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Document 62020CC0156
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 8 July 2021.#Zipvit Ltd v The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs.#Request for a preliminary ruling from the Supreme Court of the United Kingdom.#Reference for a preliminary ruling – Common system of value added tax (VAT) – Directive 2006/112/EC – Article 168 – Right of deduction – Supply of postal services mistakenly exempted – VAT deemed to be included in the commercial price of the supply for the purpose of exercising the right of deduction – Not included – Concept of VAT ‘due or paid’.#Case C-156/20.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 8 juillet 2021.
Zipvit Ltd contre The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom.
Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 168 – Droit à déduction – Prestation de services postaux erronément exonérée – TVA réputée intégrée dans le prix commercial de la prestation aux fins de l’exercice du droit à déduction – Exclusion – Notion de TVA “due ou acquittée”.
Affaire C-156/20.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 8 juillet 2021.
Zipvit Ltd contre The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom.
Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 168 – Droit à déduction – Prestation de services postaux erronément exonérée – TVA réputée intégrée dans le prix commercial de la prestation aux fins de l’exercice du droit à déduction – Exclusion – Notion de TVA “due ou acquittée”.
Affaire C-156/20.
Court reports – general ;
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:558
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 8 juillet 2021 ( 1 )
Affaire C-156/20
Zipvit Ltd
contre
The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs
[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni)]
« Renvoi préjudiciel – Droit fiscal – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 168 et article 178, sous a) – Naissance du droit à déduction dans le cas d’une prestation en amont considérée à tort comme exonérée – TVA comprise dans le prix malgré l’erreur – Période de naissance du droit à déduction – TVA due ou versée – Possession d’une facture comme condition de fond – Distinction par rapport aux conditions de forme du droit à déduction »
I. Introduction
1. |
Deux entreprises ont considéré ensemble (et l’avis de l’administration fiscale est concordant), mais de manière erronée au regard du droit de l’Union, qu’une prestation de services était exonérée. Par conséquent, le prix qui a été convenu, facturé et également payé n’était qu’un prix hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Après la découverte de l’erreur, l’administration fiscale a « renoncé » à recouvrer la TVA a posteriori auprès du prestataire, entre autres, probablement, pour des raisons de simplification administrative, car plusieurs des destinataires de la prestation auraient eu droit à déduction. D’un point de vue fiscal, cela n’aurait été qu’« un jeu à somme nulle » impliquant une charge administrative importante de part et d’autre. Postérieurement à l’application de la prescription pour le prestataire, le destinataire de la prestation (en l’espèce, Zipvit Ltd) a réclamé un droit à déduction. Toutefois, dès lors qu’il n’existait pas de facture faisant apparaître séparément une quelconque TVA, l’administration fiscale le lui a refusé. |
2. |
Dans ce contexte, deux considérations ont conduit la juridiction de renvoi à saisir la Cour à titre préjudiciel. D’une part, il ressort des articles 73, 78 et 90 de la directive TVA que la base d’imposition de la TVA est toujours tout ce qui a été effectivement obtenu par le prestataire. Par conséquent, un droit à déduction pour Zipvit pourrait être né sur ce fondement. D’autre part, en raison de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Vădan ( 2 ), des doutes sont à nouveau apparus quant à la signification d’une facture aux fins du droit à déduction. Se pose en particulier la question de savoir si une facture est nécessaire à cette fin. |
3. |
La Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) nourrit donc des doutes quant à la conformité, au regard du droit de l’Union, du refus, par l’administration fiscale, du droit à déduction. La Commission européenne, en revanche, voit les choses autrement lorsqu’elle déclare : « Il est possible d’apporter une réponse simple aux questions soulevées dans la présente affaire : puisque Zipvit n’a pas acquitté de TVA, elle n’est pas autorisée à déduire la TVA en amont. Parfois, les réponses simples sont correctes et, sur la base des considérations qui suivent, la Commission estime que tel est le cas en l’espèce. » |
4. |
Toutefois, il arrive parfois qu’une réponse paraisse simple, mais qu’en réalité, elle se révèle ne pas l’être autant que cela lorsque l’on recherche une solution qui tienne compte aussi de la logique, de l’économie générale et du libellé de la directive TVA. Le fait que le droit à déduction ne présuppose pas que l’assujetti ait effectué un quelconque paiement suffit à montrer que le raisonnement proposé par la Commission ne peut être correct. Ce principe relatif au droit à déduction, appelé « principe débiteur », est admis par la jurisprudence de la Cour ( 3 ) et découle désormais également de la directive TVA. Partant, le fait que Zipvit n’ait versé à son cocontractant aucune rémunération (0), qu’il ait versé un montant net (100) ou une rémunération brute (120) est dénué d’incidence pour le droit à déduction considéré dans son principe. |
5. |
Par conséquent, la Cour est appelée ici à se pencher sur d’autres questions fondamentales du droit de la TVA, dont on ne peut pas dire qu’elles soient simples. Ainsi se pose la question de savoir si la TVA est toujours comprise dans le prix lorsque l’opération est (objectivement) soumise à la TVA, et ce également lorsque les parties contractantes et l’administration fiscale partent (subjectivement) du postulat que l’opération est exonérée. Si cette question reçoit une réponse affirmative, le destinataire de la prestation peut-il alors réclamer un dégrèvement de la TVA qui est déjà comprise dans le prix, alors même que le prestataire ne l’a pas (erronément) intégrée dans le prix de la contrepartie et ne l’a donc pas répercutée sur le destinataire de la prestation ? La TVA dont l’assujetti est « redevable » au sens de l’article 168, sous a), de la directive TVA couvre‑t‑elle la TVA dont le prestataire est redevable concrètement (en l’espèce, en raison de la prescription, aucune TVA n’est plus due) ou la TVA normalement due dans l’abstrait (c’est‑à‑dire légalement, en l’espèce, en tout état de cause, en droit de l’Union) ? |
6. |
Dès lors que le prestataire, lorsqu’il considère à tort que sa livraison ou sa prestation de services sont exonérées, n’établit évidemment pas de facture faisant apparaître séparément la TVA, la fonction de la facture en droit de la TVA revêt à nouveau ( 4 ) une signification décisive pour le droit à déduction du destinataire de la prestation. En effet, indépendamment des questions soulevées précédemment, un droit à déduction ne serait ouvert que si la possession d’une facture faisant apparaître séparément la TVA n’en constituait pas une condition. |
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
7. |
L’article 63 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 5 ) (ci‑après la « directive TVA ») traite du fait générateur et de l’exigibilité de la taxe : « Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. » |
8. |
L’article 73 de la directive TVA concerne la base d’imposition : « Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. » |
9. |
L’article 78 de la directive TVA définit les éléments constitutifs de la base d’imposition : « Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :
[...] » |
10. |
L’article 90 de la directive TVA régit la modification, a posteriori, de la base d’imposition et les conséquences juridiques que cela implique pour le prestataire : « 1. En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non‑paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. 2. En cas de non‑paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1. » |
11. |
L’article 93, première phrase, de la directive TVA porte sur l’application du taux à la base imposable qui a été déterminée ; il est libellé comme suit : « Le taux applicable aux opérations imposables est celui en vigueur au moment où intervient le fait générateur de la taxe. » |
12. |
Pour le taux normal, l’article 96 de la directive TVA prévoit ce qui suit : « Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services. » |
13. |
L’article 167 de la directive TVA porte sur la naissance du droit à déduction. Il se lit comme suit : « Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. » |
14. |
L’article 168, sous a), de la directive TVA régit le champ d’application matériel du droit à déduction : « Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
|
15. |
L’article 178 de la directive TVA régit quant à lui l’exercice du droit à déduction : « Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :
[...]
[...] » |
16. |
L’article 203 de la directive TVA assure une synchronisation entre la TVA facturée et la TVA due. Il prévoit ce qui suit : « La TVA est due par toute personne qui mentionne cette taxe sur une facture. » |
17. |
L’article 226 de la directive TVA prescrit les mentions nécessaires d’une facture : « Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 : [...]
[...] » |
B. Le droit du Royaume‑Uni
18. |
Le Royaume‑Uni a transposé la directive TVA et l’instrument qui l’a précédée au moyen du Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, ci‑après la « loi relative à la TVA »). |
III. Le litige au principal
19. |
La société Zipvit (ci‑après la « requérante ») exerce une activité commerciale de vente par correspondance de vitamines et de minéraux. Au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2010, Royal Mail a fourni à la requérante un certain nombre de services postaux sur la base de contrats négociés individuellement. |
20. |
Royal Mail est le service public de la poste au Royaume‑Uni. L’article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA prévoit que les États membres exonèrent « les prestations de services et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l’exception des transports de personnes et des télécommunications, effectuées par les services publics postaux ». Dans le cadre de sa mise en œuvre, cette disposition a été interprétée par le législateur et l’administration fiscale comme couvrant l’ensemble des services postaux fournis par Royal Mail. La loi nationale de transposition, la loi relative à la TVA, contenait une disposition à cet effet (annexe 9, groupe 3, point 1) et l’administration fiscale a adopté des « Guidance Notes » (notes d’orientation) à cet effet. |
21. |
Le contrat en vertu duquel Royal Mail a fourni les services en cause prévoyait que tous les frais postaux devant être supportés par la requérante s’entendaient comme étant exonérés de TVA, que la requérante « paiera[it] toute TVA due sur les frais postaux et autres frais au taux approprié » et que « la TVA d[evait] être calculée et acquittée sur [le prix commercial des services] ». Dès lors, dans la mesure où la TVA était due pour les prestations de services fournies, le prix total devant être payé par la requérante aux termes du contrat se composait du prix commercial majoré de la TVA. |
22. |
Toutefois, en raison de la loi nationale, des notes d’orientation et de l’erreur conjointe selon laquelle les prestations de services étaient exonérées de TVA, les factures relatives à celles‑ci adressées par Royal Mail à la requérante étaient désignées par la lettre « E » pour « exempt » (exonéré) ; dans ces factures, aucun montant au titre de la TVA exigible n’était mentionné et seul le prix commercial desdites prestations était facturé. La requérante a dûment payé à Royal Mail les montants figurant sur les factures. Au moment où les prestations de services ont été fournies, la requérante n’a pas fait valoir de droit à déduction pour celles‑ci. |
23. |
Royal Mail ayant considéré que les prestations de services fournies étaient exonérées et n’ayant mentionné aucune TVA sur les factures, aucun montant de TVA n’a été déclaré ni versé aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière, Royaume‑Uni, ci‑après l’« administration fiscale ») en ce qui concerne ces prestations. L’administration fiscale a commis la même erreur, plus précisément c’est elle qui a contribué à l’erreur commise par les parties, en publiant une « Tax Guidance » (orientation fiscale) contenant un exposé de l’état du droit allant en ce sens. Par conséquent, elle n’a pas non plus exigé que Royal Mail acquitte la TVA. |
24. |
Cette approche a été maintenue pendant plusieurs années jusqu’à ce que la Cour juge, dans son arrêt du 23 avril 2009, TNT Post UK (C‑357/07, EU:C:2009:248), que l’exonération pour les services postaux ne s’applique qu’aux prestations de services que les services publics postaux fournissent en tant que tels, et non aux prestations de services dont les conditions sont négociées individuellement. |
25. |
Selon cette interprétation de la directive TVA retenue par la Cour, la TVA au taux normal aurait dû être perçue au cours de la période concernée sur les prestations de services fournies dans la présente procédure. Pour celles‑ci, Royal Mail aurait dû facturer à la requérante un prix total correspondant au prix commercial majoré de la TVA au taux applicable, et elle aurait dû déclarer et verser la TVA à l’administration fiscale. |
26. |
À la lumière de l’arrêt du 23 avril 2009, TNT Post UK (C‑357/07, EU:C:2009:248), la requérante présente désormais des demandes de déduction s’agissant des prestations de services en cause. Le calcul de ces demandes a été effectué sur la base du fait que les prix effectivement payés pour ces prestations incluaient la TVA. Les sommes réclamées par la requérante au titre de la taxe en amont relative auxdites prestations s’élèvent à 415746 livres sterling (GBP) (environ 480000 euros), à majorer des intérêts. La présente procédure constitue un procès pilote pour les prestations de services fournies par Royal Mail qui ont été traitées de la même manière à tort comme étant exonérées. Selon la juridiction de renvoi, la valeur totale des créances revendiquées à l’égard de l’administration fiscale se situe entre 500 millions et 1 milliard de livres sterling (entre 575 millions et 1,15 milliard d’euros environ). |
27. |
Les demandes de la requérante ont été rejetées par l’administration fiscale. Ce rejet était fondé sur le fait que, bien que la requérante ait été contractuellement tenue de payer la TVA sur le prix commercial des prestations de services, aucune TVA ne lui avait été appliquée dans les factures et elle n’avait donc pas acquitté celle‑ci. |
28. |
Dans l’intervalle, l’administration fiscale a demandé des informations à Royal Mail en vue d’établir précisément lesquelles de ses prestations de services étaient concernées par l’arrêt du 23 avril 2009, TNT Post UK (C‑357/07, EU:C:2009:248). En juillet 2010, le délai de prescription de six ans applicable en droit national, en vertu de l’article 5 du Limitation Act (loi relative à la prescription) de 1980, à une demande de Royal Mail, au titre du contrat, visant au paiement du solde du prix total qui lui était dû pour les prestations de services (à savoir le montant correspondant au montant de TVA calculé par rapport au prix commercial de ces prestations) n’avait pas encore expiré. Cependant, il aurait été coûteux et administrativement lourd pour Royal Mail de revendiquer ses créances à l’égard de tous ses clients (y compris la requérante) concernés par l’arrêt du 23 avril 2009, TNT Post UK (C‑357/07, EU:C:2009:248) ; les actions n’ont donc pas été intentées, d’autant plus que Royal Mail n’avait aucun intérêt commercial à le faire. |
29. |
À cette époque, les délais de prescription en matière fiscale prévus à l’article 73, paragraphe 6, et à l’article 77, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA n’avaient eux aussi pas encore expiré. Cependant, l’administration fiscale a décidé de ne pas liquider la TVA, au motif que, en vertu du droit national en vigueur, les prestations de services étaient exonérées et que Royal Mail n’avait en réalité perçu de la requérante aucune TVA due pour ces prestations. En outre, l’administration fiscale a estimé qu’elle avait créé auprès de Royal Mail une confiance légitime dans le fait que celle‑ci n’était pas tenue de percevoir la TVA pour lesdites prestations, de sorte que celle‑ci aurait pu s’opposer probablement avec succès à toute tentative d’émettre contre elle des avis d’imposition portant sur ces mêmes prestations. |
30. |
La requérante a introduit contre la décision de réexamen de l’administration fiscale un recours devant le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume‑Uni]. À la date en cause, le délai de prescription qui s’appliquait aux actions contractuelles formées par Royal Mail contre la requérante pour le paiement du solde du prix total dû pour les prestations de services fournies avait expiré pour la plupart de celles‑ci. La prescription était déjà en grande partie, si ce n’est totalement, acquise également en ce qui concerne la faculté pour l’administration fiscale d’émettre des avis d’imposition à l’encontre de Royal Mail. |
31. |
Le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité)] a rejeté le recours. Il a estimé que l’administration fiscale ne disposait pas de créance fiscale exécutoire à l’encontre de Royal Mail. Royal Mail n’avait pas émis de facture faisant apparaître la TVA due. En outre, l’administration fiscale n’avait pas liquidé la TVA à l’égard de Royal Mail. Dans ces conditions, il n’existait pas, au sens de l’article 168, sous a), de la directive TVA, de TVA « due ou acquittée » par Royal Mail pour les prestations de services fournies. |
32. |
De surcroît, selon le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité)], étant donné que la requérante ne disposait pas, pour les prestations de services fournies, de factures valables faisant apparaître la TVA, le droit à déduction ne lui était pas ouvert. Si une taxe en amont fictive sur ces prestations était remboursée à la requérante, celle‑ci bénéficierait d’un bénéfice exceptionnel immérité. D’un point de vue économique, cela signifierait que la requérante aurait obtenu les prestations de services pour un prix considérablement inférieur à leur valeur commerciale réelle. La requérante a formé un recours contre cette décision du First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité)], recours qui a été rejeté par l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery), Royaume‑Uni]. |
33. |
L’appel formé par la requérante devant la Court of Appeal (Cour d’appel, Royaume‑Uni) a également été rejeté. Après avoir examiné la jurisprudence de la Cour, la Court of Appeal (Cour d’appel) a considéré que l’ouverture du droit à déduction s’agissant des prestations de services considérées était obligatoirement subordonnée à ce que la requérante soit en mesure de produire des factures de TVA faisant apparaître que, conformément à l’article 226, points 9 et 10, de la directive TVA, la TVA avait été perçue sur ces prestations. La Court of Appeal (Cour d’appel) a estimé que l’état du droit sur la question de la facture constituait un « acte clair ». La requérante a alors formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi. |
IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
34. |
La Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), saisie du pourvoi, a posé les questions préjudicielles suivantes à la Cour par décision du 1er avril 2020 :
|
35. |
Dans le cadre de la procédure devant la Cour, la requérante, les gouvernements du Royaume‑Uni, tchèque, espagnol et hellénique ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites. |
V. Analyse juridique
A. Sur la manière dont il convient de comprendre les questions préjudicielles
36. |
La présente demande de décision préjudicielle concerne la situation, qui n’est pas rare, dans laquelle c’est la jurisprudence des juridictions fiscales ou, comme en l’espèce, celle de la Cour, qui a fait apparaître que le traitement fiscal appliqué pendant des années à certaines opérations (en l’occurrence, à certains services postaux) était incorrect. En l’espèce, au Royaume‑Uni, la portée d’une disposition d’exonération fiscale a été comprise comme étant plus large que ne le permet le droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour. |
37. |
Si cette (nouvelle) jurisprudence conduit à des droits d’imposition plus élevés pour l’État concerné, l’administration fiscale, en règle générale, essaye encore, en invoquant l’état du droit objectif, de liquider a posteriori la TVA à l’égard de l’entreprise prestataire, et ce également pour les opérations déjà réalisées dans le passé. Cela soulève déjà la question de savoir si, s’agissant d’un impôt indirect sur la consommation, pour lequel l’entreprise prestataire n’agit qu’en tant que collecteur d’impôts pour le compte de l’État ( 6 ), il peut réellement être exigé qu’une entreprise anticipe une telle jurisprudence. Il faudrait notamment tenir compte du fait qu’un collecteur d’impôts agissant pour le compte de l’État n’est pas tenu de faire état de connaissances du droit fiscal meilleures que celles de l’État et qu’il pouvait donc se fier également aux dispositions administratives pertinentes. La situation devient particulièrement délicate lorsque, comme en l’espèce, l’administration fiscale a fait la même erreur que le contribuable (en l’espèce, Royal Mail) et que le législateur national semble lui aussi avoir traité la prestation comme étant exonérée. |
38. |
Les questions préjudicielles concernent cependant l’autre aspect du problème, à savoir le droit à déduction du destinataire de la prestation. Si les prestations reçues doivent être considérées comme exonérées, ce droit ne lui est pas ouvert. Si, toutefois, il se révèle, sur la base de la jurisprudence, que, normalement (dans le cadre d’un examen objectif), l’opération était imposable, un droit à déduction pourrait en principe être envisagé. |
39. |
Dans le cas normal, en cas d’erreur sur le taux de taxe, l’entreprise prestataire augmente le prix, si cela est possible en droit civil, en le majorant de la TVA correspondante et elle émet une facture (plus élevée) à l’attention du destinataire de la prestation. Ce destinataire paie cette facture et, grâce à celle‑ci, peut ensuite neutraliser, dans le cadre du droit à déduction, la charge supplémentaire de TVA. |
40. |
En l’espèce, toutefois, l’approche qui a été choisie était différente et elle a été à l’origine des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi. Le destinataire de la prestation n’a en effet pas dû payer de TVA supplémentaire, car le prestataire n’a pas augmenté son prix en le majorant de la TVA. Le prestataire a pu renoncer à cette augmentation, car l’administration fiscale elle‑même a renoncé à liquider la TVA a posteriori, pour les raisons exposées précédemment, plus précisément, parce que, en vertu du droit national, la prestation était exonérée. |
41. |
La requérante considère toutefois que dès lors que, en droit de l’Union, la prestation de services était objectivement imposable et qu’elle avait payé un certain prix, ce prix incluait objectivement la TVA due en vertu de ce droit. La requérante estime qu’elle peut d’ailleurs, en vertu de l’article 168, sous a), de la directive TVA, neutraliser cette TVA dont elle est « redevable », même si Royal Mail, en l’absence de liquidation, ne l’a jamais payée au créancier fiscal. Selon elle, la facture qui est normalement nécessaire en vertu de l’article 178, sous a), de cette directive et qui fait apparaître la TVA due par Royal Mail n’est en revanche pas indispensable puisque la Cour elle‑même n’a considéré la facture que comme un critère de forme. |
42. |
Si cela était exact, tous les destinataires des prestations de Royal Mail qui sont titulaires d’un droit à déduction réaliseraient ce que l’on appelle un « gain exceptionnel ». Jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la portée de la disposition d’exonération fiscale, ils n’avaient pas considéré qu’un tel droit était ouvert. Ce droit à déduction inescompté rendrait désormais les prestations de services reçues moins onéreuses, au détriment des recettes de TVA, augmentant ainsi la marge bénéficiaire des destinataires de ces prestations (entre autres celle de la requérante). Selon la juridiction de renvoi, le volume total en cause se situe entre 575 millions d’euros et 1,15 milliard d’euros environ (en l’espèce, environ 480000 euros). |
43. |
C’est pourquoi, par ses première et deuxième questions, qui peuvent être traitées conjointement, la juridiction de renvoi demande si, dans le cas d’une telle erreur conjointe et de l’absence de calcul a posteriori de la TVA normalement applicable, il est même possible de parler, au sens de l’article 168, sous a), de la directive TVA, de TVA « due et acquittée » que le destinataire de la prestation a la faculté de neutraliser au moyen du droit à déduction. Cela concerne ce droit considéré quant à son principe (sous C). |
44. |
La troisième question concerne la mise en œuvre du droit à déduction et donc ce droit considéré dans son montant lorsque, à la suite de l’erreur conjointe évoquée ci‑dessus, le destinataire de la prestation ne dispose pas d’une facture faisant apparaître séparément la TVA normalement applicable (sous B). La quatrième question posée par la juridiction de renvoi porte sur certains points de détail de l’erreur conjointe et sur d’autres possibilités de traitement rétroactif dans le cadre desquelles aucun « gain exceptionnel » ne serait apparu. Cette question sera abordée avec les autres questions. |
45. |
Étant donné qu’il n’est en réalité nécessaire de répondre à la première et à la deuxième question que s’il résulte de la réponse donnée à la troisième question que le droit à déduction est ouvert même en l’absence de facture faisant apparaître séparément la TVA, je répondrai d’abord à cette dernière. Celle-ci porte sur la mise en œuvre du droit à déduction et sur le point de savoir si la possession d’une facture, exigée par l’article 178, sous a), de la directive TVA, constitue une condition du droit à déduction, ainsi que la Cour l’a jugé dans les affaires Volkswagen ( 7 ) et Biosafe ( 8 ) (B.2), ou si cette condition n’a plus lieu d’être en raison de la décision de la Cour rendue dans l’affaire Vădan ( 9 ) (B.3). |
B. Sur la signification d’une facture aux fins du droit à déduction (troisième question préjudicielle)
1. Remarques préliminaires
46. |
C’est l’article 167 de la directive TVA qui constitue le point de départ pour déterminer si une facture faisant apparaître séparément la TVA est nécessaire aux fins du droit à déduction. Cet article prévoit que le droit à déduction (pour le destinataire de la prestation) prend naissance au moment où la taxe déductible (c’est‑à‑dire la dette fiscale du prestataire, article 63 de cette directive) devient exigible. Cela ne suppose pas de facture. |
47. |
Tandis que l’article 167 de la directive TVA vise en principe à synchroniser la dette fiscale du prestataire et le droit à déduction du destinataire de la prestation, l’article 178 de cette directive modifie ce principe. En vertu de cette disposition, la condition préalable à une mise en œuvre réussie du droit à déduction est non seulement que la dette fiscale ait pris naissance en ce qui concerne le prestataire, mais aussi que le destinataire de la prestation détienne une facture. En outre, cette facture doit contenir certaines mentions (voir article 226 de ladite directive). |
48. |
Soit le droit à déduction peut déjà être exercé au moment de l’exécution de la prestation, conformément aux articles 167 et 63 de la directive TVA. Dans ce cas, le seul élément décisif est de savoir si, malgré l’erreur conjointe, une TVA était comprise dans le prix payé (à cet égard, voir C.3). Soit, conformément à l’article 178 de cette directive, il importe également que soit détenue la facture correspondante faisant apparaître le montant de la TVA répercutée. |
49. |
Je considère que c’est la seconde approche qui est correcte. Seul ce point de vue est, à y regarder de plus près, également compatible avec la jurisprudence rendue par la Cour jusqu’à présent. À cet égard, il convient tout d’abord de différencier la naissance du droit à déduction considéré dans son principe et la naissance de ce droit considéré dans son montant. |
50. |
Il ressort d’une lecture attentive de la jurisprudence de la Cour que cette dernière s’est jusqu’à présent essentiellement prononcée sur la naissance du droit à déduction considéré dans son principe. Selon cette jurisprudence, le droit à déduction et, partant, au remboursement fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont ( 10 ). Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction ou le remboursement de la TVA en amont soit accordé si les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles ont été omises par les assujettis ( 11 ). La Cour considère qu’il existe une exception si la violation de telles exigences formelles a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites ( 12 ). |
51. |
L’article 168, sous a), de la directive TVA, qui se fonde, aux fins du droit à déduction du destinataire de la prestation, sur la « TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les […] services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti », met en lumière à cet égard le sens et la finalité du droit à déduction. En raison de la nature de la TVA, qui est une taxe sur la consommation ( 13 ), et de la technique de taxation indirecte, le destinataire de la prestation qui bénéficie du droit à déduction doit, par l’exercice de ce droit, être déchargé de la TVA due par une autre personne (le prestataire, en l’espèce Royal Mail) et qui a été répercutée sur lui par l’intermédiaire du prix. |
52. |
Si l’on prenait cette idée au pied de la lettre, il faudrait normalement se fonder sur le paiement effectif du prix par la requérante. En effet, ce n’est qu’à ce moment-là que celle‑ci doit effectivement supporter (indirectement) la TVA. Cependant, la disposition prévue à l’article 167 bis de la directive TVA montre que le législateur accorde un droit à déduction avant même le paiement. Cette disposition permet de limiter le droit à déduction à la date du paiement, même si la dette fiscale ne naît qu’avec l’encaissement du prix. Cela n’a de sens que si, dans les autres cas, il est possible d’exercer ce droit avant même le paiement du prix. |
53. |
Il est donc établi que le législateur part du postulat que le destinataire de la prestation supporte la TVA, en règle générale, avant même le paiement du prix, mais après l’exécution de la prestation. À cette date, le droit à déduction est déjà né considéré dans son principe. |
2. La naissance du droit à déduction considéré dans son montant
54. |
Toutefois, cette conclusion ne dit rien sur le droit à déduction considéré dans son montant. La disposition de l’article 178, sous a), de la directive TVA revêt à cet égard une signification décisive. |
55. |
En effet, la seule exécution de la prestation ne dit encore rien sur sur le montant pour lequel le destinataire de la prestation supporte la TVA intégrée dans le prix . Or, cela est nécessaire pour l’exercice du droit à déduction. Cela apparaît clairement dans des cas tels que celui de l’espèce, dans lesquels les parties ont commis conjointement une erreur portant sur l’exonération de l’opération. En effet, conformément aux dispositions contractuelles, Royal Mail et la requérante sont parties du principe que le prix convenu ne comprenait pas de TVA. Si la TVA devait être applicable, la requérante devait, selon les dispositions contractuelles, en supporter la charge supplémentaire. Cela ne s’est jamais produit, bien que la prestation ait indubitablement été exécutée. La seule exécution de la prestation ne dit donc rien sur la question de savoir si la requérante est grevée par la TVA. |
56. |
Il est donc simplement logique que le législateur non seulement rattache le droit à déduction à l’exécution de la prestation, mais que, en outre, il exige, à l’article 178, sous a), de la directive TVA, que le destinataire « détienne une facture » ( 14 ). |
57. |
L’obligation de détenir une facture sert également à mettre en œuvre le principe de neutralité consacré dans la législation en matière de TVA. Le principe de neutralité constitue un principe fondamental en matière de TVA, qui découle de ce que celle‑ci est, par nature, une taxe sur la consommation ( 15 ). Il implique notamment qu’en sa qualité de collecteur de taxes pour le compte de l’État, l’entrepreneur soit en principe entièrement soulagé de la charge finale de la TVA ( 16 ), à condition que l’activité économique elle‑même vise à réaliser des opérations (en principe) soumises à la TVA ( 17 ). |
58. |
Il découle de l’idée qui consiste à décharger l’entrepreneur ( 18 ) qu’un droit à déduction n’entre en compte que dans la mesure où le destinataire de la prestation supporte une charge de TVA ( 19 ). Or, ce destinataire supporte une telle charge non pas dès l’exécution de la prestation, mais, en définitive, seulement avec le paiement de la contrepartie (voir, à cet égard, points 52 et 55 des présentes conclusions). L’idée qui sous-tend la disposition de l’article 178, sous a), de la directive TVA est manifestement que, en règle générale, le paiement est effectué rapidement lorsque la facture est disponible. Il peut alors être présumé dès ce moment-là que le destinataire de la prestation supportera rapidement une charge de TVA. |
59. |
Cela apparaît très clairement dans la jurisprudence antérieure de la Cour, dans laquelle celle‑ci indiquait encore ( 20 ) que l’exercice immédiat du droit à déduction est fondé sur la présomption selon laquelle, en principe, les assujettis n’effectuent pas de paiement et ne s’acquittent donc pas de la TVA en amont avant d’avoir reçu une facture ou un autre document qui peut être considéré comme en tenant lieu, et que la TVA ne saurait donc être considérée avant cela comme grevant une opération. |
60. |
En effet, ainsi que le font valoir à juste titre également les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque et espagnol, la mesure dans laquelle le destinataire de la prestation supporte (ou supportera) la TVA n’est déterminée que lorsque la TVA correspondante a été intégrée dans le calcul de la contrepartie que celui‑ci doit payer. Or, la mesure dans laquelle la TVA a été intégrée dans le calcul de la contrepartie n’est déterminée qu’à partir du rapport juridique sous‑jacent et du décompte relatif à l’exécution de celui‑ci. Le décompte relatif à l’exécution de l’opération juridique en cause s’effectue par la remise de la facture correspondante, dans laquelle le prestataire communique son calcul. |
61. |
Dans une procédure de masse telle que celle de la taxation de la valeur ajoutée, ce n’est que par la communication de la répercussion, sur le destinataire de la prestation, au moyen du prix, de la TVA due qu’il est garanti que le destinataire de la prestation sait, et que l’administration fiscale peut vérifier, pour quel montant, selon le prestataire, ce destinataire est grevé par la TVA. De cette manière, ledit destinataire sait également à partir de quand et pour quel montant il peut neutraliser à nouveau cette TVA grâce au droit à déduction. |
62. |
Lorsque, ainsi que c’est le cas en l’espèce, les deux parties et l’administration fiscale ont considéré à tort qu’il s’agit d’une opération exonérée, aucune TVA n’est répercutée, au moyen de la contrepartie convenue, du prestataire au destinataire de la prestation, ainsi que le soulignent à juste titre toutes les parties concernées à l’exception de la requérante. C’est pourquoi le prestataire n’a pas non plus fait apparaître la TVA sur la facture. Si, après la découverte de l’erreur, les deux parties décidaient d’adapter le contrat et d’inclure dans le calcul du prix la TVA manquante, cela apparaîtrait également dans une facture grâce à laquelle le destinataire de la prestation pourrait alors également prétendre à la déduction. En parallèle, Royal Mail serait également redevable de la TVA mentionnée a posteriori, au plus tard avec l’établissement de la facture, conformément à l’article 203 de la directive TVA ( 21 ). La synchronisation du droit à déduction et de la dette fiscale, visée à l’article 178, sous a), de cette directive, serait ainsi rétablie. |
63. |
En conclusion, la possession d’une facture qui est exigée par l’article 178, sous a), de la directive TVA constitue précisément le moyen prévu par cette directive de reporter la charge de la TVA du prestataire (qui est redevable de la taxe) au destinataire de la prestation (qui supporte cette taxe par l’intermédiaire du prix) d’une manière compréhensible pour l’ensemble des parties (y compris pour l’administration fiscale). Ce n’est que de cette manière que le destinataire de la prestation peut identifier dans quelle mesure il est, de l’avis du prestataire, soumis à la TVA. Il peut alors, grâce à cette facture faisant apparaître sa charge de TVA, réclamer un dégrèvement pour ce montant. |
64. |
Dans ses arrêts Volkswagen ( 22 ) et Biosafe ( 23 ), la Cour a déjà suffisamment précisé la signification que revêt la possession d’une facture en tant qu’elle constitue un moyen nécessaire pour reporter la charge de TVA et une condition de dégrèvement au moyen du droit à déduction. Les gouvernements du Royaume‑Uni et tchèque le soulignent également. |
65. |
L’arrêt Volkswagen portait sur l’hypothèse dans laquelle les parties partaient du postulat que les opérations n’étaient pas imposables. Après que l’erreur a été décelée, des factures faisant apparaître la TVA séparément ont été établies et une demande de remboursement a été faite sur le fondement de la directive 2008/9 pour la première fois plusieurs années plus tard. La Cour a jugé ( 24 ) que, dans ces circonstances, le destinataire des prestations a été dans l’impossibilité objective d’exercer son droit à remboursement avant cette régularisation, « n’ayant pas disposé auparavant des factures ni su que la TVA était due. En effet, ce n’est qu’après cette régularisation que les conditions de fond et de forme du droit à déduction de la TVA existent ». |
66. |
L’arrêt Biosafe portait sur un cas de figure semblable à celui de l’espèce, à la seule différence que la déduction a été réclamée dans le cas d’une erreur conjointe qui portait sur le taux de taxe correct. Le taux qui avait été retenu était trop bas et le prestataire a rectifié sa facture des années plus tard en augmentant la TVA mentionnée séparément. Là encore, la Cour a conclu ( 25 ) que le destinataire était dans l’impossibilité objective d’exercer son droit à déduction avant la rectification de la facture, « n’ayant pas disposé auparavant des documents rectificatifs des factures initiales ni su qu’un complément de TVA était dû. En effet, c’est seulement à la suite de cette régularisation que les conditions matérielles et formelles ouvrant droit à déduction de la TVA ont été réunies ». |
67. |
Dans les deux cas, la Cour a considéré à juste titre que le destinataire de la prestation n’a été grevé par la TVA qu’à partir du moment où il a disposé d’une facture dont découlait celle‑ci. Or, en l’espèce, la requérante ne dispose pas d’une telle facture rectifiée. |
68. |
En outre, ainsi que la Cour l’a déjà relevé ( 26 ), ce n’est que la possession d’une facture qui permet aux autorités fiscales de contrôler la dette fiscale qui a pris naissance et la déduction demandée. À cet égard, plus une telle facture contient de mentions, plus le contrôle devient efficace, ce qui explique la liste désormais très étendue prévue à l’article 226 de la directive TVA. Cela aussi plaide en faveur de considérer que la possession d’une facture faisant apparaître la TVA est déterminante et constitue donc une condition de fond du droit à déduction. En l’absence d’une telle facture, une déduction n’est donc pas possible pour la requérante. |
3. Le droit à déduction en l’absence de facture est-il cependant ouvert ?
a) La jurisprudence de la Cour sur la preuve du droit à déduction par un expert
69. |
La décision de la Cour rendue dans l’affaire Vădan ( 27 ) n’emporte pas d’autre conclusion, ainsi que je l’ai déjà exposé ailleurs ( 28 ). La Cour a certes indiqué, au point 42 de son arrêt, que l’application stricte de l’exigence formelle de produire des factures se heurterait aux principes de neutralité et de proportionnalité, en ce qu’elle aurait pour effet d’empêcher de manière disproportionnée l’assujetti de bénéficier de la neutralité fiscale afférente à ses opérations. |
70. |
Un examen à première vue pourrait laisser penser que, pour cette raison, un droit à déduction est ouvert sans aucune facture et contrairement au libellé de l’article 178 de la directive TVA. Toutefois, une telle lecture de l’arrêt en cause n’est pas pertinente. |
71. |
D’une part, dans cette affaire, la Cour devait « uniquement » répondre à la question de savoir si un droit à déduction était ouvert sur la base d’une estimation, faite par un expert, du montant habituel de ce droit pour des projets de construction du type concerné. C’est à juste titre que la Cour a donné une réponse négative à cette question. La déduction est rattachée à la charge réelle de TVA, et non à la charge habituelle de TVA. Or, ce n’est que celle‑ci qui aurait pu être prouvée par l’expert au moyen d’une estimation. |
72. |
D’autre part, pendant toute la procédure, la question de savoir si des factures faisant apparaître la TVA avaient été établies est restée indéterminée. Il était seulement constant que les factures initiales n’étaient plus lisibles et que l’administration fiscale avait maintenu son exigence que les originaux soient présentés. Cette dernière approche n’est cependant pas compatible avec la directive TVA. Cette directive n’exige pas que, lors du contrôle fiscal, l’assujetti détienne encore la facture et qu’il soit en mesure de la présenter ; elle exige seulement que l’assujetti en ait détenu une au moment où il a demandé la déduction. Si la facture est perdue par la suite, l’assujetti peut évidemment prouver par tous moyens (généralement, au moyen d’une copie) qu’il a un jour détenu une facture faisant apparaître une charge de TVA d’un certain montant. |
73. |
Par conséquent, les considérations faites par la Cour dans l’arrêt Vădan se rapportent à juste titre uniquement à la preuve de la déduction ( 29 ). Les conditions de fond (c’est‑à‑dire celles qui résultent des articles 167 et 178 de la directive TVA) de la déduction peuvent être prouvées par tous moyens, sachant que, toutefois, la preuve rapportée par un expert s’agissant de la TVA normalement due est en soi impropre à cette fin ( 30 ). À mon sens, cette conclusion ressort clairement du dispositif de l’arrêt évoqué, si ce dispositif est lu à la lumière des questions posées et des faits exposés. |
b) La jurisprudence de la Cour concernant la période d’exercice du droit à déduction
74. |
Si l’on comprend ainsi l’arrêt Vădan ( 31 ), il n’existe pas non plus de contradiction avec la jurisprudence dans laquelle la Cour a examiné la période spécifique ( 32 ) au cours de laquelle le droit à déduction doit être exercé. Dans les décisions en cause, la Cour s’est en effet toujours fondée sur la possession d’une facture par l’assujetti destinataire de la prestation ( 33 ). |
75. |
Ainsi, dans l’arrêt Terra Baubedarf-Handel, la Cour a expressément invoqué l’argument suivant : « [e]n ce qui concerne le principe de proportionnalité, il n’est nullement enfreint par l’exigence que l’assujetti opère la déduction de la TVA en amont au titre de la période de déclaration au cours de laquelle sont réunies la condition de la possession de la facture ou d’un document considéré comme en tenant lieu et celle de la naissance du droit à déduction. En effet, d’une part, cette exigence est conforme à l’un des objectifs poursuivis par la sixième directive, qui est d’assurer la perception de la TVA et son contrôle par l’administration fiscale [...] et, d’autre part, [...] le paiement pour une livraison de biens ou une prestation de services, et donc l’acquittement de la TVA en amont, n’a normalement pas lieu avant la réception d’une facture » ( 34 ). Dans l’arrêt Senatex ( 35 ), la Cour a jugé que le droit à déduction de la TVA doit, en principe, être exercé au titre de la période au cours de laquelle, d’une part, ce droit a pris naissance et, d’autre part, l’assujetti « est en possession d’une facture ». |
76. |
Or, si la possession d’une facture est déterminante pour la période au cours de laquelle le droit à déduction doit être exercé, alors il s’agit d’un critère qui n’est plus seulement de forme, mais de fond. Par conséquent, le droit à déduction est subordonné à la possession de la facture correspondante. |
c) La jurisprudence de la Cour sur la rectification rétroactive d’une facture incomplète ou incorrecte
77. |
Enfin, cette analyse découle également de la jurisprudence récente de la Cour portant sur la rectification rétroactive des factures ( 36 ). Dans cette jurisprudence, la Cour opère certes une distinction entre les conditions de fond et les conditions de forme du droit à déduction. Ces dernières comprennent les modalités et le contrôle de l’exercice de celui‑ci, le bon fonctionnement du système de la TVA, de même que les obligations relatives à la comptabilité, à la facturation et à la déclaration ( 37 ). Or, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de celle‑ci en amont soit accordée si les conditions de fond sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis ( 38 ). En conséquence, dès lors que l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire cette taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit ( 39 ). |
78. |
Or, une lecture attentive de la jurisprudence de la Cour relative aux vices de forme ne faisant pas obstacle à une déduction fait apparaître que cette jurisprudence ne se réfère jamais à la possession d’une facture en tant que telle (ou à l’existence d’une facture), mais toujours aux modalités de présentation de celle‑ci ( 40 ). |
79. |
Ainsi, cette jurisprudence parle non pas de l’absence de toutes les conditions de forme, mais seulement de certaines d’entre elles. Il ne saurait donc en être déduit qu’un droit à déduction peut prendre naissance en l’absence de possession d’une facture. La Cour elle‑même dit d’ailleurs uniquement que « la détention d’une facture comportant les mentions prévues à l’article 226 de la directive [TVA] constitue une condition formelle et non pas une condition de fond du droit à déduction de la TVA » ( 41 ). Cela est exact. Le respect de toutes les mentions énumérées à l’article 226 de la directive TVA constitue une condition de forme. Ces mentions peuvent d’ailleurs être encore complétées (par exemple, conformément à l’article 219 de la directive TVA) ou modifiées ultérieurement, pour autant qu’elles ne soient pas essentielles (voir, à cet égard, plus précisément, points 81 et suivants des présentes conclusions). Toutefois, la possession en tant que telle d’une facture, telle qu’elle est exigée par l’article 178 de la directive TVA, ne constitue pas, en tant que circonstance factuelle, une telle exigence de forme ( 42 ). |
80. |
D’ailleurs, la Cour ne fait que déduire de cette considération que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif que, par exemple, une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive TVA (description précise de la quantité et de la nature de la prestation et indication de la date de celle‑ci), si cette administration dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites ( 43 ). Il en va de même des mentions visées à l’article 226, point 3 (mention du numéro d’identification TVA du prestataire) ( 44 ) ou à l’article 226, point 2 (mention du numéro de facture) ( 45 ). En conséquence, la Cour a conféré un effet rétroactif à la rectification d’une facture (formellement incorrecte) qui était déjà détenue par le destinataire de la prestation ( 46 ). |
81. |
Cela est convaincant. Un document opérant un décompte relatif à une livraison de biens ou à une prestation de services constitue déjà une facture au sens de l’article 178, sous a), de la directive TVA s’il permet tant au destinataire de la prestation qu’à l’administration fiscale de déterminer pour quelle opération quel prestataire a répercuté à quelle date quel montant de TVA sur quel destinataire de la prestation. Cela requiert que soient mentionnés le prestataire, le destinataire de la prestation, l’objet de celle‑ci, le prix et la TVA de manière séparée ( 47 ). Si ces cinq mentions essentielles sont présentes, l’objectif et la finalité de la facture sont remplis et le droit à déduction a définitivement pris naissance ( 48 ), ainsi que je l’ai déjà expliqué ailleurs ( 49 ). |
82. |
Toutefois, des méconnaissances de certaines des autres mentions prévues à l’article 226 de la directive TVA ne font pas obstacle au droit à déduction s’il est remédié à de telles méconnaissances au cours de la procédure administrative ou juridictionnelle. En fin de compte, cette conséquence juridique découle également de la jurisprudence de la Cour sur la rectification rétroactive des factures ( 50 ). |
83. |
Toutefois, lorsque, comme en l’espèce, le vice de la facture porte sur la mention séparée de la TVA, qui constitue l’une des caractéristiques essentielles d’une facture ouvrant droit à déduction, un droit à déduction est exclu ne serait-ce que pour cette raison. Le destinataire de la prestation ne peut pas prétendre, au moyen d’une facture qui mentionne une prestation exonérée, à un dégrèvement de la charge de TVA. Le gouvernement du Royaume‑Uni parle dans cette mesure à juste titre d’une condition préalable au droit à déduction. En effet, aucune charge de TVA ne ressort d’une telle facture. En l’absence de facture constituant un « moyen de reporter » cette charge, les conditions prévues à l’article 178, sous a), de la directive TVA ne sont pas remplies. |
84. |
La comparaison entre l’article 178, sous a), de la directive TVA et l’article 178, sous f), de celle‑ci fait aussi clairement apparaître que le législateur a imposé une condition supplémentaire, à savoir la possession d’une facture, pour le cas normal du prélèvement indirect [article 178, sous a), de la directive TVA]. Cette condition n’est pas nécessaire pour le cas particulier du prélèvement direct [article 178, sous f), de la directive TVA – autoliquidation] ( 51 ) et elle n’est donc pas prévue. Or, ce choix du législateur serait contourné s’il était jugé que la possession d’une facture constitue une simple formalité et qu’elle n’a pas d’incidence. |
d) Conclusion intermédiaire
85. |
Il résulte ainsi tant du libellé de la directive TVA que de la jurisprudence de la Cour qu’un droit à déduction pour un certain montant est également subordonné à ce que le destinataire de la prestation ait un jour détenu une facture faisant apparaître séparément, pour ce montant, la TVA répercutée. Dès lors que, en l’espèce, tel n’a jamais été le cas, un droit à déduction de la requérante est exclu ne serait-ce que pour cette raison. |
4. Conclusion
86. |
Il y a lieu de répondre à la troisième question que le droit à déduction est subordonné à l’exécution de la prestation et à la possession d’une facture [article 178, sous a), de la directive TVA] qui atteste de la répercussion de la TVA en la faisant apparaître séparément. Par conséquent, en l’espèce, en l’absence d’une telle facture, un droit à déduction n’est pas ouvert à la requérante. |
C. À titre subsidiaire : sur la « TVA due ou acquittée » au sens de l’article 168, sous a), de la directive TVA (première et deuxième questions préjudicielles)
87. |
Les première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi n’appellent, en pratique, de réponse que pour l’hypothèse dans laquelle la Cour laisserait ouverte la question portant sur la nécessité de détenir une facture faisant apparaître séparément la TVA ou celle dans laquelle elle apprécierait cette question de manière différente. |
88. |
Par ces deux questions, la juridiction de renvoi demande si le prix effectivement payé se compose toujours d’un montant net imposable et de la TVA qui s’y applique. Ce point se rapporte à l’interprétation des articles 73 et 78 de la directive TVA, qui concernent la base d’imposition (voir, à cet égard, sous 2.). En outre, la juridiction de renvoi demande, pour l’hypothèse dans laquelle le prix comporte également une part de TVA, si, en vertu de l’article 168, sous a), de cette directive, un droit à déduction est ouvert au destinataire de la prestation en raison de la TVA effectivement « due ou acquittée » pour cette prestation, même si, à la suite de l’erreur conjointe, les deux parties ont considéré que la prestation était exonérée. Ce dernier point porte sur l’interprétation de l’article 168, sous a), de ladite directive. À cet égard, il convient de préciser à qui se réfère la TVA « due ou acquittée » (voir, à cet égard, sous 1.) et s’il s’agit de la TVA due concrètement ou de celle qui serait normalement due (dans l’abstrait) si la loi était correctement appliquée (voir, à cet égard, sous 3.). |
1. La notion de « TVA due ou acquittée » visée à l’article 168, sous a), de la directive TVA
89. |
L’article 168, sous a), de la directive TVA est déterminant pour le rapport entre la requérante (en tant que destinataire de la prestation) et l’administration fiscale. Cette disposition se réfère à la déduction de la « TVA due ou acquittée ». Il convient de préciser quelle TVA est visée. La TVA « due ou acquittée » par Royal Mail (c’est‑à‑dire le prestataire) ou celle « due ou acquittée » par la requérante (c’est‑à‑dire le destinataire) sont envisageables. |
90. |
Toutefois, dès lors que l’article 168, sous a), de cette directive concerne le droit à déduction qui découle d’une prestation en amont, la réponse est claire. À ce stade, c’est‑à‑dire lorsque le destinataire de la prestation reçoit une telle prestation, une seule personne est redevable de la TVA ou, plus précisément, une seule personne peut l’acquitter. Il s’agit du prestataire, qui, en l’espèce, est Royal Mail. |
91. |
La question de savoir si le destinataire de la prestation est redevable d’une TVA ou l’acquitte dépend uniquement de ses opérations en aval ; l’article 168 de la directive TVA parle de ses « opérations taxées ». Cet article confirme, a contrario, l’article 169 de cette directive, qui, au-delà de cela, autorise la déduction pour certaines opérations en aval exonérées. Par conséquent, à ce stade, il n’est absolument pas établi si le destinataire de la prestation est redevable de la TVA à l’État. De même, la Cour a déjà jugé à plusieurs reprises ( 52 ) qu’un droit à déduction est ouvert même à un opérateur qui n’a pas réussi à effectuer d’opérations en aval (c’est‑à‑dire qui n’a jamais dû ni même versé de TVA). Cette seule raison suffit à exclure que le libellé de l’article 168, sous a), de la directive TVA se rapporte au destinataire de la prestation. |
92. |
Le destinataire de la prestation n’est en effet pas redevable de la TVA en ce qui concerne ses opérations en amont et il ne peut donc pas non plus l’acquitter, hormis dans les cas d’autoliquidation des articles 194 et suivants de la directive TVA. En droit civil, le destinataire de la prestation n’est redevable que du prix de la livraison du bien ou de la prestation de services. Il ne peut donc acquitter que ce prix. Il est possible que ce prix contienne arithmétiquement une part correspondant à la dette de TVA du prestataire. Cela ne change toutefois rien au fait qu’avec le paiement du prix par le destinataire de la prestation, seul le prix est dû ou acquitté, mais la TVA ne l’est pas. Le créancier fiscal de la TVA est en effet non pas le prestataire, mais uniquement l’État. |
93. |
Cela est confirmé par le reste du libellé de l’article 168, sous a), de la directive TVA. Il y est fait référence à « la TVA due ou acquittée dans cet État membre ». Or, le prix ou, plus précisément, la part de TVA qu’il contient arithmétiquement n’est pas dû dans un État membre, mais à l’égard du cocontractant. À cet égard, le droit applicable ou les juridictions compétentes sont déterminés par les accords contractuels et non par les dispositions locales en matière de TVA. |
94. |
La « TVA due ou acquittée » mentionnée à l’article 168, sous a), de la directive TVA désigne donc, contrairement à ce que considère la Commission, la TVA due ou acquittée par l’entreprise prestataire à l’État membre concerné. |
2. Sur la part de TVA dans le prix d’une prestation de services supposée exonérée
95. |
Une question différente et qu’il convient de distinguer de ce qui précède est celle de savoir si le prix dû (ou acquitté) par le destinataire de la prestation comprend une part de TVA qui est due par le prestataire, même si celui‑ci, seul ou conjointement avec son cocontractant (et éventuellement avec l’administration fiscale), a considéré que la prestation était exonérée. La réponse à cette question n’est cependant pas donnée par l’article 168, sous a), de la directive TVA, mais par les articles 73 et 78 de cette directive, en tenant compte de l’article 90 de celle‑ci. |
96. |
Il résulte de l’article 73 de la directive TVA que la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers. L’article 78 de cette directive énumère certains éléments qui sont à comprendre dans la base d’imposition. En vertu de l’article 78, sous a), de ladite directive, la TVA n’est pas à comprendre dans celle‑ci. |
97. |
Par conséquent, lorsqu’une personne paie 100 pour une prestation imposable, ce prix comprend déjà la TVA ; à cet égard, les observations de la requérante sont exactes. Cela découle de l’article 78, sous a), de la directive TVA. Toutefois, étant donné que, en vertu des articles 93 et 96 de cette directive, le taux de la taxe est appliqué à la base d’imposition, qui ne comprend pas la TVA, le prix perçu doit être réparti. Ainsi, avec un taux d’imposition de 20 %, les 100 perçus se décomposent en la base d’imposition (100/120 x 100 = 83,33) et en la TVA due par le prestataire (20/120 x 100 = 16,66). Le taux d’imposition de 20 % appliqué à la base d’imposition de 83,33 conformément aux articles 93 et 96 de la directive TVA donne alors une TVA de 16,66 exactement. Cette méthode de calcul est toujours la même et est indépendante des accords contractuels ou d’une erreur concernant le taux d’imposition correct. |
98. |
En effet, selon la règle générale établie à l’article 73 de la directive TVA, la base d’imposition, pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service effectuées à titre onéreux, est la contrepartie réellement obtenue par l’assujetti pour celles‑ci. Cette contrepartie constitue la valeur subjective, à savoir réellement obtenue, et non une valeur estimée selon des critères objectifs ( 53 ). Cette règle doit être appliquée en conformité avec le principe de base de la directive TVA, qui réside dans le fait que le système de la TVA vise à grever uniquement le consommateur final ( 54 ). |
99. |
C’est donc à juste titre que la Cour souligne dans sa jurisprudence que, lorsqu’un contrat de vente a été conclu sans mention de la TVA dans le cas où le fournisseur, selon le droit national, ne peut récupérer auprès de l’acquéreur la TVA réclamée a posteriori par l’administration fiscale, la prise en compte de la totalité du prix, sans déduction de la TVA, comme constituant la base sur laquelle la TVA s’applique, aurait pour conséquence que ce fournisseur serait grevé par la TVA. Cela se heurterait donc au principe selon lequel celle‑ci est une taxe sur la consommation, qui doit être supportée par le consommateur final ( 55 ). Une telle prise en compte se heurterait, par ailleurs, à la règle selon laquelle l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti a perçu ( 56 ). Il en résulte que (toute) contrepartie effectivement obtenue comprend déjà la TVA prévue par le droit de l’Union. |
100. |
En revanche, il me semble douteux que, comme l’a déjà considéré la Cour ( 57 ), il en aille effectivement autrement seulement en raison du fait que le fournisseur, selon le droit national, aurait la simple possibilité d’ajouter au prix stipulé un supplément correspondant à la taxe applicable à l’opération et de récupérer celui‑ci auprès de l’acquéreur du bien. Tant en vertu de l’article 90 de la directive TVA que de la jurisprudence de la Cour, la base d’imposition pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service effectuées à titre onéreux est constituée par la contrepartie réellement obtenue à cet effet par l’assujetti ( 58 ). |
101. |
Si, à la suite d’une adaptation du contrat, le montant de la contrepartie (c’est‑à‑dire le prix) change a posteriori, l’article 90 de la directive TVA permet une adaptation qui, ainsi que la Cour l’a d’ailleurs déjà indiqué, est susceptible de conduire soit à une diminution, soit à une augmentation a posteriori de la dette fiscale (cela découle déjà de l’article 73 de la directive TVA) ( 59 ). Toutefois, la simple faculté de présenter une demande a posteriori ne signifie pas pour autant que le destinataire de la prestation dispose effectivement du montant de cette demande. En définitive, cette question peut toutefois être ici laissée ouverte, car, en l’espèce, une telle demande a posteriori n’est plus possible en raison de l’expiration du délai de prescription de droit civil. |
102. |
Il est donc établi que l’article 168, sous a), de la directive TVA vise la TVA due par le prestataire et qu’il résulte des articles 73, 78 et 90 de cette directive que tout montant effectivement perçu inclut la TVA prévue par la loi. Cette question doit être distinguée de celle à laquelle il a été répondu précédemment (sous B), qui était de savoir si cette TVA inhérente au montant effectivement perçu a également été répercutée sur le cocontractant, lui ouvrant un droit à déduction. |
3. S’agit-il de la TVA due dans l’abstrait ou de la TVA due concrètement par le prestataire ?
103. |
À cet égard, il reste encore « seulement » à préciser si, aux fins du droit à déduction, au-delà de la nécessité d’une facture, la notion de TVA due par le prestataire s’entend comme la TVA concrètement due. En l’espèce, celle‑ci ferait défaut, car il est constant que, la prescription fiscale étant acquise, la TVA normalement due (à tout le moins en vertu du droit de l’Union) ne peut plus être perçue. |
104. |
Par ailleurs, la notion de TVA due pourrait également s’entendre comme la TVA normalement due (à tout le moins en vertu du droit de l’Union), dans l’abstrait. Cette TVA devrait alors être calculée, au Royaume‑Uni pour un taux de taxe de 20 %, en appliquant 20/120 au prix perçu. |
105. |
À cet égard, il ressort avec clarté de la jurisprudence de la Cour que le droit à déduction du destinataire est indépendant de la manière dont la créance fiscale est effectivement traitée et mise en œuvre auprès du prestataire. À cet égard, il est de jurisprudence constante de la Cour que la question de savoir si la TVA due sur les opérations de vente antérieures ou ultérieures portant sur les biens concernés a ou non été versée au Trésor public est sans influence sur le droit de l’assujetti de déduire la TVA acquittée en amont. En effet, la TVA s’applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix ( 60 ). |
106. |
Cette jurisprudence montre que le droit à déduction concret du destinataire de la prestation est indépendant de la dette fiscale concrète du prestataire. Par conséquent, il n’est pas non plus pertinent de savoir si celui‑ci aurait pu s’opposer ici avec succès à une taxation a posteriori [quatrième question sous a)]. |
107. |
S’il en est ainsi, la notion de TVA dont le prestataire est redevable, qui a été répercutée sur le destinataire de la prestation par l’intermédiaire du prix et que ce dernier peut neutraliser au moyen du droit à déduction, doit en principe être considérée aussi dans l’abstrait. C’est donc la TVA normalement due (dans l’abstrait) qui est visée. Ni l’erreur conjointe des parties contractantes (y compris l’erreur de l’administration fiscale) ni le fait que l’administration fiscale, pour des raisons tenant au principe de l’état de droit et pour des raisons pratiques, ait renoncé ou ait dû renoncer à liquider la TVA a posteriori et que la dette fiscale du prestataire soit entre-temps prescrite n’ont d’influence sur ce point. |
4. Conclusion
108. |
Par conséquent, la notion de « TVA due ou acquittée » visée à l’article 168, sous a), de la directive TVA s’entend, d’un point de vue théorique, comme la TVA qui est due par le prestataire dans l’abstrait, pour le montant correct dû, et qui est déjà comprise dans le prix effectivement perçu. |
109. |
Toutefois, cela ne devient pertinent en pratique pour le destinataire de la prestation que lorsque celui‑ci reçoit une facture faisant apparaître la TVA, qui établit la répercussion de cette taxe sur lui. Cependant, en cas d’erreur conjointe, le prestataire ne délivrera une telle facture au destinataire de la prestation que si soit il doit supporter seul le risque de l’appréciation correcte de la TVA, soit le destinataire de la prestation paie a posteriori la TVA qui n’avait pas encore été répercutée en raison de l’erreur conjointe, c’est‑à‑dire si le prix est adapté en conséquence. |
VI. Conclusion
110. |
En conséquence, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) :
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( 1 ) Langue de procédure : l’allemand.
( 2 ) Arrêt du 21 novembre 2018 (C‑664/16, EU:C:2018:933).
( 3 ) Voir, par exemple, arrêt du 16 février 2012, Eon Aset Menidjmunt (C‑118/11, EU:C:2012:97, point 63).
( 4 ) Cette affaire est étroitement liée à la question, soulevée dans l’affaire Wilo Salmson France (C‑80/20), portant sur la fonction d’une facture faisant apparaître séparément la TVA, aux fins du droit à déduction du destinataire de la prestation de la facture. Voir, à cet égard, également, mes conclusions dans l’affaire Wilo Salmson France (C‑80/20, EU:C:2021:326).
( 5 ) Directive du Conseil du 28 novembre 2006 (JO 2006, L 347, p. 1), dans sa version applicable aux années litigieuses (2007 à mars 2010), telle que modifiée, en dernier lieu, par la directive 2010/23/UE du Conseil du 16 mars 2010 (JO 2010, L 72, p. 1). Pour l’année litigieuse 2006, la réglementation précédente [Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1)] est certes encore applicable, mais les dispositions de cette directive – pour autant qu’elles nous intéressent ici – étaient en principe identiques sur le fond.
( 6 ) Voir ne serait-ce que arrêts du 23 novembre 2017, Di Maura (C‑246/16, EU:C:2017:887, point 23), du 21 février 2008, Netto Supermarkt (C‑271/06, EU:C:2008:105, point 21), et du 20 octobre 1993, Balocchi (C‑10/92, EU:C:1993:846, point 25).
( 7 ) Arrêt du 21 mars 2018 (C‑533/16, EU:C:2018:204).
( 8 ) Arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2018:249).
( 9 ) Arrêt du 21 novembre 2018 (C‑664/16, EU:C:2018:933).
( 10 ) Arrêts du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C‑346/19, EU:C:2020:1050, point 46), du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de la TVA – Factures) (C‑371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 79), du 2 mai 2019, Sea Chefs Cruise Services (C‑133/18, EU:C:2019:354, point 36), et du 21 mars 2018, Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2018:204, point 39).
( 11 ) Arrêts du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C‑346/19, EU:C:2020:1050, point 47), du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de la TVA – Factures) (C‑371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 80), du 19 octobre 2017, Paper Consult (C‑101/16, EU:C:2017:775, point 41), du 28 juillet 2016, Astone (C‑332/15, EU:C:2016:614, point 45), du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 42), du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean (C‑183/14, EU:C:2015:454, point 58), du 30 septembre 2010, Uszodaépítő (C‑392/09, EU:C:2010:569, point 39), du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie (C‑385/09, EU:C:2010:627, point 42), et du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267, point 63).
( 12 ) Arrêts du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C‑346/19, EU:C:2020:1050, point 48), du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de la TVA – Factures) (C‑371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 81), et du 19 octobre 2017, Paper Consult (C‑101/16, EU:C:2017:775, point 42 et jurisprudence citée).
( 13 ) Voir arrêts du 10 avril 2019, PSM K (C‑214/18, EU:C:2019:301, point 40), du 18 mai 2017, Latvijas Dzelzceļš (C‑154/16, EU:C:2017:392, point 69), du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 34), et du 24 octobre 1996, Elida Gibbs (C‑317/94, EU:C:1996:400, point 19).
( 14 ) Voir, en ce sens, également, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2017:823, point 60).
( 15 ) Dans l’arrêt du 13 mars 2014, Malburg (C‑204/13, EU:C:2014:147, point 43), la Cour parle d’un principe d’interprétation.
( 16 ) Arrêts du 13 mars 2008, Securenta (C‑437/06, EU:C:2008:166, point 25), et du 1er avril 2004, Bockemühl (C‑90/02, EU:C:2004:206, point 39).
( 17 ) Arrêts du 13 mars 2014, Malburg (C‑204/13, EU:C:2014:147, point 41) ; du 15 décembre 2005, Centralan Property (C‑63/04, EU:C:2005:773, point 51), et du 21 avril 2005, HE (C‑25/03, EU:C:2005:241, point 57) ; voir également mes conclusions dans l’affaire Centralan Property (C‑63/04, EU:C:2005:185, point 25).
( 18 ) Voir, en ce sens, déjà, mes conclusions dans l’affaire Wilo Salmson France (C‑80/20, EU:C:2021:326, points 59 et suiv.) et dans l’affaire Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2017:927, points 44 et suiv.).
( 19 ) Voir, également, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2017:823, point 64).
( 20 ) Arrêt du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel (C‑152/02, EU:C:2004:268, point 35).
( 21 ) À la différence de ce que considère la requérante, l’article 203 de la directive TVA ne constitue pas une simple « disposition sur la fraude » ; elle assure également la synchronisation du droit à déduction au moyen d’une facture et de la dette fiscale en raison d’une facture.
( 22 ) Arrêt du 21 mars 2018 (C‑533/16, EU:C:2018:204).
( 23 ) Arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2018:249).
( 24 ) Arrêt du 21 mars 2018, Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2018:204, points 49 et 50).
( 25 ) Arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2018:249, points 42 et 43).
( 26 ) Arrêts du 15 novembre 2017, Geissel et Butin (C‑374/16 et C‑375/16, EU:C:2017:867, point 41) et du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 27) ; voir, également, mes conclusions dans l’affaire Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:101, points 30, 32 et 46).
( 27 ) Arrêt du 21 novembre 2018 (C‑664/16, EU:C:2018:933).
( 28 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Wilo Salmson France (C‑80/20, EU:C:2021:326, points 70 et suiv.).
( 29 ) Arrêt du 21 novembre 2018 (C‑664/16, EU:C:2018:933, point 44, « fournir des preuves objectives » ; point 45, « preuves » ; point 47, « preuve », et point 48, « rapporter la preuve »).
( 30 ) Voir, à juste titre, à cet égard, arrêt du 21 novembre 2018, Vădan (C‑664/16, EU:C:2018:933, point 45 – une estimation ne peut remplacer de telles preuves).
( 31 ) Arrêt du 21 novembre 2018 (C‑664/16, EU:C:2018:933).
( 32 ) Il s’agissait, par exemple, des arrêts du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691), et du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel (C‑152/02, EU:C:2004:268).
( 33 ) Voir, également, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2017:823, point 58), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2017:927, points 65 et suiv.).
( 34 ) Arrêt du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel (C‑152/02, EU:C:2004:268, point 37).
( 35 ) Arrêt du 15 septembre 2016 (C‑518/14, EU:C:2016:691, point 35).
( 36 ) Voir, par exemple, arrêts du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691) ; du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690), et du 8 mai 2013, Petroma Transports e.a. (C‑271/12, EU:C:2013:297).
( 37 ) Arrêt du 28 juillet 2016, Astone (C‑332/15, EU:C:2016:614, point 47) ; voir, en ce sens également, arrêt du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia (C‑590/13, EU:C:2014:2429, points 41 et 42, et jurisprudence citée).
( 38 ) Arrêts du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C‑346/19, EU:C:2020:1050, point 47) ; du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de la TVA – Factures) (C‑371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 80) ; du 19 octobre 2017, Paper Consult (C‑101/16, EU:C:2017:775, point 41) ; du 28 juillet 2016, Astone (C‑332/15, EU:C:2016:614, point 45) ; du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 42) ; du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean (C‑183/14, EU:C:2015:454, point 58) ; du 30 septembre 2010, Uszodaépítő (C‑392/09, EU:C:2010:569, point 39) ; du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie (C‑385/09, EU:C:2010:627, point 42), et du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267, point 63).
( 39 ) Arrêts du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 42), du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean (C‑183/14, EU:C:2015:454, points 58 et 59) ; voir, également, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz (C‑280/10, EU:C:2012:107, point 43), bien que faisant référence à l’autoliquidation, et arrêt du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie (C‑385/09, EU:C:2010:627, point 42), également en cas d’autoliquidation.
( 40 ) Arrêt du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691, points 39 et suiv.), qui opère explicitement une clarification en ce sens. L’arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, points 35 et 49), concernait lui aussi une facture dont la possession était incontestée, mais dont les mentions étaient partiellement imprécises. L’arrêt du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum (C‑368/09, EU:C:2010:441, point 45), fait également référence à une facture initiale.
( 41 ) Arrêts du 15 novembre 2017, Geissel et Butin (C‑374/16 et C‑375/16, EU:C:2017:867, point 40), et du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691, point 38 ; et, de manière similaire, au point 29, « détention d’une facture établie conformément à l’article 226 de cette directive »). De manière similaire, également, arrêts du 21 mars 2018, Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2018:204, point 42), et du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie (C‑385/09, EU:C:2010:627, point 47).
( 42 ) La Cour (arrêt du 30 septembre 2010, Uszodaépítő, C‑392/09, EU:C:2010:569, point 45) semble également partir de ce postulat lorsqu’elle affirme que l’article 178 de la directive TVA s’oppose à l’imposition de formalités supplémentaires. Dans ce cas, l’article 178 de cette directive en tant que tel ne saurait constituer une simple formalité. Les arrêts du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2018:249, point 43) et du 21 mars 2018, Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2018:204, point 50), précisent eux aussi que ce n’est qu’après la possession d’une facture faisant apparaître la charge de TVA que les conditions de fond et de forme ouvrant droit à déduction sont réunies.
( 43 ) Arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 43).
( 44 ) Arrêt du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691, points 40 et suiv.).
( 45 ) Arrêt du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum (C‑368/09, EU:C:2010:441, point 45) ; de manière similaire, également, arrêt du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C‑346/19, EU:C:2020:1050, points 53 et 57).
( 46 ) Voir arrêts du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691, point 43), du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 44), et du 8 mai 2013, Petroma Transports e.a. (C‑271/12, EU:C:2013:297, point 34).
( 47 ) Voir, en ce sens, également, Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne). Voir arrêts du 12 mars 2020 – V R 48/17, BStBl. II 2020, 604, point 23 ; du 22 janvier 2020 – XI R 10/17, BStBl. II 2020, 601, point 17 ; et du 20 octobre 2016 – V R 26/15, BStBl. 2020, 593, point 19.
( 48 ) En ce qui concerne le critère de la « TVA apparaissant séparément », cela découle déjà des décisions de la Cour dans les affaires Volkswagen et Biosafe, dans lesquelles il existait des factures dans lesquelles l’identification à la TVA manquait pour demander la déduction du montant correspondant de TVA. Voir arrêts du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens (C‑8/17, EU:C:2018:249, points 42 et 43), et du 21 mars 2018, Volkswagen (C‑533/16, EU:C:2018:204, points 49 et 50).
( 49 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Wilo Salmson France (C‑80/20, EU:C:2021:326, points 93 et 94).
( 50 ) Il s’agit, par exemple, des arrêts du 15 septembre 2016, Senatex (C‑518/14, EU:C:2016:691, point 43) ; du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C‑516/14, EU:C:2016:690, point 44), et du 8 mai 2013, Petroma Transportse.a. (C‑271/12, EU:C:2013:297, point 34).
( 51 ) Confirmé expressément par l’arrêt du 1er avril 2004, Bockemühl (C‑90/02, EU:C:2004:206, points 47 et 51). Dans ce cas, la facture n’a en effet pas pour fonction de reporter la charge de la TVA (à ce sujet, en détail, points 60 et suiv. des présentes conclusions), puisque le prestataire ne la doit pas et n’a donc pas à la répercuter.
( 52 ) Arrêts du 17 octobre 2018, Ryanair (C‑249/17, EU:C:2018:834, point 18) ; du 29 février 1996, Inzo (C‑110/94, EU:C:1996:67, point 17) ; du 14 février 1985, Rompelman (268/83, EU:C:1985:74, points 23 et 24), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Ryanair (C‑249/17, EU:C:2018:301, points 16 et 26).
( 53 ) Arrêts du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 33) ; du 26 avril 2012, Balkan and Sea Properties (C‑621/10 et C‑129/11, EU:C:2012:248, point 43), et du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, EU:C:1981:38, point 13).
( 54 ) Arrêts du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 34), et du 24 octobre 1996, Elida Gibbs (C‑317/94, EU:C:1996:400, point 19).
( 55 ) Arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 35).
( 56 ) Arrêts du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 36) ; du 26 avril 2012, Balkan et Sea Properties (C‑621/10 et C‑129/11, EU:C:2012:248, point 44) ; du 3 juillet 1997, Goldsmiths (C‑330/95, EU:C:1997:339, point 15), et du 24 octobre 1996, Elida Gibbs (C‑317/94, EU:C:1996:400, point 24).
( 57 ) Arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 37).
( 58 ) Voir, ainsi, expressément, arrêts du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin (C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 33) ; du 26 avril 2012, Balkan et Sea Properties (C‑621/10 et C‑129/11, EU:C:2012:248, point 43), et du 3 juillet 1997, Goldsmiths (C330/95, EU:C:1997:339, point 15).
( 59 ) Voir, à cet égard, arrêt du 23 novembre 2017, Di Maura (C‑246/16, EU:C:2017:887, point 27), et mes conclusions dans l’affaire Di Maura (C‑246/16, EU:C:2017:440, points 63 et suiv.).
( 60 ) Arrêts du 6 décembre 2012, Bonik (C‑285/11, EU:C:2012:774, point 28), du 21 juin 2012, Mahagében (C‑80/11 et C‑142/11, EU:C:2012:373, point 40) ; du 12 janvier 2006, Optigen e.a. (C‑354/03, C‑355/03 et C‑484/03, EU:C:2006:16, point 54), et ordonnance du 3 mars 2004, Service des transports (C‑395/02, EU:C:2004:118, point 26).