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Document 62019CJ0312

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 16 septembre 2020.
XT contre Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos et Vilniaus apskrities valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.
Renvoi préjudiciel – Directive 2006/112/CE – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Article 9, paragraphe 1 – Article 193 – Notion d’“assujetti” – Contrat d’activité commune – Partenariat – Rattachement d’une opération économique à l’un des partenaires – Détermination de l’assujetti redevable de la taxe.
Affaire C-312/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:711

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2006/112/CE – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Article 9, paragraphe 1 – Article 193 – Notion d’“assujetti” – Contrat d’activité commune – Partenariat – Rattachement d’une opération économique à l’un des partenaires – Détermination de l’assujetti redevable de la taxe »

Dans l’affaire C‑312/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 10 avril 2019, parvenue à la Cour le 16 avril 2019, dans la procédure

XT

contre

Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, Mme A. Prechal, (rapporteure), présidente de la troisième chambre, et M. F. Biltgen, juge,

avocate générale : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement lituanien, par M. K. Dieninis et Mme V. Vasiliauskienė, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, de l’article 193 et de l’article 287 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2013/43/UE du Conseil, du 22 juillet 2013 (JO 2013, L 201, p. 4) (ci-après la « directive 2006/112 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XT au Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (direction nationale des impôts près le ministère des Finances de la République de Lituanie), au sujet d’une injonction adressée à XT par le Vilniaus apskrities valstybinė mokesčių inspekcija (inspection des impôts du district de Vilnius, Lituanie, ci-après l’« administration fiscale de Vilnius ») de payer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), majorée des intérêts de retard, ainsi qu’une amende à la suite de transactions immobilières non déclarées.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 est ainsi libellé :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

4

L’article 14 de cette directive dispose :

« 1.   Est considéré comme “livraison de biens”, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

2.   Outre l’opération visée au paragraphe 1, sont considérées comme livraison de biens les opérations suivantes:

[...]

c)

la transmission d’un bien effectuée en vertu d’un contrat de commission à l’achat ou à la vente.

3.   Les États membres peuvent considérer comme livraison de biens la délivrance de certains travaux immobiliers. »

5

Aux termes de l’article 28 de la même directive :

« Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question. »

6

L’article 193 de la directive 2006/112 prévoit :

« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 ter et de l’article 202. »

7

L’article 226 de cette directive énonce :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221:

[...]

5)

le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de l’acquéreur ou du preneur;

[...] »

8

L’article 287 de la même directive est ainsi libellé :

« Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion :

[...]

11)

la Lituanie : 29000 [euros] ;

[...] »

9

L’article 1er de la décision d’exécution 2011/335/UE du Conseil, du 30 mai 2011, autorisant la République de Lituanie à appliquer une mesure dérogatoire à l’article 287 de la directive 2006/112 (JO 2011, L 150, p. 6), dispose:

« Par dérogation à l’article 287, paragraphe 11, de la directive [2006/112], la République de Lituanie est autorisée à octroyer une franchise de TVA aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale de 45000 [euros] au taux de conversion du jour de son adhésion à l’Union européenne. »

Le droit lituanien

La loi relative à la TVA

10

Aux termes de l’article 2 du Lietuvos Respublikos pridėtinės vertės mokesčio įstatymas (loi de la République de Lituanie relative à la TVA) (Žin., 2002, no 35-1271), dans sa version en vigueur pour les exercices fiscaux 2010 à 2013 (ci-après la « loi relative à la TVA ») :

« [...]

2.   On entend par “assujetti” un assujetti de la République de Lituanie ou étranger.

[...]

15.   On entend par “assujetti de la République de Lituanie” une personne morale ou physique de la République de Lituanie exerçant une activité économique, de quelque nature qu’elle soit, ou un organisme de placement collectif dépourvu de personnalité juridique établi sur le territoire de la République de Lituanie dont la forme opérationnelle est celle d’un fonds d’investissement.

[...] »

11

L’article 71 de la loi relative à la TVA est ainsi libellé :

« 1.   Les assujettis qui effectuent des livraisons de biens ou des prestations de services sur le territoire national ont l’obligation de s’identifier à la TVA et de calculer et [de] verser cette taxe au Trésor public [...] La personne tenue de s’identifier à la TVA doit déposer une demande d’enregistrement aux fins de la TVA.

2.   Nonobstant [l’article 71,] paragraphe 1, [...], un assujetti de la République de Lituanie n’est pas tenu de déposer une demande d’enregistrement aux fins de la TVA ni de calculer et de verser au Trésor public [...] la TVA [...] si le montant total de la contrepartie perçue au titre des biens livrés ou des services prestés dans le cadre de l’activité économique exercée sur le territoire national ne dépasse pas 155000 litas [lituaniens (LTL), environ 45000 euro] par an (sur les douze mois écoulés). La TVA doit être calculée à compter du mois au cours duquel ce plafond a été dépassé. La TVA n’est pas calculée pour les livraisons de biens et les prestations de services dont la contrepartie ne dépasse pas ladite somme de 155000 [LTL]. [...]

[...]

4.   L’omission d’introduire une demande d’enregistrement aux fins de la TVA n’exonère pas l’assujetti de l’obligation de calculer la TVA sur les biens livrés ou services prestés par lui [...] et de la verser au Trésor public [...] »

12

L’article 79, paragraphes 1 et 5, de la loi relative à la TVA prévoit :

«1.   [...] l’assujetti qui a effectué une livraison de bien ou prestation de service doit établir une facture faisant ressortir la TVA [...]

[...]

5.   Dans les cas et suivant les modalités prévues par le gouvernement lituanien ou par l’autorité qu’il aura habilitée, une seule facture peut être établie pour un bien livré ou un service presté par plusieurs assujettis ensemble. »

Le code civil

13

L’article 6.969, paragraphe 1, du Lietuvos Respublikos Civilinis kodeksas (code civil de la République de Lituanie), dans sa rédaction issue de la loi no VIII-1864 du 18 juillet 2000 (ci-après le « code civil »), dispose :

« Par le contrat d’activité commune (partenariat), deux ou plusieurs personnes (partenaires), mettant en commun des biens, leur industrie ou leurs connaissances, s’engagent à œuvrer ensemble dans un certain but, non contraire à la loi, ou à exercer une certaine activité ensemble. »

14

L’article 6.971 de ce code énonce :

« 1.   Sauf disposition contraire de la loi ou stipulation contraire du contrat d’activité commune, les biens apportés par les partenaires, tout comme les produits, revenus et fruits fabriqués ou perçus dans le cadre de l’activité commune, sont la propriété indivise de tous les partenaires.

[...]

3.   L’un des partenaires, désigné du commun accord de tous les partenaires, est responsable de la comptabilité du patrimoine commun.

4.   Les biens communs sont utilisés, gérés et il en est disposé du commun accord de tous les partenaires. En cas de désaccord, ces modalités sont fixées par un tribunal à la demande de l’un des partenaires. [...] »

15

Aux termes de l’article 6.972, paragraphes 1 et 2, dudit code :

« 1.   Concernant la gestion des affaires communes, chacun des partenaires est habilité à agir au nom de l’ensemble des partenaires, à moins que le contrat d’activité commune ne prévoie que l’un des partenaires, ou tous les partenaires ensemble, gère(nt) les affaires. Si les partenaires ne peuvent gérer les affaires que tous ensemble, chaque transaction nécessite le consentement de tous.

2.   Dans les relations avec les tiers, le pouvoir du partenaire d’agir au nom de l’ensemble des partenaires est attesté par un pouvoir établi par les autres partenaires ou par le contrat d’activité commune. »

16

L’article 6.974 du même code, intitulé « Dépenses et pertes communes », est ainsi libellé :

« 1.   La répartition des dépenses et pertes communes, liées à l’activité commune, est déterminée par le contrat d’activité commune. En l’absence de stipulation régissant ce point, chaque partenaire contribue aux dépenses et pertes communes à proportion de sa part.

2.   La stipulation libérant l’un des partenaires entièrement de l’obligation de contribuer aux dépenses et pertes communes est invalide. »

17

Aux termes de l’article 6.975, paragraphe 3, du code civil :

« Si le contrat d’activité commune est afférent à une activité commerciale des partenaires, tous les partenaires sont solidairement responsables des dettes communes, quelle que soit leur nature. »

18

Conformément à l’article 6.976, paragraphe 1, de ce code, « [s]auf stipulation contraire du contrat d’activité commune, les bénéfices générés par l’activité commune sont distribués entre les partenaires, à proportion de la valeur de l’apport de chacun à l’activité commune. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19

Le 19 février 2010, XT et une autre personne physique (ci-après le « partenaire ») ont conclu un contrat d’activité commune (ci-après le « contrat en cause »), visé à l’article 6.969, paragraphe 1, du code civil sous la désignation de « partenariat », qui avait pour objet une collaboration aux fins de la construction d’un immeuble d’habitation (ci-après le « partenariat en cause »).

20

Le 25 avril 2010, XT et son partenaire ont décidé d’acquérir un terrain dans le district de Vilnius (Lituanie). Le 27 avril 2010, XT a signé seul le contrat de vente avec les propriétaires de ce terrain. Ce dernier a apporté 30 % et le partenaire 70 % du montant de la transaction, en remettant son apport à XT. Il a été décidé que seul XT figurerait au registre foncier en qualité de propriétaire dudit terrain.

21

Le 5 mai 2010, XT et son partenaire ont décidé de construire un ensemble immobilier comprenant cinq bâtiments, de charger XT des formalités administratives nécessaires à la construction et de confier l’exécution des travaux de construction à une société de promotion immobilière au sein de laquelle XT occupait la fonction de directeur. Un contrat de promotion immobilière a été conclu, le 22 mai 2010, avec cette société dans le cadre duquel XT apparaissait en qualité à la fois de maître d’ouvrage et de représentant de ladite société.

22

Le 2 novembre 2010, XT a obtenu, à son nom, un permis de construire pour la construction de cinq immeubles sur le terrain en question.

23

Le 2 décembre 2010, XT et son partenaire ont décidé de vendre le premier immeuble avec une partie du terrain et d’utiliser les fonds ainsi obtenus pour les futures constructions. Le contrat de vente du premier immeuble a été signé le 14 décembre 2010 entre XT et les acquéreurs, des personnes physiques.

24

Le 10 janvier 2011, XT et son partenaire ont conclu un accord mettant fin au partenariat en cause et procédant au partage des actifs et des dettes. Par cet accord, il a été convenu de restituer au partenaire le droit sur certains des actifs créés, à savoir les quatrième et cinquième immeubles. XT s’engageait également à verser à son partenaire, jusqu’à l’année 2017, la somme de 300000 LTL (environ 86886 euros) afin de compenser la différence entre les apports respectifs et la différence entre les parts leur revenant des actifs communs. En vertu dudit accord, les premier à troisième immeubles ont été attribués à XT.

25

La société de promotion immobilière a établi, le 15 février 2011, une facture indiquant un montant dû au titre de la TVA, pour la construction des premier à quatrième immeubles. Pour la construction du cinquième immeuble, elle a établi, le 11 février 2013, une facture faisant ressortir un montant dû au titre de la TVA.

26

Par des contrats conclus entre XT et des personnes physiques, les deuxième et troisième immeubles ont été vendus les 30 mai 2011 et 13 novembre 2012.

27

Le 1er février 2013, XT et son partenaire ont signé un acte de transfert (partage) d’actifs, dans lequel il était précisé que, eu égard à l’accord conclu le 10 janvier 2011, XT transférait à son partenaire les quatrième et cinquième immeubles.

28

Le 6 février 2013, XT et son partenaire ont décidé, en application du contrat en cause, que XT vendrait le cinquième immeuble, pour lequel XT était inscrit au registre foncier en qualité de propriétaire, et de remettre à son partenaire la somme obtenue. Cette vente a eu lieu le 13 février 2013.

29

XT et son partenaire n’ayant pas considéré que les ventes des immeubles à des tiers (ci-après les « livraisons en cause ») constituaient une activité économique soumise à la TVA, les factures dues par les acheteurs n’ont pas été majorées de la TVA. Ils n’ont pas non plus déclaré ou acquitté la TVA ni déduit celle acquittée en amont.

30

À l’issue d’un contrôle fiscal de XT concernant l’impôt sur le revenu et la TVA pour les années 2010 à 2013, l’administration fiscale de Vilnius a considéré que l’activité dans le cadre de laquelle s’inscrivaient les livraisons en cause ainsi que les livraisons en cause elles-mêmes devaient être regardées comme constituant ensemble une seule activité économique aux fins de la TVA. Considérant XT comme étant un « assujetti », responsable de l’exécution des obligations en matière de TVA, l’administration fiscale de Vilnius lui a enjoint de s’acquitter de la TVA sur ces opérations, majorée des intérêts de retard, ainsi qu’à payer une amende fiscale, en admettant, toutefois, une déduction du montant de la taxe acquittée par lui en amont, conformément aux factures établies par la société de promotion immobilière.

31

Cette décision a ensuite été maintenue par la direction nationale des impôts près le ministère des Finances de la République de Lituanie ainsi que par la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos Vyriausybės (Commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie) et par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie). Devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), XT a demandé l’annulation du jugement de ce tribunal.

32

Dans le cadre de l’examen de ce recours, la juridiction de renvoi éprouve des doutes sur la détermination de l’assujetti à la TVA entre XT ou le partenariat en cause, à savoir les deux partenaires de l’entité constituée par le contrat en cause, eu égard au fait que le droit lituanien n’accorde pas de personnalité juridique à un partenariat.

33

Ces doutes sont induits par les considérations de la juridiction de renvoi, selon lesquelles, d’une part, en premier lieu, ledit partenariat n’a pas été remis en cause par l’administration fiscale de Vilnius, en deuxième lieu, le contrat en cause mentionne que, dans les relations avec les tiers, XT agit au nom des deux partenaires, et, en troisième lieu, les différentes décisions prises par XT et son partenaire en exécution de ce contrat sont à la base des actes accomplis par XT, de sorte qu’il y a lieu de penser que, au regard des éléments de fait exposés, XT n’a pas exercé, d’une façon indépendante, une activité économique. En revanche, le partenariat en cause répondrait aux critères énoncés à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112.

34

D’autre part, la juridiction de renvoi constate que, dans les relations avec les tiers, y compris en ce qui concerne les livraisons en cause, seul XT intervenait, son partenaire s’étant, en substance, borné à financer partiellement l’acquisition du terrain, et que les acquéreurs participant à ces livraisons ignoraient l’existence de ce partenaire.

35

Dans l’hypothèse où la Cour devrait juger qu’il y a lieu de considérer le partenariat en cause comme étant soumis à la TVA, la juridiction de renvoi souhaite, par sa seconde question, savoir de quelle manière se répartissent les obligations fiscales. Elle se demande, dans ce contexte, s’il faut considérer que chaque partenaire est tenu individuellement de payer la TVA proportionnellement à sa part dans la contrepartie perçue au titre des biens fournis dans le cadre des activités économiques et quelle est la base à prendre en considération pour calculer la franchise de TVA prévue à l’article 287 de la directive 2006/112.

36

Dans ces circonstances, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 9, paragraphe 1, et l’article 193 de la [directive 2006/112] en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, une personne physique telle que le requérant ne peut être considérée comme ayant exercé l’activité (économique) en cause “de façon indépendante” et comme devant seule payer la [TVA] au titre des livraisons en cause, c’est-à-dire en ce sens qu’il faut considérer comme “assujetti” aux fins de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 193 de la directive 2006/112, tenu des obligations en cause, l’activité commune (partenariat) (les participants à l’activité commune, ensemble, en l’occurrence le requérant et son partenaire, ensemble), qui n’est pas considérée comme un assujetti en droit national et ne possède pas la personnalité morale, et non pas la seule personne physique, telle que le requérant ?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il d’interpréter l’article 193 de la directive 2006/112 en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, la TVA est due, individuellement, par chaque participant à l’activité commune, qui n’est pas considérée comme un assujetti en droit national et ne possède pas la personnalité morale (en l’occurrence, par le requérant et par son partenaire), sur la part de la contrepartie des livraisons imposables de biens immeubles obtenue (à obtenir) par chacun d’entre eux (appartenant à chacun d’entre eux) ? Convient-il d’interpréter l’article 287 de la directive 2006/112 en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause en l’espèce, le montant du chiffre d’affaires annuel visé à ladite disposition est établi en prenant en compte tous les revenus de l’activité commune (obtenus par les participants à l’activité commune, ensemble) ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

37

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, et l’article 193 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique ayant conclu avec une autre personne physique un contrat d’activité commune constituant un partenariat, dépourvu de personnalité juridique, caractérisé par le fait que la première personne est habilitée à agir au nom de l’ensemble des partenaires, mais intervient seule et en son nom propre dans les relations avec des tiers lorsqu’elle accomplit les actes constitutifs de l’activité économique poursuivie par ce partenariat, exerce cette activité d’une façon indépendante et doit dès lors être considérée comme un « assujetti », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et comme devant seule acquitter la TVA due conformément à l’article 193 de cette directive.

38

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, « [e]st considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité ». Conformément à l’article 193 de cette directive, la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 ter et de l’article 202 de cette directive. Il ressort de la décision de renvoi que les exceptions mentionnées à ces dernières dispositions de la directive 2006/112 ne sont pas applicables dans l’affaire au principal.

39

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les termes utilisés à l’article 9 de la directive 2006/112, notamment le terme « quiconque », donnent de la notion d’« assujetti » une définition large axée sur l’indépendance dans l’exercice d’une activité économique, en ce sens que, toutes les personnes, physiques ou morales, aussi bien publiques que privées, ainsi que des entités dépourvues de personnalité juridique, qui, d’une manière objective, remplissent les critères figurant à cette disposition, doivent être considérées comme des assujettis à la TVA (arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C‑340/15, EU:C:2016:764, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

40

Afin de déterminer qui, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, doit être considéré comme étant « assujetti » à la TVA pour les livraisons en cause, il convient de vérifier qui a exercé de façon indépendante l’activité économique visée. En effet, ainsi que Mme l’avocate générale l’a précisé, aux points 33, 45 et 46 de ses conclusions, le critère d’indépendance concerne la question du rattachement de l’opération concernée à une personne ou à une entité concrète, tout en garantissant, en outre, que l’acquéreur puisse exercer son éventuel droit à déduction de manière juridiquement sûre en ce qu’il disposera du nom complet et de l’adresse de l’assujetti en question, conformément à l’article 226, point 5, de la directive 2006/112.

41

À cette fin, il convient de contrôler si la personne concernée accomplit une activité économique en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, et si elle supporte le risque économique lié à l’exercice de ces activités (arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C‑340/15, EU:C:2016:764, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

42

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en l’occurrence, après la conclusion du partenariat en cause en vue de la construction d’un projet immobilier et après que le partenaire de XT eut remis à celui-ci son apport, le terrain a été acquis par XT, seul et en son nom propre. XT a demandé et obtenu, à son nom, le permis de construire auprès des autorités compétentes. C’est également lui qui a, seul et à son nom, conclu le contrat de promotion immobilière. Les partenaires ont décidé que ce serait XT qui serait inscrit au registre foncier en tant que propriétaire unique. XT a conclu en son nom propre les contrats de vente relatifs à tous les immeubles et aux parcelles du terrain attachées à ces immeubles, tant avant qu’après la décision de mettre fin au partenariat en cause.

43

Nonobstant la présence d’une stipulation dans le contrat en cause, qui désignait XT comme étant la personne qui, dans les relations avec les tiers, agissait au nom des deux partenaires à ce contrat, la juridiction de renvoi constate, notamment en ce qui concerne les livraisons en cause, que XT intervenait seul dans ces relations, sans mentionner l’identité du partenaire ou le partenariat en cause, de sorte qu’il est, selon cette juridiction, très probable que les destinataires des livraisons en cause ignoraient l’existence d’un partenaire.

44

Il en découle que XT a agi en son nom et pour son propre compte, en assumant seul le risque économique lié aux opérations imposables en cause.

45

Il ressort des éléments qui précèdent que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’activité économique ne peut être rattachée à l’entité constituée par le contrat d’activité commune, les partenaires n’ayant pas agi ensemble dans leurs relations avec les tiers et la personne habilitée à agir au nom de l’ensemble des partenaires n’étant pas apparue dans ces relations selon les règles de représentation établies par ce contrat, de sorte que cette entité ne peut être considérée comme ayant accompli les opérations imposables en cause au principal. Le partenaire n’ayant effectué aucune opération lui-même, il ressort de l’ensemble de ces éléments que, en l’occurrence, seule une personne telle que XT doit être considérée comme ayant agi d’une façon indépendante et donc en qualité d’assujetti.

46

Cette conclusion n’est infirmée ni par la circonstance que le partenaire a substantiellement financé l’acquisition du terrain et qu’il a été décidé, au terme du partenariat, de partager les dettes et les actifs créés, ni par le fait que les décisions relatives à l’activité économique en cause au principal, dans le cadre de laquelle s’inscrivaient les livraisons en cause, comme l’achat du terrain et la décision de développer un projet immobilier en utilisant les sommes obtenues par la vente du premier immeuble, ont été prises par les partenaires ensemble. En effet, eu égard au fait que dans les relations avec les tiers, seul XT s’est présenté, sans mentionner le partenariat en cause ou l’identité de son partenaire, les actes résultant de ces mêmes décisions, ainsi que Mme l’avocate générale l’a en substance relevé au point 54 de ses conclusions, ont été exécutés non pas par ou pour ce partenariat, mais par XT, pour son propre compte.

47

En conséquence, la participation d’un partenaire tel que celui de XT aux décisions précédant les actes accomplis par une personne telle que XT ne saurait, dès lors, avoir une incidence sur la qualité d’assujetti de cette personne.

48

L’existence formelle d’un contrat tel que celui constituant le partenariat en cause n’exclut donc pas l’indépendance d’une personne telle que XT dans l’exercice de l’activité économique.

49

Par ailleurs, s’agissant de l’exigence posée par la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 41 du présent arrêt d’avoir agi pour son propre compte, il découle des dispositions de la directive 2006/112, notamment de l’article 14, paragraphe 2, sous c), et de l’article 28 de cette directive, ainsi que Mme l’avocate générale l’a précisé, au point 56 de ses conclusions, que le fait d’avoir agi pour autrui, en tant que commissionnaire, n’exclut pas la qualification d’« assujetti ». En effet, même si une personne agit en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, elle est considérée être l’assujetti, grâce à la fiction qu’instaure ladite directive d’avoir, dans un premier temps, reçu le bien en question avant d’effectuer elle-même, dans un second temps, la livraison de ce bien (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2011, Henfling e.a., C‑464/10, EU:C:2011:489, point 35).

50

Cette règle pourrait s’appliquer, en l’occurrence, s’agissant de la vente du cinquième immeuble, que XT a réalisée en son nom propre, dans le cadre d’un contrat de vente conclu le 13 février 2013, alors que cet immeuble avait été attribué, puis transféré au partenaire, à la suite de l’acte de partage conclu le 1er février 2013, pris en exécution de la décision de mettre fin au partenariat en cause prise le 10 janvier 2011. Il incombe, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier si tel peut être le cas en vertu du droit national, étant donné qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que XT était encore inscrit au registre foncier en qualité de propriétaire de cet immeuble à la date de la vente de ce dernier.

51

Il découle de tout ce qui précède qu’une personne se trouvant dans une situation telle que celle de XT doit être considérée comme étant l’« assujetti », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, dans la mesure où elle a agi pour son propre compte ou pour le compte d’autrui.

52

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 9, paragraphe 1, et l’article 193 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique ayant conclu avec une autre personne physique un contrat d’activité commune constituant un partenariat, dépourvu de personnalité juridique, caractérisé par le fait que la première personne est habilitée à agir au nom de l’ensemble des partenaires, mais intervient seule et en son nom propre dans les relations avec des tiers lorsqu’elle accomplit les actes constitutifs de l’activité économique poursuivie par ce partenariat, doit être considérée comme un « assujetti », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et comme devant seule acquitter la TVA due conformément à l’article 193 de cette directive, dans la mesure où elle agit pour son propre compte ou pour le compte d’autrui en tant que commissionnaire, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous c), et de l’article 28 de ladite directive.

Sur la seconde question

53

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

54

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 9, paragraphe 1, et l’article 193 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique ayant conclu avec une autre personne physique un contrat d’activité commune constituant un partenariat, dépourvu de personnalité juridique, caractérisé par le fait que la première personne est habilitée à agir au nom de l’ensemble des partenaires, mais intervient seule et en son nom propre dans les relations avec des tiers lorsqu’elle accomplit les actes constitutifs de l’activité économique poursuivie par ce partenariat, doit être considérée comme un « assujetti », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et comme devant seule acquitter la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l’article 193 de cette directive, dans la mesure où elle agit pour son propre compte ou pour le compte d’autrui en tant que commissionnaire, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous c), et de l’article 28 de ladite directive.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.

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