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Document 62015CC0557

    Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 26 juillet 2017.
    Commission européenne contre République de Malte.
    Manquement d’État – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Capture et détention d’individus vivants – Espèces appartenant à la famille des fringillidés – Interdiction – Régime dérogatoire national – Pouvoir de dérogation des États membres – Conditions.
    Affaire C-557/15.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:613

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    MME ELEANOR SHARPSTON

    présentées le 26 juillet 2017 ( 1 )

    Affaire C‑557/15

    Commission européenne

    contre

    République de Malte

    « Manquement d’État – Conservation des oiseaux sauvages – Directive 2009/147/CE – Régime dérogatoire autorisant la capture d’individus vivants de certaines espèces d’oiseaux chanteurs »

    1.

    Dans le cadre de la présente procédure en manquement, la Commission soutient que la législation maltaise, qui autorise la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages ( 2 ), contrevient à la directive 2009/147/CE ( 3 ) et que la réglementation nationale en cause n’est pas couverte par la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, autorisant dans certains cas la capture d’individus de certaines espèces. Ainsi que la Cour me l’a demandé, je me bornerai dans les présentes conclusions à examiner l’interprétation de la condition exigeant qu’« il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » et de l’expression « exploitation judicieuse » utilisée à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », qui pose un problème de droit nouveau.

    La directive « oiseaux »

    2.

    Les considérants 3 à 5, 7 et 12 de la directive « oiseaux » énoncent :

    « (3)

    Sur le territoire européen des États membres, un grand nombre d’espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage subissent une régression de leur population, très rapide dans certains cas, et cette régression constitue un danger sérieux pour la conservation du milieu naturel, notamment à cause des menaces qu’elle fait peser sur les équilibres biologiques.

    (4)

    Les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres sont en grande partie des espèces migratrices. De telles espèces constituent un patrimoine commun et la protection efficace des oiseaux est un problème d’environnement typiquement transfrontalier qui implique des responsabilités communes.

    (5)

    La conservation des espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres est nécessaire à la réalisation des objectifs de [l’Union] dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie et du développement durable.

    […]

    (7)

    La conservation a pour objet la protection à long terme et la gestion des ressources naturelles en tant que partie intégrante du patrimoine des peuples européens. […]

    […]

    (12)

    En raison de l’importance que peuvent revêtir certaines situations spécifiques, il y a lieu de prévoir une possibilité de dérogation, sous certaines conditions, assortie d’une surveillance par la Commission. »

    3.

    L’article 1er de la directive « oiseaux » précise que cette directive « concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable » et qu’« [e]lle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation ».

    4.

    L’article 2 de la directive « oiseaux » dispose que « [l]es États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles ».

    5.

    L’article 5 de ladite directive énonce :

    « Sans préjudice des articles 7 et 9, les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er et comportant notamment l’interdiction :

    a)

    de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ;

    […]

    e)

    de détenir les oiseaux des espèces dont la chasse et la capture ne sont pas permises. »

    6.

    L’article 8 de la directive « oiseaux » interdit, en ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d’oiseaux dans le cadre de ladite directive, « le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, point a) ».

    7.

    L’un des moyens, installations ou méthodes interdits, visé à la disposition sous a), quatrième tiret, de l’annexe IV de la directive « oiseaux », est l’utilisation de « filets, pièges-trappes, appâts empoisonnés ou tranquillisants ».

    8.

    Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » :

    « 1.   Les États membres peuvent déroger aux articles 5 à 8 s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après :

    a)

    dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques,

    dans l’intérêt de la sécurité aérienne,

    pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux,

    pour la protection de la flore et de la faune ;

    b)

    pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions ;

    c)

    pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités. »

    9.

    En vertu de l’article 9, paragraphe 2, de la directive « oiseaux », la dérogation visée à l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci doit mentionner :

    « a)

    les espèces qui font l’objet des dérogations ;

    b)

    les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés ;

    c)

    les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises ;

    d)

    l’autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en œuvre, dans quelles limites et par quelles personnes ;

    e)

    les contrôles qui seront opérés ».

    10.

    L’article 9, paragraphe 3, de la directive « oiseaux » impose aux États membres d’adresser à la Commission chaque année un rapport sur l’application de son article 9, paragraphes 1 et 2.

    11.

    L’article 9, paragraphe 4, de la directive « oiseaux » fait obligation, à la Commission, de « veille[r] constamment », au vu des informations dont elle dispose, et notamment de celles qui lui sont communiquées en vertu de l’article 9, paragraphe 3, « à ce que les conséquences des dérogations visées [à l’article 9,] paragraphe 1[,] ne soient pas incompatibles avec [cette] directive ». La Commission est tenue de prendre « les initiatives appropriées » à cet égard.

    Le droit maltais

    Le Legal Notice 253 of 2014

    12.

    Le Legal Notice 253 of 2014 ( 4 ) concernant la conservation des oiseaux sauvages est un acte de portée générale qui définit le cadre général de la dérogation ouvrant une saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés.

    13.

    La règle 2, paragraphe 2, dudit décret législatif définit le « lieu de capture d’individus vivants » comme « l’emprise au sol, à l’intérieur du site de capture d’individus vivants, contenant au plus deux paires de clap-nets horizontaux par lieu de capture d’individus vivants, la surface de chacun des filets n’excédant pas 38 mètres carrés, le lieu de capture d’individus vivants pouvant être enregistré sous le nom d’un ou plusieurs titulaires d’une licence et les contours de chaque paire de clap-nets étant clairement indiqués sur le plan de site approuvé ».

    14.

    La règle 3, paragraphe 1, du décret législatif 253 de 2014 dispose que « [l]es fringillidés peuvent uniquement être capturés à l’aide de filets traditionnels connus sous le nom de “clap-nets” en vue exclusivement de leur maintien en captivité [ ( 5 )], y compris à des fins de présentation en foire ou en exposition, d’élevage et, ou [ ( 6 )] d’utilisation en tant qu’appelants vivants, conformément aux conditions exposées dans les présentes règles ». La suite de ladite règle 3 énonce un certain nombre d’exigences concernant les clap-nets ainsi qu’une obligation de « baguer » les oiseaux capturés, à l’aide de bagues à usage unique.

    15.

    La règle 4 dudit décret législatif précise :

    « […] la durée d’une saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés sera au plus de soixante-treize (73) jours d’octobre à décembre d’une même année pour laquelle le ministre peut décider de l’ouverture d’une saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés par la voie d’un avis au Journal officiel :

    Étant entendu que, lors de l’ouverture d’une saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés, le ministre constate qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive [“oiseaux”], et tient compte du maintien à un niveau suffisant de la population des espèces concernées ainsi que des plafonds prévus à l’annexe II :

    Étant entendu, en outre, que lors de l’établissement de la durée d’une saison de capture automnale d’individus vivants de la famille des fringillidés, le ministre fixe la limite de capture saisonnière générale pour chaque espèce de fringillidés et la limite de capture saisonnière individuelle pour chaque licence, et décide également d’introduire ou non des limites de capture journalières pour chaque licence pour la saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés en question. »

    16.

    La règle 5 du décret législatif 253 de 2014 édicte l’exigence selon laquelle, pour pouvoir capturer des individus vivants des sept espèces, il faut être titulaire d’une « licence de capture automnale d’individus vivants de fringillidés » délivrée par l’autorité compétente (la Wild Birds Regulation Unit, unité de régulation des oiseaux sauvages). L’octroi de la licence est subordonné à l’approbation des sites et lieux de capture d’individus vivants concernés.

    17.

    La règle 8 de ce décret législatif porte sur les mesures de surveillance au cours de la saison de capture d’individus vivants de fringillidés. Elle prévoit des contrôles sur place par la police et que sept agents, au moins, par tranche de 1000 licences délivrées seront affectés à cette tâche.

    18.

    L’annexe I du décret législatif 253 de 2014 consiste en une liste des sept espèces de fringillidés qui relèvent du champ d’application dudit décret législatif ( 7 ).

    19.

    L’annexe II de ce même décret législatif dispose :

    « Lorsqu’il établit le nombre total de fringillidés qui peuvent être capturés vivants durant une saison automnale de capture d’individus vivants, le ministre doit fixer la limite de capture totale à moins de 1 % de la mortalité annuelle totale de la population de référence de chaque espèce sur le territoire de l’Union européenne, sur la base des données scientifiques les plus récentes issues du contrôle des bagues.

    Étant entendu que la limite de capture maximale pour une dérogation automnale de capture d’individus vivants de fringillidés ne peut, en aucun cas, dépasser les chiffres suivants : […]. »

    20.

    Dans le tableau qui suit immédiatement, les « limites de capture nationales par espèce » sont fixées comme suit : linotte mélodieuse 12000 ; chardonneret élégant 800 ; verdier d’Europe 4500 ; tarin des aulnes 2350 ; gros-bec casse‑noyaux 500 ; pinson des arbres 5000, et serin cini 2350.

    21.

    Le dernier alinéa de l’annexe II précise que ces plafonds « seront révisés et mis à jour par le ministre, par la voie d’un avis publié au Journal officiel, en tenant compte du statut de conservation des sept espèces concernées et du maintien de la population des espèces à un niveau satisfaisant ».

    Les Legal Notices 250 of 2014, 330 of 2015 et 322 of 2016

    22.

    Le Legal Notice 250 of 2014 ( 8 ), le Legal Notice 330 of 2015 ( 9 ) et le Legal Notice 322 of 2016 ( 10 ) sont des actes adoptés par le ministre maltais du Développement durable, de l’Environnement et du Changement climatique afin de mettre en œuvre le décret législatif 253 de 2014, le premier d’entre eux ayant été adopté le même jour que l’acte qu’il vise à mettre en œuvre. La règle 3 du décret législatif 250 de 2014 fixe les dates de la saison automnale de capture d’individus vivants de l’année 2014 comme allant du 20 octobre 2014 au 31 décembre 2014, ces deux dates y comprises (73 jours).

    23.

    La règle 5, paragraphe 1, du décret législatif 250 de 2014 fixe par ailleurs la limite de capture saisonnière générale pour la saison automnale de capture d’individus vivants de l’année 2014 (c’est-à-dire « la quantité totale d’oiseaux pouvant être capturés en vertu de l’ensemble cumulé des licences délivrées ») pour chaque espèce à un chiffre strictement identique à la limite nationale globale (maximale) de capture fixée par le décret législatif 253 de 2014.

    24.

    La règle 5, paragraphe 2, du décret législatif 250 de 2014 précise que la licence de capture automnale d’individus vivants pour 2014 « fixe la limite de capture pour la saison de capture d’individus vivants à dix (10) fringillidés par licence automnale de capture d’individus vivants ou au nombre d’individus capturés avant la fin de la saison si celui-ci est inférieur à la limite ».

    25.

    Les décrets législatifs 330 de 2015 et 322 de 2016 mettent le décret législatif 253 de 2014 en œuvre en vue d’ouvrir une saison de capture automnale d’individus vivants, respectivement, en 2015 et 2016. Leur structure, la limite nationale globale de capture et les autres dispositions prises sont identiques à celles du décret législatif 250 de 2014.

    Les faits et la procédure

    26.

    Avant l’adhésion de la République de Malte à l’Union européenne, au cours de l’année 2004, la capture de fringillidés en vue de leur détention en captivité était de longue date une activité traditionnelle à Malte. Lors des négociations d’adhésion, la République de Malte a négocié et obtenu, à titre transitoire, une dérogation à la directive « oiseaux » en ce qui concerne le piégeage des fringillidés, jusqu’au 31 décembre 2008. À compter du 1er janvier 2009, le piégeage des fringillidés était interdit à Malte. Il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour si, dans les faits, la pratique de la capture de fringillidés a cessé durant cette période. Il est constant que les autorités maltaises ont lancé un programme d’élevage en captivité, d’une portée assez limitée, et qu’il y a été mis fin à l’expiration de la période de transition prévue par l’acte adhésion ( 11 ).

    27.

    Avant les élections qui ont eu lieu au cours du mois de mars 2013, le parti d’opposition d’alors (Partit Laburista, ci-après le « PL ») et la Federation for Hunting and Conservation – Malta (Fédération pour la chasse et la conservation – Malte, ci-après la « FKNK ») ont publié une déclaration commune, promettant que, dans l’hypothèse où le PL arriverait au pouvoir, ils coopéreraient en vue, entre autres, d’appliquer une « dérogation correcte » en ce qui concernait la capture traditionnelle de fringillidés à Malte. Le PL ayant effectivement remporté les élections, la FKNK a, au cours du mois d’août 2013, soumis au Malta Ornis Committee (Comité ornithologique maltais) une proposition d’autorisation du piégeage de fringillidés en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ». Par la suite, les autorités maltaises ont entamé des discussions avec la Commission.

    28.

    La Commission et les autorités maltaises se sont réunies à plusieurs reprises au cours du premier semestre 2014. Au mois d’avril 2014, les autorités maltaises ont présenté une note technique (Technical Memorandum) exposant les modalités de la dérogation qu’elles comptaient introduire.

    29.

    Le 16 juin 2014, la Commission a adressé à la République de Malte une demande par le biais du système EU Pilot, résumant sa position. La Commission y indiquait que, selon elle, la dérogation projetée ne satisfaisait pas aux conditions de l’article 9 de la directive « oiseaux ». Le 15 juillet 2014, la République de Malte a néanmoins adopté les décrets législatifs 250 et 253 de 2014, autorisant la capture de fringillidés. Le 25 août 2014, les autorités maltaises ont répondu à la demande de la Commission en affirmant que la dérogation était bien justifiée au regard de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    30.

    Le 17 octobre 2014, la Commission a adressé une mise en demeure à la République de Malte, à laquelle cette dernière a répondu le 14 novembre 2014 en réaffirmant sa position.

    31.

    Le 15 mai 2015, les autorités maltaises ont adressé à la Commission un rapport sur les résultats de la saison 2014 de « capture automnale d’individus vivants ». Les informations y figurant ont renforcé la Commission dans son opinion que le régime dérogatoire en vigueur à Malte n’était pas conforme à la directive « oiseaux », dès lors que ses modalités ne répondaient pas aux conditions de dérogation prévues à l’article 9 de ladite directive ; par conséquent, la République de Malte n’avait pas respecté les interdictions édictées aux articles 5 et 8 de la directive « oiseaux ». Le 28 mai 2015, la Commission a émis un avis motivé, auquel la République de Malte a répondu le 28 juillet 2015, en réitérant la position qu’elle avait exposée dans sa réponse à la mise en demeure.

    32.

    Le 30 octobre 2015, la Commission a introduit le présent recours, visant à faire :

    déclarer qu’en ayant adopté un régime dérogatoire autorisant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés sauvages ( 12 ), la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5, sous a) et e), et de l’article 8, paragraphe 1, en liaison avec l’annexe IV, sous a), lues en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ;

    condamner la République de Malte aux dépens.

    33.

    Une audience a eu lieu le 15 février 2017, au cours de laquelle la Commission et la République de Malte ont été entendues en leurs plaidoiries.

    Sur l’argumentation des parties

    34.

    À l’appui de son recours, la Commission avance cinq moyens, dont deux nous intéressent dans le cadre des présentes conclusions. Elle soutient, premièrement, que la République de Malte n’a pas démontré qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, comme l’exige la formule introductive de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ». Deuxièmement, la République de Malte n’a pas démontré, selon la Commission, que l’activité autorisée constitue une « exploitation judicieuse » au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.

    35.

    La République de Malte affirme que sa dérogation est fondée sur l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » et qu’elle est parfaitement conforme à cette disposition.

    Appréciation

    Observations liminaires

    36.

    Bien que ces conclusions n’aient pas pour vocation de couvrir l’ensemble des cinq moyens invoqués par la Commission, il est d’après moi néanmoins important de relever un certain nombre d’éléments de fait afférents à l’autorisation maltaise de capturer des individus des sept espèces de fringillidés, qui ne sont pas contestés entre les parties.

    37.

    Premièrement, la limite de capture saisonnière générale pour chaque espèce de fringillidés est fixée avant le début de la saison de capture automnale d’individus vivants ; ellea été fixée, pour chaque espèce, à un niveau strictement identique en 2014, 2015 et 2016. Il semble intrinsèquement improbable qu’il n’y ait eu absolument aucune variation, d’une année sur l’autre, du nombre de fringillidés de chacune des sept espèces qui, au cours de leur migration, survolent Malte ( 13 ). Deuxièmement, la limite de capture saisonnière générale prévue par le droit maltais est de 27500 fringillidés ( 14 ). Étant donné que plus de 4000 licences ont été délivrées et que chaque licence permet à son titulaire de capturer jusqu’à dix fringillidés, il s’ensuit que – sauf s’il est mis fin aux captures dès que la limite de capture saisonnière générale est atteinte et que la surveillance par les autorités est efficace – le nombre total d’individus capturés par saison est potentiellement plus proche de 40000 fringillidés que de 27500.

    38.

    Troisièmement, chaque titulaire d’une licence est autorisé à faire enregistrer un « lieu de capture d’individus vivants » équipé de, « au plus[,] deux paires de clap-nets horizontaux par lieu de capture d’individus vivants, la surface de chacun des filets n’excédant pas 38 mètres carrés» ( 15 ). La surface totale des filets déployés semble donc être de 152 mètres carrés ( 16 ). La saison de capture automnale d’individus vivants dure 73 jours ( 17 ). Comme le nombre de fringillidés dont la capture est autorisée est de dix par licence, il en résulte qu’une surface totale de filet de 152 mètres carrés est autorisée afin de capturer en moyenne un oiseau seulement par semaine tout au long de la saison de capture automnale d’individus vivants, qui s’étend sur 73 jours.

    39.

    Enfin, tandis que l’objectif déclaré de la capture d’oiseaux autorisée par la législation maltaise est exclusivement leur maintien en captivité, la République de Malte déclare elle-même que la capture de fringillidés sauvages n’est pas nécessaire pour maintenir la diversité génétique des oiseaux élevés en captivité. Il semble que, pour des raisons scientifiques, l’importation d’autres fringillidés élevés en captivité soit plus appropriée à cette fin ( 18 ). La République de Malte a ainsi expressément renoncé à recourir à la dérogation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » aux fins de l’objectif précis et limité prévu par l’acte d’adhésion ( 19 ).

    40.

    La législation maltaise autorise donc manifestement la capture d’oiseaux sauvages au moyen de clap-nets et leur détention consécutive. Chacun de ces faits est interdit en application de l’article 5, sous a) et e), et de l’article 8, paragraphe 1, lu en liaison avec l’annexe IV, sous a), de la directive « oiseaux ». Déterminer si la République de Malte a effectivement enfreint les dispositions précitées dépend donc du point de savoir si sa législation satisfait aux conditions strictes édictées à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    41.

    Ces conditions sont les suivantes : i) il ne doit pas exister d’alternative satisfaisante à l’activité visée par la dérogation ; ii) la dérogation doit autoriser « la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse » ; iii) l’activité doit s’effectuer dans des conditions strictement contrôlées, iv) de manière sélective, et v) ne concerner que de petites quantités d’oiseaux.

    42.

    D’emblée, selon moi, les faits que je viens d’exposer montrent clairement que la législation maltaise ne peut pas être considérée comme une dérogation autorisée par l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    La directive « oiseaux » – principes d’interprétation

    43.

    Comme l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer l’a souligné, la directive « oiseaux » part d’une prémisse inquiétante : la régression de la population d’un certain nombre d’oiseaux sauvages vivant naturellement sur le territoire européen des États membres ( 20 ). Cette situation constitue « un danger sérieux pour la conservation du milieu naturel, notamment à cause des menaces qu’elle fait peser sur les équilibres biologiques» ( 21 ), sachant en outre que « [l]a conservation des espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres est nécessaire à la réalisation des objectifs de [l’Union] dans les domaines de l’amélioration des conditions de vie et du développement durable» ( 22 ).

    44.

    Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, l’exigence de principe d’« un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement », édictée à l’article 3, paragraphe 3, TUE, est devenue l’un des objectifs directeurs du droit de l’Union. Ce même principe est également inscrit à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 23 ), laquelle – là aussi, en conséquence de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – fait partie du droit primaire de l’Union et doit être considérée comme un outil d’interprétation du droit dérivé ( 24 ).

    45.

    Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un État membre entend faire usage d’une possibilité de dérogation prévue par le droit de l’Union, son action relève de la mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte et que, par voie de conséquence, la compatibilité de cette action avec les droits fondamentaux doit être examinée à la lumière des principes généraux du droit de l’Union ainsi que des droits et principes fondamentaux énoncés dans la Charte ( 25 ).

    46.

    La directive « oiseaux » a pour objectif de protéger les oiseaux – non d’en réglementer la chasse ou la capture. Il faut garder cela à l’esprit au moment de déterminer le point d’équilibre entre la protection de l’environnement – objectif premier de la directive « oiseaux » – et les autres intérêts cités à son article 2 (notamment ceux de nature économique ou récréative).

    47.

    L’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ne donne pas carte blanche aux États membres pour édicter une dérogation. Ils ne sont autorisés à le faire que dans la mesure où cela s’avère strictement nécessaire et à condition que les autres objectifs poursuivis par la directive ne soient pas mis en péril ( 26 ). Plus particulièrement l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ne saurait être interprété d’une manière qui, d’exception, le transformerait en règle. Une telle interprétation aurait pour effet de vider les obligations de principe édictées aux articles 1er et 2 ( 27 ) dans une large mesure de leur portée.

    48.

    Il s’ensuit qu’il faut adopter aux fins de l’exercice d’interprétation des deux formules clés, « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » et « la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse », l’approche qui sera la plus favorable à l’objectif de protection ( 28 ).

    49.

    Telles que je les comprends, les différentes catégories de dérogation prévues aux dispositions sous a), b) et c) de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ne sont pas conçues pour servir de base à une pratique large et généralisée de dérogation au principe général de protection. Au contraire, elles ont pour but de permettre aux États membres de répondre à des exigences précises et à des situations ponctuelles ( 29 ) lorsqu’il est dans l’intérêt général que la règle normale (la protection des oiseaux sauvages) s’efface devant une autre nécessité impérieuse. Le libellé du considérant 12 de la directive « oiseaux » confirme cette interprétation.

    50.

    En tant que dérogation aux principes généraux de protection édictés par la directive « oiseaux », l’article 9 de celle-ci est d’interprétation stricte ( 30 ) et si un État membre entend s’en prévaloir, il doit établir que les conditions de son application sont remplies ( 31 ). Il appartient dès lors à la République de Malte d’apporter les preuves nécessaires justifiant qu’elle recoure à cette dérogation ( 32 ).

    51.

    À ce stade, il y a lieu de rappeler que les États membres sont tenus de garantir que toute intervention touchant à des espèces protégées ne soit autorisée que sur la base de décisions comportant une motivation précise et adéquate se référant aux motifs, conditions et exigences prévus à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive « oiseaux» ( 33 ). Sans ces informations détaillées sur tous les éléments pertinents d’une dérogation, la Commission ne serait pas en mesure de surveiller et d’assurer « constamment » que l’État membre se conforme à ladite directive, comme l’exige l’article 9, paragraphe 4, de celle-ci.

    52.

    Ainsi qu’il ressort de l’article 9 de la directive « oiseaux » lui-même (lequel soumet la mise en œuvre de la dérogation à des conditions détaillées et très restrictives) ainsi que du principe général de proportionnalité, la dérogation projetée doit être proportionnée aux besoins qui la justifient ( 34 ). Il est ainsi de jurisprudence constante que, en ce qui concerne la possibilité de déroger au régime restrictif de la chasse prévue à l’article 9 de la directive « oiseaux » (ainsi qu’aux autres restrictions et interdictions visées aux articles 5, 6 et 8 de ladite directive), celle-ci est soumise à la condition de répondre aux critères précis de forme énumérés au paragraphe 2 dudit article qui ont pour objet de limiter les dérogations au strict nécessaire et d’en permettre la surveillance par la Commission ( 35 ).

    53.

    Voici le contexte dans lequel s’inscrit l’examen des premier et troisième moyens invoqués par la Commission auquel je vais procéder à présent.

    Sur le premier moyen : « il n’existe pas d’autre solution satisfaisante »

    54.

    La Commission soutient que la République de Malte n’a pas démontré qu’« il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux », que la capture de fringillidés sauvages afin de répondre au « problème » ou à la « situation ponctuelle » que la législation maltaise vise à résoudre, à savoir se procurer des fringillidés afin de les maintenir en captivité. Selon la Commission, la République de Malte n’a notamment pas démontré que l’élevage en captivité n’est pas une solution satisfaisante.

    55.

    La République de Malte, au contraire, affirme qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante.

    56.

    Dans le cadre de la présente procédure en manquement, il existe un désaccord fondamental entre la Commission et la République de Malte quant au but de la dérogation maltaise concernant la capture de fringillidés. Tandis que la Commission considère que la dérogation permet la capture de fringillidés exclusivement en vue de leur maintien en captivité pour en faire différents usages récréatifs, la République de Malte fait valoir que ce but comprend également la capture elle-même en tant que fin en soi.

    57.

    La Cour s’abstient d’interpréter le droit national dans le cadre d’un renvoi préjudiciel ( 36 ). En revanche, la nature même du recours en manquement impose à la Cour d’apprécier si, en adoptant ou en maintenant certaines dispositions de droit national, l’État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union.

    58.

    D’une lecture de la législation maltaise suivant le sens ordinaire des mots, il ressort que le but de la dérogation est celui invoqué par la Commission.

    59.

    Premièrement, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé ( 37 ). Le cadre juridique national à prendre en considération est dès lors celui défini par les lois et actes réglementaires en vigueur à ce moment-là.

    60.

    Deuxièmement, dans le cadre d’une procédure en manquement, la Cour doit fonder son analyse d’abord et avant tout sur une lecture littérale du texte de la législation nationale ( 38 ). À cet égard, j’observe qu’il est constant que le décret législatif 253 de 2014, qui constitue la base légale de la dérogation, a été promulgué afin d’autoriser la capture de fringillidés « en vue exclusivement de leur maintien en captivité [ ( 39 )], y compris à des fins de présentation en foire ou en exposition, d’élevage et/ou d’utilisation en tant qu’appelants vivants, conformément aux conditions exposées dans les présentes règles ».

    61.

    Une description essentiellement identique se trouve dans la note technique officielle établie au cours de l’année 2014 par l’unité de régulation des oiseaux sauvages maltaise ; elle reprend par ailleurs en substance les termes utilisés dans l’alinéa introductif de l’annexe XI, point 10 (« Environnement »), D (« Protection de la nature »), de l’acte d’adhésion ( 40 ). On remarquera, enfin, que la FKNK (l’un des deux promoteurs de la réintroduction du piégeage de fringillidés) ( 41 ) a confirmé dans sa note sur le piégeage, établie au cours du mois de juillet 2012, que la pratique du piégeage de fringillidés poursuivait « le seul but de maintenir les oiseaux en vie pour leur chant, pour servir d’appelant ou pour l’élevage en captivité ». Ces documents d’époque ne contiennent donc même pas un début d’indice de ce que la législation maltaise aurait été adoptée en vue d’autoriser la capture en tant que fin en soi.

    62.

    Troisièmement, conformément à la jurisprudence, la Cour ne peut qu’exceptionnellement aller au-delà du sens littéral des dispositions nationales. L’un de ces cas est notamment celui où il résulte de la jurisprudence des juridictions nationales que la législation nationale doit être interprétée d’une certaine manière ( 42 ). Toutefois, il n’en va pas ainsi en l’espèce.

    63.

    Les explications que la République de Malte fournit quant à l’interprétation qu’il faut faire du droit national ne semblent pas correspondre au libellé des dispositions en cause. Elles semblent, au contraire, aller contra legem.

    64.

    Pour examiner le premier moyen, je partirai donc de la prémisse que la législation maltaise doit être prise au pied de la lettre – c’est‑à‑dire comme visant à permettre la capture d’individus vivants de fringillidés en vue exclusivement de leur maintien en captivité, y compris à des fins de présentation en foire ou en exposition, d’élevage et/ou d’utilisation en tant qu’appelants vivants. Par souci d’exhaustivité, j’examinerai donc également, de façon concise, le premier moyen en adoptant le point de vue défendu par la République de Malte.

    Capture en vue exclusivement du maintien en captivité

    65.

    Il découle du début de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » qu’une dérogation en application de cette disposition est uniquement autorisée « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » en ce qui concerne l’activité considérée comme un problème auquel cette dérogation vise à répondre ( 43 ). Cette formule au début de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » sert de filtre, limitant l’accès aux différents motifs de dérogation ensuite énumérés aux dispositions sous a), b) et c).

    66.

    L’expression « solution satisfaisante » est une notion du droit de l’Union qui doit faire l’objet d’une interprétation autonome. À cet égard, je partage l’opinion de l’avocat général Fennelly, qui a considéré que « le terme “satisfaisant” peut être interprété en ce sens qu’il a trait à une solution qui permette de résoudre le problème particulier auquel sont confrontées les autorités nationales tout en respectant, autant que faire se peut, les interdictions édictées dans la directive ; une dérogation ne saurait être admise que lorsqu’aucune autre solution n’impliquant pas l’inobservation de ces interdictions ne peut être adoptée» ( 44 ).

    67.

    L’État membre doit réellement explorer et vérifier s’il n’existe« pas d’autre solution satisfaisante » pour l’activité en cause. À cet égard, je partage l’avis de la Commission selon lequel l’État membre doit d’abord démontrer l’existence d’un but spécifique sous-tendant la dérogation à laquelle il souhaite procéder. J’attire ici l’attention de la Cour sur la méthode utile développée par la Commission en ce qui concerne les dérogations en matière de chasse dans son Guide sur la chasse durable ( 45 ) (dépourvu de caractère impératif) – méthode dont la République de Malte a expressément déclaré dans son mémoire en défense qu’elle y souscrivait.

    68.

    Ensuite, je ne pense pas qu’un État membre puisse artificiellement définir le problème auquel il cherche à répondre d’une manière qui exclue d’éventuelles autres solutions satisfaisantes. Au contraire, il lui appartient de démontrer l’absence de telles autres solutions en s’appuyant sur des données objectives susceptibles d’être soumises à la surveillance de la Commission et, par la suite, au contrôle de la Cour ( 46 ). C’est uniquement lorsque, compte tenu de toutes les circonstances du cas d’espèce et respectant les objectifs de la directive « oiseaux », il n’existe effectivement pas d’autre solution pour répondre à l’objectif légitime identifié par l’État membre que ce dernier peut invoquer l’une des possibilités de dérogation prévues à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ».

    69.

    De l’utilisation du terme « satisfaisant », il résulte que l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » n’exige pas que la solution soit parfaite ou nécessairement exactement équivalente à la solution historique, traditionnelle, au problème que l’État membre cherche à résoudre. La nouvelle solution peut impliquer certains inconvénients ou exiger des intéressés qu’ils adaptent leurs pratiques.

    70.

    La jurisprudence vient confirmer le bien-fondé de mon approche.

    71.

    Ainsi, dans l’affaire LRBPO et AVES ( 47 ), le Conseil d’État belge a déféré à la Cour deux questions préjudicielles qui revêtent une pertinence immédiate dans le cadre de la présente procédure. Il demandait si les articles 5, 9 et 18 de la directive « oiseaux » permettaient à un État membre de tenir compte du fait que l’interdiction de capturer des oiseaux à des fins récréatives contraindrait de nombreux amateurs à modifier leurs installations et à rompre avec certaines habitudes lorsque cet État reconnaît que l’élevage s’avère possible mais qu’il n’est pas encore faisable à grande échelle.

    72.

    Les éléments dont la Cour disposait dans cette affaire montraient que l’élevage et la reproduction en captivité des espèces en cause, non seulement, étaient scientifiquement et techniquement faisables, mais étaient déjà mis en œuvre avec succès par certains éleveurs. Dans ces conditions, la Cour a jugé que « l’élevage et la reproduction en captivité ne pourraient être considérés comme ne constituant pas une “autre solution satisfaisante” que s’il était établi que, à défaut de prélèvements dans la nature, ils ne sauraient prospérer. Dès lors, la circonstance que l’élevage et la reproduction en captivité des espèces concernées ne sont pas encore faisables à grande échelle en raison des installations et des habitudes invétérées des amateurs – lesquelles ont, du reste, été favorisées par une réglementation interne dérogatoire au régime général de la directive – n’est pas en elle-même de nature à remettre en cause le caractère satisfaisant de la solution alternative au prélèvement dans la nature» ( 48 ).

    73.

    Au regard des faits en cause en l’espèce, il apparaît manifeste que la décision de la Cour dans l’affaire LRBPO et AVES ( 49 ) peut être transposée à la présente procédure en manquement. À mes yeux, il est indiscutable que l’appréciation alors portée par la Cour concernant les amateurs approvisionnant leurs volières s’applique de même à la détention des sept espèces de fringillidés en captivité, c’est-à-dire en tant qu’oiseaux chanteurs, « y compris à des fins de présentation en foire ou en exposition, d’élevage et/ou d’utilisation en tant qu’appelants vivants » visée par le décret législatif 253 de 2014. Un programme d’élevage en captivité est une autre solution (c’est-à-dire une autre possibilité de se procurer des fringillidés en vue de leur détention en captivité). La République de Malte ne peut dès lors se prévaloir de la dérogation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ».

    74.

    Permettez-moi de répondre maintenant brièvement à certains arguments avancés par la République de Malte dans ses écritures.

    75.

    L’argument de la République de Malte, selon lequel elle n’a jamais convenu de ce que le programme d’élevage en captivité décrit à l’annexe XI de l’acte d’adhésion serait une solution satisfaisante, ne saurait influencer cette conclusion. Il est de jurisprudence constante que ni des prises de position individuelles ni une déclaration commune des États membres ne sauraient être retenues pour interpréter une disposition lorsque leur contenu ne trouve aucune expression dans son libellé et n’a dès lors pas de portée juridique ( 50 ). Tel est exactement le cas en l’espèce.

    76.

    La République de Malte soutient ensuite que l’élevage en captivité n’est pas une solution satisfaisante du fait qu’un ensemble de facteurs biogéographiques exclut toute introduction de fringillidés sauvages capturés dans le programme d’élevage en captivité en vue de maintenir la diversité génétique (admettant ainsi que le programme maltais d’élevage en captivité n’exige plus de capturer des fringillidés sauvages, même en nombre limité). Il s’ensuit ainsi de la propre argumentation de la République de Malte que la diversité génétique nécessaire des oiseaux élevés en captivité peut être assurée par des moyens qui ne nécessitent aucune dérogation à la directive « oiseaux ».

    77.

    De même, lorsque la République de Malte invoque le point 56 de l’arrêt rendu par la Cour dans la précédente affaire Commission/Malte, cela ne peut pas davantage affecter cette conclusion ( 51 ).

    La capture en tant que fin en soi

    78.

    Dans un souci d’exhaustivité, j’examinerai maintenant brièvement le premier moyen en adoptant le point de vue désormais défendu par la République de Malte, à savoir que la dérogation s’étend en réalité également à la « capture en tant que fin en soi » et que « le programme d’élevage en captivité n’a […] pas fourni d’alternative satisfaisante à la “capture d’individus vivants”, qui constitue pourtant l’élément indispensable de l’activité ». La République de Malte soutient que cette dernière constitue pour les piégeurs maltais de fringillidés un mode de vie traditionnel, profondément ancré, et que leur passion ne peut être assouvie en achetant des oiseaux élevés en captivité.

    79.

    Premièrement, il faut souligner qu’il n’a pas été soutenu que la dérogation au régime strict de conservation prévu par la directive « oiseaux » devrait être modelée de telle manière qu’il soit garanti que chaque fringillidé maintenu en captivité soit un individu sauvage capturé par un piégeur traditionnel à l’aide de clap-nets. Compte tenu du nombre important de fringillidés concernés, une autre possibilité consisterait, à première vue, à satisfaire la plus grande partie de la demande de fringillidés en vue de leur maintien en captivité à l’aide d’un programme d’élevage en captivité et de limiter le piégeage (afin de satisfaire le désir traditionnel de capturer des fringillidés vivants) à un nombre considérablement plus faible d’oiseaux. Deuxièmement, il résulte déjà très clairement de la jurisprudence établie que la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ne saurait servir à étendre sans nécessité la chasse autorisée ( 52 ).

    80.

    Troisièmement, dans la mesure où la République de Malte soutient que la législation en cause a pour but la capture en tant que fin en soi, un programme (nettement plus limité) de capture, baguage scientifique et remise en liberté y constituerait une alternative satisfaisante. La République de Malte reconnaît elle‑même que cette solution répond à l’élément « capture » du double objectif de la législation, mais la rejette, au motif que le fait de « capturer, baguer et relâcher » ne répond pas également à l’élément « maintien en captivité» ( 53 ). Comme je l’ai expliqué, il est cependant évident qu’un programme d’élevage en captivité permet d’apporter une réponse satisfaisante à l’élément « maintien en captivité» ( 54 ).

    81.

    Quatrièmement, rien dans le dossier ne permet de penser que le fait de « capturer, baguer et relâcher » ne serait pas une solution satisfaisante. Il est, objectivement, plausible que le fait de « capturer, baguer et relâcher » un nombre nettement plus réduit d’oiseaux à des fins strictement scientifiques permettrait aux piégeurs de continuer à avoir le plaisir de mettre leur savoir-faire en œuvre, tout en réduisant de façon significative l’impact négatif sur la conservation des oiseaux. La disparition de l’incitation financière que constitue actuellement pour les piégeurs notamment la possibilité de revendre les individus capturés est sans incidence. Dans ses écritures, la République de Malte a expliqué que la législation impose déjà que tout oiseau capturé soit bagué. Dans ces conditions, on peut raisonnablement penser que le savoir-faire requis pour un baguage scientifique pourrait être enseigné aux piégeurs de fringillidés. J’insisterai cependant sur le fait que l’utilisation des clap-nets traditionnels ne me semble pas pouvoir faire partie de ce dispositif ( 55 ).

    82.

    Une seconde solution pourrait éventuellement être la capture limitée (au moyen d’autres méthodes) d’individus d’espèces d’oiseaux inscrites à l’annexe II de la directive « oiseaux », c’est-à-dire d’oiseaux dont la chasse est autorisée dans les conditions fixées à l’article 7 de ladite directive. À cet égard, je me contenterai d’observer que l’examen de l’existence d’une autre solution doit reposer sur des critères objectifs, explicites ( 56 ), que le dossier ne contient aucun élément indiquant que le fait d’autoriser la capture dans des conditions strictement contrôlées ne serait pas une solution ( 57 ) et que, selon la lecture que j’en fais, l’arrêt Commission/Finlande n’étaye nullement la position de la République de Malte, selon laquelle ce sont des fringillidés dont il faut capturer des individus vivants ( 58 ).

    83.

    Enfin, je ne trouve aucune justification à la position selon laquelle seule une solution qui n’est pas considérée défavorablement par la communauté des personnes pratiquant actuellement la capture d’individus vivants est susceptible de constituer une autre solution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux ». Au contraire, il est de jurisprudence constante que l’existence d’« habitudes invétérées » ne justifie pas à elle seule de recourir à la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux» ( 59 ).

    84.

    Ma conclusion est dès lors que la République de Malte n’a pas démontré qu’il n’existait pas d’autre solution et qu’il convient d’accueillir le premier moyen invoqué par la Commission à l’appui de son recours.

    Sur le troisième moyen : « exploitation judicieuse »

    85.

    La Commission fait valoir que la dérogation maltaise ne relève pas de la notion d’« exploitation judicieuse » (en anglais : « judicious use ») au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    86.

    L’Oxford Dictionary ( 60 ) définit « judicious » comme « pourvu de, faisant preuve de, ou fait avec un jugement bon ou bon sens, avisé et raisonnable ». Le Langenscheidt ( 61 ) donne une définition similaire du terme « vernünftig » utilisé dans la version en langue allemande de la directive « oiseaux ». Dans un grand nombre de versions linguistiques, le mot équivalent à « exploitation » dans l’expression « exploitation judicieuse » véhicule l’idée d’une mise en valeur en vue d’en tirer profit ( 62 ). Toutefois, dans son Guide sur la chasse durable, la Commission observe (d’après moi, à juste titre) que « toute connotation d’exploitation renfermée dans le terme “use” doit être équilibrée par des connotations visant la responsabilité, la contrainte et le bon jugement données par le terme “judicieux”» ( 63 ).

    87.

    Ensuite, tandis que l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive « oiseaux » identifie des cas précis (et je dirais évidents) dans lesquels il sera approprié de déroger aux interdictions en principe strictes de tuer ou de capturer des oiseaux sauvages, l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » est clairement rédigé en des termes moins contraignants et vise à autoriser « la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse ». On pourrait être tenté d’étendre le contenu de cette expression et de la traiter comme une « clause de sortie » bien pratique. Je suis convaincue qu’il n’y a pas de raison valable pour laquelle la disposition sous c) devrait être lue d’une autre manière que les dispositions sous a) ou b) et il faut donc résister à cette tentation. La volonté du législateur de l’Union ne peut pas avoir été de permettre que toute pratique existante puisse se voir accoler l’étiquette « capture, détention ou autre détention judicieuse », car cela aurait pour effet de saper totalement l’objet même de la directive « oiseaux ».

    88.

    Parfois, « par sa nature et sa portée, un […] régime [dérogatoire] est incompatible avec les objectifs de protection visés par la directive» ( 64 ). Il s’ensuit que tout ce qu’un État membre peut souhaiter autoriser ne peut pas nécessairement être qualifié de « capture, détention ou autre détention judicieuse » et donc relever de la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    89.

    J’ai déjà évoqué certains aspects de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la dérogation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » ; il est opportun de poursuivre cet exercice à présent.

    90.

    Premièrement, la Cour a dit pour droit dès l’année 1987 que « la capture et la cession d’oiseaux […] en vue de leur détention pour servir d’appelants vivants ou en vue de leur utilisation à des fins de loisir dans les foires et marchés peut correspondre à une exploitation judicieuse autorisée par l’article 9, paragraphe 1, sous c)[, de la directive “oiseaux”]» ( 65 ) (sans, cependant, expliquer pourquoi il en était ainsi). Dans un certain nombre d’arrêts qui ont suivi, la Cour a pareillement, sans analyse plus approfondie, admis, tant de façon implicite ( 66 ) qu’expressément, que « la chasse aux oiseaux sauvages pratiquée à des fins de loisir durant les périodes indiquées à l’article 7, paragraphe 4, de la directive [“oiseaux”]» ( 67 ) ou la capture à des fins récréatives, comme celle qui est destinée à permettre aux amateurs d’approvisionner leurs volières et à prévenir dans les élevages d’oiseaux à des fins récréatives les inconvénients de la consanguinité ( 68 ), peuvent, elles aussi, correspondre à une exploitation judicieuse au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux ».

    91.

    Deuxièmement, il est de jurisprudence constante que les autorités compétentes ne peuvent autoriser la capture que du nombre d’oiseaux « objectivement nécessaire » à la réalisation de l’objectif poursuivi et que, en tout état cause, la limite maximale des « petites quantités » d’oiseaux, expressément visée à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », doit impérativement être respectée ( 69 ).

    92.

    Troisièmement, dans deux affaires concernant des espèces inscrites à l’annexe II de la directive « oiseaux », la Cour a jugé que des dérogations au titre de l’article 9 de la directive « oiseaux » ne sauraient être octroyées que si la garantie existe que la population des espèces concernées est maintenue à un niveau satisfaisant. À défaut, les prélèvements d’oiseaux ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme judicieux et, partant, comme constituant une exploitation admissible, au sens du considérant 11 de ladite directive ( 70 ). Cette jurisprudence revêt a fortiori de la pertinence dans le contexte de la présente affaire, qui concerne des espèces non inscrites à l’annexe II de la directive « oiseaux ».

    93.

    Quatrièmement, la Cour a également précisé dès 1987 que si« il n’est pas garanti que la capture de certaines espèces d’oiseaux est limitée au strict minimum, […] et que les moyens, installations ou méthodes de capture ne sont pas massives et non sélectives ou susceptibles d’entraîner localement la disparition d’une espèce », les « éléments essentiels » de l’article 9 de la directive « oiseaux » ne sont pas réunis ( 71 ).

    94.

    Enfin, je soulignerai que tous les arrêts que je viens de passer en revue concernaient des périodes antérieures à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui met l’accent sur un « niveau élevé » de protection de l’environnement, principe repris à l’article 37 de la Charte, qui fait désormais partie du droit primaire. C’est, en revanche, dans ce contexte (nouveau) que la présente affaire doit être tranchée.

    95.

    L’application de cette jurisprudence à la législation maltaise m’amène à conclure que ladite législation est manifestement non conforme à la condition d’une « exploitation judicieuse ».

    96.

    Lorsqu’elle argue qu’une limite de capture saisonnière générale de 27500 fringillidés constitue une « exploitation judicieuse », la République de Malte amalgame deux buts. Dans la mesure où le but est, aux termes de la législation elle-même, « exclusivement » de se procurer des fringillidés en vue de leur maintien en captivité, c’est-à-dire en tant qu’oiseaux chanteurs, « y compris à des fins de présentation en foire ou en exposition, d’élevage et/ou d’utilisation en tant qu’appelants vivants », il est possible de répondre à cette exploitation – comme je l’ai expliqué en examinant le premier moyen – par un programme d’élevage en captivité, lequel constitue une autre solution satisfaisante.

    97.

    Il est constant que le nombre total estimé de fringillidés actuellement déjà en captivité se situe entre 20000 et 40000. Compte tenu de la mortalité naturelle des oiseaux en captivité, il faudra régulièrement se procurer un certain nombre d’oiseaux afin de maintenir cette population, soit en capturant des oiseaux sauvages, soit en développant un programme d’élevage en captivité à une échelle suffisamment large. Il n’est pas nécessaire d’être particulièrement perspicace pour voir que la nécessité d’apporter une solution au problème du maintien du nombre désiré d’oiseaux en captivité deviendrait, au fil du temps, de plus en plus pressante.

    98.

    Toutefois, rien de tout cela n’est susceptible de justifier, à lui seul, que le piégeage de fringillidés soit de nouveau autorisé alors que le développement d’un programme d’élevage en captivité à large échelle permettrait de maintenir de façon satisfaisante la tradition que la législation maltaise vise ostensiblement à préserver, à savoir la détention, en captivité, de fringillidés à différentes fins récréatives. En dépit de cette évidence, la République de Malte a déclaré que le programme national d’élevage, qui avait été mis en place conformément à l’acte d’adhésion, était un échec et y a mis fin à compter du 1er janvier 2009.

    99.

    Il n’est de même, foncièrement, pas plausible qu’il soit nécessaire d’ajouter, tous les ans, 27500 oiseaux à cette « population » pour remplacer les fringillidés morts en captivité au cours de l’année écoulée et satisfaire à la demande nouvelle de fringillidés captifs à des fins récréatives. Il en va ainsi que les fringillidés supplémentaires proviennent d’un programme d’élevage en captivité ou aient été capturés. Je m’abstiendrai d’émettre la moindre hypothèse concernant le sort des oiseaux capturés qui, dans les faits, ne sont pas nécessaires à la réalisation de l’objectif exclusif affiché par la législation qui en autorise la capture.

    100.

    Dans la mesure où le but consiste en la capture autant quen la détention, je soulignerai que rien dans le dossier n’explique pourquoi ce serait une « exploitation judicieuse » – c’est-à-dire objectivement nécessaire – que d’autoriser la capture des quantités fixées par la limite de capture saisonnière générale (27500 oiseaux), dès lors que l’usage subséquent exclusif des oiseaux capturés indiqué par la législation est un usage à propos duquel il y a lieu de douter fortement qu’un nombre aussi important d’oiseaux y soit nécessaire tous les ans et pour lequel il existe de plus une autre solution satisfaisante. En tant qu’État membre invoquant la possibilité de dérogations prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux », il appartient à la République de Malte de justifier qu’elle en respecte effectivement les conditions. En ce faisant, elle doit respecter ce qui est désormais le principe directeur, à savoir qu’un niveau élevé de protection de l’environnement doit être assuré. D’après moi, elle ne s’est pas acquittée de cette tâche.

    101.

    Une question supplémentaire doit encore être abordée.

    102.

    Si l’on veut capturer un oiseau vivant, il est probable qu’il faille utiliser un filet d’une sorte ou d’une autre. Il est vrai que l’article 9 de la directive « oiseaux » permet de déroger à l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci et, partant, à l’interdiction en principe absolue d’utiliser des filets énoncée à son annexe IV, sous a) ( 72 ). Toutefois, la méthode de capture autorisée par la législation maltaise implique de faire usage de clap-nets. J’ai déjà décrit ces filets dans ces conclusions ( 73 ). Il me semble que de tels filets sont, a priori, une méthode de capture qui est à la fois massive et non sélective. Dans la mesure où les fringillidés tendent à se déplacer en volées, il est probable qu’un nombre important d’oiseaux seront pris simultanément dans le filet ( 74 ). Même si les fringillidés « surnuméraires » sont immédiatement relâchés, comme l’affirme la République de Malte, cela ne me semble pas suffisant pour conclure que la méthode de piégeage utilisée n’est ni « massive » ni « non sélective ». Il est de même probable qu’à tout le moins un certain nombre d’oiseaux souffriront du stress dû à la capture et ne survivront peut-être pas ( 75 ). Dans ces conditions, je doute fortement que la République de Malte puisse démontrer que la population des sept espèces de fringillidés peut être maintenue à un niveau satisfaisant, comme l’exige la jurisprudence. Il est même possible qu’il existe un certain risque – je ne tenterai pas d’évaluer l’importance de ce risque – que l’utilisation de ces filets par 4000 titulaires d’une licence au cours d’une saison de chasse de 73 jours puisse éventuellement « entraîner localement la disparition d’une espèce ».

    103.

    Les éléments de preuve présentés par la République de Malte à la Cour ne répondent en rien à ces questions : ils insistent, au contraire, sur le caractère « traditionnel » de l’utilisation de clap-nets. Or, le problème n’est pas là. Si l’utilisation des clap-nets produit effectivement un tel résultat – et il appartient à la République de Malte de montrer qu’elle ne le fait pas –, les « éléments essentiels » de l’article 9 ne sont pas réunis ( 76 ). J’ajouterai simplement que, d’un point de vue purement linguistique, j’aurais du mal à concevoir comment l’utilisation d’une méthode de capture qui est à la foi massive et non sélective pourrait relever de la notion d’« exploitation judicieuse ».

    Observations finales

    104.

    Pour conclure, je souhaiterais attirer l’attention sur deux problèmes que j’ai constatés en étudiant l’argumentation des parties dans cette affaire et qui concernent certains autres aspects de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », avant de faire une toute dernière observation.

    105.

    Premièrement, je doute sérieusement de la crédibilité de la méthode utilisée par la République de Malte pour déterminer la population de référence en vue du calcul des « petites quantités ». Je constate que, au lieu de recourir à un système de surveillance systématique, la République de Malte a fondé ses calculs sur une seule étude menée au cours de l’année 2007 ( 77 ), portant sur un échantillon très réduit (112) de bagues contrôlées. De ce fait, un nombre très limité de bagues d’oiseaux provenant d’autres États membres contrôlées à Malte ont été utilisées pour calculer, à titre de groupe de référence aux fins de la limite de capture saisonnière générale ( 78 ), la population reproductrice totale de chacune des espèces dans ces États membres (s’élevant dans certains cas à des millions d’oiseaux), sans autre preuve concernant le point de savoir dans quelle mesure ces populations passent effectivement par Malte lors de leur migration. Il est difficile de considérer cela comme un fondement scientifique solide pour évaluer l’impact que l’autorisation de la capture d’individus vivants à Malte est susceptible d’avoir, ou de ne pas avoir, sur ces populations considérées dans leur ensemble ou sur la sous‑population des oiseaux dont la route migratoire passe par Malte ; il est tout aussi difficile de concilier cette approche avec le principe de précaution ( 79 ).

    106.

    Deuxièmement, je rappellerai que l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » autorise les États membres à permettre la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de « certains oiseaux » en « petites quantités » et « dans des conditions strictement contrôlées ». L’appréciation du point de savoir dans quelle mesure ces conditions essentielles supplémentaires – qui ont trait à la proportionnalité de la dérogation – sont satisfaites sort du cadre des présentes conclusions. Je me bornerai à dire que je doute sérieusement de la conformité du régime contesté (en particulier au regard des caractéristiques que j’ai soulignées au point 38 des présentes conclusions) à ces autres exigences et de sa proportionnalité. En tout état de cause, je suis déjà parvenue à la conclusion qu’il y a lieu d’accueillir le recours de la Commission en ses premier et troisième moyens. Si la Cour partage mon point de vue, il ne sera pas nécessaire de se lancer dans une analyse factuelle détaillée de la proportionnalité du régime contesté.

    107.

    Enfin, un argument longuement développé dans le cadre de la présente affaire était celui concernant les aspects traditionnels de la capture de fringillidés et la nécessité de respecter les coutumes. Au moment de conclure, il est peut-être utile de fournir un exemple hypothétique pour montrer comment la diversité culturelle et les exigences du droit de l’Union peuvent coexister au lieu d’être en conflit.

    108.

    Supposons que, dans un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, il existe une tradition locale profondément ancrée, selon laquelle chaque jeune fille doit, le dimanche précédant (ou suivant) son 18e anniversaire, aller à l’église en portant un collier fait des plumes d’ornement d’un certain oiseau. Il faut six oiseaux pour disposer d’un nombre de plumes suffisant pour un collier. Avant l’adhésion à l’Union, aucune législation n’interdisait cette pratique. Après l’adhésion, les oiseaux sont en principe protégés en application de la directive « oiseaux ». Le nouvel État membre peut-il, en qualifiant sa pratique traditionnelle d’« exploitation judicieuse », mettre en place une dérogation en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « oiseaux » en vue de permettre au statu quo de perdurer indéfiniment ?

    109.

    Premièrement, il est clair que, de façon générale, une autre solution satisfaisante existe. Le collier de plumes traditionnel peut être transmis d’une jeune fille à une autre, plutôt que d’être nouvellement fabriqué pour chaque jeune fille de 18 ans. Deuxièmement, il est probable que, si les colliers de plumes sont transmis de cette manière, ils finiront par s’user et s’abîmer et devront occasionnellement être remplacés. Il serait possible de recourir à la dérogation prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux » pour capturer occasionnellement une petite quantité d’oiseaux en vue de fabriquer un nouveau collier de plumes.

    110.

    En disant que les premier et troisième moyens invoqués par la Commission me semblent bien fondés, je ne propose pas une solution qui écarterait les traditions ou la diversité culturelle dans l’Union européenne. Si la population maltaise souhaite détenir des fringillidés chanteurs en captivité, ce souhait peut être satisfait au moyen de l’autre solution consistant en un programme d’élevage en captivité. Si les piégeurs maltais d’oiseaux souhaitent mettre leur savoir-faire en œuvre et à l’épreuve, il est possible de les autoriser à capturer des oiseaux individuels, en petites quantités et en utilisant des méthodes qui n’impliquent pas d’utiliser des clap-nets, en respectant strictement les meilleures pratiques ornithologiques, et les oiseaux ainsi capturés peuvent être bagués et relâchés avec précaution. À condition que les traditions évoluent, il n’y a pas de conflit insurmontable. Je suis en revanche absolument convaincue que le régime actuel n’est pas conforme aux obligations qui incombent à la République de Malte en vertu du droit de l’Union.

    Conclusion

    111.

    À la lumière de ce qui précède, je suis d’avis qu’il convient d’accueillir le recours de la Commission en ses premier et troisième moyens. Partant, indépendamment de l’issue de la procédure en ce qui concerne les deuxième, quatrième et cinquième moyens invoqués par la Commission, je suggère à la Cour de :

    1)

    dire pour droit que, en établissant une dérogation permettant la capture d’individus vivants de sept espèces de fringillidés qui ne satisfait pas aux conditions de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages, la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, sous a) et e), ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, lu en liaison avec l’annexe IV, sous a), de ladite directive ;

    2)

    condamner la République de Malte aux dépens.


    ( 1 ) Langue originale : l’anglais.

    ( 2 ) À savoir : pinson des arbres (Fringilla coelebs), linotte mélodieuse (Carduelis cannabina), chardonneret élégant (Carduelis carduelis), verdier d’Europe (Carduelis chloris), gros-bec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes), serin cini (Serinus serinus) et tarin des aulnes (Carduelis spinus). Dans les présentes conclusions, je les désignerai collectivement comme les « sept espèces ».

    ( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la « directive “oiseaux” »). Cette directive codifie la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1), telle que modifiée, en vigueur à l’époque de négociation des conditions d’adhésion de la République de Malte à l’Union européenne et de rédaction de la dérogation temporaire prévue à l’annexe XI de l’acte d’adhésion (voir point 26 des présentes conclusions).

    ( 4 ) Legal Notice 253 of 2014 – Conservation of Wild Birds (Framework for Allowing a Derogation Opening an Autumn Live-Capturing Season for Finches) Regulations [décret législatif 253 de 2014 – Règles concernant la conservation des oiseaux sauvages (cadre permettant une dérogation ouvrant une saison de capture automnale d’individus vivants de fringillidés)], du 15 juillet 2014 (The Malta Government Gazette, no 19,280, du 15 juillet 2014, p. B 2860), tel que modifié (ci-après le « décret législatif 253 de 2014 »).

    ( 5 ) Tandis que la version en langue anglaise de cette disposition vise l’objectif d’un « maintien [des oiseaux] en captivité », la version en langue maltaise semble préciser « en vue […] de l’élevage » des oiseaux. En application de l’article 74 de la constitution maltaise, « [s]auf décision contraire du Parlement, chaque loi est adoptée en langues maltaise et anglaise ; en cas de conflit entre le texte en langue maltaise d’une loi et celui en langue anglaise, le texte en langue maltaise prévaut. »

    ( 6 ) Sic. En ce qui concerne l’expression « et, ou » (« and, or »), les versions en langues maltaise et anglaise sont à cet égard identiques. L’auteur entendait probablement écrire soit « et à des fins » (« and for ») soit « et/ou » (« and/or »). Je ne pense pas que ce point ait une quelconque incidence au fond. Pour plus de simplicité, je citerai ce passage dans la suite des présentes conclusions comme « et/ou ».

    ( 7 ) Cette liste correspond aux sept espèces énumérées à la note 2 des présentes conclusions.

    ( 8 ) Legal Notice 250 of 2014 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation for a 2014 Autumn Live-Capturing Season for Finches) Regulations [décret législatif 250 de 2014 – Règles concernant la conservation des oiseaux sauvages (déclaration concernant une dérogation pour la saison 2014 de capture automnale d’individus vivants de fringillidés)], du 15 juillet 2014 (The Malta Government Gazette, no 19,280, du 15 juillet 2014, p. B 2831) (ci-après le « décret législatif 250 de 2014 »). Un détail demeure cependant énigmatique. Comment un décret législatif portant le numéro 250 pouvait-il « mettre en œuvre » un décret législatif du même jour portant le numéro 253 ?

    ( 9 ) Legal Notice 330 of 2015 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation for a 2015 Autumn Live-Capturing Season for Finches) Regulations [décret législatif 330 de 2015 – Règles concernant la conservation des oiseaux sauvages (déclaration concernant une dérogation pour la saison 2015 de capture automnale d’individus vivants de fringillidés)], du 16 octobre 2015 (The Malta Government Gazette, no 19,486, du 16 octobre 2014, p. B 3465) (ci-après le « décret législatif 330 du 2015 »).

    ( 10 ) Legal Notice 322 of 2016 – Conservation of Wild Birds (Declaration on a Derogation for an Autumn 2016 Live-Capturing Season for Finches) Regulations [décret législatif 322 de 2016 – Règles concernant la conservation des oiseaux sauvages (déclaration concernant une dérogation pour la saison 2016 de capture automnale d’individus vivants de fringillidés)], du 7 octobre 2016 (The Malta Government Gazette, no 19,653, du 7 octobre 2016, p. B 4007) (ci-après le « décret législatif 322 de 2016 »).

    ( 11 ) L’annexe XI, point 10 (« Environnement »), D (« Protection de la nature »), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci‑après l’« acte d’adhésion »), prévoit que, « par dérogation » à l’article 5, sous a) et e), à l’article 8, paragraphe 1, et à l’annexe IV, sous a), de la directive 79/409 (la directive qui a précédé la directive « oiseaux »), les sept espèces de fringillidés peuvent être capturés à Malte durant la période transitoire allant jusqu’au 31 décembre 2008« en vue exclusivement de leur maintien en captivité ». Elle fixe en détail les modalités de cessation progressive de cette activité et de mise en place d’un programme d’élevage en captivité. La seule capture de fringillidés envisagée à l’issue de cette période transitoire était la capture d’un nombre limité de spécimens sauvages « pour garantir une diversité génétique suffisante des espèces captives ». Il était « prévu que le nombre d’oiseaux capturés sera[it] notoirement réduit durant la période transitoire ».

    ( 12 ) Mentionnées à la note 2 des présentes conclusions.

    ( 13 ) La Commission a ainsi souligné, par exemple, que la limite de capture saisonnière fixée pour le chardonneret élégant pour 2014 (800 individus) excédait de façon significative le nombre total estimé de spécimens de cette espèce ayant survolé Malte au cours de la saison 2014 de capture automnale d’individus vivants.

    ( 14 ) Voir règle 5, paragraphe 1, du décret législatif 250 de 2014 et dispositions analogues des décrets législatifs afférents aux années 2015 et 2016 qui y ont succédé.

    ( 15 ) Voir règle 2, paragraphe 2, du décret législatif 253 de 2014.

    ( 16 ) Le calcul est le suivant : 38 m2 (la surface d’un filet) × 2 (parce que les filets s’utilisent en paires) × 2 (parce chaque lieu de capture d’individus vivants comporte deux paires de filets).

    ( 17 ) Voir règle 3 du décret législatif 250 de 2014 et dispositions analogues des décrets législatifs afférents aux années 2015 et 2016 qui y ont succédé.

    ( 18 ) La République de Malte précise que l’utilisation d’oiseaux élevés en captivité et importés s’est avérée beaucoup plus simple à réaliser et efficace pour assurer la diversité génétique de la population de fringillidés en captivité, et que, dès lors, le programme d’élevage en captivité ne requérait plus aucune capture, même limitée, de fringillidés à l’état sauvage. Cette appréciation de la République de Malte repose sur différents rapports scientifiques qu’elle cite, et notamment sur un rapport établi au cours de l’année 2010 par un sous-comité du Comité ornithologique maltais. La Commission partage à cet égard l’opinion de la République de Malte.

    ( 19 ) Voir point 26 et note 9 des présentes conclusions.

    ( 20 ) Voir conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Ligue pour la protection des oiseaux e.a. (C‑182/02, EU:C:2003:248, point 5).

    ( 21 ) Considérant 3 de la directive « oiseaux ».

    ( 22 ) Considérant 5 de la directive « oiseaux ».

    ( 23 ) Ci-après la « Charte ». Cet article édicte une obligation d’assurer « un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité » et d’intégrer ces objectifs dans les politiques de l’Union.

    ( 24 ) Voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2014:2324, point 6).

    ( 25 ) Voir arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 21), ainsi que du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 74).

    ( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 58).

    ( 27 ) Voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige et Watson e.a. (C‑203/15 et C‑698/15, EU:C:2016:970, point 89).

    ( 28 ) Voir conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Ligue pour la protection des oiseaux e.a. (C‑182/02, EU:C:2003:248, point 26).

    ( 29 ) Voir arrêts du 8 juillet 1987, Commission/Belgique (247/85, EU:C:1987:339, point 7), ainsi que du 7 mars 1996, Associazione Italiana per il WWF e.a. (C‑118/94, EU:C:1996:86, point 21).

    ( 30 ) Voir arrêt du 17 février 2011, The Number (UK) et Conduit Enterprises (C‑16/10, EU:C:2011:92, point 31).

    ( 31 ) Voir arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 48).

    ( 32 ) Voir arrêt du 16 septembre 1999, Commission/Espagne (C‑414/97, EU:C:1999:417, point 22).

    ( 33 ) Voir arrêt du 8 juin 2006, WWF Italia e.a. (C‑60/05, EU:C:2006:378, point 34).

    ( 34 ) Voir arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 57).

    ( 35 ) Voir arrêt du 7 mars 1996, Associazione Italiana per il WWF e.a. (C‑118/94, EU:C:1996:86, point 21).

    ( 36 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 48).

    ( 37 ) Voir, entre autres, arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande (C‑494/01, EU:C:2005:250, point 29).

    ( 38 ) Voir arrêt du 13 décembre 2007, Commission/Irlande (C‑418/04, EU:C:2007:780, points 269 et suiv.).

    ( 39 ) Ou peut-être « élevage », voir note 5 des présentes conclusions.

    ( 40 ) Tandis que la version en langue anglaise du décret législatif 253 de 2014 et la note technique reprennent, mot pour mot, les termes de l’annexe XI, point 10 (« Environnement »), D (« Protection de la nature »), de l’acte d’adhésion dans sa version en langue anglaise, il existe une légère différence de formulation en ce qui concerne la version en langue maltaise du décret législatif 253 de 2014. Ainsi qu’il apparaîtra ultérieurement, cette légère différence est sans incidence sur les conclusions auxquelles je parviens.

    ( 41 ) Voir point 27 des présentes conclusions ; l’autre promoteur était le PL, qui a, par la suite, remporté les élections de 2013 et formé un gouvernement.

    ( 42 ) En vertu de cette jurisprudence, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (voir, notamment, arrêt du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C‑129/00, EU:C:2003:656, point 30 et jurisprudence citée). Par ailleurs, lorsqu’une législation nationale fait l’objet d’interprétations juridictionnelles divergentes pouvant être prises en compte, les unes aboutissant à une application de ladite législation compatible avec le droit de l’Union, les autres aboutissant à une application incompatible avec celui-ci, il y a lieu de constater que, à tout le moins, cette législation n’est pas suffisamment claire pour assurer une application compatible avec le droit de l’Union (ibidem, point 33).

    ( 43 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2003, Ligue pour la protection des oiseaux e.a. (C‑182/02, EU:C:2003:558, point 15), ainsi que du 9 juin 2005, Commission/Espagne (C‑135/04, EU:C:2005:374, point 18).

    ( 44 ) Voir point 33 des conclusions de l’avocat général Fennelly dans l’affaire LRBPO et AVES (C‑10/96, EU:C:1996:430, mis en italique par mes soins).

    ( 45 ) Voir Commission européenne, Guide sur la chasse durable en application de la directive « oiseaux », 2008, chapitre 3, p. 41 et suiv. Cette méthode exige, à titre de condition préalable pour introduire une dérogation, l’identification du problème précis auquel une solution est recherchée. Elle comporte les étapes suivantes : i) identification et définition du problème précis auquel une solution est recherchée ; ii) identification d’éventuelles autres solutions audit problème ; iii) vérification que l’article 9 de la directive « oiseaux » est bien applicable à ces autres solutions ; et iv) examen des éventuelles autres solutions à l’aune du « critère de la solution satisfaisante ». Le Guide sur la chasse durable peut être consulté à l’adresse Internet suivante : http://ec.europa.eu/environment/nature/conservation/wildbirds/hunting/docs/hunting_guide_fr.pdf

    ( 46 ) Voir points 49 à 52 des présentes conclusions.

    ( 47 ) Arrêt du 12 décembre 1996 (C‑10/96, EU:C:1996:504).

    ( 48 ) Arrêt du 12 décembre 1996 (C‑10/96, EU:C:1996:504, points 20 et 21) (mis en italique par mes soins).

    ( 49 ) Arrêt du 12 décembre 1996 (C‑10/96, EU:C:1996:504).

    ( 50 ) Voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 18) ; du 13 février 1996, Bautiaa et Société française maritime (C‑197/94 et C‑252/94, EU:C:1996:47, point 51), ainsi que du 3 décembre 1998, KappAhl (C‑233/97, EU:C:1998:585, point 23).

    ( 51 ) Arrêt du 10 septembre 2009 (C‑76/08, EU:C:2009:535). Dans ladite affaire, l’autre solution identifiée par la Commission offrait des possibilités si limitées de poursuivre l’activité visée (la chasse) que la Cour a jugé que « l’équilibre recherché par la directive entre la protection des espèces et certaines activités de loisir [était] rompu ». Dans la présente affaire, en revanche, l’activité en cause de détention des oiseaux peut manifestement être maintenue avec succès grâce à un programme d’élevage en captivité d’une ampleur suffisante.

    ( 52 ) Voir arrêts du 16 octobre 2003, Ligue pour la protection des oiseaux e.a. (C‑182/02, EU:C:2003:558, point 16) ; du 9 juin 2005, Commission/Espagne (C‑135/04, EU:C:2005:374, point 19), ainsi que du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 50).

    ( 53 ) Voir note technique, partie B, p. 3. L’agent représentant la République de Malte a réitéré cette position au cours de l’audience.

    ( 54 ) Voir point 73 des présentes conclusions.

    ( 55 ) Voir point 38, ainsi que point 102 et note 72 des présentes conclusions.

    ( 56 ) Voir points 66 à 69 des présentes conclusions.

    ( 57 ) Je soulignerai cependant également que le dossier ne contient aucun élément indiquant qu’il existerait à Malte une population suffisamment importante de l’une quelconque de ces espèces pour qu’une telle dérogation en matière de chasse soit possible en vertu de la directive « oiseaux ».

    ( 58 ) Voir arrêt du 15 décembre 2005 (C‑344/03, EU:C:2005:770, point 44). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que le fait de chasser certains oiseaux inscrits à l’annexe II de la directive « oiseaux » aux lieu et place de certains autres oiseaux, également inscrits à ladite annexe, risquait d’avoir pour effet de vider l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive « oiseaux », du moins partiellement, de son contenu. Il s’agit clairement d’une décision d’espèce, dépourvue de pertinence dans le présent contexte.

    ( 59 ) Arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES (C‑10/96, EU:C:1996:504, point 21). Plus généralement, un État membre ne saurait exciper de l’opposition manifestée par la population locale pour justifier le non-respect des obligations résultant des normes du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, points 81 à 85).

    ( 60 ) Voir, en ligne, https://en.oxforddictionaries.com

    ( 61 ) Voir, en ligne, https://de.langenscheidt.com

    ( 62 ) Voir les versions linguistiques suivantes : es : explotación ; cs : využívání ; de : Nutzung ; fr : exploitation ; nl : gebruik ; pl : wykorzystywania ; ro : utilizări ; sk : využívanie.

    ( 63 ) Voir point 3.5.25 du Guide sur la chasse durable.

    ( 64 ) Voir arrêt du 12 juillet 2007, Commission/Autriche (C‑507/04, EU:C:2007:427, point 187).

    ( 65 ) Voir arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Italie (262/85, EU:C:1987:340, point 38).

    ( 66 ) Voir arrêt du 7 mars 1996, Associazione Italiana per il WWF e.a. (C‑118/94, EU:C:1996:86) : la Cour semble y avoir implicitement admis, sans analyse plus approfondie, que, pour autant que sa législation nationale définisse bien la dérogation de façon suffisamment détaillée, un État membre peut recourir à la dérogation prévue à l’article 9 de la directive « oiseaux » pour autoriser la chasse tant d’oiseaux inscrits à l’annexe II de ladite directive que d’oiseaux qui n’y figurent pas. Elle y a expressément dit pour droit que « l’article 9 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise les États membres à déroger à l’interdiction générale de chasse d’espèces protégées […] que par des mesures assorties d’une référence, adéquatement circonstanciée, aux éléments figurant en ses paragraphes 1 et 2 ».

    ( 67 ) Voir arrêt du 16 octobre 2003, Ligue pour la protection des oiseaux e.a. (C‑182/02, EU:C:2003:558, point 11), dans lequel la Cour s’est fondée sur l’arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Belgique (247/85, EU:C:1987:339, affaire parallèle à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Italie, 262/85, EU:C:1987:340 ; la formulation de ces deux arrêts n’est pas identique, mais le raisonnement y suivi est largement similaire), et sur les arrêts du 7 mars 1996, Associazione Italiana per il WWF e.a. (C‑118/94, EU:C:1996:86) ainsi que du 8 juillet 1987, Commission/Italie (262/85, EU:C:1987:340), pour dire qu’il existait une jurisprudence claire. J’avouerai que je n’ai pas trouvé cet aspect de l’arrêt des plus limpides.

    ( 68 ) Arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES (C‑10/96, EU:C:1996:504, point 22).

    ( 69 ) Arrêt du 12 décembre 1996, LRBPO et AVES (C‑10/96, EU:C:1996:504, point 26).

    ( 70 ) Voir arrêts du 8 juin 2006, WWF Italia e.a. (C‑60/05, EU:C:2006:378, point 32), ainsi que du 10 septembre 2009, Commission/Malte (C‑76/08, EU:C:2009:535, point 59).

    ( 71 ) Arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Italie (262/85, EU:C:1987:340, point 39).

    ( 72 ) L’annexe IV de la directive « oiseaux » énumère des moyens, installations ou méthodes « de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce ».

    ( 73 ) Voir point 38 des présentes conclusions.

    ( 74 ) Voir, en ce sens, une étude scientifique de Raine, A. F., The international impact of hunting and trapping in the Maltese islands, BirdLife Malta, Malte, mai 2007, p. 22.

    ( 75 ) Des recherches scientifiques ont établi que la capture et la captivité peuvent susciter chez les oiseaux une forme de stress chronique et que les effets de ces facteurs de stress peuvent subsister alors même que les oiseaux auront été rapidement replacés dans leur habitat naturel. Voir, en ce sens, Dickens, M. J., Delehanty, D. J., et Romero, L. M., « Stress and translocation : alterations in the stress physiology of translocated birds », Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences, vol. 276, no 1664, juin 2009, p. 2051-2056, consultable à l’adresse Internet suivante : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2677253

    ( 76 ) Voir arrêt du 8 juillet 1987, Commission/Italie (262/85, EU:C:1987:340, point 39).

    ( 77 ) Voir Raine, A. F., The international impact of hunting and trapping in the Maltese islands, mai 2007.

    ( 78 ) L’annexe II du décret législatif 253 de 2014 imposait au ministre de « fixer la limite de capture totale à moins de 1 % de la mortalité annuelle totale de la population de référence de chaque espèce sur le territoire de l’Union européenne, sur la base des données scientifiques les plus récentes issues du contrôle des bagues » (mis en italique par mes soins ; voir point 27 des présentes conclusions).

    ( 79 ) Aux termes de l’article 191, paragraphe 2, TFUE, la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement « vise un niveau de protection élevé » et est fondée sur le principe de précaution.

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