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Document 62016TJ0314

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 27 novembre 2018.
VG, en qualité d'héritière de MS contre Commission européenne.
Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents et informations relatifs à une décision de la Commission de mettre fin à une “lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe” – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et à la protection des individus – Protection des données personnelles – Règlement (CE) no 45/2001 – Refus de transfert – Articles 7, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux – Responsabilité non contractuelle.
Affaires jointes T-314/16 et T-435/16.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:841

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 novembre 2018 ( *1 )

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents et informations relatifs à une décision de la Commission de mettre fin à une “lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe” – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et à la protection des individus – Protection des données personnelles – Règlement (CE) no 45/2001 – Refus de transfert – Articles 7, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux Responsabilité non contractuelle »

Dans les affaires jointes T‑314/16 et T‑435/16,

VG, en qualité d’héritière universelle de MS, représentée initialement par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, puis par Me Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et A. Simon, puis par Mme Clotuche-Duvieusart, et par M. B. Mongin, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions de la Commission des 2 février et 19 avril 2016 rejetant la demande d’accès de MS à des documents le concernant et, du 16 juin 2016, rejetant sa demande visant à lui transférer les données à caractère personnel le concernant contenues dans les documents visés par cette demande d’accès et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par MS du fait de ce refus d’accès et de transfert,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

I. Cadre factuel

A. Faits antérieurs à l’introduction des recours

1

MS a été membre du réseau Team Europe entre le 20 juillet 2011 et le 10 avril 2013.

2

Le réseau Team Europe est un réseau local de communication dont la tâche principale est d’assister les représentations de la Commission européenne dans leur communication sur les politiques européennes au niveau local et dont les membres agissent en tant que conférenciers, modérateurs, animateurs d’événements et experts en communication.

3

Les membres du réseau Team Europe sont liés à l’Union européenne, représentée par la Commission par une « lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe » (ci-après la « lettre d’entente »). Cette lettre prévoit la possibilité pour chaque partie de renoncer, à tout moment, à cette entente par écrit, sans autre condition. Elle indique également, en substance, que ces membres ne sont pas rémunérés par la Commission. Elle dispose, en outre, que ces membres agissent sur une base volontaire, mais qu’ils peuvent accepter, à certaines conditions, le remboursement de leurs frais ou une compensation raisonnable de la part des organisateurs des manifestations auxquelles ils participent.

4

Le 10 avril 2013, le chef de la représentation de la Commission en France (ci-après la « représentation) a contacté MS, par téléphone, après avoir reçu une plainte concernant son comportement non désiré émanant de femmes ayant participé à une conférence ou à un atelier du réseau Team Europe. À la suite de cette conversation, elle a informé MS, par courrier, qu’elle mettait fin à sa collaboration à ce réseau, avec effet immédiat, conformément aux dispositions de la lettre d’entente.

5

Le 6 juin 2013, MS a déposé une plainte auprès du Médiateur européen à l’encontre de la décision de la Commission de mettre fin à sa collaboration au réseau Team Europe.

6

Au cours de la procédure devant le Médiateur, MS a été informé du fait que la Commission avait fondé sa décision du 10 avril 2013 de mettre fin à sa collaboration au réseau Team Europe sur trois documents, à savoir, premièrement, une plainte émanant d’une personne ayant participé à l’une des conférences organisées par le réseau Team Europe (ci-après « X »), deuxièmement, un courriel ayant été envoyé par lui à X (avec Y, une autre personne, en copie) et, troisièmement, un échange qu’il avait eu sur un réseau social avec X (ci-après les « documents litigieux »). En outre, il a été informé du fait que la Commission avait fait valoir que la solidité du dossier était confortée par de nouveaux éléments apparus en cours de procédure, dans la mesure où plusieurs membres du personnel de la représentation (ci-après, respectivement, les « membres de la représentation ») avaient confirmé à leur direction que plusieurs agents de la direction générale (DG) « Communication » de cette institution dont deux travaillant à la représentation et deux exerçant leurs fonctions à Bruxelles (Belgique) (ci-après les « agents de la Commission ») avaient, dès 2013, été la cible de remarques inopportunes de sa part (ci-après les « témoignages litigieux »). La Commission n’avait communiqué à MS ni les documents ni les témoignages litigieux.

7

Par décision du 19 novembre 2015, le Médiateur a clôturé son enquête sur la plainte introduite par MS. Dans cette décision, le Médiateur a conclu, notamment, à un cas de mauvaise administration, au motif que la Commission n’avait pas entendu MS de manière adéquate, ni procédé à une évaluation suffisamment approfondie du cas d’espèce, avant de prendre sa décision du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de celui-ci au réseau Team Europe. La Commission n’a adopté aucune mesure à l’égard de MS à la suite de l’introduction de cette plainte et de la décision du Médiateur.

8

Par courrier du 18 décembre 2015, MS a adressé au chef de la représentation, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 45), une demande initiale d’accès aux documents et aux témoignages litigieux ainsi qu’aux noms des personnes qui avaient émis ces témoignages.

9

Par lettre du 2 février 2016, le directeur général de la DG « Communication » de la Commission a, après consultation de X, décrit comme étant l’auteur des documents litigieux, refusé à MS l’accès à ces documents (ci-après la « décision du 2 février 2016 »). Ce refus était fondé sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et concernait la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, dans la mesure où les documents litigieux contenaient certaines données à caractère personnel de tiers et qu’il n’était pas démontré que l’accès à ces données était nécessaire pour MS et ne porterait pas atteinte aux intérêts légitimes de ces tiers. En ce qui concernait la demande d’accès aux témoignages litigieux, la Commission a ajouté que ces témoignages n’avaient pas été pris en considération lors de l’adoption de sa décision du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de MS au réseau Team Europe.

10

Par courrier du 19 février 2016, MS a introduit une demande confirmative, dans laquelle il justifiait de la nécessité d’avoir accès aux documents litigieux et de l’absence d’atteinte aux intérêts légitimes de tiers du fait d’un tel accès. Dans cette demande confirmative, il formulait, en outre, une demande de transfert des données à caractère personnel le concernant contenues dans les documents litigieux (ci-après les « données personnelles litigieuses »), fondée sur l’article 13 du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1).

11

Par décision du 19 avril 2016, le secrétaire général de la Commission a répondu à la demande confirmative (ci-après la « décision du 19 avril 2016 »). D’une part, il a précisé que les témoignages litigieux ne pouvaient être communiqués à MS dans la mesure où ils n’avaient pas été consignés dans un document. D’autre part, il a refusé à MS l’accès aux documents litigieux en se fondant sur les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 relatifs, respectivement, à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu et à la protection des procédures juridictionnelles. En outre, dans cette décision, il a indiqué que la demande de transfert des données personnelles litigieuses ne relevait pas du champ d’application du règlement no 1049/2001 et qu’elle serait transmise à la DG « Communication », service compétent pour y répondre.

12

Par lettre du 16 juin 2016, le chef de la représentation a rejeté la demande de transfert des données personnelles litigieuses (ci-après la « décision du 16 juin 2016 »). À cet égard, il a considéré que, « compte tenu du différend qui […] oppos[ait] [MS] aux personnes citées dans les témoignages [litigieux], il appara[issai]t que ces personnes [avaie]nt exprimé des raisons légitimes de craindre une atteinte [à] leurs intérêts ad personam » et que, afin de garantir les droits et libertés de ces personnes, ces données personnelles ne pouvaient être transférées à MS.

13

MS a également saisi le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), au titre de l’article 20, paragraphes 3 et 4, du règlement no 45/2001. Par décision du CEPD du 3 février 2017, la procédure dans cette affaire a été suspendue dans l’attente des arrêts à intervenir dans les présentes affaires.

B. Faits postérieurs à l’introduction des recours

14

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2016, MS a introduit un recours tendant à faire condamner la Commission au versement de dommages et intérêts à la suite de la décision de celle-ci du 10 avril 2013 de mettre fin à sa collaboration au réseau Team Europe. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑17/16.

15

Par ordonnance du 31 mai 2017, MS/Commission (T‑17/16, non publiée, EU:T:2017:379), le Tribunal a rejeté la demande en indemnité de MS comme étant manifestement irrecevable, en ce que l’objet du recours était de nature contractuelle et ne relevait donc pas, en l’absence d’une clause compromissoire, de sa compétence.

16

Le 5 janvier 2018, MS a formé un pourvoi contre cette ordonnance.

II. Procédures et conclusions des parties

17

Par actes déposés au greffe du Tribunal les 15 juin et 1er août 2016, MS a introduit des demandes d’aide juridictionnelle.

18

Par ordonnances des 30 septembre et 28 novembre 2016, le président du Tribunal a respectivement admis MS au bénéfice de l’aide juridictionnelle et désigné un avocat.

19

Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 15 et 22 décembre 2016, MS a introduit les recours qui ont été enregistrés sous les références T‑314/16 et T‑435/16.

20

Dans l’affaire T‑314/16, par ordonnance du 6 juillet 2017, le Tribunal a ordonné à la Commission, en application de l’article 91, sous c), de l’article 92, paragraphe 1, et de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal, de produire tous les documents sur lesquels était fondée la décision de celle-ci du 10 avril 2013, par laquelle elle avait mis fin à la participation de MS au réseau Team Europe.

21

Le 14 juillet 2017, la Commission a produit les documents litigieux, en demandant un traitement confidentiel de ces documents à l’égard de MS. Conformément à l’article 104 du règlement de procédure, les documents n’ont pas été communiqués à MS.

22

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité la Commission à répondre à certaines questions. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

23

Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 30 janvier 2018, les affaires T‑314/16 et T‑435/16 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

24

Le 19 février 2018, l’avocat de MS a informé le greffe du Tribunal que ce dernier était décédé. Par la suite, le Tribunal a été informé que la requérante, VG, en sa qualité d’héritière universelle de MS, avait décidé de poursuivre les recours.

25

Dans l’affaire T‑314/16, la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du 2 février 2016, rejetant la demande d’accès de MS aux documents litigieux, et la décision du 19 avril 2016, confirmant ce rejet ;

condamner la Commission à la réparation du préjudice moral, évalué à 20000 euros, que MS aurait subi en raison du refus de lui donner accès aux documents litigieux ;

condamner la Commission aux dépens.

26

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, aux dépens.

27

Dans l’affaire T‑435/16, la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision du 16 juin 2016, rejetant la demande de MS de lui transférer ces données personnelles ;

condamner la Commission à la réparation du préjudice moral, évalué à 20000 euros, que MS aurait subi en raison du refus de lui transférer les données personnelles litigieuses ;

condamner la Commission aux dépens.

28

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, aux dépens.

III. En droit

A. Sur la demande de non-lieu à statuer soulevée par la Commission dans l’affaire T‑435/16

29

Lors de l’audience, la Commission a soutenu que, à la suite du décès de MS, le recours dans l’affaire T‑435/16 était devenu sans objet et qu’il n’y avait, par conséquent, plus lieu de statuer sur celui-ci. L’article 2, sous a), du règlement no 45/2001 définirait la personne concernée comme étant « une personne physique identifiée ou identifiable », de sorte qu’il ne s’appliquerait pas aux données des personnes décédées et que les droits qui auraient été invoqués par MS auraient été intransmissibles.

30

Par sa demande, la Commission fait, en substance, valoir que la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, aurait perdu son intérêt à la solution du litige du fait du décès de MS.

31

À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une action en annulation engagée par le destinataire d’un acte peut être poursuivie par l’ayant-cause à titre universel de celui-ci, notamment dans le cas du décès d’une personne physique (voir ordonnance du 12 juillet 2016, Yanukovych/Conseil, T‑347/14, EU:T:2016:433, point 67 et jurisprudence citée). De même, l’ayant-cause à titre universel peut poursuivre une action en indemnisation d’un préjudice moral prétendument subi par le défunt, dès lors que ce dernier avait réclamé le bénéfice de cette action à son profit avant de décéder, de sorte que cette action figurait dans son patrimoine au jour de la succession.

32

En outre, il est de jurisprudence constante que l’intérêt à agir d’une partie requérante doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du 12 juillet 2016, Yanukovych/Conseil, T‑347/14, EU:T:2016:433, point 67 et jurisprudence citée).

33

En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 24 ci-dessus, MS est décédé après avoir introduit les présents recours et son représentant a indiqué que la requérante souhaitait poursuivre ces recours, en qualité d’héritière universelle de son défunt fils, en produisant une déclaration écrite de celle-ci à cet effet, l’acte officiel du décès ainsi que la carte d’identité de celle-ci.

34

Le recours dans l’affaire T-435/16 visait, en particulier, à ce que MS obtienne le transfert des données personnelles litigieuses ainsi que la réparation du préjudice moral que celui-ci aurait prétendument subi en raison du rejet, par la Commission, de sa demande de transfert. Il n’est pas contesté que ces données personnelles portaient sur des comportements non désirés de MS liés à sa collaboration au réseau Team Europe (voir point 4 ci-dessus) et étaient de nature à nuire, notamment, à la réputation et à l’honneur de celui-ci, en tant que collaborateur à ce réseau. Au demeurant, il n’est pas contesté que ces données ont fondé la décision de la Commission du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de MS à ce réseau (voir point 6 ci-dessus).

35

Dans ces circonstances, dès lors que, ainsi qu’il a été précisé au point 31 ci-dessus, l’ayant-cause à titre universel de MS a le droit de poursuivre l’instance, son intérêt à agir est maintenu, malgré le décès de MS, en vue d’obtenir l’annulation de la décision du 16 juin 2016, rejetant la demande de MS de lui transférer les données personnelles litigieuses et l’indemnisation du préjudice moral que MS aurait subi en raison du rejet, par la Commission, de sa demande de lui transférer lesdites données.

36

Dans ces circonstances, l’intérêt de la requérante à poursuivre le recours dans l’affaire T‑435/16, en sa qualité d’héritière universelle de MS, persiste malgré le décès de ce dernier.

37

Il convient donc de rejeter la demande de non-lieu à statuer soulevée par la Commission dans l’affaire T‑435/16.

B. Sur le fond

1.   Sur les demandes d’annulation

a)   Sur la demande d’annulation des décisions des 2 février et 19 avril 2016, en ce qu’elles portent rejet de la demande d’accès de MS aux témoignages litigieux

38

La possibilité pour une institution de l’Union de faire droit à une demande d’accès aux documents des institutions au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 suppose, à l’évidence, que les documents visés dans cette demande existent (arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 38 ; voir, également, arrêt du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop, T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, point 49 et jurisprudence citée).

39

Selon la jurisprudence, une présomption de légalité s’attache à toute déclaration des institutions relative à l’inexistence de documents demandés. Partant, une présomption de véracité s’attache à cette déclaration. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple que la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, peut renverser par tous moyens, sur la base d’indices pertinents et concordants (voir arrêt du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop, T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, point 50 et jurisprudence citée).

40

En l’espèce, la Commission a, dans la décision du 2 février 2016, refusé l’accès aux témoignages litigieux en invoquant l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et en expliquant qu’elle n’avait pas pris ces témoignages en considération dans sa décision du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration du requérant au réseau Team Europe. Ensuite, elle a, dans la décision du 19 avril 2016, fait valoir que les témoignages litigieux n’avaient pas été consignés dans un document.

41

En réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, la Commission a confirmé qu’elle « ne dispos[ait] d’aucune trace écrite de ces témoignages […] et donc ne déten[ai]t pas de documents contenant les témoignages [litigieux] ». Compte tenu de cette déclaration et de l’absence d’éléments de preuve présentés par la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, afin de renverser la présomption de légalité et de véracité s’attachant à celle-ci, il n’y a, dans le cas d’espèce, pas de raisons suffisantes permettant de douter de cette déclaration.

42

Dès lors, il convient d’écarter la demande d’annulation des décisions des 2 février et 19 avril 2016, en ce qu’elles portent rejet de la demande d’accès de MS aux témoignages litigieux, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande d’annulation en ce qu’elle vise la décision du 2 février 2016.

b)   Sur la demande d’annulation des décisions des 2 février et 19 avril 2016, en ce qu’elles portent rejet de la demande d’accès de MS aux documents litigieux

43

À l’appui de la présente demande d’annulation, la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, invoque, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré de violations de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et, de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, de ce règlement. Le second moyen est pris de violations de l’obligation de motivation, des droits de la défense et des principes de respect de la vie privée et de proportionnalité.

1) Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001

44

La requérante soutient que, bien que les documents litigieux contiennent des données à caractère personnel relatives à X et à d’autres tiers, la Commission n’a pas démontré que la divulgation de ces documents porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de X ou à celle des autres tiers qui seraient mentionnés dans ces documents.

45

En outre, la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, justifie l’absence de risque pour les intérêts légitimes des tiers par « la finalité de sa démarche [visant à] rétablir la vérité et l’honneur de MS ». Elle ajoute que les reproches viseraient exclusivement ce dernier, de sorte que la divulgation des documents litigieux ne pourrait porter atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de X ou à celle d’autres tiers qui y seraient également mentionnés.

46

À cet égard, la requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, se réfère au fait que le Médiateur a déjà constaté, au point 32 de sa proposition de règlement amiable, que la Commission « n’a[vait] pas apporté la preuve d’un risque réel pour […] les intérêts légitimes de [ X] ».

47

La requérante, en sa qualité d’héritière universelle de MS, fait également valoir qu’elle a démontré la nécessité du transfert des données personnelles litigieuses sur le fondement de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001. Selon elle, les documents litigieux seraient indispensables à la compréhension des accusations de la Commission à l’égard de MS et de la décision de celle-ci du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de ce dernier au réseau Team Europe, ainsi qu’à la démonstration du caractère infondé des accusations de celle-ci. Elle a expliqué que MS était déjà en possession de la correspondance échangée entre celui-ci et X par l’intermédiaire d’un réseau social et par courrier électronique, mais qu’il contestait l’authenticité des documents litigieux auxquels il n’avait pas eu accès.

48

En se fondant sur l’arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission (T‑300/10, EU:T:2012:247, point 107), la requérante fait enfin valoir que les documents litigieux ne deviendraient pas publics s’ils étaient divulgués sur le fondement du règlement no 1049/2001.

49

En premier lieu, le Tribunal rappelle que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 73 et jurisprudence citée).

50

En application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, les dispositions relatives à l’accès du public aux documents s’appliquent à tous les documents détenus par la Commission, à savoir tous les documents établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.

51

Dès lors que le règlement no 1049/2001 vise à garantir l’accès de toute personne aux documents, un document divulgué en vertu de ses dispositions entre dans le domaine public (arrêts du 21 mai 2014, Catinis/Commission, T‑447/11, EU:T:2014:267, point 62, et du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 67).

52

À cet égard, il est vrai que le Tribunal a constaté que la divulgation de données à caractère personnel qui concernaient exclusivement le demandeur d’accès en cause ne saurait être écartée au motif qu’elle porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu (voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, points 107 à 109, et du 12 mai 2015, Unión de Almacenistas de Hierros de España/Commission, T‑623/13, EU:T:2015:268, point 91).

53

Toutefois, et contrairement aux arguments de la requérante, cette jurisprudence ne s’applique pas au cas d’espèce, dès lors que les documents litigieux contiennent des données à caractère personnel qui ne concernent pas exclusivement MS.

54

En effet, il ressort explicitement de l’arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission (T‑300/10, EU:T:2012:247, point 109), que, si la protection de l’intérêt visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 n’est pas nécessaire par rapport au demandeur d’accès, elle doit en revanche être garantie par rapport aux tiers, conformément aux dispositions du règlement no 45/2001.

55

En deuxième lieu, il convient de constater que le droit d’accès aux documents ne dépend pas de la nature de l’intérêt particulier que le demandeur d’accès pourrait avoir ou non d’obtenir l’information requise (arrêt du 21 mai 2014, Catinis/Commission, T‑447/11, EU:T:2014:267, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43).

56

Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur d’accès, en tant que membre du public, n’a pas à justifier sa demande d’accès aux documents, l’intérêt réel que peut représenter pour le demandeur la divulgation des documents en cause est également indifférent aux fins du règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 252 et jurisprudence citée).

57

En troisième lieu, il y a lieu de constater que le règlement no 1049/2001, en conformité avec son considérant 11, prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (voir arrêts du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 74 et jurisprudence citée, et du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 51 et jurisprudence citée).

58

À cet égard, l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 prévoit que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des individus, notamment conformément à la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel. Cette disposition, qui établit un régime spécifique et renforcé de protection des personnes dont les données à caractère personnel pourraient, le cas échéant, être communiquées au public, exige que l’atteinte éventuelle à leur vie privée et à leur intégrité soit toujours examinée et appréciée conformément, notamment, au règlement no 45/2001 (voir arrêt du 7 juillet 2015, Axa Versicherung/Commission, T‑677/13, EU:T:2015:473, points 138 et 139 et jurisprudence citée).

59

Dès lors, lorsque une institution décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 et invoquée par cette institution. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76 et jurisprudence citée).

60

Ce régime d’exceptions est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42).

61

En l’espèce, il n’est pas contesté que les documents litigieux contiennent des données à caractère personnel qui concernent tant MS que X et d’autres tiers.

62

Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001, l’expression « données à caractère personnel » renvoie à « toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

63

Il ressort de l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001 et de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 68, et du 23 novembre 2011, Dennekamp/Parlement, T‑82/09, non publié, EU:T:2011:688, point 27) que les noms et les prénoms peuvent être considérés comme des données à caractère personnel.

64

Outre les données nominatives, les éléments d’information se rapportant aux activités professionnelles exercées par une personne peuvent également être considérés comme des données à caractère personnel, dès lors que, d’une part, il s’agit d’informations relatives aux conditions de travail de ces personnes et que, d’autre part, ces informations sont susceptibles de permettre d’identifier, de manière indirecte, dès lors qu’elles sont rattachables à une date ou à une période calendaire précise, une personne physique, au sens de la disposition susmentionnée (voir arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, point 117 et jurisprudence citée).

65

De plus, la Cour a jugé que l’emploi de l’expression « toute information » dans le cadre de la définition de la notion de « donnée à caractère personnel » reflétait l’objectif du législateur de l’Union d’attribuer un sens large à cette notion, laquelle n’était pas restreinte aux informations sensibles ou d’ordre privé, mais englobait potentiellement toutes sortes d’informations, tant objectives que subjectives sous forme d’avis ou d’appréciations, à condition que celles-ci « concernent » la personne en cause (arrêt du 20 décembre 2017, Nowak, C‑434/16, EU:C:2017:994, point 34).

66

Aux termes de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, des données à caractère personnel ne peuvent, en principe, être transférées que si le destinataire démontre la nécessité d’un tel transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée.

67

Dans ce contexte, il incombe d’abord à celui qui sollicite un tel transfert de démontrer la nécessité de celui-ci. Si cette démonstration est apportée, il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que le transfert en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée. En l’absence de raison de cette nature, il y a lieu de procéder au transfert sollicité, tandis que, dans le cas contraire, l’institution concernée doit mettre en balance les différents intérêts en présence aux fins de se prononcer sur la demande d’accès. La décision prise sur une demande d’accès au public à de tels documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir arrêts du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée, et du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 53 et jurisprudence citée).

68

En l’espèce, la Commission a considéré à juste titre que, s’agissant d’informations et d’appréciations relatives à la vie privée de MS, de X ainsi que d’autres tiers et qui permettraient leur identification, le contenu des documents litigieux relevait de la notion de données à caractère personnel.

69

Or, la divulgation au public des documents litigieux sur le fondement du règlement no 1049/2001 porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité tant de MS, de X que des autres tiers cités dans ces documents.

70

En effet, au vu des circonstances de l’espèce, il n’est ni dans l’intérêt de MS, ni dans celui de X, ni dans celui des autres tiers cités que les documents litigieux tombent dans le domaine public.

71

C’est pourquoi, la Commission devait mettre en balance les différents intérêts en présence aux fins de se prononcer sur la demande d’accès à la plainte de X et à la correspondance échangée entre MS et celle-ci par courrier électronique et par l’intermédiaire d’un réseau social au regard de l’exception visant la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, en conformité avec le règlement no 45/2001.

72

À cet égard, la Commission devait également tenir compte du fait que, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, si une partie seulement du document demandé était concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document devaient être divulguées (voir, en ce sens, ordonnance du 27 novembre 2012, Steinberg/Commission, T‑17/10, non publiée, EU:T:2012:625, point 55 et jurisprudence citée).

73

La Commission a néanmoins estimé que, en l’espèce, il n’était pas possible de dissocier certaines parties des documents litigieux et de les considérer comme non couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, ni de dissocier dans ces documents ceux qui relevaient des données personnelles litigieuses concernant MS ou X et d’autres tiers.

74

À cet égard, il convient de relever que, même les données à caractère personnel qui auraient fait l’objet d’une anonymisation devraient être considérées comme des données à caractère personnel concernant un tiers, dans la mesure où elles seraient de nature à être attribuées à une personne physique identifiable par le recours à des informations supplémentaires.

75

Or, en l’espèce, un accès partiel à des informations contenues dans la plainte de X ou la correspondance échangée entre ce dernier et MS aurait permis au public d’identifier les personnes mentionnées dans les documents litigieux.

76

Partant, il n’était pas possible pour la Commission d’octroyer un accès partiel aux documents litigieux sans révéler notamment l’identité des autres tiers qui y étaient cités.

77

Par ailleurs, dans la mesure où les documents litigieux contenaient des données à caractère personnel qui ne concernaient pas exclusivement MS et qui seraient entrées dans le domaine public si ces documents avaient été communiqués à cette personne, c’est à bon droit que la Commission a, aux termes d’une mise en balance des intérêts en présence, fait prévaloir l’intérêt de X et d’autres tiers à ce que leur identité ne tombe pas dans le domaine public sur l’intérêt de MS à ce que cette identité puisse être rendue publique et qu’elle a refusé l’accès à ce dernier, en se fondant sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

78

Il s’ensuit que l’argumentation avancée par la requérante à cet égard doit être écartée.

79

Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être écartée.

2) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

80

La requérante soutient que les documents litigieux n’ont pas été élaborés en vue d’une procédure juridictionnelle et que, par conséquent, le rejet de la demande d’accès de MS, en ce qu’il est fondé sur la protection des procédures juridictionnelles, n’est pas justifié. Elle souligne que les droits fondamentaux, en particulier les droits de la défense, sont de nature à constituer un intérêt public supérieur tel qu’il justifie la divulgation de ces documents.

81

Toutefois, il résulte des considérations exposées aux points 44 à 78 ci-dessus que la légalité des décisions des 2 février et 19 avril 2016 ne peut être remise en cause, l’ensemble des documents litigieux étant couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

82

Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante, de sorte que le premier moyen est intégralement rejeté.

3) Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration, du principe du respect de la vie privée et des droits de la défense et du principe de proportionnalité

83

La requérante soutient que, en lui refusant l’accès aux documents litigieux, la Commission a compromis l’exercice par MS de ses droits de la défense et, notamment, du droit d’accès de celui-ci au dossier le concernant, garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de son droit à un procès équitable, garanti par l’article 47 de la Charte, et aurait également violé le principe du respect de la vie privée, garanti par l’article 7 de la Charte, ainsi que le principe de proportionnalité.

84

En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel elle pouvait mettre fin à la collaboration de MS au réseau Team Europe à tout moment, la requérante fait valoir que, la Commission ayant porté une grave accusation sur des comportements non désirés de MS envers X et d’autres tiers, les droits de la défense de MS et la présomption d’innocence requéraient que l’accès aux documents contestés soit autorisé.

85

De plus, la requérante soutient que la motivation de la Commission serait purement générique puisqu’elle n’explique pas en quoi un accès aux documents litigieux, par exemple en masquant les noms mentionnés dans ces documents, mettrait en péril l’intérêt de la protection des données à caractère personnel et de la vie privée des personnes concernées. Elle ajoute que l’impartialité de la Commission ne saurait être tenue pour acquise dans le traitement de la plainte de X.

86

À titre principal, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, point 180).

87

À cet égard, la Commission a clairement indiqué, dans la décision du 19 avril 2016, les exceptions sur lesquelles était fondé le rejet de la demande d’accès de MS aux documents litigieux en invoquant principalement, pour l’ensemble de ces documents, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.

88

En effet, il ressort de la décision du 19 avril 2016 que la Commission a considéré que l’intégralité du contenu des documents litigieux relevait de la notion de données à caractère personnel, s’agissant d’informations qui auraient été relatives tant à la vie privée de MS qu’à celle d’autres personnes et qui auraient permis d’identifier ces personnes en cas de divulgation de ces documents au public sur le fondement du règlement no 1049/2001, que la divulgation de ces données constituerait donc un transfert de données à caractère personnel au sens de l’article 8, sous b), du règlement 45/2001 et qu’aucune des conditions cumulatives pour un tel transfert n’était remplie.

89

Il s’ensuit que non seulement MS était en mesure de connaître les justifications de la décision du 19 avril 2016, mais également que le Tribunal pouvait contrôler la légalité de cette décision, comme cela ressort d’ailleurs des points 44 à 78 ci-dessus. Or, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 22 avril 2008, Commission/salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 56 et jurisprudence citée). Par conséquent, concernant les documents litigieux, la Commission a satisfait à son obligation de motivation.

90

Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel le fait de ne pas avoir donné accès à MS aux documents litigieux aurait violé ses droits de la défense et, notamment, son droit d’accès au dossier le concernant ainsi que le principe de la présomption d’innocence et aurait été en contradiction avec la Charte ne peut pas non plus prospérer, dans la mesure où la demande d’accès aux documents litigieux ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une procédure, administrative ou judiciaire, dans laquelle ces droits et principes auraient été applicables, mais dans celui d’une relation contractuelle qui liait MS à la Commission et qui était régie par la lettre d’entente et le droit applicable à cette dernière.

91

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen et, par conséquent, la demande d’annulation des décisions des 2 février et 19 avril 2016, en ce qu’elles portent rejet de la demande d’accès de MS aux documents litigieux, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande d’annulation en ce qu’elle vise la décision du 2 février 2016.

c)   Sur la demande d’annulation de la décision du 16 juin 2016, portant rejet de la demande de MS de lui transférer les données personnelles litigieuses

92

À l’appui de la présente demande d’annulation, la requérante avance un moyen unique, tiré d’une violation des articles 8, 13 et 20 du règlement no 45/2001.

93

Selon la requérante, les règles édictées par l’article 8 du règlement no 45/2001 ne font pas partie des conditions ou des limitations au droit général d’accès prévu par l’article 13 de ce règlement. Il n’existerait aucune raison de penser que le transfert des données personnelles litigieuses aurait pu porter atteinte aux intérêts légitimes de tiers. En particulier, la Commission n’aurait pas démontré, comme le Médiateur l’aurait constaté au point 32 de sa proposition de règlement amiable, que la divulgation des documents litigieux aurait porté concrètement et effectivement atteinte à la vie privée et à l’intégrité de X ou à celles d’autres personnes qui auraient été mentionnées dans ces données. À titre subsidiaire, la requérante soutient que les conditions cumulatives de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001 étaient remplies en l’espèce.

94

En outre, la requérante fait valoir que le seul but des demandes de MS était de comprendre les accusations portées à son égard et de démontrer que ces accusations étaient infondées, afin de rétablir la vérité et son honneur. En outre, le transfert des données personnelles litigieuses aurait été nécessaire afin de comprendre la décision de la Commission du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de MS au réseau Team Europe. Le rejet de la demande de MS de lui transférer ces données personnelles n’aurait pas non plus été justifié par l’article 20 du règlement no 45/2001, ce que le Médiateur aurait également constaté.

95

La Commission soutient, s’agissant de la prétendue application incorrecte des articles 13 et 20 du règlement no 45/2001, que les données personnelles litigieuses n’étaient pas des données à caractère personnel visant uniquement MS et n’étaient pas susceptibles de faire l’objet d’une vérification de l’exactitude, d’une rectification, d’effacement ou de verrouillage par ce dernier. Ce ne serait ni le rôle ni l’objectif du règlement no 45/2001 d’autoriser l’accès, la mise en cause ou d’obtenir la rectification d’une description purement subjective faite à la Commission par une plaignante ayant participé à une conférence et à un dîner avec MS et ayant correspondu avec lui par l’intermédiaire d’un réseau social et par courrier électronique.

96

De plus, en ce qui concerne l’application de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, la Commission soutient que les données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’un transfert à un tiers que lorsque ce transfert, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 8, sous a) ou b), de ce règlement et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement. La requérante n’indiquerait pas, dans son recours dans l’affaire T‑435/16, comment le transfert à MS des données à caractère personnel de tiers aurait pu être considéré comme licite. La Commission soutient donc que la nécessité du transfert des données à caractère personnel, au sens de l’article 8, sous b), du même règlement, n’était pas établie. En outre, elle fait valoir que MS connaissait parfaitement les raisons à l’origine de sa décision du 10 avril 2013 de mettre fin à la collaboration de celui-ci au réseau Team Europe.

97

En ce qui concerne l’argument de la requérante, visant à contester l’application de l’article 20 du règlement no 45/2001, selon lequel elle n’avait pas rapporté la preuve d’un risque réel pour les droits fondamentaux ou les intérêts légitimes de tiers, la Commission indique avoir consulté X et que celui-ci craignait que MS ne revienne vers elle ou ses amis pour leur demander des comptes. Elle estime, en tenant compte de ces craintes et des documents litigieux en sa possession, qu’un tel risque existait.

98

Enfin, la Commission soutient qu’il n’était pas possible de dissocier certaines données contenues dans les documents litigieux et de considérer qu’elles n’étaient pas couvertes par la notion de données à caractère personnel. Il ne lui aurait donc pas été possible d’accorder un accès partiel (autre qu’à des informations sans contenu substantiel) aux documents litigieux sans révéler des données à caractère personnel ou des informations sur la vie privée des tiers concernés ou permettant de les identifier.

99

À titre liminaire, il convient d’observer que le règlement no 45/2001 poursuit un objectif différent du règlement no 1049/2001. Tandis que ce dernier vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques de l’Union ainsi que des informations qui fondent leurs décisions, le premier vise, comme l’indique son article 1er, à assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, lors du traitement de données à caractère personnel (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 49, et du 21 septembre 2016, Secolux/Commission, T‑363/14, EU:T:2016:521, point 26).

100

Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’application de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, que le droit d’une personne à la protection de sa réputation est un élément du droit au respect de la vie privée (Cour EDH, 21 septembre 2010, Polanco Torres et Movilla Polanco c. Espagne, CE :ECHR :2010 :0921JUD 003414706, point 40, et 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, CE :ECHR :2012 :0207JUD 003995408, point 83). La réputation d’une personne fait partie intégrante de son identité personnelle et de son intégrité morale, lesquelles relèvent de sa vie privée (Cour EDH, 25 février 1992, Pfeifer et Plankl c. Autriche, CE :ECHR :1992 :0225JUD 001080284, point 35). Les mêmes considérations s’appliquent à l’honneur d’une personne (Cour EDH, 4 octobre 2007, Sanchez Cardenas c. Norvège, CE :ECHR :2007 :1004JUD 001214803, point 38, et 9 avril 2009, A. c. Norvège, CE :ECHR :2009 :0409JUD 002807006, point 64).

101

Conformément à l’article 13, sous c), du règlement no 45/2001, la personne concernée par des données à caractère personnel faisant l’objet de traitements a le droit d’obtenir la communication, sous une forme intelligible, de ces données ainsi que de toute information disponible sur l’origine de ces mêmes données. À cet égard, le règlement no 45/2001 doit être interprété conformément à l’article 41 de la Charte, qui reconnaît le droit à une bonne administration et notamment le droit d’accès de toute personne au dossier la concernant (arrêt du 16 septembre 2013, CN/Conseil, F‑84/12, EU:F:2013:128, points 39 et 40).

102

Dans ce contexte, la protection du droit fondamental au respect de la vie privée implique, notamment, que toute personne physique puisse s’assurer que les données à caractère personnel la concernant sont exactes et qu’elles sont traitées de manière licite. C’est afin de pouvoir effectuer les vérifications nécessaires que la personne concernée dispose d’un droit d’accès aux données la concernant qui font l’objet d’un traitement. Ce droit d’accès est nécessaire, notamment, pour permettre à la personne concernée d’obtenir, le cas échéant, de la part du responsable du traitement, la rectification, l’effacement ou le verrouillage de ces données et, par conséquent, d’exercer le droit de demander que des appréciations la concernant soient, après une certaine période de temps, effacées, c’est-à-dire détruites (voir, par analogie, arrêt du 20 décembre 2017, Nowak, C‑434/16, EU:C:2017:994, point 57 et jurisprudence citée).

103

Au regard notamment des motifs invoqués par la requérante au point 94 ci-dessus, celle-ci a démontré à suffisance de droit la nécessité de disposer d’un droit d’accès aux données personnelles litigieuses concernant MS afin de pouvoir, le cas échéant, en demander la rectification ou l’effacement. En effet, ce dernier n’avait pas eu accès aux allégations de comportements non désirés de sa part exposées dans la plainte de X, alors que ces allégations avaient été clairement identifiées par la Commission comme ayant été à l’origine de la décision de celle-ci du 10 avril 2013 de mettre fin à sa collaboration au réseau Team Europe (voir point 6 ci-dessus) et avaient ainsi été de nature à nuire à sa réputation et à son honneur, en tant que collaborateur de ce réseau.

104

L’article 20 du règlement no 45/2001 prévoit toutefois des exceptions et des limitations au droit d’accès de la personne concernée et, notamment, que les institutions et organes de l’Union peuvent limiter l’application de l’article 13 de ce règlement pour autant qu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour garantir la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui.

105

De plus, le transfert de données à caractère personnel à des destinataires autres que les institutions et organes de l’Union et que les personnes concernées est régi par l’article 8 du règlement no 45/2001, qui dispose notamment que des données à caractère personnel ne peuvent être transférées à un tel destinataire que si celui-ci démontre la nécessité de leur transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée.

106

Dans la mesure où les données personnelles litigieuses sont des données à caractère personnel concernant tant MS que X et d’autres tiers cités dans les documents litigieux, il convient de mettre en balance les intérêts légitimes des différentes personnes qui s’opposent en l’espèce, afin de déterminer s’il existait un intérêt supérieur qui justifiait de refuser à MS un droit d’accès à ces données personnelles.

107

Or, même à accepter l’argument de la Commission selon lequel un besoin de protection s’appliquait aux documents litigieux dans leur intégralité, celle-ci n’a pas justifié, dans la décision du 16 juin 2016, en quoi la divulgation de ces documents et, en particulier, des deux documents contenant la correspondance échangée entre X et MS, auxquels ce dernier avait déjà eu accès en tant qu’auteur ou destinataire, aurait pu porter concrètement et effectivement atteinte à des intérêts légitimes de X ou d’autres tiers cités dans ces documents.

108

À cet égard, la Commission ne saurait se référer, à titre surabondant, dans la décision du 19 avril 2016, au fait que la personne ayant déposé la plainte ne souhaitait pas que les données personnelles litigieuses soient portées à la connaissance de MS par crainte de représailles. Si la Commission a fait valoir, lors de l’audience, que l’une des personnes citées dans les documents litigieux habitait la même ville que MS, aucun élément du dossier ne laisse présager que ce dernier, qui disposait déjà d’informations suffisantes pour identifier X et Y comme étant des personnes ayant pu être à l’origine de la plainte, aurait envisagé d’exercer des représailles à leur égard, en allant au-delà des actions requises pour la défense de ses intérêts légitimes.

109

Au point 32 de sa proposition de solution à l’amiable, le Médiateur a lui-même relevé que, « du point de vue des droits de la défense [de MS], [l]a raison [de refus de divulgation des documents litigieux tenant à la nécessite de protéger la confidentialité de X était] insuffisante, étant donné que la représentation de la Commission n’a[vait] pas apporté la preuve d’un risque réel pour les droits fondamentaux ou les intérêts légitimes de [X] et que [l]es déclarations [de ce dernier] et les preuves produites [par celui-ci] constitu[ai]ent les preuves décisives, voire uniques, à l’encontre d[e MS] ».

110

À cet égard, il convient de souligner que, selon la jurisprudence, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. L’institution concernée doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (voir arrêts du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 68 et jurisprudence citée ; du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission, T‑121/05, non publié, EU:T:2009:64, point 43 et jurisprudence citée, et du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission, T‑166/05, non publié, EU:T:2009:65, point 50 et jurisprudence citée).

111

En l’espèce, il ne ressort pas de la décision du 16 juin 2016 que cette institution a procédé à une mise en balance adéquate des différents intérêts légitimes en présence, comme le requerrait une application combinée des articles 8, 13 et 20 du règlement no 45/2001.

112

Il découle de l’ensemble des appréciations qui précèdent que la décision du 16 juin 2016, portant rejet de la demande de MS de lui transférer les données personnelles litigieuses, viole les articles 8, 13 et 20 du règlement no 45/2001 et doit, pour ce motif, être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’autre moyen invoqué par la requérante.

2.   Sur les demandes en indemnité

113

La requérante demande réparation du préjudice moral que MS aurait subi du fait du rejet, par la Commission, de la demande d’accès de celui-ci aux documents litigieux et de transférer à celui-ci les données personnelles litigieuses.

114

La requérante soutient que, en refusant de donner accès à MS aux documents et aux témoignages litigieux ainsi qu’en refusant de transférer à celui-ci les données personnelles litigieuses, la Commission a adopté un comportement fautif et a violé les droits fondamentaux de celui-ci, tels que les droits de la défense et le droit au respect de la vie privée, de sorte qu’il en est résulté, pour ce dernier, un sentiment d’injustice et une perte de confiance en cette institution. Pour ces raisons, la requérante considère que la demande en réparation est détachable de la demande en annulation et reste valable même si le recours en annulation devait être rejeté. À ce titre, la requérante évalue le préjudice subi par MS à 20000 euros, dans chaque affaire, soit un montant total de 40000 euros.

115

Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340 TFUE, pour comportement illicite d’une institution, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (arrêts du 14 octobre 2014, Giordano/Commission, C‑611/12 P, EU:C:2014:2282, point 35 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

116

En outre, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, EU:C:2006:582, point 51).

117

En l’espèce, la demande en réparation du préjudice moral que MS aurait subi en raison de l’illégalité alléguée du refus de lui donner accès aux documents litigieux est étroitement liée à la demande en annulation des décisions des 2 février et 19 avril 2016, en ce qu’elles portent rejet de la demande d’accès de MS aux documents litigieux. Or, ainsi qu’il ressort des points 43 à 91 ci-dessus, l’examen des moyens présentés au soutien de cette demande en annulation n’a révélé aucune illégalité commise par la Commission et donc aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Partant, la demande en indemnité pour le préjudice prétendument subi par MS du fait de ces illégalités doit également être rejetée comme étant non fondée.

118

Quant à la demande en réparation du préjudice moral que MS aurait subi en raison de l’illégalité alléguée du refus de lui transférer les données personnelles litigieuses, il résulte du point 112 ci-dessus que la décision du 16 juin 2016, portant rejet de la demande de transférer à MS ces données personnelles, viole les articles 8, 13 et 20 du règlement no 45/2001 et doit, pour ce motif, être annulée. Selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (voir arrêt du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 127 et jurisprudence citée), à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131 et jurisprudence citée).

119

Le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure contentieuse afin de voir ses droits reconnus constitue un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ces préjudices sont réparables lorsqu’ils ne sont pas compensés par la satisfaction résultant de l’annulation de l’acte illégal (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, CG/BEI, F‑115/11, EU:F:2014:187, point 132).

120

Par ailleurs, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité ne peut constituer en elle-même une réparation adéquate lorsque l’acte attaqué comporte une appréciation explicitement négative des capacités de la partie requérante susceptible de la blesser (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 à 29 ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, EU:T:2000:86, point 98, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, points 205 et 206).

121

En l’espèce, la décision du 16 juin 2016, qui a rejeté la demande de transférer à MS les données personnelles litigieuses sans procéder à une mise en balance adéquate des différents intérêts légitimes en présence, a pu occasionner chez MS un sentiment d’injustice et une perte de confiance dans la Commission. En outre, cette décision reposait, ainsi qu’il ressort des considérations développées par la Commission devant le Médiateur et devant le Tribunal, sur la « crainte de représailles d[e MS] à [l’]égard [de X] ou à l’égard des autres personnes citées dans sa plainte », à savoir sur une forme d’appréciation négative à l’égard de MS et susceptible de l’avoir blessé.

122

Dans ces circonstances, l’annulation de la décision du 16 juin 2016 ne peut, en elle-même, suffire à constituer une réparation adéquate du préjudice moral subi par MS en raison de cette décision.

123

Il y a donc lieu de faire partiellement droit à la demande en réparation du dommage moral subi par MS en raison du refus illégal de lui transférer les données personnelles litigieuses, à hauteur d’une somme de 5000 euros, et de rejeter cette même demande pour le surplus.

124

Sur les dépens

125

Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

126

En l’espèce, la requérante et la Commission, ayant toutes deux succombé en certains de leurs chefs de conclusions, supporteront chacune leurs propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision de la Commission européenne du 16 juin 2016, portant rejet de la demande de MS de lui transférer certaines données à caractère personnel, est annulée.

 

2)

La Commission est condamnée à payer à VG, en qualité d’héritière universelle de MS, une somme de 5000 euros.

 

3)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

4)

VG et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.

 

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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