Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62016CC0122

    Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 30 mai 2017.
    British Airways plc contre Commission européenne.
    Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen du fret aérien – Décision de la Commission portant sur des accords et des pratiques concertées sur plusieurs éléments des prix des services de fret aérien – Vice de motivation – Moyen d’ordre public soulevé d’office par le juge de l’Union européenne – Interdiction de statuer ultra petita – Conclusions de la requête en première instance tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse – Interdiction, pour le Tribunal de l’Union européenne, de prononcer une annulation totale de la décision litigieuse – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif.
    Affaire C-122/16 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:406

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PAOLO MENGOZZI

    présentées le 30 mai 2017 ( 1 )

    Affaire C‑122/16 P

    British Airways plc

    contre

    Commission européenne

    « Pourvoi – Concurrence – Ententes – Recevabilité du pourvoi devant la Cour – Article 21, second alinéa, et article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union europénne – Notion de ‘succombance’ – Article 169, paragraphe 1, et article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour – Principe ne ultra petita – Moyen d’ordre public soulevé d’office – Vice de motivation – Limites du pouvoir d’annulation du juge de l’Union européenne – Principe de protection juridictionnelle effective »

    1.

    Lorsque le juge de l’Union européenne soulève d’office un moyen d’ordre public, son pouvoir d’annulation est-il limité par le principe ne ultra petita ? Ou, dans un tel cas, ce juge peut, voire doit, par exception à ce principe, tirer toutes les conséquences de droit découlant de l’accueil du moyen d’ordre public, et donc, éventuellement, aller même au-delà des conclusions des parties ?

    2.

    Telle est, en substance, la question fondamentale qui se pose dans la présente affaire, laquelle a trait à un pourvoi par lequel British Airways plc (ci‑après « BA ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 décembre 2015, British Airways/Commission ( 2 ) (ci‑après l’« arrêt attaqué »).

    3.

    Le contexte de cette affaire est assez particulier. Devant le Tribunal, BA a introduit un recours visant à l’annulation partielle de la décision C(2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, qui a sanctionné sa participation à une entente anticoncurrentielle dans le secteur du fret aérien (ci‑après la « décision litigieuse ») ( 3 ). Toutefois, le Tribunal n’a examiné aucun des moyens avancés par BA dans son recours, mais a relevé d’office un vice de motivation entachant la décision litigieuse dans son intégralité. Cependant, en se considérant limité par le principe ne ultra petita, le Tribunal n’a annulé ladite décision à l’égard de BA que dans les limites de sa demande d’annulation partielle. Dans son pourvoi, BA conteste cette approche et soutient que le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse dans son intégralité.

    4.

    La présente affaire offre l’occasion à la Cour d’apporter des précisions sur l’étendue du pouvoir du juge de l’Union notamment lorsque, dans le cadre du contentieux de la légalité, celui-ci a soulevé d’office un moyen d’ordre public.

    5.

    Elle révèle la tension existant entre des exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles chaque ordre juridique doit satisfaire, à savoir, d’une part, l’exigence de légalité, qui sous-tend le pouvoir/devoir du juge de l’Union de soulever d’office les moyens d’ordre public, et, d’autre part, l’exigence de stabilité des relations juridiques, considérée dans le cadre particulier de la présente espèce, en rapport avec la délimitation des pouvoirs du juge découlant du principe dispositif, dont le principe ne ultra petita est un corollaire.

    6.

    Afin de répondre à la question fondamentale qui se pose dans la présente affaire, laquelle est, par ailleurs, précédée par des questions non évidentes concernant la recevabilité du pourvoi de BA, la Cour sera appelée, en mettant en balance les différents principes en jeu, à trouver un juste équilibre entre ces exigences.

    I. Les antécédents des litiges et la décision litigieuse

    7.

    À la suite d’une demande d’immunité ( 4 ) introduite en 2005 par des sociétés appartenant au groupe Deutsche Lufthansa, la Commission européenne a ouvert une enquête sur l’existence de comportements anticoncurrentiels dans le marché du fret aérien.

    8.

    Cette enquête s’est conclue par l’adoption, le 9 novembre 2010, de la décision litigieuse que la Commission a adressée à 21 transporteurs, parmi lesquels BA.

    9.

    Dans cette décision, la Commission a constaté que, en participant à la coordination de certains éléments du prix à porter en compte pour des services de fret aérien ( 5 ), BA et d’autres compagnies aériennes avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien, signé le 21 juin 1999 à Luxembourg, approuvé au nom de la Communauté par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO 2002, L 114, p. 1). À ce titre, la Commission a infligé à BA une amende de 104040000 euros.

    II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    10.

    Le 24 janvier 2011, BA a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse ( 6 ). À l’appui de son recours, BA a invoqué sept moyens. Tous les destinataires de la décision litigieuse, à l’exception de la compagnie aérienne Qantas Airways Ltd., ont également attaqué la décision litigieuse devant le Tribunal.

    11.

    Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur l’existence d’une éventuelle contradiction entre les motifs de la décision litigieuse et les quatre premiers articles du dispositif de la même décision.

    12.

    Le 16 décembre 2015, le Tribunal a rendu l’arrêt attaqué ( 7 ).

    13.

    Dans cet arrêt, le Tribunal a, tout d’abord, rappelé qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union ( 8 ).

    14.

    Ensuite, sans examiner aucun des sept moyens invoqués par BA, le Tribunal a constaté, d’une part, l’existence d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision litigieuse ( 9 ) et, d’autre part, l’existence de contradictions internes importantes au sein même des motifs de ladite décision ( 10 ).

    15.

    Enfin, le Tribunal a relevé que les contradictions internes à la décision litigieuse avaient porté atteinte aux droits de la défense de BA, en ce qu’elles ne lui avaient pas permis de comprendre la nature et la portée de l’infraction ou des infractions constatées, et avaient empêché le Tribunal d’exercer son contrôle ( 11 ).

    16.

    À la suite de cette analyse, le Tribunal a conclu que la décision litigieuse était entachée d’un vice de motivation.

    17.

    Le Tribunal a toutefois jugé que, le juge de l’Union ne pouvant statuer ultra petita et l’annulation qu’il prononce ne pouvant excéder celle sollicitée par le requérant, la conclusion concernant l’existence du vice de motivation ne pouvait, en l’espèce, conduire à annuler la décision litigieuse dans son intégralité en ce qu’elle vise BA ( 12 ).

    18.

    Au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, lors de l’audience, BA avait certes fait valoir que ce dernier pourrait annuler la décision litigieuse dans sa totalité, au motif que le dispositif ne reflétait pas la motivation de ladite décision. Toutefois, le Tribunal a jugé que, même à supposer qu’il soit possible de considérer que BA ait exprimé implicitement la volonté de modifier ses conclusions et de demander, à l’audience, l’annulation complète de ladite décision en ce qu’elle la concernait, d’une part, une modification de conclusions est soumise aux exigences les plus strictes quant à sa netteté et à sa teneur et doit être faite de manière formelle et, d’autre part, le défaut de motivation dont la décision litigieuse était entachée ressortait de la lecture même de cette décision et ne pouvait pas être considéré comme un élément de droit et de fait qui se serait révélé pendant la procédure écrite.

    19.

    Dans ces conditions, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans les limites circonscrites par les conclusions figurant dans la requête introduite par BA ( 13 ).

    20.

    Le 17 mars 2017, la Commission a adopté une nouvelle décision concernant l’entente anticoncurrentielle sanctionnée dans la décision litigieuse. En ce qui concerne BA, cette décision rétablit les aspects de la décision litigieuse annulés dans l’arrêt attaqué.

    III. Les conclusions des parties

    21.

    Par son pourvoi, BA demande à la Cour, premièrement, d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il limite la portée de l’annulation de la décision litigieuse aux conclusions qu’elle a avancées dans son recours en première instance, deuxièmement, d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, troisièmement, d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité et, quatrièmement, de condamner la Commission aux dépens du présent pourvoi.

    22.

    La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner BA aux dépens.

    IV. Appréciation

    23.

    Au soutien de son pourvoi, BA soulève deux moyens. Par son premier moyen, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en se considérant limité par le principe ne ultra petita. Selon BA, dans la mesure où il a soulevé d’office un moyen d’ordre public et a constaté l’existence d’un vice entachant la décision litigieuse dans son intégralité, le Tribunal aurait dû annuler complètement cette décision. Le second moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    24.

    La Commission soulève, à titre liminaire, des exceptions d’irrecevabilité du pourvoi qu’il convient d’analyser en premier lieu.

    A. Sur la recevabilité du pourvoi

    1. Sur la violation de l’exigence de joindre l’arrêt attaqué au pourvoi

    25.

    En premier lieu, selon la Commission, le pourvoi est irrecevable puisque BA n’a pas joint l’arrêt attaqué à la requête, ce qui constituerait une violation de l’article 168, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour ( 14 ).

    26.

    À cet égard, il convient de relever que l’ancien règlement de procédure prévoyait explicitement que « [l]a décision du Tribunal qui fait l’objet du pourvoi doit être annexée à ce dernier » ( 15 ). Une telle exigence n’est toutefois plus expressément requise dans le règlement de procédure entré en vigueur le 1er novembre 2012. Ce dernier règlement exige seulement, à son article 168, paragraphe 1, sous b), que la requête contienne « l’indication de la décision attaquée du Tribunal », de sorte que la Cour puisse identifier cette décision de manière non équivoque.

    27.

    L’article 168, paragraphe 2, dudit règlement de procédure renvoie à l’article 122, paragraphe 1, du même règlement, lequel renvoie, à son tour, à l’article 21, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il ressort de ces deux dernières dispositions que la requête doit être accompagnée de l’acte dont l’annulation est demandée « s’il y a lieu ». Or, à mon avis, l’expression « s’il y a lieu » doit être entendue dans le sens qu’il n’est pas nécessaire de joindre à la requête l’acte attaqué lorsque la Cour peut aisément disposer de cet acte, ce qui, en considération du développement technologique, est désormais toujours le cas pour les arrêts et les ordonnances du Tribunal.

    28.

    Il s’ensuit que l’article 168, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour n’exige pas de joindre l’arrêt attaqué au pourvoi et que, par conséquent, la première exception d’irrecevabilité de la Commission doit être rejetée.

    2. Sur la violation de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que des articles 169 et 170 du règlement de procédure de la Cour

    29.

    En second lieu, selon la Commission, le pourvoi est irrecevable puisqu’il ne respecterait pas les exigences prévues à l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’aux articles 169 et 170 du règlement de procédure de la Cour. Avant d’analyser ces exceptions, il convient, toutefois, d’examiner l’exception de la Commission selon laquelle le mémoire en réplique, que BA a été autorisée à déposer pour répondre à ces exceptions, serait irrecevable dans son intégralité.

    a) Sur la recevabilité du mémoire en réplique

    30.

    La Commission soutient que les arguments avancés par BA dans sa réplique en réponse aux exceptions d’irrecevabilité qu’elle a soulevées constituent un moyen nouveau produit en cours d’instance et, que, en raison de cette qualification, la réplique serait irrecevable dans son intégralité ( 16 ). En effet, selon la Commission, tandis que, dans son pourvoi, BA ferait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tirant pas les conséquences de droit qui s’imposaient de l’accueil du moyen d’ordre public soulevé d’office, BA attaquerait, pour la première fois dans sa réplique, le rejet de sa demande, avancée lors de l’audience devant le Tribunal, d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité.

    31.

    À cet égard, il convient de rappeler que, au cours de la procédure, dans le cadre de la nécessaire instauration du contradictoire au regard du moyen qu’il entendait relever d’office, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur ce moyen.

    32.

    Il ressort du point 90 de l’arrêt attaqué que, lors de l’audience, dans le cadre de son argumentation relative à ce moyen, BA a fait expressément valoir que le Tribunal aurait pu annuler la décision litigieuse dans sa totalité.

    33.

    Au même point de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicitement rejeté cette demande de BA, la traitant ainsi, en substance, de demande « implicite » (selon le terme même utilisé par le Tribunal) de modification de ses conclusions. Le Tribunal a ensuite annulé partiellement la décision litigieuse dans les limites des conclusions telles que formulées par BA dans sa requête.

    34.

    Dans son pourvoi, BA fait valoir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en se considérant, en l’espèce, limité par le principe ne ultra petita. Selon la thèse de BA, lorsqu’il soulève d’office un moyen d’ordre public, le juge devrait avoir le pouvoir de tirer les conséquences de droit qui s’imposent de l’accueil de ce moyen, à savoir, en l’espèce, l’annulation totale de la décision litigieuse. Selon BA, le juge serait libre d’exercer un tel pouvoir indépendamment des conclusions des parties, de sorte que, en l’espèce, la présentation d’une demande de modification de conclusions n’aurait pas même été nécessaire pour permettre au Tribunal d’annuler l’intégralité de la décision litigieuse ( 17 ).

    35.

    Il résulte logiquement de cette thèse que, du point de vue de BA, dans la mesure où le Tribunal, en accueillant le moyen qu’il a soulevé d’office, aurait dû en tout état de cause annuler l’intégralité de la décision litigieuse, le raisonnement contenu au point 90 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a rejeté sa demande visant à l’annulation totale de la décision litigieuse, est erroné.

    36.

    Dans ces conditions, la Commission ne saurait faire valablement valoir que, en affirmant, dans sa réplique, que son pourvoi vise le rejet de cette demande, BA soulèverait un moyen nouveau par rapport à celui soulevé dans la requête en pourvoi, tiré d’une erreur de droit dans l’application du principe ne ultra petita. L’exception d’irrecevabilité du mémoire en réplique doit donc à mon avis être rejetée.

    b) Sur la conformité du pourvoi à l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

    37.

    La Commission soutient d’abord que le pourvoi n’est pas conforme à l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, puisque BA n’aurait pas succombé en ses conclusions aux termes de cette disposition. En effet, le Tribunal ayant accueilli les conclusions de BA telles que délimitées dans sa requête, celle-ci aurait eu totalement gain de cause en première instance.

    38.

    BA rétorque qu’elle a succombé dans ses conclusions. En effet, lors de l’audience, elle aurait fait valoir, dans le cadre de son argumentation relative au moyen soulevé d’office par le Tribunal, qu’il fallait annuler intégralement la décision litigieuse et, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté cette demande. L’interprétation des règles de procédure préconisée par la Commission priverait une partie affectée par un arrêt rendu par le Tribunal sur le fondement d’un moyen relevé d’office de la possibilité d’obtenir la protection juridictionnelle effective auprès de la Cour.

    39.

    À titre liminaire, je rappelle que, aux termes de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, « [un pourvoi devant la Cour de justice] peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions. […] ».

    40.

    Or, il convient de relever qu’il existe une divergence linguistique entre la version en langue française de l’article 56, deuxième alinéa, dudit statut et la version en langue anglaise, langue de procédure de la présente affaire. En effet, afin qu’un requérant puisse former un pourvoi, aux termes de la version en langue française, il est nécessaire que celui-ci ait « succombé en ses conclusions », alors que, aux termes de la version en langue anglaise, il est requis que le requérant ait été « unsuccessful [...] in its submissions ». La version en langue française utilise ainsi le terme « conclusions » qui correspond au terme utilisé à l’article 168, paragraphe 1, sous d), à l’article 169, paragraphe 1, et à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, tandis que la version en langue anglaise utilise, en revanche, le terme « submissions », qui ne correspond pas à l’expression « form of order » utilisée dans lesdites dispositions, et qui est susceptible de couvrir non seulement les conclusions (le petitum), mais également les arguments de droit avancés devant le Tribunal. Des différences se retrouvent également dans d’autres versions linguistiques de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, certaines de ces versions ne se référant pas à la notion correspondant au terme français « conclusions » utilisé dans le règlement de procédure de la Cour ( 18 ).

    41.

    Dans ces conditions, aucune de ces versions linguistiques ne pouvant se voir attribuer un caractère prioritaire, l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne doit être interprété en fonction de l’économie générale et de la finalité des dispositions en matière de pourvoi ( 19 ).

    42.

    En particulier, il y a lieu de vérifier si, comme le soutient la Commission, la notion de « succomber en ses conclusions » aux termes de cette disposition ne peut être comprise que comme faisant référence aux conclusions formulées dans la requête initiale ou, à tout le moins, dans une demande formelle de modification de conclusions.

    43.

    À cet égard, il convient d’abord de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que les conclusions des parties sont caractérisées par une exigence accrue de clarté ( 20 ) et, en principe, par leur immutabilité ( 21 ). Cette immutabilité de principe est strictement liée à l’exigence du respect des délais de recours ( 22 ).

    44.

    Cependant, l’immutabilité des conclusions n’est pas absolue. Il existe quelques exceptions, qui sont toutefois extrêmement circonscrites.

    45.

    Ainsi, la Cour a parfois admis une modification des conclusions de la requête en cours d’instance lorsqu’elle se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure écrite ( 23 ). En outre, une modification de conclusions est désormais possible, aux termes de l’article 86 du nouveau règlement de procédure du Tribunal, qui a codifié une jurisprudence préexistante ( 24 ), lorsque l’acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet. Ensuite, la Cour a, dans quelques cas particuliers, admis la possibilité de préciser des conclusions en cours d’instance ( 25 ). La modification des conclusions est, toutefois, soumise à des exigences très strictes quant à sa netteté et à sa teneur et doit être faite de manière formelle ( 26 ), tout restant possible, cependant, lors de l’audience ( 27 ).

    46.

    Or, lorsqu’un requérant présente une demande de modification de ses conclusions et que le Tribunal rejette expressément cette demande dans son arrêt, ce requérant ne saurait être privé de la possibilité de contester la légalité de ce rejet pour la simple raison qu’il a eu gain de cause en ses conclusions originaires, telles que contenues dans sa requête.

    47.

    En effet, il est évident qu’un tel requérant a succombé en sa demande de modification de ses conclusions. Si la Cour devait constater que le Tribunal a erronément rejeté cette demande, ledit requérant pourrait potentiellement obtenir plus que ce qu’il a obtenu par l’accueil de ses conclusions originaires. Un tel requérant doit donc être mis en mesure de pouvoir contester la légalité du rejet de sa demande de modification des conclusions.

    48.

    D’ailleurs, la question de savoir si le Tribunal a ou non à bon droit rejeté la demande de modification des conclusions d’une partie relève du fond de l’affaire, et cela indépendamment de la circonstance que le Tribunal ait rejeté une telle demande pour violation des exigences de forme.

    49.

    Il en résulte à mon avis que, contrairement à ce que soutient la Commission, la notion de « succombance » au sens de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne saurait être strictement limitée aux conclusions formulées dans la requête initiale ou à celles modifiées en respectant les exigences de forme. Elle doit, en revanche, inclure le fait de succomber en toute demande présentée devant le Tribunal au cours de la procédure sur laquelle le Tribunal a statué dans l’arrêt attaqué.

    50.

    Une telle interprétation dudit article 56, deuxième alinéa, semble être d’ailleurs cohérente avec les différentes versions linguistiques de cette disposition, lesquelles se réfèrent toutes à la notion de « succombance », mais ne lient pas cette notion nécessairement aux conclusions formulées formellement dans la requête initiale ( 28 ).

    51.

    Il s’ensuit que, en l’espèce, le Tribunal ayant statué, au point 90 de l’arrêt attaqué, sur la demande « implicite » de BA d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité, tout en la rejetant, BA doit être considérée comme ayant succombé sur ce point aux termes de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Son pourvoi doit donc être considéré comme étant recevable de ce point de vue.

    c) Sur la conformité du pourvoi à l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour

    52.

    La Commission soutient ensuite que le pourvoi n’est pas conforme à l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour puisqu’il tendrait non pas à l’annulation du dispositif de l’arrêt attaqué, mais à ce que ce dispositif soit complété, en étendant l’annulation partielle, demandée en première instance par BA et accordée par le Tribunal, à une annulation totale.

    53.

    Aux termes de l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, « [l]es conclusions du pourvoi tendent à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal, telle qu’elle figure au dispositif de cette décision. »

    54.

    Cette disposition concerne les conclusions de la requête en pourvoi relatives au pourvoi (alors que l’article 170 du même règlement concerne les conclusions en cas d’accueil du pourvoi). Elle vise notamment le principe fondamental en matière de pourvoi selon lequel celui-ci doit être dirigé contre le dispositif de la décision attaquée du Tribunal et ne peut pas viser exclusivement la modification de certains motifs de cette décision ( 29 ).

    55.

    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 21 des présentes conclusions, en ce qui concerne les conclusions relatives au pourvoi, BA a présenté deux chefs de conclusions : dans son premier chef, elle demande l’annulation de l’arrêt attaqué « dans la mesure où [cet arrêt] limite la portée de l’annulation de la décision litigieuse aux conclusions qu’elle a avancées dans son recours en première instance » ; dans son deuxième chef, elle demande l’annulation du point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

    56.

    Par son premier chef de conclusions, BA demande donc l’annulation des motifs de l’arrêt attaqué qui fondent le point 1 du dispositif en ce qu’il n’accorde qu’une annulation partielle de la décision litigieuse. Il s’agit spécifiquement, d’une part, de la décision du Tribunal de se considérer limité, en l’espèce, par le principe ne ultra petita et, d’autre part, de la décision de rejeter la demande « implicite » de modification des conclusions que BA prétend avoir formulée lors de l’audience ( 30 ). À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les motifs de l’arrêt attaqué, qui constituent le fondement nécessaire de son dispositif en sont indissociables ( 31 ) et le dispositif d’un arrêt doit être lu à la lumière de ces motifs ( 32 ).

    57.

    Sur la base de cette prémisse, dans son deuxième chef de conclusions, BA demande ensuite l’annulation du point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

    58.

    À cet égard, il convient également de relever que la Cour a déjà jugé que, si elle est compétente pour apprécier la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant le Tribunal, elle doit, sous peine de priver la procédure de pourvoi d’une partie importante de son sens, aussi être compétente pour apprécier les conséquences légales tirées par le Tribunal d’une telle solution, lesquelles constituent également une question de droit ( 33 ).

    59.

    Or, dans son pourvoi, BA conteste la portée de l’annulation que le Tribunal a prononcée en conséquence de l’accueil du moyen que celui-ci a relevé d’office. BA conteste donc les conséquences légales que le Tribunal a tirées de l’accueil de ce moyen.

    60.

    Il ressort de tout ce qui précède que, en l’espèce, la Commission ne saurait valablement faire valoir que le pourvoi de BA ne tend pas à l’annulation du dispositif de l’arrêt attaqué, comme requis par l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

    d) Sur la conformité du pourvoi à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour

    61.

    Enfin, la Commission soutient que le pourvoi n’est pas non plus conforme à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cet article n’autoriserait pas un requérant à présenter en pourvoi des conclusions qui vont au-delà des conclusions présentées en première instance et à solliciter une mesure plus large que celle sollicitée devant le Tribunal. La demande formulée par BA lors de l’audience devant le Tribunal concernant la portée de l’annulation (point 90 de l’arrêt attaqué) ne saurait être considérée comme faisant partie de l’objet du litige devant le Tribunal.

    62.

    L’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour dispose que « [l]es conclusions du pourvoi tendent, si celui-ci est déclaré fondé, à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l’exclusion de toute conclusion nouvelle » et que « [l]e pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal ».

    63.

    L’introduction d’un article spécifique dédié aux conclusions en cas d’accueil du pourvoi est une nouveauté du règlement de procédure de la Cour entré en vigueur le 1er novembre 2012. Cette disposition vise les conséquences que la Cour devrait tirer de l’éventuelle reconnaissance du bien-fondé du pourvoi. Elle vient logiquement après l’article 169, paragraphe 1, du même règlement, et vise à éviter qu’un requérant en pourvoi puisse présenter à la Cour des demandes qu’il n’a pas introduites devant le Tribunal ( 34 ).

    64.

    En l’espèce, les conclusions en cas d’accueil du pourvoi de BA sont contenues dans son troisième chef de conclusions par lequel elle demande à la Cour d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité.

    65.

    Il convient de vérifier si cette demande doit être qualifiée de « conclusion nouvelle » et si elle est susceptible de modifier l’objet du litige aux termes de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

    66.

    À cet égard, il convient, premièrement, de relever que la demande contenue dans le troisième chef de conclusions correspond exactement à la demande « implicite » de modification des conclusions que le Tribunal a rejetée au point 90 de l’arrêt attaqué. Elle concerne, en outre, une question – celle de l’éventuelle annulation intégrale de la décision litigieuse en conséquence de l’accueil du moyen soulevé d’office – qui, ainsi qu’il ressort du point 90 de l’arrêt attaqué, a été débattue devant le Tribunal dans le cadre de la discussion concernant ce moyen.

    67.

    Deuxièmement, si, ainsi qu’il ressort des considérations effectuées aux points 58 et 59 des présentes conclusions, un requérant est habilité à contester en pourvoi les conséquences légales que le Tribunal a tirées de l’accueil d’un moyen (en l’espèce celui relevé d’office), un tel requérant doit logiquement être autorisé à demander à la Cour, en cas d’un éventuel accueil de son pourvoi, de tirer elle‑même les conséquences de plein droit qui découlent de l’accueil dudit moyen.

    68.

    À cet égard, il n’y a pas de doute que, si la Cour devait accueillir le pourvoi de BA en considérant que le Tribunal a commis l’erreur de droit que cette dernière lui reproche, il s’ensuivrait nécessairement que la décision litigieuse doive être annulée dans son intégralité ( 35 ).

    69.

    Partant, en l’espèce, l’annulation intégrale de la décision litigieuse ne constitue rien d’autre que la conséquence juridique nécessaire d’un éventuel accueil des conclusions de BA sur le pourvoi (mentionnées aux points 21 et 55 des présentes conclusions) et, ainsi, d’une éventuelle annulation de l’arrêt attaqué.

    70.

    Dans ces conditions, dans le cadre des circonstances extrêmement particulières qui caractérisent la présente affaire, je ne crois pas que l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour s’oppose à la recevabilité du pourvoi.

    71.

    Il s’ensuit que le pourvoi de BA est, à mon avis, recevable.

    B. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit résultant de la mauvaise application du principe ne ultra petita

    1. Bref résumé de l’argumentation des parties

    72.

    Par son premier moyen, BA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en se considérant limité par le principe ne ultra petita lorsqu’il a constaté d’office l’existence de vices essentiels relevant de l’ordre public et entachant la décision litigieuse dans son intégralité.

    73.

    Selon BA, lorsque le juge de l’Union relève d’office une question d’ordre public, les limitations inter partes liées au principe ne ultra petita cesseraient de s’appliquer. Dans un tel cas, ledit juge devrait avoir la compétence de formuler le dispositif de l’arrêt de la manière qu’il juge appropriée et ne devrait pas se voir limité dans l’exercice de cette compétence par les conclusions d’une partie.

    74.

    Selon BA, si, dans une affaire concernant une question d’ordre public, le juge de l’Union a la liberté de s’écarter des moyens invoqués par les parties, il doit, par extension, être libre, de la même manière, de s’écarter de leurs conclusions. C’est seulement ainsi qu’il serait en mesure d’énoncer un dispositif adéquat dans son arrêt et de rectifier de manière effective les infractions constatées à l’ordre public.

    75.

    Les conséquences du relevé d’office des moyens d’ordre public par le Tribunal ne sauraient être assujetties aux intérêts individuels des parties au litige. Elles ne pourraient non plus dépendre d’une éventuelle modification de leur part de leurs conclusions pendant la procédure. Une telle solution reviendrait également à mettre entre les mains des parties les questions d’ordre public.

    76.

    En outre, dans le cadre de sa prise en considération, dans l’arrêt attaqué, des procédures nationales ultérieures en réparation, le Tribunal aurait créé une distinction arbitraire entre la situation de BA (qui n’a bénéficié que d’une annulation partielle de la décision litigieuse) et celle des autres compagnies aériennes ayant également attaqué ladite décision (qui ont bénéficié de l’annulation intégrale de celle-ci), alors que tous les requérants se trouvaient dans la même situation par rapport au vice essentiel de motivation identifié d’office par le Tribunal.

    77.

    Enfin, l’approche du Tribunal susciterait des soucis au regard de l’administration de la justice puisque elle inciterait les requérants à systématiquement formuler sans justification leurs conclusions de manière large afin de pouvoir obtenir une annulation d’une plus grande portée au cas où le juge de l’Union soulèverait d’office un moyen d’ordre public.

    78.

    La Commission conteste les arguments de BA. En particulier, elle considère que la thèse de BA revient à renier les principes exprimés dans la jurisprudence issue de l’arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (ci‑après l’« affaire AssiDomän ») ( 36 ). La différence entre l’affaire AssiDomän et la présente affaire serait juste une question de degré. Alors que, dans l’affaire AssiDomän, certains destinataires d’une décision de la Commission ne l’avaient pas attaquée, en l’espèce, BA n’aurait contesté devant le Tribunal que certains aspects de la décision litigieuse.

    2. Analyse

    79.

    Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en se considérant en l’espèce limité par le principe ne ultra petita ? Pouvait-il, voire devait-il, en tirant toutes les conséquences de droit découlant du vice de motivation d’ordre public relevé d’office qui entachait l’intégralité de la décision litigieuse, annuler complétement cette décision, en dépit des conclusions de BA qui n’en visaient que l’annulation partielle ?

    80.

    Ainsi que je l’ai relevé aux points 5 et 6 des présentes conclusions, ces questions révèlent une tension entre des exigences juridiques différentes et parfois antagonistes. La réponse à celles-ci dépend donc de l’articulation entre ces exigences et de la mise en balance des principes qui les sous-tendent.

    81.

    Dans ces conditions, je partirai d’une analyse de la portée et de la raison d’être de ces principes et exigences, pour ensuite proposer une réponse auxdites questions.

    a) Sur le principe ne ultra petita, corollaire du principe dispositif

    82.

    Il convient tout d’abord de caractériser le principe ne ultra petita invoqué par le Tribunal comme la limite, en l’espèce, de son pouvoir d’annulation.

    83.

    Découlant de l’adage « ne eat iudex ultra petita partium », le principe ne ultra petita interdit au juge, appelé à statuer sur un recours en annulation, d’aller au‑delà des conclusions des parties ( 37 ). Selon une formule jurisprudentielle constante, le juge de l’Union ne pouvant statuer ultra petita, l’annulation qu’il prononce ne saurait excéder celle sollicitée par le requérant ( 38 ).

    84.

    Le principe ne ultra petita est un corollaire du principe dispositif, qui est un principe directeur du contentieux de la légalité devant le juge de l’Union. Suivant le principe dispositif, ce sont les parties qui ont l’initiative du procès et qui circonscrivent l’objet du litige, le juge devant, par conséquent, se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé (et donc ne ultra petita) ( 39 ).

    85.

    Généralement, le principe dispositif et son corollaire, le principe ne ultra petita, sont considérés comme l’expression de l’autonomie privée des personnes. En effet, la question de savoir si et dans quelle mesure un sujet fait valoir devant le juge ses droits dépend, en fin de compte, de sa propre volonté. Une telle conception vaut, toutefois, surtout dans le cadre du procès civil ( 40 ).

    86.

    Dans les procédures de droit public, le principe dispositif et le principe ne ultra petita ‐ et les limites au pouvoir du juge qui en découlent ‐ acquièrent toutefois une portée différente ( 41 ). Plus particulièrement, ces principes doivent être vus en relation avec le choix de structurer le contentieux de la légalité en droit de l’Union comme un contentieux dépendant de l’introduction d’un recours.

    87.

    Ainsi, il ressort de l’article 263, deuxième à quatrième alinéas, TFUE que le juge de l’Union n’a compétence pour contrôler la légalité des actes adoptés par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union que si – et dans la mesure où – il est investi d’un recours introduit par l’un des sujets habilités à le présenter aux termes de ces dispositions.

    88.

    En l’absence d’un tel recours, le juge de l’Union ne dispose aucunement de la compétence de vérifier ex officio la légalité des actes adoptés par les institutions, les organes ou les organismes l’Union ( 42 ).

    89.

    En d’autres termes, le pouvoir du juge de l’Union de contrôler la légalité de l’activité des institutions de l’Union dépend de l’existence et de la portée d’un recours en annulation introduit par l’un des sujets indiqués à l’article 263 TFUE. Si le juge n’est pas investi d’un tel recours, il ne peut pas, en s’ingérant dans le domaine d’activité des autres institutions, des organes ou des organismes de l’Union, remettre en cause la légalité des actes adoptés par ceux-ci ( 43 ).

    90.

    Dans cette perspective, les limites au pouvoir du juge découlant du principe ne ultra petita, en tant qu’expression du principe dispositif, se rattachent non seulement à l’autonomie privée, mais également au principe de la séparation des pouvoirs, qui caractérise le fonctionnement de tout État de droit, et qui, dans le contexte de l’Union, se traduit par le principe de l’équilibre institutionnel, lequel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres ( 44 ).

    91.

    En ce qui concerne le principe ne ultra petita, il convient encore de relever que, ainsi qu’il ressort de son nom (ne ultra petita), ce principe a trait au petitum et donc aux demandes des parties telles qu’exposées dans leurs conclusions. Toutefois, la Cour se réfère parfois à ce principe également en relation avec les moyens présentés par les parties au soutien de leurs prétentions. Elle le fait, spécifiquement, au regard de l’interdiction pour le juge d’examiner des moyens qui n’ont pas été présentés par les parties, exception faite – précisément – des moyens que le juge peut, voire doit, soulever d’office ( 45 ).

    92.

    Dans cette perspective, le relevé d’office d’un moyen d’ordre public peut être considéré comme une exception au principe ne ultra petita entendu au sens large (à savoir comme se référant non seulement au petitum, mais également aux moyens avancés pour le soutenir). L’existence du pouvoir de relever d’office ces moyens n’implique toutefois pas nécessairement que, dans le cas où le juge de l’Union exerce ce pouvoir, il puisse adopter une décision qui aille au-delà des conclusions des parties. Les deux questions sont en effet distinctes ( 46 ).

    b) Sur le respect du délai de recours en tant qu’exigence d’ordre public

    93.

    La possibilité pour l’un des sujets indiqués à l’article 263 TFUE d’investir le juge de l’Union d’une demande de contrôle de la légalité d’un acte de l’Union est assujettie à une limitation temporelle : le recours doit être introduit dans le délai prévu au sixième alinéa dudit article.

    94.

    À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une décision qui n’a pas été attaquée par le destinataire dans le délai prévu par cette disposition devient définitive à son encontre ( 47 ).

    95.

    La Cour a également indiqué que ce délai et la conséquence de son écoulement, à savoir l’acquisition du caractère définitif, visent à protéger des intérêts publics et que, en conséquence, ce délai est d’ordre public et n’est, dès lors, ni à la disposition des parties ni même à celle du juge, son respect devant être examiné d’office par le juge de l’Union ( 48 ).

    96.

    Cette jurisprudence est notamment fondée sur la considération que les délais de recours visent à garantir la sécurité juridique, en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit, ainsi que sur les exigences de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure ( 49 ).

    97.

    Or, les principes exprimés dans cette jurisprudence ne s’appliquent pas seulement dans les cas de recours visant à l’annulation intégrale d’un acte, mais ils valent également en cas de demande d’annulation partielle. Ainsi, en cas d’introduction d’un recours demandant l’annulation partielle d’un acte, les parties dissociables ( 50 ) de cet acte qui n’ont pas été attaquées dans le délai de recours acquièrent un caractère définitif, notamment à l’égard de son destinataire.

    98.

    En outre, ainsi que je l’ai relevé au point 43 des présentes conclusions, les exigences d’ordre public connexes au respect du délai de recours sont le fondement de l’immutabilité de principe des conclusions des parties dans le contentieux en annulation. C’est l’expiration de ce délai qui a pour effet de cristalliser, en principe, les conclusions et donc de définir l’objet du litige de manière définitive. En effet, permettre à un requérant d’élargir la portée de ses conclusions après l’expiration du délai de recours reviendrait, en substance, à lui permettre d’éluder ce délai et de demander l’annulation d’un autre acte (ou d’une autre partie d’un acte) alors que le délai pour en contester la légalité a expiré et que cet acte (ou cette partie de l’acte) a acquis un caractère définitif à son encontre ( 51 ).

    99.

    Enfin, il convient encore de relever que, en raison des exigences de sécurité juridique qui sous-tendent les règles concernant les délais de procédure, la Cour en a fait une application extrêmement restrictive, en n’admettant des dérogations que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles ( 52 ).

    c) Sur l’exigence de protection de la légalité sous-tendant le relevé d’office des moyens d’ordre public

    100.

    L’exigence de protection de la légalité requiert que, dans l’accomplissement de sa tâche fondamentale d’assurer le respect du droit de l’Union qui lui est conférée par l’article 19 TUE, le juge de l’Union ne soit pas confiné à jouer exclusivement un rôle passif, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées. Ainsi, certaines règles de procédure et la jurisprudence lui ont reconnu la compétence de soulever d’office des moyens de droit, qualifiés de moyens d’ordre public, qui lui permettent d’aller au-delà des moyens et des arguments invoqués par les parties. Il s’agit de cas de figure concernant tant des questions relatives à la procédure se déroulant devant lui ( 53 ) que des questions concernant la légalité de l’acte attaqué ( 54 ).

    101.

    En général, il incombe au juge de l’Union de soulever d’office la violation d’une règle de l’ordre juridique de l’Union qui apparaît suffisamment importante pour être qualifiée d’ordre public et pour justifier sa sanction ex officio. Lorsqu’est constatée la violation d’une telle règle, en effet, il importe peu de savoir si cet acte se trouve également entaché des vices exposés par le requérant au soutien de sa demande d’annulation, car la défense de l’ordre juridique de l’Union permet au juge de la légalité, voire lui impose, de constater que l’acte en cause est entaché d’un vice qui, en tout état de cause, implique son annulation ( 55 ).

    102.

    La Cour n’a jamais ni donné une définition précise de la notion de moyen d’ordre public, ni identifié de manière abstraite les critères permettant d’établir si un moyen est d’ordre public ou non. Néanmoins, des éléments tirés de la jurisprudence permettent de cerner avec une certaine précision ces critères, s’agissant de l’ordre juridique de l’Union.

    103.

    À cet égard, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises ( 56 ), je souscris à l’approche proposée par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Salzgitter/Commission (C‑210/98 P, EU:C:2000:172) ( 57 ). Ainsi, à mon avis, un moyen est d’ordre public lorsque, d’une part, la règle violée vise à servir un objectif fondamental ou une valeur fondamentale de l’ordre juridique de l’Union et elle joue un rôle significatif dans la réalisation de cet objectif ou de cette valeur, et, d’autre part, lorsque cette règle a été fixée dans l’intérêt des tiers ou de la collectivité en général, et non pas simplement dans l’intérêt des personnes directement concernées.

    104.

    C’est donc une exigence de légalité que l’on pourrait définir de « renforcée », car ayant trait à la protection de l’« ordre public », à savoir à la protection de valeurs fondamentales de l’ordre juridique de l’Union dans l’intérêt des tiers ou de la collectivité en général qui justifie le pouvoir/devoir du juge de l’Union de relever d’office les moyens d’ordre public, même au-delà des moyens que les parties ont avancés devant lui au soutien de leurs demandes.

    d) Sur l’étendue du pouvoir d’annulation du juge de l’Union lorsqu’il soulève d’office un moyen d’ordre public

    105.

    Une telle exigence de légalité « renforcée », liée à la protection de l’ordre public, qui fonde le pouvoir du juge de l’Union de soulever d’office un moyen de droit, justifie-t-elle également l’extension de son pouvoir d’annulation au-delà des demandes du requérant ? Cette exigence permet-elle au juge de remettre en cause des parties d’une décision qui, n’ayant pas fait objet d’un recours, ont acquis un caractère définitif à l’encontre du requérant ?

    106.

    La réponse à ces questions dépend en fin de compte, parmi les exigences en jeu décrites ci-dessus, du choix de celle qu’il convient de faire prévaloir.

    107.

    Or, s’agissant de ce choix, la Cour me semble essentiellement être confrontée à trois options, dont seule la troisième, pour les raisons qui seront développées ci-après, emporte ma conviction.

    108.

    La première option est celle qui consisterait à suivre la thèse avancée par BA et à faire prévaloir l’exigence de légalité « renforcée » en reconnaissant au juge le pouvoir d’aller au-delà des conclusions des parties lorsqu’il soulève un moyen d’ordre public. Il ne peut pas être nié qu’une telle approche possède une logique. En effet, dès lors que la règle violée est tellement importante qu’elle est qualifiée d’ordre public et qu’elle peut être relevée ex officio, le juge doit être mis en mesure, indépendamment des conclusions des parties, de rectifier l’illégalité découlant de sa violation. Cette approche est cohérente avec le pouvoir du juge de relever d’office les moyens d’ordre public qui, comme je l’ai relevé aux points 91 et 92 des présentes conclusions, constitue une exception au principe ne ultra petita entendu au sens large. Si cette approche trouve quelques appuis dans la jurisprudence, cette jurisprudence est implicite, isolée, ancienne et limitée, semble-t-il, au contentieux de la fonction publique ( 58 ).

    109.

    Une deuxième possibilité serait celle de permettre aux parties, dans le cadre de leurs prises de position (nécessaires pour le respect du contradictoire ( 59 )) sur le moyen que le juge de l’Union entend relever d’office, d’adapter la portée de leurs conclusions à la lumière de ce moyen.

    110.

    Une troisième option, celle choisie par le Tribunal, défendue par la Commission et que je tends aussi à privilégier, consiste à faire prévaloir les exigences liées au principe ne ultra petita et à la sécurité juridique (en relation avec le respect du délai de recours), en limitant le pouvoir d’annulation du juge aux conclusions des parties.

    111.

    À cet égard, j’estime que les considérations suivantes sont pertinentes.

    112.

    Premièrement, il convient de considérer l’affaire AssiDomän, dont la pertinence a été débattue entre les parties. Dans l’arrêt relatif à cette affaire, laquelle concernait également la légalité d’une décision en matière d’ententes anticoncurrentielles, la Cour a jugé que l’annulation d’une décision prononcée par un arrêt à l’égard d’un requérant n’affecte pas la validité d’une autre décision, identique ou similaire, entachée de la même irrégularité et adressée à un autre destinataire qui ne l’a pas attaquée dans le délai de recours ( 60 ). Pour fonder cette solution, la Cour s’est référée au principe ne ultra petita et aux exigences de sécurité juridique sous-tendant le respect des délais de recours.

    113.

    Certes, la présente affaire comporte certaines différences par rapport à l’affaire AssiDomän. Premièrement, dans l’affaire AssiDomän, l’illégalité entachant la décision de la Commission ne découlait pas, comme en l’espèce, de la violation d’une règle d’ordre public ( 61 ). Deuxièmement, l’affaire AssiDomän concernait une situation dans laquelle des sociétés n’avaient introduit aucun recours contre la décision dont elles étaient destinataires et dont elles demandaient la révision, après l’expiration du délai de recours, en réclamant l’extension en leur faveur de la constatation de l’illégalité effectuée par la Cour dans le cadre d’un recours introduit par un autre destinataire de cette décision. En revanche, dans la présente affaire, BA a bien contesté devant le juge – et cela dans le délai de recours imparti ‐ la légalité de la décision litigieuse, voire, plus précisément, seulement d’une partie de celle-ci.

    114.

    Toutefois, en dépit de ces différences, l’affaire AssiDomän est à mon avis pertinente pour l’appréciation de la présente affaire, en ce que la Cour y a fait un choix clair : dans la mise en balance entre l’exigence de protection de la légalité et celle de sécurité juridique, elle a privilégié la seconde ( 62 ).

    115.

    Or, les enjeux de la présente affaire ont des points de convergence avec ceux de l’affaire AssiDomän. Ici aussi, il existe un antagonisme entre, d’une part, l’exigence de protection de la légalité (qui, dans le cadre de la présente affaire, est liée à l’ordre public) et, d’autre part, l’exigence (elle aussi d’ordre public) de sécurité juridique, connexe à l’acquisition du caractère définitif à l’égard de BA des parties de la décision litigieuse qu’elle n’a pas attaquées dans le délai de recours. Dans la présente affaire, à cette dernière exigence, s’ajoute, toutefois, à la différence de l’affaire AssiDomän, celle de la limitation du pouvoir d’annulation du juge qui découle du principe ne ultra petita, tel que je l’ai caractérisé aux points 82 à 90 des présentes conclusions.

    116.

    Deuxièmement, dans sa jurisprudence, la Cour a identifié une situation dans laquelle les exigences de légalité d’ordre public doivent prévaloir sur celles de sécurité juridique (ainsi que sur celles connexes au principe ne ultra petita).

    117.

    Il s’agit du cas où un acte est entaché d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique de l’Union, de sorte que cet acte doit être qualifié d’inexistant. Dans un tel cas, la Cour a admis que le juge de l’Union est autorisé à constater que cet acte ne produit aucun effet juridique même lorsque cet acte a été attaqué après l’expiration du délai de recours ( 63 ). Même si la Cour n’a pas encore eu l’occasion de le préciser explicitement, il convient de considérer que, dans un cas à ce point exceptionnel, le juge soit habilité à constater l’inexistence de l’acte attaqué, même en allant au-delà des conclusions des parties, par voie d’ exception au principe ne ultra petita.

    118.

    La Cour a toutefois expressément indiqué que la gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de l’Union postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes ( 64 ), dans lesquelles l’acte en cause est affecté de vices particulièrement graves et évidents ( 65 ).

    119.

    C’est donc seulement dans de telles hypothèses extrêmes que, contrairement à l’approche adoptée dans l’affaire AssiDomän, l’exigence de protection de la légalité peut justifier que le juge de l’Union puisse dépasser les limites établies par les règles qui restreignent sa mission de contrôle de la légalité, imposées, notamment, par l’exigence du respect de stabilité des situations juridiques mentionnée aux points 94 à 98 des présentes conclusions, ainsi que par celle de l’équilibre institutionnel indiquée au point 90 de celles-ci.

    120.

    Or, la constatation d’un vice de motivation affectant une décision adressée à un destinataire, même si ce vice constitue une illégalité grave et susceptible d’entacher l’intégralité de l’acte attaqué, ne me semble pas pouvoir relever, en l’absence des conditions pour constater l’inexistence de cet acte ( 66 ), de l’une des hypothèses extrêmes que la Cour a reconnues comme étant susceptibles de justifier un dépassement desdites limites.

    121.

    Certes, l’exigence de légalité que j’ai qualifiée de « renforcée », car ayant trait au caractère d’ordre public de la règle violée, justifie que le juge constate ex officio une telle illégalité. Toutefois, cette exigence ne justifie pas, à mon avis, que le juge puisse s’affranchir des frontières de son pouvoir, telles que délimitées in concreto par la demande de protection juridictionnelle avancée par un requérant et telle que spécifiée dans ses conclusions, en remettant ainsi en jeu le caractère définitif acquis à l’égard de celui-ci par les parties de la décision qui n’ont pas été attaquées.

    122.

    À cet égard, il convient de relever que c’est le destinataire de la décision lui-même qui fait l’objet du recours qui, en spécifiant dans ses demandes la portée de son besoin de protection juridictionnelle, a déterminé in concreto les limites de l’intervention du juge.

    123.

    Dans cette perspective, le fait que le juge ait relevé d’office un moyen d’ordre public ne me paraît pas non plus pouvoir justifier une modification de ces limites en cours d’instance. D’une part, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 95 des présentes conclusions, que le juge ne peut pas disposer des délais de recours. D’autre part, un moyen qui aurait pu être avancé par le requérant lui‑même ne constitue pas un élément nouveau qui pourrait justifier une modification des conclusions ( 67 ). C’est pour ces raisons que la deuxième option, que j’ai mentionnée au point 109 des présentes conclusions, n’emporte pas ma conviction.

    124.

    À cet égard, il convient de relever que, en tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 45 des présentes conclusions et du point 90 de l’arrêt attaqué, une éventuelle modification des conclusions est assujettie à des exigences très strictes de forme auxquelles, ainsi que l’a constaté le Tribunal, BA, en l’espèce, n’a pas satisfait.

    125.

    Il s’ensuit que, à mon avis, le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit en considérant ses pouvoirs limités par les conclusions avancées par BA dans sa requête lorsqu’il a tiré les conséquences du vice de motivation de la décision litigieuse qu’il a constaté.

    126.

    Certes, dans un cas où, comme dans la présente affaire, s’opposent des principes fondamentaux de l’ordre juridique et où il est nécessaire d’en faire prévaloir l’un sur l’autre, aucune solution ne sera complétement satisfaisante. Ainsi, dans l’affaire AssiDomän, l’approche retenue par la Cour a conduit à ce qu’une décision entachée d’illégalité, mais devenue définitive, a continué à produire des effets juridiques. Un résultat analogue se produira dans la présente affaire : la partie de la décision litigieuse qui n’a pas fait objet d’un recours continuera à produire des effets juridiques en dépit de son illégalité. Toutefois, tout comme dans l’affaire AssiDomän, ce résultat ne sera rien d’autre que la conséquence du choix de BA de ne pas attaquer cette partie de la décision litigieuse.

    127.

    Il convient enfin encore d’analyser brièvement les autres arguments invoqués par BA, lesquels ne sauraient remettre en cause la solution que je propose.

    128.

    Tout d’abord, je ne crois pas que l’approche adoptée par le Tribunal ait entraîné une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, il ne fait pas de doute que BA ne se trouvait pas dans la même situation que celle des autres transporteurs ayant attaqué la décision litigieuse et à l’égard desquels le Tribunal a prononcé l’annulation intégrale de cette décision. À la différence de BA, ceux-ci avaient, en effet, tous sollicité dans leurs conclusions l’annulation intégrale de la décision litigieuse.

    129.

    En ce qui concerne, ensuite, les procédures en réparation devant les juridictions nationales, que le Tribunal a mentionnées aux points 39 à 42 de l’arrêt attaqué, je ne crois pas qu’elles puissent de quelque manière justifier que le juge de l’Union puisse statuer ultra petita. En effet, l’éventuel engagement de la responsabilité de droit civil pour les dommages causés par le comportement anticoncurrentiel d’un requérant n’est pas susceptible, en principe, de jouer un rôle dans l’exercice des compétences que le juge de l’Union tire de l’article 263 TFUE.

    130.

    Enfin, l’argument de BA, mentionné au point 77 des présentes conclusions, concernant d’éventuels soucis au regard de la bonne administration de la justice, ne saurait non plus être invoqué pour justifier une exception à la limitation du pouvoir du juge de statuer ultra petita. À cet égard, d’une part, si une partie présente des demandes qui ne sont aucunement étayées par les moyens avancés dans sa requête, ces demandes seront simplement rejetées. D’autre part, c’est la portée de la demande (et donc l’étendue de l’annulation demandée) qui définit le petitum, et cela indépendamment de la question de savoir si les moyens avancés au soutien des conclusions sont ou non fondés. Ainsi, même si les moyens avancés au soutien de la demande d’annulation ne sont pas fondés, le juge pourrait parfaitement annuler l’acte attaqué, dans la limite du petitum, s’il relève d’office un moyen d’ordre public qui comporte l’annulation de l’acte en cause.

    131.

    Il s’ensuit que, à mon avis, le premier moyen de BA doit être rejeté.

    C. Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la Charte

    1. Bref résumé de l’argumentation des parties

    132.

    Par son second moyen, BA fait valoir que, même s’il devait être constaté que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur le principe ne ultra petita, celui-ci, en limitant la portée de l’annulation aux conclusions formulées dans la requête, a, en tout état de cause, violé le principe, hiérarchiquement supérieur, de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la Charte.

    133.

    Selon BA, il ressort de la jurisprudence tant de la Cour européenne des droits de l’homme ( 68 ) que de la Cour de justice ( 69 ) que ledit principe exige un contrôle plein et entier, en droit et en fait, d’une décision de la Commission sanctionnant des comportements contraires aux règles de concurrence. Ce contrôle doit également comprendre le pouvoir d’annuler cette décision.

    134.

    BA observe que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté des incohérences affectant la décision litigieuse et a reconnu que ces incohérences avaient porté atteinte à ses droits de la défense et avaient empêché le juge d’exercer son contrôle. Toutefois, le Tribunal aurait omis de tirer les conséquences nécessaires de ces constatations dans le dispositif de l’arrêt attaqué. Ce faisant, il aurait violé le principe de protection juridictionnelle effective. Ces incohérences poseraient des problèmes particulièrement aigus dans les procédures nationales en réparation afférentes aux constatations figurant dans la décision litigieuse.

    135.

    La Commission soutient que le second moyen de BA n’est pas fondé.

    2. Analyse

    136.

    La Cour a jugé que le contrôle juridictionnel prévu par les traités sur les décisions de la Commission sanctionnant des comportements anticoncurrentiels ‐ contrôle qui consiste en un contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévue à l’article 31 du règlement (CE) no 1/2003 ( 70 ) ‐ n’est pas contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la Charte ( 71 ).

    137.

    Elle a toutefois relevé que ce principe suppose que le juge de l’Union exerce un contrôle, plein et entier, tant de droit que de fait sur la décision de la Commission et qu’il ait le pouvoir, notamment, d’annuler cette décision ( 72 ).

    138.

    Dans le même contexte, la Cour a également relevé que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire et que, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens contre cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens ( 73 ).

    139.

    La Cour a jugé, en outre, que l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. En effet, il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le juge de l’Union, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier ( 74 ).

    140.

    Enfin, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que le droit à une protection juridictionnelle effective n’est nullement affecté par l’application stricte des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure, lesquels répondent à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice ( 75 ). En effet, lesdites raisons de sécurité juridique justifient que le délai de recours constitue une limitation inhérente au droit d’accès au juge ( 76 ).

    141.

    Or, il ressort de la jurisprudence que je viens de rappeler que, si le principe de protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte exige que le juge de l’Union exerce un contrôle plein et entier, tant de droit que de fait, sur les décisions de la Commission sanctionnant un comportement anticoncurrentiel dont la légalité est contestée devant lui, l’effectivité de ce contrôle juridictionnel ne s’oppose pas à ce que son exercice soit encadré par certaines règles de procédure répondant à différentes exigences de principe.

    142.

    Ainsi, d’une part, il ressort du caractère contradictoire de la procédure devant les juridictions de l’Union et de la non-indispensabilité de l’existence d’un contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée pour le respect du droit garanti par l’article 47 de la Charte qu’est compatible avec ce droit un système de contrôle juridictionnel fondé sur le principe dispositif dans lequel il revient aux parties de déterminer l’objet du litige sans que le juge puisse dépasser les limites tracées par celles-ci. Il n’est donc pas contraire au principe de protection juridictionnelle effective que le contrôle plein et entier, qu’il incombe au juge de l’Union d’effectuer et qui implique le pouvoir d’annuler la décision attaquée, soit limité par les demandes des parties telles que formulées dans leurs conclusions.

    143.

    D’autre part, le droit à une protection juridictionnelle effective n’étant pas affecté par l’application stricte des règles en matière de délai de recours, le respect de ce droit n’implique nullement que, pour garantir aux parties l’effectivité de leur protection juridictionnelle, le juge de l’Union soit tenu, par voie d’exception auxdites règles ( 77 ), d’étendre la portée de leurs demandes au-delà de leurs conclusions, en élargissant ainsi la portée de son contrôle au-delà de l’affaire qui lui a été soumise, et cela même dans les cas où ledit juge soulève d’office un moyen d’ordre public et/ou constate une violation des droits de la défense.

    144.

    Il s’ensuit que, en l’espèce, le respect du principe de la protection juridictionnelle effective n’imposait pas au Tribunal d’aller au-delà des conclusions formulées par BA et que, donc, le second moyen de BA doit être rejeté.

    145.

    Dans ces conditions, j’estime que le pourvoi de BA doit être rejeté dans son ensemble.

    V. Sur les dépens

    146.

    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    147.

    Si la Cour fait siennes mes appréciations concernant le pourvoi de BA, celle-ci succombe en son pourvoi. La Commission ayant conclu en ce sens, je propose à la Cour de condamner BA aux dépens du présent pourvoi.

    VI. Conclusion

    148.

    Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

    Le pourvoi est rejeté.

    British Airways plc est condamnée aux dépens.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988.

    ( 3 ) Décision relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 – Fret aérien).

    ( 4 ) La demande d’immunité a été introduite au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

    ( 5 ) Les comportements sanctionnés avaient trait à des contacts anticoncurrentiels concernant une « surtaxe carburant », une « surtaxe sécurité » et le paiement d’une commission sur les surtaxes (voir point 5 de l’arrêt attaqué).

    ( 6 ) Plus spécifiquement, dans son recours devant le Tribunal, BA a sollicité l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle constatait sa participation au refus de paiement des commissions, sa participation à la violation des règles de concurrence entre le 22 janvier 2001 et le 1er octobre 2001, la constatation de cette violation en ce qui concerne Hong Kong, le Japon, l’Inde, la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud et le Brésil ainsi qu’en ce qu’elle lui infligeait une amende.

    ( 7 ) Le même jour du prononcé de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rendu des décisions dans le cadre de recours intentés par les autres transporteurs incriminés qui visaient également à contester la décision litigieuse. Dans chacun de ces arrêts, le Tribunal a annulé intégralement la décision en ce qui concernait la compagnie aérienne ayant introduit le recours en question (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission, T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994).

    ( 8 ) Point 29 de l’arrêt attaqué.

    ( 9 ) Voir points 41 à 70 de l’arrêt attaqué. Plus particulièrement, le Tribunal a relevé que, alors que les motifs de la décision litigieuse décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle tous les transporteurs incriminés auraient participé, le dispositif de ladite décision était susceptible de deux interprétations différentes (voir, plus spécifiquement, point 61 de l’arrêt attaqué).

    ( 10 ) Points 71 à 74 de l’arrêt attaqué.

    ( 11 ) Points 76 à 85 de l’arrêt attaqué.

    ( 12 ) Points 87 et 88 de l’arrêt attaqué.

    ( 13 ) Point 92 et point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

    ( 14 ) L’article 168, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour dispose, notamment, que l’article 122, paragraphe 1, du même règlement est applicable au pourvoi. Aux termes de cette dernière disposition, « [l]a requête est accompagnée, s’il y a lieu, des pièces indiquées à l’article 21, [second] alinéa du statut [de la Cour de justice de l’Union européenne] ». L’article 21, second alinéa, dudit statut prévoit que la requête « doit être accompagné[e], s’il y a lieu, de l’acte dont l’annulation est demandée ».

    ( 15 ) Voir article 112, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour du 19 juin 1991, en vigueur jusqu’au 31 octobre 2012.

    ( 16 ) Article 190, paragraphe 1, et article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

    ( 17 ) Voir points 72 à 75 des présentes conclusions.

    ( 18 ) Ainsi, à titre d’exemple et sans prétendre à l’exhaustivité, il existe, dans certaines langues, à l’instar de la langue française, une correspondance terminologique entre l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et les dispositions pertinentes du règlement de procédure de la Cour. Ainsi, ces dispositions utilisent toutes le même terme, à savoir « Anträgen » en langue allemande, « conclusioni » en langue italienne, « pretensiones » en langue espagnole, « nõue » en langue estonienne et « prasījumi» en langue lettone. Dans d’autres versions linguistiques, toutefois, il n’y a pas une telle correspondance linguistique et le libellé de l’article 56, deuxième alinéa, dudit statut ne contient pas de référence expresse au terme équivalent au terme français « conclusions » utilisé dans le règlement de procédure. Ainsi, pour traduire la notion de « succombance », la version en langue néerlandaise dudit article 56, deuxième alinéa, ne se réfère pas aux « conclusies », celle en langue danoise ne se réfère pas aux « påstande », celle en langue grecque ne se réfère pas aux « αιτήματα», celle en langue suédoise ne se réfère pas aux « yrkanden » et celle en langue portugaise ne se réfère pas aux « pedidos ».

    ( 19 ) Voir en ce sens, inter alia, arrêt du 25 mars 2010, Helmut Müller (C‑451/08, EU:C:2010:168, point 38 et jurisprudence citée).

    ( 20 ) Selon une jurisprudence constante, les conclusions de la requête introductive d’instance doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que le juge de l’Union ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief. Voir, notamment, arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission (C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 31 et jurisprudence citée).

    ( 21 ) Ainsi, il résulte d’une jurisprudence bien établie que, en principe, une partie ne peut, en cours d’instance, modifier l’objet même du litige et que le bien‑fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance. Voir, inter alia, arrêt du 11 novembre 2010, Commission/Portugal (C‑543/08, EU:C:2010:669, point 20 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 18 octobre 1979, GEMA/Commission (125/78, EU:C:1979:237, point 26).

    ( 22 ) À cet égard, voir point 98 des présentes conclusions.

    ( 23 ) Voir arrêts du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission (14/81, EU:C:1982:76, point 8) ; du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission (83/63, EU:C:1965:70 point 2), et du 14 juillet 1988, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission (103/85, EU:C:1988:398, point 11). Le prononcé d’un arrêt de la Cour peut constituer un tel élément nouveau (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, points 15 à 20).

    ( 24 ) La jurisprudence considérait un acte, adopté postérieurement à l’introduction d’un recours et ayant le même objet que l’acte attaqué comme un élément nouveau permettant à la requérante d’adapter ses conclusions et moyens (voir arrêts du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, EU:C:1982:76, point 8, et du 14 juillet 1988, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, 103/85, EU:C:1988:398, point 11).

    ( 25 ) Ainsi, dans l’arrêt du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./CEE (56/74 à 60/74, EU:C:1976:78, points 6 à 9), la Cour a admis la présentation de conclusions ultérieures pour déterminer l’entité du dommage subi.

    ( 26 ) Voir arrêts du 14 décembre 1962, Compagnie des hauts fourneaux de Chasse/Haute Autorité (33/59, EU:C:1962:43, p. 736), ainsi que du 14 décembre 1962, Meroni/Haute Autorité (46/59 et 47/59, EU:C:1962:44, p. 803). Voir, également point 90 de l’arrêt attaqué.

    ( 27 ) Voir, par exemple, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, points 15 à 20).

    ( 28 ) Voir point 40 et note en bas de page 18 des présentes conclusions.

    ( 29 ) Voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa (C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, points 43 à 45).

    ( 30 ) Décisions contenues, respectivement, aux points 87, 88, 90 et 91 de l’arrêt attaqué. À cet égard, il est indiscutable que, dans la mesure où le vice de motivation constaté infirmait la totalité de la décision litigieuse (ce qui est démontré par la circonstance que, au regard des autres compagnies aériennes ayant attaqué la décision litigieuse, le Tribunal a prononcé une annulation totale, fondée sur le même vice de motivation constaté pour BA), si le Tribunal ne s’était pas considéré comme limité par le principe ne ultra petita et n’avait pas rejeté la demande de modification des conclusions de BA, il aurait annulé la décision dans sa totalité, ce qui aurait affecté le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

    ( 31 ) Voir arrêts du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, point 44), ainsi que du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa (C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 49 et jurisprudence citée).

    ( 32 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 1978, Bosch (135/77, EU:C:1978:75, point 4), ainsi que du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission (97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27).

    ( 33 ) Arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707, points 97 et 98).

    ( 34 ) Telles qu’une nouvelle demande en dommages et intérêts (voir, par exemple, arrêt du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, EU:C:1993:104, points 34 à 36), ou une demande en annulation visant des actes différents de l’acte attaqué (voir, par exemple, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑273/99 P, EU:C:2001:126, points 18 à 20).

    ( 35 ) Voir note en bas de page 30 des présentes conclusions.

    ( 36 ) Arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:407).

    ( 37 ) Voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2015:482, point 35).

    ( 38 ) Voir, ex multis, arrêt du 19 janvier 2006, Comunità montana della Valnerina/Commission (C‑240/03 P, EU:C:2006:44, point 43 et jurisprudence citée).

    ( 39 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555, point 146) ainsi que conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:207, points 58 et 59). Le principe dispositif trouve son expression dans différentes règles régissant la procédure devant les juridictions de l’Union, et notamment à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, aux termes desquels les juridictions de l’Union sont saisies d’une requête qui doit indiquer, inter alia, l’objet du litige, les conclusions et un exposé sommaire des moyens invoqués.

    ( 40 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Vedial/OHMI (C‑106/03 P, EU:C:2004:457, point 28). Voir, également, arrêt du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen (C‑430/93 et C‑431/93, EU:C:1995:441, points 20 et 21). Il a également été relevé que le principe dispositif vise aussi à protéger les droits de la défense et à assurer le bon déroulement de la procédure, notamment en la préservant des retards inhérents à l’appréciation des moyens nouveaux (voir, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Duarte Hueros, C-32/12, EU:C:2013:128, point 32 et jurisprudence citée).

    ( 41 ) Il a déjà été observé que le principe dispositif et la règle ne ultra petita sont susceptibles d’avoir une portée différente dans les procédures de droit civil et dans celles de droit public. Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2015:482, point 36).

    ( 42 ) Le juge de l’Union peut contrôler la légalité d’un acte de l’Union également dans le cadre d’un renvoi préjudiciel en validité ou d’une exception d’illégalité. Ces procédures ne constituent aucunement des procédures que ce juge peut engager d’office.

    ( 43 ) De manière cohérente avec cette approche, la jurisprudence reconnaît que les actes de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés à la suite de l’accueil d’un recours en annulation ou retirés ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité. Voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 52 et jurisprudence citée).

    ( 44 ) Voir article 13, paragraphe 2, TUE. Voir, également, arrêt du 28 juillet 2016, Conseil/Commission (C‑660/13, EU:C:2016:616, point 32 et jurisprudence citée).

    ( 45 ) Voir arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a. (C‑272/12 P, EU:C:2013:812, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 46 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Salzgitter/Commission (C‑210/98 P, EU:C:2000:172, point 150).

    ( 47 ) Arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 57 et jurisprudence citée).

    ( 48 ) Voir, ex multis, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 50 et jurisprudence citée).

    ( 49 ) Arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 61).

    ( 50 ) L’annulation partielle des parties d’un acte qui sont indissociables du reste de l’acte est impossible et donc une demande en ce sens est irrecevable. Voir arrêt du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil (C-244/03, EU:C:2005:299, points 20 et 21).

    ( 51 ) Ces principes ne sauraient toutefois remettre en cause la recevabilité, en l’espèce, des conclusions de BA en cas d’accueil du pourvoi qui correspondent à la demande de modification de conclusions rejetée explicitement par le Tribunal dans l’arrêt attaqué et qui constituent la conséquence juridique nécessaire d’un éventuel accueil de son pourvoi (voir points 66 à 70 des présentes conclusions).

    ( 52 ) Tels le cas fortuit ou la force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Voir à cet égard, ex multis, ordonnance du 12 juillet 2016, Vichy Catalán/EUIPO (C‑399/15 P, non publiée, EU:C:2016:546, point 23 et jurisprudence citée).

    ( 53 ) Ainsi, aux termes de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le juge de l’Union peut relever d’office son incompétence manifeste ou le caractère manifestement irrecevable d’un recours (voir également article 181 de ce règlement). Aux termes de l’article 150 du même règlement, ledit juge peut relever d’office les fins de non-recevoir d’ordre public.

    ( 54 ) Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, le juge de l’Union peut relever d’office, l’incompétence de l’auteur de l’acte (voir arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56), la violation d’une forme substantielle, c’est‑à‑dire les irrégularités qui affectent la forme de l’acte ou la procédure suivie, et qui portent atteinte aux droits des tiers ou des personnes visées par cet acte ou qui sont susceptibles d’avoir une influence sur le contenu dudit acte telles que le défaut d’authentification régulière (arrêt du 6 avril 2000, Commission/Solvay, C‑287/95 P et C‑288/95 P, EU:C:2000:189, point 55,) le défaut de notification (arrêt du 8 juillet 1999, Hoechst/Commission, C‑227/92 P, EU:C:1999:360, point 72), ainsi que le défaut de motivation de l’acte (voir, ex multis, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, points 34 et 35).

    ( 55 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:298, point 64). À cet égard, il convient toutefois d’observer que, dans ses conclusions, l’avocat général Bot avait précisé, quelques paragraphes auparavant, que, le litige étant déterminé et circonscrit par les parties, le juge de l’Union « ne peut pas excéder les demandes qui lui sont présentées dans leurs conclusions » (point 59).

    ( 56 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:3, points 67 et suiv. ainsi que jurisprudence citée).

    ( 57 ) Voir points 141 et 142.

    ( 58 ) Ainsi, dans un arrêt en matière de fonction publique, la Cour, en se prononçant sur la recevabilité d’un recours en annulation partielle, a jugé que, « [...] en annulant l’acte en son entier, la Cour statuerait ultra petita alors que le moyen dirigé contre la décision attaquée ne concerne pas l’ordre public » (arrêt du 28 juin 1972, Jamet/Commission, 37/71, EU:C:1972:57, point 12) ; en se fondant sur cet arrêt, l’avocat général Tesauro dans ses conclusions dans l’affaire TWD/Commission (C‑355/95 P, EU:C:1996:483, point 24) a considéré que, si la Cour, dans cette affaire, avait relevé d’office un moyen d’ordre public tiré du défaut de motivation des décisions litigieuses, elle aurait pu les annuler même en allant au-delà de la demande d’annulation partielle introduite par la requérante.

    ( 59 ) Arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, points 50 à 62).

    ( 60 ) Voir, notamment, points 52 à 62 de l’arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:407).

    ( 61 ) En effet, l’annulation de la décision de la Commission en cause dans l’affaire AssiDomän se fondait sur plusieurs violations des droits de la défense, ainsi que sur un défaut de preuve de certains comportements anticoncurrentiels (voir arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, points 52, 127, 138, 147, 154 et 167). Sur l’absence de caractère d’ordre public du respect des droits de la défense, voir mes conclusions dans l’affaire Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:3, points 60 et suiv., et spécifiquement point 93).

    ( 62 ) Ou, pour reprendre l’expression « colorée » utilisée par l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans ses conclusions du 28 janvier 1999, dans l’affaire Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:36), la Cour a préféré l’« injustice » au « désordre » (point 1).

    ( 63 ) Voir, à cet égard, arrêts du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’Abruzzo/Commission (15/85, EU:C:1987:111, point 10), ainsi que du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247 ; point 49). Pour une application in concreto de ces principes, voir arrêt du 10 décembre 1969, Commission/France (6/69 et 11/69, non publié, EU:C:1969:68, points 11 à 13), dans lequel la Cour a analysé l’éventuelle inexistence de l’acte attaqué même en dehors du délai de recours.

    ( 64 ) Arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 50).

    ( 65 ) Voir, ex multis, arrêt du 11 octobre 2016, Commission/Italie (C‑601/14, EU:C:2016:759, point 33 et jurisprudence citée).

    ( 66 ) Plus en particulier, en l’espèce, la condition de l’évidence fait défaut, ce qui est prouvé par la circonstance que BA n’a pas identifié ce vice et ne l’a pas soulevé dans son recours devant le Tribunal. La situation serait différente si l’acte était totalement dépourvu de motivation ; voir, à cet égard, arrêt du 10 décembre 1957, Société des usines à tubes de la Sarre/Haute autorité (1/57 et 14/57, EU:C:1957:13, p. 220).

    ( 67 ) Voir point 45 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

    ( 68 ) Cour EDH, 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics Srl c. Italie, no 43509/08.

    ( 69 ) Arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815), ainsi que du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, EU:C:2011:816).

    ( 70 ) Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

    ( 71 ) Arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 67), ainsi que du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 63).

    ( 72 ) Arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 67), ainsi que du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, EU:C:2011:816, points 133 et 136).

    ( 73 ) Arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64), ainsi que du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 131). Voir, également, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 61).

    ( 74 ) Arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 66).

    ( 75 ) Ordonnance du 22 octobre 2010, Seacid/Parlement et Conseil (C-266/10 P, EU:C:2010:629, point 30 et jurisprudence citée).

    ( 76 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 12 septembre 2013, Ellinika Nafpigeia et 2. Hoern/Commission (C‑616/12, non publiée, EU:C:2013:884, point 31).

    ( 77 ) Voir points 43 et 98 des présentes conclusions.

    Top