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Document 62017CJ0340

    Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 29 novembre 2018.
    Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc. contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
    Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Procédure de nullité – Déclaration de nullité sur la base d’une marque antérieure du Royaume-Uni – Usage sérieux – Preuve – Effets de la procédure de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sur la procédure devant le Tribunal et la légalité de la décision litigieuse – Absence.
    Affaire C-340/17 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:965

    ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

    29 novembre 2018 (*)

    « Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Procédure de nullité – Déclaration de nullité sur la base d’une marque antérieure du Royaume-Uni – Usage sérieux – Preuve – Effets de la procédure de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sur la procédure devant le Tribunal et la légalité de la décision litigieuse – Absence »

    Dans l’affaire C‑340/17 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 juin 2017,

    Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc., établie à Toronto (Canada), représentée par Mes E. Baud et P. Marchiset, avocats,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant :

    Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Botis et S. Hanne, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    soutenu par :

    Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes C. Brodie et Z. Lavery, en qualité d’agents, assistées de M. N. Saunders, barrister,

    partie intervenante au pourvoi,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, MM. C. Lycourgos et C. Vajda, juges,

    avocat général : Mme E. Sharpston,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par son pourvoi, Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 mars 2017, Alcohol Countermeasure Systems (International)/EUIPO – Lion Laboratories (ALCOLOCK) (T‑638/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:229), par lequel celui-ci a rejeté son recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 11 août 2015 (affaire R 1323/2014-1), relative à une procédure de nullité entre Lion Laboratories Ltd et la requérante (ci-après la « décision litigieuse »).

     Le cadre juridique

     Le règlement no 207/2009

    2        Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la [marque de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Néanmoins, compte tenu de la date d’introduction de la demande en nullité en cause dans la présente affaire, en l’occurrence le 13 août 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009.

    3        L’article 8 du règlement no 207/2009 prévoit :

    « 1.      Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

    a)      lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;

    b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

    2.      Aux fins du paragraphe 1, on entend par “marques antérieures” :

    a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de [marque de l’Union européenne], compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :

    i)      les [marques de l’Union européenne],

    ii)      les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès de l’Office Benelux de la propriété intellectuelle,

    [...] »

    4        L’article 15 de ce règlement énonce :

    « 1.      Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la [marque de l’Union européenne] n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans [l’Union] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la [marque de l’Union européenne] est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

    Sont également considérés comme usage au sens du premier alinéa :

    a)      l’usage de la [marque de l’Union européenne] sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ;

    [...]

    2.      L’usage de la [marque de l’Union européenne] avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire. »

    5        Conformément à l’article 53, paragraphe 1, sous a), dudit règlement :

    « La [marque de l’Union européenne] est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

    a)      lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe 1 ou au paragraphe 5 dudit article sont remplies ».

    6        En vertu de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du même règlement :

    « 2.      Sur requête du titulaire de la [marque de l’Union européenne], le titulaire d’une [marque de l’Union européenne] antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la [marque de l’Union européenne] antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans [l’Union] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la [marque de l’Union européenne] antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. En outre, si la [marque de l’Union européenne] antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de publication de la demande de [marque de l’Union européenne], le titulaire de la [marque de l’Union européenne] antérieure apporte également la preuve que les conditions énoncées à l’article 42, paragraphe 2, étaient remplies à cette date. À défaut d’une telle preuve, la demande en nullité est rejetée. Si la [marque de l’Union européenne] antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée que pour cette partie des produits et services, aux fins de l’examen de la demande en nullité.

    3.      Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, point a), étant entendu que l’usage dans [l’Union] est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée. »

    7        Conformément à l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 :

    « Les décisions des chambres de recours ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai visé à l’article 65, paragraphe 5, ou, si un recours devant la Cour de justice a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. »

     Le règlement no 2868/95

    8        Le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 355/2009 de la Commission, du 31 mars 2009 (JO 2009, L 109, p. 3) (ci-après le « règlement no 2868/95 »), a été abrogé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1). Néanmoins, eu égard aux considérations figurant au point 2 du présent arrêt, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 2868/95.

    9        La règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 prévoit :

    « Les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 4. »

    10      La règle 40, paragraphe 6, de ce règlement énonce :

    « Si le demandeur doit apporter la preuve de l’usage ou de l’existence de justes motifs pour le non-usage au titre de l’article 56, paragraphes 2 ou 3, du règlement, l’Office invite le demandeur à prouver l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la demande en nullité est rejetée. La règle 22, paragraphes 2, 3 et 4 s’applique mutatis mutandis. »

     Les antécédents du litige et la décision litigieuse

    11      Les antécédents du litige et les éléments essentiels de la décision litigieuse, tels qu’ils ressortent des points 1 à 8 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit pour les besoins de la présente affaire.

    12      Le 28 janvier 2010, la requérante a obtenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne verbale ALCOLOCK (ci-après la « marque contestée ») auprès de l’EUIPO. Cette marque a été enregistrée pour plusieurs produits et services relevant des classes 9, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »).

    13      Le 13 août 2012, Lion Laboratories a présenté une demande en nullité de la marque contestée au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec, notamment, l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement. Cette demande était fondée sur la marque verbale antérieure ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni le 16 août 1996 sous le numéro 2040518 (ci-après la « marque antérieure »). La marque antérieure désignait les « [a]ppareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer et/ou analyser l’alcool dans l’air expiré ; appareils de contrôle des appareils précités ou réagissant aux appareils précités ; pièces et parties constitutives de ces appareils » relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice.

    14      Le 22 novembre 2012, la requérante a présenté une demande au titre de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, tendant à ce que Lion Laboratories établisse l’usage sérieux de la marque antérieure.

    15      Par décision du 24 mars 2014, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement. Elle a, en particulier, considéré que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux, que les produits et les services en cause étaient identiques ou similaires et que les signes en conflit étaient identiques.

    16      Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’EUIPO, statuant sur le recours formé par la requérante, a rejeté ce recours. Elle a, notamment, relevé que Lion Laboratories avait établi à suffisance de droit l’usage sérieux de la marque antérieure au Royaume-Uni, que certains des produits en cause ainsi que les signes en conflit étaient identiques et qu’il existait un risque de confusion entre ces signes, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

     La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    17      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 novembre 2015, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision litigieuse.

    18      À l’appui de son recours, la requérante invoquait trois moyens, par lesquels elle contestait, en substance, l’appréciation par la chambre de recours de l’usage sérieux de la marque antérieure. Par son premier moyen, elle alléguait, notamment, que l’usage sérieux de cette marque ne pouvait être démontré par des éléments de preuve tendant à établir l’usage d’une autre marque détenue par Lion Laboratories et enregistrée, au Royaume-Uni, sous un autre numéro. Par son deuxième moyen, elle reprochait, pour l’essentiel, à la chambre de recours de ne pas avoir distingué à suffisance de droit les périodes au cours desquelles l’usage sérieux de la marque antérieure devait être démontré. Par son troisième moyen, elle soutenait que la chambre de recours avait conclu, à tort, au caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure et méconnu son obligation de motivation.

    19      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens.

    20      En particulier, aux points 22 à 25 de cet arrêt, le Tribunal a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, enregistrée au Royaume-Uni au cours de l’année 1996 sous le numéro 2040518, pouvait être apportée par des éléments de preuve relatifs à l’usage d’une autre marque verbale, constituée du même signe « ALCOLOCK » et ayant été enregistrée au Royaume-Uni au cours de l’année 2004 sous le numéro 2371210 (ci-après la « marque no 2371210 »).

    21      Aux points 54 et 55 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que, conformément à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure devait, en l’espèce, être apportée relativement à deux périodes. Une première période était constituée des cinq années ayant précédé la date de la demande en nullité et s’étendait du 5 octobre 2004 au 4 octobre 2009 (ci-après la « première période »). Une seconde période couvrait les cinq années ayant précédé la date de la publication de la demande d’enregistrement de la marque contestée et courait du 13 août 2007 au 12 août 2012 (ci-après la « seconde période »).

    22      Le Tribunal a, partant, rejeté le recours dans son intégralité.

     Les conclusions des parties au pourvoi

    23      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

    –        d’ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué ;

    –        d’annuler l’arrêt attaqué ;

    –        d’annuler la décision litigieuse ;

    –        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et d’ordonner la suspension de la procédure jusqu’à l’issue du processus de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en application de l’article 50 TUE ou, à tout le moins, jusqu’au 31 mai 2019 ;

    –        de condamner l’EUIPO aux dépens au titre de la procédure en première instance et du pourvoi.

    24      L’EUIPO demande à la Cour :

    –        de rejeter le pourvoi dans son intégralité ;

    –        de condamner la requérante aux dépens.

    25      Le Royaume-Uni a été admis à intervenir au soutien des conclusions de l’EUIPO.

     Sur la demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué

    26      Par sa requête, la requérante demande à la Cour d’ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué.

    27      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 160, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois conformément à l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, une demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes de l’article 278 TFUE doit être présentée par acte séparé et dans les conditions prévues aux articles 120 à 122 dudit règlement.

    28      En l’occurrence, la demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué n’a pas été présentée par acte séparé et est, partant, irrecevable.

     Sur le pourvoi

     Sur le premier moyen

     Argumentation des parties

    29      Par son premier moyen, la requérante soutient, en premier lieu, que le Tribunal a dénaturé sa requête en première instance en résumant, au point 86 de l’arrêt attaqué, son argumentation à l’appui du troisième moyen d’annulation en ce sens qu’« il ressort[ait] des éléments de preuve produits par Lion Laboratories devant l’EUIPO que seuls 64 appareils avaient été vendus au cours des périodes pertinentes [pour la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure] », alors même qu’il ressortait très clairement de sa requête en première instance que le décompte de 64 appareils concernait exclusivement la première période.

    30      La requérante ajoute qu’il était d’autant plus incohérent de considérer que ce décompte concernait les deux périodes que le deuxième moyen soulevé par elle devant le Tribunal était tiré de la nécessité d’examiner chacune de ces périodes séparément, l’absence de preuve de l’usage pour l’une ou l’autre desdites périodes devant conduire, selon elle, au rejet de la demande en nullité. Ainsi, devant le Tribunal, son argumentation aurait été axée globalement sur la première période.

    31      En second lieu, le Tribunal aurait commis une erreur en citant, au point 87 de l’arrêt attaqué, un nombre global de 350 appareils qui auraient été vendus par Lion Laboratories au cours des deux périodes, alors que seule la première période était pertinente et que ce nombre n’avait été confirmé par aucune des parties. Ce faisant, le Tribunal aurait manifestement dénaturé le décompte de 64 appareils pour la première période, qui n’avait pas été contesté par l’EUIPO.

    32      L’EUIPO considère que le premier moyen est manifestement non fondé.

     Appréciation de la Cour

    33      Le premier moyen comporte deux arguments tirés, respectivement, d’une dénaturation des écrits de procédure de la requérante au point 86 de l’arrêt attaqué et d’une erreur d’appréciation entachant le point 87 de cet arrêt.

    34      En premier lieu, il convient de rappeler que, sauf à méconnaître son office, le juge de l’Union a l’obligation d’examiner les différents chefs de conclusions et moyens présentés par la partie requérante, tels que formulés dans ses écrits, sans en altérer ni l’objet ni la substance (arrêt du 7 juin 2018, Ori Martin/Cour de justice de l’Union européenne, C‑463/17 P, EU:C:2018:411, point 18 et jurisprudence citée).

    35      Au point 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé une argumentation développée par la requérante à l’appui du troisième moyen d’annulation, par laquelle celle-ci faisait valoir qu’« il ressort[ait] des éléments de preuve produits par Lion Laboratories devant l’EUIPO que seuls 64 appareils avaient été vendus au cours des périodes pertinentes » pour la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

    36      La requérante allègue, en substance, que ce résumé procède d’une dénaturation de sa requête en première instance, dès lors qu’il ressortait très clairement de cette requête que le décompte de 64 appareils concernait exclusivement la première période.

    37      Toutefois, il ne ressort ni des arguments de la requête en première instance identifiés par la requérante dans ses écrits de procédure devant la Cour ni de cette requête dans son intégralité que le Tribunal a dénaturé la portée de l’argumentation relative à la vente de 64 appareils, en ce qu’elle n’aurait concerné que la première période.

    38      En effet, si la requérante a indiqué, au point 61 de sa requête en première instance, que, dans le cadre du deuxième moyen d’annulation, « [elle devait] principalement concentrer ses arguments sur la première période », et a également visé cette période à différents points de cette requête se rapportant à son troisième moyen d’annulation, il ne ressort toutefois pas de manière univoque de ladite requête que son argumentation relative à la vente de 64 appareils se rapportait uniquement à cette même période. Ainsi, dans le cadre du troisième moyen d’annulation, la requérante a exposé, au point 96 de cette même requête, que, d’une part, « le volume commercial de l’usage de la marque antérieure [...], à savoir 64 dispositifs [...] ainsi que la durée de chacune des périodes au cours desquelles la marque a fait l’objet d’un usage [...] étaient extrêmement limités et insuffisants pour que la demande en nullité [...] puisse être accueillie » et, d’autre part, les factures afférentes aux 64 appareils en cause étaient « presque exclusivement [...] ultérieures à novembre 2007 ». Or, les première et seconde périodes se recoupent partiellement, pour la période comprise entre le 13 août 2007 et le 4 octobre 2009.

    39      Dans ces conditions, l’argument tiré d’une dénaturation des écrits de procédure de la requérante est non fondé.

    40      En second lieu, il importe de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 11 octobre 2017, EUIPO/Cactus, C‑501/15 P, EU:C:2017:750, point 60 et jurisprudence citée).

    41      Au point 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’« il ressort[ait] des factures et des bons de commandes joints à la requête [en première instance] que près de 350 appareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer ou analyser l’alcool dans l’air expiré, ainsi que des kits de réparation de ces appareils et des pièces détachées desdits appareils ont été vendus au cours des périodes pertinentes ».

    42      Or, la requérante cherche à obtenir une nouvelle appréciation des faits qui étaient soumis à l’appréciation du Tribunal, en ce que ce dernier a retenu un nombre de 350 appareils pour les deux périodes pertinentes, alors que, selon elle, seule la première était pertinente et que ce nombre n’avait pas été confirmé par les parties. Elle ne démontre toutefois pas de dénaturation de ces éléments de fait. Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 40 du présent arrêt, cet argument est irrecevable.

    43      Pour autant que, par son premier moyen, la requérante entend faire valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne distinguant pas la première période de la seconde période, il convient de renvoyer à l’examen du troisième moyen de pourvoi qui porte notamment sur cette question.

    44      Par suite, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

     Sur le deuxième moyen

     Argumentation des parties

    45      Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal une dénaturation de la déclaration de Lion Laboratories, contenue dans une lettre de l’avocat de cette dernière en date du 21 mars 2013 (ci-après la « lettre du 21 mars 2013 »), et une violation de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ainsi que de la règle 22, paragraphe 3, et de la règle 40, paragraphe 6, du règlement no 2868/95.

    46      En premier lieu, le Tribunal aurait dénaturé la déclaration de Lion Laboratories figurant dans la lettre du 21 mars 2013 et, plus spécifiquement, dans la conclusion tirée dans cette lettre.

    47      À cet égard, la requérante relève que la lettre du 21 mars 2013 énonce, en guise de conclusion, qu’« il ressort[ait] clairement des éléments de preuve fournis que la marque [no 2371210] était utilisée ». Cette même lettre ne comporterait aucune référence au numéro d’enregistrement de la marque antérieure. En revanche, elle contiendrait deux mentions de la marque no 2371210, dont la première aurait eu pour objet de décrire le contenu d’un accord de licence conclu par Lion Laboratories et Alcolock GB.

    48      Dans ces conditions, le Tribunal aurait dû considérer que les éléments de preuve visés dans la lettre du 21 mars 2013 concernaient uniquement la marque no 2371210 et non pas la marque antérieure.

    49      Or, le Tribunal se serait, à l’instar de la chambre de recours, contenté de vérifier si l’accord de licence visé au point 47 du présent arrêt couvrait la marque antérieure. La jurisprudence, citée au point 22 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’usage d’une marque sous une forme différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée peut constituer un usage sérieux de la marque antérieure serait dénuée de pertinence dans ce contexte.

    50      En second lieu, la requérante déduit du libellé des dispositions de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ainsi que, en substance, de la règle 22, paragraphe 3, et de la règle 40, paragraphe 6, du règlement no 2868/95 que le titulaire de la marque antérieure doit apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque sur laquelle se fonde la demande en nullité.

    51      Or, au vu du contenu de la lettre du 21 mars 2013, il apparaîtrait que Lion Laboratories n’a pas prouvé l’usage de la marque antérieure, mais a apporté des éléments tendant à démontrer l’usage d’une marque différente, à savoir la marque no 2371210.

    52      Par ailleurs, le Tribunal aurait commis une erreur de droit au point 25 de l’arrêt attaqué, dès lors qu’il n’était pas pertinent de savoir si le public pouvait avoir conscience des différences potentielles entre les deux marques nationales en cause.

    53      L’EUIPO conclut au rejet de ce moyen comme étant manifestement non fondé.

     Appréciation de la Cour

    54      Aux points 22 à 27 et 29 à 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, jugé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, constituée du signe verbal « ALCOLOCK » et enregistrée au Royaume-Uni au cours de l’année 1996 sous le numéro 2040518, pouvait être apportée par des éléments tendant à établir l’usage d’une autre marque, à savoir la marque no 2371210, constituée du même signe verbal « ALCOLOCK », mais enregistrée au Royaume-Uni au cours de l’année 2004.

    55      Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir entaché ces considérations d’une dénaturation d’un élément de preuve et d’une erreur de droit.

    56      En premier lieu, s’agissant de la prétendue erreur de droit, il importe d’observer que, dans la mesure où la requérante tire argument du libellé de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ainsi que de la règle 22, paragraphe 3, et de la règle 40, paragraphe 6, du règlement no 2868/95, ces dispositions, en ce qu’elles font mention de l’usage de la marque antérieure, doivent être lues à la lumière de l’article 15 du règlement no 207/2009, lequel définit la notion d’« usage sérieux » pour les besoins de l’application de la réglementation relative à la marque de l’Union européenne.

    57      Or, il découle directement des termes de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 que l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est considéré comme un usage au sens du premier alinéa de cet article, pour autant que le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée n’est pas altéré. La Cour a déjà jugé que, comme le Tribunal l’a en substance rappelé au point 22 de l’arrêt attaqué, cette disposition s’applique y compris lorsque cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, EU:C:2012:671, points 20 et 30).

    58      A fortiori, il y a lieu de considérer que l’usage d’un signe identique à celui faisant l’objet de la marque antérieure, et lui-même enregistré en tant que marque sous un autre numéro que la marque antérieure, constitue un usage de cette dernière aux fins de l’application de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009.

    59      Cette conclusion s’impose d’autant plus que, comme le Tribunal l’a rappelé au point 23 de l’arrêt attaqué, la condition essentielle de l’usage sérieux d’une marque est que, en conséquence de cet usage, cette marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels elle porte comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 28). Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé sans commettre d’erreur de droit au point 25 de l’arrêt attaqué, la circonstance que le signe verbal « ALCOLOCK » a été utilisé au titre de la marque antérieure ou au titre de la marque no 2371210 n’a pu créer aucune différence dans l’esprit des milieux intéressés quant au fait que la marque antérieure désignait des produits provenant de Lion Laboratories.

    60      Partant, l’argument tiré d’une erreur de droit n’est pas fondé.

    61      En second lieu, s’agissant de l’argument tiré d’une dénaturation de la lettre du 21 mars 2013, il convient d’emblée de préciser que cet argument est fondé sur la prémisse que seuls des actes d’usage de la marque antérieure, sous son propre numéro d’enregistrement, peuvent être de nature à établir l’usage sérieux de cette marque. Or, ainsi qu’il ressort des considérations figurant aux points 56 à 59 du présent arrêt, une telle prémisse est erronée.

    62      Au demeurant, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, une dénaturation des éléments de fait ou de preuve doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 69, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 80).

    63      Or, en l’espèce, la requérante n’a démontré aucune dénaturation, par le Tribunal, de la conclusion énoncée dans la lettre du 21 mars 2013, aux termes de laquelle « la marque [no 2371210] était utilisée ». En effet, il ressort sans équivoque des points 27 et 30 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a nullement considéré que les actes d’usage dont il faisait état visaient la marque antérieure, sous son propre numéro d’enregistrement. En revanche, il a jugé que des actes d’usage relatifs à la marque no 2371210 pouvaient, dans les circonstances de la présente affaire, être pris en compte afin d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure.

    64      Au vu de ce qui précède, le second argument soulevé à l’appui du deuxième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité doivent être rejetés comme non fondés.

     Sur le troisième moyen

     Argumentation des parties

    65      Par son troisième moyen, la requérante soutient que, dans le cadre de son appréciation du troisième moyen soulevé devant lui, le Tribunal a méconnu la notion d’« usage sérieux », au sens du règlement no 207/2009 ainsi que de l’arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, EU:C:2003:145),et qu’il a appliqué une méthodologie erronée pour apprécier l’usage sérieux.

    66      D’emblée, la requérante précise la méthode qu’elle estime appropriée pour apprécier l’usage de la marque antérieure.

    67      À cet égard, elle est d’avis que, dans un cas où un accord de licence est invoqué devant l’EUIPO en tant qu’élément de preuve de l’usage sérieux et que cet accord indique des chiffres de ventes prévisionnels ou les conditions minimales exigées du licencié, ces indications constituent un seuil quantitatif pertinent pour apprécier le caractère sérieux de l’usage allégué. La circonstance que ces conditions minimales ne sont pas remplies permettrait de conclure que l’usage en question n’est pas sérieux et que la marque n’a pas été utilisée conformément à sa fonction essentielle, consistant à créer ou à conserver un débouché pour les produits qu’elle couvre.

    68      En outre, la requérante souligne que, aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, il convient de prêter attention à la désignation des produits tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement de cette marque et non pas à l’état des produits tels qu’ils sont commercialisés par le titulaire de ladite marque ou par un licencié au moment où cette appréciation est effectuée. Or, en l’occurrence, Lion Laboratories aurait pu utiliser la marque antérieure pour des dispositifs standard d’analyse de l’alcool dans l’air expiré ou pour les éthylotests chimiques, comme le permettrait la désignation des produits de la marque antérieure.

    69      En l’espèce, le Tribunal aurait méconnu la notion d’ « usage sérieux » et cette méthodologie pour cinq raisons.

    70      Premièrement, le Tribunal aurait dû analyser les première et seconde périodes séparément et se concentrer sur la première d’entre elles, plutôt que d’effectuer une analyse globale, portant sur les deux périodes confondues. En effet, l’argumentation de la requérante aurait porté principalement sur la première période. L’analyse de l’usage au cours de cette période aurait permis d’établir l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure. En particulier, le constat, au point 87 de l’arrêt attaqué, de la vente de près de 350 appareils au cours des deux périodes serait dénué de pertinence, d’autant plus que ce nombre n’aurait été avancé ni par l’EUIPO ni par Lion Laboratories. En outre, parmi les 18 factures mentionnées au point 75 de l’arrêt attaqué seules 10 auraient été émises entre les années 2007 et 2008.

    71      Deuxièmement, le Tribunal n’aurait pas pris en considération la durée, l’importance et le lieu de l’usage de la marque antérieure au cours de la première période. En particulier, il aurait omis de relever que cette marque ne faisait l’objet d’aucun usage pendant les années 2004 et 2005 et d’un usage quasi inexistant au cours de l’année 2006, qu’Alcolock GB avait moins de dix clients au Royaume-Uni au cours de cette période, que seuls deux produits ont été vendus en 2009 au Royaume-Uni et qu’Alcolock GB n’a atteint que 2,4 % des chiffres de ventes prévisionnels fixés dans l’accord de licence que cette dernière avait conclu avec Lion Laboratories. Si le Tribunal avait retenu la méthodologie préconisée par la requérante, fondée notamment sur la prise en compte des objectifs fixés dans cet accord, il aurait nécessairement conclu que l’usage de la marque antérieure au cours de la première période n’avait revêtu qu’un caractère purement symbolique.

    72      Troisièmement, le Tribunal aurait erronément tenu compte de l’usage de la marque antérieure pour des services, alors qu’il appartenait à Lion Laboratories d’apporter la preuve de l’usage pour les produits pour lesquels cette marque était enregistrée. Par ailleurs, contrairement à ce que le Tribunal aurait relevé au point 74 de l’arrêt attaqué, la requérante aurait contesté devant lui le fait que les documents publicitaires et les factures correspondantes mentionnaient à la fois la marque antérieure et les produits pour lesquels elle était enregistrée.

    73      Quatrièmement, le Tribunal se serait fondé sur des considérations abstraites, sans procéder à une analyse concrète des caractéristiques du marché concerné (composé de 30 millions de clients au Royaume-Uni, la sécurité routière étant un sujet de préoccupation depuis les années 60) et des produits (des dispositifs standard d’analyse de l’alcool dans l’air expiré qui sont largement vendus), au vu desquelles le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure impliquait un certain seuil quantitatif. À ce dernier titre, le Tribunal aurait dû tenir compte, d’une part, du fait que la marque antérieure pouvait et aurait dû être utilisée pour des dispositifs standard d’analyse de l’alcool dans l’air expiré, comme le permettrait la désignation des produits de la marque antérieure, et non uniquement pour une partie des produits couverts par cette marque, et, d’autre part, du seuil quantitatif raisonnable fixé dans l’accord de licence. Parallèlement, le Tribunal aurait accordé une importance exagérée à d’autres éléments de preuve produits.

    74      Cinquièmement, le Tribunal n’aurait pas examiné, contrairement à ce qu’il aurait annoncé au point 34 de l’arrêt attaqué, si la marque no 2371210 avait été déposée dans le seul but de permettre à Lion Laboratories de maintenir artificiellement ses droits sur la marque antérieure. En effet, selon une stratégie répandue, les titulaires de marques présenteraient de nouvelles demandes pour le même signe et pour des produits similaires peu de temps avant la date de renouvellement, afin de contourner l’exigence d’un usage sérieux prévue pour ce renouvellement.

    75      L’EUIPO rétorque que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, manifestement non fondé.

     Appréciation de la Cour

    76      À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour que, comme le fait observer la requérante dans son pourvoi, la détermination des critères devant être employés pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure relève d’une question de droit et, partant, de la compétence de la Cour (voir, par analogie, arrêt du 11 octobre 2017, EUIPO/Cactus, C‑501/15 P, EU:C:2017:750, point 64).

    77      Toutefois, d’une part, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un requérant ne saurait invoquer, pour la première fois devant la Cour, des moyens et des arguments qu’il n’a pas soulevés devant le Tribunal. En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour de tels moyens et arguments reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 43 et jurisprudence citée).

    78      Or, en l’occurrence, il ressort de la requête en première instance que, devant le Tribunal, la requérante n’a pas allégué que les prévisions chiffrées figurant dans l’accord de licence conclu entre Lion Laboratories et Alcolock GB devaient servir de critère d’évaluation du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure. Dans ces conditions, elle ne saurait, sous couvert de prétendues erreurs de méthodologie, reprocher au Tribunal d’avoir omis de tenir compte des éléments prévisionnels contenus dans cet accord de licence. Il en résulte que, en ce qu’il est pris d’une telle omission par le Tribunal, le troisième moyen est nouveau et, partant, irrecevable.

    79      D’autre part, la requérante ne saurait contester, sous couvert de l’allégation de prétendues erreurs de droit dans la détermination des critères pertinents pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure, des appréciations factuelles opérées par le Tribunal. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour citée au point 40 du présent arrêt, l’appréciation des faits et des éléments de preuve échappe, sous réserve du cas de leur dénaturation, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

    80      Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer irrecevables les arguments dirigés contre les points 75 et 87 de l’arrêt attaqué, les arguments pris d’une prétendue absence ou quasi-inexistence de tout usage de la marque antérieure au cours des années 2004 à 2006, ainsi que les arguments reprochant au Tribunal d’avoir eu égard à certains éléments de preuve relatifs à l’usage de la marque antérieure pour des prestations de services, pour autant que, par de tels arguments, la requérante entend remettre en cause les appréciations factuelles et l’examen des éléments de preuve effectués par le Tribunal ou invite la Cour à procéder à de nouvelles appréciations des faits.

    81      Sur le fond, premièrement, dans la mesure où la requérante reproche, en substance, au Tribunal de s’être limité à examiner l’usage fait de la marque antérieure pour les produits effectivement commercialisés par le titulaire de celle-ci ou par un licencié sans apprécier cet usage au regard des autres produits à l’égard desquels cette marque avait été enregistrée, alors que, en l’occurrence, Lion Laboratories aurait également pu utiliser ladite marque pour ces autres produits, il importe de relever que cet argument recoupe largement celui tiré de ce que le Tribunal n’aurait pas procédé à une analyse concrète des caractéristiques du marché. Il sera donc analysé en même temps que ce dernier argument aux points 87 à 91 du présent arrêt.

    82      Deuxièmement, en ce que la requérante reproche au Tribunal une erreur de droit consistant à ne pas avoir examiné, de manière séparée, les deux périodes pertinentes, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lequel définit la notion d’« usage sérieux » pour les besoins de l’application de la réglementation relative à la marque de l’Union européenne, que la suspension de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne « pendant un délai ininterrompu de cinq ans » implique l’application des sanctions prévues par ce règlement. Partant, il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente pour échapper auxdites sanctions.

    83      En l’espèce, il est constant que, comme le Tribunal l’a relevé aux points 54, 55 et 57 de l’arrêt attaqué, en application de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’usage sérieux de la marque antérieure devait être établi pour les première et seconde périodes courant, respectivement, du 5 octobre 2004 au 4 octobre 2009 et du 13 août 2007 au 12 août 2012 et que ces deux périodes se recoupaient.

    84      Il s’ensuit que les preuves d’usage de la marque antérieure afférentes à la période de recoupement, comprise entre le 13 août 2007 et le 4 octobre 2009, pouvaient être prises en compte pour chacune des deux périodes pertinentes et que le Tribunal pouvait considérer, en particulier au vu des éléments de preuve apportés pour cette période, que l’usage sérieux de cette marque était établi à suffisance de droit.

    85      Troisièmement, il convient de rejeter l’argument selon lequel le Tribunal aurait, à tort, pris en compte l’usage de la marque antérieure pour des services, alors qu’il aurait dû apprécier l’usage fait de cette marque pour des produits relevant de la classe 9 de l’arrangement de Nice. En effet, il ressort notamment des points 73 et 74 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est attaché à établir l’usage de ladite marque pour des produits pour lesquels elle a été enregistrée. Au demeurant, il y a lieu de relever que c’est sans méconnaître la portée de la requête en première instance que le Tribunal a relevé, au point 74 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne contestait pas le fait que les documents publicitaires et les factures correspondantes visés à ce point mentionnaient à la fois la marque antérieure et les produits. En effet, dans cette requête, la requérante s’est contentée d’avancer une affirmation d’ordre général, selon laquelle « certaines factures [apportées par Lion Laboratories en tant qu’éléments de preuve] portaient sur des services et non sur des [produits] », laquelle allégation ne laissait nullement entendre que la requérante cherchait à alléguer qu’aucun des documents publicitaires et des factures correspondantes apportés par Lion Laboratories ne portait sur des produits.

    86      À cet égard, il convient d’ajouter que la requérante a renvoyé, dans sa requête introductive d’instance, à un document annexé à cette requête. Or, selon la jurisprudence de la Cour, pour qu’un argument invoqué à l’appui d’un moyen soit recevable, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C‑511/11 P, EU:C:2013:386, point 115). Partant, il y a lieu de considérer que le Tribunal n’était pas tenu de rechercher, dans les annexes à la requête en première instance, d’éventuels éléments de contestation.

    87      Quatrièmement, s’agissant de la prétendue omission de tenir compte des circonstances concrètes du marché des produits en cause, il convient d’observer que, aux points 86 à 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et écarté l’argument de la requérante, tel que résumé au point 86 de cet arrêt, selon lequel, eu égard aux caractéristiques du marché, le volume des ventes des produits en cause était insuffisant pour constater l’usage sérieux de la marque antérieure. À cet égard, dans le cadre d’une appréciation des faits, dont le contrôle échappe, sauf en cas de dénaturation, à la compétence de la Cour saisie d’un pourvoi, le Tribunal a considéré, au point 89 dudit arrêt, que, « en dépit du nombre relativement faible de produits en cause vendus au cours des périodes pertinentes, [...] les ventes effectuées constituent des actes d’usage objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour les produits en question ».

    88      Il découle de ce qui précède que le Tribunal a, implicitement mais certainement, tenu compte des caractéristiques du marché des produits en question.

    89      Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2015, MEGA Brands International/OHMI, C‑182/14 P, EU:C:2015:187, point 54 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 juin 2018, Ori Martin/Cour de justice de l’Union européenne, C‑463/17 P, EU:C:2018:411, point 26 et jurisprudence citée).

    90      Par ailleurs, il convient d’ajouter, d’une part, que, dans la mesure où la requérante insiste, dans ce contexte, sur le fait que le volume des ventes en cause aurait été très faible, l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/centrotherm Clean Solutions, C‑609/11 P, EU:C:2013:592, points 72 et 74).

    91      D’autre part, dans la mesure où la requérante reproche au Tribunal d’avoir accordé une importance excessive à d’autres éléments de preuve, son argumentation procède de constats généraux, sans identifier de manière spécifique les erreurs de droit que le Tribunal aurait, selon elle, commises. Partant, cette argumentation est irrecevable.

    92      Cinquièmement, s’agissant de la prétendue omission, par le Tribunal, d’apprécier l’allégation, soulevée par la requérante dans le cadre du premier grief de son premier moyen d’annulation et selon laquelle la marque no 2371210 aurait été déposée dans le seul but de permettre à Lion Laboratories de maintenir artificiellement ses droits sur la marque antérieure, il y a lieu d’observer que le Tribunal a considéré, au point 34 de l’arrêt attaqué, que cette allégation visait, en substance, à contester que cette marque avait fait l’objet d’un usage sérieux, de sorte qu’elle devait être examinée dans le cadre du troisième moyen relatif à la preuve d’un tel usage.

    93      S’il est vrai que, comme le soutient la requérante, le Tribunal n’a pas spécifiquement abordé cette allégation dans le cadre de son appréciation, aux points 59 à 96 de l’arrêt attaqué, de ce troisième moyen, il n’en demeure pas moins qu’il l’a implicitement écartée, sans qu’il puisse lui en être fait grief, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 89 du présent arrêt. En effet, cette allégation était clairement fondée sur la prémisse, contredite par les appréciations factuelles du Tribunal, que la marque antérieure n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux.

    94      Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

     Sur le quatrième moyen

     Argumentation des parties

    95      Par son quatrième moyen, la requérante allègue que, à supposer que la marque antérieure ait été utilisée, le Tribunal a commis une erreur en considérant que cette marque, en ce qu’elle n’était pas apposée sur les produits, avait fait l’objet d’un usage « en tant que marque ».

    96      Concrètement, le Tribunal aurait commis deux erreurs dans l’application de la jurisprudence issue de l’arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497).

    97      Premièrement, il ressortirait des points 20 et 21 de cet arrêt que, lorsqu’une marque n’est pas apposée sur les produits, il y aurait lieu de considérer que l’usage de cette marque pour les produits qu’elle vise ne saurait être établi que lorsque le signe correspondant à cette marque est utilisé de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne du titulaire de la marque et les produits commercialisés et que le signe permette de distinguer lesdits produits. Or, en l’espèce, le Tribunal se serait contenté, aux points 83 et 84 de l’arrêt attaqué, d’examiner si les rares éléments de preuve fournis permettaient d’identifier ou de décrire les produits en cause, sans vérifier s’ils permettaient de les distinguer.

    98      Deuxièmement, à la différence des circonstances ayant conduit à l’arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497), en l’espèce, une autre marque, à savoir la marque figurative Lion, apparaîtrait sur les produits, tandis que la marque antérieure serait susceptible d’être perçue comme un nom courant par les clients. Or, dans ces conditions, il serait très peu probable qu’un client établisse un lien entre, d’une part, la dénomination sociale désignant l’entreprise (« Alcolock GB » ou « Alcolock ») ou le nom courant reflété dans l’utilisation des termes « the Alcolock », « alcolocks » ou « Alcolock Kit » et, d’autre part, la marque antérieure. À cet égard, la requérante se réfère à divers éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure produits devant tant l’EUIPO que le Tribunal afin d’illustrer l’utilisation, non pas de la marque antérieure, mais de noms courants ou de dénominations sociales et conteste les considérations figurant aux points 76, 80, 81 et 84 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait dénaturé ces éléments de preuve et omis d’apprécier le fait que le terme « alcolock » était utilisé comme un nom courant par les clients du Royaume-Uni.

    99      L’EUIPO estime que le quatrième moyen est, en partie, irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

     Appréciation de la Cour

    100    Le quatrième moyen est dirigé contre les points 80 à 85 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a écarté une argumentation de la requérante, soulevée dans le cadre de son troisième moyen d’annulation, selon laquelle la marque antérieure n’avait jamais été apposée sur les produits en cause et qu’elle n’avait été utilisée que de manière descriptive, en tant que dénomination sociale de Alcolock GB ou pour désigner des produits vendus sous une autre marque.

    101    En premier lieu, dans la mesure où la requérante allègue une méconnaissance des enseignements devant être tirés, selon elle, des points 20 et 21 de l’arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497), il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante n’a nullement soutenu, devant le Tribunal, que, en cas d’apposition sur les produits en cause, non pas de la marque antérieure, mais d’un nom courant, d’une désignation sociale ou d’une autre marque, il y a lieu de déterminer si les éléments de preuve fournis permettent de distinguer les produits en cause. Partant, elle ne saurait être recevable à reprocher au Tribunal de ne pas avoir abordé cette question.

    102    En second lieu, dans la mesure où la requérante conteste les considérations relatives à l’existence d’un lien entre le signe utilisé et la marque antérieure, il convient d’emblée de relever que, aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que plusieurs documents publicitaires produits en tant qu’éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure montraient un appareil sur lequel celle-ci était apposée et que la circonstance que certains documents publicitaires mentionnaient cette marque comme dénomination sociale de Alcolock GB et montraient des appareils semblables revêtus d’une autre marque n’excluait pas que l’usage de ladite marque soit qualifié de « sérieux ». Aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, fondé cette conclusion sur la considération que la marque antérieure était mentionnée aux fins d’identifier et de décrire les produits en cause dans de nombreux documents publicitaires, factures et bons de commandes ainsi que dans un article de presse, de sorte que le lien, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497), entre ladite marque et la commercialisation des produits pour lesquels elle avait été enregistrée était, en tout état de cause, établi.

    103    Il s’ensuit que le Tribunal a statué sur la base d’une appréciation d’ensemble de différents éléments de preuve attestant d’un usage sérieux de la marque antérieure.

    104    Or, la requérante ne conteste nullement le recours à une telle appréciation d’ensemble et se borne à critiquer la seule appréciation de certains documents en particulier. Dans cette mesure, le quatrième moyen est, partant, inopérant.

    105    En toute hypothèse, il convient d’ajouter que, dans la mesure où ces arguments tendent en réalité à obtenir un réexamen, par la Cour, des éléments de fait et de preuve qui ont été soumis à l’appréciation du Tribunal, ils sont également irrecevables en application de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt. Si la requérante fait allusion à une dénaturation de ces éléments par le Tribunal, elle est toutefois restée en défaut d’en établir l’existence.

    106    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être écarté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.

     Sur le cinquième moyen

     Argumentation des parties

    107    Par son cinquième moyen, la requérante reproche au Tribunal des violations du principe de territorialité régissant le droit des marques, conformément à l’article 6 de la convention pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305), et de son droit fondamental à exercer ses droits de propriété intellectuelle et à bénéficier du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne. Elle invoque, à cet égard, l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

    108    En substance, elle estime que, à compter du 23 juin 2016, date du référendum à l’occasion duquel le peuple du Royaume-Uni a exprimé sa volonté de se retirer de l’Union, le Tribunal aurait dû, au nom de l’ordre public, tenir compte du futur retrait du Royaume-Uni de l’Union ou ordonner une suspension de la procédure jusqu’au retrait effectif de celui-ci, afin d’annuler, ensuite, la décision litigieuse. Elle observe que le Tribunal a prononcé l’arrêt attaqué le jour où le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l’Union, conformément à l’article 50 TUE.

    109    Ce faisant, le gouvernement du Royaume-Uni aurait reconnu que les marques du Royaume-Uni ne sauraient servir de fondement aux fins de l’annulation de marques de l’Union européenne.

    110    La requérante ajoute, d’une part, que le fait que la décision litigieuse a été adoptée avant ladite notification et que le droit de l’Union continue à s’appliquer au Royaume-Uni pendant le déroulement de la procédure visée à l’article 50 TUE ne saurait s’opposer à la recevabilité ainsi qu’au bien-fondé du présent moyen. En effet, ce moyen soulèverait des questions d’ordre public. De surcroît, la requérante n’aurait pu avancer ledit moyen devant le Tribunal, dès lors que le référendum a été organisé après la clôture, le 11 février 2016, de la procédure écrite devant celui-ci.

    111    D’autre part, la requérante estime qu’il ne lui suffirait pas de déposer une nouvelle marque de l’Union européenne portant sur le signe « alcolock » au terme de la procédure visée à l’article 50 TUE. En effet, elle ne serait plus en mesure de réclamer, à ce moment-là, le plein bénéfice de ses droits d’ancienneté. De surcroît, la transformation de la marque contestée en marques nationales, en attendant le retrait du Royaume-Uni de l’Union, l’exposerait à des coûts inutiles et disproportionnés.

    112    La requérante fait par ailleurs observer que, compte tenu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, c’est la date à laquelle sera rendu l’arrêt de la Cour sur pourvoi qui importe.

    113    L’EUIPO estime que ce moyen est dénué de tout fondement.

    114    Le Royaume-Uni estime que le présent moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

     Appréciation de la Cour

    115    Par son cinquième moyen, la requérante allègue, en substance, que le Tribunal aurait dû suspendre la procédure jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union, afin de pouvoir annuler la décision litigieuse au motif qu’une marque antérieure du Royaume-Uni ne pourrait plus être opposée au maintien d’une marque de l’Union européenne.

    116    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’un tel moyen, il convient de relever que, aux termes de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO que « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, [dudit] règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ». Il s’ensuit que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision litigieuse que si, à la date à laquelle cette décision a été prise, elle était entachée d’un motif d’annulation ou de réformation. En revanche, le Tribunal ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, points 54 et 55, ainsi que du 26 octobre 2016, Westermann Lernspielverlage/EUIPO, C‑482/15 P, EU:C:2016:805, point 27).

    117    Or, il serait contraire à cette jurisprudence de considérer que le Tribunal était en l’espèce tenu de suspendre la procédure pendante devant lui afin, le cas échéant, d’annuler la décision litigieuse à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union au motif, par ailleurs purement hypothétique à ce stade, que ledit retrait affecterait rétroactivement l’issue des procédures en nullité fondées sur une marque antérieure de cet État membre.

    118    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que Lion Laboratories est désormais une société établie en dehors de l’Union et que cette société a obtenu l’annulation de la marque contestée sur la base de la marque antérieure enregistrée hors de l’Union, il convient de relever que la seule notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre et que, par conséquent, ce droit reste pleinement en vigueur dans ledit État membre jusqu’à son retrait effectif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 45).

    119    Il s’ensuit que le cinquième moyen et, par conséquent, le quatrième chef des conclusions de la requérante doivent être écartés.

    120    Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son intégralité.

     Sur les dépens

    121    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

    122    L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    123    L’EUIPO ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en son pourvoi, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses dépens, ceux exposés par l’EUIPO.

    124    L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

    125    Partant, le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc. est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

    3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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