Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62018CC0314

    Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 16 mai 2019.
    SF.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Amsterdam.
    Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 5, point 3 – Remise subordonnée à la condition que la personne concernée soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission – Moment du renvoi – Décision-cadre 2008/909/JAI – Article 3, paragraphe 3 – Champ d’application – Article 8 – Adaptation de la condamnation prononcée dans l’État membre d’émission – Article 25 – Exécution d’une condamnation dans le cadre de l’article 5, point 3, de la décision‑cadre 2002/584/JAI.
    Affaire C-314/18.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:427

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PRIIT PIKAMÄE

    présentées le 16 mai 2019 ( 1 )

    Affaire C‑314/18

    Openbaar Ministerie

    contre

    SF

    [demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas)]

    « Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décisions-cadres 2002/584/JAI et 2008/909/JAI – Remise d’une personne recherchée à l’État membre d’émission sous garantie de renvoi dans l’État membre d’exécution afin d’y purger une peine ou une mesure privatives de liberté – Moment du renvoi – Peine ou mesure complémentaire »

    I. Introduction

    1.

    La présente demande de renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, et de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 ( 3 ), ainsi que de l’article 1er, sous a) et b), de l’article 3, paragraphes 3 et 4, et de l’article 25, de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne ( 4 ).

    2.

    Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen émis le 3 mars 2017 aux fins de l’exercice de poursuites pénales par un juge de la Canterbury Crown Court (Crown Court de Canterbury, Royaume-Uni), contre SF.

    3.

    L’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 prévoit la possibilité pour l’État membre d’exécution d’un mandat d’arrêt européen de soumettre l’exécution de ce dernier à la formulation par l’État membre d’émission d’une garantie de renvoi dans le premier État membre de la personne qui a été condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté dans le second État membre, en vue d’y purger cette peine. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser la portée de cette garantie de renvoi et de réaffirmer les exigences découlant du principe de reconnaissance mutuelle qui guide la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union.

    II. Le cadre juridique

    A.   Le droit de l’Union

    1. La décision-cadre 2002/584

    4.

    L’article 1er de la décision-cadre 2002/584 prévoit :

    « 1.   Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

    2.   Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

    3.   La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

    5.

    L’article 2, paragraphe 1, de cette décision-cadre énonce :

    « Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois. »

    6.

    Aux termes de l’article 5, point 3, de ladite décision-cadre :

    « L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes :

    [...]

    3)

    lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission. »

    2. La décision-cadre 2008/909

    7.

    L’article 1er, sous a) et b), de la décision-cadre 2008/909, est libellé comme suit :

    « Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :

    a)

    “jugement”, une décision définitive rendue par une juridiction de l’État d’émission prononçant une condamnation à l’encontre d’une personne physique ;

    b)

    “condamnation”, toute peine ou mesure privative de liberté prononcée pour une durée limitée ou illimitée en raison d’une infraction pénale à la suite d’une procédure pénale. »

    8.

    L’article 3, de cette décision-cadre énonce :

    « 1.   La présente décision-cadre vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation.

    2.   La présente décision-cadre s’applique lorsque la personne condamnée se trouve dans l’État d’émission ou dans l’État d’exécution.

    3.   La présente décision-cadre s’applique uniquement à la reconnaissance des jugements et à l’exécution des condamnations au sens de la présente décision-cadre. Le fait que, outre la condamnation, une amende ou une décision de confiscation ait été prononcée et n’ait pas encore été acquittée, recouvrée ou exécutée n’empêche pas la transmission d’un jugement. La reconnaissance et l’exécution de ces amendes et décisions de confiscation dans un autre État membre ont lieu conformément aux instruments applicables entre les États membres, en particulier à la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil[,] du 24 février 2005[,] concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires[ ( 5 )] et à la décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil[,] du 6 octobre 2006[,] relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation[ ( 6 )].

    4.   La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 [TUE]. »

    9.

    Selon l’article 8 de ladite décision-cadre :

    « 1.   L’autorité compétente de l’État d’exécution reconnaît le jugement qui lui a été transmis conformément à l’article 4 et à la procédure décrite à l’article 5, et prend sans délai toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la condamnation, sauf si elle décide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance et de non-exécution prévus à l’article 9.

    2.   Si la durée de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution ne peut décider d’adapter cette condamnation que lorsqu’elle est supérieure à la peine maximale prévue par son droit national pour des infractions de même nature. La durée de la condamnation adaptée ne peut pas être inférieure à celle de la peine maximale prévue par le droit de l’État d’exécution pour des infractions de même nature.

    3.   Si la nature de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution peut adapter cette condamnation à la peine ou mesure prévue par son propre droit pour des délits similaires. Cette peine ou mesure doit correspondre autant que possible à la condamnation prononcée dans l’État d’émission et dès lors, la condamnation ne peut pas être commuée en une sanction pécuniaire.

    4.   La condamnation adaptée n’aggrave pas la condamnation prononcée dans l’État d’émission en ce qui concerne sa nature ou sa durée. »

    10.

    L’article 25 de la même décision-cadre dispose :

    « Sans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. »

    B.   Le droit néerlandais

    11.

    L’Overleveringswet (loi relative à la remise) ( 7 ), du 29 avril 2004, met en œuvre la décision-cadre 2002/584. Son article 6, paragraphe 1, se lit comme suit :

    « La remise d’un ressortissant néerlandais peut être autorisée pour autant que cette demande est adressée pour les besoins d’une enquête pénale dirigée contre lui et que l’autorité judiciaire d’exécution estime qu’il est garanti que, si, pour les faits pour lesquels la remise peut être autorisée dans l’État membre d’exécution, il est condamné à une peine privative de liberté définitive, il pourra subir cette peine aux Pays-Bas. »

    12.

    L’article 28, paragraphe 2, de l’OLW prévoit :

    « Si le rechtbank [tribunal] constate [...] que la remise ne peut pas être autorisée [...], il lui appartient de refuser cette remise dans sa décision. »

    13.

    La Wet wederzijdse erkenning en tenuitvoerlegging vrijheidsbenemende en voorwaardelijke sancties (loi sur la reconnaissance et l’exécution mutuelles de condamnations à des sanctions privatives de liberté assorties ou non d’un sursis) ( 8 ), du 12 juillet 2012, met en œuvre la décision-cadre 2008/909. Son article 2:2, intitulé « autorité compétente », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Le ministre est compétent pour reconnaître une décision de justice transmise par l’un des États membres d’émission, aux fins de son exécution aux Pays-Bas. »

    14.

    L’article 2:11 de la WETS, intitulé « rôle du juge ; adaptation de la condamnation », énonce :

    « 1.   Le ministre transmet la décision judiciaire et le certificat à l’avocat général du parquet près la cour d’appel, à moins qu’il considère d’emblée qu’il existe des motifs de refus de la reconnaissance de la décision de justice.

    2.   L’avocat général présente immédiatement la décision judiciaire à la chambre spécialisée du Gerechtshof Arnhem-Leeuwarden [cour d’appel d’Arnhem-Leuvarde, Pays-Bas] [...]

    3.   La chambre spécialisée du Gerechtshof [cour d’appel] décide :

    [...]

    c.

    quelle est l’adaptation de la sanction privative de liberté prononcée à laquelle donne lieu le [paragraphe 4, 5 ou 6].

    4.   Si la durée de la sanction privative de liberté prononcée est supérieure à la durée maximale de la peine encourue en droit néerlandais pour l’infraction concernée, la durée de la sanction privative de liberté est réduite à cette durée maximale.

    5.   Lorsque la personne condamnée est remise contre une garantie de renvoi au sens de l’article 6, paragraphe 1, de l’[OLW], le paragraphe 4 n’est pas applicable, mais il convient alors de déterminer si la sanction privative de liberté infligée correspond à la condamnation qui aurait été prononcée aux Pays-Bas pour l’infraction concernée. Le cas échéant, la condamnation est adaptée en conséquence, compte tenu des avis émis dans l’État membre d’émission concernant la gravité de l’infraction commise. »

    III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

    15.

    Le 3 mars 2017, un juge de la Canterbury Crown Court (Crown Court de Canterbury) a émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de SF, un ressortissant néerlandais, tendant à la remise de ce dernier à des fins de poursuites pénales en ce qui concerne deux infractions, à savoir la conspiration en vue d’importer au Royaume-Uni, d’une part, 4 kg d’héroïne et, d’autre part, 14 kg de cocaïne.

    16.

    Le 30 mars 2017, l’officier van justitie (ministère public, Pays-Bas) a demandé à l’autorité judiciaire d’émission de fournir la garantie visée à l’article 6, paragraphe 1, de l’OLW, transposant l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    17.

    La lettre du 20 avril 2017 du Home Office (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) indique ce qui suit :

    « [...]

    Le Royaume-Uni s’engage à ce que, si une peine privative de liberté est prononcée contre SF au Royaume-Uni, il sera, conformément à la section 153C de l’Extradition Act 2003 (loi de 2003 sur l’extradition), renvoyé aux Pays-Bas dès que cela est raisonnablement possible après la fin de la procédure pénale au Royaume-Uni et de toute autre procédure concernant l’infraction pour laquelle la remise est demandée.

    Les informations détaillées relatives à la peine éventuelle prononcée contre SF seront communiquées lorsqu’il sera renvoyé aux Pays-Bas. Nous considérons qu’une remise au titre de la décision-cadre [2002/584] n’autorise pas les Pays-Bas à modifier la durée de la peine qui sera éventuellement prononcée par une juridiction britannique. »

    18.

    Après qu’il lui a été demandé de préciser les procédures qui relèvent de l’expression « toute autre procédure » au sens de la section 153C(4) de la loi de 2003 sur l’extradition, le ministère de l’Intérieur a répondu ce qui suit dans un courrier électronique du 19 février 2018 :

    « Je suis en mesure de vous indiquer que l’expression “autre procédure” est susceptible d’inclure :

    a)

    l’examen d’une mesure de confiscation ;

    b)

    la procédure visant à déterminer la durée de la peine d’emprisonnement qui devra être exécutée à défaut du paiement de la sanction pécuniaire éventuelle ;

    c)

    l’épuisement des voies de recours éventuelles ; et

    d)

    l’expiration de tout délai de paiement d’une décision de confiscation ou d’une sanction pécuniaire. »

    19.

    La juridiction de renvoi précise que le passage « [n]ous considérons qu’une remise au titre de la décision-cadre [2002/584] n’autorise pas les Pays-Bas à modifier la durée de la peine qui sera éventuellement prononcée par une juridiction britannique » est lié à la circonstance que la demande de l’Openbaar Ministerie (ministère public, Pays-Bas) d’accorder une garantie dans des affaires antérieures similaires incluait l’observation selon laquelle le Royaume des Pays-Bas peut adapter aux dispositions nationales la peine ou la mesure privatives de liberté, conformément à l’article 2:11, paragraphe 5, de la WETS.

    20.

    Selon la juridiction de renvoi, la garantie fournie par l’État membre d’émission, telle qu’elle a été formulée par ce dernier, soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec plusieurs dispositions des décisions-cadres 2002/584 et 2008/909. Or, s’il s’avérait effectivement que cette garantie était incompatible avec ces décisions-cadres, la remise de SF devrait être refusée.

    21.

    Le premier volet de ces interrogations concerne le moment auquel l’État membre d’émission doit mettre en œuvre la garantie de renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté, telle qu’elle est prévue à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584. Plus particulièrement, se pose le problème de savoir si l’État membre d’émission peut, après que la condamnation à une peine ou à une mesure privatives de liberté est devenue définitive, attendre de renvoyer la personne concernée vers l’État membre d’exécution jusqu’à ce que toute autre procédure concernant l’infraction pour laquelle la remise a été demandée, telle qu’une procédure de confiscation, soit définitivement clôturée.

    22.

    La juridiction de renvoi observe, à cet égard, que, si l’objectif de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté milite en faveur d’un renvoi de cette personne dans l’État membre d’exécution dès que cette condamnation est devenue définitive, sans attendre l’issue d’autres procédures concernant l’infraction sur le fondement de laquelle la remise a été demandée, il existe cependant des arguments en faveur de l’interprétation inverse, tels que l’efficacité de la lutte contre la criminalité et la protection des droits de la défense de la personne concernée.

    23.

    Le second volet des interrogations soulevées par la juridiction de renvoi a pour origine la mention, figurant dans la formulation de la garantie de renvoi faite par l’État membre d’émission, selon laquelle « une remise au titre de la décision-cadre [2002/584] n’autorise pas les Pays-Bas à modifier la durée de la peine qui sera éventuellement prononcée par une juridiction britannique ».

    24.

    Selon la juridiction de renvoi, cette mention conduit à s’interroger sur le point de savoir si l’État membre d’exécution, après qu’il a procédé à la remise de la personne demandée sous condition d’une garantie de renvoi de cette dernière et une fois qu’il est amené à exécuter la condamnation de cette personne à une peine ou à une mesure privatives de liberté, peut procéder à l’adaptation de cette peine et, si oui, dans quelles limites.

    25.

    Dans ces conditions, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 1er, paragraphe 3, et l’article 5, point 3, de la décision-cadre [2002/584] ainsi que l’article 1er, sous a) et b), l’article 3, paragraphes 3 et 4, et l’article 25 de la décision-cadre [2008/909] doivent-ils être interprétés en ce sens que, au cas où l’État membre d’exécution a subordonné la remise demandée, aux fins de poursuite, d’un ressortissant national à la condition, mentionnée à l’article 5, point 3, de la décision-cadre [2002/584], que l’intéressé, après avoir été entendu, soit renvoyé dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission du mandat d’arrêt européen, l’État membre d’émission du mandat d’arrêt européen, en tant qu’État d’émission du jugement rendu, ne doit effectivement renvoyer l’intéressé, après que la condamnation à une peine ou à mesure privatives de liberté est devenue définitive, que dès l’instant où “toute autre procédure concernant l’infraction pour laquelle la remise est demandée”, telle qu’une procédure de confiscation, a été définitivement réglée ?

    2)

    L’article 25 de la décision-cadre [2008/909] doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’il a remis un ressortissant national moyennant la garantie visée à l’article 5, point 3, de la décision-cadre [2002/584], un État membre peut, en tant qu’État d’exécution, lors de la reconnaissance et de l’exécution du jugement rendu à l’encontre de cette personne, et ce par dérogation à l’article 8, paragraphe 2, de la décision-cadre [2008/909], examiner si la peine privative de liberté prononcée contre cette personne correspond à la peine qui aurait été infligée dans l’État d’exécution pour l’infraction en cause et, le cas échéant, adapter en conséquence la peine privative de liberté prononcée ? »

    IV. Analyse

    26.

    Avant d’examiner le fond des questions posées par la juridiction de renvoi, il convient de répondre aux arguments formulés par le Royaume des Pays-Bas au soutien de l’irrecevabilité de la présente demande de décision préjudicielle.

    A.   Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    27.

    Le Royaume des Pays-Bas conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle en arguant, en substance, que les réponses aux questions posées ne seraient pas nécessaires pour que la juridiction de renvoi puisse statuer sur l’exécution du mandat d’arrêt européen en cause au principal et en mettant l’accent sur le caractère hypothétique de ces questions.

    28.

    Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, « dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer » ( 9 ).

    29.

    Il s’ensuit que « les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées » ( 10 ).

    30.

    En l’occurrence, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que la situation de l’espèce corresponde à l’une de ces hypothèses. En effet, la juridiction de renvoi doit se prononcer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Pour ce faire, elle est nécessairement amenée à évaluer si la garantie de renvoi, telle qu’elle a été formulée par l’autorité judiciaire d’émission, est conforme à ce que permet l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, de sorte qu’elle pourrait alors donner suite à la demande de remise de SF. Or, pour procéder à cet examen, la juridiction de renvoi a besoin que la Cour lui fournisse des éclaircissements concernant la portée de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584. Il en va de même concernant la portée de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909. Il découle de ce qui précède que la suite à donner par la juridiction de renvoi au mandat d’arrêt européen en cause au principal dépend directement des réponses qui seront fournies par la Cour aux questions posées.

    31.

    J’ajoute que, bien évidemment, à ce stade de la procédure, nul ne sait si SF sera ou non déclaré coupable des infractions qui lui sont reprochées et encore moins quelles peines lui seront, le cas échéant, infligées. De ce point de vue, la dimension hypothétique est inhérente au déroulement normal d’une procédure pénale et à la présomption d’innocence. Il n’en reste pas moins qu’une chose est certaine : la juridiction de renvoi doit se prononcer sur l’exécution du mandat d’arrêt européen en cause au principal et a besoin, pour ce faire, que la Cour lui fournisse des éclaircissements sur la portée de la garantie de renvoi prévue à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, qui conditionne cette exécution.

    32.

    Par conséquent, j’estime que la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

    B.   Sur la première question préjudicielle

    33.

    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la garantie selon laquelle la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites, après avoir été entendue, devra être renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté susceptible d’être prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission signifie qu’un tel renvoi peut être différé jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur une peine ou sur une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation.

    34.

    À titre liminaire, il convient de rappeler que « la décision-cadre 2002/584 a pour objet, ainsi qu’il ressort, en particulier, de son article 1er, paragraphes 1 et 2, lus à la lumière de ses considérants 5 et 7, de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957, par un système de remise entre les autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l’exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle » ( 11 ).

    35.

    La décision-cadre 2002/584 « tend ainsi, par l’instauration d’un nouveau système simplifié et plus efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres » ( 12 ).

    36.

    Ainsi, « conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision-cadre, l’objet du mécanisme du mandat d’arrêt européen est de permettre l’arrestation et la remise d’une personne recherchée afin que, eu égard à l’objectif poursuivi par ladite décision-cadre, l’infraction commise ne demeure pas impunie et que cette personne soit poursuivie ou purge la peine privative de liberté prononcée contre elle » ( 13 ).

    37.

    Dans le domaine régi par la décision-cadre 2002/584, le principe de reconnaissance mutuelle, qui constitue, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 6 de celle-ci, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale, trouve application à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre, qui consacre la règle selon laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de cette même décision-cadre. Les autorités judiciaires d’exécution « ne peuvent donc, en principe, refuser d’exécuter un tel mandat que pour les motifs, exhaustivement énumérés, de non-exécution prévus par la décision-cadre 2002/584 et l’exécution du mandat d’arrêt européen ne saurait être subordonnée qu’à l’une des conditions limitativement prévues à l’article 5 de cette décision-cadre. Par conséquent, alors que l’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte » ( 14 ).

    38.

    La décision-cadre 2002/584 énonce explicitement les motifs de non-exécution obligatoire (article 3) et facultative (articles 4 et 4 bis) du mandat d’arrêt européen, ainsi que les garanties à fournir par l’État membre d’émission dans des cas particuliers (article 5) ( 15 ).

    39.

    Ainsi, « si le principe de reconnaissance mutuelle sous-tend l’économie de la décision-cadre 2002/584, cette reconnaissance n’implique cependant pas une obligation absolue d’exécution du mandat d’arrêt délivré. En effet, le système de ladite décision-cadre [...] laisse la possibilité aux États membres de permettre, dans des situations spécifiques, aux autorités judiciaires compétentes de décider qu’une peine infligée doit être exécutée sur le territoire de l’État membre d’exécution » ( 16 ).

    40.

    Il en est ainsi, en particulier, en vertu de l’article 4, point 6, et de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584. Pour les deux types de mandat d’arrêt européen que vise cette dernière, « ces dispositions ont, notamment, pour but d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée » ( 17 ).

    41.

    En particulier, l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 prévoit que, « lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission ».

    42.

    Cette disposition ne précise cependant pas le moment auquel doit intervenir le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne qui a été condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté dans l’État membre d’émission.

    43.

    Eu égard à cette imprécision, il convient de choisir entre deux thèses.

    44.

    Selon la première thèse, qui est défendue par SF ainsi que par les gouvernements italien et polonais, il y a lieu d’accorder la priorité à l’objectif que poursuit l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, à savoir augmenter les chances de réinsertion sociale de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen à des fins de poursuites pénales. Dans cette optique, l’État membre d’émission devrait garantir à l’État membre d’exécution que la personne faisant l’objet de ce mandat d’arrêt européen sera renvoyée dans ce dernier État membre dès que la condamnation à une peine ou à une mesure privatives de liberté sera devenue définitive, puisque la culpabilité de cette personne sera alors définitivement établie. La circonstance que la condamnation à une peine ou à une mesure privatives de liberté puisse être suivie d’une autre phase de la procédure pénale susceptible de déboucher sur une peine ou sur une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, serait, à cet égard, indifférente. En effet, il serait contraire à l’objectif visant à favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées de retarder le renvoi d’une personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive à une peine ou à une mesure privatives de liberté dans l’attente de l’adoption éventuelle, et ce dans un délai indéterminé, d’une peine ou d’une mesure complémentaire. L’exécution de la peine ou de la mesure privatives de liberté dans l’État membre de nationalité ou de résidence de la personne condamnée, que vise l’article 5, point 3, de cette décision-cadre, ne pourrait pas dépendre de cet aléa résultant des particularités de la procédure pénale de l’État membre d’émission.

    45.

    En revanche, selon la seconde thèse, qui est soutenue, avec certaines nuances entre les parties, par le ministère public, par les gouvernements néerlandais, autrichien et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission européenne, l’effectivité des poursuites pénales et la protection des droits procéduraux de la personne poursuivie impliqueraient que le renvoi de cette personne dans l’État membre d’exécution ne devrait intervenir qu’à partir du moment où les autres phases de la procédure pénale susceptibles de déboucher sur le prononcé d’une peine ou d’une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, sont définitivement clôturées.

    46.

    C’est cette seconde thèse qui emporte mon adhésion. J’y ajouterai cependant certaines précisions destinées à garantir que l’objectif de faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées ne soit pas réduit à néant en raison de particularités ou de la longueur excessive de la procédure pénale dans l’État membre d’émission.

    47.

    Comme point de départ de mon analyse, je rappelle qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 qu’un mandat d’arrêt européen peut être émis soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

    48.

    Il résulte de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2002/584 qu’un mandat d’arrêt européen ne peut être émis que pour des infractions qui sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

    49.

    Si un mandat d’arrêt européen à des fins de poursuites pénales ne peut donc être émis que pour des infractions qui sont punies d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, cela ne signifie toutefois pas que de telles poursuites peuvent uniquement déboucher sur le prononcé d’une telle peine ou d’une telle mesure. En effet, il est fréquent qu’une peine ou une mesure privatives de liberté, qui constitue la peine principale, soit assortie d’une peine ou d’une mesure complémentaire, telle qu’une amende ou une décision de confiscation.

    50.

    C’est sur ce dernier type de peine ou de mesure complémentaire que la juridiction de renvoi met l’accent dans sa demande de décision préjudicielle.

    51.

    Compte tenu du fait que les poursuites pénales dans l’État membre d’émission peuvent ainsi déboucher sur une peine principale et sur une ou plusieurs peines ou mesures complémentaires, et ce dans le cadre d’une procédure pénale qui peut être scindée en plusieurs étapes, se pose la question de savoir quand doit intervenir le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté afin qu’elle y purge cette peine. Je relève, à cet égard, que, faute d’harmonisation suffisante, il existe au sein de l’Union une pluralité de modèles procéduraux, qui se traduit, notamment, par des différences entre les États membres en ce qui concerne le déroulement des procédures pénales.

    52.

    Afin de répondre à cette question, il convient de tenir compte des règles contenues dans la décision-cadre 2008/909. En effet, il découle de l’article 25 de cette décision-cadre que les dispositions de celle-ci s’appliquent en principe dans le cadre du renvoi pour exécution de la peine régi par l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    53.

    L’article 1er, sous a), de la décision-cadre 2008/909 définit le « jugement » comme « une décision définitive rendue par une juridiction de l’État d’émission prononçant une condamnation à l’encontre d’une personne physique » ( 18 ). Aux termes de l’article 1er, sous b), de cette même décision-cadre, la notion de « condamnation » recouvre « toute peine ou mesure privative de liberté prononcée pour une durée limitée ou illimitée en raison d’une infraction pénale à la suite d’une procédure pénale » ( 19 ). Ainsi, l’application de la décision-cadre 2008/909 requiert l’existence d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté ( 20 ).

    54.

    Il en découle que le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté, qui est prévu à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, ne peut intervenir qu’à partir du moment où cette condamnation est devenue définitive, conformément à l’article 1er, sous a) et b), de la décision-cadre 2008/909.

    55.

    Cela signifie-t-il pour autant que le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne qui a été condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté dans l’État membre d’émission doit toujours intervenir immédiatement après que cette condamnation a acquis un caractère définitif ?

    56.

    Je ne le pense pas.

    57.

    En effet, j’estime que l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 permet à l’État membre d’émission de prévoir que le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne qui lui a été remise ne pourra être effectué qu’à partir du moment où il aura été définitivement statué sur les peines ou sur les mesures complémentaires concernant l’infraction sur le fondement de laquelle le mandat d’arrêt européen a été émis.

    58.

    Autrement dit, si l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 permet à l’autorité judiciaire d’exécution de subordonner l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à une condition de renvoi de la personne concernée, cette disposition n’autorise en revanche pas cette autorité à exiger que ce renvoi intervienne immédiatement après la condamnation définitive de cette personne à une peine ou à une mesure privatives de liberté. Ainsi, l’absence d’une garantie de renvoi immédiat ne constitue pas une situation dans laquelle il devrait être possible pour l’autorité judiciaire d’exécution de refuser de remettre une personne relevant du champ d’application de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    59.

    Je fonde cette opinion sur la considération principale selon laquelle, si l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 doit bien entendu être interprété de façon à ce que son objectif principal, à savoir favoriser les chances de réinsertion sociale de la personne condamnée, soit atteint, il est également important d’adopter une interprétation qui permette de concilier cet objectif avec ceux consistant, d’une part, à garantir une répression complète et efficace de l’infraction sur le fondement de laquelle le mandat d’arrêt européen a été émis et, d’autre part, à assurer la protection des droits procéduraux de cette personne. Je rappelle également que la décision-cadre 2002/584 poursuit l’objectif primordial de lutte contre l’impunité ( 21 ).

    60.

    Au soutien de cette opinion, je soulignerai les éléments suivants.

    61.

    Premièrement, par analogie avec ce que la Cour a jugé à propos de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, il y a lieu de relever que les États membres disposent d’une marge d’appréciation certaine lorsqu’ils mettent en œuvre l’article 5, point 3, de cette décision-cadre ( 22 ). Par ailleurs, il convient de souligner que, si la garantie de renvoi prévue à cette dernière disposition a notamment pour but de permettre d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée, un tel but, pour important qu’il soit, ne saurait exclure que les États membres, lors de la mise en œuvre de la décision-cadre 2002/584, limitent, dans le sens indiqué par la règle essentielle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, les situations dans lesquelles il devrait être possible de refuser de remettre une personne relevant du champ d’application de l’article 5, point 3, de ladite décision-cadre ( 23 ). L’objectif de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée ne revêt donc pas un caractère absolu et peut être mis en balance avec d’autres exigences.

    62.

    Deuxièmement, il importe de préciser qu’une peine ou une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, joue un rôle essentiel dans la répression d’infractions, à l’instar de celles en cause au principal, sur le fondement desquelles le mandat d’arrêt européen a été émis ( 24 ).

    63.

    Ainsi qu’il ressort du considérant 1 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne ( 25 ), « [l]a criminalité organisée transfrontière, y compris les organisations criminelles de type mafieux, poursuit essentiellement des fins lucratives ». C’est pourquoi « la prévention de la criminalité organisée et la lutte contre celle-ci devraient, pour être efficaces, passer par la neutralisation des produits du crime et devraient s’étendre, dans certains cas, à tous les biens provenant d’activités à caractère criminel ».

    64.

    Au considérant 3 de cette directive, le législateur de l’Union souligne que, « [p]armi les méthodes les plus efficaces de lutte contre la criminalité organisée figurent le fait d’assortir de conséquences juridiques graves la commission d’un tel crime, ainsi qu’une détection efficace, et le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime » ( 26 ).

    65.

    Au vu de l’importance des décisions de confiscation pour lutter contre la criminalité, il convient de retenir une interprétation qui permette l’adoption sans entraves de telles décisions, y compris postérieurement à une condamnation définitive de la personne poursuivie à une peine ou à une mesure privatives de liberté. Cela suppose que cette personne se tienne à la disposition des autorités compétentes de l’État membre d’émission, tant dans le cadre de l’enquête visant à identifier les avantages patrimoniaux que cette personne a tirés de l’infraction et à évaluer l’ampleur de ces avantages que pendant le procès pouvant conduire au prononcé d’une décision de confiscation. En d’autres termes, une bonne administration de la justice en vue d’une répression efficace et complète du comportement répréhensible qui est à l’origine du mandat d’arrêt européen requiert la présence de la personne poursuivie jusqu’à la clôture définitive de cette phase procédurale qui fait partie intégrante des poursuites pénales. Il est, en effet, primordial que les autorités compétentes de l’État membre d’émission ne se trouvent pas confrontées à des problèmes de preuve ou d’ordre pratique liés à l’absence de la personne concernée, qui pourraient faire obstacle au prononcé d’une décision de confiscation.

    66.

    Troisièmement, la présence de la personne poursuivie dans le cadre du procès pouvant mener à une décision de confiscation constitue une garantie procédurale essentielle pour cette personne.

    67.

    Je relève, à cet égard, que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE] » ( 27 ). Dans la mesure où une décision de confiscation est de nature à porter sensiblement atteinte aux droits des personnes poursuivies ( 28 ) et où cette décision fait partie de la procédure pénale en vue de la fixation de la peine, il importe d’assurer la protection des droits procéduraux dont ces personnes bénéficient, parmi lesquels figure le droit de l’accusé de comparaître en personne à son procès, qui est inclus dans le droit à un procès équitable.

    68.

    Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek ( 29 ), « il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les garanties de l’article 6 de la CEDH trouvent à s’appliquer non seulement à la déclaration de culpabilité, mais également à la détermination de la peine (voir, en ce sens, Cour EDH, 28 novembre 2013, Dementyev c. Russie, CE:ECHR:2013:1128JUD004309505, § 23). Ainsi, le respect du caractère équitable du procès implique le droit, pour l’intéressé, d’assister aux débats en raison des conséquences importantes que ceux-ci peuvent avoir sur le quantum de la peine qui viendra à lui être infligée (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 septembre 1993, Kremzov c. Autriche, CE:ECHR:1993 :0921JUD001235086, § 67) » ( 30 ). En tant qu’elle fait partie de la détermination de la peine, la procédure pénale qui est menée en vue du prononcé éventuel d’une décision de confiscation doit respecter ce droit procédural de l’accusé ( 31 ).

    69.

    Au vu de ces éléments, l’État membre d’émission est fondé, à mon avis, à fournir, en vertu de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, une garantie prévoyant que le renvoi de la personne concernée n’aura lieu qu’à partir du moment où il aura été définitivement statué sur une peine ou sur une mesure complémentaire telle qu’une décision de confiscation.

    70.

    Il s’ensuit que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen en arguant qu’une telle garantie est contraire à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    71.

    Afin de bien cerner la portée de la solution que je propose, j’insiste toutefois sur les éléments suivants.

    72.

    En premier lieu, il est clair que la phase de la procédure pénale pouvant conduire au prononcé d’une peine ou d’une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, doit concerner la même infraction que celle qui est à l’origine de l’émission d’un mandat d’arrêt européen à des fins de poursuites pénales.

    73.

    En deuxième lieu, la fixation d’une peine ou d’une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, doit s’inscrire dans le cadre des poursuites pénales en vue desquelles le mandat d’arrêt européen a été émis. En particulier, il doit s’agir d’une décision de confiscation prononcée dans le cadre d’une procédure en matière pénale et non pas dans le cadre de procédures en matière civile ou administrative.

    74.

    En troisième lieu, il importe de souligner que l’interprétation de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 que je suggère ne doit cependant pas conduire à ce que, en raison des particularités des procédures pénales des États membres, il soit fait échec à l’objectif que poursuit cette disposition, de même que la décision-cadre 2008/909 ( 32 ), à savoir faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée. Cet objectif ne saurait, par conséquent, être ignoré par les autorités compétentes de l’État membre d’émission après que la personne visée par le mandat d’arrêt européen a été remise. Il importe, à ce sujet, de souligner que la Cour a déjà jugé que « la réinsertion sociale du citoyen de l’Union dans l’État où il est véritablement intégré est dans l’intérêt non seulement de ce dernier, mais également de l’Union [...] en général » ( 33 ). Dès lors, si j’admets, pour les raisons précédemment indiquées, que le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne condamnée à une peine ou à une mesure privatives de liberté puisse être reporté jusqu’à ce qu’une peine ou une mesure complémentaire telle qu’une décision de confiscation soit définitivement fixée, un tel report ne saurait excéder une durée raisonnable.

    75.

    Il ne faut, en effet, pas oublier que, à partir du moment où la condamnation à une peine ou à une mesure privatives de liberté est devenue définitive, toute continuation de la détention de la personne condamnée dans l’État membre d’émission fait partie de l’exécution de cette peine. Eu égard à la finalité de l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, l’exécution de ladite peine dans l’État membre d’émission n’est acceptable que durant un court délai. Lorsqu’un mandat d’arrêt européen à des fins de poursuites est exécuté sous réserve de la garantie de renvoi prévue à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, les autorités compétentes de l’État membre d’émission doivent dès lors faire tout ce qui relève de leur compétence pour que le délai qui sépare la condamnation définitive à une peine ou à une mesure privatives de liberté et la détermination de peines ou de mesures complémentaires, telles qu’une décision de confiscation, soit aussi réduit que possible, de manière à accélérer le renvoi de la personne condamnée dans l’État membre d’exécution. Dans cette perspective, ces autorités devraient privilégier, lorsque leur droit national le permet, la fixation d’une peine ou d’une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, de façon concomitante avec le prononcé de la peine principale privative de liberté, de sorte que le renvoi dans l’État membre d’exécution de la personne condamnée définitivement à de telles peines pourrait alors intervenir plus rapidement.

    76.

    En quatrième lieu, et en tout état de cause, ce renvoi ne saurait être différé dans l’attente qu’une peine ou une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, ait été exécutée. L’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/909 est clair à cet égard, dans la mesure où il dispose, notamment, que « [l]e fait que, outre la condamnation, une amende ou une décision de confiscation ait été prononcée et n’ait pas encore été acquittée, recouvrée ou exécutée n’empêche pas la transmission d’un jugement ». Par ailleurs, il résulte de cette disposition que la reconnaissance et l’exécution des amendes et des décisions de confiscation dans un autre État membre obéissent à des régimes particuliers en droit de l’Union.

    77.

    Dès lors, je considère que la précision fournie par le Royaume-Uni, selon laquelle l’expression « autre procédure » est susceptible d’inclure « l’expiration de tout délai de paiement d’une décision de confiscation ou d’une sanction pécuniaire » ( 34 ), n’est pas conforme à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584. En effet, si le renvoi peut, à mon avis, être différé jusqu’au prononcé d’une décision de confiscation, il est, en revanche, exclu d’étendre la durée de ce report à la phase d’exécution d’une telle décision. Le Royaume-Uni devrait donc, sur ce point, revoir la formulation de la garantie de renvoi, faute de quoi l’autorité judiciaire d’exécution serait fondée, selon moi, à considérer que celle-ci n’est pas conforme à ce que permet l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    78.

    Il résulte des développements qui précèdent que, selon moi, l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la garantie selon laquelle la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites, après avoir été entendue, devra être renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté susceptible d’être prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission, signifie qu’un tel renvoi peut être différé jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur une peine ou sur une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, à condition que celle-ci soit prononcée dans le cadre d’une procédure pénale et que cette phase procédurale concerne la même infraction que celle qui est à l’origine du mandat d’arrêt européen en cause. Eu égard à l’objectif poursuivi par cette disposition, à savoir faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées, les autorités compétentes de l’État membre d’émission doivent cependant faire tout ce qui relève de leur compétence pour qu’un tel renvoi ait lieu dans un délai aussi court que possible.

    C.   Sur la seconde question préjudicielle

    79.

    Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 doit être interprété en ce sens que l’État membre d’exécution, après qu’il a procédé à la remise de la personne demandée sous condition d’une garantie de renvoi de cette dernière et une fois qu’il est amené à exécuter la condamnation de ladite personne à une peine ou à une mesure privatives de liberté, peut procéder à l’adaptation de cette peine de façon à la faire correspondre à la peine qui aurait été infligée dans cet État membre pour l’infraction en cause.

    80.

    Cette question trouve son origine dans la conception défendue par le Royaume des Pays-Bas, qui me paraît aller à l’encontre du principe de territorialité du droit pénal, selon laquelle les condamnations pénales étrangères prononcées contre des ressortissants néerlandais qui ont été remis à un autre État membre sous condition d’une garantie de renvoi doivent être converties en une condamnation habituellement applicable aux Pays-Bas pour une infraction similaire. Cette conception repose sur la volonté du Royaume des Pays-Bas d’assurer une égalité de traitement entre de tels ressortissants et les ressortissants néerlandais qui sont jugés dans cet État membre.

    81.

    Ladite conception s’exprime à l’article 2:11, paragraphe 5, de la WETS, dont il résulte que l’article 2:11, paragraphe 4, de cette loi, qui transpose l’article 8, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909, ne s’applique pas lorsque l’intéressé a été remis par le Royaume des Pays-Bas moyennant la garantie visée à l’article 6, paragraphe 1, de l’OLW, qui transpose l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584. L’article 2:11, paragraphe 5, de la WETS prévoit à la place qu’il « convient alors de déterminer si la sanction privative de liberté infligée correspond à la condamnation qui aurait été prononcée aux Pays‑Bas pour l’infraction concernée » et que, « [l]e cas échéant, la condamnation est adaptée en conséquence, compte tenu des avis émis dans l’État membre d’émission concernant la gravité de l’infraction commise ».

    82.

    Selon le Royaume des Pays-Bas, l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 autorise, dans le cas de figure d’une personne remise moyennant une garantie de renvoi, une adaptation de la peine au-delà de ce que prévoit l’article 8, paragraphe 2, de cette décision-cadre.

    83.

    Je ne partage pas cette lecture de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909, lequel ne contient, à mon avis, aucune base juridique au soutien d’une telle pratique.

    84.

    Je rappelle qu’il découle de cet article que les dispositions de la décision-cadre 2008/909 s’appliquent en principe dans le cadre du renvoi pour exécution de la peine régi par l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584.

    85.

    Or, la décision-cadre 2008/909 pose une obligation de reconnaissance du jugement prononcé dans un autre État membre et d’exécution de la condamnation qui figure dans ce jugement. Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov ( 35 ), « l’article 8 de cette même décision-cadre instaure des conditions strictes pour l’adaptation, par l’autorité compétente de l’État d’exécution, de la condamnation prononcée dans l’État d’émission, lesquelles constituent ainsi les seules exceptions à l’obligation de principe, qui pèse sur ladite autorité, de reconnaître le jugement qui lui a été transmis et d’exécuter la condamnation dont la durée et la nature correspondent à celles prévues dans le jugement rendu dans cet État d’émission » ( 36 ).

    86.

    Par ailleurs, la Cour a déjà mis l’accent sur le fait que l’autorité judiciaire compétente dans l’État membre d’exécution n’est pas fondée à effectuer un réexamen au fond de l’analyse déjà accomplie dans le cadre de la décision judiciaire adoptée dans l’État membre d’émission. En effet, « un tel réexamen enfreindrait et priverait de tout effet utile le principe de reconnaissance mutuelle, lequel implique qu’il existe une confiance réciproque quant au fait que chacun des États membres accepte l’application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand bien même la mise en œuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente, et ne permet donc pas à l’autorité judiciaire d’exécution de substituer sa propre appréciation sur la responsabilité pénale de la personne [concernée] à celle qui a été déjà effectuée [...] dans l’État membre d’émission » ( 37 ).

    87.

    En outre, comme la Cour l’a précisé dans le contexte d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure privatives de liberté, « [l]e fondement de l’exécution de [cette peine] repose sur le jugement exécutoire prononcé dans l’État membre d’émission » ( 38 ).

    88.

    Je déduis de l’ensemble de ces éléments que ce n’est que dans les conditions strictes posées par l’article 8 de la décision-cadre 2008/909 que la condamnation à une peine ou à une mesure privatives de liberté prononcée dans l’État membre d’émission pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une adaptation dans l’État membre d’exécution. En particulier, eu égard à la différence de durée de la peine ou de la mesure privatives de liberté encourue dans ces deux États membres pour des infractions du type de celles qui sont reprochées à SF ( 39 ), l’article 8, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 semble être la seule disposition susceptible d’ouvrir une possibilité d’adaptation de la peine pouvant être prononcée au Royaume-Uni à l’encontre de SF. Je rappelle que, aux termes de cette disposition, « [s]i la durée de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution ne peut décider d’adapter cette condamnation que lorsqu’elle est supérieure à la peine maximale prévue par son droit national pour des infractions de même nature. La durée de la condamnation adaptée ne peut pas être inférieure à celle de la peine maximale prévue par le droit de l’État d’exécution pour des infractions de même nature ».

    89.

    Il est probable que le Royaume-Uni avait connaissance de ce que le droit néerlandais ouvrait une large possibilité d’adaptation des peines après le renvoi de la personne condamnée et a voulu signifier au Royaume des Pays-Bas son opposition à une adaptation de la peine aussi largement permise en incluant, dans la formulation de la garantie de renvoi, la mention selon laquelle « une remise au titre de la décision-cadre 2002/584 n’autorise pas les Pays-Bas à modifier la durée de la peine qui sera éventuellement prononcée par une juridiction britannique ». Cela étant, il convient de préciser qu’une telle mention ne saurait faire obstacle à ce que le Royaume des Pays-Bas fasse application de la possibilité d’adaptation expressément permise par l’article 8, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909.

    90.

    Il résulte des développements qui précèdent que, selon moi, l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 doit être interprété en ce sens que l’État membre d’exécution, après qu’il a procédé à la remise de la personne demandée sous condition d’une garantie de renvoi de cette dernière et une fois qu’il est amené à exécuter la condamnation de ladite personne à une peine ou à une mesure privatives de liberté, ne peut pas procéder à l’adaptation de cette peine de façon à la faire correspondre à la peine qui aurait été infligée dans cet État membre pour l’infraction en cause. Ce n’est que dans les conditions strictes posées par l’article 8 de la décision-cadre 2008/909 et, en particulier, au vu des circonstances du litige au principal, par le paragraphe 2 de cet article, que la condamnation prononcée dans l’État membre d’émission pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une adaptation dans l’État membre d’exécution.

    V. Conclusion

    91.

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) de la manière suivante :

    1)

    L’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que la garantie selon laquelle la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites, après avoir été entendue, devra être renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté susceptible d’être prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission signifie qu’un tel renvoi peut être différé jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur une peine ou sur une mesure complémentaire, telle qu’une décision de confiscation, à condition que celle-ci soit prononcée dans le cadre d’une procédure pénale et que cette phase procédurale concerne la même infraction que celle qui est à l’origine du mandat d’arrêt européen en cause. Eu égard à l’objectif poursuivi par cette disposition, à savoir faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées, les autorités compétentes de l’État membre d’émission doivent cependant faire tout ce qui relève de leur compétence pour qu’un tel renvoi ait lieu dans un délai aussi court que possible.

    2)

    L’article 25 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que l’État membre d’exécution, après qu’il a procédé à la remise de la personne demandée sous condition d’une garantie de renvoi de cette dernière et une fois qu’il est amené à exécuter la condamnation de ladite personne à une peine ou à une mesure privatives de liberté, ne peut pas procéder à l’adaptation de cette peine de façon à la faire correspondre à la peine qui aurait été infligée dans cet État membre pour l’infraction en cause. Ce n’est que dans les conditions strictes posées par l’article 8 de la décision-cadre 2008/909 et, en particulier, au vu des circonstances du litige au principal, par le paragraphe 2 de cet article, que la condamnation prononcée dans l’État membre d’émission pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une adaptation dans l’État membre d’exécution.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) JO 2002, L 190, p. 1.

    ( 3 ) JO 2009, L 81, p. 24, ci-après la « décision-cadre 2002/584 ».

    ( 4 ) JO 2008, L 327, p. 27.

    ( 5 ) JO 2005, L 76, p. 16.

    ( 6 ) JO 2006, L 328, p. 59.

    ( 7 ) Stb. 2004, no 195, ci-après l’« OLW ».

    ( 8 ) Stb. 2012, no 333, ci-après la « WETS ».

    ( 9 ) Voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, AY (Mandat d’arrêt – Témoin) (C‑268/17, EU:C:2018:602, point 24 et jurisprudence citée).

    ( 10 ) Ibidem (point 25 et jurisprudence citée).

    ( 11 ) Voir, notamment, arrêt du 12 février 2019, TC (C‑492/18 PPU, EU:C:2019:108, point 40 et jurisprudence citée).

    ( 12 ) Ibidem (point 41 et jurisprudence citée).

    ( 13 ) Voir arrêt du 6 décembre 2018, IK (Exécution d’une peine complémentaire) (C‑551/18 PPU, EU:C:2018:991, point 39).

    ( 14 ) Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2018, Sut (C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 28 et jurisprudence citée).

    ( 15 ) Ibidem (point 29 et jurisprudence citée).

    ( 16 ) Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2018, Sut (C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 30 et jurisprudence citée), ainsi que du 21 octobre 2010, B. (C‑306/09, EU:C:2010:626, point 51).

    ( 17 ) Voir, notamment, arrêt du 21 octobre 2010, B. (C‑306/09, EU:C:2010:626, point 52 et jurisprudence citée).

    ( 18 ) Italique ajouté par mes soins.

    ( 19 ) Italique ajouté par mes soins.

    ( 20 ) Voir, à cet égard, arrêt du 25 janvier 2017, van Vemde (C‑582/15, EU:C:2017:37, points 24 et 27).

    ( 21 ) Voir point 36 des présentes conclusions.

    ( 22 ) Voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg (C‑123/08, EU:C:2009:616, point 61).

    ( 23 ) Ibidem (point 62).

    ( 24 ) Je rappelle que le mandat d’arrêt européen en cause au principal a été émis aux fins de poursuites concernant deux infractions, à savoir la conspiration en vue d’importer au Royaume-Uni, d’une part, 4 kg d’héroïne et, d’autre part, 14 kg de cocaïne.

    ( 25 ) JO 2014, L 127, p. 39.

    ( 26 ) Voir, également, considérant 3 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation (JO 2018, L 303, p. 1), aux termes duquel « [l]e gel et la confiscation des instruments et des produits du crime figurent parmi les moyens les plus efficaces de lutte contre la criminalité ».

    ( 27 ) Voir, également, s’agissant de la décision-cadre 2008/909, article 3, paragraphe 4, de celle-ci. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les règles du droit dérivé de l’Union doivent être interprétées et appliquées dans le respect des droits fondamentaux, dont fait partie intégrante le respect des droits de la défense qui dérivent du droit à un procès équitable, consacré aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») [voir, notamment, arrêt du 10 août 2017, Tupikas (C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 60 et jurisprudence citée)].

    ( 28 ) Voir, en ce sens, considérant 33 de la directive 2014/42.

    ( 29 ) C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629.

    ( 30 ) Arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek (C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 87).

    ( 31 ) Il convient également de souligner que la circonstance que la personne à l’encontre de laquelle une décision de confiscation a été prononcée n’a pas comparu en personne au procès qui a abouti à cette décision est susceptible, sous certaines réserves, de constituer ultérieurement un motif de non-reconnaissance et de non-exécution de ladite décision : voir, à cet égard, considérant 32 et article 19, paragraphe 1, sous g), du règlement 2018/1805.

    ( 32 ) Voir article 3, paragraphe 1, de cette décision-cadre.

    ( 33 ) Voir, notamment, arrêt du 17 avril 2018, B et Vomero (C‑316/16 et C‑424/16, EU:C:2018:256, point 75 et jurisprudence citée).

    ( 34 ) Voir point 18 des présentes conclusions.

    ( 35 ) C‑554/14, EU:C:2016:835.

    ( 36 ) Point 36 de cet arrêt.

    ( 37 ) Voir, par analogie, arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski (C‑367/16, EU:C:2018:27, point 52). Voir, également, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov (C‑554/14, EU:C:2016:835, points 46 à 49), ainsi que, concernant la décision-cadre 2006/783, arrêt du 10 janvier 2019, ET (C‑97/18, EU:C:2019:7, point 33).

    ( 38 ) Voir arrêt du 6 décembre 2018, IK (Exécution d’une peine complémentaire) (C‑551/18 PPU, EU:C:2018:991, point 56).

    ( 39 ) À cet égard, il ressort des observations écrites présentées par SF que les faits pour lesquels ce dernier doit être remis [« association en vue d’éluder l’interdiction de l’importation de stupéfiants de la catégorie A, à savoir la diamorphine (héroïne) » et « association en vue d’éluder l’interdiction de l’importation de stupéfiants de la catégorie A, à savoir la cocaïne (chlorhydrate de cocaïne) »] sont l’un et l’autre passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité au Royaume-Uni. Aux Pays-Bas, l’importation de ces substances stupéfiantes est réprimée par l’article 2, sous A, de l’Opiumwet (loi sur l’opium), du 1er octobre 1928 (Stb. 1928, no 167), et est passible, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, de cette loi, d’une peine d’emprisonnement de douze ans au maximum. Par conséquent, le Royaume-Uni prévoit une peine maximale supérieure à celle que les Pays-Bas prévoient pour les mêmes faits.

    Top