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Document 62018TJ0151

    Arrêt du Tribunal (neuvième chambre élargie) du 28 octobre 2020.
    Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali contre Conseil de l'Union européenne.
    Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Tunisie – Mesures prises à l’encontre de personnes responsables de détournements de fonds publics et des personnes et entités associées – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds – Maintien du nom du requérant sur la liste – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Délai raisonnable de jugement – Base factuelle suffisante – Délais de recours – Aide juridictionnelle – Effet suspensif – Recevabilité – Conditions.
    Affaire T-151/18.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2020:514

     ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

    28 octobre 2020 ( *1 )

    « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Tunisie – Mesures prises à l’encontre de personnes responsables de détournements de fonds publics et des personnes et entités associées – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds – Maintien du nom du requérant sur la liste – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Délai raisonnable de jugement – Base factuelle suffisante – Délais de recours – Aide juridictionnelle – Effet suspensif – Recevabilité – Conditions »

    Dans l’affaire T‑151/18,

    Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali, demeurant à Verneuil‑l’Étang (France), représenté par Me K. Lara, avocat,

    partie requérante,

    contre

    Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Lejeune, A. Jaume et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2018/141 du Conseil, du 29 janvier 2018, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2018, L 25, p. 38), de la décision (PESC) 2019/135 du Conseil, du 28 janvier 2019, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2019, L 25, p. 23), et de la décision (PESC) 2020/117 du Conseil, du 27 janvier 2020, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2020, L 22, p. 31), en tant que ces actes concernent le requérant,

    LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

    composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur), Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

    greffier : M. L. Ramette, administrateur,

    vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 juin 2020,

    rend le présent

    Arrêt

    I. Antécédents du litige et cadre factuel

    1

    Le 31 janvier 2011, à la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 29 TUE, a adopté la décision 2011/72/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 28, p. 62).

    2

    Les considérants 1 et 2 de la décision 2011/72 indiquent :

    « (1)

    Le 31 janvier 2011, le Conseil a réaffirmé à la Tunisie et au peuple tunisien toute sa solidarité et son soutien en faveur des efforts déployés pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

    (2)

    Le Conseil a décidé, en outre, d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens, qui privent ainsi le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays. »

    3

    L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 dispose :

    « Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe. »

    4

    L’article 2 de la décision 2011/72 dispose :

    « 1.   Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie.

    2.   Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

    3.   Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée. »

    5

    L’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72 dispose :

    « L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités. »

    6

    L’article 5 de la décision 2011/72, dans sa version initiale, disposait :

    « La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

    7

    La liste initialement annexée à la décision 2011/72 mentionnait uniquement le nom de l’ancien président de la République tunisienne, en fonction lors de la survenance des événements visés au point 1 ci-dessus, et de son épouse.

    8

    Le 4 février 2011, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et de l’article 31, paragraphe 2, TUE, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO 2011, L 31, p. 40). L’article 1er de cette décision d’exécution prévoyait que l’annexe de la décision 2011/72 était remplacée par le texte figurant à son annexe. Celle-ci mentionnait le nom de 48 personnes physiques, dont, notamment, à la première et à la deuxième ligne, le nom des deux personnes visées au point 7 ci-dessus et, à la quarante-septième ligne, le nom du requérant, M. Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali. Toujours à la quarante-septième ligne de cette annexe, figuraient des « information[s] d’identification » relatives à la nationalité tunisienne de ce dernier, à son état civil et à son domicile en Tunisie ainsi que les motifs de son inscription sur cette annexe, ainsi libellés :

    « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. »

    9

    Sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 101/2011, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 31, p. 1). Ce règlement reprend, en substance, les dispositions de la décision 2011/72 et la liste figurant à son annexe I est identique à celle annexée à cette décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

    10

    En application de l’article 5 de la décision 2011/72, le Conseil a prorogé plusieurs fois ladite décision pour une période d’un an en adoptant, successivement, la décision 2012/50/PESC, du 27 janvier 2012 (JO 2012, L 27, p. 11), la décision 2013/72/PESC, du 31 janvier 2013 (JO 2013, L 32, p. 20), la décision 2014/49/PESC, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 28, p. 38), la décision (PESC) 2015/157, du 30 janvier 2015 (JO 2015, L 26, p. 29), la décision (PESC) 2016/119, du 28 janvier 2016 (JO 2016, L 23, p. 65), la décision (PESC) 2017/153, du 27 janvier 2017 (JO 2017, L 23, p. 19), la décision (PESC) 2018/141, du 29 janvier 2018 (JO 2018, L 25, p. 38), la décision (PESC) 2019/135, du 28 janvier 2019 (JO 2019, L 25, p. 23), et la décision (PESC) 2020/117, du 27 janvier 2020 (JO 2020, L 22, p. 31).

    11

    La désignation du requérant sur la liste annexée à la décision 2011/72 (ci-après la « liste litigieuse ») ainsi que, par voie de conséquence, sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 101/2011 a été maintenue au cours de ces prorogations successives. Par ailleurs, la décision 2016/119 a complété les informations d’identification relatives au requérant en mentionnant sa nationalité française et son domicile en France.

    12

    À la suite des arrêts du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil (T‑187/11, EU:T:2013:273), du 28 mai 2013, Chiboub/Conseil (T‑188/11, non publié, EU:T:2013:274), et du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil (T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275), les motifs de désignation du requérant ont été modifiés par la décision 2014/49 comme suit :

    « Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans le détournement par un fonctionnaire public de fonds publics, complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration et complicité dans l’abus d’influence auprès d’un fonctionnaire public en vue de l’obtention, directement ou indirectement, d’avantages au profit d’autrui. »

    13

    Ces motifs ont été de nouveau modifiés par la décision 2016/119 comme suit :

    « Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans le détournement par un fonctionnaire public de fonds publics, complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration et abus d’influence auprès d’un fonctionnaire public en vue de l’obtention, directement ou indirectement, d’avantages au profit d’autrui. »

    14

    La décision 2020/117 a remplacé l’annexe de la décision 2011/72 par le texte figurant à son annexe, lequel comporte une partie A, relative à la liste des personnes et entités visée à l’article 1er de la décision 2011/72, et une partie B, intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du droit tunisien ». Dans la partie A de cette nouvelle annexe, les motifs de désignation du requérant ont été, à nouveau, modifiés comme suit : « Personne faisant l’objet, de la part des autorités tunisiennes, d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs initiée à la suite d’une décision de justice définitive pour complicité dans le détournement par un fonctionnaire public de fonds publics, complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration, et abus d’influence auprès d’un fonctionnaire public en vue de l’obtention, directement ou indirectement, d’avantages au profit d’autrui. » Dans la partie B de cette annexe, il est indiqué, en ce qui concerne le requérant, ce qui suit :

    « L’enquête ou le procès relatifs au détournement de fonds ou d’avoirs publics sont toujours en cours. Le Conseil n’a trouvé aucun élément indiquant que les droits de la défense de M. Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda BEN ALI ou son droit à une protection juridictionnelle effective n’ont pas été respectés. »

    15

    Les mêmes modifications que celles visées aux points 11 à 14 ci-dessus ont été introduites à l’annexe I du règlement no 101/2011.

    II. Procédure et conclusions des parties

    16

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2018, le requérant a introduit une demande d’admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Le Conseil a présenté des observations le 26 avril 2018. Par ordonnances respectivement du 14 septembre 2018 et du 3 mai 2019, le président de la cinquième chambre du Tribunal a, d’une part, accueilli cette demande et, d’autre part, désigné un avocat.

    17

    Le 24 juin 2019, le requérant a introduit le présent recours ainsi qu’une demande tendant à ce que le Tribunal statue selon une procédure accélérée, sur le fondement de l’article 151 de son règlement de procédure. Le Tribunal a rejeté cette dernière demande par décision du 18 juillet 2019.

    18

    Le 10 septembre 2019, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

    19

    La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, l’affaire a été réattribuée à la neuvième chambre par décision du 16 octobre 2019.

    20

    La réplique et la duplique ont été déposées respectivement le 24 octobre et le 6 décembre 2019.

    21

    Le 13 décembre 2019, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur les éventuelles conséquences à tirer, pour la présente affaire, des arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, points 29 et 30), du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, points 30 et 31), ainsi que de l’ordonnance du 22 octobre 2019, Azarov/Conseil (C‑58/19 P, non publiée, EU:C:2019:890, points 30,31 et 44), et, en particulier, à indiquer, à la lumière de ces arrêts et de cette ordonnance, si et dans quelle mesure les décisions 2018/141 et 2019/135 satisfaisaient à l’obligation de motivation. Le requérant et le Conseil ont déposé leur réponse écrite, respectivement le 27 décembre 2019 et le 16 janvier 2020.

    22

    Sur proposition de la neuvième chambre, le Tribunal, en application de l’article 28 du règlement de procédure, a décidé, le 7 février 2020, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

    23

    Par une mesure d’organisation de la procédure du 28 février 2020, le Tribunal a invité le requérant à répondre par écrit à une question et le Conseil à produire certains documents complémentaires. Les parties ont répondu à ces demandes respectivement le 9 mars et le 16 mars 2020. En outre, le Tribunal a invité les parties à prendre position, lors de l’audience, sur la question de savoir si la suspension des délais de recours, résultant de la demande d’aide juridictionnelle du requérant, s’appliquait à la décision 2019/135.

    24

    L’audience de plaidoiries s’est tenue le 22 juin 2020. Le Conseil, sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, a demandé à pouvoir déposer des documents relatifs à la notification de la décision 2019/135.

    25

    Le 24 juin 2020, le requérant a déposé un mémoire en adaptation visant à étendre les conclusions et les moyens de la requête à la décision 2020/117, en tant qu’elle le concerne.

    26

    Le 25 juin 2020, le Conseil a déposé des documents relatifs à la notification de la décision 2019/135. Le requérant a présenté ses observations relatives à ces documents le 8 juillet 2020.

    27

    Le 24 juillet 2020, le Conseil a déposé des observations relatives au mémoire en adaptation.

    28

    Le 3 août 2020, la phase orale de la procédure a été clôturée.

    29

    Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler les décisions 2018/141, 2019/135 et 2020/117, en tant que ces actes le visent ;

    condamner le Conseil aux dépens.

    30

    Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours dans son intégralité ;

    à titre subsidiaire, en cas d’annulation des décisions attaquées, maintenir leurs effets à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi, ou, si un pourvoi est introduit, jusqu’au rejet de celui-ci ;

    condamner le requérant aux dépens.

    III. En droit

    A.   Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation des décisions 2019/135 et 2020/117

    1. Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision 2019/135

    31

    Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si un recours a été présenté en dehors du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE constitue une fin de non-recevoir d’ordre public qu’il appartient au Tribunal d’examiner d’office (voir ordonnance du 25 novembre 2008, S.A.BA.R./Commission, C‑501/07 P, non publiée, EU:C:2008:652, point 19 et jurisprudence citée).

    32

    En vertu de l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure, l’introduction d’une demande juridictionnelle suspend, pour celui qui l’a formée, le délai prévu pour l’introduction du recours jusqu’à la date de la signification de l’ordonnance statuant sur cette demande ou, dans les cas visés à l’article 148, paragraphe 6, de ce règlement, de l’ordonnance désignant l’avocat chargé de représenter le demandeur. Aux termes de cet article 148, paragraphe 6, sans préjudice des dispositions de son paragraphe 4, qui prévoient que l’ordonnance accordant l’aide juridictionnelle peut désigner un avocat si cet avocat a été proposé par le demandeur dans la demande d’aide juridictionnelle et a donné son consentement à la représentation du demandeur devant le Tribunal, l’avocat chargé de représenter le demandeur est désigné par voie d’ordonnance, selon le cas, au vu des propositions de l’intéressé ou au vu des propositions transmises par l’autorité nationale compétente.

    33

    En l’espèce, il convient de constater que la demande d’aide juridictionnelle du requérant, déposée le 5 mars 2018, visait seulement la décision 2018/141. En effet, à cette date, c’était cette décision qui était en vigueur, alors que la décision 2019/135, qui lui a succédé, n’a été adoptée que le 28 janvier 2019 et n’a pris effet que le 30 janvier 2019, conformément à son article 2. Or, dans le présent recours, déposé le 24 juin 2019, le requérant demande l’annulation de ces deux décisions.

    34

    La question se pose donc de savoir si, pour l’appréciation du respect du délai de recours, il convient de considérer ou non si la demande d’aide juridictionnelle a suspendu ce délai non seulement à l’égard de la décision 2018/141, mais également à l’égard de la décision 2019/135. Les parties n’ayant pas abordé elles-mêmes cette question au cours de la procédure écrite, le Tribunal les a invitées à prendre position à ce sujet lors de l’audience.

    35

    À l’audience, le requérant a soutenu que la demande d’aide juridictionnelle suspendait les délais de recours contre la décision 2019/135. En effet, premièrement, il a fait valoir qu’il existait une identité d’objet, de parties et de motifs entre la décision 2018/141 et cette décision subséquente. Deuxièmement, selon lui, les moyens soulevés à l’encontre de ces deux décisions étaient également identiques, de sorte que, en demandant l’annulation de la seconde, il se serait borné à adapter son recours initialement dirigé contre la première. Troisièmement, à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective, l’accès du requérant au juge de l’Union européenne ne devrait pas être assorti d’exigences procédurales excessives, au regard, notamment, de sa situation de bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et de la durée importante de la procédure relative à celle-ci.

    36

    Pour sa part, le Conseil a fait valoir que, dans la mesure où la décision 2019/135 n’était pas visée dans la demande d’aide juridictionnelle, celle-ci ne saurait avoir pour effet de suspendre les délais de recours à l’égard de la décision en cause. Il se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil (C‑535/14 P, EU:C:2015:407), en particulier à ses points 15 à 18. En outre, il a affirmé détenir des documents établissant que la décision 2019/135 avait été notifiée au requérant le 4 février 2019, de sorte que le recours serait tardif, et a demandé au Tribunal d’accepter le dépôt de ces preuves sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Il a ajouté que, au regard de la jurisprudence, l’application des délais de recours présentait un caractère strict. Il a souligné que le requérant était familier du mécanisme de renouvellement des mesures restrictives et qu’il avait la possibilité de déposer une nouvelle demande d’aide juridictionnelle ou d’indiquer succinctement, dans celle qu’il avait présentée, qu’il entendait également contester le renouvellement ultérieur de la décision visée dans cette demande. Ainsi, selon lui, il n’existait pas, en l’espèce, de cas de force majeure. En outre, il a déposé, le 25 juin 2020, sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, dudit règlement, des documents se rapportant à la date de notification de la décision 2019/135 au requérant.

    37

    S’agissant des documents déposés par le Conseil, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

    38

    En l’espèce, il y a lieu de relever que les documents en cause visent à éclairer le Tribunal à la suite de l’invitation adressée par ce dernier aux parties de traiter, lors de l’audience, la question de la suspension des délais de recours à l’égard de la décision 2019/135. Il s’ensuit que le retard dans la présentation de ces documents doit être considéré comme justifié (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T-477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 57).

    39

    En l’occurrence, ces documents comportent, d’une part, un extrait de suivi de courrier en ligne, indiquant une livraison dudit courrier au requérant le 4 février 2019, et, d’autre part, un accusé de réception relatif à un courrier adressé par le Conseil au requérant le 30 janvier 2019 et arrivé à destination le 5 février suivant. À cet égard, le requérant conteste le fait que le Conseil ait apporté la preuve de la notification de la décision 2019/135, au motif que l’accusé de réception indique une adresse qui n’est pas la sienne. Cependant, il convient de relever que, s’il est vrai que ce second document mentionne une adresse qui n’est pas celle indiquée par le requérant dans son recours, la case relative à la mention « destinataire inconnu à cette adresse » étant, au demeurant, cochée, il ne conteste pas les mentions du premier document, qui fait clairement référence à l’adresse indiquée par lui dans son recours et indique une livraison le 4 février 2019. Il y a donc lieu de considérer qu’il a pris connaissance du courrier du Conseil à cette dernière date.

    40

    S’agissant de la question de savoir si la demande d’aide juridictionnelle du requérant pouvait s’appliquer au recours contre la décision 2019/135 et a eu pour effet de suspendre les délais à cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’article 147, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que, lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée antérieurement à l’introduction du recours, le demandeur doit exposer sommairement l’objet du recours envisagé, les faits de l’espèce et l’argumentation au soutien du recours.

    41

    Il doit être déduit du libellé de l’article 147, paragraphe 4, du règlement de procédure, et notamment de l’expression « objet du recours envisagé », qu’il appartenait, en l’espèce, au requérant de désigner l’acte dont il entendait demander l’annulation dans le cadre de son futur recours. Cependant, ledit acte devait nécessairement avoir été déjà adopté, dès lors que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’un recours tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief et ne saurait procéder au contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (voir arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali/Conseil, T‑149/15, non publié, EU:T:2017:693, point 59 et jurisprudence citée). Par conséquent, conformément à l’article 146, paragraphe 2, dudit règlement, une demande d’aide juridictionnelle désignant un tel acte hypothétique, au titre de l’objet du recours envisagé, ne pourrait qu’être rejetée, dès lors que ce recours apparaîtrait manifestement irrecevable.

    42

    C’est d’autant plus le cas, en l’espèce, que, ainsi qu’il résulte de l’article 5 de la décision 2011/72, dans sa version initiale (voir point 6 ci-dessus), le Conseil examine tous les douze mois s’il y a lieu ou non de proroger, voire de modifier cette décision. Par conséquent, à la date à laquelle le requérant a présenté sa demande d’aide juridictionnelle, rien ne permettait de présumer que la décision 2018/141 serait suivie d’une nouvelle décision prorogeant la décision 2011/72 pour une année supplémentaire. Il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir mentionné, par anticipation, cette nouvelle décision dans sa demande d’aide juridictionnelle.

    43

    En revanche, l’article 147, paragraphe 4, du règlement de procédure ne saurait exclure la possibilité, pour le requérant, en vertu de l’article 86, paragraphe 1, de ce règlement, d’adapter la requête, dans le cas où la décision constituant « l’objet du recours envisagé » est remplacée ou modifiée par une autre décision ayant le même objet.

    44

    Il s’ensuit que, bien que, à la date à laquelle le requérant a déposé la demande d’aide juridictionnelle, il ne fût pas en mesure, par définition, de désigner la décision remplaçant ou modifiant la décision 2018/141, qui n’existait pas encore, cette circonstance ne pouvait faire obstacle à ce que, une fois déposé son recours à l’encontre de ladite décision 2018/141, il adaptât, ensuite, ce dernier pour tenir compte de l’adoption de la décision 2019/135. En effet, comme l’a indiqué le requérant à l’audience, les conclusions dirigées contre les décisions 2018/141 et 2019/135 ont, en substance, le même objet, dès lors qu’elles visent l’annulation de la désignation du requérant sur la liste litigieuse, et reposent sur les mêmes moyens. Par ailleurs, une telle adaptation de la requête ne saurait entraîner, pour le requérant, l’obligation d’introduire une nouvelle demande d’aide juridictionnelle, dès lors qu’elle est opérée au moyen d’un mémoire en adaptation déposé, conformément à l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans le cadre du recours pour lequel il a obtenu ladite aide, et non dans le cadre d’un recours distinct.

    45

    Cela étant, dans l’hypothèse particulière qui est celle du cas d’espèce, l’acte remplaçant ou modifiant la décision visée par la demande d’aide juridictionnelle a été adopté avant que la procédure relative au traitement de cette demande ait pris fin et que le requérant ait pu déposer la requête introductive d’instance. Or, dans une telle situation, le requérant, comme il l’a fait valoir, en substance, à l’audience, n’avait pas d’autre choix que d’« adapter » l’objet du recours initial en présentant, dans le cadre de cette requête elle-même, des conclusions à fin d’annulation tant de la décision 2018/141 que de la décision 2019/135.

    46

    En deuxième lieu, il convient de relever que les dispositions du règlement de procédure relatives à l’aide juridictionnelle doivent être interprétées à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui prévoit expressément, à son troisième alinéa, l’octroi d’une telle aide dans le cas où elle est nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. En particulier, il convient de s’assurer que l’interprétation de ces dispositions ne constitue pas une limitation disproportionnée du droit d’accès à la justice, qui porte une atteinte à la substance de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, DEB, C‑279/09, EU:C:2010:811, point 60).

    47

    À cet égard, certes, les délais de recours sont d’application stricte (voir arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, point 43 et jurisprudence citée). Toutefois, l’interprétation des dispositions de l’article 147 du règlement de procédure, et en particulier de son paragraphe 7, relative à la suspension de ces délais, ne doit pas conduire à un traitement du requérant moins favorable que celui d’un autre bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, qui aurait été, notamment, en mesure de déposer son recours contre la décision visée dans la demande d’aide juridictionnelle avant que ne soit adopté l’acte remplaçant ou modifiant cette décision.

    48

    En troisième lieu, force est de constater le caractère particulier des circonstances dans lesquelles le requérant a déposé, le 24 juin 2019, la requête introductive d’instance.

    49

    Premièrement, ainsi qu’il résulte des pièces fournies à l’appui de la demande d’aide juridictionnelle du requérant, ce dernier a reçu le courrier du Conseil lui notifiant la décision 2018/141 le 10 février 2018. Il a déposé cette demande le 5 mars 2018. En outre, il ressort du contenu de cette demande que le requérant n’a pas désigné d’avocat. Il en résulte donc que, conformément à l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure, le délai prévu pour l’introduction du recours était suspendu à compter du 5 mars 2018 jusqu’à la signification de l’ordonnance désignant l’avocat chargé de représenter le demandeur, à savoir, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier, jusqu’au 29 mai 2019. Le dépôt de la requête, qui est intervenu le 24 juin suivant, est donc conforme aux dispositions de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et de l’article 60 dudit règlement, en tant qu’elle vise la décision 2018/141, ce que, au demeurant, le Conseil ne conteste pas.

    50

    Deuxièmement, il résulte des constats opérés au point 49 ci-dessus que, à la date à laquelle la décision 2019/135 a été signifiée au requérant, à savoir, selon les informations du Conseil, le 4 février 2019, le délai prévu pour le dépôt du recours était suspendu en ce qui concerne la décision 2018/141. En outre, il convient de relever que ce délai continuait à être suspendu à la date à laquelle le requérant aurait dû, au plus tard, introduire un recours contre la décision 2019/135, à savoir le 15 avril 2019, dans l’hypothèse où sa demande d’aide juridictionnelle n’aurait pas eu pour effet de suspendre ledit délai de recours en ce qui concerne cette seconde décision. Il s’ensuit que, dans cette hypothèse, le requérant n’aurait pas eu d’autre possibilité que de déposer une seconde demande d’aide juridictionnelle visant cette seconde décision afin que son recours contre celle-ci bénéficie également de la suspension des délais de recours jusqu’à la désignation de son avocat.

    51

    Or, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 44 ci-dessus, il résulte d’une lecture combinée de l’article 147, paragraphe 4, et de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure qu’un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne saurait être tenu de déposer une seconde demande relative à une telle aide, en vue d’attaquer, dans le cadre d’un mémoire en adaptation, l’acte remplaçant ou modifiant l’acte visé initialement dans son recours. Par conséquent, le Tribunal ne saurait traiter le requérant de manière moins favorable en l’obligeant à déposer une telle seconde demande. En effet, la décision 2019/135 constitue un acte remplaçant la décision 2018/141, qu’il aurait été recevable à attaquer dans le cadre d’un tel mémoire en adaptation, s’il avait pu déposer la requête introductive d’instance avant l’adoption de cette nouvelle décision.

    52

    D’autre part, une seconde demande d’aide juridictionnelle n’aurait pas eu d’autre objet que de permettre la suspension des délais de recours à l’égard de la décision 2019/135. En effet, lors de l’adoption de celle-ci, le requérant était déjà bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et il lui était loisible de demander l’annulation de cette décision dans le cadre de l’adaptation de la requête contre la décision 2018/141, pour laquelle il avait obtenu cette aide. Dans ces circonstances, l’obligation de déposer une telle seconde demande constituerait une formalité superflue, dénuée de rapport avec l’objectif de l’aide juridictionnelle, qui est, aux termes de l’article 146 du règlement de procédure, de permettre aux personnes ne pouvant faire face aux frais de l’instance d’être représentées devant le Tribunal et d’avoir ainsi un accès au juge de l’Union.

    53

    Troisièmement, il convient de relever que, entre l’ordonnance du 14 septembre 2018 admettant le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle et l’ordonnance du 3 mai 2019 désignant un avocat, il s’est écoulé une période de près de huit mois pendant laquelle le requérant n’était pas en mesure d’introduire le recours pour lequel il avait déposé une demande d’aide juridictionnelle. Or il ressort des pièces du dossier que, pour la plus grande partie de cette période, ce délai ne lui est pas imputable.

    54

    En effet, à la suite du prononcé de l’ordonnance du 14 septembre 2018, ce n’est que le 14 novembre suivant que le requérant a informé le Tribunal qu’il n’avait pas été en mesure de désigner un avocat pour le représenter et lui a demandé de procéder lui-même à cette désignation. Cependant, conformément à l’article 148, paragraphe 5, du règlement de procédure, le greffe du Tribunal, à la suite de ce courrier, a transmis, le 28 novembre 2018, à l’autorité nationale compétente copie de la demande d’aide juridictionnelle du requérant et de l’ordonnance susmentionnée afin que cette autorité procède à cette désignation. Or c’est seulement le 23 avril 2019, soit près de cinq mois après cette transmission, que l’autorité nationale a répondu au greffe du Tribunal en lui indiquant le nom de plusieurs avocats acceptant de représenter le requérant. À cet égard, il convient de relever que c’est précisément pendant cette dernière période de près de cinq mois que la décision 2019/135 a été adoptée et que le délai pour déposer un recours contre cette décision, dans l’hypothèse où il n’aurait pas été suspendu, aurait expiré.

    55

    Il s’ensuit que, en l’absence de suspension des délais de recours en ce qui concerne la décision 2019/135, la recevabilité des conclusions du requérant dirigées contre cette décision serait remise en cause, en l’espèce, en raison de la durée de la procédure de désignation d’un avocat, alors que cette durée ne lui est pas, pour la plus grande partie, imputable. Or, comme l’a indiqué, en substance, le requérant à l’audience, il ne saurait être accepté, à la lumière de l’objectif de l’aide juridictionnelle, tel que consacré à l’article 47, troisième alinéa, de la Charte, que les délais de traitement de la demande d’aide juridictionnelle du requérant, pris dans leur ensemble, aient pour effet de le priver de l’accès au juge de l’Union, ou du moins de restreindre cet accès, ce que la suspension des délais de recours prévue par l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure a précisément pour objet d’éviter.

    56

    Certes, à la date de l’introduction de la requête, le requérant conservait un intérêt à demander l’annulation de la décision 2018/141 (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 79 et 80). Toutefois, dans la mesure où, à cette date, sa désignation sur la liste litigieuse était maintenue en vertu de la décision 2019/135, c’était cette dernière décision qui produisait des effets sur sa situation et avait une incidence négative importante sur ses libertés et ses droits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 71 et jurisprudence citée). Ainsi, l’impossibilité de viser cette décision dans le cadre de son recours dirigé contre la décision 2018/141 faisait perdre à ce dernier, à la date à laquelle il a été introduit, une partie significative de son utilité.

    57

    Au regard des circonstances particulières de l’espèce, le requérant est donc fondé à soutenir que la suspension des délais de recours prévue par l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure s’applique aux conclusions de la requête introductive d’instance dirigées contre la décision 2019/135, dès lors que, comme il l’a indiqué à l’audience, les conclusions dirigées contre cette décision et celles dirigées contre la décision 2018/141 ont, en substance, le même objet et que la durée du traitement de sa demande d’aide juridictionnelle, prise dans son ensemble, ne saurait avoir pour effet de limiter excessivement son accès au juge de l’Union. Par conséquent, la requête ayant été déposée le 24 juin 2019 dans le respect des délais de recours en ce qui concerne la décision 2018/141, compte tenu de la suspension de ces délais du 5 mars 2018 jusqu’au 29 mai 2019 (voir point 49 ci-dessus), ces délais doivent, par voie de conséquence, être considérés comme ayant été également respectés en ce qui concerne la décision 2019/135. Les conclusions dirigées contre ces deux décisions sont donc recevables.

    58

    Les arguments du Conseil ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

    59

    En premier lieu, force est de constater que les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil (C‑535/14 P, EU:C:2015:407), invoqué par le Conseil, sont différentes de celles de l’espèce.

    60

    En effet, dans cette affaire, la partie requérante soutenait que le Tribunal avait violé son droit à une protection juridictionnelle effective, au motif que celui-ci avait rejeté son recours comme irrecevable en tant qu’il était dirigé contre la lettre du Conseil du 14 novembre 2011. Or la Cour a constaté que c’était sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal avait conclu que ladite lettre n’avait pas été mentionnée dans la demande d’aide juridictionnelle de la partie requérante comme un acte devant être visé par le recours à introduire et donc comme faisant partie de l’objet du recours envisagé. Ainsi, à la différence de la décision 2019/135, en l’espèce, dans cette affaire, la lettre en cause avait été émise avant le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle et avait été mentionnée par la partie requérante dans le cadre de celle-ci. Cependant, il ressortait de l’analyse effectuée par le Tribunal des termes, clairs et précis, de cette demande que la partie requérante n’avait pas manifesté son intention de demander l’annulation de cette lettre, mais plutôt des actes faisant l’objet d’une demande de réexamen rejetée par celle-ci et des actes subséquents qu’elle contenait (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, points 16 à 20).

    61

    Au contraire, en l’espèce, le requérant ne pouvait, par définition, se prononcer sur son intention d’attaquer la décision 2019/135, qui n’avait pas encore été adoptée, de sorte que l’extension de l’objet du recours à celle-ci ne pouvait pas être exclue d’avance. L’arrêt cité par le Conseil n’est donc pas pertinent.

    62

    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument du Conseil tiré de l’application stricte des délais de recours, il a été constaté au point 47 ci-dessus que ce principe, qui repose, au demeurant, sur des considérations de sécurité juridique et d’égalité entre les justiciables, ne saurait avoir pour effet de placer le requérant dans une situation moins favorable que celle d’un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle qui aurait été en mesure de déposer son recours contre la décision visée dans la demande d’aide juridictionnelle avant que ne soit adopté l’acte remplaçant ou modifiant cette décision et qui aurait donc été en mesure de présenter des conclusions dirigées contre ce dernier dans le cadre d’un mémoire en adaptation.

    63

    En troisième lieu, s’agissant des arguments du Conseil selon lesquels le requérant était familier du mécanisme de renouvellement des mesures restrictives et qu’il avait la possibilité de déposer une nouvelle demande d’aide judiciaire ou d’indiquer succinctement, dans celle qu’il avait présentée, qu’il entendait également contester le renouvellement ultérieur de cette demande, il suffit de rappeler que, pour les raisons indiquées aux points 41 et 42 ci-dessus, le requérant ne pouvait pas indiquer, dans la demande d’aide juridictionnelle, son intention d’attaquer un acte non encore adopté, d’autant plus que rien ne permettait de présumer, à la date de dépôt de cette demande, que l’adoption de cet acte aurait lieu.

    64

    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument du Conseil tiré de l’absence de cas de force majeure, il suffit de rappeler que la jurisprudence relative à la notion de cas de force majeure ne s’applique que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles où il peut être dérogé aux délais de procédure (voir ordonnance du 11 juin 2020, GMPO/Commission, C‑575/19 P, non publiée, EU:C:2020:448, point 33 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, il a été conclu au point 57 ci-dessus que la suspension des délais de recours prévue par l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure était applicable aux conclusions de la requête dirigées contre la décision 2019/135 et que, par voie de conséquence, ces délais avaient été respectés. La jurisprudence susmentionnée n’est donc pas applicable, de sorte que cet argument est dénué de pertinence.

    65

    Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable, en tant qu’il est dirigé contre la décision 2019/135.

    2. Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision 2020/117

    66

    Le requérant soutient que la jurisprudence l’autorise à déposer un mémoire en adaptation visant la décision 2020/117, en se rapportant aux moyens et aux arguments présentés dans le cadre de la requête. Il affirme que cette décision ne lui a pas été notifiée dans son intégralité et avec l’indication des voies et des délais de recours.

    67

    Le Conseil soutient que, comme l’attesterait l’accusé de réception signé par le requérant, la décision 2020/117 a été communiquée à ce dernier le 4 février 2020 et que, par voie de conséquence, les conclusions dirigées contre cette décision sont manifestement tardives. Il poursuit en affirmant que cette analyse ne saurait être remise en cause en raison de l’application du principe de protection juridictionnelle effective. Enfin, il fait valoir que son intention de renouveler les mesures restrictives visant le requérant ressort de manière explicite de son courrier du 28 janvier 2020 et que la décision 2020/117 y est précisément identifiée.

    68

    À titre liminaire, il importe de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 47 et 56 ci-dessus, les délais de recours sont d’application stricte, ce qui répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice.

    69

    Par ailleurs, selon la jurisprudence, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives commence à courir uniquement à partir de la date de la communication de cet acte à l’intéressé, pourvu que son adresse soit connue, et non à la date de la publication de l’acte, compte tenu du fait que celui-ci s’apparente à un faisceau de décisions individuelles (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali/Conseil, T‑149/15, non publié, EU:T:2017:693, points 44 et 47 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence est applicable à un mémoire en adaptation présenté à l’encontre du renouvellement de ces mesures restrictives ultérieur à l’acte attaqué dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Sina Bank/Conseil, T‑418/14, EU:T:2016:619, points 51, 56 et 57 et jurisprudence citée).

    70

    En l’espèce, il convient de relever que, à la différence du délai de recours concernant les décisions 2018/141 et 2019/135, celui concernant la décision 2020/117 n’a pas été suspendu, notamment, en raison du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle. Il convient donc de déterminer, d’une part, si la notification de cette dernière décision à l’intention du requérant a été de nature à faire courir ce délai et, d’autre part, si le mémoire en adaptation a été déposé dans le respect de celui-ci, qui, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et à l’article 60 du règlement de procédure, expirait au terme d’une durée de deux mois et dix jours.

    71

    En ce qui concerne la question de savoir si la notification effectuée par le Conseil à l’intention du requérant a fait courir le délai de recours contre la décision 2020/117, il ressort des pièces du dossier que le courrier du Conseil du 28 janvier 2020 a été remis au requérant le 1er février 2020. Le requérant ne conteste pas que cette notification a eu lieu, mais conteste plutôt sa régularité, au motif que ladite décision ne lui a pas été notifiée dans son intégralité et que le courrier du Conseil en cause ne porte pas mention des voies et des délais de recours.

    72

    S’agissant du grief du requérant selon lequel la décision 2020/117 n’a pas été notifiée dans son intégralité, il convient de relever que, comme le Conseil l’indique, son courrier du 28 janvier 2020 mentionne explicitement l’adoption de cette décision et le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant du fait de celle-ci. En outre, ce courrier fournit les références du Journal officiel de l’Union européenne et de l’adresse Internet où la décision en cause est accessible. Ledit courrier expose, en outre, les raisons pour lesquelles le Conseil a décidé le maintien de ces mesures à son égard. Par conséquent, bien que le Conseil n’ait pas communiqué, en même temps que le courrier en cause, une copie de la décision en question, il a néanmoins fourni suffisamment d’informations pour que le requérant prenne connaissance de cette dernière dans son intégralité ainsi que des motifs qui l’étayent. Par conséquent, nonobstant l’absence de communication d’une telle copie, cette décision ne saurait être considérée comme n’ayant pas été valablement notifiée au requérant. Cette circonstance n’est donc pas de nature à empêcher les délais de recours contre cette décision de commencer à courir.

    73

    S’agissant du grief du requérant tiré de l’absence de mention des voies et des délais de recours, il suffit de relever que, indépendamment de la question de savoir si cette absence est de nature à entacher la régularité de la notification de la décision 2020/117, le requérant, qui, au demeurant, à la date de la notification de cette décision, était représenté par un avocat, ne pouvait ignorer les voies et les délais de recours contre ladite décision, étant donné qu’il avait déjà introduit un tel recours devant le Tribunal contre des décisions analogues antérieures. Par conséquent, une telle absence ne saurait, en tout état de cause, être un motif faisant obstacle à ce que les délais de recours commencent à courir et ne saurait être de nature à entraîner, de la part du requérant, une erreur excusable, au sens de la jurisprudence, susceptible de justifier une dérogation à ces délais (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 10 décembre 2015, NICO/Conseil, C‑153/15 P, non publiée, EU:C:2015:811, points 55 à 61).

    74

    Il convient d’ajouter que les allégations du requérant relatives à la notification, par le Conseil, de la décision 2020/117 à une adresse erronée, énoncées dans le cadre de ses observations du 8 juillet 2020, ne sauraient prospérer, dès lors qu’il résulte des documents fournis par cette institution qu’elle a notifié cette décision à la même adresse que celle qui est mentionnée comme étant l’adresse de son domicile dans tous les actes de procédure qu’il a déposés au greffe du Tribunal, y compris dans lesdites observations.

    75

    Par conséquent, il doit être considéré que les délais de recours contre la décision 2020/117 ont commencé à courir à l’égard du requérant à compter de la notification, par le Conseil, de cette décision, intervenue le 1er février 2020.

    76

    En ce qui concerne le respect du délai de recours, il convient de relever que ce délai de deux mois et dix jours a expiré le 13 avril 2020. Par conséquent, le dépôt du mémoire en adaptation dirigé contre la décision 2020/117, le 24 juin 2020, est tardif et les conclusions dirigées contre cette décision sont donc irrecevables. Il en résulte que le recours doit être rejeté en tant qu’il est dirigé contre ladite décision.

    B.   Sur le fond

    77

    Au soutien de ses conclusions à fin d’annulation contre les décisions 2018/141 et 2019/135, le requérant soulève formellement trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de la convention des Nations unies contre la corruption, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 31 octobre 2003 à New York. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs « manifestes » d’appréciations et comporte trois branches, relatives, en premier lieu, à la violation du principe de proportionnalité, en deuxième lieu, à la violation du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable par les autorités tunisiennes et, en troisième lieu, à l’omission, de la part du Conseil, de procéder à des vérifications supplémentaires. Le troisième moyen est tiré du détournement de pouvoir, en ce que la procédure pénale sur laquelle repose le maintien de sa désignation sur la liste litigieuse aurait, en réalité, pour objectif de justifier a posteriori la confiscation de ses biens et de ses avoirs en Tunisie.

    78

    Il convient de commencer par l’examen du deuxième moyen.

    1. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs « manifestes » d’appréciations

    a) Considérations liminaires

    79

    À titre liminaire, d’une part il y a lieu de relever que le présent moyen, en dépit des variations de formulation dont il fait l’objet dans la requête et dans la réplique, doit être considéré, en ce qui concerne ses deuxième et troisième branches, comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, le Conseil ne disposait d’aucune marge d’appréciation pour déterminer s’il disposait d’éléments suffisants pour évaluer le respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable et si ces éléments étaient de nature à susciter des doutes légitimes concernant le respect de ce droit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 215).

    80

    D’autre part, il paraît nécessaire, dans le cadre du présent moyen, de s’interroger sur les éventuelles conséquences à tirer des arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602), ainsi que de l’ordonnance du 22 octobre 2019, Azarov/Conseil (C‑58/19 P, non publiée, EU:C:2019:890). Par une mesure d’organisation de la procédure du 13 décembre 2019, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur cette question et, en particulier, à indiquer si et dans quelle mesure elles considéraient que les décisions 2018/141 et 2019/135 satisfaisaient à l’obligation de motivation, à la lumière, notamment, de ces arrêts et de cette ordonnance.

    81

    Dans sa réponse écrite du 27 décembre 2019, le requérant a indiqué, en substance, que les exigences définies dans les arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602), ainsi que dans l’ordonnance du 22 octobre 2019, Azarov/Conseil (C‑58/19 P, non publiée, EU:C:2019:890), étaient applicables en l’espèce. Il a affirmé que ces exigences étaient liées à l’obligation, pour le Conseil, de procéder à des vérifications concernant les éléments fournis par les autorités tunisiennes, qu’il avait mise en exergue dans le cadre des moyens de fonds qu’il avait soulevés. Il a soutenu que les décisions 2018/141 et 2019/135 ne contenaient aucune motivation relative aux raisons pour lesquelles le Conseil considérait que la décision de l’État tunisien sur laquelle ces décisions étaient fondées avait été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Il en a conclu, à titre subsidiaire, que le moyen tiré de l’absence d’une telle motivation devait entraîner l’annulation de ces décisions.

    82

    Dans sa réponse écrite du 16 janvier 2020, en premier lieu, le Conseil a fait valoir qu’il ressortait d’une lecture conjointe, d’une part, des arrêts du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96), et du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), et, d’autre part, de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), qu’il pouvait être tantôt soumis à une obligation de vérifier si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés et à l’obligation corollaire d’en faire état dans la motivation des actes en cause et tantôt non soumis à de telles obligations. Selon lui, la différence entre les affaires C‑176/13 P et C‑200/13 P, d’une part et l’affaire C‑530/17 P, d’autre part, résidait dans le fait que, dans le contexte des deux premières affaires, les entités concernées n’avaient pas soumis d’observations à cet égard au Conseil, alors que, dans le contexte de la troisième, la personne en cause avait invoqué, antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, les obligations susmentionnées. Or, en l’espèce, le requérant n’aurait pas présenté de telles observations. En deuxième lieu, le Conseil a soutenu que la motivation des décisions 2018/141 et 2019/135 contenait des informations suffisantes permettant de vérifier son bien-fondé et permettant au juge de l’Union de contrôler la légalité de ces décisions, conformément à la jurisprudence. En outre, ces décisions seraient intervenues dans un contexte connu du requérant. En troisième lieu, le Conseil soutient que les articles 27, 29 et 108 de la Constitution tunisienne et les articles 13, 47, 50, 59, 66 et 175 du code pénal tunisien fournissaient des garanties relatives au droit du requérant à un procès équitable dans un délai raisonnable et au respect de ses droits de la défense. Ces dispositions démontreraient que la République tunisienne dispose d’un cadre juridique protégeant ces droits et feraient partie de la motivation desdites décisions, en ce sens que lesdites dispositions relèveraient d’un contexte connu du requérant ou, tout au moins, qu’il ne pouvait ignorer.

    83

    Tout d’abord, il convient de rappeler que, dans le contexte d’un pourvoi contre un arrêt du Tribunal statuant sur la légalité du maintien de l’inscription d’une entité sur la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70, rectificatif JO 2010, L 52, p. 58), la Cour a considéré qu’il incombait au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers, de vérifier si cette décision avait été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 24).

    84

    À cet égard, la Cour a rappelé qu’elle avait itérativement jugé que le Conseil était tenu, lorsqu’il adoptait des mesures restrictives, de respecter les droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figuraient, notamment, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 25 et jurisprudence citée).

    85

    La Cour a indiqué, en outre, que la nécessité de procéder à une telle vérification résultait, notamment, du fait que l’objectif de protection des personnes ou des entités concernées, en assurant que leur inscription initiale sur la liste en cause n’ait eu lieu que sur une base factuelle suffisamment solide, ne pouvait être atteint que si les décisions des États tiers sur lesquelles le Conseil fondait lesdites inscriptions initiales avaient été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 26 et jurisprudence citée).

    86

    La Cour en a déduit que la garantie que la décision de l’autorité de l’État tiers avait été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective revêtait une importance essentielle dans l’économie de ladite inscription et des décisions de gel de fonds subséquentes et que, par voie de conséquence, le Conseil était tenu de fournir, dans les exposés des motifs relatifs à ces décisions, les indications permettant de considérer qu’il avait vérifié le respect de ces droits (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 31).

    87

    Enfin, la Cour a répondu à l’argument du Conseil qui faisait valoir que, dans la mesure où l’État tiers pourrait considérer qu’un commentaire, dans les exposés des motifs des décisions de gel d’avoirs en cause, relatif à son respect ou non des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, constituerait une ingérence dans ses affaires intérieures, la motivation exigée par le Tribunal empêcherait le Conseil de s’appuyer sur des décisions d’États tiers. À cet égard, elle a indiqué qu’il suffisait, à cette fin, que le Conseil fît état, de manière succincte, dans l’exposé des motifs relatif à une décision de gel de fonds, des raisons pour lesquelles il considérait que la décision de l’État tiers sur laquelle il entendait se fonder avait été adoptée dans le respect de ces droits (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 20, 32 et 33).

    88

    Ensuite, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), la Cour s’est prononcée sur une question analogue dans le cadre d’un pourvoi contre un arrêt du Tribunal statuant sur la légalité du maintien de l’inscription d’une personne physique sur les listes figurant, respectivement, à l’annexe de la décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26), telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/143 du Conseil, du 29 janvier 2015 (JO 2015, L 24, p. 16), et à l’annexe I du règlement (UE) no 208/2014 du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/138 du Conseil, du 29 janvier 2015 (JO 2015, L 24, p. 1).

    89

    Dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), la Cour a considéré que les principes rappelés aux points 83 à 87 ci-dessus étaient applicables dans la situation de la partie requérante dans l’affaire en cause, étant donné que les mesures restrictives prises contre elle reposaient sur la décision d’une autorité d’un État tiers, compétente à cet égard, d’engager et de mener une procédure d’enquête pénale portant sur une infraction de détournement de fonds publics. Elle a relevé, à cet égard, qu’était dépourvue de pertinence la circonstance, relevée dans l’arrêt attaqué, que l’existence d’une telle décision constituait non pas le critère d’inscription fixé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, mais la base factuelle sur laquelle reposaient les mesures restrictives en cause (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, points 25 à 30).

    90

    La Cour en a conclu que le raisonnement sur lequel le Tribunal s’était fondé pour considérer que l’approche retenue dans l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), n’était pas transposable au cas d’espèce était entaché d’une erreur de droit (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, points 31 à 33).

    91

    En particulier, d’une part, selon la Cour, le Conseil ne pouvait considérer qu’une décision d’inscription reposait sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entendait fonder l’adoption de mesures restrictives (arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 34).

    92

    D’autre part, la Cour a considéré que les différences de libellé, d’économie et d’objectif identifiées par le Tribunal entre, d’un côté, le modèle des mesures restrictives prévues dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et, de l’autre, le modèle des mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine ne pouvaient avoir pour effet de limiter l’application des garanties résultant de l’approche retenue dans l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), aux seules mesures restrictives adoptées dans le cadre du premier de ces modèles, à l’exclusion de celles qui le seraient dans le cadre d’une coopération avec un État tiers décidée par le Conseil à la suite d’un choix politique (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 37).

    93

    À cet égard, force est de constater que les considérations figurant à l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), rappelées aux points 89 à 92 ci-dessus, sont transposables aux circonstances de l’espèce, nonobstant les différences de contexte. En effet, le modèle des mesures restrictives édictées au regard de la situation en Tunisie présente incontestablement des analogies avec celui des mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine. Ainsi, le gel des avoirs des personnes désignées sur la liste litigieuse, notamment le requérant, repose également sur la décision des autorités d’un État tiers compétentes à cet égard, en l’occurrence des autorités de la République tunisienne, d’engager et de mener une procédure d’enquête judiciaire portant sur une infraction relevant de la notion de détournement de fonds publics.

    94

    Par conséquent, il doit en être déduit, en l’espèce, l’existence, à l’égard du Conseil, d’une part, d’une obligation de vérification que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant ont été respectés dans le cadre des procédures judiciaires le visant en Tunisie et, d’autre part, d’une obligation de motiver les raisons pour lesquelles il considère que ces droits ont été respectés.

    95

    En outre, de telles obligations apparaissent d’autant plus impérieuses que, ainsi qu’il résulte du considérant 1 de la décision 2011/72, celle-ci et les décisions subséquentes ont été adoptées dans le cadre d’une politique de soutien à la Tunisie fondée, notamment, sur les objectifs de promotion du respect des droits de l’homme et de l’État de droit qui figurent à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE. Par conséquent, l’objet de ces décisions, qui est de faciliter la constatation par les autorités tunisiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements, serait dépourvu de pertinence au regard desdits objectifs si cette constatation était entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 64, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 68).

    96

    Il est vrai que, aux points 65 et 72 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), qui portait sur un litige relatif au maintien de la désignation d’une personne sur la liste litigieuse, le Tribunal a relevé, notamment, que, pour procéder à un tel maintien, le Conseil était seulement tenu de réunir des preuves de l’existence d’une procédure judiciaire en cours concernant la partie requérante pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics et que ce n’était qu’en présence d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect du droit de la partie requérante à un délai raisonnable de jugement dans le cadre de l’enquête judiciaire en cours la concernant et servant de fondement au gel de ses avoirs dans l’Union que le Conseil était tenu de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

    97

    Le Tribunal a fait application d’un raisonnement analogue en ce qui concerne la vérification du respect du droit à un procès équitable et à la protection de la présomption d’innocence, par les autorités égyptiennes, de personnes dont la désignation sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/172/PESC du Conseil, du 21 mars 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 63, rectificatif JO 2014, L 203, p. 113), avait été maintenue (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, points 70, 214 et 215).

    98

    Cependant, lorsque les arrêts cités aux points 96 et 97 ci-dessus ont été rendus, l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), n’avait pas encore été prononcé. La Cour n’avait donc pas encore statué sur la question de savoir si l’approche retenue dans l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), était transposable telle quelle à un modèle de mesures restrictives adoptées dans le cadre de la coopération avec un État tiers ayant pour objet d’assister cet État dans la lutte contre les détournements de fonds publics et au vu de l’existence de procédures judiciaires engagées par les autorités de cet État en lien avec des infractions susceptibles de recevoir une telle qualification.

    99

    Par ailleurs, dans les arrêts cités aux points 96 et 97 ci-dessus, le Tribunal a examiné des moyens ou des griefs qui reposaient sur une prétendue omission du Conseil d’avoir opéré des vérifications complémentaires après que les parties requérantes lui avaient transmis des éléments qu’elles considéraient comme de nature à révéler des violations des droits protégés par le principe de protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte. Ces moyens ou griefs ne soulevaient donc pas, en tant que telle, la question de savoir si le Conseil devait, d’office, opérer des vérifications à cet égard, sans attendre que les personnes concernées aient présenté des observations susceptibles de les justifier, ni, à plus forte raison, la question de savoir s’il devait motiver expressément les conclusions qu’il tirait de ces vérifications.

    100

    Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’analyse de la jurisprudence effectuée par le Conseil dans sa réponse écrite du 16 janvier 2020.

    101

    En effet, en premier lieu, la comparaison opérée par le Conseil entre la jurisprudence consacrée dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), et la jurisprudence qui résulte des arrêts du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96), et du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), n’est pas convaincante.

    102

    À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que les points 88 à 91 de l’arrêt du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96), et les points 81 à 84 de l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), invoqués par le Conseil, portent sur la question de savoir s’il est tenu de vérifier la pertinence et le bien-fondé des éléments visant l’entité concernée avant d’adopter les actes édictant des mesures restrictives à son égard et d’indiquer, dans les motifs de ces actes, qu’il a procédé à ces vérifications. En revanche, contrairement aux points 25 à 37 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), ces points ne sont pas relatifs à la question de l’existence d’une obligation, pour le Conseil, de vérifier, avant d’adopter de tels actes, si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la partie requérante ont été respectés dans le cadre des procédures sur lesquelles ces actes sont fondés et, corollairement, d’indiquer le résultat de ces vérifications dans les motifs desdits actes. De manière symétrique, il convient de relever que, dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), la Cour n’a nullement considéré que le Conseil était tenu, avant d’adopter les actes en cause, de vérifier systématiquement la pertinence et le bien-fondé des procédures engagées par les pays tiers sur lesquelles il se fonde et d’en faire état dans les motifs de ces actes.

    103

    D’autre part, il convient de relever que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96), et du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), les mesures restrictives dont la légalité avait été examinée par le Tribunal dans les arrêts qui faisaient l’objet des pourvois en cause reposaient sur des éléments fournis par les États membres concernant le soutien des entités concernées aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération, qui étaient destinés à étayer leur proposition d’inscription de ces entités sur la liste des personnes, des entités ou des organismes visés par ces mesures. Lesdites mesures ne reposaient donc pas sur des décisions à caractère administratif ou judiciaire, telles que l’engagement de poursuites pénales, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031).

    104

    En second lieu, contrairement à ce que le Conseil fait valoir, il ne ressort pas de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), que l’obligation de vérifier si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la personne visée ont été respectés dans le cadre de la procédure judiciaire engagée à son égard dans un pays tiers n’existerait qu’en présence d’observations présentées par la partie requérante avant l’adoption des mesures litigieuses. Il se déduit plutôt des points 25 à 37 de cet arrêt, résumés aux points 89 à 92 ci-dessus, que la Cour a entendu conférer à une telle obligation un caractère inconditionnel. En effet, ainsi qu’il résulte, en particulier, du point 28 dudit arrêt, la Cour a considéré, en substance, que le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre des procédures judiciaires servant de fondement aux mesures restrictives adoptées par le Conseil constituait une composante de la base factuelle de ces mesures. Or il résulte d’une jurisprudence constante, rappelée à ce même point, que le Conseil doit systématiquement vérifier, au préalable, le caractère suffisamment solide de cette base factuelle.

    105

    Cette interprétation de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), n’est pas remise en cause par son point 39, cité par le Conseil, qui rappelle la jurisprudence constante selon laquelle c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66).

    106

    En effet, d’une part, les considérations exposées au point 39 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), énoncent un motif supplémentaire, mais ne présentent pas un caractère déterminant dans le raisonnement de la Cour, contrairement aux considérations figurant aux points 25 à 37 de cet arrêt. D’autre part, il convient de rappeler que le principe rappelé, en l’espèce, par la Cour a été énoncé, pour la première fois, dans un contexte où, en présence d’une contestation de la personne visée par des mesures restrictives dans le cadre du recours devant le Tribunal, la Cour avait jugé qu’il appartenait au Conseil de produire des informations ou des éléments de preuve aux fins de permettre au Tribunal d’examiner si les motifs sous-tendant ces mesures étaient étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 119 et 120). Il ne saurait donc nullement être déduit de cette jurisprudence que le principe ainsi défini, relatif à la charge et à l’administration de la preuve devant le juge de l’Union, ne s’applique que lorsque, dans le cadre de la procédure administrative, la partie requérante a présenté des observations visant à contester la base factuelle des mesures qu’elle attaque, avant que celles-ci ne soient adoptées.

    107

    En l’espèce, si le requérant ne soulève pas de moyen relatif à une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne les décisions 2018/141 et 2019/135, en revanche, les deuxième et troisième branches du deuxième moyen soulèvent la question, d’une part, de l’appréciation, par le Conseil, du respect de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, lequel est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective, et la question, d’autre part, des vérifications opérées par cette institution à cet égard. Il convient donc, à présent, d’examiner ces branches à la lumière des principes exposés aux points 83 à 106 ci-dessus.

    b) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur d’appréciation du Conseil relative au respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable

    108

    Le requérant soutient que, depuis 2011, aucune activité procédurale n’a eu lieu dans le cadre de la procédure judiciaire le visant, alors que son domicile serait connu des autorités tunisiennes et qu’il se tiendrait à la disposition des autorités. Il affirme n’avoir jamais été entendu, convoqué ou fait l’objet d’un quelconque acte d’enquête. Il fait valoir que, de ce fait, à la lumière du point 172 de l’arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil (T‑516/13, non publié, EU:T:2016:377) et des points 64, 65, 71, 222 et 223 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), le Tribunal doit constater l’erreur d’appréciation du Conseil en ce qui concerne le respect de son droit à être jugé dans un délai raisonnable. En réplique, il soutient, en outre, que la véracité et la crédibilité des documents transmis par les autorités tunisiennes au Conseil le 1er août 2019 sont contestables. Il fait valoir, en conclusion, que le Conseil n’a pas procédé aux vérifications nécessaires depuis 2011, bien qu’il ait, pour sa part, régulièrement présenté à cette institution des observations pour remettre en cause le fondement des procédures judiciaires dont il faisait l’objet.

    109

    Le Conseil soutient que, lors de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, il n’existait aucun élément objectif, fiable, précis et concordant qui fût de nature à susciter des interrogations légitimes, au sens des points 64 et 65 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), concernant le respect du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable par les autorités judiciaires tunisiennes dans le cadre des procédures judiciaires qu’elles avaient engagées à son égard. En particulier, il fait valoir que, antérieurement à l’adoption desdites décisions, le requérant n’a présenté aucun élément de la sorte relatif à une absence complète d’activité procédurale dans le cadre de l’enquête judiciaire le concernant. Par ailleurs, il affirme que l’argument du requérant relatif à ladite absence d’activité ne saurait, à lui seul, permettre de conclure à une erreur d’appréciation, de sa part, concernant le respect, par les autorités tunisiennes, de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, au regard des circonstances pouvant justifier la durée de l’enquête, énoncées aux points 221 et 222 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), et au point 52 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779). Il ajoute que le rapport d’activité du 1er août 2019 transmis par les autorités tunisiennes atteste que le décret-loi tunisien no 2011-13, du 14 mars 2011, portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles est toujours applicable au requérant et fait apparaître l’implication de celui-ci dans un certain nombre d’infractions.

    110

    Dans la duplique, le Conseil répond aux allégations du requérant relatives à la crédibilité des documents fournis par les autorités tunisiennes. Il y produit, notamment, en annexe, un tableau des commissions rogatoires internationales, afin d’illustrer la complexité de cette procédure, et relève que, au vu du tableau des affaires pendantes, également joint, le requérant est considéré comme en état de fuite.

    111

    À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe du délai raisonnable de jugement est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective qui est protégée par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et par les dispositions de plusieurs instruments de droit international juridiquement contraignants protégeant le droit à un procès équitable, dont la substance est analogue. Tel est, notamment, le cas de l’article 14, paragraphe 3, sous c), du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, auquel est partie, notamment, la République tunisienne (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 64).

    112

    À cet égard, il y a encore lieu de préciser que, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le respect du droit au délai raisonnable de jugement, tel que consacré par le droit international, doit être examiné à la lumière des circonstances de l’espèce, lesquelles exigent une évaluation globale, sur la base en particulier des critères tenant à la complexité de l’affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes. Des principes analogues régissent l’examen, dans la jurisprudence des juridictions de l’Union, du respect du droit au délai raisonnable de jugement, tel que consacré à l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 71 et jurisprudence citée).

    113

    Par ailleurs, comme il a été constaté au point 104 ci-dessus, les points 25 à 37 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), dont le contenu est repris aux points 89 à 92 ci-dessus, doivent être interprétés en ce sens que l’obligation de s’assurer du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, dans le cadre de l’enquête judiciaire dont il fait l’objet, présente un caractère inconditionnel. Par conséquent, le Conseil ne peut décider de proroger la désignation d’une personne sur la liste litigieuse que s’il a pu s’assurer auparavant du respect de ces droits et, notamment, du respect du droit à être jugé dans un délai raisonnable, y compris d’office et sans attendre que la personne visée lui présente des éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de ces droits.

    114

    En outre, s’agissant plus particulièrement de la vérification du respect du droit à être jugé dans un délai raisonnable, il peut être relevé que, plus la durée des procédures judiciaires servant de base factuelle à une mesure restrictive augmente, plus cette vérification peut s’avérer nécessaire pour le Conseil avant qu’il décide s’il y a lieu de proroger cette mesure ou non une nouvelle fois (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 janvier 2019, Stavytskyi/Conseil, T‑290/17, EU:T:2019:37, point 132).

    115

    En particulier, il convient de rappeler, en l’espèce, la nature conservatoire du gel des avoirs du requérant et leur objet, à savoir faciliter la constatation par les autorités tunisiennes des détournements de fonds publics commis, au terme des procédures judiciaires engagées, et préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer, in fine, le produit de ces détournements (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 33 et jurisprudence citée). Il incombe donc au Conseil d’éviter que cette mesure soit prolongée inutilement, au détriment des droits et des libertés du requérant, sur lesquels elle a une incidence négative importante, du seul fait que la procédure judiciaire sur laquelle elle repose a été laissée ouverte indéfiniment sans justification réelle (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 48, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 71).

    116

    Certes, le Conseil ne saurait être tenu de mettre fin au gel des avoirs du requérant au seul motif qu’il existe des éléments de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect, par les autorités tunisiennes, de son droit à être jugé dans un délai raisonnable et, notamment, des éléments concernant le caractère justifié de la durée de la procédure pénale (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, points 67 à 75). Toutefois, avant de procéder à la prorogation dudit gel des avoirs, il lui appartient, à tout le moins, d’une part, de s’assurer qu’il dispose d’éléments suffisants concernant l’état et l’évolution de cette procédure pour évaluer le risque d’une violation de ce droit et, d’autre part, de procéder à une telle évaluation avec soin et impartialité, afin d’en tirer, le cas échéant, les conséquences appropriées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, points 71 et 79).

    117

    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la présente branche du deuxième moyen.

    118

    En premier lieu, il convient, d’emblée, de relever que les documents émanant des autorités tunisiennes que le Conseil a joints au mémoire en défense et à la duplique ne sauraient être pris en compte par le Tribunal aux fins d’apprécier si cette institution a satisfait à son obligation de vérification s’agissant du respect, par les autorités tunisiennes, du droit à être jugé dans un délai raisonnable.

    119

    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée).

    120

    En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil a eu connaissance des documents en cause antérieurement à l’adoption de la décision 2018/141 ou de la décision 2019/135.

    121

    En effet, d’une part, s’agissant des documents joints au mémoire en défense, il résulte du courrier de l’ambassade de la République tunisienne à Bruxelles (Belgique) daté du 10 août 2019 qu’ils ont été transmis en annexe de ce courrier. D’autre part, s’agissant de ceux joints à la duplique, il résulte de leur page de couverture qu’il s’agit de transmissions du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) effectuées au cours d’une période comprise entre octobre et décembre 2019.

    122

    D’autre part, le Conseil ne soutient pas qu’il ait eu connaissance à une date antérieure des informations contenues dans ces documents, fût-ce en partie.

    123

    À cet égard, il résulte de la réponse écrite du Conseil du 16 mars 2020 que ce dernier a obtenu en octobre 2017 et en octobre 2018 des informations, de la part des autorités tunisiennes, sur l’état d’avancement de l’affaire portant la référence 19592/1, qui est relative à l’enquête judiciaire visant le requérant. Ces informations se présentaient sous la forme d’une fiche indiquant le nom du requérant et comportant un tableau qui énumérait, notamment, les procédures et les mesures prises. Elles étaient complétées par des remarques précisant, notamment, que plusieurs commissions rogatoires internationales avaient été émises, que l’affaire avait nécessité plusieurs mesures concernant les autres inculpés et que les enquêtes étaient encore en cours. En revanche, si les mesures procédurales mentionnées dans ces fiches étaient relatives à d’autres personnes visées par la même enquête, aucune n’était relative spécifiquement au requérant.

    124

    Par ailleurs, à l’audience, le Conseil a confirmé qu’il n’avait eu connaissance d’informations relatives à des actes procéduraux concernant spécifiquement le requérant que dans le cadre des documents transmis par les autorités tunisiennes postérieurement à la décision 2019/135, à la suite des questions qu’il leur avait posées à cet égard.

    125

    Dès lors, le Conseil ayant pris connaissance des informations contenues dans ces documents postérieurement à l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, tant ses arguments que ceux du requérant relatifs auxdits documents doivent être écartés.

    126

    En deuxième lieu, il convient de relever que, à l’appui de la présente branche, le requérant soutient que, depuis 2011, aucune activité procédurale n’a eu lieu dans le cadre de la procédure judiciaire le visant et que, en particulier, il n’a jamais été entendu ni convoqué et qu’il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque acte d’enquête.

    127

    Or le Conseil ne conteste pas ces allégations, mais se borne à soutenir que, lors de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, il n’existait aucun élément objectif, fiable, précis et concordant qui fût de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable, ce dernier n’ayant fourni, à cet égard, aucun élément de la sorte.

    128

    À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 113 ci-dessus, l’obligation, pour le Conseil, de s’assurer du respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable avant de proroger sa désignation sur la liste litigieuse revêt un caractère inconditionnel et doit être mise en œuvre, le cas échéant, d’office, sans attendre que la personne visée soumette des éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect de ce droit. Par conséquent, le Conseil ne saurait invoquer, en réponse aux allégations du requérant, le fait que ce dernier ne lui a jamais présenté de tels éléments antérieurement à l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135.

    129

    D’autre part, les éléments sur lesquels le Conseil s’est fondé pour maintenir la désignation du requérant sur la liste litigieuse depuis 2011 ne lui permettaient pas d’écarter tout risque d’une violation du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable.

    130

    À cet égard, il convient de relever que, pour maintenir le requérant sur la liste litigieuse, le Conseil s’est fondé, en particulier, sur les attestations des autorités tunisiennes du 4 novembre 2013, du 19 décembre 2014, du 20 octobre 2015, du 2 septembre 2016, du 18 octobre 2017 et du 13 septembre 2018, qu’il a communiquées au requérant lors de l’adoption successive des décisions 2014/49, 2015/157, 2016/119, 2017/153, 2018/141 et 2019/135.

    131

    Or ces attestations se bornent à certifier que l’instruction de l’affaire portant la référence 19592/1, qui vise le requérant, est toujours en cours et à énumérer les infractions pour lesquelles il est poursuivi. Ces informations, à l’évidence, ne sont donc pas suffisantes pour permettre au Conseil d’évaluer le risque d’une violation du respect du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable et, de ce fait, elles ne sont pas susceptibles d’étayer l’affirmation de cette institution selon laquelle il n’existerait aucun élément objectif, fiable, précis et concordant de nature à susciter des interrogations légitimes à cet égard.

    132

    En tout état de cause, il convient de relever que, même dans l’hypothèse où l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), devrait être interprété en ce sens que ne serait pas inconditionnelle l’obligation, pour le Conseil, de s’assurer du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, le Conseil disposait, au moment de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le caractère justifié de la durée de l’enquête judiciaire visant le requérant en Tunisie. Or la durée de la procédure judiciaire constitue un élément central, même s’il n’est pas le seul, pour apprécier le respect du droit à être jugé dans un délai raisonnable.

    133

    À cet égard, d’une part, comme le requérant l’avait, au demeurant, souligné dans son courrier du 20 décembre 2018 adressé au Conseil, l’enquête judiciaire conduite par les autorités tunisiennes à son égard, sur laquelle repose sa désignation sur la liste litigieuse, est ouverte depuis l’année 2011 et n’a jusqu’à présent donné lieu à aucune décision juridictionnelle. Or force est de constater que cette seule circonstance constitue un élément de nature à susciter des interrogations sur les raisons pour lesquelles cette enquête n’est pas parvenue à son terme, en ce qui concerne le requérant, à la suite d’une période de sept ou huit années.

    134

    D’autre part, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 123 ci-dessus, il résulte de la réponse écrite du Conseil du 16 mars 2020 que ce dernier a obtenu en octobre 2017 et en octobre 2018 des informations, de la part des autorités tunisiennes, sur l’état d’avancement de l’affaire portant la référence 19592/1, qui est relative à l’enquête judiciaire visant le requérant.

    135

    Cependant, comme il a déjà été relevé au même point 123 ci-dessus, si les mesures procédurales mentionnées dans la fiche transmise par les autorités tunisiennes étaient relatives à d’autres personnes visées par la même enquête, aucune n’était relative spécifiquement au requérant. Ces informations, qui, selon les propres déclarations du Conseil, n’ont pas été communiquées au requérant, étaient donc de nature à susciter des interrogations sur la question de savoir si, depuis 2011, des actes de procédure avaient été accomplis en ce qui concerne spécifiquement le requérant et, le cas échéant, pour quelles raisons tel n’était pas le cas.

    136

    Par conséquent, le Conseil avait, en tout état de cause, à sa disposition des éléments de nature à susciter, de sa part, des interrogations légitimes concernant la durée de l’enquête et l’existence d’une activité procédurale effective des autorités tunisiennes en ce qui concerne spécifiquement le requérant et, par conséquent, de nature à justifier qu’il procédât aux vérifications appropriées.

    137

    En troisième lieu, comme il a été rappelé au point 105 ci-dessus, selon une jurisprudence constante, en matière de mesures restrictives, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs.

    138

    En l’espèce, certes, comme le fait valoir le Conseil, l’argument du requérant relatif à l’absence, depuis 2011, d’activité procédurale le concernant, de la part des autorités judiciaires tunisiennes, ne saurait, à lui seul, permettre de conclure à une violation, par ces mêmes autorités, de son droit à être jugé dans un délai raisonnable.

    139

    Toutefois, force est de constater qu’aucun des documents relatifs à l’état de la procédure en Tunisie qui ont été communiqués au Conseil avant l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135 ne fait ressortir l’existence d’une activité procédurale relative spécifiquement au requérant. Or l’absence d’une telle activité pendant une période de sept ou huit années consécutives nécessiterait d’être justifiée par des circonstances particulières propres à l’affaire dans le cadre de laquelle le requérant est impliqué, voire propres au requérant lui-même. En particulier, il serait nécessaire de déterminer si, comme le requérant l’affirme, il n’a jamais été entendu, ni même convoqué, et n’a jamais fait l’objet d’un quelconque acte d’enquête et, si tel était le cas, pour quelles raisons il n’a jamais fait l’objet, jusqu’à présent, de telles mesures. En effet, en l’absence de telles justifications, cette absence d’évolution de la procédure judiciaire en ce qui concerne le requérant pendant une période aussi longue ne peut, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 133 ci-dessus, manquer de susciter des interrogations légitimes concernant le respect de son droit à être jugé dans un délai raisonnable.

    140

    Par conséquent, faute, pour le Conseil, d’apporter la preuve qu’il disposait, lors de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, d’informations de la nature de celles décrites au point 139 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’il n’était pas alors en mesure de procéder à une évaluation correcte du respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable. Par conséquent, en considérant qu’il n’y avait, au moment où ces décisions ont respectivement été adoptées, aucun élément objectif, fiable, précis et concordant de nature à susciter des interrogations légitimes à cet égard, le Conseil a commis une erreur d’appréciation de nature à entraîner l’annulation desdites décisions.

    141

    Certes, dans le cadre de sa réponse à la troisième branche du deuxième moyen de la requête, le Conseil se réfère aux constats effectués au point 224 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), et au point 55 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779), fondés sur des documents concernant l’état et l’évolution de la procédure judiciaire dans l’affaire portant la référence 19592/1, qui vise un grand nombre de personnes, dont la partie requérante dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts ainsi que le requérant dans la présente affaire.

    142

    À cet égard, il convient de relever que les constats en cause, selon lesquels le Conseil avait procédé à une vérification approfondie de l’état de l’enquête judiciaire concernant la partie requérante dans ces affaires avant de proroger la désignation de cette dernière sur la liste litigieuse, reposaient, notamment, sur la production, par cette institution, de documents émanant des autorités tunisiennes démontrant l’accomplissement, par ces dernières, d’actes de procédure relativement récents, au regard de la date des décisions litigieuses dans ces affaires, et concernant spécifiquement cette personne.

    143

    Ainsi, au point 204 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), le Tribunal a constaté que les documents émanant des autorités tunisiennes faisaient état d’interrogatoires de la partie requérante dans cette affaire, de la part du juge d’instruction compétent, datés des 15 et 21 février 2012 et du 14 mai 2014.

    144

    De même, au point 54 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779), le Tribunal a constaté qu’il ressortait des documents détenus par le Conseil avant l’adoption des décisions litigieuses dans cette affaire que la partie requérante en l’espèce avait fait l’objet d’une audition effectuée le 27 septembre 2016 par le magistrat instructeur tunisien compétent, après que les autorités françaises avaient transmis, le 23 mai 2016, des actes de procédures accomplis par ces dernières dans le cadre de commissions rogatoires, à la suite des demandes des autorités tunisiennes datées des 19 janvier 2011 et 10 janvier 2012.

    145

    Toutefois, en l’espèce, le Conseil ne soutient pas qu’il a pu prendre connaissance, avant l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, de documents faisant état d’actes de procédures analogues en ce qui concerne spécifiquement le requérant. En particulier, ainsi qu’il a été itérativement constaté (voir points 123, 135 et 139 ci-dessus), les documents transmis par les autorités tunisiennes en octobre 2017 et en octobre 2018, versés au dossier de l’affaire par le Conseil dans le cadre de sa réponse écrite du 16 mars 2020, ne font apparaître aucune activité procédurale spécifique en ce qui concerne cette personne.

    146

    Il est vrai que les constats effectués au point 224 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), et au point 55 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779), invoqués par le Conseil, reposaient également sur la prise en compte de l’activité procédurale accomplie, en général, au sein de l’enquête judiciaire visant la partie requérante dans cette affaire, qui concernait également un grand nombre d’autres personnes, et non uniquement des actes de procédures relatifs spécifiquement à ladite partie requérante. Le Tribunal en a notamment conclu que les documents portés à la connaissance du Conseil par les autorités tunisiennes tendaient à souligner l’existence d’une activité procédurale effective dans le cadre de l’instruction de l’affaire dans laquelle la partie requérante en question était impliquée ainsi que sa complexité du fait du nombre de personnes concernées et des mesures d’instruction requises, notamment des commissions rogatoires internationales (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, points 205 et 222, et du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil, T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779, point 52).

    147

    Cela étant, ce n’est pas l’activité procédurale accomplie, en général, par les autorités tunisiennes qui a permis, à elle seule, au Tribunal de conclure à l’existence d’une activité procédurale effective, mais également les actes de procédure spécifiques à la partie requérante dans les affaires en cause. Or, pour les raisons itérativement exposées ci-dessus, l’absence de référence à de tels actes de procédures spécifiques, en l’espèce, ne permet pas de parvenir à une conclusion analogue.

    148

    Il y a donc lieu de conclure que le Conseil a commis une erreur d’appréciation relative à la question de savoir si le droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable avait été respecté, de nature à entraîner l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135. Il convient, cependant, d’examiner également la troisième branche du deuxième moyen.

    c) Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de vérifications supplémentaires opérées par le Conseil

    149

    Le requérant soutient que les décisions successives de prorogation de sa désignation sur la liste litigieuse reposent sur des attestations des autorités tunisiennes sommaires et lacunaires, parfois non signées. Il fait valoir que, en dépit de ses observations, selon lesquelles la procédure judiciaire le visant n’était pas formellement en cours, le Conseil n’a effectué aucune vérification de l’état de l’enquête ni sollicité des informations supplémentaires depuis 2011. Or, selon lui, il existe un risque, dans une telle situation, d’un prolongement indéfini des mesures restrictives. En outre, la répétition, par les autorités tunisiennes, des mêmes informations, chaque année, sans élément nouveau relatif au déroulement de la procédure judiciaire en cause, affaiblirait la fiabilité de ces informations. En particulier, selon le requérant, le Conseil aurait dû solliciter des informations concernant les raisons de la suspension de ladite procédure et de la durée de cette dernière. Il conclut que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il n’était pas tenu de procéder à des vérifications supplémentaires. Dans la réplique, il se fonde sur les mêmes arguments que ceux présentés au soutien de la deuxième branche du troisième moyen.

    150

    Le Conseil considère qu’il a procédé aux vérifications requises, en particulier s’agissant de l’existence d’une enquête judiciaire en cours engagée à l’encontre du requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics tunisiens, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72. Il fait valoir que le requérant ne conteste pas l’existence d’une telle enquête. En outre, il soutient que, pour adopter les décisions 2018/141 et 2019/135, il s’est fondé sur des attestations des autorités tunisiennes relatives à de telles enquêtes. Par ailleurs, il affirme que, au point 224 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), et au point 55 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779), le Tribunal a constaté qu’il avait effectué une vérification approfondie de l’état de l’enquête dans l’affaire portant la référence 19592/1, dans laquelle le requérant était également impliqué. Enfin, il réitère les arguments présentés dans le cadre de sa réponse à la deuxième branche du troisième moyen.

    151

    À titre liminaire, il convient de relever que, si le requérant et le Conseil ont traité ensemble la deuxième et la troisième branche du troisième moyen de la requête respectivement dans la réplique et la duplique, ces branches se réfèrent néanmoins à deux erreurs d’appréciation distinctes, la première relative à l’appréciation du respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable, et la seconde relative, en substance, à la question de savoir si le Conseil disposait, au moment de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, d’une base factuelle suffisante pour procéder au maintien de la désignation du requérant.

    152

    Cela étant, au regard, en particulier, des considérations figurant aux points 25 à 30, 34 et 37 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), rappelées au point 113 ci-dessus, ces deux questions sont étroitement liées et, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 118 à 147 ci-dessus, la présente branche du deuxième moyen est fondée.

    153

    À cet égard, il suffit de relever qu’il résulte, notamment, du point 28 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), que, pour s’assurer que le maintien de la désignation du requérant sur la liste litigieuse repose sur une base factuelle suffisamment solide, le Conseil doit vérifier non seulement s’il existe une procédure judiciaire en cours concernant le requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics, mais en outre si, dans le cadre de ces procédures, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant ont été respectés.

    154

    En particulier, s’agissant du droit à être jugé dans un délai raisonnable, il a été relevé au point 116 ci-dessus qu’il appartenait au Conseil de s’assurer qu’il disposait d’éléments suffisants concernant l’état et l’évolution de la procédure judiciaire visant le requérant pour évaluer le risque d’une éventuelle violation de ce droit.

    155

    Or, dans le cadre de la présente branche du deuxième moyen, le requérant fait précisément grief au Conseil de ne pas avoir procédé à des vérifications concernant l’état et l’évolution de la procédure judiciaire le visant, alors que, selon lui, cette procédure n’avait pas cours en ce qui le concerne et qu’elle durait depuis 2011.

    156

    Par conséquent, en l’espèce, le Conseil ne peut se borner à faire valoir, en réponse aux allégations du requérant, qu’il est seulement tenu de vérifier l’existence d’une enquête judiciaire en cours le visant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, et une telle argumentation doit être rejetée d’emblée.

    157

    Quant à la référence aux constats effectués au point 224 de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694), et au point 55 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Mabrouk/Conseil (T‑216/17, non publié, EU:T:2018:779), il suffit de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 142 à 147 ci-dessus, elle n’est pas de nature à établir que le Conseil a procédé à des vérifications suffisantes au sujet de l’état et de l’évolution de la procédure judiciaire visant le requérant.

    158

    Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le Conseil n’a pas démontré qu’il disposait, au moment de l’adoption des décisions 2018/141 et 2019/135, d’une base factuelle suffisante pour procéder à la prorogation de la désignation du requérant, en l’absence d’éléments relatifs à l’état et à l’évolution de la procédure judiciaire le concernant spécifiquement. Il doit donc en être conclu que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il n’était pas tenu de procéder à des vérifications supplémentaires à cet égard. La troisième branche du deuxième moyen est donc fondée.

    159

    L’examen des deuxième et troisième branches du deuxième moyen de la requête conduit à la conclusion que ces branches sont fondées, en ce qui concerne tant la décision 2018/141 que la décision 2019/135. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner la première branche du deuxième moyen ni les premier et troisième moyens ou de vérifier, d’office, à la lumière des principes exposés aux points 83 à 106 ci-dessus, si l’obligation de motivation a été respectée en ce qui concerne ces décisions, il y a lieu d’annuler celles-ci en tant qu’elles concernent le requérant.

    160

    Il convient, à présent, d’examiner la demande du Conseil tendant au maintien des effets des décisions attaquées, à tout le moins en tant que cette demande concerne les décisions 2018/141 et 2019/135, ladite demande étant, par ailleurs, sans objet en ce qui concerne la décision 2020/117, puisque le Tribunal a constaté au point 76 ci-dessus qu’il y avait lieu de rejeter le recours en tant qu’il était dirigé contre cette dernière décision.

    2. Sur la demande du Conseil tendant à ce que le Tribunal maintienne les effets des décisions attaquées à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit, jusqu’au rejet de celui-ci, en tant que cette demande concerne les décisions 2018/141 et 2019/135

    161

    Le Conseil soutient que, en cas d’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135, l’effet immédiat de celle-ci risquerait de porter une atteinte irréversible à l’efficacité de tout éventuel gel ultérieur des avoirs du requérant en permettant à ce dernier de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union. Il estime en outre qu’il ne peut pas être exclu qu’il soit justifié de procéder à nouveau, à l’avenir, à la désignation du requérant sur la liste litigieuse. Dans la duplique, il soutient qu’il existe un risque d’atteinte à la sécurité juridique, en raison d’une différence entre la date de l’annulation partielle des décisions 2018/141 et 2019/135 et celle de l’annulation partielle du règlement no 101/2011.

    162

    Le requérant s’oppose à ce que le Tribunal limite les effets de l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135 dans le sens demandé par le Conseil. Il fait valoir qu’il conteste le gel de ses avoirs depuis 2011 et qu’il a sollicité une procédure accélérée, eu égard à la durée de celle-ci et à sa situation matérielle précaire. Le maintien des effets desdites décisions, en cas d’annulation, constituerait une atteinte à son droit à être jugé dans un délai raisonnable et une prolongation injustifiée de mesures elles-mêmes sans justification. En outre, il affirme ne pas avoir d’actifs à transférer et ne pas être en mesure de quitter lui-même l’Union.

    163

    À cet égard, la question se pose de savoir si, comme le soutient le Conseil, les conséquences de l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135 sont de nature à porter une atteinte irréversible à l’efficacité d’un éventuel gel ultérieur des avoirs du requérant, dans l’hypothèse où cette institution considérerait comme justifié de procéder à nouveau à une telle mesure.

    164

    Il convient de rappeler que les arrêts par lesquels le Tribunal annule une décision d’une institution ou d’un organe de l’Union produisent, en principe, un effet immédiat, sauf si, sur le fondement de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal décide de maintenir provisoirement les effets de la décision annulée. Ainsi, en l’absence d’application de ces dispositions, la décision annulée est éliminée rétroactivement de l’ordre juridique et est censée n’avoir jamais existé (arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil, T‑133/12, non publié, EU:T:2014:176, point 83).

    165

    Cependant, en l’espèce, seules les décisions 2018/141 et 2019/135 doivent être annulées et, le recours devant être rejeté en tant qu’il vise la décision 2020/117 pour les motifs indiqués aux points 68 à 76 ci-dessus, cette dernière restera en vigueur après le prononcé du présent arrêt.

    166

    Or la décision 2020/117 ne s’est pas bornée à proroger l’inscription du requérant sur la liste litigieuse, mais a procédé, comme il est indiqué au point 14 ci-dessus, au remplacement de l’annexe de la décision 2011/72, et donc, notamment, de ladite liste, par une nouvelle annexe. Il y a donc lieu de considérer que l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135 n’aura pas pour effet d’entraîner, avec effet immédiat dès le prononcé de l’arrêt, la suppression du nom du requérant de la liste des personnes et entités figurant à l’article 1er de la décision 2011/72, insérée dans la partie A de cette nouvelle annexe.

    167

    Certes, au regard des motifs du présent arrêt qui constituent le support nécessaire de l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135, énoncés aux points 111 à 158 ci-dessus, à la date de son prononcé, le Conseil doit, conformément à l’article 266 TFUE, prendre les mesures nécessaires pour assurer l’exécution dudit arrêt, c’est-à-dire, en l’espèce, réexaminer l’inscription du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72 à la lumière de ces motifs. Ainsi, le Conseil est susceptible, au terme de ce réexamen, d’abroger cette inscription, dans l’hypothèse où il n’aurait pas déjà remédié aux carences constatées par le Tribunal dans lesdits motifs.

    168

    Toutefois, d’une part, une telle abrogation ne saurait résulter automatiquement du présent arrêt et c’est au Conseil qu’il appartient, le cas échéant, d’y procéder. D’autre part, dans l’hypothèse où il aurait, avant l’adoption de la décision 2020/117, déjà remédié aux carences constatées dans les motifs du présent arrêt, le Conseil pourrait, au terme du même réexamen, décider de maintenir le requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72. Il est vrai qu’une telle décision, qu’il appartiendrait, au demeurant, au Conseil de communiquer au requérant et de motiver à suffisance de droit, ne constituerait pas un acte purement confirmatif et serait donc attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 155 et jurisprudence citée). Cela étant, ce ne serait que dans le cadre d’un éventuel nouveau recours contre cette décision qu’il pourrait être mis fin à l’inscription du requérant sur ladite liste.

    169

    Il résulte de ce qui précède que le Conseil ne démontre pas que l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135, avec effet immédiat, est susceptible de porter une atteinte irréversible à l’efficacité du gel des avoirs du requérant. Le maintien des effets desdites décisions ne paraît donc pas justifié. Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du Conseil à cet égard.

    Sur les dépens

    170

    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    171

    En l’espèce, le Conseil ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a donc lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

    déclare et arrête :

     

    1)

    La décision (PESC) 2018/141 du Conseil, du 29 janvier 2018, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie, et la décision (PESC) 2019/135 du Conseil, du 28 janvier 2019, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie, sont annulées en tant qu’elles concernent M. Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali.

     

    2)

    Le recours est rejeté pour le surplus.

     

    3)

    Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par M. Ben Ali.

     

    Costeira

    Gratsias

    Kancheva

    Berke

    Perišin

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 octobre 2020.

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    M. van der Woude

    Table des matières

     

    I. Antécédents du litige et cadre factuel

     

    II. Procédure et conclusions des parties

     

    III. En droit

     

    A. Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation des décisions 2019/135 et 2020/117

     

    1. Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision 2019/135

     

    2. Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision 2020/117

     

    B. Sur le fond

     

    1. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs « manifestes » d’appréciations

     

    a) Considérations liminaires

     

    b) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur d’appréciation du Conseil relative au respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable

     

    c) Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de vérifications supplémentaires opérées par le Conseil

     

    2. Sur la demande du Conseil tendant à ce que le Tribunal maintienne les effets des décisions attaquées à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit, jusqu’au rejet de celui-ci, en tant que cette demande concerne les décisions 2018/141 et 2019/135

     

    Sur les dépens


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

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