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Document 62014TJ0681
Judgment of the General Court (Third Chamber) of 28 March 2017.#Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi v Council of the European Union.#Common foreign and security policy — Restrictive measures taken against Libya — Freezing of funds — Restrictions on the entry into and transit through the territory of the European Union — Retention of the applicant’s name — Rights of the defence — Obligation to state reasons.#Case T-681/14.
Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 28 mars 2017.
Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi contre Conseil de l'Union européenne.
Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Libye – Gel des fonds – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Maintien du nom de la requérante – Droits de la défense – Obligation de motivation.
Affaire T-681/14.
Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 28 mars 2017.
Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi contre Conseil de l'Union européenne.
Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Libye – Gel des fonds – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Maintien du nom de la requérante – Droits de la défense – Obligation de motivation.
Affaire T-681/14.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:227
DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
28 mars 2017 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Libye – Gel des fonds – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Maintien du nom de la requérante – Droits de la défense – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑681/14,
Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi, demeurant à Mascate (Oman), représentée initialement par M. J. Jones, QC, puis par Mme S. Bafadhel, barrister,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. A. de Elera-San Miguel Hurtado, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et visant à l’annulation, d’une part, de la décision 2014/380/PESC du Conseil, du 23 juin 2014, modifiant la décision 2011/137/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2014, L 183, p. 52), en tant qu’elle maintient le nom de la requérante sur la liste figurant aux annexes I et III de la décision 2011/137/PESC du Conseil, du 28 février 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 53), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) n° 689/2014 du Conseil, du 23 juin 2014, mettant en œuvre l’article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 204/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2014, L 183, p. 1), en tant qu’il maintient le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II du règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil, du 2 mars 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 1),
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester (rapporteur), juges,
greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 novembre 2016,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Mme Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi, est une ressortissante de nationalité libyenne et la fille de l’ancien dirigeant libyen Muammar Kadhafi.
2 Le 26 février 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1970 (2011), qui instaure des mesures restrictives à l’encontre de la Libye ainsi que des personnes et des entités ayant participé à la commission de violations graves des droits de l’homme dans cet État.
3 Le 28 février 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2011/137/PESC, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 53).
4 L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la décision 2011/137 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées par la résolution 1970 (2011) ou désignées conformément à celle-ci, dont la liste figure à l’annexe I de cette décision.
5 L’article 6, paragraphe 1, sous a), de la décision 2011/137 dispose que les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes visées à l’annexe III sont gelés.
6 Le 2 mars 2011, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 204/2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 1).
7 L’article 5 du règlement n° 204/2011 prévoit le gel de tous les fonds et ressources économiques appartenant aux, en possession des, détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés, notamment, à l’annexe II.
8 La requérante fait partie des personnes visées par la résolution 1970 (2011) et inscrites, par voie de conséquence, sur les listes figurant aux annexes I et III de la décision 2011/137 et à l’annexe II du règlement n° 204/2011, avec l’indication des motifs suivants :
« KADHAFI, Aicha Muammar. Date de naissance : 1978. Lieu de naissance : Tripoli, Libye. Fille de Muammar Kadhafi. Association étroite avec le régime. Date de désignation par les Nations unies : 26.02.2011. »
9 Par lettre du 4 avril 2013, le représentant de la requérante s’est adressé au Conseil pour demander, au nom de sa cliente, la « cessation immédiate » des mesures restrictives la visant (ci-après la « lettre du 4 avril 2013 »).
10 Le 23 juin 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/380/PESC, modifiant la décision 2011/137 (JO 2014, L 183, p. 52), et le règlement d’exécution (UE) n° 689/2014, mettant en œuvre l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 204/2011 (JO 2014, L 183, p. 1) (ci-après les « actes attaqués »). Les modifications apportées par les actes attaqués ne visaient pas la requérante, dont le nom a donc été maintenu sur les listes figurant aux annexes I et III de la décision 2011/137 et à l’annexe II du règlement n° 204/2011.
11 Par lettre du 24 juin 2014, envoyée aux « Doughty Street Chambers » à Londres (Royaume-Uni) et destinée au représentant de la requérante, le Conseil informait celui-ci que, à la suite d’un réexamen, il avait décidé de maintenir le nom de la requérante sur les listes des personnes soumises aux mesures restrictives et figurant aux annexes de la décision 2011/137, telle que modifiée par la décision 2014/380, et du règlement n° 204/2011, tel que mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 689/2014 (ci-après les « listes litigeuses »).
12 Par ailleurs, le 24 juin 2014, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités qui font l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2011/137 et par le règlement n° 204/2011 (JO 2014, C 193 p. 19).
Procédure et conclusions des parties
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.
14 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2014, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. La requérante a déposé ses observations sur ladite exception d’irrecevabilité le 16 février 2015.
15 Le 22 janvier 2015, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à produire, dans un délai de quinze jours, le mandat de représentation donné par la requérante à son représentant, M. J. Jones, QC, dont il est question au premier paragraphe de sa lettre au Conseil du 4 avril 2013. Les parties ont présenté leurs réponses dans le délai imparti.
16 Par ordonnance du 19 mars 2015, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.
17 À la suite du décès du représentant légal initial de la requérante, l’audience, initialement fixée au 13 septembre 2016, a été reportée au 26 octobre 2016, puis au 8 novembre 2016 à la demande de la requérante.
18 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 31 octobre 2016, la requérante a introduit, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une demande visant à ce que des preuves supplémentaires, notamment sept documents, soient admises au soutien du recours. Le Tribunal a enregistré cette demande ainsi que les pièces produites, tout en réservant sa décision sur leur recevabilité.
19 Ayant été invité, par lettre du 3 novembre 2016, à réagir aux nouveaux éléments de preuve, le Conseil a déposé des observations écrites le 7 novembre 2016. Le Conseil a demandé, en substance, au Tribunal de ne pas accepter les preuves supplémentaires produites par la requérante à ce stade.
20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 novembre 2016.
21 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, imposer au Conseil de divulguer toutes les informations qui étayent son inscription sur les listes litigieuses ;
– annuler la décision 2011/137, telle que modifiée par la décision 2014/380, en tant que celle-ci la vise ;
– annuler le règlement n° 204/2011, tel que mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 689/2014, en tant que celui-ci la vise ;
– condamner le Conseil aux dépens.
22 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
23 Il convient d’examiner, tout d’abord, la recevabilité du recours, ensuite, la recevabilité de la demande d’admission des preuves supplémentaires et, enfin, le bien-fondé des moyens de la requérante.
Sur la recevabilité du recours
24 Le Conseil excipe de l’irrecevabilité du recours pour cause de tardivité.
25 Se fondant sur les dispositions combinées de l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE et de l’article 102 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Conseil soutient que le délai pour l’introduction du recours a commencé à courir à partir du 24 juin 2014, date de la réception de la notification individuelle adressée par le Conseil au représentant de la requérante. Le Conseil fait valoir que le délai lui-même n’est que de deux mois, auxquels s’ajoute le délai de distance forfaitaire de dix jours, sans que le délai supplémentaire de quatorze jours mentionné à l’article 102 du règlement de procédure du 2 mai 1991 soit applicable. Partant, le délai d’introduction du recours aurait expiré le 4 septembre 2014, alors que la requérante n’a introduit son recours que le 18 septembre 2014.
26 La requérante rétorque que son représentant n’a pas reçu la notification du Conseil le 24 juin 2014. Premièrement, la date apposée sur l’envoi serait le 25 juin 2014. Deuxièmement, son représentant n’en aurait pris connaissance que quinze jours plus tard, puisque le courrier du Conseil était adressé, sans autre précision, à « Doughty Street Chambers, 53-54 Doughty Street, London, WC1N 2LS, United Kingdom », et non spécifiquement à son représentant. Or, compte tenu de l’organisation des « barristers’ chambers », telles que Doughty Street, lesquelles comprennent un grand nombre de représentants indépendants, il aurait fallu un certain temps pour identifier le destinataire du courrier en question.
27 Par ailleurs, la requérante relève que, dans sa réponse du 29 janvier 2015 à la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, le Conseil a admis que le mandat de représentation qu’elle avait donné à son représentant n’était pas joint à la lettre du 4 avril 2013. Pour cette raison, la requérante estime que le Conseil ne pouvait considérer ce dernier comme son représentant dûment mandaté et autorisé à recevoir des notifications en son nom. Il en résulte, selon la requérante, que la lettre du 24 juin 2014 envoyée à l’adresse des « Doughty Street Chambers » ne devrait pas être considérée comme une « notification au requérant » au sens de l’article 263 TFUE. En conséquence, le délai d’introduction du recours aurait commencé à courir à partir de la publication, le 24 juin 2014, de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne et aurait expiré le 18 septembre 2014, de sorte que le recours n’aurait pas été introduit hors délai.
28 À cet égard il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».
29 En outre, il résulte de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 que, lorsque ce délai doit être compté à partir de la publication de l’acte en question, il commence à courir à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication au Journal officiel de l’Union européenne. Enfin, conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, ledit délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.
30 En l’espèce, tout d’abord, il convient de constater que les actes attaqués ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 24 juin 2014. Toutefois, comme le prévoyaient respectivement l’article 9, paragraphe 3, de la décision 2011/137 et l’article 16, paragraphe 3, du règlement n° 204/2011, les actes attaqués devaient également être communiqués aux personnes et aux entités qu’ils visaient. Il ressort des éléments du dossier que, d’une part, les actes attaqués ont été communiqués au représentant de la requérante et que, d’autre part, le Conseil a recouru à la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.
31 S’agissant de la prétendue notification individuelle, il ressort de la jurisprudence qu’il n’est, en principe, pas permis au Conseil de s’acquitter de l’obligation de communication à l’intéressé d’un acte comportant des mesures restrictives à son égard, prévue par la réglementation pertinente, en adressant la notification de cet acte aux avocats qui le représentent. La notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation ou lorsqu’il existe un accord en ce sens entre les parties (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 74 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, par sa lettre du 4 avril 2013, le représentant de la requérante s’est adressé au Conseil en ces termes :
« Je vous écris au nom de ma cliente, Mme Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi […] Mon autorisation à vous écrire en son nom est annexée à la présente lettre.
Au nom de Mme El-Qaddafi, j’écris au Conseil de l’Union européenne pour demander la cessation immédiate des mesures restrictives à l’encontre de Mme El-Qaddafi […]
Conformément à l’article 9, paragraphe 4, de la décision 2011/137/PESC du Conseil et à l’article 16, paragraphe 4, du règlement (EU) n° 204/2011 du Conseil, le Conseil de l’Union européenne devrait m’informer immédiatement de l’action entreprise à la suite de la présente lettre. »
33 Toutefois, comme l’a admis le Conseil dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal et mentionnée au point 15 ci-dessus, le mandat de représentation conféré par la requérante à son représentant n’était pas joint à cette lettre.
34 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la notification effectuée par le Conseil n’équivalait pas à une notification directe des actes attaqués à la requérante pour autant que, en l’absence de la preuve de l’existence d’un mandat de représentation donné par la requérante à son représentant, le Conseil ne pouvait pas considérer qu’un consentement était donné par celle-ci à ce que toutes correspondances ou informations la concernant, et dès lors toutes notifications officielles, soient directement adressées audit représentant.
35 Par conséquent, il doit être conclu que le Conseil n’a pas valablement communiqué la décision à la requérante et que le délai pour introduire le recours a commencé à courir à partir du 24 juin 2014, date de la publication des actes attaqués, comme prévu à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.
36 En se fondant sur la date de la publication de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne du 24 juin 2014, le délai de deux mois, prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, augmenté du délai de quatorze jours ainsi que du délai de distance forfaitaire de dix jours prévus à l’article 102 du règlement de procédure du 2 mai 1991, expirait le 18 septembre 2014. La requérante, en déposant sa requête le 18 septembre 2014, a donc respecté le délai de recours.
37 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité tirée de la tardiveté du recours soulevée par le Conseil.
Sur la recevabilité des preuves supplémentaires
38 Ainsi qu’il a été noté au point 18 ci-dessus, la requérante a demandé au Tribunal d’admettre de nouveaux éléments de preuve dans le but de démontrer qu’elle ne représentait pas une menace pour la paix et la sécurité en Libye et que les mesures restrictives imposées à son égard étaient erronées et injustes. Il s’agit, notamment, des sept pièces suivantes :
– la lettre du ministre de la Justice libyen du 10 octobre 2016 ;
– l’avis du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, adopté le 19 avril 2016 ;
– l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du 3 juin 2016 ;
– la note d’information sur la Libye de la mission d’appui des Nations unies en Libye au Conseil de sécurité du 13 septembre 2016 ;
– le rapport du comité des affaires étrangères de la Chambre des Communes du Royaume-Uni, publié le 14 septembre 2016 ;
– la correspondance électronique entre l’ex-ministre des Affaires étrangères des États-Unis, Mme Hillary Clinton, et M. Blumenthal, du 5 avril 2011 ;
– la correspondance électronique entre les représentants de la requérante et l’Office of Financial Sanctions Implementation (bureau chargé de la mise en œuvre des sanctions financières, ci‑après l’« OFSI ») du Trésor du Royaume-Uni, pendant la période allant du 8 octobre 2015 au 15 septembre 2016.
39 Pour justifier la soumission tardive desdites pièces, la requérante fait valoir que les documents en question n’étaient disponibles qu’après le dépôt de ses dernières observations le 12 juin 2015. Par ailleurs, la requérante invoque le « grave retard » de l’OFSI dans l’octroi de l’autorisation dont elle avait besoin pour s’adjoindre un nouveau représentant légal à la suite du décès de son représentant initial, M. Jones.
40 Dans ses observations écrites du 7 novembre 2016, en premier lieu, le Conseil rétorque que la requérante a excessivement tardé à présenter les nouveaux documents au Tribunal. Le Conseil souligne que, parmi les sept documents soumis, six ont été publiés entre février 2016 et le 15 septembre 2016. C’est uniquement la lettre du ministre de la Justice libyen qui a été publiée le 10 octobre 2016, à savoir 21 jours avant la soumission des nouveaux éléments de preuve au Tribunal.
41 En deuxième lieu, le Conseil soutient que l’examen de nouveaux éléments de preuve doit être fait par lui en tant qu’institution, et non par ses agents dans le cadre du présent litige.
42 En troisième lieu, le Conseil fait valoir que les documents en question sont dénués de pertinence dans la mesure où six d’entre eux ont été publiés postérieurement au maintien de la requérante sur les listes de mesures restrictives en raison de la situation en Libye.
43 Il convient de rappeler, à cet égard, que, aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce n’est qu’« [à] titre exceptionnel [que] les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».
44 En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante a obtenu l’autorisation de l’OFSI dont elle avait besoin pour s’adjoindre un nouveau représentant légal le 15 septembre 2016, ce qui aurait permis à son nouveau représentant de soumettre six des sept documents au Tribunal dès cette date. La requérante n’invoque pas de circonstances particulières justifiant leur production plus d’un mois plus tard ni de circonstances expliquant le retard de 21 jours dans la présentation au Tribunal de la lettre du ministre de la Justice libyen datée du 10 octobre 2016.
45 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la soumission tardive des preuves supplémentaires. Partant, lesdits éléments sont irrecevables et ne seront pas pris en compte par le Tribunal dans l’examen du présent recours.
Sur le fond
46 À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, d’une violation du droit de propriété et du droit au respect de la vie familiale et, le troisième, d’une illégalité des mesures restrictives la visant.
47 Au soutien de son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, qu’il n’existe aucune information claire et précise indiquant les raisons pour lesquelles elle a été visée par les mesures restrictives. À l’exception de l’indication « Fille de Muammar Kadhafi. Association étroite avec le régime », aucun motif particulier ne lui aurait été communiqué justifiant l’imposition et le maintien de mesures restrictives, même après la chute du régime qui était visé par lesdites mesures. La requérante fait valoir que le Conseil ne lui a donné aucune possibilité de formuler ses observations pour se défendre.
48 Dans ces conditions, la requérante estime que le Conseil n’a pas respecté les exigences en matière de respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective qui s’imposent en vertu de l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission/Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518).
49 La requérante souligne, notamment, que le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union européenne communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son endroit. Lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien‑fondé des motifs allégués, en évaluant la nécessité de solliciter la collaboration du comité des sanctions (arrêt du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111, 112, 114 et 115).
50 Par ailleurs, la requérante rappelle que la motivation fournie par l’autorité compétente doit identifier les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles il a été considéré que la personne concernée devait faire l’objet de mesures restrictives (arrêt du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 116). Or, en l’espèce, l’exposé des motifs fourni par le Conseil ne contiendrait aucune raison spécifique, individuelle ou concrète justifiant le maintien des mesures restrictives à son égard. La requérante souligne que la situation en Libye a profondément changé à la suite de la chute du régime de M. Kadhafi, ce qui a également influencé la nature des liens supposés entre elle et ledit régime. La requérante critique le fait d’être toujours soumise aux mesures restrictives, alors que les objectifs de la résolution 1970 (2011) ont déjà été atteints, le fait d’être la fille du dirigeant sous l’ancien régime n’étant plus suffisant pour justifier son maintien sur les listes litigieuses. La requérante se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil (T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806), qui confirmerait son point de vue.
51 Le Conseil conteste les arguments de la requérante et rétorque que les exigences du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ont été pleinement respectées en l’espèce. Premièrement, le Conseil fait valoir que l’indication des motifs figurant dans les listes litigieuses reprend, en des termes quasi identiques, l’exposé des motifs tel qu’il apparaît dans la résolution 1970 (2011).
52 Deuxièmement, le Conseil souligne que l’exigence selon laquelle l’autorité compétente doit permettre à la personne concernée de faire connaître utilement son point de vue a été également respectée, dans la mesure où la publication, au Journal officiel de l’Union européenne du 3 mars 2011, de l’avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2011/137 et le règlement n° 204/2011 (JO 2011, C 68, p. 1) a permis à la requérante d’être informée de son inscription sur les listes litigieuses et des possibilités de contestation.
53 Troisièmement, s’agissant de l’exigence d’examiner, avec soin et impartialité, les allégations de la personne concernée ainsi que la possibilité de consulter le comité des sanctions créé conformément à la résolution 1970 (2011), le Conseil estime avoir pleinement respecté cette obligation. Notamment, le Conseil observe que, après avoir consulté le comité des sanctions, il a, par lettre du 18 décembre 2014, répondu aux arguments de la requérante présentés dans sa lettre du 4 avril 2013, en l’informant de l’existence d’un motif supplémentaire de sa désignation, tel que communiqué par le comité des sanctions, à savoir la violation de l’interdiction de voyager, en méconnaissance de la résolution 1970 (2011). Par ailleurs, le Conseil relève avoir, par lettre du 4 mai 2015, communiqué à la requérante des « informations reçues des autorités libyennes le 10 mars 2015 ».
54 Quatrièmement, le Conseil ajoute que la Libye connaît actuellement une guerre civile. En effet, plusieurs factions lutteraient pour le contrôle du pays et l’une d’entre elles, soutenue par les « fidèles de Kadhafi », serait impliquée dans l’usage de la force, de la répression et dans de violentes attaques dirigées contre les civils. Le Conseil estime que, bien que M. Kadhafi ne soit plus au pouvoir, ses partisans continuent à jouer un rôle important dans la situation en Libye et participent à des attaques à l’encontre de civils. Le Conseil est d’avis que, dans ces circonstances, les motifs initiaux justifiant la désignation de la requérante conservent leur pertinence malgré l’évolution de la situation en Libye.
55 Tout d’abord, il convient d’examiner les griefs de la requérante relatifs à la motivation des mesures restrictives la visant. Il importe de préciser que ces griefs ne sont opérants que dans la mesure où ils ont pour objet d’obtenir l’annulation des actes attaqués, les actes d’inscription initiale de 2011 ne faisant manifestement pas l’objet du présent recours, faute d’avoir été contestés en temps utile devant le juge de l’Union.
56 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).
57 La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêts du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil, T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806, point 63 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 27 et jurisprudence citée).
58 S’agissant de mesures restrictives, sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique, en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte de l’Union correspond à des motifs exposés par une instance internationale, que cette motivation identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de telles mesures. Le juge de l’Union doit, dès lors, notamment vérifier le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 116 et 118, et du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat, C‑176/13 P, EU:C:2016:96, point 76). Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds ne saurait, en principe, consister seulement en une formulation générale et stéréotypée (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 146 et jurisprudence citée).
59 Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. Elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où son caractère suffisant doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi de son contexte et de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806, point 66 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 30 et jurisprudence citée).
60 En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêts du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806, point 67 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 31 et jurisprudence citée).
61 Il s’ensuit que, afin de déterminer si les actes attaqués satisfont à l’obligation de motivation, il y a lieu de vérifier si le Conseil a exposé de manière compréhensible et suffisamment précise, dans les motifs énoncés dans ces actes, les raisons l’ayant conduit à considérer que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses était justifié au regard des critères juridiques applicables.
62 En l’espèce, tout d’abord, il convient de constater que ni la décision 2014/380 ni le règlement d’exécution n° 689/2014 proprement dits ne font état d’une indication, et a fortiori d’une raison individuelle, spécifique et concrète, qui permette de savoir pourquoi le Conseil a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses en juin 2014, en dehors des justifications qui avaient été mises en avant pour justifier l’inscription de son nom sur ces listes en février 2011.
63 Ensuite, force est de constater que, si les motifs avancés par le Conseil pour inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses sont à considérer comme répondant aux exigences prescrites par la jurisprudence, dès lors qu’ils n’ont pas été contestés en temps utile devant le juge de l’Union, ils ne permettent en revanche pas de comprendre les justifications ayant conduit le Conseil à maintenir les mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante, dans les actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil, T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806, point 71).
64 Ainsi que la requérante l’a souligné à maintes reprises dans ses écritures, il est constant que le contexte dans lequel sont intervenus les actes attaqués est considérablement différent de celui qui existait au moment de l’adoption de la décision 2011/137 et du règlement n° 204/2011. Le Conseil ne conteste pas cette affirmation et admet, notamment, dans la duplique, l’« évolution de la situation en Libye » ainsi que le fait que M. Kadhafi ne soit plus au pouvoir.
65 Or, considérées dans un contexte substantiellement différent de celui qui prévalait en 2011, les indications telles que « Fille de Muammar Kadhafi » et « Association étroite avec le régime » ne permettent pas de comprendre pour quelles raisons individuelles, spécifiques et concrètes le nom de la requérante a été maintenu le 23 juin 2014 sur les listes des personnes visées par les mesures restrictives adoptées par le Conseil le 28 février 2011. Pour rappel, ces mesures avaient été prises « à l’encontre […] des personnes et entités ayant participé à la commission de violations graves des droits de l’homme contre des personnes, y compris à des attaques, en violation du droit international, contre des populations ou des installations civiles », dans le but de mettre fin aux « événements qui se déroulent en Libye », et notamment « au recours à la force et à la violence contre les civils » ainsi qu’à « la répression exercée à l’encontre de manifestations pacifiques », comme l’exposent les considérants 1 à 5 de la décision 2011/137 (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil, T‑348/13, EU:T:2014:806, point 73).
66 En ce qui concerne l’argument du Conseil selon lequel l’exposé des motifs litigieux reprend, en des termes quasi identiques, l’exposé des motifs tel qu’il apparaît dans la résolution 1970 (2011), il y a lieu de relever que les principes relatifs à l’obligation de motivation s’appliquent en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte correspond à des motifs exposés par une instance internationale (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 116). Bien que, dans ces circonstances, le Conseil puisse se référer à la motivation énoncée dans la décision du Conseil de sécurité, il ressort clairement de la jurisprudence que le Conseil n’est aucunement déchargé de son obligation de vérifier si cette motivation satisfait aux principes énoncés aux points 56 et 57 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2015, HK Intertrade/Conseil, T‑159/13 et T‑372/14, non publié, EU:T:2015:894, point 62).
67 Ensuite, le Conseil fait état de deux motifs supplémentaires justifiant le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses. En premier lieu, le Conseil invoque la violation de l’interdiction de voyager par la requérante, en méconnaissance de la résolution 1970 (2011). Il s’agit du fait que, en octobre 2012, la requérante a quitté l’Algérie pour s’installer à Oman.
68 En second lieu, le Conseil s’appuie sur les « nouvelles informations » relatives aux prétendus crimes graves et à l’opposition aux autorités libyennes légitimes, pour lesquels la requérante ferait l’objet de poursuites pénales en Libye. La requérante aurait fait de nombreuses déclarations publiques qui représentent, selon le Conseil, une menace pour la paix et la sécurité internationales.
69 Il convient de relever, à cet égard, que ces motifs supplémentaires sont manifestement dénués de pertinence pour autant que, d’une part, ils ne figurent pas parmi les motifs sur la base desquels les actes attaqués ont été adoptés et, d’autre part, il ressort des éléments du dossier qu’ils ont été portés à l’attention du Conseil postérieurement à la date de l’adoption desdits actes.
70 Notamment, en ce qui concerne la violation de l’interdiction de voyager, il ressort du dossier que c’est par lettre du comité des sanctions du 2 octobre 2014, à savoir plus de trois mois après l’adoption des actes attaqués, que le Conseil en a été informé. Ensuite, par lettre du 18 décembre 2014, le Conseil a informé la requérante de l’existence d’un « motif supplémentaire » de désignation qui serait prévu par la résolution 1973 (2011).
71 Par ailleurs, dans la mesure où le Conseil se réfère à la résolution 1973 (2011) pour expliquer le maintien de mesures restrictives, il convient de noter que cette résolution ne figure manifestement pas parmi les résolutions du Conseil de sécurité sur la base desquelles ont été adoptés les actes attaqués.
72 Quant aux « nouvelles informations » invoquées par le Conseil, il ressort des éléments du dossier que la requérante les a reçues le 4 mai 2015, à savoir presque un an après l’adoption des actes attaqués. Dès lors, ces éléments ne peuvent raisonnablement pas être mis en avant pour fonder une réinterprétation a posteriorides actes attaqués qui datent de juin 2014.
73 Enfin, même à supposer, comme le soutient le Conseil, que les motifs litigieux auraient dû être compris à la lumière du fait que les partisans du régime déchu de M. Kadhafi continuaient à jouer un rôle important dans la situation actuelle en Libye et participaient à des attaques à l’encontre de civils et que, dans ces circonstances, le maintien des mesures restrictives à l’encontre de la requérante était justifié, force est de constater que lesdits motifs ne contiennent manifestement pas d’éléments dont la requérante aurait pu déduire, même en s’efforçant de les interpréter de manière extensive, quel était son rôle individuel, spécifique et concret dans lesdits événements.
74 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la condition selon laquelle le Conseil est tenu de porter à la connaissance de la personne visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées ou maintenues n’a pas été remplie en l’espèce. La motivation figurant dans les actes attaqués ne permet pas de comprendre pourquoi les motifs initiaux justifiant la désignation de la requérante conservent leur pertinence malgré l’évolution de la situation en Libye et le Conseil ne saurait tenter de procéder à une substitution des motifs sur lesquels la décision du maintien est fondée.
75 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les griefs de la requérante tirés du caractère insuffisant de la motivation sont fondés.
76 Il convient donc d’accueillir le premier moyen et, par voie de conséquence, d’annuler les actes attaqués en tant qu’ils visent la requérante, sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième et le troisième moyen invoqués à l’appui de la demande d’annulation ni d’imposer au Conseil de divulguer toutes les informations qui étayent l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses.
Sur les dépens
77 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision 2014/380/PESC du Conseil, du 23 juin 2014, modifiant la décision 2011/137/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye, est annulée en tant qu’elle maintient le nom de Mme Aisha Muammer Mohamed El-Qaddafi sur la liste figurant aux annexes I et III de la décision 2011/137/PESC du Conseil, du 28 février 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye.
2) Le règlement d’exécution (UE) n° 689/2014 du Conseil, du 23 juin 2014, mettant en œuvre l’article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 204/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye, est annulé en tant qu’il maintient le nom de Mme El‑Qaddafi sur la liste figurant à l’annexe II du règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil, du 2 mars 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye.
3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.
Papasavvas |
Bieliūnas |
Forrester |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2017.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.