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Document 62019CO0669

    Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 3 septembre 2024.
    Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne contre BP.
    Taxation des dépens.
    Affaire C-669/19 P-DEP.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:710

    ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

    3 septembre 2024 (*)

    « Taxation des dépens »

    Dans l’affaire C‑669/19 P‑DEP,

    ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 21 février 2024,

    Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), représentée initialement par M. C. Manolopoulos et Mme L. V. López Álvaro, en qualité d’agents, puis par Mmes L. V. López Álvaro et S. Rautio, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    BP, représentée par Me E. Lazar, avocată,

    partie défenderesse,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. N. Wahl (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

    avocat général : M. P. Pikamäe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) dans le cadre de l’affaire C‑669/19 P.

    2        Par un pourvoi introduit le 9 septembre 2019, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, BP a demandé l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 juillet 2019, BP/FRA (T‑838/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:494), par lequel celui-ci a, d’une part, condamné  la FRA à lui payer une indemnité d’un montant de 5 000 euros (majorée d’intérêts moratoires) et, d’autre part, rejeté son recours en réparation introduit sur le fondement de l’article 268 TFUE pour le surplus.

    3        Par son arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713), la Cour a rejeté ce pourvoi et a condamné BP à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la FRA.

    4        Par un courrier du 15 juillet 2022, la FRA a informé BP du montant des dépens qu’elle avait encourus dans le cadre dudit pourvoi et l’a invitée à lui communiquer ses éventuels commentaires, à défaut desquels elle émettrait une note de débit d’un montant de 13 500 euros.

    5        Du 28 juillet 2022 au 31 juillet 2023, plusieurs échanges de courriers ont eu lieu entre BP et la FRA, par lesquels BP a fait valoir, d’une part, que la demande de remboursement des dépens était tardive et, d’autre part, que le montant des dépens réclamés apparaissait inapproprié.

    6        Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables afférents à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑669/19 P, la FRA a, en application de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduit la présente demande.

     Les conclusions des parties

    7        La FRA demande à la Cour de fixer à la somme de 13 500 euros le montant des dépens récupérables devant être payés par BP au titre des frais exposés dans la procédure relative à l’affaire C‑669/19 P.

    8        BP demande à la Cour de rejeter la demande de la FRA et de condamner cette dernière aux dépens exposés lors de la procédure de taxation des dépens.

     Argumentation des parties

    9        Au soutien de sa demande, la FRA fait valoir, en premier lieu, que, compte tenu du refus persistant de BP de rembourser les dépens afférents à la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713), il ne fait aucun doute qu’il existe une contestation sur les dépens récupérables au sens de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour.

    10      En deuxième lieu, la FRA soutient qu’elle a adressé sa demande de remboursement des dépens dans un délai raisonnable à BP. Cette dernière n’aurait donc pas pu légitimement considérer que la FRA avait renoncé à son droit de lui réclamer le remboursement des dépens. Dans les circonstances de l’espèce, la période de 22 mois séparant la date à laquelle la Cour a rendu, le 16 septembre 2020, l’arrêt BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713), de la date du premier courrier de la FRA relatif au recouvrement des dépens, à savoir le 15 juillet 2022, ne saurait être considérée comme étant déraisonnable. En effet, non seulement il aurait été conforme aux exigences du principe de bonne administration d’attendre l’issue de la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑601/19 P, mais il conviendrait également de relever que cet arrêt a été rendu au plus fort de la pandémie de COVID-19.

    11      En troisième lieu, pour ce qui est du bien-fondé de la demande de taxation des dépens, la FRA allègue que le montant total de 13 500 euros qu’elle a versé à un avocat externe au titre de ses honoraires pour l’affaire C‑669/19 P était nécessaire, au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour et de la jurisprudence pertinente.

    12      Tout d’abord, pour ce qui est de l’ampleur du travail que la procédure a pu causer, la FRA rappelle que le pourvoi introduit par BP comportait 27 pages et contenait plus de 75 pages d’annexes. Il n’aurait pas été établi que les honoraires d’avocats réclamés, qui correspondent à 51 heures de travail au taux horaire de 265 euros, n’étaient pas objectivement indispensables.

    13      Ensuite, s’agissant du degré de difficulté de l’affaire, la FRA fait valoir, premièrement, que l’affirmation de BP selon laquelle la présente affaire ne présentait aucune difficulté contredit les points de vue exprimés dans son pourvoi dans l’affaire C‑669/19 P, BP ayant fait valoir que le Tribunal aurait dû renvoyer l’affaire à une chambre siégeant en composition élargie, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de son règlement de procédure, dans la mesure où celle-ci était suffisamment complexe et sensible.

    14      Deuxièmement, il conviendrait de relever que la procédure devant le Tribunal dans cette affaire se caractérisait par une complexité factuelle et juridique importante, comme le démontrerait la longueur de l’arrêt attaqué. En outre, BP aurait rajouté de la complexité à la procédure devant le Tribunal en soumettant une demande d’examen de témoins, douze offres de preuves, une demande d’adoption d’un acte d’organisation de la procédure, une demande d’introduction d’un nouveau moyen et une demande d’adoption d’une mesure d’enquête.

    15      Troisièmement, BP aurait invoqué quatre moyens à l’appui de son pourvoi, dont certains soulevaient des questions relativement complexes.

    16      Quatrièmement, la FRA soutient que le fait qu’aucune audience n’ait eu lieu dans l’affaire C‑669/19 P signifie non pas que l’affaire n’était pas complexe, mais que la Cour s’est estimée suffisamment informée, de sorte qu’elle pouvait se prononcer sans audience.

    17      Cinquièmement, la FRA considère qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qu’une agence dispose du droit de recourir à l’assistance d’un avocat externe, sans avoir à se soumettre à un examen de la nécessité de cette assistance.

    18      Enfin, s’agissant de l’importance de l’affaire, la FRA souligne que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué avait pour objet une demande indemnitaire par laquelle BP avait évalué le montant du préjudice subi à 300 000 euros en ce qui concerne le préjudice moral et à 60 000 euros en ce qui concerne le préjudice matériel. Nonobstant le fait que le Tribunal n’a pas accordé les montants considérables demandés par BP, ceux-ci démontreraient l’importance que l’affaire revêtait pour elle, ainsi que l’intérêt financier important que les deux parties avaient dans la procédure.

    19      En défense, BP fait valoir, en premier lieu, que, entre le 16 septembre 2020, date du prononcé de l’arrêt BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713), et le 15 juillet 2022, date à laquelle la FRA l’a contactée, pour la première fois, en vue de réclamer les dépens relatifs à cette affaire, 22 mois se sont écoulés, auxquels il convient d’ajouter 7 mois correspondant au temps pris par la FRA pour introduire, le 21 février 2024, à la suite de la lettre de BP du 31 juillet 2023, restée sans réponse, la présente demande de taxation des dépens. Or, ce délai total de 29 mois, calculé à compter du prononcé de cet arrêt, rendrait la demande de taxation des dépens de la FRA irrecevable.

    20      À cet égard, BP estime que la présente affaire se distingue par exemple de celles ayant donné aux ordonnances du Tribunal auxquelles se réfère la FRA, dans la mesure où, dans ces affaires, la partie condamnée à supporter les dépens avait été contactée peu de temps après le prononcé de l’arrêt la condamnant aux dépens. La FRA ne pourrait pas davantage se prévaloir de l’ordonnance du 18 octobre 2019, FT/AEMF (T‑613/18 DEP, EU:T:2019:774).

    21      En outre, BP considère que la FRA omet d’indiquer en quoi la pandémie de COVID-19 aurait constitué une circonstance extraordinaire qui l’aurait empêchée de communiquer la demande de récupération des dépens dans un délai raisonnable.

    22      En deuxième lieu, BP soutient que, ainsi qu’elle l’avait demandé dans un courrier du 17 novembre 2022, les agissements et les irrégularités à l’origine de la présente affaire auraient dû conduire la FRA à renoncer à la récupération des dépens afférents aux procédures menées devant les juridictions de l’Union, et ce conformément à l’article 101, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

    23      En troisième lieu, BP estime que, en l’absence de justification adéquate et de transparence dans le processus de facturation, la demande de la FRA de remboursement du montant total des honoraires payés à l’avocat externe ne saurait être considérée comme étant justifiée ou nécessaire.

    24      S’agissant, tout d’abord, de l’ampleur du travail exigé, BP considère qu’il n’y a pas nécessairement de corrélation entre la longueur des documents élaborés et les heures facturées par l’avocat externe. Sans décompte clair des tâches effectuées et du temps consacré à chacune d’elles, le caractère raisonnable du montant total réclamé ne peut être correctement apprécié. De même, sans justification claire de l’engagement de deux avocats, il y aurait lieu de douter de l’exactitude des honoraires facturés.

    25      Ensuite, pour ce qui est de la difficulté de l’affaire, BP précise, premièrement, que sa demande de renvoi à une chambre élargie pouvait se justifier par différents facteurs, notamment la nécessité d’une audience juste, et non par la seule complexité de l’affaire. Deuxièmement, il n’y aurait pas davantage de corrélation entre la longueur d’un arrêt du Tribunal, le nombre de moyens invoqués contre cet arrêt dans le cadre d’un pourvoi et la complexité des questions juridiques débattues. Troisièmement, BP est d’avis que le nombre d’heures de travail dont le remboursement est réclamé est excessif, ce d’autant plus qu’il n’y a pas eu d’audience de plaidoiries dans cette affaire. Quatrièmement, BP remet en cause la nécessité, pour une agence de l’Union telle la FRA, de recourir à un avocat externe, eu égard au fait que cette agence dispose d’un service juridique qui comprenait à l’époque un juriste professionnel.

    26      Enfin, BP considère que l’importance de la présente affaire découle non seulement de son incidence potentielle sur d’autres travailleurs, mais également du respect des droits individuels et du traitement équitable de la partie directement concernée. L’importance de l’affaire devrait, dès lors, conduire à concevoir une solution juste et équitable et non à justifier des honoraires excessifs. De plus, l’importance d’une affaire dépendrait de son incidence sur des principes ou des précédents juridiques pertinents et non pas uniquement sur les intérêts financiers en jeu.

    27      En quatrième lieu, BP fait valoir que les circonstances entourant la présente affaire sont de la plus grande importance pour apprécier la demande de taxation des dépens de la FRA. BP se verrait en effet contrainte de payer des dépens pour des agissements répréhensibles de la FRA, alors qu’elle-même a agi de bonne foi et dans l’intérêt général. Il est, selon elle, injuste de lui imposer les conséquences financières d’une « bataille » juridique qui résulte de son engagement en faveur de l’intégrité et de la responsabilité.

     Appréciation de la Cour

     Sur la recevabilité

    28      En vertu de l’article 145, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, lors d’une contestation sur les dépens récupérables, la Cour statue par voie d’ordonnance à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations et l’avocat général entendu.

    29      D’une part, il y a lieu de se prononcer sur le point de savoir si, à la date d’introduction de la présente demande de taxation, il existait une contestation sur les dépens récupérables et si les parties ont tenté de se mettre d’accord sur les montants éventuellement contestés (ordonnance du 9 novembre 2017, Nestlé Unternehmungen Deutschland/Lotte, C‑586/15 P-DEP, EU:C:2017:855, point 9 et jurisprudence citée).

    30      En l’occurrence, il ressort tant de la présente demande que des pièces du dossier soumis à la Cour que, en dépit de nombreux échanges, les parties ne sont pas parvenues à un accord sur les dépens. Il apparaît que, quand bien même la FRA a indiqué, dans un courrier du 12 juillet 2023, qu’elle était disposée, en guise d’offre finale, à réduire le montant des dépens afférents à l’affaire C‑669/19 P à 8 100 euros, BP a, dans sa lettre du 31 juillet 2023, demandé à cette agence d’envisager une renonciation à la récupération des dépens ou une réduction des sommes réclamées. Par conséquent, il apparaît que, à la date d’introduction de la présente demande, il existait une contestation sur les dépens récupérables.

    31      S’agissant, d’autre part, de l’argument de BP selon lequel ladite demande de taxation des dépens n’aurait pas été présentée dans un délai raisonnable, il convient de relever que l’article 145 du règlement de procédure de la Cour ne soumet l’introduction d’une demande de taxation à aucun délai. De même, ni le règlement de procédure de la Cour ni la jurisprudence de la Cour ne prévoient un délai pour les étapes intermédiaires de la procédure de taxation des dépens, postérieures à la date à laquelle une demande de récupération des dépens a été communiquée à la partie condamnée auxdits dépens.

    32      Pour autant, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une demande de récupération des dépens doit être présentée à la partie condamnée aux dépens dans un délai raisonnable (ordonnance du 20 janvier 2021, Conseil/Gul Ahmed Textile Mills, C‑100/17 P‑DEP, EU:C:2021:41, point 21 et jurisprudence citée).

    33      En l’espèce, il y a lieu de constater que 22 mois environ séparent l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713), condamnant BP aux dépens dans l’affaire C‑669/19 P, de la demande initiale de recouvrement des dépens qui a été adressée à BP par la FRA le 15 juillet 2022. En outre, il apparaît que 7 mois se sont écoulés entre la dernière lettre de BP du 31 juillet 2023, contestant la demande de recouvrement des dépens de la FRA, et la présente demande de taxation des dépens.

    34      Si le temps écoulé entre ces différents évènements peut être perçu comme étant relativement long, il doit toutefois être jugé que la FRA a introduit sa demande de taxation des dépens dans un délai qui n’excède pas le délai raisonnable au-delà duquel il aurait été fondé de considérer, d’une part, que cette agence avait perdu son droit de récupérer les frais indispensables exposés aux fins de la procédure et, d’autre part, que BP pouvait à bon droit supposer que ladite agence avait renoncé à ce droit.

    35      Dans ces conditions, la demande de taxation des dépens présentée par la FRA est recevable.

     Sur le fond

    36      Aux termes de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, sont considérés comme étant des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

    37      Il ressort du libellé de cette disposition que la rémunération d’un avocat relève des frais indispensables, au sens de celle-ci. Il en découle également que les dépens récupérables sont limités, d’une part, aux frais exposés aux fins de la procédure devant la Cour et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du 4 octobre 2022, Freistaat Bayern/Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise, C‑488/16 P-DEP, EU:C:2022:768, point 16 et jurisprudence citée).

    38      Ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les institutions de l’Union sont, en ce qui concerne la façon dont elles entendent se faire représenter ou assister devant la Cour, libres de décider de recourir à l’assistance d’un avocat ou de désigner comme agent soit l’un de leurs fonctionnaires, soit une personne qui ne fait pas partie de leur personnel. Partant, lorsque les institutions de l’Union se font assister d’un avocat ou désignent comme agent une personne étrangère à leur personnel, qu’elles doivent rémunérer, la rémunération de cet avocat ou de cette personne entre dans la notion de « frais indispensables », exposés aux fins de la procédure, sans que cette institution soit tenue de démontrer que l’intervention dudit avocat ou de ladite personne était objectivement justifiée (ordonnance du 10 octobre 2013, OCVV/Schräder, C‑38/09 P-DEP, EU:C:2013:679, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

    39      Il y a lieu, aux fins de l’application de cette disposition, d’assimiler les organes et organismes de l’Union auxdites institutions (voir, en ce sens, ordonnances du 10 octobre 2013, OCVV/Schräder, C‑38/09 P-DEP, EU:C:2013:679, point 22, et du 3 octobre 2022, EUIPO/Schneider, C‑116/19 P-DEP, EU:C:2022:751, points 17 à 19).

    40      Il convient également de rappeler que le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En outre, en statuant sur la demande de taxation des dépens, ce juge n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats (voir, notamment, ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 29 et jurisprudence citée).

    41      En l’absence de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, la Cour doit apprécier les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 30 et jurisprudence citée).

    42      Par ailleurs, la Cour, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 31 et jurisprudence citée).

    43      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

    44      En premier lieu, concernant l’objet et la nature du litige, il convient de relever que, bien qu’il s’agissait d’une procédure de pourvoi, qui, par sa nature même, est limitée aux questions de droit et n’a pas pour objet, hormis le cas de la dénaturation, la constatation ou l’appréciation des faits du litige, le pourvoi n’en soulevait pas moins un certain nombre de questions non abordées dans l’arrêt attaqué dans la mesure où elles avaient en grande partie trait au déroulement de la procédure menée devant le Tribunal.

    45      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’importance du litige appréciée sous l’angle du droit de l’Union et les difficultés de la cause, il y a lieu de préciser que BP a invoqué quatre moyens à l’appui de son pourvoi.

    46      Le premier moyen était tiré, en substance, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation commises lors de l’examen de la recevabilité du moyen nouveau et des offres de preuves soumises au titre de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que d’une violation du droit d’être entendu, du droit à un procès équitable et du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le deuxième moyen était tiré, en substance, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation de la demande indemnitaire en ce que cette dernière était fondée sur une violation des dispositions du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Le troisième moyen était tiré, pour l’essentiel, de la violation des articles 134 et 135 du règlement de procédure du Tribunal et de l’obligation de motivation. Le quatrième moyen était pris de la violation de l’article 66 de ce règlement de procédure et d’une composition irrégulière de la formation de jugement. Même si les questions de droit soulevées ne présentaient pas une très grande complexité, elles revêtaient toutefois une certaine importance dans la mesure où certaines de ces questions visaient notamment à mettre en cause la régularité des décisions procédurales prises par le Tribunal.

    47      En ce qui concerne, en troisième lieu, les intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties, il convient de relever que le pourvoi revêtait une importance économique certaine dès lors que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal n’avait que partiellement accueilli la demande en réparation, introduite sur le fondement de l’article 268 TFUE, du dommage que BP prétendait avoir subi et qu’elle évaluait à une somme de 300 000 euros s’agissant du préjudice moral et à 60 000 euros s’agissant du préjudice matériel.

    48      S’agissant, en quatrième et dernier lieu, de l’ampleur du travail requis par la procédure de pourvoi, la FRA a précisé que ses avocats externes ont évalué le nombre total d’heures de travail à 51 heures, facturées au taux horaire de 265 euros, celles-ci consistant, en l’examen de la requête en pourvoi, en l’élaboration et en la finalisation du mémoire en réponse et en des échanges avec les représentants de la FRA. Le montant total calculé sur cette base a été évalué à 13 500 euros.

    49      À cet égard, il importe de rappeler que, si, en principe, la rémunération d’un seul agent, conseil ou avocat est récupérable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de « frais indispensables », au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure de la Cour (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 38 et jurisprudence citée).

    50      Il s’ensuit que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il doit être tenu compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme étant objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 39 et jurisprudence citée).

    51      Aux fins de la détermination du nombre d’heures de travail pouvant être considérées comme étant objectivement indispensables au titre de la procédure de pourvoi en cause et, partant, du montant des dépens récupérables, il y a lieu de tenir compte, d’une part, du fait que le pourvoi introduit par BP comportait une argumentation fournie exposée sur plus de 25 pages qui ne se recoupait que très partiellement avec les questions abordées dans l’arrêt attaqué. En effet, si les avocats de la FRA disposaient assurément, au stade du pourvoi, d’une certaine connaissance des antécédents du litige, le pourvoi visait en grande partie à remettre en cause le traitement de l’affaire par le Tribunal sous l’angle procédural.

    52      En conséquence, force est de constater que le traitement du pourvoi impliquait un certain investissement, en raison des nombreux arguments présentés par BP dans le cadre de son pourvoi qui étaient tirés de la violation par le Tribunal des formalités substantielles et d’un certain nombre de dispositions procédurales. Ainsi, le nombre d’heures de travail facturées par les avocats externes, à savoir 51 heures, n’est pas déraisonnable aux fins de ladite procédure.

    53      En ce qui concerne le taux horaire des avocats externes, fixé à 265 euros, il convient de relever qu’il n’apparaît pas disproportionné au regard des tarifs pratiqués dans les affaires similaires et du stade de la procédure en l’espèce (voir, notamment, ordonnance du 21 décembre 2023, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑54/20 P‑DEP, EU:C:2023:1032, point 40 et jurisprudence citée).

    54      Dans ces conditions, la Cour estime approprié de fixer à 13 500 euros le montant des dépens récupérables au titre de la rémunération des avocats de la FRA dans la procédure de pourvoi.

    55      En ce qui concerne l’argumentation de BP par laquelle elle invite la Cour, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce, à écarter la demande de récupération des dépens de la FRA, il importe de rappeler que la procédure de taxation des dépens visée à l’article 145 du règlement de procédure de la Cour constitue une procédure distincte et indépendante de la répartition des dépens sur laquelle la Cour statue en vertu de l’article 137 de ce règlement de procédure dans l’arrêt ou dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

    56      L’indépendance de ces deux procédures se traduit, notamment, par l’impossibilité de remettre en cause la répartition des dépens dans le cadre de la procédure de taxation des dépens. En effet, ne constitue pas une contestation sur les dépens récupérables, au sens de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, une demande d’une partie qui ne vise pas à obtenir de la Cour une décision relative à un différend l’opposant à l’autre partie quant au montant ou au calcul des dépens auxquels elle a été condamnée, mais qui entend être totalement ou partiellement libérée de cette condamnation.

    57      Tel est le cas en l’espèce, dès lors que, par son argumentation, BP se prévaut des comportements de la FRA, qui l’auraient notamment conduit à introduire des recours, afin de se libérer de la condamnation à supporter les frais auxquels elle a été condamnée par l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, EU:C:2020:713). Il s’ensuit que la demande de BP visant à remettre en cause la répartition des dépens ne constitue pas une contestation sur les dépens récupérables, au sens de l’article 145, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, et est, partant, irrecevable.

    58      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la FRA auprès de BP, y compris ceux afférents à la présente procédure de taxation, en fixant leur montant total à 13 500 euros.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

    Le montant total des dépens que BP doit rembourser à l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) au titre de l’affaire C669/19 P est fixé à 13 500 euros.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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