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Document 62015CC0664

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 12 octobre 2017.
Protect Natur-, Arten- und Landschaftsschutz Umweltorganisation contre Bezirkshauptmannschaft Gmünd.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2000/60/CE – Politique de l’Union européenne dans le domaine de l’eau – Article 4, paragraphe 1, et article 14, paragraphe 1 – Obligations de prévenir la détérioration de l’état des masses d’eau et d’encourager la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la directive – Convention d’Aarhus – Participation du public au processus décisionnel et accès à la justice en matière d’environnement – Article 6 et article 9, paragraphes 3 et 4 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à une protection juridictionnelle effective – Projet susceptible d’avoir des incidences sur l’état des eaux – Procédure administrative d’autorisation – Organisation de défense de l’environnement – Demande tendant à obtenir la qualité de partie à la procédure administrative – Possibilité d’invoquer des droits tirés de la directive 2000/60/CE – Forclusion de la qualité de partie à la procédure et du droit de recours en cas d’absence d’invocation desdits droits en temps utile au cours de la procédure administrative.
Affaire C-664/15.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:760

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 12 octobre 2017 ( 1 )

Affaire C‑664/15

Protect Natur-, Arten- und Landschaftsschutz Umweltorganisation

contre

Bezirkshauptmannschaft Gmünd

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche)]

«Renvoi préjudiciel – Environnement – Convention d’Aarhus – Accès à la justice – Qualité pour agir d’organisations non gouvernementales de défense de l’environnement – Droit de ces organisations non gouvernementales de former un recours juridictionnel contre une décision des autorités compétentes – Qualité de ces organisations non gouvernementales en tant que parties à une procédure administrative – Perte de la qualité de partie à une procédure administrative lorsque l’organisation concernée omet de soumettre des objections en temps utile au cours de cette procédure »

1. 

Aux termes du présent renvoi préjudiciel, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) souhaite obtenir des éclaircissements quant à la qualité pour agir d’une organisation de défense de l’environnement sollicitant un accès à la justice conformément à la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci-après la « convention d’Aarhus ») ( 2 ). Les questions en cause sont apparues dans le contexte d’une demande d’autorisation portant sur le captage d’eau d’une rivière en vue de produire de la neige pour une station de ski (ci-après « la procédure d’autorisation ») ( 3 ). Les problématiques environnementales corrélées à cette procédure particulière entrent dans le champ d’application de la directive 2000/60/CE (ci-après la « directive-cadre sur l’eau ») ( 4 ).

2. 

La délicate question de la qualité pour agir des organisations de défense de l’environnement dans le cadre de procédures d’autorisation en matière d’environnement a donné lieu à une jurisprudence abondante dont, en dernier lieu, l’affaire Lesoochranárske zoskupenie VLK ( 5 ).

3. 

En l’espèce, la Cour devra traiter des problématiques suivantes. La directive-cadre sur l’eau, lue conjointement avec la convention d’Aarhus, confère‑t-elle à une organisation de défense de l’environnement la qualité pour agir aux fins de contester des décisions administratives dans le cadre de procédures administratives ou judiciaires, notamment lorsqu’une autorisation est demandée pour le captage d’eau à des fins de production de neige ? L’organisation en cause doit‑elle se voir reconnaître la qualité de partie dès la phase administrative de la procédure ou suffit-il qu’elle ait qualité pour former un recours contre l’autorisation délivrée par les autorités compétentes ? Les règles de droit procédural national peuvent-elles empêcher une organisation de défense de l’environnement de contester une décision administrative par voie de recours, lorsque ladite organisation n’a pas soumis ses objections quant à l’autorisation en cause « en temps utile », au cours de la procédure administrative, ainsi que le prévoit le droit national ?

La convention d’Aarhus

4.

Les objectifs de la convention d’Aarhus incluent les éléments suivants : l’affirmation de la nécessité de protéger, de préserver et d’améliorer l’état de l’environnement ( 6 ) ; la reconnaissance de ce que chacun a le devoir, tant individuellement qu’en association avec d’autres, de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt des générations présentes et futures ( 7 ) ; la prise en compte du rôle important que les organisations non gouvernementales peuvent notamment jouer dans le domaine de la protection de l’environnement ( 8 ) ; ainsi que la garantie que le public, y compris les organisations, ait accès à des mécanismes judiciaires efficaces afin que leurs intérêts légitimes soient protégés et la loi respectée ( 9 ).

5.

L’article 1er prévoit qu'« [a]fin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque [p]artie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente [c]onvention ». À ce titre, la convention d’Aarhus peut trouver à s’appliquer dès qu’une législation en matière d’environnement entre en jeu.

6.

Conformément à l’article 2, paragraphe 4, le terme « public » désigne « une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ». En vertu de l’article 2, paragraphe 5, « les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt » à faire valoir à l’égard du processus décisionnel en matière d’environnement ; à ce titre, ces organisations entrent dans le champ d’application de la notion de « public concerné », au sens de cette disposition.

7.

L’article 6 est intitulé « Participation du public aux décisions relatives à des activités particulières ». L’article 6, paragraphe 1, sous a), dispose que les dispositions relatives à la participation du public s’appliquent lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I ( 10 ). L’article 6, paragraphe 1, sous b), prévoit que ces dispositions doivent également être appliquées, conformément au droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. C’est à l’État concerné qu’il appartient de déterminer si l’activité proposée tombe sous le coup de l’article 6. L’article 6, paragraphes 2 à 10, de la convention d’Aarhus confère notamment au public le droit de participer au début de la procédure de prise de décision en matière d’environnement et de soumettre toutes observations, informations, analyses ou opinions qu’il estime pertinentes au regard de l’activité proposée.

8.

L’article 9, paragraphe 2, dispose :

« Chaque partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

a)

ayant un intérêt suffisant pour agir

ou, sinon,

b)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une [p]artie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 […], des autres dispositions pertinentes de la [convention d’Aarhus].

Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la [convention d’Aarhus]. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens du [point a) susmentionné]. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens du [point b)] ci‑dessus.

[…] »

9.

L’article 9, paragraphe 3, dispose :

« En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 [de la convention d’Aarhus], chaque [p]artie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. »

10.

L’article 9, paragraphe 4, ajoute :

« [S]ans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 [de la convention d’Aarhus] doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public. »

Le droit de l’Union

La directive « habitats »

11.

La directive 92/43/CEE (ci-après la « directive “habitats” ») ( 11 ) a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire de l’Union ( 12 ). En vertu de cette directive, un réseau européen cohérent de zones spéciales de conservation est constitué afin d’assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle ( 13 ). Dans les zones spéciales de conservation, les États membres doivent éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site, mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ( 14 ).

La directive-cadre sur l’eau

12.

Les considérants de la directive-cadre sur l’eau comprennent les affirmations suivantes. L’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel ( 15 ). Comme le prévoient les traités, la politique environnementale de l’Union contribue à la poursuite des objectifs que constituent la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ; elle doit être fondée sur les principes de précaution et d’action préventive ( 16 ). Le succès de la directive-cadre sur l’eau nécessite une collaboration étroite et une action cohérente de l’Union, des États membres et des autorités locales, et requiert également l’information, la consultation et la participation du public, y compris des utilisateurs ( 17 ). La directive-cadre sur l’eau vise au maintien et à l’amélioration de l’environnement aquatique de l’Union ( 18 ). Afin de permettre la participation du public en général, notamment les utilisateurs d’eau, à l’établissement et à l’actualisation des plans de gestion des bassins hydrographiques, il est nécessaire de mettre à leur disposition des informations appropriées sur les mesures envisagées et de faire rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces mesures, afin qu’ils puissent intervenir avant l’adoption des décisions finales concernant les mesures nécessaires ( 19 ).

13.

Conformément à l’article 1er de la directive-cadre sur l’eau, celle‑ci a pour objet d’établir un cadre pour la protection, notamment, des eaux intérieures de surface, en ce compris a) en prévenant toute dégradation supplémentaire, en préservant et en améliorant l’état des écosystèmes aquatiques ainsi que, en ce qui concerne leurs besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent directement ; b) en promouvant une utilisation durable de l’eau, fondée sur la protection à long terme des ressources en eau disponibles, et c) en visant à renforcer la protection de l’environnement aquatique ainsi qu’à l’améliorer.

14.

Aux termes des définitions énoncées à l’article 2 de la directive-cadre sur l’eau, la notion d’« eaux de surface » vise les eaux intérieures, à l’exception des eaux souterraines, les eaux de transition et les eaux côtières, sauf en ce qui concerne leur état chimique, pour lequel les eaux territoriales sont également incluses ; la notion d’« eaux intérieures » vise toutes les eaux stagnantes et les eaux courantes à la surface du sol et toutes les eaux souterraines en amont de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales ( 20 ). Conformément à l’article 3, paragraphe 1, les États membres doivent recenser les bassins hydrographiques qui se trouvent sur leur territoire national et les rattacher à des districts hydrographiques.

15.

L’article 4, paragraphe 1, de la directive (intitulé « Objectifs environnementaux ») établit certains objectifs environnementaux rendant opérationnels les programmes de mesures prévus dans le plan de gestion du district hydrographique. En particulier, « les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses » d’eau de surface. Les États membres « protègent, améliorent et restaurent » toutes les masses d’eau de surface.

16.

Conformément à l’article 11, paragraphe 1, chaque État membre veille à ce que soit élaboré, pour chaque district hydrographique ou pour la partie du district hydrographique international située sur son territoire, un programme de mesures telles que définies aux paragraphes 2 à 4 de ce même article. En particulier, de telles mesures devraient inclure « des mesures de contrôle des captages d’eau douce dans les eaux de surface […], notamment […] l’institution d’une autorisation préalable pour le captage » ( 21 ). Conformément à l’article 13, paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un plan de gestion de district hydrographique soit élaboré pour chaque district hydrographique entièrement situé sur leur territoire. En vertu de l’article 14, paragraphe 1, les États membres encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau, notamment à la production, à la révision et à la mise à jour des plans de gestion de district hydrographique. Les États membres veillent à ce que, pour chaque district hydrographique, les documents pertinents soient publiés et soumis aux observations du public, y compris des utilisateurs.

17.

Le point 1.1 de l’annexe V de la directive-cadre sur l’eau énumère divers éléments de qualité déterminant la classification de l’état écologique des eaux de surface. Le point 1.2 comprend des définitions normatives des classifications de l’état écologique : « très bon » ou « maximal », « bon » et « moyen ».

La directive EIE

18.

La directive 2011/92/UE (ci-après la « directive EIE ») ( 22 ) prévoit qu’avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, sont soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences directes et indirectes ( 23 ) sur l’environnement et, notamment, sur la faune, la flore et l’eau (ci‑après l’« évaluation des incidences ») ( 24 ). Le public a le droit de participer aux procédures impliquant une telle évaluation des incidences et peut contester la légalité de leurs résultats, que l’évaluation soit séparée ou intégrée aux procédures d’autorisation de projets ( 25 ). Les projets considérés a priori comme ayant une incidence notable sur l’environnement sont énumérés à l’annexe I de la directive EIE. Ces projets sont soumis à une évaluation des incidences obligatoire. L’annexe II énumère les projets qui doivent faire l’objet d’une « détermination » par l’État membre concerné, sur la base d’une évaluation au cas par cas, de seuils ou de critères fixés par cet État membre, aux fins de savoir si les projets en cause doivent être soumis à une évaluation des incidences ( 26 ). La directive EIE ne requiert pas d’évaluation des incidences pour les projets qui ne sont repris dans aucune de ses annexes.

Le droit autrichien

L’Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz

19.

L’Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz (loi générale sur la procédure administrative, ci-après l’« AVG »), en ses articles 41 et 42, dispose :

« Article 41. (1)   Il convient, lors de la fixation d’une séance de débats oraux, d’en informer personnellement toutes les parties connues. Si d’autres personnes entrent encore en ligne de compte en tant que parties, il convient en outre d’annoncer la séance de débats oraux par affichage au tableau officiel de la commune, par publication au journal dans lequel paraissent les communications officielles de l’administration concernée, ou au bulletin officiel électronique de cette administration.

(2)   […] L’information (annonce) relative à la fixation de la séance de débats oraux doit contenir les mentions prévues pour les convocations, y compris la mention des conséquences susceptibles de survenir en application de l’article 42 de la présente loi. […]

Article 42. (1)   Dès lors qu’une séance de débats oraux a été annoncée conformément à l’article 41, paragraphe 1, seconde phrase, de la présente loi et sous la forme particulière éventuellement prévue dans les dispositions administratives applicables, toute personne qui n’a pas formulé d’objections au plus tard le jour précédant le début des débats oraux auprès de l’administration concernée pendant les heures d’ouverture des bureaux, ou au cours de la séance de débats oraux, est déchue de sa qualité de partie. En cas de silence des dispositions administratives applicables en ce qui concerne la forme que doit revêtir cette annonce, la conséquence juridique décrite à la première phrase ci‑dessus est applicable si l’audience a été annoncée conformément à l’article 41, paragraphe 1, seconde phrase, de la présente loi, et sous une forme appropriée […]. »

La Wasserrechtsgesetz

20.

Aux fins de transposer la directive-cadre sur l’eau, ainsi que l’interdiction de détérioration visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, la Wasserrechtsgesetz-Novelle 2003 [loi de 2003 portant modification de la Wasserrechtsgesetz 1959 (loi de 1959 relative au droit de l’eau, ci-après la « WRG »)] a reformulé plusieurs dispositions de la WRG et y a introduit certaines nouvelles dispositions. Les dispositions matérielles régissant la procédure d’autorisation (en vertu de la réglementation relative à l’eau) sont énoncées à l’article 12, paragraphe 2, à l’article 15, paragraphe 1, à l’article 21, paragraphe 3, aux articles 32 et 38 de la WRG. Dans le cadre de la procédure administrative d’obtention d’une autorisation de captage d’eau, conformément à la législation nationale relative à l’eau, la qualité d’une personne en tant que partie à cette procédure est déterminée en vertu de l’article 102, paragraphe 1, sous a) et b), de la WRG ( 27 ). Les organisations de défense de l’environnement qui ne peuvent se prévaloir d’aucun droit subjectif public ne revêtent pas la qualité de parties à la procédure. En vertu de l’article 102, paragraphe 3, de la WRG, seules les parties à la procédure sont autorisées à soumettre des objections au cours de ladite procédure. L’article 145b, paragraphe 3, indique que la WRG vise à transposer les dispositions de la directive-cadre sur l’eau.

La Bundes-Verfassungsgesetz

21.

L’article 132, paragraphe 1, de la Bundes-Verfassungsgesetz (loi constitutionnelle fédérale) prévoit que toute personne qui prétend être lésée dans ses droits peut introduire un recours contre la décision prise par l’autorité administrative concernée. La juridiction de renvoi précise que seules les personnes physiques ou morales auxquelles la qualité de partie à une procédure administrative antérieure a été conférée ou reconnue peuvent invoquer une telle atteinte à leurs droits en formant un recours devant une juridiction.

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

22.

Aichelberglift Karlstein GmbH (ci-après « Aichelberglift ») a obtenu une autorisation de captage d’eau dans une rivière proche (l’Einsiedelbach) pour une installation de production de neige au sein d’une station de ski en Autriche. Initialement, la demande formée par Aichelberglift a été examinée selon une procédure fondée sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». L’autorité autrichienne compétente a décidé qu’eu égard à la faible incidence du projet en cause sur l’environnement, il n’existait pas de raison d’opposer un refus à la demande (« nihil obstat ») ( 28 ).

23.

Par la suite, la demande d’autorisation formée par Aichelberglift a été examinée dans le cadre d’une procédure administrative distincte, conformément à la WRG ( 29 ). Protect Natur-, Arten- und Landschaftsschutz Umweltorganisation (ci‑après « Protect »), une organisation de défense de l’environnement, a demandé à être admise en qualité de partie à la procédure, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », ainsi que de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

24.

Dans le cadre de cette procédure, en vertu des articles 41 et 42 de l’AVG, une séance de débats oraux a eu lieu, sous la houlette de la Bezirkshauptmannschaft Gmünd (autorité administrative du district de Gmünd, Autriche). Protect a soumis ses objections quant au projet ; ces dernières ont été rejetées au motif que Protect n’avait pas invoqué de violation de droits prévus par la WRG et que Protect ne pouvait dès lors être partie à la procédure, en vertu du droit autrichien. L’autorité administrative du district de Gmünd a fait droit à la demande d’autorisation formée par Aichelberglift en date du 4 novembre 2013.

25.

C’est sans succès que Protect a contesté cette décision devant le Landesverwaltungsgericht Niederösterreich (tribunal administratif régional de Basse-Autriche, Autriche) ; cette juridiction a estimé que Protect ne jouissait pas de la qualité de partie à la procédure, car elle n’avait pas soumis ses objections (relatives à la demande) en temps utile, à savoir au plus tard le jour précédant le début des débats oraux ou au cours de la séance de débats oraux ( 30 ). Par conséquent, Protect avait perdu la qualité de partie à la procédure conformément à l’article 42 de l’AVG.

26.

Protect a engagé une procédure visant à contester cette décision devant la juridiction de renvoi. Protect a affirmé, en substance, que conformément à l’article 2, paragraphes 4 et 5, ainsi qu’à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, elle avait la qualité de partie à la procédure administrative afférente à la WRG et qu’elle avait un intérêt juridique à s’assurer du respect des dispositions de droit de l’Union relatives à l’environnement.

27.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi formule les questions suivantes :

« 1)

L’article 4 de la [directive-cadre sur l’eau], ou cette directive en tant que telle confèrent-ils à une organisation de défense de l’environnement, dans une procédure qui n’est pas soumise à une évaluation des incidences sur l’environnement en application de la [directive EIE], des droits pour la protection desquels elle peut, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la [convention d’Aarhus], engager des procédures administratives ou judiciaires ?

Si une réponse affirmative est donnée à la question 1 :

2)

Résulte-t-il des stipulations de la convention d’Aarhus que ces droits doivent pouvoir être invoqués dès la procédure devant l’autorité administrative, ou la possibilité de l’octroi d’une protection juridictionnelle contre la décision de l’autorité administrative est-elle suffisante ?

3)

Est-il licite que le droit procédural national (article 42 de l’AVG) exige que l’organisation de défense de l’environnement – ainsi, d’ailleurs, que d’autres parties à la procédure – fasse valoir ses objections en temps utile dès la procédure devant les autorités administratives et non au stade, seulement, d’un recours devant la juridiction administrative, faute de quoi celle-ci perd sa qualité de partie ainsi que la possibilité de former un recours auprès de la juridiction administrative ? »

28.

Les mêmes questions ont été soulevées dans l’affaire C‑663/15 (Umweltverband WWF Österreich) ; cette affaire faisait l’objet d’un renvoi préjudiciel devant la Cour par la même juridiction de renvoi. En vertu d’une ordonnance du président de la Cour du 20 janvier 2016, les affaires C‑663/15 et C‑664/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale, ainsi qu’aux fins de l’arrêt. Umweltverband WWF Österreich, Protect, Ötztaler Wasserkraft GmbH (l’autre partie, dans l’affaire C‑663/15), la République d’Autriche, le Royaume des Pays-Bas et la Commission européenne ont déposé des observations écrites dans ces deux affaires. Chacune de ces parties a plaidé lors de l’audience jointe du 15 mars 2017.

29.

Par un arrêt du 27 avril 2017, la juridiction de renvoi a annulé la décision du Landesverwaltungsgericht Tirol (tribunal administratif régional du Tyrol, Autriche), rendue le 8 janvier 2015 dans l’affaire C‑663/15 (Umweltverband WWF Österreich). En vertu d’une ordonnance du 30 mai 2017, la juridiction de renvoi a déclaré que la procédure engagée par Umweltverband WWF Österreich dans cette affaire était devenue sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer à cet égard. Par ordonnance du 28 juin 2017, la juridiction de renvoi a décidé de retirer la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑663/15. Cette ordonnance a été notifiée à la Cour le 10 juillet 2017. Les affaires C‑663/15 et C‑664/15 ont été disjointes en vertu d’une ordonnance du président de la deuxième chambre de la Cour du 11 juillet 2017 ; l’affaire C‑663/15 a été dûment radiée du registre de la Cour par ordonnance du 14 juillet 2017 (non publiée, EU:C:201:623).

30.

Il est franchement regrettable que la Cour n’ait pas été informée plus tôt de ce que l’affaire C‑663/15 allait faire l’objet d’une radiation. L’on a consacré du temps et des efforts à travailler méticuleusement sur cette affaire entre le 27 avril et le 10 juillet 2017 ; ce temps et ces efforts auraient pu être exploités à meilleur escient, afin de traiter d’autres affaires « actives ». L’esprit de coopération qui sous-tend la procédure préjudicielle visée à l’article 267 TFUE exige de la Cour que celle‑ci traite les affaires qui sont soumises à son appréciation avec diligence et efficacité ; de même, cet esprit de coopération implique qu’il incombe à la juridiction de renvoi de tenir la Cour informée de toute modification substantielle de circonstances susceptibles d’avoir une incidence sur le maintien d’une demande de décision préjudicielle devant la Cour.

Observations liminaires

31.

La juridiction de renvoi indique que le projet en cause dans la procédure au principal porte sur le prélèvement d’eau d’une rivière locale. Pour ce motif, tel que je le comprends, ce projet implique le captage d’eau douce dans les eaux de surface au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de la directive-cadre sur l’eau. Il s’ensuit que ce projet suppose l’obtention préalable d’une autorisation délivrée en vertu des mesures de droit autrichien transposant cette disposition et qu’il est soumis à l’interdiction de détérioration de l’état des eaux de surface visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive-cadre sur l’eau.

32.

De plus, il n’est pas contesté que Protect remplit les conditions d’appartenance au « public concerné » au sens de l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus et qu’elle s’inscrit également dans le cadre de la notion plus large de « public » aux fins de son article 6.

La Cour est-elle compétente aux fins de répondre aux questions qui lui sont soumises ?

33.

Dans ses observations écrites, la Commission a fait valoir que la Cour était compétente aux fins de répondre aux questions préjudicielles en cause. Je marque mon accord à cet égard et je n’aborderai cette question que brièvement.

34.

La convention d’Aarhus est un accord mixte, conclu par l’Union sur la base d’une compétence qu’elle partage avec les États membres. Les dispositions de cette convention font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 31 ). La Cour a déjà confirmé qu’elle était compétente aux fins d’interpréter différentes dispositions de la convention d’Aarhus ( 32 ) et elle a prononcé, à cet égard, un nombre considérable d’arrêts dans le cadre de procédures préjudicielles et de recours en manquement ( 33 ).

35.

Plus particulièrement, dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie I, la Cour a estimé que, dans le contexte de l’article 12, paragraphe 1, de la directive « habitats », le domaine juridique concerné était « largement couvert » par le droit de l’Union et, pour ce motif, elle a jugé qu’elle était compétente aux fins d’interpréter l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ( 34 ).

36.

En l’espèce, Protect affirme que son droit de participer à la procédure relative à une demande d’autorisation de captage d’eau, ainsi que de former un recours juridictionnel, découle de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, lu conjointement avec l’article 9 de la convention d’Aarhus. Le captage des eaux de surface et des eaux souterraines est soumis à une procédure d’autorisation dans les États membres [article 11, paragraphe 3, sous e), de la directive-cadre sur l’eau)] ; l’octroi de cette autorisation est subordonné notamment au respect de l’interdiction de détérioration de l’état des masses d’eau (article 4, paragraphe 1) ; des dérogations à cette interdiction ne peuvent être conférées que dans le respect des conditions strictes visées à son article 4, paragraphe 7.

37.

Il s’ensuit, par application pure et simple des règles établies dans l’arrêt Lesoochranárske zoskupenie I, que la Cour est compétente aux fins de statuer sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, lu conjointement avec l’article 4 de la directive‑cadre sur l’eau.

Quelles sont les dispositions pertinentes de la convention d’Aarhus ?

38.

La logique qui sous-tend le système de la convention d’Aarhus repose sur l’intensité de l’implication du public et l’étendue des droits du public dans le cadre des procédures administratives, qui sont proportionnelles à l’effet probable sur l’environnement des projets en cause.

39.

Les projets pouvant avoir un effet important sur l’environnement sont donc soumis à l’article 6, paragraphe 1 ( 35 ) et, par conséquent, à l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus. En vertu de ces deux dispositions, les organisations de défense de l’environnement ont le droit de participer aux procédures administratives afférentes à de tels projets et, subséquemment, le droit de former un recours juridictionnel contre toute décision prise à cet égard.

40.

Lorsqu’il est peu probable qu’un projet puisse avoir un effet important sur l’environnement, l’article 6 et, en conséquence, l’article 9, paragraphe 2, ne s’appliquent pas. De telles procédures sont uniquement soumises à l’article 9, paragraphe 3, qui s’applique « [e]n outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 [de l’article 9] ». Pour les membres du public, l’article 9, paragraphe 3, constitue donc une disposition subsidiaire que l’on ne peut invoquer aux fins d’obtenir un accès à un recours juridictionnel que lorsque l’article 9, paragraphes 1 et 2, ne peut être invoqué ( 36 ).

41.

L’article 9, paragraphe 3, permet au public d’« engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement ». À ce titre, cette disposition inclut la possibilité d’engager une procédure aux fins de contester la légalité d’une décision (un acte d’une autorité publique) adoptée à l’issue d’une procédure administrative dont le requérant estime qu’elle peut aller à l’encontre de l’article 4 de la directive‑cadre sur l’eau. La question de savoir si la procédure dans le cadre de laquelle l’acte de l’autorité publique est contesté est elle-même de nature administrative ou judiciaire dépendra du droit national ; en l’espèce, il ressort qu’en Autriche, s’agissant des décisions prises en vertu de la WRG, il s’agit d’une procédure judiciaire.

42.

Contrairement à l’article 6 de la convention d’Aarhus, l’article 9, paragraphe 3, ne prévoit pas de droit de participation à la procédure administrative donnant lieu à la décision. Contrairement à l’article 9, paragraphe 2, l’article 9, paragraphe 3, ne traite pas expressément de la qualité pour agir des organisations de défense de l’environnement. À mon sens, une explication plausible de ce dernier élément serait la suivante : ayant dûment expliqué (à l’article 9, paragraphe 2) que pour les besoins du contrôle juridictionnel, les organisations de défense de l’environnement répondant aux conditions de l’article 2, paragraphe 5, étaient réputées satisfaire à l’exigence procédurale relative à un « intérêt suffisant pour agir » ou à l’« atteinte à un droit » (selon le critère relatif à la qualité pour agir retenu par la partie contractante concernée), l’auteur de la convention d’Aarhus a estimé qu’il avait déjà donné suffisamment d’indications quant à cet élément particulier.

43.

La juridiction de renvoi identifie l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus comme étant la disposition pertinente en l’espèce. À cette fin, cette juridiction indique expressément que la directive EIE ne requiert pas d’évaluation des incidences pour des projets de captage d’eau à des fins de production de neige et que la demande d’autorisation formée par Aichelberglift se devait donc d’être examinée uniquement sur la base des dispositions de droit autrichien relatives à l’eau (à savoir la WRG). Lors de l’audience, tant Protect que le gouvernement néerlandais ont suggéré que, dans une certaine mesure (à tout le moins), l’article 9, paragraphe 2, aurait dû être considéré comme applicable dans le cadre de la procédure au principal.

44.

À la lecture du dossier soumis à la Cour, le projet Aichelberglift ne semble pas entrer dans le champ d’application de l’annexe I de la convention d’Aarhus ( 37 ) ni dans celui de l’annexe I de la directive EIE ( 38 ) et, à ce titre, il n’était pas soumis à une évaluation des incidences obligatoire en vertu de la directive EIE. La juridiction de renvoi confirme cette analyse dans sa décision de renvoi. L’article 6, paragraphe 1, sous a), de la convention d’Aarhus n’est par conséquent pas applicable.

45.

L’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus impose aux parties contractantes de déterminer si un projet donné « [peut] avoir un effet important sur l’environnement » (soulignement ajouté par mes soins) ( 39 ). À cet égard, « la simple probabilité d’un effet important déclenche [cette] obligation » ( 40 ). L’ampleur, le site et les caractéristiques de l’impact potentiel sur l’environnement constituent les facteurs pertinents devant être pris en compte ( 41 ).

46.

Les pièces soumises à la Cour ne permettent pas d’établir si le projet Aichelberglift entre dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus. En particulier, la décision de renvoi n’indique pas clairement si le projet en cause dans la procédure au principal était (ou aurait dû être) examiné aux fins de déterminer, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive EIE ou à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, si projet Aichelberglift devait faire l’objet d’une évaluation des incidences ( 42 ) et si Protect était (ou non) en mesure de contester les résultats d’une telle détermination ( 43 ). De même, il n’est pas clairement indiqué si (et dans quelle mesure) le projet est situé dans une zone spéciale de conservation au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive « habitats », ni si l’importance des effets du projet sur l’eau a été (ou non) examinée dans le cadre de l’évaluation des incidences réalisée en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». Enfin, la relation précise entre cette évaluation et la procédure d’autorisation visée dans la procédure au principal n’est pas parfaitement claire, alors que leur interconnexion (potentielle) peut se révéler pertinente pour l’applicabilité de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus ( 44 ).

47.

C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de procéder aux constatations d’ordre factuel nécessaires aux fins d’établir si le projet Aichelberglift tombe sous le coup de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus. Si tel était le cas, l’article 9, paragraphe 2, serait effectivement applicable. Dans ce cas, les réponses aux questions posées par la juridiction de renvoi se trouveraient déjà dans l’abondante jurisprudence portant sur l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus ( 45 ), telle que développée en particulier dans le contexte de l’article 11 de la directive EIE, qui reproduit la plupart des dispositions de l’article 9, paragraphe 2.

48.

Dans ce qui suit, je m’appuierai sur la prémisse selon laquelle l’article 6 et donc, également, l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus ne s’appliquent pas ; je présumerai également que la procédure donnant lieu au renvoi préjudiciel (procédure dans le cadre de laquelle Protect soutient que l’octroi d’une autorisation à Aichelberglift pour le captage d’eau aux fins de produire de la neige porte atteinte à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau) doit être exclusivement examinée au regard de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

Sur la première question

49.

Aux termes de sa première question, la juridiction de renvoi cherche à déterminer, en substance, si une organisation de défense de l’environnement peut invoquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ou la directive-cadre sur l’eau en tant que telle, lue conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, aux fins de contester, devant une autorité administrative ou une juridiction, la légalité d’actes ou d’omissions d’une autorité compétente dans le cadre d’une procédure administrative qui n’est pas soumise à la directive EIE, telle que celle visée dans la procédure au principal.

50.

Cette question est formulée de manière large. En l’espèce, la procédure administrative a été menée par l’autorité compétente aux termes de la WRG, destinée à transposer la directive-cadre sur l’eau. L’acte contesté dans le cadre de la procédure au principal est une autorisation accordée sur le fondement de la WRG. La juridiction de renvoi précise qu’une telle autorisation est susceptible de recours devant le Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional, Autriche).

51.

Par conséquent, la problématique centrale que l’on doit aborder dans le cadre de l’examen de cette question est celle de la qualité pour agir d’une organisation de défense de l’environnement aux fins de contester une telle autorisation devant une juridiction, au regard de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau. J’examinerai premièrement le sens de l’article 4 de cette directive, avant d’analyser la question de la qualité pour agir des organisations de défense de l’environnement aux fins de contester la légalité d’une telle autorisation.

Le sens de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau

52.

Selon le gouvernement autrichien, l’article 4 de la directive‑cadre sur l’eau est dépourvu d’effet direct dans la mesure où il ne désigne pas de destinataires, alors que le gouvernement néerlandais et Protect soutiennent que les organisations reconnues de défense de l’environnement devraient être autorisées à invoquer cette disposition.

53.

La directive-cadre sur l’eau fait référence à l’eau en désignant celle-ci comme un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel (considérant 1). La directive établit un cadre destiné à prévenir la détérioration, à renforcer la protection de l’environnement aquatique de l’Union, ainsi qu’à améliorer ce dernier (considérant 19 et article 1er). Elle contribue à promouvoir les objectifs du traité en matière d’environnement (considérant 11).

54.

L’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, établissant l’objectif général poursuivi par celle-ci en matière d’environnement, occupe une position centrale dans le système global de protection de l’eau mis en place par la directive-cadre sur l’eau.

55.

Bien que la directive-cadre sur l’eau soit une directive-cadre, la Cour a affirmé dans son arrêt de principe Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland que « l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la [directive-cadre sur l’eau] ne se limite pas à énoncer, selon une formulation programmatique, de simples objectifs de planification de gestion, mais déploie des effets contraignants » ( 46 ). Le libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive-cadre sur l’eau, qui énonce que « les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface », comporte une obligation pour les États membres d’agir en ce sens ( 47 ). L’on se doit de respecter cette obligation, en particulier, lors de l’approbation de projets individuels dans le cadre du régime juridique régissant la protection de l’eau, et ce, notamment, en refusant de conférer une autorisation à un projet de nature à détériorer l’état de la masse d’eau concernée, sauf à considérer que ledit projet relève d’une dérogation en vertu de l’article 4, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau ( 48 ).

56.

La Cour a retenu une interprétation large de la notion de « détérioration de l’état » d’une masse d’eau de surface, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive-cadre sur l’eau. Par conséquent, il y a détérioration dès que l’état d’au moins l’un des éléments de qualité, au sens de l’annexe V de la directive‑cadre sur l’eau, est dégradé d’une classe, même si cette dégradation ne se traduit pas par une dégradation de classement, dans son ensemble, de la masse d’eau de surface ( 49 ).

57.

Conformément à une jurisprudence constante, dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d’application prises dans les délais, à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu’elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l’égard de l’État ( 50 ).

58.

Selon moi, l’interdiction de détérioration revêt un caractère strict, inconditionnel et suffisamment précis pour se voir reconnaître un effet direct ( 51 ).

59.

S’agissant de directives en matière d’environnement, la Cour a jugé dans plusieurs affaires que des dispositions suffisamment précises quant à la protection du patrimoine naturel commun jouissent de l’effet direct, bien qu’elles ne confèrent pas expressément des droits aux particuliers ( 52 ). Dernièrement, la Cour a reconnu un effet direct à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » ( 53 ), qui impose l’obligation d’effectuer une évaluation des incidences avant d’octroyer une autorisation relative à un projet susceptible d’affecter un site protégé de manière significative. La Cour a également jugé que dans tous les cas où le défaut d’observation des mesures exigées par une directive pourrait mettre en danger la santé des personnes, celles‑ci doivent pouvoir se prévaloir de règles impératives pour pouvoir faire valoir leurs droits ( 54 ).

60.

Dans ces affaires, y compris l’arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, la Cour a affirmé qu’il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 288 TFUE reconnaît à une directive d’exclure en principe que les obligations qu’elle impose puissent être invoquées par des organisations de défense de l’environnement reconnues. Dans le cas où le législateur de l’Union a, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l’effet utile d’une telle obligation se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s’en prévaloir devant les juridictions nationales. De même, cet effet utile se trouverait affaibli si les juridictions nationales étaient empêchées de le prendre en considération en tant qu’élément du droit de l’Union pour vérifier si, dans les limites de la faculté qui lui est réservée quant à la forme et aux moyens pour la mise en œuvre de la directive concernée, le législateur national est resté dans les limites de la marge d’appréciation tracée par la directive ( 55 ).

61.

La possibilité d’invoquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau découle de l’intervention (contraire au droit de l’Union) contre laquelle il faut se défendre. Par conséquent, selon moi, les organisations de défense de l’environnement peuvent invoquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau dans la mesure où des possibilités de protection juridique leur sont ouvertes en droit national ( 56 ).

Une organisation de défense de l’environnement a-t-elle qualité pour invoquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ?

62.

Selon le gouvernement autrichien, à l’exception de la disposition limitée visée à l’article 14, la directive-cadre sur l’eau ne prévoit pas de participation ou de droit de recours juridictionnel. Il en va différemment pour d’autres directives en matière d’environnement ( 57 ), dont certaines ont été explicitement modifiées aux fins de mettre en œuvre les droits prévus par l’article 9 de la convention d’Aarhus ( 58 ). Le gouvernement autrichien ajoute que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, à savoir la disposition invoquée par Protect aux fins d’établir sa qualité pour agir, est dépourvu d’effet direct.

Observations générales relatives à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus

63.

L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus prévoit que chaque partie veille à ce que les membres du public (en ce compris les organisations de défense de l’environnement, au titre de l’article 2, paragraphe 4) qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. Cette disposition établit donc le droit, notamment, de contester les actes d’autorités administratives adoptés dans le cadre de procédures administratives.

64.

Il est constant qu’aucune disposition de droit de l’Union adoptée expressément aux fins de mettre en œuvre l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne s’applique dans le contexte de la présente affaire. En particulier, la directive-cadre sur l’eau établit un cadre législatif sans préciser de règles procédurales détaillées, nécessaires quant à sa mise en œuvre. En tant que tel, l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ne confère pas aux organisations de défense de l’environnement le droit d’initier un recours administratif ou judiciaire. La seule disposition pertinente semble être son article 14, paragraphe 1 (intitulé « Information et consultation du public »), aux termes duquel les États membres « encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de [la directive-cadre sur l’eau] » ( 59 ). Il me semble que cette disposition est trop abstraite pour pouvoir être directement invoquée comme source de droits procéduraux.

65.

La Cour a jugé que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus était dépourvu d’effet direct ( 60 ). Les organisations de défense de l’environnement ne peuvent donc se prévaloir directement de cette disposition aux fins de revendiquer la qualité pour agir en vue de contester des actes d’autorités nationales, tels que l’autorisation délivrée à Aichelberglift.

66.

En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, en l’occurrence la directive-cadre sur l’eau, lue conjointement avec la convention d’Aarhus, les États membres ayant la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits ( 61 ).

67.

L’autonomie procédurale des États membres n’est pas absolue. Elle se doit d’être exercée dans le respect des objectifs de la convention d’Aarhus et de la directive‑cadre sur l’eau.

68.

Je m’interromps afin de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, le principe de « niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement », édicté à l’article 3, paragraphe 3, TUE est devenu l’un des objectifs directeurs du droit de l’Union. Ce même principe est également inscrit à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ( 62 ), laquelle – là aussi, en conséquence de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – fait partie du droit primaire de l’Union et doit être considérée comme un outil d’interprétation du droit dérivé ( 63 ).

69.

Il découle de la directive-cadre sur l’eau que les États membres sont responsables de la mise en œuvre des objectifs de cette directive en matière d’environnement, tels que prévus en particulier à l’article 1er et à l’article 4 ; le succès de la directive-cadre sur l’eau requiert notamment l’information, la consultation et la participation du public (considérant 14) ( 64 ). En outre, conformément à son article 14, paragraphe 1, les États membres encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la directive‑cadre sur l’eau.

70.

Ces dispositions fournissent une indication quant à la manière dont il convient d’interpréter l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. La participation du public dès le début d’une procédure administrative (en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive‑cadre sur l’eau) serait dans une large mesure dénuée de sens s’il était impossible, ne fût-ce que pour certains membres du public, de se voir reconnaître la qualité pour agir à un stade ultérieur du processus, notamment afin de contester la conformité des décisions prises dans le cadre de cette procédure au regard de la directive-cadre sur l’eau.

Critères pouvant être établis par les États membres conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus

71.

Certes, dans le contexte de la convention d’Aarhus, les États membres jouissent de beaucoup de souplesse. En particulier, le droit d’engager un recours administratif ou judiciaire, prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, peut n’être accordé qu’aux membres du public « qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne ».

72.

Cependant, tout en établissant des règles de procédure aux fins de mettre en œuvre l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, les États membres se doivent de garder à l’esprit que cette convention vise à garantir au « public, y compris les organisations, […] des mécanismes judiciaires efficaces afin que leurs intérêts légitimes soient protégés et la loi respectée » (dix‑huitième considérant).

73.

L’expression « qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne » ne peut servir de prétexte aux fins d’« introduire ou maintenir des critères rigoureux au point d’empêcher la totalité ou la quasi-totalité des associations de défense de l’environnement de contester des actes ou omissions allant à l’encontre du droit national de l’environnement ». Cette expression « impose aux parties de s’interdire délibérément de fixer des critères trop stricts ; l’accès aux procédures en cause devrait donc être la règle et non l’exception » ; « tout critère de cet ordre devra être conforme aux objectifs de la [convention d’Aarhus] concernant la garantie de l’accès à la justice » ( 65 ). La lecture la plus naturelle de cette phrase serait, selon moi, la suivante : il s’agit d’un renvoi à l’exigence procédurale portant alternativement sur « un intérêt suffisant à agir » ou sur « l’atteinte à un droit », visée à l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus.

74.

Dans mes conclusions dans l’affaire Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening ( 66 ), j’ai analysé les conditions que les États membres pouvaient établir sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 (désormais remplacée par la directive EIE), qui faisait référence aux « conditions pouvant être requises en droit interne » ( 67 ). Mes écrits peuvent être transposés dans le contexte de la présente affaire. Selon moi, les organisations de défense de l’environnement répondant à des critères objectivement justifiés, transparents, non discriminatoires et facilitant l’accès à la justice en droit interne doivent avoir le droit d’invoquer l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

75.

Par conséquent, le droit national ne peut exclure d’une manière généralisée les droits propres à toutes les organisations de défense de l’environnement, découlant de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, sous le prétexte d’introduire (en droit national) des « critères » relatifs à l’exercice de ces droits ( 68 ). Dans l’affaire Trianel ( 69 ), j’ai émis l’idée suivante : tout comme une Ferrari aux portes verrouillées, un système de voies de recours est de peu d’utilité si le système lui-même est totalement inaccessible à certaines catégories de recours.

76.

En effet, une telle interprétation de la notion de « critères éventuels » serait source d’effets pervers. Un système procédural qui priverait virtuellement toute organisation de défense de l’environnement du droit de contester des actes administratifs adoptés sur la base de dispositions nationales mettant en œuvre la directive-cadre sur l’eau ne pourrait qu’affaiblir considérablement l’effet utile de l’interdiction prévue à l’article 4 ( 70 ) et, plus généralement, compromettre sérieusement la réalisation de l’objectif relatif à un niveau élevé de protection de l’environnement, consacré à l’article 37 de la Charte.

Le rôle des organisations de défense de l’environnement

77.

L’environnement naturel appartient à chacun d’entre nous et la protection de cet environnement est notre responsabilité collective. La Cour a reconnu que les normes issues du droit de l’Union en matière d’environnement étaient, le plus souvent, tournées vers l’intérêt général et non vers la seule protection des intérêts des particuliers pris individuellement ( 71 ). Ni l’eau ni les poissons qui y nagent ne peuvent agir devant les cours et tribunaux. De même, les arbres ne jouissent pas davantage de la qualité pour agir ( 72 ).

78.

Tant la juridiction de renvoi (dans sa décision de renvoi) que le gouvernement autrichien (lors de l’audience) ont expliqué qu’en droit autrichien, un requérant ne peut se prévaloir de la qualité pour agir dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire que dans la mesure où il est titulaire de droits subjectifs matériels qui, selon lui, ont été violés. Les organisations de défense de l’environnement ne peuvent, par leur nature même, remplir la condition relative à de tels droits matériels. Cet élément prive virtuellement une telle organisation de la possibilité de former un recours contre une décision administrative devant une autorité administrative ou une juridiction, indépendamment de la diligence avec laquelle elle agit ou de la pertinence des objections qu’elle entend déposer.

79.

Sauf erreur de ma part, même les titulaires de droits individuels ne pourraient former une action au titre de la violation d’une disposition visant à protéger l’environnement en tant que tel ou protégeant l’intérêt public, telle que l’interdiction de détérioration prévue à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau. Il s’ensuit qu’à moins que les droits matériels d’un individu ne coïncident avec l’intérêt public et que cet individu ne décide de former un recours afin de faire valoir ces droits devant une autorité compétente ou une juridiction, personne ne pourra agir aux fins de protéger l’environnement ( 73 ).

80.

Comme je l’ai expliqué dans mes conclusions dans l’affaire Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening ( 74 ), les organisations de protection de l’environnement sont l’expression de l’intérêt collectif et public, que personne d’autre ne serait en mesure de défendre autrement. Ces organisations permettent de rassembler dans une seule action les demandes d’un nombre élevé d’individus, elles agissent comme un filtre et elles apportent une connaissance spécialisée, plaçant ainsi les cours et tribunaux dans une meilleure position pour trancher le litige. Par conséquent, à la longue, ces organisations contribuent à un meilleur déroulement des procédures en matière d’environnement. En agissant de la sorte, les organisations de défense de l’environnement jouent un rôle essentiel dans la protection de notre patrimoine environnemental commun.

81.

Les auteurs de la convention d’Aarhus ont fait le choix de ne pas créer d’actio popularis en matière d’environnement. En lieu et place d’une telle action, les auteurs de la convention d’Aarhus ont choisi de renforcer le rôle des organisations de défense de l’environnement. En procédant ainsi, ils ont opté pour un juste milieu entre l’approche maximaliste (l’actio popularis) et l’approche minimaliste (à savoir, un droit d’action individuelle, limité aux parties dont les intérêts sont directement en jeu) ( 75 ). Il s’agissait, à mon sens, d’un compromis à la fois raisonnable et pragmatique.

82.

La Cour a admis que les particuliers et les associations étaient appelés à jouer un rôle actif dans la défense de l’environnement ( 76 ). Les septième, treizième et dix-septième considérants de la convention d’Aarhus mettent en évidence l’importance des organisations de défense de l’environnement. Ainsi que Mme l’avocat général Kokott l’a observé à juste titre dans ses conclusions relatives à l’affaire Lesoochranárske zoskupenie II ( 77 ), la reconnaissance de l’intérêt de certaines associations en matière de protection de l’environnement (remplissant les conditions requises en droit interne) est prévue à l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus. La Cour européenne des droits de l’homme a insisté aussi sur le rôle joué par les organisations non gouvernementales, en constatant que celles-ci peuvent être qualifiées de « chiens de garde » de la société, en matière d’affaires publiques ( 78 ).

83.

De manière générale, j’estime que l’autorité amenée à prendre une décision dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire devrait avoir davantage (plutôt que moins) d’informations quant aux implications environnementales du projet proposé. Cet élément plaide en faveur de la reconnaissance de la qualité pour agir des organisations qui répondent aux critères pertinents quant à leur existence et à leur activité, ces critères étant fixés par le droit national ( 79 ). Étant donné le rôle qu’elles jouent en matière d’environnement, ces organisations sont particulièrement bien placées pour fournir des informations pertinentes.

84.

Selon moi, l’article 2, paragraphe 5, et l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus offrent un modèle permettant de comprendre la manière dont il convient d’appréhender le rôle des organisations de défense de l’environnement en tant que représentantes de ce dernier. Lorsque des directives de l’Union en matière d’environnement imposent des obligations contraignantes aux États membres, les organisations de défense de l’environnement répondant aux critères visés à l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus devraient en principe être en mesure d’agir devant les cours et tribunaux aux fins d’invoquer une violation de ces obligations, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

85.

Les particuliers concernés par un projet engendrant des effets sur l’environnement jouissent naturellement de la qualité pour agir aux fins de préserver leur propriété ou leurs autres intérêts du préjudice potentiel que ledit projet pourrait entraîner. Si les organisations de défense de l’environnement se voyaient dénier la qualité pour agir aux fins de demander à une juridiction de vérifier qu’une décision administrative est conforme aux obligations qui s’imposent à l’État membre concerné (telles que celles découlant de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau), l’environnement (à savoir, l’intérêt public) ne serait pas adéquatement représenté et défendu. Cette situation aboutirait à un résultat absurde : la propriété privée et les intérêts des particuliers seraient mieux protégés contre d’éventuelles erreurs de l’administration que l’intérêt public. Le législateur de l’Union ne pouvait avoir pour intention d’aboutir à un tel décalage.

L’impact de l’article 47 de la Charte

86.

En outre, l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau se doit d’être interprété à la lumière de l’article 47 de la Charte ( 80 ).

87.

Cette disposition relevant du droit primaire de l’Union réaffirme le principe du droit à une protection juridictionnelle effective. Cette disposition prévoit que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article ( 81 ).

88.

Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, celle-ci peut être invoquée à l’égard des États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ( 82 ). Lorsqu’un État membre établit des règles de droit procédural restreignant la faculté, pour une organisation de défense de l’environnement, de former un recours dans l’intérêt public en raison d’une violation de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, cet État membre met en œuvre des obligations découlant du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte ( 83 ). En outre, la pertinence de l’article 47 de la Charte ne se limite pas aux cas dans lesquels une disposition de droit matériel de l’Union est associée à une disposition de nature procédurale, conférant le droit à une protection juridictionnelle effective ( 84 ).

89.

Contrevient nécessairement au droit fondamental à un recours juridictionnel effectif (consacré par le droit de l’Union) une règle de procédure qui, en principe et en pratique, rend extrêmement difficile l’exercice, par une organisation de défense de l’environnement, de la fonction visée à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et, par conséquent, la contestation de la légalité d’une décision administrative dont ladite organisation estime qu’elle a été adoptée en violation de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ( 85 ).

90.

Le fait qu’un État membre ait privilégié, dans son ordre juridique interne, une qualité pour agir fondée sur des droits, plutôt que sur des intérêts, ne suffit pas à rendre licite une telle exclusion générale. Le libellé de l’article 9 de la convention d’Aarhus (lu dans son ensemble) démontre que ses auteurs étaient parfaitement conscients des différences de réglementation en matière de qualité pour agir entre les parties contractantes. Les auteurs de la convention d’Aarhus ont élaboré avec soin les dispositions de l’article 9 relatives à la qualité pour agir des organisations de défense de l’environnement, de sorte que leur accès aux cours et tribunaux ne dépende pas du choix opéré par une partie contractante en particulier.

Observations finales

91.

Le fait de reconnaître la qualité pour agir à des organisations de défense de l’environnement conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus dans de telles circonstances ne revient pas à conférer un effet direct à cette disposition par une voie détournée. Il s’agit davantage d’une conséquence logique de la nécessité de sauvegarder l’effet utile de l’article 4 de la directive‑cadre sur l’eau, examiné sous l’angle du droit fondamental à un recours juridictionnel effectif.

92.

À plusieurs reprises, la Cour s’est montrée prête à souscrire à une interprétation extensive et téléologique de la législation de l’Union en matière d’environnement ( 86 ). L’approche que je propose ne fait que consolider ce que la Cour a déjà décidé dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie II.

93.

Enfin, à en juger par les informations soumises à la Cour, il n’y a pas de contradiction entre l’interprétation que je propose et l’article 132, paragraphe 1, du chapitre VII, intitulé « Garanties constitutionnelles et administratives », de la loi constitutionnelle fédérale. Suivant les explications fournies par la juridiction de renvoi, à la lumière de cette disposition, seule une personne physique ou morale qui prétend être lésée dans ses droits par la décision d’une autorité administrative et qui était partie à la procédure administrative précédant cette décision peut invoquer une telle atteinte à ses droits en formant un recours contre cette décision administrative devant une juridiction administrative. Selon ma compréhension des choses, ces exigences ne font pas obstacle à l’octroi de la qualité pour agir à des organisations de défense de l’environnement aux fins de contester la légalité de décisions administratives, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

94.

Il s’ensuit que la réponse à la première question préjudicielle devrait être formulée comme suit : l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui empêchent une organisation de défense de l’environnement dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues par le droit national d’engager des procédures administratives ou judiciaires au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, aux fins de contester les actes d’une autorité compétente, adoptés dans le cadre d’une procédure administrative menée sur le fondement de dispositions de droit national mettant en œuvre cette directive.

95.

Étant donné que j’ai apporté une réponse positive à la première question posée par la juridiction de renvoi, il est également nécessaire d’évoquer les deuxième et troisième questions.

Sur la deuxième question

96.

Aux termes de sa deuxième question, la juridiction de renvoi vise en substance à déterminer si la convention d’Aarhus impose qu’une organisation de défense de l’environnement puisse invoquer une atteinte à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau au cours de la procédure devant l’autorité administrative ou s’il suffit que cette organisation ait la possibilité de contester la décision de l’autorité administrative, adoptée à l’issue de ladite procédure, devant une juridiction.

97.

Il découle de la réponse que j’ai proposée quant à la première question qu’une organisation de défense de l’environnement doit avoir le droit de se prévaloir de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, afin de contester une décision d’une autorité administrative adoptée à l’issue d’une procédure administrative menée sur le fondement de dispositions de droit national mettant en œuvre la directive-cadre sur l’eau.

98.

La question suivante reste ouverte : la convention d’Aarhus exige‑t‑elle aussi qu’une organisation de défense de l’environnement puisse invoquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau au cours d’une telle procédure administrative ? En d’autres termes, doit‑elle se voir reconnaître le droit de participer à une telle procédure ? J’examinerai cette question en deux étapes : premièrement, sous un angle général et, secondement, en tenant compte du contexte spécifique du droit autrichien.

Le droit de participer : observations générales

99.

L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus prévoit le droit d’engager un recours administratif ou judiciaire contre les « actes […] d’autorités publiques ». Cette notion se doit d’inclure les décisions administratives adoptées à l’issue d’une procédure administrative. Contrairement à l’article 6 de la convention d’Aarhus, l’article 9, paragraphe 3, ne prévoit pas le droit de participer à la procédure administrative. Ce droit se doit d’être analysé à la lumière de l’article 6. Toutefois, pour les raisons que j’ai exposées précédemment ( 87 ), je pars du postulat selon lequel l’article 6 et l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce.

100.

Le fait qu’une organisation de défense de l’environnement ait le droit de contester une décision administrative n’implique pas, en soi, le droit de participer à la procédure menant à l’adoption de cette décision. La Cour a jugé que la participation au processus décisionnel en matière d’environnement est distincte et a une finalité autre que le recours juridictionnel ( 88 ).

101.

À l’inverse d’autres directives en matière d’environnement ( 89 ), la directive‑cadre sur l’eau ne prévoit pas expressément de participation du public. Elle ne requiert pas davantage, à l’instar de ce que prévoit la directive « habitats », qu’un projet ne puisse être approuvé qu’« après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ».

102.

Cependant, l’article 14, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, intitulé « Information et consultation du public », prévoit quant à lui que les États membres « encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de [cette] directive » ( 90 ) ; le considérant 14 énonce que le succès de cette directive requiert en particulier l’information, la consultation et la participation du public. La procédure d’octroi d’une autorisation fondée sur la WRG doit être perçue comme une mise en œuvre de cette directive ( 91 ).

103.

Il me semble que si la « participation » du public organisée par un État membre conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau n’allait pas de pair avec des droits procéduraux permettant aux membres du public d’exprimer leur point de vue et imposant à l’autorité compétente d’en tenir compte, l’objectif de cette disposition ne serait pas respecté. Une « participation » du public revêtant une telle forme ne mériterait pas d’être décrite comme une « consultation ». Elle se rapprocherait davantage d’une « déclaration d’intention » adressée au public par l’autorité compétente.

104.

La Cour a déjà précisé que la qualité de « partie à la procédure » permettait à une organisation de défense de l’environnement de participer plus activement au processus décisionnel en développant davantage et de manière plus pertinente ses arguments portant sur les risques d’atteinte à l’environnement par le projet envisagé. Ces arguments doivent être pris en compte par les autorités compétentes avant l’autorisation de ce projet. En l’absence d’une telle participation, les arguments visant à la protection de l’environnement pourraient n’être ni avancés ni pris en compte, de sorte que l’objectif fondamental de la procédure prévue à l’article 14, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, ne serait pas atteint ( 92 ).

105.

En outre, l’objectif de la procédure administrative en matière d’environnement, en ce compris en matière d’eau, est de parvenir à une décision qui concilie l’intérêt du demandeur quant à l’obtention d’une autorisation avec les contraintes environnementales y afférentes. Une procédure efficace est une procédure dans laquelle l’organisation de défense de l’environnement peut intervenir d’entrée de jeu aux fins de présenter des considérations pertinentes en matière d’environnement. Cet élément contribue à l’équilibre de la procédure et peut réduire le risque de litige à un stade ultérieur. La Cour a toujours été consciente de la nécessité de promouvoir l’économie de procédure dans différents types de procédures ( 93 ).

106.

Il s’ensuit que le fait de conférer à une organisation de défense de l’environnement la qualité de partie à une procédure administrative aux fins qu’elle puisse se prévaloir de dispositions directement applicables du droit de l’Union en matière d’environnement, telles que l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ( 94 ), contribue à maintenir et à améliorer l’environnement aquatique de l’Union et, plus généralement, à atteindre les objectifs du droit de l’Union en matière d’environnement ( 95 ).

107.

En l’absence de dispositions de droit de l’Union en la matière, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient, suivant le principe d’interprétation conforme, d’interpréter le droit procédural national à la lumière de ces objectifs, dans toute la mesure du possible, afin d’en assurer une mise en œuvre effective ( 96 ).

Le droit de participer dans le contexte du droit autrichien

108.

La juridiction de renvoi précise qu’en vertu de l’article 132, paragraphe 1, de la loi constitutionnelle fédérale, seule une personne physique ou morale qui jouissait de la qualité de partie à la procédure administrative antérieure peut former un recours contre la décision adoptée à l’issue de cette procédure devant une juridiction ou un tribunal administratif [à savoir, en l’espèce, le Landesverwaltungsgericht (tribunal administratif régional) du Land concerné]. Pour cette raison, la qualité de partie à la procédure administrative et le droit de former un recours sont directement liés. L’absence ou la perte de la qualité de partie à la procédure devant l’autorité administrative a donc pour effet la perte du droit de contester la décision de cette autorité par voie de recours.

109.

En principe, une telle condition de participation préalable à une procédure administrative ne semble pas compromettre les droits garantis par la convention d’Aarhus ou par la directive-cadre sur l’eau. Le droit à un recours juridictionnel effectif prévu à l’article 47 de la Charte et le principe d’effectivité ne s’opposent pas à ce qu’un recours juridictionnel soit subordonné à une telle condition, si les modalités de ce recours n’affectent pas de manière disproportionnée l’effectivité de la protection juridictionnelle ( 97 ).

110.

Cependant, selon ma compréhension de la situation prévalant en droit autrichien, il est virtuellement impossible pour une organisation de défense de l’environnement de se voir reconnaître la qualité de partie à une telle procédure administrative aux fins de promouvoir les objectifs impératifs du droit de l’Union en matière d’environnement, tels que prévus à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ( 98 ).

111.

Si la situation prévalant en droit national est effectivement telle que décrite dans les présentes conclusions (l’appréciation de cette problématique incombant exclusivement à la juridiction de renvoi), le fait de refuser la qualité de partie à une procédure administrative au détriment d’une organisation de défense de l’environnement équivaudrait à nier le droit à un recours juridictionnel effectif dont une telle organisation peut se prévaloir au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, lu en combinaison avec l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau. Il découle de la réponse que j’ai proposée pour la première question que lorsque ce droit de participation est nécessaire aux fins de promouvoir les objectifs impératifs du droit de l’Union en matière d’environnement visés à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, l’on ne peut admettre qu’une organisation de défense de l’environnement soit privée d’un tel droit.

112.

Par conséquent, la réponse à la deuxième question préjudicielle devrait être la suivante :

S’agissant de la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation, menée sur le fondement d’une législation nationale mettant en œuvre la directive-cadre sur l’eau (telle que celle visée par la procédure au principal), une juridiction nationale doit interpréter son droit procédural national, dans toute la mesure du possible, conformément aux objectifs établis par la directive‑cadre sur l’eau (en particulier, l’article 4 et l’article 14, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau), aux fins de permettre à une organisation de défense de l’environnement de se prévaloir de ces dispositions au cours de la procédure administrative devant l’autorité nationale.

Lorsque le droit d’une organisation de défense de l’environnement (dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues par le droit national) de contester, devant une autorité administrative ou une juridiction, des actes adoptés par l’autorité nationale compétente dans le cadre d’une procédure administrative sur le fondement de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, est subordonné à une participation préalable de ladite organisation à une telle procédure, l’article susmentionné, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui empêchent une telle organisation de se voir reconnaître la qualité de partie à une telle procédure.

Sur la troisième question

113.

Aux termes de sa troisième question, la juridiction de renvoi vise essentiellement à déterminer si des règles de droit procédural national, telles que l’article 42 de l’AVG, peuvent exiger que les organisations de défense de l’environnement fassent valoir leurs objections en temps utile au stade de la procédure d’autorisation, faute de quoi ces organisations perdent la qualité de partie à la procédure, ainsi que le droit de former un recours contre les actes adoptés par les autorités compétentes dans le cadre de cette procédure devant la juridiction compétente ( 99 ).

114.

Je dois admettre que, libellée ainsi, cette question me paraît étrange. Logiquement, l’on pourrait penser que l’article 42 de l’AVG ne peut s’appliquer qu’à une personne qui est déjà partie à la procédure. Toutefois, la juridiction de renvoi précise qu’en droit de la procédure autrichien (article 102, paragraphe 1, de la WRG), les organisations de défense de l’environnement telles que Protect ne peuvent pas obtenir la qualité de partie à une telle procédure ( 100 ). À ce titre, l’on pourrait présumer que l’article 42 de l’AVG ne peut pas s’appliquer à Protect ou que, le cas échéant, une telle application serait dépourvue d’effet sur l’issue de la procédure au principal. Dans de telles circonstances, la troisième question semblerait hypothétique ( 101 ).

115.

Néanmoins, l’on peut déduire des explications fournies par la juridiction de renvoi que la demande d’admission en qualité de partie formée par Protect a été rejetée, à l’instar de ses objections quant au projet, sur le fondement de l’article 42 de l’AVG, au motif que Protect avait omis de soumettre des objections relatives à l’eau (fondées sur la WRG) en temps utile au cours de la procédure administrative ( 102 ). Cet élément semble suggérer que Protect aurait pu se voir reconnaître la qualité de partie à la procédure si elle avait déposé ses objections en temps utile.

116.

L’audience n’a pas permis de résoudre cette énigme.

117.

Dans ce qui suit, je partirai du postulat que Protect aurait pu se voir octroyer la qualité de partie à la procédure administrative en soumettant les objections requises en temps utile.

118.

Le gouvernement autrichien soutient (sans doute sur la base de son interprétation du droit autrichien) que Protect aurait dû soumettre ses objections sans attendre d’être admise en qualité de partie.

119.

Au regard des pièces soumises à la Cour, il ne me semble guère évident qu’en vertu de la législation autrichienne, une organisation de défense de l’environnement doive comprendre qu’elle peut obtenir la qualité de partie à une procédure administrative relative à une demande d’autorisation de captage d’eau à des fins de production de neige en déposant simplement des objections conformément à l’article 42 de l’AVG. L’article 102, paragraphe 3, de la WRG semble plutôt réserver cette possibilité de dépôt d’objections aux seules parties à la procédure ; l’article 102, paragraphe 1, de la WRG fait quant à lui obstacle à ce qu’une organisation de défense de l’environnement dépourvue de droits subjectifs publics puisse se voir reconnaître la qualité de partie à ladite procédure.

120.

À mon sens, le fait d’exiger d’une organisation de défense de l’environnement qu’elle tente malgré tout de soumettre des objections dans cette situation (presque à titre spéculatif) serait injuste et trompeur. Appliquer l’article 42 de l’AVG et sanctionner Protect par la perte de la qualité de partie dans une telle situation équivaudrait à punir cette organisation pour n’avoir pas fait ce que le droit autrichien semble ne pas lui permettre de faire. Une telle règle de procédure ne satisferait pas, selon moi, aux critères d’objectivité et d’équité prévus à l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus. Cette situation ressemble étrangement à celle de l’homme mourant dans le texte « Devant la loi », de Franz Kafka : après avoir passé toute sa vie à tenter d’entrer par une porte qui lui est désormais fermée, cet homme apprend que ladite porte avait toujours été ouverte pour lui.

121.

C’est à la juridiction nationale qu’il appartient de vérifier si le droit national fonctionne effectivement de cette manière. Si tel devait être le cas, le fait de refuser à Protect la qualité de partie à la procédure administrative et de la priver par conséquent d’accès à une juridiction reviendrait à la priver du droit à un recours juridictionnel effectif qu’elle tire (en tant qu’organisation de défense de l’environnement) en vertu de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ( 103 ). Il découle de la réponse que je propose d’apporter à la première question que, lorsque ce droit est nécessaire aux fins de promouvoir les objectifs impératifs du droit de l’Union en matière d’environnement visés à l’article 4 de la directive‑cadre sur l’eau, l’on ne peut admettre qu’une organisation de défense de l’environnement soit privée d’un tel droit.

122.

D’autre part, si la juridiction de renvoi constate que l’on aurait pu s’attendre, sur la base de règles de procédure objectives et équitables, à ce qu’une organisation de défense de l’environnement, telle que Protect, soumette ses objections en temps utile dans le cadre de la procédure administrative, le délai de procédure imposé par l’article 42 de l’AVG ne semble compromettre aucun des droits garantis par la convention d’Aarhus ou par la directive-cadre sur l’eau. En principe, un délai prévu par le droit national quant au dépôt d’objections par les parties respecte l’essence du droit à un recours juridictionnel effectif et ne paraît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la poursuite des objectifs légitimes que sont la sécurité juridique, la rapidité et l’économie de la procédure administrative. Ainsi, la Cour a admis que la fixation de délais raisonnables de recours dans l’intérêt de la sécurité juridique, qui protège à la fois le particulier et l’administration concernés, était compatible avec le droit de l’Union. En particulier, la Cour a considéré que de tels délais n’étaient pas de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ( 104 ). En effet, en tant que tel, l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus requiert que les procédures concernées soient « objectives, équitables et rapides ». Dans la mesure où il prive une partie à la procédure de la possibilité de soumettre des objections quant à un projet au‑delà d’un délai spécifique que ladite partie n’a pas respecté, l’article 42 de l’AVG semble être conforme à ces critères ( 105 ).

123.

Par conséquent, la réponse à la troisième question préjudicielle devrait être la suivante : l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui infligent à une organisation de défense de l’environnement la perte de la qualité de partie à une procédure administrative en raison de l’absence de dépôt en temps utile, par cette organisation, d’objections dans le cadre de cette procédure, dans la mesure où ces règles ne répondent pas aux critères d’objectivité et d’équité visés à l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus.

Conclusion

124.

À la lumière des développements qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter les réponses suivantes aux questions soumises par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) :

L’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne en vertu de la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, ainsi qu’avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui empêchent une organisation de défense de l’environnement dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues par le droit national d’engager des procédures administratives ou judiciaires au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la convention susmentionnée, aux fins de contester les actes d’une autorité compétente, adoptés dans le cadre d’une procédure administrative menée sur le fondement de dispositions de droit national mettant en œuvre cette directive.

S’agissant de la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation, menée sur le fondement d’une législation nationale mettant en œuvre la directive 2000/60 (telle que celle visée par la procédure au principal), une juridiction nationale doit interpréter son droit procédural national, dans toute la mesure du possible, conformément aux objectifs établis par cette directive (en particulier, l’article 4 et l’article 14, paragraphe 1), aux fins de permettre à une organisation de défense de l’environnement de se prévaloir de ces dispositions au cours de la procédure administrative devant l’autorité nationale.

Lorsque le droit d’une organisation de défense de l’environnement (dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues par le droit national) de contester, devant une autorité administrative ou une juridiction, des actes adoptés par l’autorité nationale compétente dans le cadre d’une procédure administrative sur le fondement de l’article 4 de la directive 2000/60, est subordonné à une participation préalable de ladite organisation à une telle procédure, cet article, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention susmentionnée et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui empêchent une telle organisation de se voir reconnaître la qualité de partie à une telle procédure.

L’article 4 de la directive 2000/60, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention susmentionnée, ainsi qu’avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles de droit procédural national qui infligent à une organisation de défense de l’environnement la perte de la qualité de partie à une procédure administrative en raison de l’absence de dépôt en temps utile, par cette organisation, d’objections dans le cadre de cette procédure, dans la mesure où ces règles ne répondent pas aux critères d’objectivité et d’équité visés à l’article 9, paragraphe 4, de cette même convention.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Cette convention a été signée à Aarhus le 25 juin 1998 et est entrée en vigueur le 30 octobre 2001. Tous les États membres revêtent la qualité de parties contractantes à cette convention. La convention d’Aarhus a été approuvée au nom de l’Union européenne en vertu de la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention d’Aarhus (JO 2005, L 124, p. 1). À compter de cette date, l’Union est également partie à cette convention.

( 3 ) Le projet visé par la procédure au principal est dénommé « projet Aichelberglift ».

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1).

( 5 ) Voir arrêt du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, ci-après l’« arrêt Lesoochranárske zoskupenie II », point 59, en particulier).

( 6 ) Voir cinquième considérant de la convention d’Aarhus.

( 7 ) Voir septième considérant de la convention d’Aarhus.

( 8 ) Voir treizième considérant de la convention d’Aarhus.

( 9 ) Voir dix-huitième considérant de la convention d’Aarhus.

( 10 ) Les activités énumérées incluent, à titre d’exemple, les activités liées au secteur de l’énergie, à la production et à la transformation des métaux, ainsi qu’à l’industrie minérale. Elles comprennent, quel qu’en soit le fondement, les activités qui ont nécessairement un effet « important » sur l’environnement. Il ressort du dossier soumis à l’appréciation de la Cour que le projet Aichelberglift n’entre pas dans le champ d’application de cette annexe.

( 11 ) Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7).

( 12 ) Voir article 2, paragraphe 1 de la directive « habitats ».

( 13 ) Voir article 3, paragraphe 1 de la directive « habitats ».

( 14 ) Voir article 6, respectivement, paragraphes 1, 2 et 3, de la directive « habitats ».

( 15 ) Voir considérant 1 de la directive-cadre sur l’eau.

( 16 ) Voir considérant 11 de la directive-cadre sur l’eau.

( 17 ) Voir considérant 14 de la directive-cadre sur l’eau.

( 18 ) Voir considérant 19 de la directive-cadre sur l’eau.

( 19 ) Voir considérant 46 de la directive-cadre sur l’eau.

( 20 ) Voir article 2, paragraphes 1 et 3, de la directive-cadre sur l’eau, respectivement.

( 21 ) Voir article 11, paragraphe 3, sous e), de la directive-cadre sur l’eau.

( 22 ) Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1).

( 23 ) Voir article 2, paragraphe 1 de la directive EIE.

( 24 ) Voir article 3 de la directive EIE.

( 25 ) Voir, respectivement, articles 6, 9 et 11 de la directive EIE.

( 26 ) Voir article 4 de la directive EIE. Il ressort du dossier soumis à l’appréciation de la Cour que le projet Aichelberglift n’entre pas dans le champ d’application de l’annexe I de la directive EIE.

( 27 ) Voir explications complémentaires au sujet de ces règles, découlant des pièces soumises à la Cour, aux points 78, 110 et 119 des présentes conclusions.

( 28 ) Le gouvernement autrichien a expliqué, lors de l’audience, que cette décision n’avait pas été contestée ; en conséquence, cette décision est devenue définitive.

( 29 ) Les explications fournies par le gouvernement autrichien lors de l’audience semblent indiquer que chaque projet doit être examiné dans le cadre de plusieurs procédures administratives, chacune aboutissant à une décision administrative. Ces procédures se déroulent, en particulier, sur la base de la législation relative à la protection de la nature et de la WRG.

( 30 ) Selon ma compréhension, l’article 42, paragraphe 1, de l’AVG prévoit deux délais différents quant au dépôt d’objections par une partie à la procédure.

( 31 ) Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, point 45.

( 32 ) Voir arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, ci-après l’« arrêt Lesoochranárske zoskupenie I », point 30), dans lequel la Cour renvoie (notamment) aux principes énoncés aux points 4 à 6 de l’arrêt du 30 avril 1974, Haegeman (181/73, EU:C:1974:41), et au point 7 de l’arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400).

( 33 ) Voir, notamment, arrêts du 18 octobre 2011, Boxus e.a. (C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667) ; du 15 janvier 2013, Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8) ; du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos (C‑260/11, EU:C:2013:221) ; du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289, ci‑après l’« arrêt Trianel »), et du 13 février 2014, Commission/Royaume‑Uni (C‑530/11, EU:C:2014:67).

( 34 ) Voir points 34 à 43 de l’arrêt Lesoochranárske zoskupenie I. Pour de plus amples développements à cet égard, consulter également l’analyse de la jurisprudence existante à l’époque dans mes conclusions dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie I (C‑240/09, EU:C:2010:436, points 43 à 57).

( 35 ) L’article 6, paragraphe 1, sous a), de la convention d’Aarhus renvoie aux projets énumérés dans l’annexe I (projets considérés a priori comme ayant un effet important sur l’environnement), alors que l’article 6, paragraphe 1, sous b), renvoie aux projets qui « peuvent avoir un effet important sur l’environnement ».

( 36 ) L’article 9, paragraphe 1, de la convention d’Aarhus porte sur les procédures d’accès à l’information en matière d’environnement. Cette disposition n’est pas pertinente en l’espèce.

( 37 ) Les projets considérés a priori comme ayant un effet important sur l’environnement et relatifs à l’eau, énumérés dans cette annexe, incluent : les centrales thermiques et nucléaires, les installations de traitement des eaux usées, les voies navigables et ports de navigation intérieure, les dispositifs de captage ou de recharge artificielle des eaux souterraines impliquant un volume annuel d’au moins 10 millions de mètres cubes d’eau, les ouvrages servant au transvasement de ressources hydrauliques entre bassins fluviaux, ainsi que les barrages et autres installations destinées à retenir les eaux ou à les stocker de façon permanente d’un volume d’au moins 10 millions de mètres cubes d’eau.

( 38 ) L’annexe I de la directive EIE comprend, en matière d’eau, des projets analogues à ceux visés à l’annexe I de la convention d’Aarhus.

( 39 ) L’article 4, paragraphe 2, de la directive EIE prévoit une obligation similaire quant aux projets tombant dans le champ d’application de son annexe II.

( 40 ) Voir La convention d’Aarhus : guide d’application (ci-après le « guide d’application de la convention d’Aarhus »), deuxième édition, 2014, p. 132 (disponible uniquement en langues anglaise, chinoise, française et russe). La Cour a estimé que le guide d’application de la convention d’Aarhus pouvait être traité comme un document explicatif, susceptible d’être pris en considération, le cas échéant, à l’instar d’autres pièces pertinentes aux fins de l’interprétation de la convention d’Aarhus [arrêt du 16 avril 2015, Gruber (C‑570/13, EU:C:2015:231, point 35)].

( 41 ) Voir guide d’application de la convention d’Aarhus, p. 133. Voir également, par analogie, l’annexe III de la directive EIE, qui énumère les critères pertinents aux fins de cette détermination.

( 42 ) Une telle évaluation déclenche l’application des articles 6 et 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus : voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, points 56 et 57. La décision de renvoi indique simplement que la demande d’autorisation formée par Aichelberglift était examinée initialement selon une procédure fondée sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » (voir point 22 des présentes conclusions).

( 43 ) Si une organisation de défense de l’environnement est privée de la possibilité de former un recours contre une telle évaluation, cette dernière est dépourvue d’effet obligatoire à l’égard de l’organisation en cause ; celle-ci peut contester les résultats de l’évaluation dans le cadre d’un recours dirigé contre ladite évaluation ou contre toute décision ultérieure octroyant une autorisation au projet concerné. Voir, par analogie, arrêt du 16 avril 2015, Gruber (C‑570/13, EU:C:2015:231, points 44 et 51). Dans une telle situation, les effets de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus peuvent donc s’étendre au-delà de la procédure dans le cadre de laquelle cette disposition trouve initialement à s’appliquer, bien que l’évaluation effectuée au cours de cette procédure ait abouti à la conclusion qu’il n’y avait pas d’effet important sur l’environnement au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b).

( 44 ) Il en est ainsi, car cette évaluation préalable était soumise à l’application de l’article 6 et de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus. Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, points 56 et 57.

( 45 ) Dernièrement, dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie II.

( 46 ) Voir arrêt du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 43).

( 47 ) À cet effet, voir arrêt du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 31). Soulignement ajouté par mes soins.

( 48 ) Voir arrêt du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 50).

( 49 ) Voir arrêt du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 70).

( 50 ) Voir arrêt du 19 janvier 1982, Becker (8/81, EU:C:1982:7, point 25).

( 51 ) S’agissant de l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE, la Cour a estimé que la circonstance que les États membres disposent d’une marge d’appréciation n’exclut pas un tel effet direct. Voir arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404, point 59).

( 52 ) Dans le contexte de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), lu conjointement avec l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 2, de cette même directive ; voir arrêt du 7 janvier 2004, Wells (C‑201/02, EU:C:2004:12, points 64 à 66). Dans le contexte de l’article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1) ; voir arrêt du 7 mars 1996, Associazione Italiana per il WWF e.a. (C‑118/94, EU:C:1996:86, point 19).

( 53 ) Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, point 44.

( 54 ) Voir arrêt du 17 octobre 1991, Commission/Allemagne (C‑58/89, EU:C:1991:391, point 14). Dans le même esprit, voir également arrêts du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C‑59/89, EU:C:1991:225, point 19) ; du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C‑361/88, EU:C:1991:224, point 16) ; du 12 décembre 1996, Commission/Allemagne (C‑298/95, EU:C:1996:501, point 16) ; du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 66) ; du 25 juillet 2008, Janecek (C‑237/07, EU:C:2008:447, point 37), et du 19 novembre 2014, ClientEarth (C‑404/13, EU:C:2014:2382, points 55 et 56).

( 55 ) Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, point 44.

( 56 ) Mme l’avocat général Kokott est parvenue à la même conclusion dans l’affaire Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:60, point 141).

( 57 ) Voir article 25 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17) et article 11 de la directive EIE.

( 58 ) Voir directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337/CEE et 96/61/CE [du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution] du Conseil (JO 2003, L 156, p. 17).

( 59 ) Soulignement ajouté par mes soins. Eu égard aux explications fournies par la juridiction de renvoi, je comprends que le reste de l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau (établissant le droit d’être informé et de soumettre des observations) n’est pas pertinent en l’espèce.

( 60 ) Voir arrêts Lesoochranárske zoskupenie I (point 45) et du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht (C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 59).

( 61 ) À cet effet, voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie I, point 47 ; dans un contexte différent, voir également arrêt du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 46).

( 62 ) Cet article édicte une obligation d’assurer « [u]n niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité » et d’intégrer ces objectifs dans les politiques de l’Union.

( 63 ) Voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2014:2324, point 6). Comme indiqué récemment dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Malte (C‑557/15, EU:C:2017:613), non encore jugée, je suis totalement en accord avec M. l’avocat général Jääskinen lorsque celui-ci souligne cet important développement.

( 64 ) Les autres objectifs de cette directive ont été évoqués aux points 53 et 54 des présentes conclusions.

( 65 ) Voir guide d’application de la convention d’Aarhus, p. 198.

( 66 ) C‑263/08, EU:C:2009:421, points 73 et 74, en particulier.

( 67 ) J’avais suggéré que ces conditions pouvaient essentiellement être de deux types. En premier lieu, il pouvait s’agir de conditions relatives au respect de règles nationales concernant l’inscription, la constitution ou la reconnaissance d’associations, dont l’objet est de faire constater juridiquement l’existence de ces organisations en droit interne. En second lieu, il pouvait s’agir de conditions relatives à l’activité des organisations et au lien que celles-ci sont censées présenter avec la défense légitime d’intérêts en matière d’environnement. On ne saurait accepter des conditions dont la définition est tellement ambiguë ou lacunaire qu’elles en viennent à engendrer de l’insécurité ou des résultats discriminatoires. Il y a lieu a fortiori d’écarter toute restriction ayant pour effet d’entraver, plutôt que de faciliter, l’accès des organisations de défense de l’environnement aux procédures administratives et judiciaires.

( 68 ) Par analogie, voir arrêt du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, EU:C:2001:356, point 53). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’expression « conformément aux conditions […] prévues par les législations […] nationales » visée dans une directive conférant aux travailleurs le droit à un congé payé devait être interprétée comme suit : « il est donc loisible [aux États membres] de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, en précisant les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent faire usage dudit droit dont ils bénéficient au titre de l’intégralité des périodes de travail accomplies, sans toutefois pouvoir subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même de ce droit […] ».

( 69 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Trianel (C‑115/09, EU:C:2010:773, point 77).

( 70 ) Par analogie, il convient de se référer au raisonnement de la Cour dans des affaires dans le cadre desquelles celle-ci a examiné l’exclusion de la qualité pour agir des voisins du projet (arrêt du 16 avril 2015, Gruber, C‑570/13, EU:C:2015:231) et des organisations de défense de l’environnement reconnues comptant moins de 2000 adhérents (arrêt du 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening, C‑263/08, EU:C:2009:631). S’agissant de cette seconde affaire, il convient de souligner que seules deux associations de protection de l’environnement en Suède comportaient autant de membres à l’époque concernée, de telle sorte que cette règle avait virtuellement pour effet de priver la totalité de ces organisations d’un accès aux cours et tribunaux.

( 71 ) Voir arrêt du 12 mai 2011, Trianel (C‑115/09, EU:C:2011:289, point 46).

( 72 ) Sur ce point, voir Stone, C. D., Should trees have standing ?, Oxford University Press, Oxford, 3e édition, 2010.

( 73 ) À la lecture des observations du gouvernement autrichien, il me semble que même si une organisation de défense de l’environnement achetait une parcelle de terrain jouxtant le site du projet, ladite organisation ne pourrait invoquer qu’une violation des dispositions (éventuelles) portant sur la protection de ses droits matériels en tant que propriétaire du terrain en question.

( 74 ) C‑263/08, EU:C:2009:421, points 59 à 65.

( 75 ) Le guide d’application de la convention d’Aarhus énonce ce qui suit : « Le but de la [convention d’Aarhus] est de donner une très grande latitude pour la définition des associations de défense de l’environnement pouvant avoir accès à la justice. […] les [p]arties ne sont pas tenues d’établir un système d’action populaire (actio popularis) de sorte que quiconque puisse contester toute décision, acte ou omission concernant l’environnement » (p. 198).

( 76 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos (C‑260/11, EU:C:2013:221, point 40).

( 77 ) Voir conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie II (C‑243/15, EU:C:2016:491, point 48).

( 78 ) Voir Cour EDH, 28 novembre 2013, Österreichische Vereinigung zur Erhaltung, Stärkung und Schaffung c. Autriche, CE:ECHR:2013:1128JUD003953407, point 34.

( 79 ) Voir point 74 des présentes conclusions.

( 80 ) À cet effet, voir arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, points 30 à 37), ainsi que mes conclusions dans cette affaire (EU:C:2013:747, points 44 à 46).

( 81 ) Voir arrêts du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 45) ; du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 95), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 73).

( 82 ) À cet effet, voir arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 17), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 49).

( 83 ) Par analogie, voir arrêts Lesoochranárske zoskupenie II (point 52) et du 6 octobre 2015, Delvigne (C‑650/13, EU:C:2015:648, point 33).

( 84 ) Voir, a contrario, arrêt du 27 juin 2013, Agrokonsulting-04 (C‑93/12, EU:C:2013:432, points 59 et 60) ; voir également arrêts du 23 octobre 2014, Olainfarm (C‑104/13, EU:C:2014:2316, points 34 à 40), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, points 34 à 41).

( 85 ) Voir arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, points 72 et 73).

( 86 ) Voir jurisprudence citée dans les présentes conclusions. Voir également, parmi d’autres, arrêt du 22 septembre 1988, Land de Sarre e.a. (187/87, EU:C:1988:439, points 14 à 20). Cette affaire portait sur l’interprétation de l’article 37 du traité Euratom, concernant la question de savoir si un projet de rejet d’effluents radioactifs sous n’importe quelle forme « est susceptible d’entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre ». Confrontés à la nécessité de trancher entre une interprétation littérale et une interprétation plus extensive et téléologique de cette disposition, tant la Cour que l’avocat général ont fait le choix de cette seconde option (voir conclusions de l’avocat général Slynn dans cette affaire, 187/87, non publiées, EU:C:1988:291).

( 87 ) Voir point 48 des présentes conclusions.

( 88 ) Voir arrêt du 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening (C‑263/08, EU:C:2009:631, point 38).

( 89 ) Voir, notamment, article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO 2003, L 41, p. 26) ; article 13 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JO 2004, L 143, p. 56) ; article 25 de la directive 2010/75 ; article 11 de la directive EIE, ainsi qu’article 23 de la directive 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil (JO 2012, L 197, p. 1).

( 90 ) Soulignement ajouté par mes soins.

( 91 ) Voir, par analogie, arrêts du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 32), et du 4 mai 2016, Commission/Autriche (C‑346/14, EU:C:2016:322, point 53).

( 92 ) Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie II, points 69 et 70.

( 93 ) Voir, notamment, en matière d’aides d’État, arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 51) ; s’agissant de la fixation de quotas, dans un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, voir arrêt du 29 mars 2012, Commission/Estonie (C‑505/09 P, EU:C:2012:179, point 86) ; dans le contexte d’une procédure préjudicielle, voir arrêt du 20 octobre 2011, Interedil (C‑396/09, EU:C:2011:671, point 20) ; dans le cadre d’une procédure en matière de concurrence, voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2010:377, point 35).

( 94 ) Voir points 55 à 58 des présentes conclusions.

( 95 ) Par analogie, voir conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Lesoochranárske zoskupenie II (C‑243/15, EU:C:2016:491, point 51).

( 96 ) Voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie I, point 50.

( 97 ) Par analogie, voir conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:253, point 70).

( 98 ) Voir point 78 des présentes conclusions.

( 99 ) Je rappelle que l’article 42 de l’AVG définit la notion de « temps utile » de la manière suivante : au plus tard le jour précédant le début des débats oraux ou au cours de la séance de débats oraux (voir point 19 des présentes conclusions).

( 100 ) Voir point 78 des présentes conclusions.

( 101 ) La deuxième question préjudicielle traite déjà d’une situation dans laquelle une organisation de défense de l’environnement ne peut pas se voir reconnaître la qualité de partie à une procédure administrative.

( 102 ) À la lecture des explications fournies par la juridiction de renvoi, il semble que l’autorité administrative du district de Gmünd ait estimé que Protect ne bénéficiait pas de la qualité de partie à la procédure, alors que le Landesverwaltungsgericht Niederösterreich (tribunal administratif régional de Basse-Autriche) a considéré que Protect avait perdu cette qualité conformément à l’article 42 de l’AVG. Voir points 24 et 25 des présentes conclusions.

( 103 ) Voir arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 74) ; dans cet arrêt, la Cour constate que l’article 47 de la Charte implique que le droit à un recours juridictionnel effectif ne peut pas être compromis par une condition préalable à l’introduction d’un recours juridictionnel.

( 104 ) Voir arrêt du 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt (C‑348/15, EU:C:2016:882, point 41 et jurisprudence citée).

( 105 ) Le guide d’application de la convention d’Aarhus confirme cette conclusion, voir p. 202.

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