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Document 62015CC0501

Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 17 mai 2017.
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre Cactus SA.
Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Marque figurative comportant les éléments verbaux “CACTUS OF PEACE CACTUS DE LA PAZ” – Opposition du titulaire des marques verbale et figurative de l’Union européenne comportant l’élément verbal “Cactus” – Classification de Nice – Article 28 – Article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a) – Usage sérieux de la marque sous une forme abrégée.
Affaire C-501/15 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:383

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 17 mai 2017 ( 1 )

Affaire C‑501/15 P

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

contre

Cactus SA

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Articles 15, 28 et 42 – Signe figuratif contenant les éléments verbaux “cactus of peace cactus de la paz” – Opposition du titulaire de marques de l’Union européenne antérieures contenant l’élément verbal “cactus” – Portée de ces marques antérieures – Services de vente au détail – Appréciation de l’usage sérieux d’une marque figurative lorsque seule une partie de la marque enregistrée est utilisée »

1. 

Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande à la Cour l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne rendu dans l’affaire T‑24/13 ( 2 ). Par cet arrêt, le Tribunal a annulé la décision de la chambre de recours de l’EUIPO annulant la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait conclu que l’usage sérieux des marques antérieures avait été prouvé.

2. 

La présente affaire soulève deux questions principales, qui portent notamment sur la notion d’« usage sérieux » au sens de l’article 15 du règlement (CE) no 207/2009 ( 3 ). D’une part, l’affaire concerne l’étendue de la protection devant être accordée à une marque antérieure lorsque, mis à part le renvoi général à la classe de produits et services concernée, aucune indication spécifique au sujet des produits et services couverts par la marque n’a été donnée au moment de l’enregistrement. À cet égard, cette affaire donne à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence issue des arrêts IP Translator ( 4 ) et Praktiker ( 5 ). D’autre part, cette affaire invite la Cour à apporter des précisions quant à l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque complexe lorsqu’en pratique, cette marque est utilisée sous une forme abrégée.

I. Le cadre juridique

3.

L’article 15, paragraphe 1, du règlement sur la marque de l’Union européenne dispose ce qui suit :

« Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non- usage.

Constituent également un usage au sens du premier alinéa :

a)

l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire ;

[…]. »

4.

Aux termes de l’article 28 du règlement sur la marque de l’Union européenne :

« Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement d’une marque est demandé sont classés conformément au système de classification établi par l’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957 […] ».

5.

L’article 42, paragraphe 2, du règlement sur la marque de l’Union européenne traite de l’examen d’une opposition. Il est rédigé comme suit :

« Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque antérieure de l’Union européenne qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque de l’Union européenne, la marque antérieure de l’Union européenne a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure soit enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque antérieure de l’Union européenne n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services ».

6.

Sous l’intitulé « Liste des produits et services », la règle 2 du règlement (CE) no 2868/95 ( 6 ) dispose ce qui suit :

« 1.

Pour les produits et les services, la classification appliquée est la classification commune visée à l’article 1er de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2.

La liste des produits et services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

3.

Les produits et services sont regroupés de préférence sur le modèle de la classification de Nice, chaque groupe étant précédé du numéro de la classe à laquelle appartient le groupe de produits ou de services et présenté dans l’ordre de cette classification.

4.

La classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives. Des produits et des services ne peuvent, par conséquent, être considérés comme semblables au motif qu’ils figurent dans la même classe de la classification de Nice, et ne peuvent être considérés comme étant différents au motif qu’ils figurent dans des classes différentes de cette classification ».

II. Antécédents du litige

7.

Dans l’arrêt attaqué, les antécédents de l’affaire sont décrits de la manière suivante.

8.

Le 13 août 2009, Mme Isabel Del Rio Rodríguez a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement sur la marque de l’Union européenne.

9.

L’enregistrement a été demandé pour le signe figuratif contenant les éléments verbaux « cactus of peace cactus de la paz ».

10.

Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 31, 39 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci‑après la « classification de Nice ») ( 7 ).

11.

La demande de marque de l’Union européenne a été publiée le 14 décembre 2009.

12.

Le 12 mars 2010, Cactus SA a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement sur la marque de l’Union européenne, à l’enregistrement de la marque demandée.

13.

À l’appui de son opposition, Cactus a invoqué ses marques de l’Union européenne antérieures enregistrées (ci-après les « marques Cactus antérieures »). Plus précisément, l’opposition était fondée, d’une part, sur la marque verbale « cactus » (ci-après la « marque verbale antérieure »), enregistrée le 18 octobre 2002 pour les produits et les services relevant des classes 2, 3, 5 à 9, 11, 16, 18, 20, 21, 23 à 35, 39, 41 et 42 ( 8 ) et, d’autre part, sur la marque de l’Union européenne figurative (ci-après la « marque figurative antérieure »), enregistrée le 6 avril 2001 pour les mêmes produits et services que ceux couverts par la marque verbale antérieure, à l’exception des « produits alimentaires non compris dans d’autres classes ; fleurs et plantes naturelles, graines ; fruits et légumes frais », relevant de la classe 31.

14.

L’opposition, qui se fondait sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque de l’Union européenne, était dirigée à l’encontre de l’ensemble des produits et des services visés par la marque demandée et était fondée sur la totalité des produits et services couverts par les marques antérieures.

15.

Par décision du 2 août 2011, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour les « semences, fleurs et plantes naturelles », relevant de la classe 31, et pour les « services de jardiniers, services de pépiniéristes, services d’horticulture », relevant de la classe 44, couverts par la marque verbale antérieure. L’enregistrement de la marque demandée a donc été rejeté pour les produits et les services susmentionnés, mais a été admis pour les services relevant de la classe 39.

16.

La division d’opposition a notamment estimé que, Mme Del Rio Rodríguez ayant demandé à Cactus de prouver l’usage sérieux des marques antérieures, les éléments de preuve produits par cette dernière montraient un usage sérieux de la marque verbale antérieure pour les « fleurs et plantes naturelles, graines ; fruits et légumes frais, à l’exception des cactus, graines de cactus et plus généralement des plantes et graines de la famille des cactacées », relevant de la classe 31, ainsi que pour les services de « vente au détail de plantes et fleurs naturelles, graines ; fruits et légumes frais », relevant de la classe 35.

17.

Le 28 septembre 2011, Mme Del Rio Rodríguez a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

18.

Par décision du 19 octobre 2012 (ci-après la « décision litigieuse »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a notamment relevé que la division d’opposition avait commis une erreur en considérant que Cactus avait apporté la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures pour les services de « vente au détail de plantes et fleurs naturelles, graines ; fruits et légumes frais », relevant de la classe 35. Plus précisément, la chambre de recours a constaté que i) ces services n’étaient pas couverts par les marques Cactus antérieures ; ii) même si Cactus revendiquait un usage des « services de supermarchés », non seulement ces services n’étaient pas couverts par les marques Cactus antérieures, mais, de plus, l’usage sérieux de ces services n’était pas prouvé ; et iii) la « gestion de supermarchés et d’hypermarchés », relevant de la classe 35 et couverte par les marques Cactus antérieures, correspondait à des services de gestion qui s’adressaient à des entreprises tierces, de sorte que ce service devait être considéré comme différent des services de vente au détail par sa nature, sa finalité et les utilisateurs finaux auxquels il s’adresse. La chambre de recours a par la suite estimé que Cactus n’avait pas apporté la preuve, pour la période qui s’étend entre le 14 décembre 2004 et le 13 décembre 2009, de l’usage sérieux des marques Cactus antérieures pour l’un quelconque des produits ou services qu’elles couvrent.

III. La procédure devant le Tribunal

19.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2013, Cactus a demandé au Tribunal l’annulation de la décision litigieuse.

20.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse pour autant que l’opposition a été rejetée aux motifs que les services de « vente au détail de plantes et fleurs naturelles, graines ; fruits et légumes frais », relevant de la classe 35, n’étaient pas couverts par les marques Cactus antérieures ainsi qu’à l’égard des « fleurs et plantes naturelles ; graines », relevant de la classe 31, et rejeté le recours pour le surplus.

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

21.

Par son pourvoi, introduit le 22 septembre 2015, l’EUIPO conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

annuler l’arrêt attaqué ;

condamner Cactus aux dépens.

22.

Cactus conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner l’EUIPO aux dépens.

23.

Les parties se sont exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 29 mars 2017.

V. Analyse

24.

L’EUIPO invoque deux moyens à l’appui de son pourvoi.

25.

Dans le cadre de son premier moyen, il soutient que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a enfreint l’article 28 du règlement sur la marque de l’Union européenne, lu conjointement avec la règle 2 du règlement d’exécution, en ce qu’il a assimilé la couverture de l’intitulé de la classe 35 à l’ensemble des services relevant de cette classe.

26.

Dans le cadre de son second moyen, l’EUIPO affirme que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a méconnu l’article 42, paragraphe 2, et l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement sur la marque de l’Union européenne, en concluant que l’utilisation du seul élément figuratif, à savoir un logo représentant un cactus stylisé, sans l’élément verbal n’altérait pas le caractère distinctif de la marque figurative antérieure telle qu’elle a été enregistrée.

A. Sur le premier moyen : une marque peut-elle couvrir des services de vente au détail même si ces services ne sont pas visés dans la liste alphabétique de la classe 35 de la classification de Nice ?

1. Introduction

27.

Ce premier moyen du pourvoi a trait à la possibilité d’enregistrer des marques pour des services de vente au détail et à l’utilisation d’intitulés de classes pour désigner les produits et services couverts par une marque. Il soulève également une importante question relative à l’incidence des communications, publiées par l’EUIPO concernant sa pratique d’enregistrement, sur l’étendue de la protection accordée par une marque.

28.

Dans un sens plus large, ce moyen concerne l’étendue de la protection qui doit être accordée à une marque antérieure lorsque les intitulés généraux de la classification de Nice ont été employés pour désigner les produits et services devant être couverts par la marque. Après l’enregistrement des marques Cactus antérieures, la jurisprudence de la Cour a limité la possibilité, pour les demandeurs de marque, de se contenter de mentionner les intitulés généraux des classes pour désigner les produits et services devant être couverts par la marque. Elle a également donné des indications au sujet des conditions dans lesquelles l’enregistrement de marques peut être autorisé pour des services de vente au détail.

29.

D’une part, dans l’arrêt IP Translator, la Cour a jugé qu’« en vue de respecter les exigences de clarté et de précision […], le demandeur d’une marque nationale qui utilise toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe particulière de la classification de Nice pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande d’enregistrement vise l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de la classe particulière concernée ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe sont visés » ( 9 ).

30.

D’autre part, dans l’arrêt Praktiker, la Cour a jugé qu’une marque peut certes couvrir des services de vente au détail, mais « il doit être exigé du demandeur qu’il précise les produits ou types de produits concernés par ces services » dans la demande d’enregistrement ( 10 ).

31.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) n’affecte pas l’étendue de la protection accordée par les marques Cactus antérieures et que la désignation de l’intitulé de la classe 35 couvre « tous les services relevant de cette classe », y compris les services consistant dans la vente au détail de produits. D’après le Tribunal, la protection des marques de l’Union européenne antérieures s’étend aux services de vente au détail pour le commerce de tout produit, étant donné que ces marques ont été déposées avant le prononcé de l’arrêt Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425) de la Cour. Au vu de ces considérations, le Tribunal a conclu que les marques de l’Union européenne antérieures sont protégées à l’égard des services de « vente au détail de plantes et fleurs naturelles, graines ; fruits et légumes frais » ( 11 ).

32.

Selon l’EUIPO, le Tribunal a appliqué de manière erronée la jurisprudence issue de l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) et a limité à tort l’application de l’arrêt Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425) à l’égard des marques Cactus antérieures. L’EUIPO estime que cela constitue une violation de l’article 28 du règlement sur la marque de l’Union européenne, lu conjointement avec la règle 2 du règlement d’exécution. Étant donné que la liste alphabétique de la classe 35 n’inclut ni les services de vente au détail en tant que tels ni les services de « vente au détail de plantes et fleurs naturelles, graines ; fruits et légumes frais », les marques Cactus antérieures ne seraient pas protégées à l’égard de ces services.

33.

Cactus considère que les griefs de l’EUIPO sont non fondés et qu’il convient de rejeter le premier moyen du pourvoi comme non fondé.

2. Sur la pratique de l’EUIPO

34.

À titre liminaire, il convient de noter que les produits et services pour lesquels les marques sont demandées sont classés selon la classification commune visée à l’article 1er de la classification de Nice. Conformément à la règle 2 du règlement d’exécution, la liste des produits et services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

35.

Avant l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361), l’EUIPO acceptait les demandes de marques qui visaient un ou plusieurs intitulés de classes sans exiger d’indiquer par ailleurs quels produits et services devaient être couverts par la marque demandée. Plus particulièrement, à cet égard, la communication no 4/03 du président de l’EUIPO ( 12 ) expliquait la pratique de (l’ancien) Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) à l’égard des intitulés de classes. D’une part, l’utilisation d’indications générales composant les intitulés de classes était permise. Aucune d’entre elles n’était considérée comme étant trop vague ou indéfinie. D’autre part, la désignation de l’intitulé complet d’une classe déterminée était réputée couvrir l’ensemble des produits et services relevant potentiellement de cette classe (l’approche globale).

36.

À la suite du prononcé de l’arrêt IP Translator le 19 juin 2012 (C‑307/10, EU:C:2012:361), l’EUIPO a remplacé la communication no 4/03 par la communication no 2/12 ( 13 ). Celle-ci établit une distinction en fonction de la date à laquelle la marque de l’Union européenne a été demandée. En ce qui concerne les demandes de marques de l’Union européenne déposées à partir du 21 juin 2012, les demandeurs doivent déclarer expressément s’ils ont l’intention de couvrir tous les produits et services visés dans la liste alphabétique d’une classe particulière. S’agissant des demandes de marques de l’Union européenne déposées avant la date limite du 21 juin 2012, l’utilisation des indications générales de l’intitulé d’une classe est comprise comme impliquant que la demande s’étendait à tous les produits et services visés dans la liste alphabétique d’une classe particulière. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, conformément à l’approche globale, par le passé, une telle demande était réputée couvrir l’ensemble des produits ou services relevant d’une classe particulière.

37.

Comme l’EUIPO l’évoque, la distinction entre, d’une part, les produits ou services figurant dans la liste alphabétique d’une classe particulière et, d’autre part, les produits ou services relevant potentiellement de cette classe particulière est importante. En effet, tous les produits et services susceptibles de relever d’une classe donnée ne sont pas répertoriés dans la liste alphabétique.

38.

Cela m’amène à l’incidence de l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) sur l’étendue de la protection accordée par les marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt.

3. Sur la jurisprudence et ses conséquences

a) Sur l’arrêt IP Translator

39.

Le récent arrêt Brandconcern, qui a été rendu après la clôture de la procédure écrite dans la présente affaire, a précisé la portée de l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) concernant les marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt ( 14 ).

40.

Statuant sur pourvoi dans l’arrêt Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122), la Cour a jugé que l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) concerne non pas les titulaires de marques qui ont déjà été enregistrées, mais uniquement les (nouveaux) demandeurs de marques. Plus précisément, la Cour a relevé qu’elle avait seulement entendu préciser les exigences auxquelles doivent être soumis les demandeurs de marques nationales qui utilisent les indications générales d’une classe afin d’identifier les produits et les services pour lesquels la protection de la marque est demandée. Ces exigences visent à assurer qu’il est possible de déterminer avec certitude l’étendue de la protection accordée par une marque, lorsqu’un demandeur utilise toutes les indications figurant dans l’intitulé d’une classe. La Cour a également expliqué que l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) n’a eu aucune incidence sur la validité de l’approche exposée dans la communication no 4/03 en ce qui concerne les marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt ( 15 ).

41.

En d’autres termes, l’affirmation de la Cour n’a pas été jugée applicable aux marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt.

42.

Cette conclusion doit également valoir en l’espèce : on ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir considéré que l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) n’a pas eu d’incidence sur l’étendue de la protection accordée par les marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt ( 16 ).

43.

Le fait que, dans la communication no 2/12, l’EUIPO a adopté une nouvelle approche qui porte également sur les marques enregistrées avant le 21 juin 2012 ne change rien à ce constat.

44.

Comme je l’ai mentionné ci-dessus, sur la base de cette communication, l’EUIPO a changé sa pratique à l’égard des marques enregistrées antérieures : pour ces marques, l’utilisation des indications générales de l’intitulé d’une classe était comprise en ce sens que la protection offerte par la marque s’étendait à tous les produits ou services visés dans la liste alphabétique d’une classe particulière plutôt que, comme auparavant, à tous les produits ou services relevant (potentiellement) de cette classe.

45.

L’étendue de la protection accordée par les marques qui ont été enregistrées ne peut tout simplement pas être modifiée sur le fondement d’une communication non contraignante. Il serait contraire à la stabilité des marques enregistrées si l’EUIPO pouvait, au moyen d’une communication ( 17 ), limiter le champ couvert par les marques déjà enregistrées.

46.

Dès lors, il faut garder à l’esprit que les communications de l’EUIPO dont il est ici question visent à expliquer et à préciser la pratique de l’EUIPO en matière d’examen des demandes de marques de l’Union européenne. Elles ne sont pas juridiquement contraignantes. Au moment où les marques Cactus antérieures ont été enregistrées, l’EUIPO acceptait l’enregistrement de marques pour des services de vente au détail relevant de la classe 35 et aucune limitation concernant l’utilisation des intitulés de classes pour désigner les produits et services couverts par la marque n’avait été exprimée dans les communications pertinentes ni, d’ailleurs, dans la jurisprudence ( 18 ).

47.

Contrairement à ce que l’EUIPO a soutenu au cours de l’audience, ce qui précède n’est pas remis en cause par sa lecture de l’arrêt Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122). Il est vrai que la Cour n’a pas seulement jugé que l’affirmation contenue dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) ne s’appliquait pas aux marques déjà enregistrées auparavant, mais a en outre spécifiquement entériné l’approche du Tribunal selon laquelle une marque antérieure faisant référence à l’intitulé de la classe en question (dans cette affaire, la classe 12) devait être interprétée comme visant à protéger cette marque pour la totalité des produits figurant sur la liste alphabétique de la classe concernée, conformément à l’approche exposée dans la communication no 2/12 pour les marques enregistrées avant le prononcé de l’arrêt IP Translator ( 19 ). D’après l’EUIPO, cela équivaut à accepter que l’utilisation d’un intitulé de classe pour désigner les produits ou services couverts par la marque ne peut s’étendre qu’aux produits ou services visés dans la liste alphabétique d’une classe déterminée.

48.

À cet égard, je ferai simplement observer que, dans l’arrêt Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122), la question d’une distinction entre, d’une part, les produits ou services figurant sur la liste alphabétique et, d’autre part, l’ensemble des produits ou services couverts par l’intitulé de classe en question ne s’était pas posée.

49.

Dans cette affaire Brandconcern, la Cour était appelée à statuer, sur pourvoi, sur le point de savoir si c’était à bon droit que le Tribunal avait conclu que, alors que le titulaire de la marque antérieure (LAMBRETTA) avait obtenu, conformément à sa demande, qui avait été déposée avant l’entrée en vigueur de la communication no 4/03, l’enregistrement de sa marque pour les « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » relevant de la classe 12, il y avait lieu d’accorder à ce titulaire, sur le fondement de la communication no 2/12, la protection pour l’ensemble des produits figurant sur la liste alphabétique relative à cette classe, conformément à l’intention du titulaire ( 20 ).

50.

Par conséquent, l’arrêt Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122) n’est pas un précédent entérinant l’approche adoptée par l’EUIPO dans la communication no 2/12 concernant la supposition selon laquelle une marque enregistrée avant la date limite du 21 juin 2012 peut tout au plus accorder une protection aux produits ou services visés dans la liste alphabétique concernée. De même, l’arrêt Brandconcern ne doit pas être lu comme faisant d’emblée obstacle à ce que la protection conférée par les marques enregistrées avant le prononcé de l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361) puisse s’étendre au-delà des produits et services figurant sur la liste alphabétique d’une classe déterminée.

51.

Cela étant précisé, je vais maintenant aborder la portée de l’arrêt Praktiker de la Cour.

b) Sur l’arrêt Praktiker

52.

La question qui se pose ici est celle de savoir si c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que, les marques Cactus antérieures ayant été enregistrées avant le prononcé de l’arrêt Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425) de la Cour, la protection conférée par ces marques antérieures s’étend aux services de vente au détail pour le commerce de tout produit sans qu’il soit nécessaire de préciser les produits ou les types de produits concernés par l’activité de commerce de détail en question.

53.

Certes, comme l’EUIPO le signale, la limitation de l’effet dans le temps des arrêts de la Cour est non pas la règle, mais l’exception. De même, c’est à juste titre que l’EUIPO indique que la Cour n’a pas expressément limité l’effet dans le temps de son arrêt Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425).

54.

Le caractère exceptionnel de la limitation des effets dans le temps des arrêts est le corollaire logique de la manière dont les arrêts de la Cour déploient leurs effets. En principe, les arrêts de la Cour produisent leurs effets ex tunc. Suivant la formule bien établie, consacrée dans le cadre des décisions préjudicielles rendues au titre de l’article 267 TFUE, l’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit de l’Union permet d’apporter des éclaircissements et des précisions à la signification et à la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies ( 21 ). La Cour ne limite donc les effets de ses arrêts que dans des circonstances exceptionnelles ( 22 ). En toute hypothèse, la Cour ne peut le faire que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée ( 23 ).

55.

Cela étant précisé, l’approche adoptée par le Tribunal est, à mon sens, justifiée. La raison en est simple.

56.

Il serait incohérent d’accepter l’application de l’affirmation contenue dans l’arrêt Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425), et non dans l’arrêt IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361), aux marques déjà enregistrées. Admettre l’application rétroactive de l’arrêt Praktiker au présent cas d’espèce serait non seulement inapproprié, mais tout simplement erroné. En effet, tout comme l’arrêt IP Translator, l’affirmation contenue dans cet arrêt n’est pas applicable en l’espèce. Ces deux arrêts ont trait à des demandes de marques, alors qu’en l’espèce, le problème dont la Cour est saisie concerne l’étendue de la protection conférée par une marque déjà enregistrée.

57.

Comme l’avocat général Campos Sánchez-Bordona l’a rappelé dans ses conclusions présentées dans l’affaire Brandconcern, il y a une différence importante entre le stade de la demande de marques et celui de leur enregistrement. L’interprétation de la liste des produits et services figurant dans une demande peut encore être modifiée conformément à l’article 43 du règlement sur la marque de l’Union européenne. Interpréter la liste des produits et services couverts par une marque déjà enregistrée est différent. En vertu de l’article 48 du même règlement, une marque enregistrée est, en principe, immuable ( 24 ). Admettre qu’une affirmation ultérieure de la Cour concernant les demandes de marques ait une incidence sur la protection conférée par les marques déjà enregistrées compromettrait la stabilité de ces marques. Cela irait aussi à l’encontre du principe de sécurité juridique et trahirait la confiance légitime des titulaires de marques.

58.

Enfin, pour conclure, j’aborderai une question soulevée par l’EUIPO au cours de l’audience.

c) Remarques finales

59.

L’EUIPO a signalé que Cactus n’a pas indiqué avant le 24 septembre 2016, conformément à l’article 28, paragraphe 8, du règlement sur la marque de l’Union européenne, que son intention, à la date de dépôt des demandes d’enregistrement des marques Cactus antérieures, était de demander la protection de produits ou de services autres que ceux relevant du sens littéral de l’intitulé de la classe, mais figurant sur la liste alphabétique de cette classe.

60.

Cela n’a bien évidemment, en soi, aucune conséquence pour l’issue du présent pourvoi.

61.

Cependant, l’argument avancé par l’EUIPO, de même que le commentaire formulé par Cactus concernant l’absence de cette déclaration, illustre deux aspects.

62.

D’une part, cela démontre que le législateur a voulu aligner la protection accordée, à l’avenir, aux marques enregistrées avant le prononcé de l’arrêt IP Translator de la Cour (C‑307/10, EU:C:2012:361) avec celles enregistrées après le prononcé de cet arrêt ( 25 ). En effet, l’article 28, paragraphe 8, du règlement sur la marque de l’Union européenne dispose que les marques de l’Union européenne pour lesquelles il n’a pas été déposé de déclaration avant le 24 septembre 2016 sont réputées, à compter de l’expiration de ce délai, ne désigner que les produits ou services qui relèvent clairement du sens littéral des indications figurant dans l’intitulé de la classe concernée.

63.

D’autre part, la question de savoir dans quelle mesure le fait que la liste alphabétique de la classe 35 ne vise pas expressément les services de vente au détail serait déterminant aux fins de déterminer si des marques telles que les marques Cactus antérieures peuvent également protéger des services de vente au détail n’est en rien évidente. En effet, il pourrait être soutenu que, eu égard à la note explicative relative à la classe 35 ( 26 ), ces services pourraient relever de cette classe même sous l’angle de l’approche littérale ( 27 ).

64.

Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant que la désignation de l’intitulé de la classe 35 couvre tous les services relevant de cette classe, y compris les services consistant dans la vente au détail de produits. En conséquence, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

B. Sur le second moyen : comment le caractère distinctif d’une marque doit-il être apprécié lorsque cette marque est utilisée sous une forme abrégée ?

1. Introduction

65.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’« il convient de constater que la marque figurative antérieure est composée d’un élément figuratif, à savoir un cactus stylisé, et, à sa suite, de l’élément verbal “cactus”. Ainsi, les deux éléments composant la marque figurative antérieure traduisent, chacun dans sa forme propre, un même contenu sémantique. Il y a lieu d’ajouter que, tant dans la marque figurative enregistrée que dans la forme abrégée de cette marque, la représentation du cactus stylisé est la même, de sorte que le consommateur assimile la forme abrégée de cette marque à sa forme enregistrée. Il s’ensuit que la marque figurative antérieure, telle qu’elle a été enregistrée, et cette même marque, telle qu’elle est utilisée par Cactus dans sa forme abrégée, doivent être considérées comme globalement équivalentes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’utilisation par Cactus du seul cactus stylisé n’altère pas le caractère distinctif de la marque figurative antérieure » ( 28 ).

66.

Le Tribunal a-t-il eu raison de considérer que l’usage du logo stylisé représentant un cactus, sans l’élément verbal « cactus », équivaut à un usage « sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée » au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement sur la marque de l’Union européenne ? Telle est la question que la Cour doit résoudre en examinant le second moyen du pourvoi.

67.

L’EUIPO ne le pense pas. Il soutient, en substance, que la conclusion du Tribunal est fondée sur un critère erroné (à savoir l’équivalence sémantique du logo et de l’élément verbal « cactus »). D’après lui, le Tribunal aurait dû examiner séparément le caractère distinctif et l’importance de l’élément verbal « cactus » omis.

68.

Plus précisément, il relève quatre erreurs de droit dans l’arrêt attaqué, toutes relatives à l’article 15, paragraphe 1, du règlement sur la marque de l’Union européenne. Premièrement, en fondant sa conclusion sur la seule concordance sémantique entre le logo et l’élément verbal, le Tribunal n’aurait pas examiné dans quelle mesure l’élément verbal « cactus » était distinctif et important dans la marque complexe. Deuxièmement, le Tribunal n’aurait pas tenu compte des différences visuelles et (éventuellement) phonétiques entre le logo et la marque complexe. Troisièmement, il aurait fondé à tort sa conclusion sur la connaissance préalable de la marque figurative antérieure par le public du Grand-Duché de Luxembourg. Quatrièmement, dans son examen du caractère distinctif de la marque figurative, il n’aurait pas pris en considération la perception du public de l’Union européenne dans son ensemble.

69.

Cactus fait valoir que le second moyen du pourvoi est irrecevable. En tout état de cause, elle soutient que le raisonnement du Tribunal n’est pas erroné.

2. Sur les critères permettant de déterminer si l’usage d’une marque sous une forme abrégée altère le caractère distinctif de la marque telle qu’elle a été enregistrée

70.

Je dois d’emblée exprimer mes doutes quant à la recevabilité d’au moins deux (des quatre) arguments avancés par l’EUIPO dans le cadre de ce moyen du pourvoi. Comme chacun le sait, la Cour n’est pas compétente pour réexaminer les faits ou les éléments de preuve. Elle ne saurait, en règle générale, substituer sa propre appréciation à celle effectuée par le Tribunal ( 29 ).

71.

À mon sens, les arguments de l’EUIPO relatifs à la perception de la marque figurative antérieure par le consommateur et au public pertinent (troisième et quatrième erreurs) invitent implicitement la Cour à réexaminer les faits sous‑jacents à la présente affaire. En vertu de la jurisprudence, de tels arguments sont irrecevables ( 30 ). En effet, les caractéristiques du public pertinent et la perception des consommateurs à l’égard de la marque en question relèvent, en tant que telles, de la compétence du Tribunal pour apprécier les faits ( 31 ).

72.

En ce qui concerne la troisième erreur alléguée, l’EUIPO fait valoir que le Tribunal a implicitement fondé son constat d’équivalence entre le cactus stylisé et la marque figurative, telle qu’elle a été enregistrée, sur la connaissance préalable que les consommateurs (dans le Grand-Duché de Luxembourg) peuvent avoir de l’élément omis. S’agissant de la quatrième erreur alléguée, l’EUIPO soutient que, si la perception des consommateurs de l’Union de manière générale avait été prise en considération, le Tribunal n’aurait pas pu parvenir à la même conclusion. Vérifier le bien-fondé de ces affirmations supposerait clairement de réexaminer les faits et les éléments de preuve qui ont été soumis au Tribunal et appréciés par celui-ci.

73.

En revanche, les deux autres arguments semblent pouvoir être contrôlés par la Cour ( 32 ). Ils portent, en effet, sur les critères au regard desquels il faut apprécier le point de savoir si l’usage d’une marque sous une forme abrégée altère le caractère distinctif de la marque enregistrée.

74.

L’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement sur la marque de l’Union européenne permet au titulaire de la marque de créer des variations de la marque enregistrée lorsque celle-ci est exploitée commercialement. En vertu de cette disposition, les variations sont admises pour autant que le caractère distinctif de la marque ne soit pas altéré. Cette disposition a donc pour objet de permettre au titulaire de mieux s’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou services concernés. À cet égard, la Cour a jugé qu’une marque a fait l’objet d’un usage sérieux « dès lors qu’est rapportée la preuve de l’usage de cette marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée » ( 33 ).

75.

De manière générale, le point de savoir si la forme sous laquelle la marque est utilisée équivaut à celle sous laquelle elle a été enregistrée requiert une appréciation globale de l’équivalence.

76.

Néanmoins, la jurisprudence ne donne pas d’indications claires sur la manière dont la question de savoir si l’usage d’une marque sous une forme abrégée altère le caractère distinctif de la marque enregistrée doit être appréciée. Cette jurisprudence concerne essentiellement des cas de figure quelque peu différents ayant trait, notamment, à l’ajout de nouveaux éléments distincts sur le plan conceptuel à la marque enregistrée (ou à l’utilisation de la marque sous une forme altérée). À cet égard et de manière générale, le Tribunal considère que le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’elle a été enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque ( 34 ).

77.

Le présent pourvoi soulève la question de savoir si cela vaut également lorsque des éléments sont omis.

78.

À mon sens, la réponse à cette question est différente selon les circonstances de chaque cas d’espèce.

79.

Supposons que Cactus ait enregistré une marque figurative composée de deux éléments : un élément figuratif représentant une rose et un élément verbal « cactus ». Supposons également que, dans ses opérations commerciales, Cactus ait exploité la marque figurative en utilisant exclusivement l’élément figuratif représentant une rose. Dans de telles circonstances, il serait nécessaire d’apprécier le caractère distinctif et dominant de l’élément omis afin de déterminer l’incidence de l’omission sur le caractère distinctif de la marque telle qu’elle a été enregistrée. Il en va ainsi, en substance, du fait de la discordance conceptuelle entre l’élément figuratif et l’élément verbal qui composent la marque enregistrée. En outre, dans une telle situation, l’omission de l’un des éléments pourrait avoir une incidence sur le caractère distinctif ( 35 ).

80.

En l’espèce, la situation est différente. L’élément figuratif (le cactus stylisé) et l’élément verbal (« cactus ») se réfèrent au même concept. Bien que je doute qu’il soit correct d’affirmer, comme le Tribunal l’a fait, qu’un logo et un élément verbal ont le même contenu sémantique, cela ne change rien au fait que l’élément omis est équivalent sur le plan conceptuel à l’élément figuratif utilisé.

81.

Le Tribunal n’a certes pas déclaré son intention de procéder à une appréciation globale de l’équivalence, mais il ressort du point contesté de l’arrêt attaqué qu’il l’a effectivement fait. En effet, il a comparé la marque telle qu’elle est utilisée (un cactus stylisé) à la marque telle qu’elle a été enregistrée (un cactus stylisé et l’élément verbal). C’est cette appréciation globale de l’équivalence qui lui a permis de conclure que les deux marques étaient globalement équivalentes. Comme l’a fait observer Cactus, dès lors que les éléments en question sont équivalents sur le plan conceptuel, le caractère distinctif de l’élément verbal « cactus » ne peut pas être différent de celui transmis par l’élément figuratif de la marque. Dans de telles circonstances, il serait superflu d’examiner séparément le caractère distinctif de l’élément verbal omis.

82.

Pour cette raison, c’est à juste titre que le Tribunal a conclu que l’utilisation du seul cactus stylisé sans l’élément verbal « cactus » n’altère pas le caractère distinctif de la marque figurative antérieure. J’estime donc qu’il convient de rejeter le second moyen du pourvoi comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

VI. Conclusion

83.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) aux dépens.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 15 juillet 2015, Cactus/OHMI – Del Rio Rodríguez (CACTUS OF PEACE CACTUS DE LA PAZ) (T‑24/13, non publié, EU:T:2015:494, ci-après l’« arrêt attaqué »).

( 3 ) Règlement du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1, ci-après le « règlement sur la marque de l’Union européenne »).

( 4 ) Arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361, ci-après l’« arrêt IP Translator »).

( 5 ) Arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau- und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425, ci-après l’« arrêt Praktiker »).

( 6 ) Règlement de la Commission du 13 décembre 1995 portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »).

( 7 ) La classification de Nice contient une liste de classes qui sont accompagnées de notes explicatives. Depuis le 1er janvier 2012, cet arrangement comprend 34 classes de produits et 11 classes de services. Chaque classe est composée de plusieurs indications générales, qui constituent l’intitulé de la classe, et de la liste alphabétique de produits et de services. Les produits et services dont il est ici question sont les suivants. Classe 31 : « Semences, plantes et fleurs naturelles » ; classe 39 : « Service de stockage, distribution et transport de toutes sortes d’engrais, fertilisants, semences, fleurs, plantes, arbres, outils et articles de jardinage » ; classe 44 : « Services de jardiniers, services de pépiniéristes, services d’horticulture ».

( 8 ) Ces produits et services correspondent, pour certaines de ces classes, à la description suivante. Classe 31 : « Produits alimentaires non compris dans d’autres classes ; fleurs et plantes naturelles, graines ; fruits et légumes frais, à l’exception des cactus, graines de cactus et plus généralement des plantes et graines de la famille des cactacées » ; classe 35 : « Publicité, gestion des affaires commerciales, notamment gestion de magasins, gestion de magasins pour articles de bricolage et de jardinage, gestion de supermarchés et d’hypermarchés ; administration commerciale, travaux de bureau, notamment publicité, publicité radiophonique et/ou télévisée, diffusion d’annonces publicitaires, publication de textes publicitaires, distribution de matériel publicitaire ; études de marché ; affichage ; aide à la direction d’affaires commerciales ; démonstration de produits, distribution d’échantillons ; sondages d’opinion ; recrutement de personnel ; analyse du prix de revient ; relations publiques » ; classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages, notamment camionnage ; dépôt de marchandises, location de magasins et/ou d’entrepôts ; livraison de marchandises ; messagerie ».

( 9 ) Arrêt du 16 juin 2012, IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361, point 61).

( 10 ) Arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425, point 50).

( 11 ) Points 36 à 39 de l’arrêt attaqué.

( 12 ) Communication du 16 juin 2003 concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque de l’Union européenne.

( 13 ) Communication du 2 juin 2012 concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque de l’Union européenne.

( 14 ) Arrêt du 16 février 2017, Brandconcern/EUIPO et Scooters India (C‑577/14 P, EU:C:2017:122, ci-après l’« arrêt Brandconcern »).

( 15 ) Arrêt du 16 juin 2012, IP Translator (C‑307/10, EU:C:2012:361, points 29 à 32).

( 16 ) Toute autre interprétation rendrait sans objet la modification apportée à l’article 28 du règlement sur la marque de l’Union européenne par le règlement (UE) no 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21). En vertu de ce règlement, l’article 28 prévoit une période transitoire permettant aux titulaires de marques de l’Union européenne qui ont été demandées avant le 22 juin 2012 et qui ont été enregistrées pour l’intitulé entier d’une classe de la classification de Nice de déclarer, avant le 24 septembre 2016, que leur intention, à la date de dépôt de la demande, était de demander la protection de produits ou de services autres que ceux relevant du sens littéral de l’intitulé de cette classe, mais figurant sur la liste alphabétique de cette classe.

( 17 ) Voir point 56 ci-dessous.

( 18 ) L’EUIPO accepte l’enregistrement de marques pour des services de vente au détail depuis l’adoption de la communication no 3/01 du président de l’Office, du 12 mars 2001, concernant l’enregistrement des marques de l’Union européenne pour les services de détail. Voir arrêt du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT) (T‑186/02, EU:T:2004:197, point 42).

( 19 ) Arrêt du 16 février 2017, Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122, point 32).

( 20 ) Arrêt du 16 février 2017, Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122, points 19 et 32). Voir, également, arrêt du 30 septembre 2014, Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA) (T‑51/12, non publié, EU:T:2014:844, notamment points 35 et 36). Voir, également, arrêt du 31 janvier 2013, Present-Service Ullrich/OHMI – Punt Nou (babilu) (T‑66/11, non publié, EU:T:2013:48, points 49 et 50). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé qu’un demandeur de marque qui a utilisé toutes les indications générales énumérées dans l’intitulé de la classe 35 avant l’entrée en vigueur de la communication no 2/12 pouvait être réputé avoir eu l’intention de couvrir tous les services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe. Le Tribunal n’a cependant pas abordé le fait que la liste alphabétique n’était pas mentionnée dans la communication no 4/03.

( 21 ) Voir, notamment, arrêts du 11 août 1995, Roders e.a. (C‑367/93 à C‑377/93, EU:C:1995:261, point 42 et jurisprudence citée), ainsi que du 6 mars 2007, Meilicke e.a. (C‑292/04, EU:C:2007:132, point 34 et jurisprudence citée).

( 22 ) La Cour a admis la limitation des effets dans le temps de ses arrêts notamment dans le récent arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, points 101 à 111). Voir, également, arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56).

( 23 ) Voir, parmi de nombreux précédents, arrêt du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co (C‑437/97, EU:C:2000:110, point 57).

( 24 ) Conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona présentées dans l’affaire Brandconcern/EUIPO (C‑577/14 P, EU:C:2016:571, points 67 et 68).

( 25 ) Arrêt du 16 février 2017, Brandconcern (C‑577/14 P, EU:C:2017:122, point 33).

( 26 ) La note explicative relative à la classification de Nice (7e édition, en vigueur au moment du dépôt des demandes d’enregistrement des marques Cactus antérieures) précise que l’intitulé général de la classe 35 se réfère aux services consistant dans le regroupement pour le compte de tiers de produits divers permettant au consommateur de les voir et de les acheter commodément. Voir, également, directives relatives à l’examen des marques de l’Union européenne, Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), Partie B, Examen, Section 3, Classification, 1er août 2016, p. 4. Dans ces directives, l’EUIPO indique que les notes explicatives précisent quels sont les produits ou les services qui sont susceptibles ou non de relever des intitulés de classe et qui doivent être considérés comme faisant partie intégrante de la classification.

( 27 ) Voir arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker (C‑418/02, EU:C:2005:425, point 50). Voir, également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Netto Marken-Discount (C‑420/13, EU:C:2014:2069, points 33 à 36).

( 28 ) Point 61 de l’arrêt attaqué.

( 29 ) Voir, parmi de nombreux précédents, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI (C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49 et jurisprudence citée).

( 30 ) Voir, parmi de nombreux précédents, arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI (C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 52 et jurisprudence citée).

( 31 ) Voir, notamment, arrêts du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI (C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 51), et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI (C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 51 et jurisprudence citée).

( 32 ) Voir conclusions de l’avocat général Szpunar présentées dans l’affaire OHMI/Grau Ferrer (C‑597/14 P, EU:C:2016:2, point 111).

( 33 ) Arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI (C‑234/06 P, EU:C:2007:514, point 86).

( 34 ) Arrêts du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT) (T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, points 38 et 39), ainsi que du 14 juillet 2014, Vila Vita Hotel und Touristik/OHMI – Viavita (VIAVITA) (T‑204/12, non publié, EU:T:2014:646, point 34 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la Cour a également jugé que l’usage d’un signe complexe qui est enregistré en tant que marque peut maintenir les droits acquis à l’égard aussi bien de ce signe complexe que d’une partie de ce signe ayant fait l’objet d’un enregistrement distinct, pour autant que cette partie demeure perçue comme une marque en tant que telle. Voir arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding (C‑12/12, EU:C:2013:253, points 27 à 35).

( 35 ) Voir, concernant l’analyse devant être effectuée, notamment, arrêts du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus) (T‑135/04, EU:T:2005:419, points 36 et suiv.), ainsi que du 21 janvier 2015, Sabores de Navarra/OHMI – Frutas Solano (KIT, EL SABOR DE NAVARRA) (T‑46/13, non publié, EU:T:2015:39, points 35 à 42).

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