailleurs ne peut pas être subordonné par un État membre à une condition relative à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par cet État membre. Au contraire, au regard du droit au congé annuel payé, les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie au cours de la période de référence sont assimilés à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période ( 15 ). |
20. |
Outre le fait que la directive 2003/88 n’opère pas une telle distinction, cela s’explique par un double raisonnement. Premièrement, les finalités du droit au congé annuel et du droit au congé de maladie sont différentes. Si la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer des exigences professionnelles et de disposer d’une période de détente et de loisirs, le congé de maladie est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail ( 16 ). Deuxièmement, la survenance d’une incapacité de travail pour cause de maladie est imprévisible et indépendante de la volonté du travailleur. Cela figure également à l’article 5, paragraphe 4, de la convention no 132 de l’Organisation internationale du travail, du 24 juin 1970, concernant les congés annuels payés (révisée), qui classe les absences dues à une maladie parmi les absences du travail « pour des motifs indépendants de la volonté de la personne employée intéressée », qui doivent être « comptées dans la période de service » ( 17 ). Conformément au considérant 6 de la directive 2003/88, il convient de tenir compte des principes énoncés dans cette convention. |
21. |
Cela signifie que, si le droit au congé annuel payé au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit en règle générale être calculé par rapport aux périodes de travail effectif accomplies dans le cadre du contrat de travail, tel n’est pas le cas lorsqu’une personne est en congé de maladie. |
22. |
J’aborderai maintenant le second volet de la jurisprudence de la Cour, à savoir la question de la rémunération. Comme l’a déjà relevé l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans l’affaire Hein, le principe du prorata temporis – et j’ajouterais, tout principe du prorata – qui est utilisé pour calculer la durée du congé annuel, sauf si une personne est en congé de maladie, n’a jamais été appliqué par la Cour au droit à une indemnité de congés payés ( 18 ). Cette position reste inchangée après l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Hein ( 19 ). |
23. |
Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’expression « congé annuel payé », figurant à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, signifie que, pour la durée du « congé annuel », au sens de cette directive, la rémunération doit être maintenue. Cela implique que les travailleurs doivent percevoir leur rémunération ordinaire pour cette période de repos ( 20 ). |
24. |
Le gouvernement néerlandais fait valoir que la directive 2003/88 ne prévoit aucune exigence concernant la structure de la rémunération. Dès lors, les États membres sont libres d’établir une telle structure. Selon le gouvernement néerlandais, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 signifie uniquement que la rémunération du travailleur (telle qu’elle était avant son congé annuel, conformément aux règles du droit national) doit être maintenue ( 21 ). Étant donné qu’il n’existe pas de manière distincte de calculer la rémunération pendant le congé de maladie selon la loi et la jurisprudence néerlandaises, en l’espèce, le fonctionnaire conserve le montant de rémunération qu’il recevait avant de prendre son congé annuel. Selon le gouvernement néerlandais, le maintien de la « rémunération ordinaire » signifie qu’il ne doit pas y avoir de lien de causalité entre la prise du congé annuel et la réduction de la rémunération et que le travailleur doit percevoir avant, pendant et après son congé annuel la rémunération qu’il aurait perçue s’il n’avait pas pris congé. |
25. |
Selon moi, ces arguments ne tiennent pas suffisamment compte de la jurisprudence de la Cour. Dans l’arrêt Hein, la Cour a jugé que, « [s]i la structure de la rémunération ordinaire d’un travailleur relève, en tant que telle, des dispositions et des pratiques régies par le droit des États membres, celle-ci ne saurait avoir un impact sur le droit du travailleur de jouir, durant sa période de repos et de détente, de conditions économiques comparables à celles concernant l’exercice de son travail » ( 22 ). Elle poursuit en affirmant que l’objectif qui sous-tend l’exigence du paiement du congé annuel vise à placer le travailleur, pendant cette période de congé annuel, dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail ( 23 ). Ce second volet de la jurisprudence de la Cour a pour but de garantir que les travailleurs sont en mesure de prendre un congé annuel sans avoir à craindre une perte financière ( 24 ). Les considérations relatives à la durée du congé annuel payé, à savoir que le travailleur doit se reposer du travail effectué, ne sont pas prises en considération ici. |
26. |
Afin de garantir que le travailleur perçoit une rémunération comparable à celle des périodes de travail, l’élément de référence pour l’évaluation de la rémunération est le temps pendant lequel le travailleur a effectivement travaillé. Le fait que la prise d’un congé annuel payé ne soit pas la raison de la réduction de sa rémunération ne saurait justifier une rémunération inférieure à celle qu’il perçoit en travaillant. Contrairement à ce que soutient le gouvernement néerlandais, son opinion selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 n’oblige les États membres qu’à éviter une réduction de la rémunération du fait de la prise d’un congé annuel n’est pas compatible avec la jurisprudence de la Cour. |
27. |
Cela est cohérent avec le but de l’article 7 de la directive 2003/88. Conformément à la jurisprudence établie de la Cour, dans le souci de garantir le respect du droit fondamental du travailleur au congé annuel payé consacré par le droit de l’Union, la Cour ne saurait se livrer à une interprétation restrictive de l’article 7 de la directive 2003/88 au détriment des droits que le travailleur tire de celle-ci ( 25 ). La Cour a souligné que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 vise à permettre au travailleur de prendre effectivement le congé auquel il a droit ( 26 ). Par conséquent, une indemnité dont le montant permet simplement d’exclure tout risque significatif que le travailleur ne prenne pas son congé ne suffit pas à satisfaire aux exigences du droit de l’Union ( 27 ). |
28. |
Tout d’abord, il pourrait être soutenu que le fait que la rémunération soit identique aux indemnités de maladie n’est pas de nature à dissuader ce travailleur de prendre son congé annuel parce qu’il ne percevrait pas une rémunération plus élevée s’il ne prenait pas un congé annuel à ce moment. En effet, si un travailleur voulait éviter une telle réduction de sa rémunération, il n’aurait qu’à attendre et prendre son congé annuel quand il serait de nouveau pleinement en mesure d’accomplir le travail requis. Le travailleur ne risque pas de perdre son droit au congé annuel payé s’il diffère la prise de son congé annuel, étant donné que la jurisprudence de la Cour protège le droit du travailleur au congé annuel payé contre l’extinction à l’expiration de la période de référence ou d’une période de report fixée par le droit national ( 28 ). |
29. |
À cet égard, tout en admettant que la loi ne doit pas dissuader un travailleur de prendre un congé annuel, il pourrait néanmoins être soutenu qu’il n’y a non plus aucune raison de prévoir une incitation à la prise de ce congé pendant les périodes d’incapacité de travail totale ou partielle. Cela peut être soutenu en l’espèce parce que le travailleur pourrait percevoir une rémunération plus élevée que l’indemnité de maladie qu’il percevrait s’il devait ne pas prendre un congé annuel à ce moment-là. |
30. |
Toutefois, je ne saurais partager cet argument. La Cour a jugé que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ne s’oppose pas, en principe, à des dispositions ou à des pratiques nationales selon lesquelles un travailleur en congé de maladie n’est pas en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie, sous réserve, toutefois, que ce travailleur ait la possibilité d’exercer le droit que cette directive lui confère pendant une autre période ( 29 ). Le droit et la jurisprudence néerlandais ne prévoient manifestement pas de telle règle, à tout le moins dans le cas du fonctionnaire dont il est question dans la présente affaire ( 30 ). Lorsque le droit national permet la prise d’un congé annuel pendant une période de congé de maladie, rien ne justifie toutefois une quelconque variation de la rémunération pendant un tel congé. |
31. |
S’il appartient aux États membres de définir, dans leur législation nationale, les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, en fixant les conditions spécifiques dans lesquelles les travailleurs peuvent exercer ce droit, ils ne sauraient subordonner l’existence même de ce droit à des conditions préalables. Tel serait cependant le cas si l’on interprétait le mot « payé » dans l’expression « congé annuel payé » de manière à permettre le paiement d’une rémunération moins élevée selon qu’un travailleur exerce ce droit alors qu’il est (partiellement ou totalement) en incapacité de travail ou à un autre moment. En d’autres termes, la « valeur » du droit au congé annuel payé ne saurait dépendre de la date à laquelle il est pris. |
32. |
En fait, dans l’affaire Hein (C‑385/17), la Cour a examiné une situation dans laquelle un travailleur ne percevait pas de rémunération correspondant à la rémunération ordinaire qu’il percevait pendant les périodes de travail effectif. Étant donné que cette situation s’est produite sous l’empire d’une convention collective, l’on pourrait soutenir qu’une rémunération inférieure pendant le congé annuel était compensée par d’autres avantages découlant de la convention collective ( 31 ). La Cour a rejeté cet argument. Elle a considéré que cela porterait atteinte au droit au congé annuel payé, « dont fait partie intégrante le droit pour le travailleur de jouir, durant sa période de repos et de détente, de conditions économiques comparables à celles concernant l’exercice de son travail » ( 32 ). |
33. |
Il n’existe aucune raison valable pour laquelle l’appréciation devrait être différente en cas de congé de maladie en l’absence de tels facteurs susceptibles de compenser les effets négatifs d’une réduction de la rémunération pendant le congé annuel payé minimal garanti par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. |
34. |
Dans des affaires relatives au premier volet de la jurisprudence de la Cour susmentionnée, en ce qui concerne la durée du congé annuel payé, la Cour a jugé que « les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie au cours de la période de référence sont assimilés à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période » ( 33 ). Dès lors que la directive 2003/88 considère le droit au congé annuel et le droit d’être payé à ce titre comme étant deux volets d’un droit unique, il n’y a pas de fondement pour distinguer entre le droit et le paiement lorsqu’il s’agit d’assimiler les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période. Par conséquent, la circonstance que le travailleur soit en incapacité totale ou partielle de travail au moment où il prend son congé annuel payé ne saurait faire de différence et il n’est pas non plus possible d’appliquer une approche au prorata à la rémunération qui doit être payée pendant les périodes de congé annuel payé selon qu’un travailleur est en incapacité totale ou partielle de travail. |
VI. Conclusion
35. |
Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le rechtbank Overijssel, zittingsplaats Zwolle (tribunal d’Overijssel, siégeant à Zwolle, Pays-Bas) de la manière suivante : L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions et à des pratiques nationales, telles que celles en cause au principal, selon lesquelles le montant de la rémunération d’un travailleur pendant son congé annuel payé qu’il prend pendant son incapacité de travail (totale ou partielle) est réduit au niveau de la rémunération qu’il percevrait pendant cette incapacité (totale ou partielle) de travail. |
( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) JO 2003, L 299, p. 9.
( 3 ) La Commission se fonde sur les chiffres figurant dans la note de synthèse de l’Institut syndical européen no 4/2020, « Les prestations de maladie dans l’UE : donner un sens à la diversité », par Spasova, S., Bouget, D., Belletti, C., Vanhercke, B. Dans les pays où les indemnités de maladie ne sont pas obligatoires en vertu de la loi, elles restent à l’appréciation de l’employeur ou résultent de conventions collectives. Comme la Commission le souligne, en outre, dans certains États membres, de telles indemnités ne sont pas versées (ou ne sont plus versées après un certain laps de temps) par l’employeur lui-même, mais plutôt par le système de sécurité sociale concerné (ces indemnités sont appelées des « prestations de maladie »). Comme il s’agit du montant de la rémunération à laquelle un travailleur a droit pendant le congé annuel payé plutôt que pendant le congé de maladie, je n’entrerai pas dans les détails sur ce point. Si l’on devait arriver à la conclusion que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 permet de verser une rémunération réduite pendant le congé annuel payé, d’autres questions surgiraient quant au possible fondement d’une telle rémunération réduite lorsqu’un travailleur a le droit de percevoir des prestations de maladie pendant qu’il prend son congé annuel.
( 4 ) Ainsi que l’a expliqué le gouvernement néerlandais dans ses observations, un médecin du travail fait une évaluation individuelle de l’état de santé du fonctionnaire concerné et recommande ensuite le nombre d’heures hebdomadaires que celui-ci est apte à effectuer.
( 5 ) Arrêt du 20 janvier 2009 (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18).
( 6 ) La demande de décision préjudicielle ne précise pas si la période de congé annuel qui a été prise correspond à la période minimale garantie par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. Si les États membres peuvent accorder une période plus longue de congé annuel en droit national, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 n’est pas applicable à une telle période additionnelle et mon appréciation est donc limitée au congé annuel pris durant cette période minimale (ci-après le « congé annuel payé »).
( 7 ) Mise en italique par mes soins. Il convient également de relever que la directive 2003/88 s’applique aussi aux fonctionnaires, car, selon l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive, celle-ci « s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics ». Toute référence aux « travailleurs » dans les présentes conclusions vaut donc également pour les fonctionnaires.
( 8 ) Voir article 17 de la directive 2003/88, qui autorise des dérogations. Cette disposition ne permet toutefois pas de déroger à l’article 7 de cette directive, ainsi que la Cour l’a déjà constaté dans ses arrêts du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, EU:C:2001:356, point 41), et du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 35).
( 9 ) Voir, notamment, arrêts du 11 novembre 2015, Greenfield (C‑219/14, EU:C:2015:745, point 26) ; du 30 juin 2016, Sobczyszyn (C‑178/15, EU:C:2016:502, point 19), et du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA (C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 53).
( 10 ) Arrêts du 11 novembre 2015, Greenfield (C‑219/14, EU:C:2015:745, point 27) ; du 30 juin 2016, Sobczyszyn (C‑178/15, EU:C:2016:502, point 20) ; du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 23), et du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA (C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 54). Je n’examinerai pas l’article 31, paragraphe 2, de la Charte. Ainsi que l’avocat général Bobek l’a déjà souligné dans ses conclusions dans l’affaire Hein (C‑385/17, EU:C:2018:666, point 57) : « Cette disposition se borne à prévoir, de manière générale et abstraite, que tout travailleur a droit à [...] une période annuelle de congés payés. La Charte n’indique même pas la durée minimale garantie de la période annuelle de congés payés, sans parler des règles applicables à la méthode de calcul de la rémunération pendant cette période ».
( 11 ) Arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 60 et jurisprudence citée), ainsi que du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914, point 35).
( 12 ) Arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 27).
( 13 ) Voir, notamment, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 25), et du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 26).
( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols (C‑486/08, EU:C:2010:215, point 33), sur le fondement de la clause 4, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998, étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord la directive [97/81] (JO 1998, L 131, p. 10). Le même raisonnement a été appliqué dans des affaires où les jours et les heures de travail changeaient d’une semaine à l’autre [arrêt du 11 novembre 2015, Greenfield (C‑219/14, EU:C:2015:745, point 29)] ainsi que dans celles concernant le « chômage partiel » (en langue allemande, « Kurzarbeit ») [voir arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, points 27 à 29)], en allant même jusqu’à l’absence d’un droit au congé annuel en cas d’application d’une « réduction du temps de travail à zéro » (en langue allemande, « Kurzarbeit Null »), dans une affaire dans laquelle l’obligation du travailleur d’effectuer le travail était suspendue dans son intégralité [voir arrêt du 8 novembre 2012, Heimann et Toltschin (C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 36)]. Dans ce dernier arrêt, la Cour, au point 32, a qualifié les travailleurs au chômage partiel de « travailleurs temporairement à temps partiel ».
( 15 ) Voir, notamment, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, points 39 à 41) ; du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, points 20 et 30), ainsi que du 4 octobre 2018, Dicu (C‑12/17, EU:C:2018:799, point 29).
( 16 ) Arrêt du 21 juin 2012, ANGED (C‑78/11, EU:C:2012:372, point 19 et jurisprudence citée).
( 17 ) Arrêt du 4 octobre 2018, Dicu (C‑12/17, EU:C:2018:799, point 32 et jurisprudence citée).
( 18 ) Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Hein (C‑385/17, EU:C:2018:666, point 47).
( 19 ) Arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018).
( 20 ) Arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 32 et jurisprudence citée).
( 21 ) Si la version en langue néerlandaise de la directive 2003/88 semble effectivement se concentrer davantage sur le « maintien » de la rémunération (« jaarlijkse vakantie met behoud van loon »), tel n’est pas, en règle générale, le cas d’autres versions linguistiques. Les versions en langues allemande (« bezahlten Mindestjahresurlaub »), espagnole (« vacaciones anuales retribuidas »), française (« congé annuel payé »), italienne (« ferie annuali retribuite »), portugaise (« férias anuais remuneradas ») et suédoise (« årlig betald semester ») ne sont pas plus spécifiques à cet égard que la version en langue anglaise, dans laquelle il est question de « paid annual leave ». Les conséquences de cette différence sont limitées, bien que, comme la Cour l’a jugé, le « congé annuel payé » signifie que « la rémunération doit être maintenue ». Elle a précisé, en outre, que cela signifie que « le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour cette période de repos ». Voir point 23 des présentes conclusions.
( 22 ) Arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 34 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.
( 23 ) Voir point 33 de cet arrêt.
( 24 ) Voir arrêt du 15 septembre 2011, Williams e.a. (C‑155/10, EU:C:2011:588, points 24, 25 et 28), en ce qui concerne les éléments devant être pris en compte pour le calcul lorsque le salaire se compose de plusieurs éléments.
( 25 ) Arrêts du 12 juin 2014, Bollacke (C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 22), et du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 31).
( 26 ) Arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 31).
( 27 ) Arrêt du 15 septembre 2011, Williams e.a. (C‑155/10, EU:C:2011:588, point 21), renvoyant aux conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans cette même affaire (C‑155/10, EU:C:2011:403, point 90).
( 28 ) Voir, notamment, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 49), et du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA (C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 63). S’agissant de la possibilité de limiter cette période de report, voir arrêt du 22 novembre 2011, KHS (C‑214/10, EU:C:2011:761, points 34, 38 et 39).
( 29 ) Arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, points 28 et 29).
( 30 ) La directive 2003/88 ne s’y oppose pas non plus. Voir arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 31).
( 31 ) Cela a fait l’objet, de manière générale, de l’argumentation de la partie défenderesse et du gouvernement allemand : voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Hein (C‑385/17, EU:C:2018:666, point 55), et arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, points 38 à 40).
( 32 ) Arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 43).
( 33 ) Arrêts du 4 octobre 2018, Dicu (C‑12/17, EU:C:2018:799, point 29), et du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA (C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 60).