Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62017CJ0153

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 octobre 2018.
    Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs contre Volkswagen Financial Services (UK) Ltd.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom.
    Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 168 et 173 – Déduction de la taxe payée en amont – Opérations de location‑vente de véhicules – Biens et services utilisés à la fois pour des opérations imposables et pour des opérations exonérées – Naissance et étendue du droit à déduction – Prorata de déduction.
    Affaire C-153/17.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:845

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    18 octobre 2018 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 168 et 173 – Déduction de la taxe payée en amont – Opérations de location-vente de véhicules – Biens et services utilisés à la fois pour des opérations imposables et pour des opérations exonérées – Naissance et étendue du droit à déduction – Prorata de déduction »

    Dans l’affaire C‑153/17,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), par décision du 22 mars 2017, parvenue à la Cour le 27 mars 2017, dans la procédure

    Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

    contre

    Volkswagen Financial Services (UK) Ltd,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. E. Regan, président de la cinquième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur) et S. Rodin, juges,

    avocat général : M. M. Szpunar,

    greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2018,

    considérant les observations présentées :

    pour Volkswagen Financial Services (UK) Ltd, par Mme N. Shaw, QC, et M. M. Jones, barrister, mandatés par Mme A. Brown, solicitor,

    pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon, en qualité d’agent, assisté de M. O. Thomas, QC, et de Mme A. Mannion, barrister,

    pour la Commission européenne, par Mme N. Gossement et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2018,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière, Royaume-Uni) (ci-après l’« administration fiscale ») à Volkswagen Financial Services (UK) Ltd (ci-après « VWFS ») au sujet de la méthode applicable pour déterminer la partie récupérable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont par cette société dans le cadre de la partie de son activité consistant notamment à offrir des prestations de location-vente de véhicules automobiles.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    L’article 1er, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, de la directive TVA énonce :

    « Le principe du système commun de TVA est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

    À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

    4

    Il ressort de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de cette directive que les États membres exonèrent « l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés ».

    5

    L’article 168 de ladite directive prévoit :

    « Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

    a)

    la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

    b)

    la TVA due pour les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services conformément à l’article 18, point a), et à l’article 27 ;

    c)

    la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, point b) i) ;

    d)

    la TVA due pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires conformément aux articles 21 et 22 ;

    e)

    la TVA due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre. »

    6

    L’article 173 de cette même directive dispose :

    « 1.   En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

    Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti.

    2.   Les États membres peuvent prendre les mesures suivantes :

    a)

    autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs ;

    b)

    obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs ;

    c)

    autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ;

    d)

    autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au paragraphe 1, premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées ;

    e)

    prévoir, lorsque la TVA qui ne peut être déduite par l’assujetti est insignifiante, qu’il n’en sera pas tenu compte. »

    Le droit du Royaume-Uni

    7

    Les dispositions de la directive TVA relatives à la déduction de la TVA en amont ont été transposées en droit du Royaume-Uni par l’article 26 du Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) et par les articles 101 et 102 du Value Added Tax Regulations 1995 (règlement de 1995 relatif à la taxe sur la valeur ajoutée). L’article 101, paragraphe 2, sous d), de ce règlement établit la méthode normale de détermination du droit à déduction.

    8

    Une dérogation à cette méthode normale est prévue à l’article 102 dudit règlement, qui permet à l’administration fiscale d’adopter une méthode spéciale pour déterminer le prorata déductible de la TVA acquittée en amont.

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    9

    VWFS est une société financière détenue à 100 % par Volkswagen Financial Services AG et qui fait partie du groupe Volkswagen AG. Ce groupe construit et vend des véhicules automobiles sous diverses marques, telles que Volkswagen, Audi et Škoda.

    10

    Les financements proposés par VWFS sont uniquement destinés à l’acquisition de véhicules des marques dudit groupe. Outre les offres de financement, cette société contribue à la commercialisation des voitures de ces marques par la formation du personnel de vente des distributeurs. Toutefois, les frais liés à cette contribution sont généralement amortis sur l’ensemble du budget de fonctionnement de VWFS et ne sont pas facturés aux autres entreprises du groupe qui, tout en faisant partie du même groupe de sociétés, n’ont pas adhéré avec VWFS à un régime d’assujettissement de groupe à la TVA.

    11

    Les activités de VWFS sont réparties en plusieurs secteurs, notamment le secteur de détail. Dans ce secteur, cette société propose trois sortes de produits, tant aux professionnels qu’aux particuliers, dont la location-vente de véhicules automobiles. Lorsqu’elle conclut un contrat de location-vente, VWFS achète le véhicule au distributeur et le met à la disposition du client, ce contrat prévoyant que la propriété du véhicule n’est pas transférée au client tant que tous les paiements dus aux termes du contrat n’ont pas été effectués.

    12

    Selon la réglementation applicable au Royaume-Uni, VWFS, lorsqu’elle conclut un tel contrat, est considérée comme le fournisseur du véhicule concerné par ledit contrat, qui doit notamment contenir une condition en vertu de laquelle ce véhicule est de qualité satisfaisante. Ainsi, le service que cette société fournit ne se borne pas à l’octroi d’un crédit, mais comprend une assistance relative au véhicule lui-même, telle que la gestion des plaintes portant sur la qualité de celui-ci.

    13

    Selon les termes d’un tel contrat de location-vente, le prix payé à VWFS au titre de l’acquisition du véhicule correspond au prix payé au distributeur par VWFS, sans marge bénéficiaire. Par contre, dans le cadre de la fixation du taux d’intérêt relatif à la partie « financement » de l’opération, VWFS ajoute à ses propres frais de financement une marge pour les frais généraux, une marge bénéficiaire et une provision pour créances douteuses. Ainsi, selon le système de comptabilisation que VWFS utilise pour ce type d’opération, la part des remboursements correspondant aux intérêts est inclue dans le chiffre d’affaires, contrairement à la part correspondant au remboursement du prix d’achat du véhicule.

    14

    Il est constant entre les parties que, tout en constituant une seule opération commerciale, un contrat de location-vente comprend, au regard du droit de la TVA du Royaume-Uni, plusieurs prestations distinctes, y compris, d’une part, la mise à disposition d’un véhicule, opération imposable, et, d’autre part, l’octroi d’un crédit, opération exonérée.

    15

    En ce qui concerne la TVA acquittée en amont par VWFS sur l’ensemble de ses activités, une partie de celle-ci porte exclusivement soit sur des opérations imposables, soit sur des opérations exonérées et l’autre partie porte sur des opérations relevant des deux types. Cette dernière TVA est qualifiée de « résiduelle » au Royaume-Uni. Concrètement, il s’agit des frais généraux afférents à l’administration journalière, tels que ceux liés à la formation et au recrutement de personnel, aux repas et aux boissons de celui-ci, à l’entretien et à l’amélioration de l’infrastructure informatique ainsi que ceux liés aux locaux et à la papeterie. Eu égard au statut d’opérateur partiellement exonéré de VWFS, les parties s’opposent quant à la question de savoir dans quelle mesure VWFS peut déduire cette TVA résiduelle.

    16

    Pour déterminer le montant de la taxe payée en amont qu’elle pouvait déduire, VWFS est convenue avec l’administration fiscale d’une « méthode spéciale d’exonération partielle ». Selon cette méthode, la taxe payée en amont sur les frais exposés uniquement pour la réalisation d’opérations taxées est déductible, tandis que la taxe sur les frais exposés uniquement pour la réalisation d’opérations exonérées n’est pas déductible.

    17

    Le 2 février 2007, VWFS a écrit à l’administration fiscale afin de lui proposer que, dans le cadre de cette méthode spéciale, la TVA résiduelle payée en amont soit ventilée entre ses secteurs d’activité notamment en fonction du chiffre d’affaires de chaque secteur, qui serait pourtant calculé sans prendre en compte la valeur des véhicules revendus dans le cadre des contrats de location-vente. Puis, une méthode particulière serait appliquée pour quantifier la TVA résiduelle déductible pour chaque secteur.

    18

    Le différend qui oppose l’administration fiscale et VWFS porte sur la question de savoir dans quelle mesure la TVA résiduelle ainsi affectée au secteur de détail doit être considérée, selon une telle méthode particulière, comme « utilisée ou à utiliser » par VWFS pour effectuer des opérations imposables dans ce secteur.

    19

    À cet égard, VWFS propose de se baser sur le rapport entre le nombre d’opérations imposables et le nombre total des opérations dans ledit secteur. Selon sa méthode, les opérations de location-vente devraient être regardées comme deux opérations distinctes, l’une imposable et l’autre exonérée, et le nombre des opérations correspondrait non pas au nombre des contrats, mais à celui des paiements, habituellement mensuels, effectués en vertu de ces contrats.

    20

    L’administration fiscale estime, quant à elle, que chaque montant de TVA résiduelle affecté aux contrats de location-vente doit être ventilé entre les opérations imposables et les opérations exonérées selon la valeur de ces opérations, mais à l’exclusion de la valeur initiale du véhicule lors de sa livraison. Étant donné que la valeur de l’opération de location-vente serait ainsi largement imputable à l’octroi du financement, qui est une prestation exonérée, serait seule récupérable la portion de la TVA résiduelle relative à la valeur des autres opérations imposables effectuées dans le cadre de ces contrats, telles que les indemnités de règlement anticipé et les frais d’exercice de l’option d’achat.

    21

    Le 16 juin 2008, l’administration fiscale a émis un avis d’imposition au titre de la TVA due par VWFS, sur la base de son interprétation du droit à déduction. Puis, le 30 septembre 2008, l’administration fiscale a adopté une décision fixant l’assiette imposable.

    22

    VWFS a contesté cet avis d’imposition devant le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume-Uni], qui a accueilli cette réclamation par jugement du 18 août 2011.

    23

    L’administration fiscale a formé un recours contre ce jugement devant l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery), Royaume–Uni]. Le 12 novembre 2012, cette juridiction a rendu un jugement faisant droit à ce recours.

    24

    Le recours formé par VWFS devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni], a été accueilli par cette dernière, par jugement rendu le 28 juillet 2015.

    25

    La juridiction de renvoi, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), a autorisé l’administration fiscale à présenter un recours le 23 décembre 2015 et a examiné ce dernier le 3 novembre 2016.

    26

    C’est dans ces conditions que la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    Lorsque des frais généraux imputés à des opérations de location-vente (consistant en l’octroi de financements, opérations exonérées, et en la mise à disposition de voitures, opérations imposables) ont été intégrés dans le seul prix de l’octroi de financements par l’assujetti, opérations exonérées, l’assujetti a-t-il le droit de déduire tout ou partie de la TVA grevant ces frais en amont ?

    2)

    Comment convient-il d’interpréter le point 31 de l’arrêt du 8 juin 2000, Midland Bank (C‑98/98, EU:C:2000:300), plus précisément le motif selon lequel les frais généraux “font partie des frais généraux de l’assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits d’une entreprise” ?

    En particulier :

    a)

    Faut-il interpréter ce passage en ce sens qu’un État membre doit toujours attribuer une partie de la taxe en amont à chaque opération, dans toute méthode spéciale adoptée en vertu de l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA ?

    b)

    Est-ce le cas même si, en fait, les frais généraux ne sont pas intégrés dans le prix des opérations imposables effectuées par l’entreprise ?

    3)

    Le fait que les frais généraux ont été effectivement exposés, à tout le moins dans une certaine mesure, pour effectuer des mises à disposition de véhicules, qui sont des opérations imposables,

    a)

    implique-t-il qu’une certaine partie de la taxe payée en amont sur ces frais doit être déductible ;

    b)

    est-ce le cas même si, en fait, les frais généraux ne sont pas intégrés dans le prix des mises à disposition de véhicules, qui sont des opérations imposables ?

    4)

    Peut-on légitimement, en principe, ignorer les mises à disposition de véhicules, qui sont des opérations imposables (ou leur valeur) pour parvenir à une méthode spéciale, au sens de l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA ? »

    Sur les questions préjudicielles

    27

    Par ses quatre questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 168 et l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, même lorsque les frais généraux afférents à des prestations de location-vente de biens meubles, telles que celles en cause au principal, sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au titre de la mise à disposition du bien concerné, soit la partie imposable de l’opération, mais dans le montant de l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération, soit la partie exonérée de celle-ci, ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la TVA, comme un élément constitutif du prix de cette mise à disposition et, d’autre part, les États membres peuvent appliquer une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la valeur initiale du bien concerné lors de la livraison de celui-ci.

    Observations liminaires

    28

    À titre liminaire, il convient de déterminer si, du point de vue de la TVA, les différentes opérations afférentes à des prestations de location-vente, telles que celles en cause au principal, à savoir l’octroi de financements et la mise à disposition de véhicules, doivent être traitées comme des opérations distinctes imposables séparément ou comme des opérations complexes uniques, composées de plusieurs éléments.

    29

    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une opération est constituée par un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question afin de déterminer si cette opération donne lieu, aux fins de la TVA, à deux ou à plusieurs prestations distinctes ou à une prestation unique (arrêt du 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam, C‑463/16, EU:C:2018:22, point 21 et jurisprudence citée).

    30

    La Cour a également jugé que, d’une part, il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA que chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et que, d’autre part, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. Il y a lieu de considérer qu’il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2016, Gabarel, C‑555/15, non publiée, EU:C:2016:272, point 44, ainsi que arrêt du 4 octobre 2017, Federal Express Europe, C‑273/16, EU:C:2017:733, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

    31

    En outre, il s’agit d’une prestation unique lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêt du 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam, C‑463/16, EU:C:2018:22, point 23 et jurisprudence citée).

    32

    Dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si tel est le cas dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard (arrêt du 10 mars 2011, Bog e.a., C‑497/09, C‑499/09, C‑501/09 et C‑502/09, EU:C:2011:135, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

    33

    Ainsi, afin de déterminer si une opération commerciale constitue plusieurs prestations indépendantes ou une prestation unique aux fins de la TVA, il incombe au juge national de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération concernée, en tenant compte de l’objectif économique de cette opération et de l’intérêt de ses destinataires (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2016, Stock ‘94, C‑208/15, EU:C:2016:936, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée).

    34

    En l’occurrence, la juridiction de renvoi considère que chaque contrat de location-vente de voitures est constitué de plusieurs prestations distinctes, à savoir, d’une part, la mise à disposition d’un véhicule et, d’autre part, l’octroi d’un crédit. À cet égard, il convient de constater qu’il ne ressort ni de la décision de renvoi ni des observations soumises à la Cour que cette qualification n’a pas été effectuée conformément aux critères susmentionnés.

    35

    Notamment, ainsi que l’a soutenu le gouvernement du Royaume-Uni, cette décomposition de l’opération de location-vente apparaît compatible avec la jurisprudence de la Cour, selon laquelle bien que les exonérations prévues à l’article 135 de la directive TVA soient d’interprétation stricte, il n’en demeure pas moins que, à défaut de précision de l’identité du prêteur ou de l’emprunteur, l’expression « octroi et négociation de crédits », au sens du paragraphe 1, sous b), de cet article, ne saurait viser les seuls prêts et crédits octroyés par des organismes bancaires et financiers.

    36

    Partant, le paiement différé du prix d’achat d’un bien, moyennant le versement d’intérêts, peut être considéré comme un octroi de crédit, qui constitue une opération exonérée en vertu de cette disposition, pour autant que le paiement des intérêts constitue non pas un élément de la contrepartie obtenue pour la livraison des biens ou les prestations de services, mais la rémunération de ce crédit (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 1993, Muys’ en De Winter’s Bouw- en Aannemingsbedrijf, C‑281/91, EU:C:1993:855, points 12, 13 et 19).

    Sur la méthode de calcul du prorata de déduction de la TVA

    37

    Aux fins de répondre aux questions posées, telles que reformulées au point 27 du présent arrêt, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour relative à la naissance et à l’étendue du droit à déduction de la TVA.

    38

    La Cour a déjà jugé qu’il ressort de l’article 168 de la directive TVA qu’un assujetti a, en principe, droit à la déduction de la TVA acquittée en amont dès lors qu’il est établi que les biens ou les services invoqués pour fonder ce droit sont utilisés en aval par cet assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens ou services sont fournis par un autre assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2016, Gemeente Woerden, C‑267/15, EU:C:2016:466, points 34 et 35).

    39

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, ce droit des assujettis constitue un principe fondamental du système commun de TVA mis en place par la législation de l’Union européenne, de telle sorte que ledit droit fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut en principe être limité (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2016, Gemeente Woerden, C‑267/15, EU:C:2016:466, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

    40

    En effet, le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 22 juin 2016, Gemeente Woerden, C‑267/15, EU:C:2016:466, point 32).

    41

    Il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit. Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C‑132/16, EU:C:2017:683, point 28 et jurisprudence citée).

    42

    Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C‑132/16, EU:C:2017:683, point 29 et jurisprudence citée).

    43

    En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les frais généraux en cause au principal entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble des activités de VWFS, et non pas uniquement avec certaines de celles-ci. À cet égard, le fait que VWFS aurait décidé d’incorporer ces frais non pas dans le prix des opérations imposables, mais uniquement dans le prix des opérations exonérées ne saurait avoir une quelconque incidence sur une telle constatation de fait.

    44

    Ainsi, dans la mesure où ces frais généraux ont été effectivement exposés, à tout le moins dans une certaine mesure, en vue de la mise à disposition de véhicules, qui sont des opérations taxées, lesdits frais font partie, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix de ces opérations. Dès lors, un droit à déduction de la TVA s’ouvre, en principe, conformément aux considérations exposées aux points 38 à 42 du présent arrêt.

    45

    En ce qui concerne le fait que les frais généraux en cause au principal ne se reflètent pas, d’une manière apparente, dans le prix des opérations taxées de mise à disposition de véhicules, il convient de rappeler que le résultat de ces opérations économiques est dénué de pertinence au regard du droit à déduction à condition que l’activité soit elle-même soumise à la TVA (arrêt du 22 juin 2016, Gemeente Woerden, C‑267/15, EU:C:2016:466, point 40 et jurisprudence citée).

    46

    En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il convient de garantir le droit à déduction de la TVA, sans le subordonner à un critère portant, notamment, sur le résultat de l’activité économique de l’assujetti, conformément aux dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA en vertu desquelles est un assujetti « quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité » (arrêt du 5 juillet 2018, Marle Participations, C‑320/17, EU:C:2018:537, point 44).

    47

    Néanmoins, l’étendue de ce droit à déduction varie selon l’usage auquel les biens et les services en cause sont destinés. En effet, tandis que, pour les biens et les services destinés à être utilisés exclusivement pour réaliser des opérations taxées, les assujettis sont autorisés à déduire la totalité de la taxe ayant grevé leur acquisition ou leur fourniture, pour les biens et les services destinés à un usage mixte, il ressort de l’article 173, paragraphe 1, de la directive TVA que le droit à déduction est limité à la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction réalisées au moyen de ces biens ou de ces services (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, C‑332/14, EU:C:2016:417, point 25).

    48

    En l’occurrence, étant donné que les frais généraux affectés au secteur de détail de VWFS concernent des biens et des services utilisés pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, un prorata de déduction doit être établi, conformément aux dispositions pertinentes de cette directive.

    49

    En règle générale, selon les termes de l’article 173, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive TVA, le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175 de cette directive, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti en faisant référence au chiffre d’affaires.

    50

    Néanmoins, selon les termes de l’article 173, paragraphe 2, sous c), de ladite directive, les États membres peuvent autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et des services.

    51

    Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les États membres peuvent, grâce à cette disposition, appliquer, pour une opération donnée, une méthode ou une clé de répartition autre que la méthode fondée sur le chiffre d’affaires, à condition que cette méthode garantisse une détermination du prorata de déduction de la TVA payée en amont plus précise que celle résultant de l’application de la méthode fondée sur le chiffre d’affaires (arrêt du 8 novembre 2012, BLC Baumarkt, C‑511/10, EU:C:2012:689, point 24).

    52

    Ainsi, tout État membre qui décide d’autoriser ou d’obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et des services doit veiller à ce que les modalités de calcul du droit à déduction permettent d’établir avec la plus grande précision la partie de la TVA qui est afférente à des opérations ouvrant droit à déduction. En effet, le principe de neutralité, inhérent au système commun de TVA, exige que les modalités du calcul de la déduction reflètent objectivement la part réelle des dépenses occasionnées par l’acquisition de biens et de services à usage mixte qui peut être imputée à des opérations ouvrant droit à déduction (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Banco Mais, C‑183/13, EU:C:2014:2056, points 30 et 31).

    53

    À cet égard, la Cour a néanmoins précisé que la méthode choisie ne doit pas nécessairement être la plus précise possible, mais que, ainsi qu’il ressort du point 51 du présent arrêt, elle doit pouvoir garantir un résultat plus précis que celui qui découlerait de l’application de la clé de répartition selon le chiffre d’affaires (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, C‑332/14, EU:C:2016:417, point 33).

    54

    Certes, la Cour, au point 33 de l’arrêt du 10 juillet 2014, Banco Mais (C‑183/13, EU:C:2014:2056), a jugé, à propos d’un organisme bancaire pratiquant des opérations de crédit-bail pour le secteur de l’automobile, que, sous réserve de vérification par le juge national, si la réalisation de telles opérations par une banque peut nécessiter l’utilisation de certains biens ou services à usage mixte, comme des bâtiments, des consommations d’électricité ou certains services transversaux, le plus souvent, cette utilisation est avant tout occasionnée par le financement et la gestion des contrats passés par le crédit-bailleur avec ses clients et non par la mise à disposition des véhicules.

    55

    C’est dans ces conditions particulières que, au point 34 de cet arrêt, la Cour a considéré que le calcul du droit à déduction par application de la méthode fondée sur le chiffre d’affaires, qui tient compte des montants afférents à la part des loyers que versent les clients et qui servent à compenser la mise à disposition des véhicules, conduit à déterminer un prorata de déduction de la TVA payée en amont moins précis que celui résultant de la méthode fondée sur la seule part des loyers correspondant aux intérêts constituant la contrepartie des coûts liés au financement et à la gestion des contrats supportés par le crédit-bailleur, dès lors que ces deux dernières tâches occasionnent l’essentiel de l’utilisation des biens et des services à usage mixte en vue de réaliser des opérations de crédit-bail pour le secteur de l’automobile.

    56

    Toutefois, il ne saurait être déduit du raisonnement tenu par la Cour à propos des opérations de crédit-bail en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 juillet 2014, Banco Mais (C‑183/13, EU:C:2014:2056), que l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA permet aux États membres, d’une manière générale, d’appliquer à tous les types d’opérations similaires pour le secteur de l’automobile, telles que les opérations de location-vente en cause au principal, une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la valeur du véhicule à sa livraison.

    57

    En particulier, eu égard au caractère fondamental du droit à la déduction, rappelé au point 39 du présent arrêt, lorsque les modalités du calcul de la déduction ne tiennent pas compte d’une affectation réelle et non négligeable d’une partie des frais généraux à des opérations ouvrant droit à déduction, de telles modalités ne sauraient être regardées comme reflétant objectivement la part réelle des dépenses occasionnées par l’acquisition de biens et de services à usage mixte qui peut être imputée à ces opérations. Par conséquent, de telles modalités ne sont pas de nature à garantir une ventilation plus précise que celle qui découlerait de l’application de la clé de répartition selon le chiffre d’affaires.

    58

    Ainsi, en l’occurrence, en ce qui concerne la méthode de calcul du prorata de déduction de la TVA appliquée par l’administration fiscale, il incombe au juge national de vérifier que cette méthode tient compte de l’affectation réelle et non négligeable d’une partie des frais généraux aux fins des opérations ouvrant droit à déduction.

    59

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 168 et l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, même lorsque les frais généraux afférents à des opérations de location-vente de biens meubles, telles que celles en cause au principal, sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au titre de la mise à disposition du bien concerné, soit la partie imposable de l’opération, mais dans le montant de l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération, soit la partie exonérée de celle-ci, ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la TVA, comme un élément constitutif du prix de cette mise à disposition et, d’autre part, les États membres ne peuvent pas appliquer une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la valeur initiale du bien concerné lors de sa livraison, dès lors que cette méthode n’est pas de nature à garantir une ventilation plus précise que celle qui découlerait de l’application de la clé de répartition selon le chiffre d’affaires.

    Sur les dépens

    60

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

     

    L’article 168 et l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, même lorsque les frais généraux afférents à des opérations de location-vente de biens meubles, telles que celles en cause au principal, sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au titre de la mise à disposition du bien concerné, soit la partie imposable de l’opération, mais dans le montant de l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération, soit la partie exonérée de celle-ci, ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), comme un élément constitutif du prix de cette mise à disposition et, d’autre part, les États membres ne peuvent pas appliquer une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la valeur initiale du bien concerné lors de sa livraison, dès lors que cette méthode n’est pas de nature à garantir une ventilation plus précise que celle qui découlerait de l’application de la clé de répartition selon le chiffre d’affaires.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

    Top