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Document 62017TJ0128

    Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 14 décembre 2018.
    Isabel Torné contre Commission européenne.
    Fonction publique – Fonctionnaires – Réforme du statut de 2014 – Congé de convenance personnelle – Engagement concomitant en tant qu’agent temporaire – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Demande de décision anticipée – Acte faisant grief – Finalité des mesures transitoires – Application ratione personae – Entrée en service.
    Affaire T-128/17.

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:969

    ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

    14 décembre 2018 ( *1 )

    [Texte rectifié par ordonnance du 22 janvier 2019]

    « Fonction publique –Fonctionnaires – Réforme du statut de 2014 – Congé de convenance personnelle – Engagement concomitant en tant qu’agent temporaire – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Demande de décision anticipée – Acte faisant grief – Finalité des mesures transitoires – Application ratione personae – Entrée en service »

    Dans l’affaire T‑128/17,

    Isabel Torné, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Algés (Portugal), représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    partie requérante,

    soutenue par

    Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), représentée initialement par Mme S. Manessi, puis par M. P. Martinet, en qualité d’agents, assistés de Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    par

    Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. H. Caniard et S. Drew, en qualité d’agents, assistés de Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    par

    Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), représentée par M. M. Chiodi, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

    par

    Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), représentée par M. S. Dunlop, en qualité d’agent, assisté de Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    par

    Autorité bancaire européenne (ABE), représentée par Mme S. Giordano et M. J. Overett Somnier, en qualité d’agents,

    par

    Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), représentée par MM. A. Lorenzet et N. Vasse, en qualité d’agents, assistés de Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

    et par

    Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), représenté initialement par M. W. Stevens, puis par Mme M. Vitsa, en qualité d’agents, assistés de Me A. Duron, avocat,

    parties intervenantes,

    contre

    Commission européenne, représentée initialement par M. G. Berscheid et Mme A.-C. Simon, puis par M. Berscheid et Mme L. Radu Bouyon, et enfin par MM. Berscheid et B. Mongin, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission portant rejet de la demande de la requérante du 16 décembre 2015 visant à l’adoption d’une décision anticipée fixant la date de son entrée en service au sens des dispositions transitoires de l’annexe XIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre),

    composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, I. S. Forrester et E. Perillo (rapporteur), juges,

    greffier : M. L. Ramette,

    vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 octobre 2018,

    rend le présent

    Arrêt

    Antécédents du litige

    1

    Le 16 avril 2006, la requérante, Mme Isabel Torné, a été nommée fonctionnaire à la Commission européenne au grade A 6, devenu par après AD 6.

    2

    Le 1er février 2012, sur la base des dispositions de l’article 40 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et alors qu’elle était classée au grade AD 8, échelon 1, la requérante a été mise, sur sa demande, en congé, sans rémunération, pour des motifs de convenance personnelle.

    3

    Le même jour, la requérante a été néanmoins engagée par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) en tant qu’agent temporaire, dans le groupe de fonctions AD, au grade 12, échelon 2, par un contrat conclu sur la base de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), tel qu’il était alors en vigueur, pour exercer les fonctions de chef de l’unité « Ressources humaines et services ».

    4

    Presque deux ans plus tard, le statut et le RAA ont été modifiés par le législateur de l’Union européenne (ci-après la « réforme de 2014 »). Le nouvel article 77 du statut, applicable également aux agents temporaires grâce au renvoi opéré par l’article 39, paragraphe 1, du RAA, définit, en son alinéa 2, un nouveau taux d’acquisition annuel de droits à pension, le taux antérieur de 1,9 % passant ainsi au taux, moins favorable, de 1,8 %. L’alinéa 5 suivant de ce même article 39, paragraphe 1, du RAA a établi, en outre, que l’âge de la retraite passerait de 63 à 66 ans.

    5

    Un régime transitoire a également été prévu entre les anciennes et les nouvelles dispositions statutaires. Ainsi, l’article 21, alinéa 2, de l’annexe XIII du statut, relative aux « [m]esures de transition applicables aux fonctionnaires de l’Union » prévoit, d’abord, que le fonctionnaire « entré en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 », continue à acquérir, nonobstant l’entrée en vigueur du nouvel article 77, des droits à pension au taux annuel de 1,9 %.

    6

    En outre, aux termes de l’article 22, paragraphe 1, alinéa 4, de l’annexe XIII du statut, « pour les fonctionnaires âgés de 45 ans ou plus au 1er mai 2014 qui sont entrés en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013, l’âge de la retraite est maintenu à 63 ans ».

    7

    Par ailleurs, ainsi que le précise le considérant 34 du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le [statut] et le [RAA] (JO 2013, L 287, p. 15) et compte tenu du nombre élevé d’agents temporaires au sein des agences et de la nécessité de définir, dans ce secteur particulier, une politique du personnel cohérente, une nouvelle catégorie d’agents temporaires, engagés par les agences, a été instituée par l’article 2, sous f), du RAA (ci-après les « agents des agences »), et un certain nombre de règles spécifiques ont été définies en ce qui concerne cette nouvelle catégorie.

    8

    Par conséquent, le contrat conclu par la requérante avec l’agence Frontex a été converti de plein droit, à partir du 1er janvier 2014, en un contrat d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous f), du RAA, conformément à l’article 6 de l’annexe de ce régime, relative aux mesures transitoires applicables aux agents relevant du régime en question.

    9

    [Tel que rectifié par ordonnance du 22 janvier 2019] Le 1er juin 2015, la requérante a quitté Frontex pour être engagée le même jour par l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), moyennant la conclusion d’un contrat au titre de l’article 2, sous f), du RAA, en tant que chef du département « Corporate services ». L’article 3 dudit contrat stipulait qu’elle continuerait à être classée au grade AD 12, échelon 3, et conserverait son ancienneté dans le grade au 1er février 2012 et dans l’échelon au 1er février 2014. L’article 4 de ce contrat prévoyait que la date d’expiration de ce contrat serait la même que celle fixée par le précédent contrat de la requérante avec Frontex, à savoir le 31 janvier 2017. Conformément à son article 5, le contrat en question a été renouvelé dans les conditions applicables aux agents des agences permettant dès lors à la requérante de poursuivre à présent son activité auprès de l’AESM.

    10

    Par ailleurs, il convient de relever que l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe au RAA, relative aux mesures transitoires applicables aux agents relevant dudit régime, a notamment prévu que les dispositions des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut mentionnées aux points 5 et 6 ci-dessus, à savoir la continuité par rapport au taux annuel d’acquisition (article 21) et la continuité par rapport à l’âge de la retraite (article 22), s’appliquaient par analogie aux agents « en fonction » au 31 décembre 2013.

    Procédure précontentieuse

    11

    Le 16 décembre 2015, la requérante a introduit une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, auprès du directeur de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission, afin d’obtenir une décision de la part de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), fixant de manière anticipée certains éléments de calcul de ses droits à pension (ci-après la « demande du 16 décembre 2015 »). Elle demandait en substance de lui confirmer que, après l’entrée en vigueur de la réforme de 2014, elle continuait à bénéficier, en dépit de son transfert à l’AESM, du taux d’acquisition annuel de droits à pension de 1,9 % et de l’âge de la retraite en vigueur avant le 1er janvier 2014, à savoir 63 ans.

    12

    La demande du 16 décembre 2015 a d’abord fait l’objet d’un rejet implicite, le 16 avril 2016, confirmé, ensuite, par un rejet explicite intervenu, le 29 avril 2016, par une note du chef de l’unité « Pensions » du PMO (ci-après la « note du 29 avril 2016 » ou la « décision attaquée »).

    13

    Dans la note du 29 avril 2016, le chef de l’unité « Pensions » du PMO indiquait, en substance, à la requérante que la décision dont elle sollicitait l’adoption ne pouvait être prise, sur le plan administratif, qu’« au moment de [sa] cessation du service et sur base du statut dans lequel elle [se] trouver[ait] lors de cette cessation ».

    14

    La note du 29 avril 2016 précisait, toutefois, que « les nouvelles règles statutaires [s’appliquaient] lorsqu’il y [avait] une discontinuité dans la carrière d’un agent », que « [l]e changement d’employeur [était] considéré comme constituant une telle discontinuité », que « [c]ela [impliquait] que, pour la période de travail qui [suivait] la conclusion du contrat avec l’AESM, les règles statutaires [existantes] au moment du début du[dit] contrat [étaient] d’application » et que, « [p]our cette période-là, les droits à pension [seraient] déterminés sur base de l’âge [de la retraite] de 66 ans et [du] taux d’acquisition de 1,80 % ».

    15

    Enfin, la note du 29 avril 2016 soulignait également que la requérante « mainten[ait] [ses] droit en vertu de [son] statut de fonctionnaire de la Commission, auquel [elle n’avait] pas mis fin ».

    16

    Le 18 juillet 2016, la requérante a introduit, auprès de l’AHCC, une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre la réponse à la demande du 16 décembre 2015. Par décision du 16 novembre 2016, l’AHCC a rejeté ladite réclamation comme irrecevable, au motif, en substance, que la note du 29 avril 2016 ne constituait pas une décision, mais une simple information basée sur les règles statutaires actuelles.

    Procédure et conclusions des parties

    17

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2017, la requérante a introduit le présent recours.

    18

    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé, conformément à l’article 69, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la suspension de la procédure dans l’attente qu’une décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑769/16, Picard/Commission, ait acquis force de chose jugée. Par décision du 5 avril 2017, la Commission entendue, le président de la troisième chambre a fait droit à cette demande.

    19

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure.

    20

    Par actes déposés au greffe du Tribunal le 15 juin 2017, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), Frontex, l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) l’AESM, l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante.

    21

    Par décision du 18 juillet 2017, les parties principales entendues, le président de la troisième chambre a décidé de reprendre la procédure, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement de procédure.

    22

    Le 1er septembre 2017, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission (voir point 19 ci-dessus).

    23

    Par ordonnance du Tribunal du 5 octobre 2017, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

    24

    Le 20 novembre 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense. Par lettre du 6 décembre 2017, la requérante a renoncé à déposer une réplique.

    25

    Par ordonnance du président de la troisième chambre du 13 décembre 2017, l’ACER, Frontex, eu-LISA, l’AESM, l’ABE, l’AEMF et EASO ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

    26

    Les 26 et 27 janvier 2018, les intervenants ont déposé leurs mémoires en intervention. Par lettre du 12 février 2018, la requérante a renoncé à déposer des observations et, le 15 février 2018, la Commission a déposé ses observations, sur lesdits mémoires.

    27

    Par lettre du 26 février 2018, la requérante a présenté une demande motivée, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, aux fins d’être entendue lors d’une audience de plaidoirie. Le Tribunal a fait droit à cette demande et a ouvert la phase orale de la procédure.

    28

    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2018, l’ABE a informé le Tribunal qu’elle renonçait à participer à l’audience.

    29

    Par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à répondre à une demande écrite. La Commission a déféré à cette demande dans le délai prescrit.

    30

    La requérante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler la décision attaquée ;

    condamner la Commission aux dépens.

    31

    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

    subsidiairement, rejeter le recours comme non fondé ;

    condamner la requérante aux dépens.

    32

    Les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler la décision attaquée ;

    condamner la Commission aux dépens.

    En droit

    Sur la recevabilité

    Arguments des parties

    33

    La Commission soutient que, en l’absence d’un acte faisant grief, le présent recours est manifestement irrecevable.

    34

    À titre liminaire, la Commission rappelle qu’aucune disposition statutaire n’impose expressément à l’institution concernée de fixer de manière anticipée, à l’égard du fonctionnaire qui en fait la demande avant son admission effective à la retraite, certains éléments de calcul du montant de ses droits à pension. Au contraire, le statut ne consacrerait nullement, dans ce domaine, une sorte de principe de certitude quant à la détermination des droits à pension avant la date de la retraite. Ainsi, l’article 40 de l’annexe VIII du statut prévoirait que la liquidation des droits à pension d’un fonctionnaire s’effectue au moment de son admission au bénéfice de la retraite.

    35

    Dès lors, la Commission fait valoir, premièrement, que, en l’espèce, la note du 29 avril 2016 ne constitue pas une décision, c’est-à-dire un acte faisant grief, mais une simple information basée sur les règles statutaires.

    36

    Deuxièmement, la Commission allègue que, au moment de l’introduction de la demande du 16 décembre 2015, l’administration ne connaissait pas l’ensemble des éléments de calcul des futurs droits à pension de la requérante, et continue d’ailleurs, à présent, à ne pas en avoir connaissance. Selon elle, l’information relative à la date d’entrée en service de la requérante ainsi que celle relative à l’âge que celle-ci avait lors de l’entrée en vigueur de la réforme de 2014, lui permet tout au plus d’estimer le montant de ces droits à pension.

    37

    La Commission estime que ce ne sera qu’au moment du départ à la retraite de la requérante que le cadre juridique applicable à celle-ci, incluant éventuellement d’autres règles transitoires entretemps adoptées, sera finalement connu avec certitude et que c’est uniquement dans ces circonstances que l’ensemble de la carrière de celle-ci pourra être prise en considération définitivement, aux fins du calcul du montant de la pension d’ancienneté.

    38

    Selon la Commission, le taux actuel d’acquisition annuel des droits à pension peut, éventuellement, encore varier dans le temps et la requérante peut également acquérir des droits à pension différenciés en fonction de l’évolution de sa carrière, ainsi que le prévoit, par exemple, l’article 77, alinéa 3, du statut, en cas de détachement. Quant à l’âge de la retraite, il ferait l’objet d’une évaluation actuarielle quinquennale afin, précisément, d’assurer l’équilibre du régime des pensions de l’Union, conformément à l’article 83 bis, paragraphe 3, du statut. Le relèvement dans le temps de ce facteur ne pourrait, dès lors, pas être exclu avant le départ à la retraite de la requérante.

    39

    Troisièmement, la Commission soutient que, même à supposer que certains éléments de calcul des droits à pension de la requérante fussent déjà connus au moment de la demande du 16 décembre 2015, le recours est néanmoins irrecevable, car, les droits à pension étant « en cours de formation », leur contenu ne pourrait être fixé par une décision « définitive » que lors du départ à la retraite de celle-ci.

    40

    Enfin, une telle solution serait conforme à celle dégagée dans l’arrêt du 12 février 1992, Pfloeschner/Commission (T‑6/91, EU:T:1992:13, points 26 et 27).

    41

    Lors de l’audience, la Commission a par ailleurs souligné, à cet égard, que l’arrêt du 1er février 1979, Deshormes/Commission (17/78, EU:C:1979:24, point 10), dans lequel la Cour avait admis que la fixation anticipée d’un élément de calcul des droits à pension constituait un acte faisant grief, s’inscrivait dans un contexte particulier qui n’était pas pertinent en l’espèce.

    42

    La requérante, soutenue par les parties intervenantes, estime, en revanche, que la réponse à la demande du 16 décembre 2015, présentée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, est un acte faisant grief, dans la mesure où cette réponse constitue une abstention de prendre une mesure imposée par le statut, au sens de l’article 90, paragraphe 2, de celui-ci. Elle estime également que la note du 29 avril 2016 est, de par le contenu de celle-ci la privant de l’application des dispositions transitoires en cause, un acte lui faisant grief.

    Appréciation du Tribunal

    43

    Il importe en premier lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, « seuls peuvent être considérés comme faisant grief des actes produisant des effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique des intéressés, en modifiant [aussi] de façon caractérisée leur situation juridique » (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 28 et jurisprudence citée).

    44

    En l’occurrence, il est constant que, par rapport à l’objet de la demande du 16 décembre 2015, le chef de l’unité « Pensions » du PMO, dans la note du 29 avril 2016, a clairement pris position sur la modification des éléments de calcul du montant des futurs droits à pension de la requérante, à savoir, d’une part, celui du taux annuel d’acquisition desdits droits et, d’autre part, celui de l’âge de la retraite de cette dernière. Par ailleurs, selon la Commission, ces modifications ont été décidées en raison du changement d’employeur de la requérante, ce changement étant intervenu après l’entrée en vigueur de la réforme de 2014 (voir point 13 ci-dessus). Elle estime donc que c’est en raison dudit changement d’employeur, c’est à dire à la suite d’une modification substantielle du rapport contractuel d’emploi de la requérante, que le PMO a adapté certains facteurs rentrant dans le calcul des droits à pension de cette dernière.

    45

    Or, force est de constater que, de par son contenu, une telle prise de position ne saurait être considérée comme renfermant de simples renseignements relatifs à la portée des dispositions du statut concernant les droits à pension et leur mode de calcul après l’entrée en vigueur de la réforme de 2014.

    46

    En effet, dans la note du 29 avril 2016, le chef de l’unité « Pensions » du PMO précise à la requérante que, à la suite de la conclusion du nouveau contrat avec l’AESM, le 1er juin 2015, c’est bien à cette date qu’il y avait lieu de considérer, aux fins de l’application du régime transitoire prévu dans le cadre de la réforme de 2014, qu’elle est « entrée en service ». Il en découle, concrètement, d’une part, que, en vertu de cette note, l’âge de la retraite de la requérante est désormais porté, à droit constant, à 66 ans (au lieu de 63 ans), et que, d’autre part, le taux d’acquisition annuel de ses droits à pension passe de 1,9 % à 1,8 % à partir de la même date.

    47

    À cet égard, la note du 29 avril 2016 indique également que la fixation de la date de l’entrée en service de la requérante, au sens des dispositions transitoires introduites lors de la réforme de 2014, « implique que pour la période de travail qui suit la conclusion du contrat avec l’AESM [et donc à partir du 1er juin 2015], les règles statutaires applicables [, à la requérante, sont précisément celles en vigueur] au moment du début du contrat » que cette dernière a conclu avec l’AESM (voir point 13 ci-dessus).

    48

    Dès lors, la note du 29 avril 2016 produit des effets juridiques affectant immédiatement et de manière définitive la situation administrative de la requérante en ce que, par cette décision, la Commission l’exclut du bénéfice du régime transitoire instauré par les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, en lui appliquant le taux annuel d’acquisition des droits à pension et l’âge de la retraite tels que modifiés par la réforme de 2014. Par ailleurs, la circonstance qu’une telle décision ne puisse recevoir exécution qu’à l’avenir et que ses effets soient dès lors différés dans le temps est, à cet égard, dénuée de pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 1979, Deshormes/Commission, 17/78, EU:C:1979:24, point 10).

    49

    Ainsi, c’est bien la note du 29 avril 2016, fixant la date d’entrée en service de la requérante, qui lui fait grief et non l’application qui en sera faite dans le cadre du calcul futur des droits à pension de cette dernière, lors de leur liquidation, au moment du départ définitif à la retraite.

    50

    En outre, et à la différence de la situation examinée dans l’arrêt du 12 février 1992, Pfloeschner/Commission (T‑6/91, EU:T:1992:13, point 27), l’AHCC, saisie de la demande du 16 décembre 2015, était tenue, à la suite du changement de rapport contractuel d’emploi de la requérante, de prendre une décision précisant si l’intéressée bénéficiait ou non des dispositions transitoires prévues aux articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, dans la mesure où cette AHCC disposait d’éléments de fait, concernant la situation administrative de la requérante, qui étaient certains et invariables.

    51

    Par conséquent, la date d’entrée en service de la requérante que le PMO a voulu clairement fixer sur la base de sa propre interprétation des dispositions transitoires applicables, et les conséquences qu’une telle fixation a eu par rapport aux conditions administratives qui étaient celles de la requérante avant cette date en tant qu’affiliée au régime de pension de l’Union, sont de nature à affecter immédiatement et directement la situation juridique de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 1979, Deshormes/Commission, 17/78, EU:C:1979:24, points 10 à 17).

    52

    Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, la réponse de la Commission à la demande du 16 décembre 2015 constitue un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

    53

    Dès lors, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée.

    Sur le fond

    Arguments des parties

    54

    La requérante, soutenue par les intervenants, fait valoir, en substance, que la thèse de la Commission selon laquelle, en raison de son changement d’employeur, elle ne bénéficie pas des critères fixés dans les dispositions transitoires prévues par les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut en matière d’acquisition de droits à pension et d’âge légal de la retraite, viole ainsi non seulement ces dispositions, mais également le principe de la continuité d’emploi et de carrière des agents des agences avec les principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et d’égalité de traitement. Selon elle, une telle thèse est aussi contraire aux clauses du contrat qu’elle a conclu avec l’AESM, et aux dispositions générales d’exécution de l’AESM du 25 mars 2015, relatives à l’engagement desdits agents temporaires.

    55

    Par ailleurs, la nouvelle catégorie d’agents temporaires des agences, relevant de l’article 2, sous f), du RAA, aurait été créée par le législateur de l’Union précisément dans le but de répondre aux besoins spécifiques des différentes agences européennes existantes, notamment afin d’assurer l’attractivité des emplois dans le cadre d’un marché des emplois vacants, dit « inter-agences », favorisant ainsi la mobilité des intéressés et garantissant, en même temps, à ces agents, la continuité d’emploi et de carrière dans la mobilité.

    56

    Enfin, la requérante et les intervenants ont souligné, lors de l’audience, que les fonctionnaires, les agents temporaires et les agents contractuels employés par l’Union relevaient tous du même régime de pension uniforme de l’Union. Le champ d’application des dispositions transitoires de l’annexe XIII du statut aurait été clairement défini. Il couvrirait les personnes affiliées et ayant cotisé audit régime avant le 1er janvier 2014. Le changement d’institution, d’organe ou d’agence n’aurait, dès lors, aucune incidence sur cette affiliation.

    57

    La Commission conteste cette argumentation. Tout en admettant que l’article 2, sous f), du RAA a créé une nouvelle catégorie d’agents temporaires dans le but, notamment, de favoriser la mobilité entre les agences, les agents des agences ne constitueraient pas, pour autant, une catégorie autonome d’agents temporaires. Ces agents seraient, en revanche, soumis, comme les autres agents de l’Union, toutes catégories confondues, aux dispositions générales applicables du RAA, sauf dérogations spécifiques. Dès lors, en l’état actuel du droit, le principe de continuité de carrière serait limité en matière de droits à pension et ne s’étendrait pas, automatiquement, aux conditions d’éligibilité à la pension et au calcul de celle-ci. Une telle extension ne saurait, en tout cas, être implicite.

    58

    Selon la Commission, afin de respecter l’objectif de la réduction des dépenses administratives visé tout spécialement par le législateur de l’Union, la réforme de 2004 n’a pas éliminé tout obstacle au « marché inter-agences ». Ainsi, le règlement no 1023/2013 ne contiendrait pas de disposition expresse prévoyant le principe de continuité de carrière des agents des agences pour le calcul des droits à pension.

    59

    La Commission soutient, dès lors, que ni elle, ni les agences, ni les agents concernés ne pourraient, par voie contractuelle ou par voie administrative, suppléer aux objectifs de la réforme de 2014, en se fondant sur une interprétation téléologique de l’article 1er de l’annexe au RAA, ainsi que des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut. En réalité, une telle interprétation aurait pour effet de réduire, voire de bouleverser en partie, les économies budgétaires voulues par le législateur de l’Union, en retardant l’application des nouvelles dispositions de l’article 77 du statut.

    60

    Lors de l’audience, la Commission a soutenu que le statut ne prévoyait pas non plus de principe de continuité en matière de droits à pension. Le considérant 29 du règlement no 1023/2013 se réfèrerait de manière générale à la mise en œuvre progressive des nouvelles règles au moyen de dispositions transitoires. À cet égard, s’agissant des droits à pension, les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, qui instaureraient le critère de l’« entrée en service », seraient d’ailleurs précis et ne comporteraient pas de lacune.

    61

    En outre, en raison de leur double nature de mesures transitoires et de mesures financières, les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut devraient, par conséquent, être interprétés strictement, car ils font exception au principe de l’application immédiate de l’article 77 du statut et régissent l’octroi d’un avantage financier.

    62

    Dans cette perspective, la Commission a également fait valoir, au cours de l’audience, que l’article 28 de l’annexe XIII du statut, qui prévoit qu’une adaptation actuarielle des droits à pension acquis par un agent, dont le contrat est en cours avant le 1er janvier 2014, a lieu lorsque cet agent est nommé fonctionnaire après cette date, prouve que, en l’absence de dispositions spécifiques telles que celle dudit article, les dispositions transitoires doivent être appliquées de façon générale.

    63

    Or, dans le cas spécifique de la requérante, la Commission considère, en premier lieu, que, conformément au principe d’autonomie administrative des institutions européennes consacré à l’article 335 TFUE, notamment dans la gestion de leur personnel, la requérante ne saurait être considérée comme une employée de l’Union, mais seulement à partir de la demande du 16 décembre 2015, comme un agent de l’AESM (arrêt du 21 janvier 2014, Van Asbroeck/Parlement, F‑102/12, EU:F:2014:4, point 29). Autrement dit, les agences de l’Union étant dotées de la personnalité juridique, leurs agents ne pourraient pas avoir pour employeur à la fois une agence et l’Union.

    64

    Par conséquent, la Commission estime que, eu égard au cadre juridique applicable en l’espèce, le changement d’employeur décidé par la requérante a nécessairement entraîné une rupture substantielle de sa relation d’emploi précédente et, partant, une discontinuité dans la carrière de celle-ci. À cet égard, l’article 55 du RAA, qui permet à l’agent concerné de conserver son classement et son ancienneté dans le grade et l’échelon, se distinguerait de l’article 32, alinéa 3, du statut, prévoyant le maintien de l’ancienneté d’échelon dans le cas d’un agent temporaire nommé fonctionnaire dans la même institution, « pour lequel un certain degré de continuité de carrière apparaît logique et naturel ».

    65

    Selon la Commission, le principe de continuité de carrière limité, reconnu par l’article 55 du RAA, ne serait qu’une exception à la règle générale selon laquelle il n’y a pas de continuité de carrière pour les agents temporaires changeant d’institution ou d’agence.

    66

    En second lieu, la jurisprudence confirmerait l’absence de « principe de continuité de service » en ce qui concerne les agents temporaires, un tel principe n’existant, en règle générale, que pour les fonctionnaires et ceci, en vertu du lien statutaire que confère l’acte de nomination à ces derniers. L’article 8 du statut énoncerait en effet, de façon spécifique, que le fonctionnaire transféré dans une autre institution est « réputé avoir accompli sa carrière auprès de l’Union au sein de cette dernière institution ».

    67

    Ainsi, de l’avis de la Commission, s’agissant des agents temporaires, dans l’arrêt du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford (T‑231/14 P, EU:T:2015:639), loin de reconnaître, en cas de changement d’employeur, une continuité de carrière, le juge de l’Union a uniquement constaté la continuité entre plusieurs contrats successifs identiques au sein de la même agence, en application de l’article 8 du RAA qui vise précisément à prévenir l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée. Par ailleurs, il résulterait de l’arrêt du 29 avril 2015, Todorova Androva/Conseil (F‑78/12, EU:F:2015:37, points 51 et 53) que, lorsque le législateur de l’Union ne l’aurait pas explicitement prévu, il n’y aurait aucune continuité administrative dans la carrière d’un agent temporaire devenu fonctionnaire. Quant à l’arrêt du 1er avril 2008, Maruko (C‑267/06, EU:C:2008:179), il confirmerait uniquement que les droits définitivement acquis sous un contrat ne seraient pas affectés par la nouvelle règle et que le principe du lien entre rémunération et pension serait ainsi bien respecté. Enfin, la Commission ajoute que l’arrêt du 5 décembre 2012, Grazyte/Commission (F‑76/11, EU:F:2012:173), confirme que, avant la réforme de 2014, la protection des agents transférés d’une agence vers une autre n’existait pas, et illustre que les dispositions spécifiques relatives aux agents des agences ne suffisent pas à créer une véritable « continuité substantielle » entre les contrats conclus avec différentes agences.

    68

    Enfin, pour ces mêmes raisons, la Commission soutient que l’application des nouvelles règles en matière de taux d’acquisition annuel des droits à pension ainsi que de l’âge de la retraite, ne porte pas atteinte aux droits acquis par la requérante avant son engagement par l’AESM, et ne viole pas non plus les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité (arrêt du 19 juillet 2016, Stips/Commission, F‑131/15, EU:F:2016:154, point 41). Par ailleurs, en l’absence de continuité substantielle entre les emplois de la requérante auprès de Frontex et de l’AESM, la requérante ne subirait aucune discrimination par rapport à des collègues n’ayant pas changé d’agence.

    Appréciation du Tribunal

    69

    Il convient de relever que la requérante, nommée fonctionnaire de la Commission le 16 avril 2006, a été placée en congé de convenance personnelle (ci-après en « CCP ») depuis le 1er juin 2012. À cette même date, elle a été engagée en tant qu’agent temporaire par Frontex, avant de conclure, ensuite, un contrat avec l’AESM, en 2015, c’est-à-dire après l’entrée en application de la réforme de 2014, le 1er janvier 2014 (voir point 9 ci-dessus).

    70

    Par ailleurs, avant d’examiner les arguments des parties, il convient de rappeler le champ d’application ratione temporis et ratione personae des nouvelles dispositions de l’article 77 du statut, notamment à la lumière des règles de droit transitoire établies par l’annexe XIII dudit statut.

    – Champ d’application ratione temporis et rationae personae des nouvelles dispositions de l’article 77 du statut introduites par la réforme de 2014

    71

    Du point de vue temporel, il convient de relever, à titre liminaire, que toute modification législative s’applique, en principe, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la réglementation abrogée, sauf dérogation expresse prévue par le législateur. Il en va autrement pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la réglementation précédente, celle-ci ayant créé des droits acquis (arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 152).

    72

    Dès lors, s’agissant, premièrement, du champ d’application ratione temporis du nouvel article 77 du statut, il y a lieu de relever que, contrairement aux allégations de la requérante (voir point 54 ci-dessus), l’application immédiate de cet article ne saurait être contraire aux principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.

    73

    En effet, le nouvel article 77 du statut n’affecte ni les droits à pension acquis au taux de 1,9 %, au titre des services accomplis avant le 1er janvier 2014, à savoir avant son entrée en vigueur ni les droits des fonctionnaires et agents ayant demandé à être admis au bénéfice de la retraite à l’âge légal de 63 ans et dont la pension a été fixée avant le 1er janvier 2014 (article 24 bis de l’annexe XIII du statut). Seules sont en effet susceptibles de relever du champ d’application des nouvelles règles introduites par le législateur de l’Union dans le cadre de la réforme de 2014 les situations non encore définitivement constituées lors de l’entrée en vigueur de cette réforme, à savoir les droits à pension correspondant aux services accomplis sous l’égide de ces nouvelles règles ainsi que les départs à la retraite après le 1er janvier 2014, en ce qui concerne les fonctionnaires et agents ne bénéficiant pas d’un régime transitoire.

    74

    Deuxièmement, s’agissant du champ d’application ratione personae du nouvel article 77 du statut, il convient de relever que, dans le cadre de la réforme de 2014, le législateur de l’Union a prévu « des dispositions transitoires afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles règles et mesures, sans [cependant] préjudice des droits acquis et des attentes légitimes du personnel en place avant l’entrée en vigueur des présentes modifications du statut », comme l’énonce le considérant 29 du règlement no 1023/2013.

    75

    Ainsi, s’agissant en l’occurrence des modalités de calcul des droits à pension, les articles 21 et 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, applicables par analogie, au cas d’espèce, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe au RAA, précisent que le fonctionnaire entré en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 a droit à un taux annuel d’acquisition des droits à pension de 1,9 % et,s’il est âgé, comme la requérante, de 45 ans ou plus au 1er mai 2014, l’âge légal de sa retraite est maintenu à 63 ans.

    – Sur la notion d’« entrée en service »

    76

    À ce sujet, il convient en premier lieu de relever que ni le statut ni le RAA ne définissent expressément la notion d’entrée en service énoncée par les dispositions transitoires mentionnées aux points 74 et 73 ci-dessus, ce que la Commission a d’ailleurs aussi confirmé au cours de l’audience.

    77

    Cependant, la règlementation applicable en l’espèce contient des indications, voire des critères, suffisamment clairs et précis permettant de définir le contenu de la notion d’entrée en service dans le cadre d’une interprétation systématique de cette réglementation. En particulier, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe au RAA, qui renvoie, en ce qui concerne les autres agents, à une application par analogie des règles prévues à l’annexe XIII du statut, que l’ensemble du personnel de l’Union, sans distinction de la nature de lien d’emploi, statutaire ou contractuel, bénéficie, sous les mêmes conditions, de ces règles transitoires.

    78

    Le législateur de l’Union ayant ainsi expressément institué un régime transitoire uniforme à l’égard des fonctionnaires et des autres agents de l’Union, la notion d’entrée en service doit recevoir une interprétation fondée sur les mêmes principes que la relation d’emploi, qu’elle soit de nature statutaire ou contractuelle, sans préjudice, pour autant, de la prise en considération des règles du statut et du RAA définissant le régime propre à chacune de ces catégories de personnel.

    79

    Plus précisément, conformément à la jurisprudence, la notion d’entrée en service doit être interprétée en tenant compte non seulement des termes dans lesquels elle est formulée, mais également des objectifs poursuivis ainsi que du système mis en place par le statut et le RAA et dans lequel elle s’inscrit (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Todorova Androva/Conseil, F‑78/12, EU:F:2015:37, point 49).

    80

    Il s’ensuit qu’une interprétation stricte des dispositions transitoires pertinentes, dont la nécessité est invoquée à juste titre par la Commission (voir point 61 ci-dessus), en raison du caractère dérogatoire de ces dispositions (arrêt du 17 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑360/11, EU:C:2013:17, point 18) et de leurs implications budgétaires (arrêt du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, EU:T:2005:264, point 48), ne saurait toutefois aller à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union ainsi que du système instauré par le statut et le RAA.

    81

    En l’espèce, les dispositions transitoires en cause concernent le domaine spécifique du régime des pensions de l’Union.

    82

    Or, le régime des pensions de l’Union, tel que prévu par les dispositions pertinentes du titre V, chapitre 3, du statut, ainsi que par l’annexe VIII de ce dernier, est commun aux fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels de l’Union, indépendamment de la nature statutaire ou contractuelle du lien d’emploi.

    83

    [Tel que rectifié par ordonnance du 22 janvier 2019] En particulier, l’article 2 de l’annexe VIII du statut, régissant les « [m]odalités du régime de pensions », prévoit que « [l]a pension d’ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire ». À cet égard, l’article 3 suivant de ladite annexe, précise, en outre, que, sous réserve du versement par l’intéressé des contributions au régime de pension de l’Union prévues au titre de la durée des services concernés « la durée des services accomplis en qualité de fonctionnaire d’une des institutions » ainsi que de « la durée des services en toute autre qualité dans les conditions fixées par le [RAA] », sont pris en compte pour le calcul des annuités.

    84

    Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé que, en l’espèce, la requérante avait cotisé au régime des pensions de l’Union sans interruption depuis son entrée en service d’abord en tant que fonctionnaire, puis en tant qu’agent temporaire recrutée par Frontex en 2012 et, enfin en tant qu’agent temporaire recrutée par l’AESM en 2015.

    85

    Il s’ensuit que, en raison du lien d’emploi statutaire de la requérante avec la Commission toujours existant et, en conséquence, en raison du maintien de son affiliation au régime de pensions de l’Union également pendant la période de son CCP, l’engagement de l’intéressée en qualité d’agent temporaire, par Frontex d’abord en 2012, puis par l’AESM en 2015, ne saurait être considéré, par rapport à son affiliation audit régime de pensions, comme une nouvelle entrée en service, sans préjudice, bien entendu, des éventuelles variations du montant des cotisations liées aux modifications de son traitement de base pour cause de changement de sa position administrative en CCP, par exemple, ou en tant qu’agent temporaire engagé à un grade supérieur à celui détenu en tant que fonctionnaire en CCP.

    86

    À cet égard, dans la réponse mentionnée au point 84 ci-dessus, la Commission a, en effet, également précisé que, conformément à l’article 41 du RAA, le taux de cotisation au régime des pensions de l’Union (qui est un pourcentage du traitement de base) « est le même que l’agent soit fonctionnaire ou agent temporaire ». Dès lors, dans le cas spécifique de la requérante, même si, comme le relève la Commission, « [son] traitement de base a varié significativement puisqu’elle était fonctionnaire de grade AD 8, échelon 1, lorsqu’elle a pris un CCP pour travailler à l’agence Frontex comme agent temporaire de grade AD 12, échelon 2 [et ensuite lorsque] l’agence AESM l’a recrutée au grade de AD 12, échelon 3 », il n’en reste pas moins qu’elle n’a jamais cessé de rester affiliée audit régime de pension et d’y cotiser en raison, précisément, de ces différents traitements de base.

    87

    Dans ces circonstances, la requérante, nonobstant son CCP et ses engagements ultérieurs auprès, d’abord, de FRONTEX à partir de la date dudit CCP et, ensuite, auprès de l’AESM, est restée, sur le plan administratif et notamment sur le plan de son affiliation au régime de pension de l’Union, comme étant un fonctionnaire de la Commission, où elle est entrée « en service » en 2006, devenant ainsi fonctionnaire de l’Union. En effet, aux termes de l’article premier bis du statut, « est fonctionnaire de l’Union au sens du présent statut toute personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution ».

    88

    En outre, il convient de relever que, dans le cadre général du statut et du RAA, l’entrée en service d’une personne auprès de l’Union ne peut que coïncider avec la date à laquelle cette personne commence, sur la base d’un acte de nomination, s’il s’agit comme dans le cas de la requérante, d’un fonctionnaire (voir article premier bis cité ci-dessus), à exercer les fonctions qui lui sont attribuées, et cela jusqu’au moment où un acte administratif, égal et contraire, intervient pour donner lieu à ce que le statut lui-même qualifie, à son chapitre 4, de « cessation définitive des fonctions ».

    89

    S’agissant des fonctionnaires, constituent une telle cessation définitive, par exemple, l’acte de démission (article 48 du statut), le retrait d’emploi (article 50 du statut), le licenciement pour insuffisance professionnelle (article 51 du statut), la décision de mise à la retraite (article 52 du statut), le décès (article 47 du statut). Le CCP, en revanche, n’est pas une position administrative donnant lieu à une « cessation définitive des fonctions ».

    90

    Cela étant, même à supposer que la requérante, tout en étant, à la suite de sa mise en CCP, encore fonctionnaire titulaire de la Commission, ait fait l’objet d’une nouvelle « entrée en service » en raison de son engagement auprès de l’AESM le 1er juin 2015, lorsque la réforme de 2014 était déjà en vigueur, l’incidence de cette nouvelle « entrée en service » ne saurait être appréciée que par rapport au cadre et au but spécifiques des nouvelles dispositions en matière de détermination du taux d’acquisition des droits à pension (1,8 %) et de l’âge de la retraite (66 ans), le but étant que « les nouvelles règles et mesures [en matière de droits à pension] s’appliquent sans préjudice [toutefois] des droits acquis et des attentes légitimes du personnel en place [également au sein des agences] avant l’entrée en vigueur » de la réforme de 2014.

    91

    Ainsi, même si le but des règles transitoires dont il s’agit a, certes, été aussi celui de maitriser les coûts budgétaires afférents aux dépenses administratives de l’Union, ces règles ne sauraient, en tout cas, porter atteinte aux droits acquis et aux attentes légitimes du personnel, toutes catégories confondues, qui se trouve « en place » avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2014 (voir point 74 ci-dessus).

    92

    Dans cette perspective, il échet alors de constater que la requérante, tout en étant en service auprès de l’Union sans interruption de service depuis sa nomination en 2006 en tant que fonctionnaire de la Commission, a obligatoirement maintenu, tout au long de son rapport de service avec l’Union et nonobstant sa position en CCP, son affiliation au régime de pension de l’Union tel que prévue par l’article 83 du statut, et a contribué à ce régime de pensions sur la base de cotisations prélevées sur les traitements mensuels auxquels elle a eu droit, d’abord en tant que fonctionnaire de la Commission et, ensuite, sans solution de continuité, en tant qu’agent de l’Union, à partir de son premier engagement auprès de FRONTEX, le 1er février 2012 et, ensuite, auprès de l’AESM, le 1er juin 2015.

    93

    [Tel que rectifié par ordonnance du 22 janvier 2019] Dans ces circonstances, il convient, par conséquent, de conclure que, aux fins de l’application des mesures transitoires dont il s’agit, la requérante doit être considérée comme étant « entrée en service » auprès de l’Union entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 et, étant restée encore en service après cette dernière date, est en droit de bénéficier des conditions fixées par lesdites dispositions transitoires concernant d’une part, le taux d’acquisition des droits à pension à 1,9 % et, d’autre part, l’âge de la retraite à 63 ans.

    94

    Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu d’accueillir les moyens tirés de la violation des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens.

    Sur les dépens

    95

    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    96

    La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

    97

    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu avec l’article 1, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, les organes et organismes de l’Union qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. Les intervenants supporteront donc leur propres dépens.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre)

    déclare et arrête :

     

    1)

    La décision de la Commission européenne du 16 avril 2016, confirmée par la note de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) du 29 avril 2016, est annulée.

     

    2)

    La Commission supportera ses propres dépens et ceux exposés par Mme Isabel Torné.

     

    3)

    L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) supporteront leurs propres dépens.

     

    Frimodt Nielsen

    Forrester

    Perillo

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2018.

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    S. Gervasoni


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

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