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Document 62017CJ0444

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 19 mars 2019.
Préfet des Pyrénées-Orientales contre Abdelaziz Arib e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France).
Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Contrôle aux frontières, asile et immigration – Règlement (UE) 2016/399 – Article 32 – Réintroduction temporaire par un État membre du contrôle à ses frontières intérieures – Entrée irrégulière d’un ressortissant d’un pays tiers – Assimilation des frontières intérieures aux frontières extérieures – Directive 2008/115/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous a).
Affaire C-444/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:220

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 mars 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Contrôle aux frontières, asile et immigration – Règlement (UE) 2016/399 – Article 32 – Réintroduction temporaire par un État membre du contrôle à ses frontières intérieures – Entrée irrégulière d’un ressortissant d’un pays tiers – Assimilation des frontières intérieures aux frontières extérieures – Directive 2008/115/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous a) »

Dans l’affaire C‑444/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 12 juillet 2017, parvenue à la Cour le 21 juillet 2017, dans la procédure

Préfet des Pyrénées-Orientales

contre

Abdelaziz Arib,

Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier,

Procureur général près la cour d’appel de Montpellier,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, Mme A. Prechal, MM. E. Regan, T. von Danwitz, Mme C. Toader et M. C. Lycourgos (rapporteur), présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby, C. G. Fernlund et C. Vajda, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour le préfet des Pyrénées-Orientales, par Mes F.-H. Briard et S. Bonichot, avocats,

pour le gouvernement français, par Mmes E. de Moustier et E. Armoet ainsi que par M. D. Colas, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. R. Kanitz, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme C. Cattabriga et M. G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 32 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1, ci-après le « code frontières Schengen »), ainsi que de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le préfet des Pyrénées-Orientales (France) à M. Abdelaziz Arib, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier (France) et au procureur général près la cour d’appel de Montpellier (France) au sujet de la prolongation de la rétention administrative de M. Arib, entré irrégulièrement sur le territoire français.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La CAAS

3

La convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « CAAS »), fait partie de l’acquis de Schengen.

4

L’article 26 de la CAAS stipule :

« 1.   Sous réserve des engagements qui découlent de leur adhésion à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, telle qu’amendée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967, les Parties Contractantes s’engagent à introduire dans leur législation nationale les règles suivantes :

a)

si l’entrée sur le territoire d’une des Parties Contractantes est refusée à un étranger, le transporteur qui l’a amené à la frontière extérieure par voie aérienne, maritime ou terrestre est tenu de le reprendre en charge sans délai. À la requête des autorités de surveillance de la frontière, il doit ramener l’étranger dans l’État tiers à partir duquel il a été transporté, dans l’État tiers qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou dans tout autre État tiers où son admission est garantie ;

b)

le transporteur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’étranger transporté par voie aérienne ou maritime est en possession des documents de voyage requis pour l’entrée sur les territoires des Parties Contractantes.

2.   Les Parties Contractantes s’engagent, sous réserve des engagements qui découlent de leur adhésion à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, telle qu’amendée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967 et dans le respect de leur droit constitutionnel, à instaurer des sanctions à l’encontre des transporteurs qui acheminent par voie aérienne ou maritime d’un État tiers vers leur territoire, des étrangers qui ne sont pas en possession des documents de voyage requis.

3.   Les dispositions du paragraphe 1, point b), et du paragraphe 2 s’appliquent aux transporteurs de groupes assurant des liaisons routières internationales par autocar, à l’exception du trafic frontalier. »

Le code frontières Schengen

5

Aux termes de l’article 2 du code frontières Schengen :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)

“frontières intérieures” :

a)

les frontières terrestres communes, y compris fluviales et lacustres, des États membres ;

b)

les aéroports des États membres pour les vols intérieurs ;

c)

les ports maritimes, fluviaux et lacustres des États membres pour les liaisons régulières intérieures par transbordeur ;

2)

“frontières extérieures” : les frontières terrestres des États membres, y compris les frontières fluviales et lacustres, les frontières maritimes, ainsi que leurs aéroports, ports fluviaux, ports maritimes et ports lacustres, pour autant qu’ils ne soient pas des frontières intérieures ;

[...] »

6

L’article 5 dudit code dispose :

« 1.   Les frontières extérieures ne peuvent être franchies qu’aux points de passage frontaliers et durant les heures d’ouverture fixées. Les heures d’ouverture sont indiquées clairement aux points de passage frontaliers qui ne sont pas ouverts 24 heures sur 24.

Les États membres notifient la liste de leurs points de passage frontaliers à la Commission conformément à l’article 39.

[...]

3.   Sans préjudice des exceptions prévues au paragraphe 2 et de leurs obligations en matière de protection internationale, les États membres instaurent des sanctions, conformément à leur droit national, en cas de franchissement non autorisé des frontières extérieures en dehors des points de passage frontaliers ou des heures d’ouverture fixées. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

7

L’article 13, paragraphe 1, du même code prévoit :

« La surveillance des frontières a pour objet principal d’empêcher le franchissement non autorisé de la frontière, de lutter contre la criminalité transfrontalière et de prendre des mesures à l’encontre des personnes ayant franchi illégalement la frontière. Une personne qui a franchi illégalement une frontière et qui n’a pas le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné est appréhendée et fait l’objet de procédures respectant la directive 2008/115/CE. »

8

Aux termes de l’article 14 du code frontières Schengen :

« 1.   L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 6, paragraphe 5. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.

[...]

4.   Les gardes-frontières veillent à ce qu’un ressortissant de pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ne pénètre pas sur le territoire de l’État membre concerné.

[...]

6.   Les modalités du refus d’entrée sont décrites à l’annexe V, partie A. »

9

L’article 23 dudit code, intitulé « Vérifications à l’intérieur du territoire », énonce :

« L’absence de contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte :

a)

à l’exercice des compétences de police par les autorités compétentes de l’État membre en vertu du droit national, dans la mesure où l’exercice de ces compétences n’a pas un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières ; cela s’applique également dans les zones frontalières. Au sens de la première phrase, l’exercice des compétences de police ne peut, en particulier, être considéré comme équivalent à l’exercice des vérifications aux frontières lorsque les mesures de police :

i)

n’ont pas pour objectif le contrôle aux frontières ;

ii)

sont fondées sur des informations générales et l’expérience des services de police relatives à d’éventuelles menaces pour la sécurité publique et visent, notamment, à lutter contre la criminalité transfrontalière ;

iii)

sont conçues et exécutées d’une manière clairement distincte des vérifications systématiques effectuées sur les personnes aux frontières extérieures ;

iv)

sont réalisées sur la base de vérifications réalisées à l’improviste ;

[...] »

10

L’article 25 du même code dispose :

« 1.   En cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre dans l’espace sans contrôle aux frontières intérieures, cet État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou sur certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures pendant une période limitée d’une durée maximale de trente jours ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours. La portée et la durée de la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave.

2.   Le contrôle aux frontières intérieures n’est réintroduit qu’en dernier recours et conformément aux articles 27, 28 et 29. Les critères visés, respectivement, aux articles 26 et 30 sont pris en considération chaque fois qu’une décision de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures est envisagée en vertu de l’article 27, 28 ou 29, respectivement.

3.   Lorsque la menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dans l’État membre concerné persiste au-delà de la durée prévue au paragraphe 1 du présent article, ledit État membre peut prolonger le contrôle à ses frontières intérieures, en tenant compte des critères visés à l’article 26 et conformément à l’article 27, pour les mêmes raisons que celles visées au paragraphe 1 du présent article et, en tenant compte d’éventuels éléments nouveaux, pour des périodes renouvelables ne dépassant pas trente jours.

4.   La durée totale de la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, y compris toute prolongation prévue au titre du paragraphe 3 du présent article, ne peut excéder six mois. Dans les circonstances exceptionnelles visées à l’article 29, cette durée totale peut être étendue à une durée maximale de deux ans conformément au paragraphe 1 dudit article. »

11

L’article 32 du code frontières Schengen énonce :

« Lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II s’appliquent mutatis mutandis. »

12

Les articles 5, 13 et 14 de ce code font partie du titre II de celui-ci, intitulé « Frontières extérieures », alors que les articles 23, 25 et 32 dudit code font partie du titre III de celui-ci, intitulé « Frontières intérieures ».

13

L’annexe V, partie A, point 2, du code frontières Schengen prévoit :

« Si le ressortissant de pays tiers frappé d’une décision de refus d’entrée a été acheminé à la frontière par un transporteur, l’autorité localement responsable :

a)

ordonne à ce transporteur de reprendre en charge le ressortissant de pays tiers sans tarder et de l’acheminer soit vers le pays tiers d’où il a été transporté, soit vers le pays tiers qui a délivré le document permettant le franchissement de la frontière, soit vers tout autre pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou de trouver un moyen de réacheminement, conformément à l’article 26 de la [CAAS] et aux dispositions de la directive 2001/51/CE du Conseil [...]

b)

en attendant le réacheminement, prend, dans le respect du droit national et compte tenu des circonstances locales, les mesures appropriées afin d’éviter l’entrée illégale des ressortissants de pays tiers frappés d’une décision de refus d’entrée. »

La directive 2008/115

14

Le considérant 5 de la directive 2008/115 énonce :

« La présente directive devrait arrêter un ensemble horizontal de règles, applicables à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre. »

15

L’article 2 de cette directive dispose :

« 1.   La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

2.   Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers :

a)

faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du code frontières Schengen, ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ;

b)

faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition.

[...] »

16

Aux termes de l’article 3 de ladite directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)

“séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

3)

“retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

son pays d’origine, ou

un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

[...] »

17

L’article 4, paragraphe 4, de la même directive prévoit :

« En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers exclus du champ d’application de la présente directive conformément à l’article 2, paragraphe 2, point a), les États membres :

a)

veillent à ce que le traitement et le niveau de protection qui leur sont accordés ne soient pas moins favorables que ceux prévus à l’article 8, paragraphes 4 et 5 (limitations du recours aux mesures coercitives), à l’article 9, paragraphe 2, point a) (report de l’éloignement), à l’article 14, paragraphe 1, points b) et d) (soins médicaux d’urgence et prise en considération des besoins des personnes vulnérables), ainsi qu’aux articles 16 et 17 (conditions de rétention), et

b)

respectent le principe de non-refoulement. »

Le droit français

18

Aux termes de l’article L. 621-2, 1° et 2°, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, tel que modifié par la loi no 2012-1560, du 31 décembre 2012 (ci-après le « Ceseda ») :

« Est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3750 euros l’étranger qui n’est pas ressortissant d’un État membre de l’Union européenne :

S’il a pénétré sur le territoire métropolitain sans remplir les conditions mentionnées aux points a, b ou c du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [(JO 2006, L 105, p. 1),] et sans avoir été admis sur le territoire en application des points a et c du paragraphe 4 de l’article 5 de ce même règlement ; il en est de même lorsque l’étranger fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission en application d’une décision exécutoire prise par un autre État partie à la [CAAS]

Ou si, en provenance directe du territoire d’un État partie à cette convention, il est entré sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, à l’exception des conditions mentionnées au point e du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (CE) no 562/2006 [...] et au point d lorsque le signalement aux fins de non-admission ne résulte pas d’une décision exécutoire prise par un autre État partie à la [CAAS] ;

[...]

Pour l’application du présent article, l’action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés dans les circonstances prévues à l’article 53 du code de procédure pénale ».

19

L’article 53 du code de procédure pénale, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code de procédure pénale »), dispose :

« Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

À la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours. »

20

L’article 62-2 du code de procédure pénale énonce :

« La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

[...] »

21

L’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit :

« Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;

ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ;

ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la [CAAS] et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l’identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. [...] Lorsqu’il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu’à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22

Après la réintroduction temporaire, en France, du contrôle aux frontières intérieures communes à celle-ci et à d’autres États membres faisant partie de l’espace Schengen, conformément à l’article 25 du code frontières Schengen, M. Arib, de nationalité marocaine, a été contrôlé, le 15 juin 2016, dans la zone comprise entre la frontière séparant la France de l’Espagne et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, dans les conditions prévues à l’article 78-2, neuvième alinéa, du code de procédure pénale. M. Arib, qui avait précédemment quitté la France à la suite d’une mesure d’éloignement lui ayant été notifiée le 10 août 2013, se trouvait à bord d’un autocar en provenance du Maroc.

23

Suspecté d’être entré irrégulièrement sur le territoire français, délit prévu à l’article L. 621-2 du Ceseda, M. Arib a été placé en garde à vue. Le lendemain, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à l’encontre de celui-ci un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et ordonné son placement en rétention administrative.

24

Par ordonnance du 21 juin 2016, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Perpignan (France) a décidé d’annuler le placement en garde à vue de M. Arib et la procédure subséquente, y compris la rétention administrative de celui-ci, au motif essentiellement que ladite garde à vue ne pouvait être mise en œuvre. Il a relevé, à cet égard, que M. Arib, ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière, avait franchi une frontière intérieure entre la France et l’Espagne, ce qui devait, selon lui, entraîner l’application de la directive 2008/115, en vertu de laquelle aucune peine d’emprisonnement ne peut être prononcée dans des circonstances telles que celles de l’espèce.

25

Par ordonnance du 22 juin 2016, le conseiller délégué près la cour d’appel de Montpellier (France) a confirmé la décision de première instance. Le préfet des Pyrénées-Orientales a introduit un pourvoi en cassation contre cette ordonnance devant la juridiction de renvoi, la Cour de cassation (France), en faisant valoir, notamment, que, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, un État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle à ses frontières intérieures, écartant ainsi partiellement l’application de la directive 2008/115. Selon ce préfet, les mesures protectrices prévues par cette directive n’étant, en pareil cas, pas applicables, une personne entrée irrégulièrement en France peut être contrôlée selon les dispositions de l’article 78-2, neuvième alinéa, du code de procédure pénale et, étant en situation irrégulière, encourir une peine d’emprisonnement et, partant, être placée en garde à vue.

26

La juridiction de renvoi relève, d’une part, que le code frontières Schengen pose le principe de la libre circulation au sein de l’espace Schengen et prévoit l’absence de contrôle aux frontières intérieures entre les États membres et, d’autre part, que, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre, celui-ci peut néanmoins réintroduire exceptionnellement le contrôle aux frontières sur tout ou partie de ses frontières intérieures pendant une période limitée, en application de l’article 25 de ce code.

27

Cette juridiction fait encore valoir que, selon l’article 32 du code frontières Schengen, lorsqu’un contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II de ce code, relatives aux frontières extérieures, s’appliquent mutatis mutandis. Elle souligne, à cet égard, que, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, dudit code, les États membres instaurent des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de franchissement non autorisé des frontières extérieures. Elle ajoute que, selon l’article 13 du même code, la surveillance de ces frontières a pour objectif d’empêcher leur franchissement non autorisé et de prendre des mesures à l’encontre des personnes les ayant franchies illégalement, de telle sorte qu’une personne qui a franchi illégalement une frontière et qui n’a pas le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné est appréhendée et fait l’objet de procédures respectant la directive 2008/115.

28

Selon la juridiction de renvoi, la directive 2008/115 impose aux États membres de prendre une décision d’éloignement à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, ce dernier ne pouvant être placé en rétention qu’afin de préparer son retour ou de procéder à son éloignement et pour autant qu’aucune mesure suffisante, mais moins coercitive, ne peut être appliquée efficacement. Cette juridiction rappelle l’arrêt du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408), dans lequel la Cour a jugé que la directive 2008/115 s’oppose à une réglementation d’un État membre permettant du seul fait de l’entrée irrégulière par une frontière intérieure, conduisant au séjour irrégulier, l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers, pour lequel la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme.

29

La juridiction de renvoi souligne que l’article L. 621-2 du Ceseda punit d’une peine d’emprisonnement assortie d’une amende l’entrée irrégulière sur le territoire lorsqu’elle est constatée dans les circonstances de flagrance.

30

Au regard de cette disposition, cette juridiction se pose, tout d’abord, la question de savoir si le contrôle réintroduit à une frontière intérieure d’un État membre est assimilable au contrôle à une frontière extérieure lors de son franchissement par un ressortissant d’un pays tiers, dépourvu du droit d’entrée, lorsque le contrôle est opéré en flagrance.

31

En cas de réponse affirmative, il conviendrait ensuite, selon ladite juridiction, de déterminer les modalités de ce contrôle. À cet égard, elle relève, d’une part, que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 permet aux États membres de continuer à appliquer à leurs frontières extérieures des procédures de retour nationales simplifiées, sans devoir suivre toutes les étapes de la procédure prévues par cette directive, afin de pouvoir éloigner plus rapidement les ressortissants de pays tiers interceptés lors du franchissement desdites frontières. Elle souligne, d’autre part, que l’article 4, paragraphe 4, de ladite directive encadre l’exercice par les États membres de la faculté prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci, les États membres devant respecter certaines garanties minimales, parmi lesquelles figurent, notamment, les conditions de rétention établies aux articles 16 et 17 de la même directive.

32

La juridiction de renvoi se demande, dès lors, si un État membre qui a rétabli le contrôle aux frontières intérieures peut se prévaloir dudit article 2, paragraphe 2, sous a), pour soustraire à la directive 2008/115 le ressortissant d’un pays tiers qui franchit irrégulièrement une telle frontière et n’a pas encore séjourné sur le territoire national.

33

En cas de réponse affirmative, se poserait enfin la question de savoir si l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à l’emprisonnement de ressortissants de pays tiers, dans les circonstances de fait de l’espèce.

34

Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 32 du [code frontières Schengen], qui prévoit que, lorsque le contrôle aux frontières intérieures est rétabli, les dispositions pertinentes du titre II (sur les frontières extérieures) s’appliquent mutatis mutandis, doit-il être interprété en ce sens que le contrôle réintroduit à une frontière intérieure d’un État membre est assimilable au contrôle effectué à une frontière extérieure, lors de son franchissement par un ressortissant d’un pays tiers, dépourvu du droit d’entrée ?

2)

Dans les mêmes circonstances de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, ce [code] et la directive 2008/115 [...] permettent-ils d’appliquer à la situation d’un ressortissant de pays tiers, franchissant une frontière où le contrôle est rétabli, la faculté prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de [cette] directive, ouvrant aux États membres la possibilité de continuer à appliquer à leurs frontières extérieures des procédures de retour nationales simplifiées ?

3)

En cas de réponse affirmative à cette dernière question, les dispositions de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 4, paragraphe 4, de [ladite] directive s’opposent-elles à une réglementation nationale telle que l’article L. 621-2 du [Ceseda], sanctionnant d’une peine d’emprisonnement l’irrégularité de l’entrée sur le territoire national d’un ressortissant de pays tiers pour lequel la procédure de retour établie par [la même] directive n’a pas encore été menée à son terme ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

35

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 32 du code frontières Schengen, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à la situation d’un ressortissant de pays tiers, arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure d’un État membre, lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce code, le contrôle à cette frontière, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre.

36

À titre liminaire, il importe de souligner que, ainsi qu’il a été mentionné aux points 22 et 23 du présent arrêt, M. Arib, de nationalité marocaine, n’a pas fait l’objet d’une décision de refus d’entrée sur le territoire français, mais a été contrôlé, par les autorités françaises, à proximité immédiate de la frontière franco-espagnole, après que des contrôles à cette frontière ont été réintroduits en vertu de l’article 25 du code frontières Schengen, et a été placé en garde à vue, à la suite de ce contrôle, au motif qu’il était suspecté d’avoir commis le délit, visé à l’article L. 621-2 du Ceseda, consistant à être entré irrégulièrement sur le territoire français.

37

Il convient de rappeler, à cet égard, premièrement, qu’il résulte tant de la définition de la notion de « séjour irrégulier », figurant à l’article 3, point 2, de la directive 2008/115, que du considérant 5 de cette directive, en vertu duquel celle-ci s’applique « à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence », qu’un ressortissant de pays tiers qui, à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre, est présent sur ce territoire sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, se trouve de ce fait en séjour irrégulier, sans que cette présence soit soumise à une condition de durée minimale ou d’intention de rester sur ce territoire (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, points 48 et 59).

38

Un ressortissant de pays tiers qui, comme M. Arib, après être entré irrégulièrement sur le territoire d’un État membre, est intercepté sur le territoire de cet État membre, à proximité immédiate de l’une de ses frontières intérieures, sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence sur ce territoire doit, dès lors, être considéré comme séjournant de manière irrégulière sur le territoire dudit État membre.

39

Un ressortissant de pays tiers dans une telle situation relève, selon l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/115, et sous réserve de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, du champ d’application de cette dernière. Il doit donc, en principe, être soumis aux normes et aux procédures communes prévues par celle-ci en vue de son éloignement et cela tant que le séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 61).

40

À cet égard, il convient de rappeler, deuxièmement, que, selon la jurisprudence de la Cour, ladite directive ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre permettant l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers auquel la procédure de retour établie par la même directive a été appliquée et qui soit séjourne irrégulièrement sur le territoire de cet État membre sans motif justifié de non-retour, soit est entré de nouveau sur ce territoire en violation d’une interdiction d’entrée (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, points 54 et 64).

41

Il ressort, toutefois, du dossier soumis à la Cour ainsi que des réponses fournies lors de l’audience aux questions posées par la Cour que M. Arib ne se trouve dans aucune des deux situations visées au point précédent.

42

Il y a lieu de relever, troisièmement, que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 permet aux États membres de ne pas appliquer cette dernière, sous réserve des prescriptions contenues à l’article 4, paragraphe 4, de celle-ci, dans deux situations particulières, à savoir celle de ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’une décision de refus d’entrée à une frontière extérieure d’un État membre, conformément à l’article 14 du code frontières Schengen, ou celle de ressortissants de pays tiers qui sont arrêtés ou interceptés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une telle frontière extérieure et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre.

43

Ainsi qu’il a été exposé au point 36 du présent arrêt, M. Arib n’a pas fait l’objet d’une décision de refus d’entrée sur le territoire français. Il s’ensuit qu’il ne peut, en toute hypothèse, pas relever de la première des deux situations visées à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115.

44

Il convient, dès lors, de déterminer si un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et qui a été arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure de cet État membre relève de la seconde situation visée à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, lorsque l’État membre concerné a réintroduit des contrôles à cette frontière en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre, conformément à l’article 25 du code frontières Schengen.

45

À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour, les deux situations visées à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 se rapportent exclusivement au franchissement d’une frontière extérieure d’un État membre, telle que définie à l’article 2 du code frontières Schengen, et ne concernent donc pas le franchissement d’une frontière commune à des États membres faisant partie de l’espace Schengen (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 69).

46

Plus particulièrement, la seconde des situations visées à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 implique un lien temporel et spatial direct entre l’arrestation ou l’interception du ressortissant d’un pays tiers et le franchissement d’une frontière extérieure. Sont ainsi visés des ressortissants de pays tiers qui ont été arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes au moment même du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure ou après ce franchissement dans la proximité de cette frontière (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 72).

47

Ainsi, l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas aux États membres de soustraire des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier du champ d’application de cette directive au motif de leur entrée irrégulière par une frontière intérieure (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, points 69 et 77).

48

Il convient toutefois de déterminer, en second lieu, si la circonstance que des contrôles ont été réintroduits par un État membre à ses frontières intérieures, conformément à l’article 25 du code frontières Schengen, est de nature à faire relever de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 la situation d’un ressortissant d’un pays tiers, en séjour irrégulier sur le territoire de cet État membre et appréhendé à proximité d’une telle frontière intérieure.

49

L’article 25 du code frontière Schengen autorise, à titre exceptionnel et dans certaines conditions, un État membre à réintroduire temporairement un contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure de cet État membre. Selon l’article 32 de ce code, lorsqu’un contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes dudit code relatives aux frontières extérieures s’appliquent mutatis mutandis.

50

À cet égard, il convient de souligner, premièrement, que, en tant que dérogation au champ d’application de la directive 2008/115, l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci doit être interprétée de manière stricte.

51

Or, ainsi qu’il ressort déjà des points 45 et 47 du présent arrêt, cette disposition porte, selon son propre libellé dépourvu de toute ambigüité à cet égard, sur la situation d’un ressortissant de pays tiers se trouvant à une « frontière extérieure » d’un État membre ou à proximité immédiate d’une telle frontière extérieure. N’y figure ainsi aucune mention du fait que pourrait être assimilée à une telle situation celle d’un ressortissant de pays tiers se trouvant à une frontière intérieure sur laquelle des contrôles ont été réintroduits, en vertu de l’article 25 du code frontières Schengen, ou à proximité immédiate d’une telle frontière intérieure, alors même que, à la date de l’adoption de cette directive, les articles 23 et 28 du règlement no 562/2006 prévoyaient déjà, d’une part, que les États membres pouvaient réintroduire, à titre exceptionnel, un contrôle à leurs frontières intérieures en cas de menace grave pour leur ordre public ou leur sécurité intérieure et, d’autre part, que, dans un tel cas, les dispositions pertinentes de ce règlement relatives aux frontières extérieures trouvaient à s’appliquer mutatis mutandis.

52

En ce qui concerne, deuxièmement, la finalité poursuivie par l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, la Cour a déjà jugé que celle-ci consiste à permettre aux États membres, dans les deux situations visées à cette disposition, de continuer à appliquer, à leurs frontières extérieures, des procédures de retour simplifiées, sans devoir suivre toutes les étapes procédurales prévues par cette directive, afin de pouvoir éloigner plus rapidement les ressortissants de pays tiers interceptés à l’occasion du franchissement d’une telle frontière (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 74).

53

À cet égard, il convient de constater que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 traite de manière identique l’interception ou l’arrestation à proximité immédiate d’une frontière extérieure d’un État membre, visée à l’article 13 du code frontières Schengen, et l’adoption d’une décision de refus d’entrée, au sens de l’article 14 de ce code.

54

En effet, si, comme le confirme l’article 14, paragraphe 4, du code frontières Schengen, l’adoption d’une décision de refus d’entrée sur le territoire de l’espace Schengen vise à éviter que le ressortissant de pays tiers auquel elle est opposée pénètre sur ce territoire, l’arrestation ou l’interception d’un tel ressortissant, en séjour irrégulier, à l’occasion du franchissement d’une frontière extérieure ou à proximité immédiate d’une telle frontière, permet également aux autorités nationales compétentes de prendre aisément et rapidement, compte tenu du lieu où ledit ressortissant a été appréhendé, les mesures appropriées afin d’éviter qu’il demeure sur ledit territoire, en le ramenant immédiatement à la frontière extérieure qu’il a franchie irrégulièrement.

55

Dans de telles circonstances, caractérisées, notamment, par la proximité d’une frontière extérieure, il peut être justifié d’autoriser un État membre à ne pas suivre toutes les étapes de la procédure prévue par la directive 2008/115, afin d’accélérer le retour vers un pays tiers des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire.

56

Inversement, la seule réintroduction de contrôles aux frontières intérieures d’un État membre n’a pas pour conséquence qu’un ressortissant de pays tiers, en séjour irrégulier et appréhendé à l’occasion du franchissement de cette frontière ou à proximité immédiate de celle-ci, puisse être éloigné plus rapidement ou aisément du territoire de l’espace Schengen, en étant immédiatement ramené à une frontière extérieure, que s’il avait été appréhendé, à l’occasion d’un contrôle de police, au sens de l’article 23, sous a), du code frontières Schengen, au même endroit, sans que des contrôles auxdites frontières aient été réintroduits.

57

Contrairement à ce qu’a fait valoir, en substance, le gouvernement allemand, une telle conclusion n’est pas remise en cause par la prise en compte des obligations imposées aux transporteurs, en vertu de l’annexe V, partie A, point 2, du code frontières Schengen et de l’article 26 de la CAAS.

58

En effet, à supposer même que de telles obligations s’appliquent également, en vertu de l’article 32 dudit code, lorsque des contrôles aux frontières intérieures ont été réintroduits, il convient néanmoins de relever que l’annexe V, partie A, point 2, du code frontières Schengen et l’article 26 de la CAAS ont pour conséquence d’imposer aux transporteurs de réacheminer le ressortissant d’un pays tiers qu’ils véhiculent uniquement lorsque l’entrée à la frontière est refusée à ce dernier, et non lorsque, comme M. Arib, ce ressortissant est appréhendé ou intercepté après avoir franchi irrégulièrement ladite frontière.

59

Il s’ensuit que, au regard de l’objectif poursuivi par l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, il n’y a pas lieu de distinguer la situation d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier, appréhendé à proximité immédiate d’une frontière intérieure, selon que des contrôles ont été ou non réintroduits à ladite frontière.

60

Troisièmement, la nécessité d’une interprétation restrictive du champ d’application de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 est également corroborée par une analyse du contexte dans lequel s’insère cette disposition et, plus particulièrement, par une lecture systématique du code frontières Schengen.

61

À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il découle de ce code qu’une frontière intérieure sur laquelle des contrôles ont été réintroduits par un État membre en vertu de l’article 25 dudit code n’équivaut pas à une frontière extérieure, au sens du même code.

62

En effet, aux termes de l’article 2 du code frontières Schengen, les notions de « frontières intérieures » et de « frontières extérieures » sont exclusives l’une de l’autre. Or, l’article 32 de ce code se borne à prévoir que, lorsque des contrôles aux frontières intérieures sont réintroduits par un État membre, seules les dispositions dudit code relatives aux frontières extérieures qui sont pertinentes s’appliquent mutatis mutandis. En revanche, ledit article 32 ne prévoit pas, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 52 de ses conclusions, que, dans un tel cas, il soit fait application de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115. Le libellé même du code frontières Schengen s’oppose, dès lors, à ce que, aux fins de cette directive, une frontière intérieure sur laquelle des contrôles ont été réintroduits en vertu de l’article 25 de ce code soit assimilée à une frontière extérieure.

63

Ensuite, il est vrai, comme le souligne la juridiction de renvoi, que l’article 5, paragraphe 3, du code frontières Schengen impose aux États membres d’instaurer, en cas de franchissement non autorisé des frontières extérieures en dehors des points de passage frontaliers ou des heures d’ouverture fixées, des sanctions qui soient effectives, proportionnées et dissuasives.

64

Toutefois, et indépendamment du point de savoir si cette disposition constitue une disposition pertinente, au sens de l’article 32 du code frontières Schengen, applicable, mutatis mutandis, en cas de réintroduction par un État membre d’un contrôle à ses frontières intérieures, il convient, en tout état de cause, de relever que ladite disposition n’entend nullement déroger aux normes et aux procédures communes établies par la directive 2008/115, comme cela est d’ailleurs expressément confirmé à l’article 13, paragraphe 1, dudit code, lequel prévoit que des mesures doivent être prises à l’encontre d’une personne ayant franchi illégalement une frontière extérieure et que, si cette personne n’a pas le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné, elle est appréhendée et fait l’objet de procédures respectant la directive 2008/115 (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 90).

65

L’article 13, paragraphe 1, du code frontières Schengen vise ainsi à préciser la relation entre la surveillance des frontières et la mise en œuvre des procédures de retour prévues par la directive 2008/115 (arrêt du 26 juillet 2017, Jafari, C‑646/16, EU:C:2017:586, point 69). Il s’ensuit que les mesures adoptées par les États membres, notamment en conformité avec l’article 5, paragraphe 3, du code frontières Schengen, afin de garantir l’effectivité de la surveillance aux frontières, ne peuvent avoir pour effet de modifier les obligations qui découlent pour les États membres de cette directive.

66

Enfin, il importe de rappeler que la directive 2008/115 n’exclut pas la faculté pour les États membres de réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission d’autres délits que ceux tenant à la seule circonstance d’une entrée irrégulière, y compris dans des situations où la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C‑47/15, EU:C:2016:408, point 65). Dès lors, ladite directive ne s’oppose pas davantage à l’arrestation ou au placement en garde à vue d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier lorsque de telles mesures sont adoptées au motif que ledit ressortissant est soupçonné d’avoir commis un délit autre que sa simple entrée irrégulière sur le territoire national, et notamment un délit susceptible de menacer l’ordre public ou la sécurité intérieure de l’État membre concerné.

67

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 32 du code frontières Schengen, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à la situation d’un ressortissant de pays tiers, arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce code, le contrôle à cette frontière, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre.

Sur la troisième question

68

Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur les dépens

69

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lu en combinaison avec l’article 32 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à la situation d’un ressortissant de pays tiers, arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce règlement, le contrôle à cette frontière, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre.

 

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Prechal

Regan

von Danwitz

Toader

Lycourgos

Rosas

Juhász

Ilešič

Malenovský

Safjan

Šváby

Fernlund

Vajda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2019.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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