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Document 62014CJ0335

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 21 janvier 2016.
    Les Jardins de Jouvence SCRL contre État belge.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par la cour d'appel de Mons.
    Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Sixième directive TVA – Exonérations – Article 13, A, paragraphe 1, sous g) – Exonération des prestations de services étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale, fournies par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social – Notion de ‘prestations de services et de livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale’ – Organismes reconnus comme ayant un caractère social – Résidence-services.
    Affaire C-335/14.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:36

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    21 janvier 2016 ( * )

    «Renvoi préjudiciel — Fiscalité — Taxe sur la valeur ajoutée — Sixième directive TVA — Exonérations — Article 13, A, paragraphe 1, sous g) — Exonération des prestations de services étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale, fournies par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social — Notion de ‘prestations de services et de livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale’ — Organismes reconnus comme ayant un caractère social — Résidence‑services»

    Dans l’affaire C‑335/14,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Mons (Belgique), par décision du 18 juin 2014, parvenue à la Cour le 11 juillet 2014, dans la procédure

    Les Jardins de Jouvence SCRL

    contre

    État belge,

    en présence de:

    AXA Belgium SA,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Šváby, A. Rosas, E. Juhász et C. Vajda (rapporteur), juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2015,

    considérant les observations présentées:

    pour Les Jardins de Jouvence SCRL, par Mes L. Strepenne et G. Lardinois, avocats,

    pour Axa Belgium SA, par Mes P. Meessen et C. Goossens, avocats,

    pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et C. Pochet, ainsi que par M. J.‑C. Halleux, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par M. F. Dintilhac et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juillet 2015,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Les Jardins de Jouvence SCRL (ci-après «LJJ») à l’État belge au sujet du refus opposé à cette société de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont dans le cadre de travaux immobiliers qu’elle a réalisés en vue de l’exploitation d’une résidence-services.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    La sixième directive a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des faits en cause, le litige au principal demeure régi par la sixième directive.

    4

    L’article 13, A, de la sixième directive disposait:

    «1.   Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et [tout] abus éventuels:

    [...]

    g)

    les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné;

    [...]

    2.   [...]

    b)

    Les prestations de services et les livraisons de biens sont exclues du bénéfice de l’exonération prévue au paragraphe 1 sous b), g), h), i), l), m) et n) si:

    elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées,

    [...]»

    Le droit belge

    5

    Le code de la taxe sur la valeur ajoutée (Moniteur belge du 27 juillet 1969, p. 7046), dans sa version en vigueur jusqu’au 21 juillet 2005, prévoyait, à son article 44, paragraphe 2:

    «Sont aussi exemptées de la taxe:

    [...]

    les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale, effectués par des organismes qui ont pour mission de prendre soin des personnes âgées et qui sont reconnus comme tels par l’autorité compétente et qui, lorsqu’il s’agit d’organismes de droit privé, agissent dans des conditions sociales comparables à celles des organismes de droit public [...]»

    6

    La loi-programme du 11 juillet 2005 (Moniteur belge du 12 juillet 2005, p. 32180) a modifié le code de la taxe sur la valeur ajoutée à compter du 22 juillet 2005. L’article 44, paragraphe 2, de ce code, tel que modifié (ci-après le «code de la TVA modifié»), dispose:

    «Sont aussi exemptées de la taxe:

    [...]

    les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale, à la sécurité sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse, effectuées par des organismes de droit public, ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’autorité compétente.

    Sont notamment visés:

    les organismes qui ont pour mission de prendre soin des personnes âgées;

    [...]»

    7

    Aux termes de l’article 2, 1°, du décret du Conseil régional wallon du 5 juin 1997 relatif aux maisons de repos, résidences-services et aux centres d’accueil de jour pour personnes âgées et portant création du Conseil wallon du troisième âge (Moniteur belge du 26 juin 1997, p. 17043), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci‑après le «décret du 5 juin 1997»), une maison de repos est un «établissement, quelle qu’en soit la dénomination, destiné à l’hébergement de personnes âgées de soixante ans au moins qui y ont leur résidence habituelle et y bénéficient de services collectifs familiaux, ménagers, d’aide à la vie journalière et, s’il y a lieu, de soins infirmiers ou paramédicaux».

    8

    L’article 2, 2°, du décret du 5 juin 1997 définit la résidence-services comme étant «un ou plusieurs bâtiments, quelle qu’en soit la dénomination, constituant un ensemble fonctionnel, géré par un pouvoir organisateur qui, à titre onéreux, offre à des personnes âgées de soixante ans au moins des logements particuliers leur permettant de mener une vie indépendante ainsi que des services auxquels elles peuvent librement faire appel». Il est énoncé à cette dernière disposition que le gouvernement précise la notion d’ensemble fonctionnel et que les locaux, les équipements et les services collectifs d’une résidence-services peuvent également être accessibles à d’autres personnes âgées de 60 ans au moins.

    9

    Conformément à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du décret du 5 juin 1997, l’exploitation d’une maison de repos ou d’une résidence‑services est soumise à l’obtention d’un agrément et, en vertu de l’article 5, paragraphes 2 et 5, dudit décret, ces établissements doivent répondre à certaines normes.

    10

    Ainsi, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du décret du 5 juin 1997, les maisons de repos doivent répondre à certaines normes qui concernent:

    «1°

    les services couverts par le prix d’hébergement ou d’accueil;

    [...]

    la nourriture, l’hygiène et les soins de santé,

    [...]

    le règlement d’ordre intérieur respectant les principes suivants:

    [...]

    c)

    le libre accès de la maison de repos à la famille, aux amis [...]»

    11

    Il ressort du second alinéa de l’article 5, paragraphe 5, du décret du 5 juin 1997 que les résidences-services doivent répondre à des normes définies par le gouvernement wallon et qui concernent les matières citées au point 10 du présent arrêt.

    12

    Selon l’article 5, paragraphe 5, premier alinéa, du décret du 5 juin 1997, les logements individuels que les résidences-services mettent à la disposition des résidents doivent comporter au moins une salle de séjour, un espace cuisine, une chambre à coucher, une salle de bains et des toilettes privées. En outre, en vertu de l’article 5, paragraphe 5, second alinéa, 4°, de ce décret, les résidences-services doivent également répondre à certaines normes en ce qui concerne «les services facultatifs que le gestionnaire doit obligatoirement organiser ou rendre disponibles à la demande des résidents et les conditions de leur accès» (ci-après les «services facultatifs exigés»), services dont «[l]e [g]ouvernement [wallon] définit le contenu minimal».

    13

    Il ressort du point 2.2 du chapitre III de l’annexe III, intitulée «Normes applicables aux résidences-services», de l’arrêté du gouvernement wallon, du 3 décembre 1998, portant exécution du décret du 5 juin 1997 (Moniteur belge du 27 janvier 1999, p. 2221), dans sa version en vigueur à la date des faits en cause au principal (ci-après l’«arrêté du 3 décembre 1998»), que les résidences-services doivent obligatoirement fournir l’entretien des locaux communs, des aménagements extérieurs et du matériel mis à la disposition des résidents, l’entretien des vitres à l’intérieur et à l’extérieur, une information sur les loisirs organisés dans la commune, de même que la visite d’un délégué du pouvoir organisateur au minimum deux fois par an. En outre, en vertu du point 2.3 de ce chapitre de l’annexe III de l’arrêté du 3 décembre 1998, les résidences-services doivent obligatoirement mettre à la disposition des résidents les services facultatifs suivants, services auxquels ceux-ci peuvent librement recourir:

    la possibilité de prendre trois repas par jour, dont obligatoirement un repas chaud complet, soit dans la salle commune de la résidence‑services prévue pour la restauration et l’animation, soit au restaurant de la maison de repos ou de la maison de repos et de soins liée fonctionnellement à la résidence‑services, soit dans le logement privé du résident. Un registre reprend, par jour, les repas servis aux résidents en mentionnant le nom du bénéficiaire et les indications nécessaires à leur facturation;

    la possibilité de nettoyage des logements privés au moins une fois par semaine;

    la possibilité d’entretien du linge personnel du résident.

    14

    Il ressort, par ailleurs, de la décision de renvoi que les résidences‑services pratiquent des prix définis sous le contrôle du ministère des Affaires économiques.

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    15

    LJJ, constituée au cours de l’année 2004, est une société coopérative de droit belge dont l’objet social, à l’époque des faits au principal, consistait à exploiter et à gérer des institutions de soins ainsi qu’à exercer toutes les activités touchant directement ou indirectement aux soins de santé et à l’aide aux malades, aux personnes âgées et aux handicapés ou autres.

    16

    Au mois d’octobre 2004, LJJ a informé l’administration fiscale belge du début de son activité de location de studios destinés à des personnes valides. Cette administration a alors immatriculé LJJ aux fins de la TVA.

    17

    Le 27 octobre 2006, LJJ a reçu l’autorisation provisoire d’exploitation de la résidence-services «Les jardins de Jouvence».

    18

    Cette résidence-services met à la disposition de ses résidents des logements conçus pour une ou deux personnes, comprenant une cuisine équipée, une salle de séjour, une chambre et une salle de bains équipée. En outre, elle leur fournit différents services à titre onéreux, lesquels sont offerts également à d’autres personnes, à savoir l’accès à un restaurant‑bar, à un salon de coiffure et d’esthétique, à une salle de kinésithérapie, à des activités d’ergothérapie, à une laverie, à un dispensaire, où peuvent être effectuées des prises de sang, ainsi qu’à un cabinet médical.

    19

    Entre le mois d’août 2004 et celui de septembre 2006, LJJ avait effectué d’importants travaux immobiliers et avait installé des équipements correspondant à son objet social, en vue de débuter l’exploitation d’une résidence-services.

    20

    Les 5 octobre et 14 novembre 2006, l’administration fiscale, a contrôlé la comptabilité de LJJ aux fins de vérifier l’application de la législation relative à la TVA pour la période allant du 30 août 2004 au 30 septembre 2006. Au terme de ce contrôle, cette administration a conclu que LJJ n’était pas en droit de déduire la TVA relative à la construction de biens immobiliers pendant la période comprise entre l’année 2004 et l’année 2006, dès lors que cette société était un assujetti dont l’ensemble des opérations réalisées dans le cadre de l’exploitation de sa résidence‑services était exempté de la TVA en vertu de l’article 44, paragraphe 2, du code de la TVA modifié. Par conséquent, ladite administration a réclamé à LJJ le reversement des montants de taxe déduits à tort.

    21

    Le 25 janvier 2007, l’administration fiscale a informé LJJ de la radiation de son compte-courant de TVA, avec effet au 30 septembre 2006.

    22

    Le 13 février 2007, une contrainte a été notifiée à LJJ contre laquelle celle-ci a, par requête, formé opposition devant le tribunal de première instance de Mons le 20 février 2007.

    23

    Par un jugement rendu le 19 juin 2012, cette juridiction a rejeté la requête de LJJ comme non fondée, en considérant que les organismes qui ont pour mission de prendre soin des personnes âgées sont exemptés de la TVA, conformément à l’article 44, paragraphe 2, du code de la TVA modifié, sans qu’il soit besoin de vérifier si les prestations concernées étaient liées notamment à l’assistance sociale et à la sécurité sociale et si celles-ci étaient fournies par les organismes de droit public ou par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’autorité compétente.

    24

    Le 19 décembre 2012, LJJ a fait appel de ce jugement devant la cour d’appel de Mons.

    25

    LJJ a fait valoir devant cette juridiction que l’autorisation formelle d’exploitation d’une résidence-services n’impliquait pas nécessairement la reconnaissance du caractère social de celle-ci, les conditions d’agrément des résidences-services étant fondamentalement différentes de celles des maisons de repos. De même, cette société a relevé qu’une intervention matérielle de la collectivité, élément constitutif de la notion d’assurance sociale ou de sécurité sociale, était absente en ce qui concerne les résidences-services. En l’espèce, LJJ ne recevait aucun financement public et ses résidents ne bénéficiaient d’aucune aide ou intervention publique pour couvrir les frais relatifs aux services fournis.

    26

    L’État belge a conclu, devant la cour d’appel de Mons, au rejet du recours de LJJ, en faisant valoir que cette société, qui fournissait des prestations de services visées à l’article 44, paragraphe 2, du code de la TVA modifié, était un assujetti exempté de la TVA, qui, par conséquent, ne bénéficiait pas d’un droit à déduction de cette taxe. L’État belge a soutenu que la résidence-services exploitée par LJJ, disposant d’un agrément de la Région wallonne, bénéficiait d’une reconnaissance formelle de son caractère social pour fournir des prestations de services étroitement liées à l’assistance sociale. De même, les prestations fournies par LJJ, qui seraient directement liées à l’hébergement, aux soins et aux traitements offerts aux résidents en vue d’améliorer leur bien-être physique et/ou mental, présenteraient un caractère social.

    27

    Éprouvant des doutes quant à l’interprétation qu’il convient de donner de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, la cour d’appel de Mons a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Une résidence-services, au sens du décret du 5 juin 1997 [qui exploite] dans un but [lucratif], des logements particuliers conçus pour une ou deux personnes, comprenant une cuisine équipée, un living, une chambre et une salle de bains équipée, leur permettant ainsi de mener une vie indépendante, ainsi que différents services facultatifs fournis à titre onéreux, dans un but lucratif, qui ne sont pas limités aux seuls pensionnaires de la résidence‑services (exploitation d’un restaurant-bar, d’un salon de coiffure et d’esthétique, d’une salle de kinésithérapie, des activités d’ergothérapie, une buanderie-‘wasserette’, un dispensaire et prise de sang, un cabinet médical) est-elle un organisme ayant en substance un caractère social qui fournit ‘des prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale et la sécurité sociale’ au sens de l’article 13, A, paragraphe l, sous g), de la sixième directive?

    2)

    La réponse à cette question est-elle différente si la résidence‑services en question obtient, pour la délivrance des services en question, des subsides ou toute autre forme d’avantage ou d’intervention financière de la part des pouvoirs publics?»

    Sur les questions préjudicielles

    28

    Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les prestations fournies par une résidence-services, telle que celle en cause au principal, qui ne bénéficie d’aucun subside ni d’aucune autre forme d’avantage ou de participation financière de la part des pouvoirs publics, lesquelles sont effectuées dans un but lucratif et consistent en la mise à disposition de personnes âgées de 60 ans au moins de logements particuliers leur permettant de vivre en toute indépendance ainsi qu’en la fourniture de services facultatifs à titre onéreux également accessibles aux non‑résidents, relèvent de l’exonération visée à cette disposition.

    29

    Il ressort du libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive que cette disposition s’applique aux prestations de services et aux livraisons de biens qui sont, d’une part, «effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné» et, d’autre part, «étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale» (arrêts Kingscrest Associates et Montecello, C‑498/03, EU:C:2005:322, point 34, ainsi que Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 21).

    30

    Étant donné qu’il est constant, en l’occurrence, que LJJ n’est pas un organisme de droit public, au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, ses opérations ne peuvent être exonérées de la TVA au titre de cette disposition que dans la mesure où elle relève de la notion d’«autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné», au sens de cette même disposition.

    31

    Partant, il convient d’examiner, en premier lieu, si LJJ relève de la notion d’«autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné», au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, et, en second lieu, si les prestations fournies par une résidence-services, telle que celle en cause au principal, sont «étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale», au sens de cette disposition.

    Sur la condition relative à la reconnaissance en tant qu’autres organismes ayant un caractère social par l’État membre concerné

    32

    D’emblée, il y a lieu de rappeler que l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive ne précise ni les conditions ni les modalités de la reconnaissance du caractère social des organismes autres que ceux de droit public. Il appartient donc, en principe, au droit national de chaque État membre d’édicter les règles selon lesquelles une telle reconnaissance peut être accordée à de tels organismes (voir arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 26 et jurisprudence citée).

    33

    Dans ce contexte, l’article 13, A, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive confère aux États membres la faculté de subordonner l’octroi à des organismes autres que ceux de droit public de l’exonération prévue au paragraphe 1, sous g), de ce même article au respect de l’une ou de plusieurs des conditions énumérées audit paragraphe 2, sous a). Ces conditions facultatives peuvent être imposées librement et de manière supplémentaire par les États membres pour l’octroi de l’exonération concernée (voir arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 27 et jurisprudence citée).

    34

    Il en résulte que l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive accorde aux États membres un pouvoir d’appréciation pour reconnaître un caractère social à certains organismes n’étant pas de droit public (voir, en ce sens, arrêt Kingscrest Associates et Montecello, C‑498/03, EU:C:2005:322, point 51 et jurisprudence citée).

    35

    À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lors de la reconnaissance du caractère social des organismes autres que ceux de droit public, il appartient aux autorités nationales, conformément au droit de l’Union et sous le contrôle des juridictions nationales, de prendre en considération plusieurs éléments. Parmi ceux-ci peuvent figurer l’existence de dispositions spécifiques, qu’elles soient nationales ou régionales, législatives ou à caractère administratif, fiscales ou de sécurité sociale, le caractère d’intérêt général des activités de l’assujetti concerné, le fait que d’autres assujettis ayant les mêmes activités bénéficient déjà d’une reconnaissance semblable, ainsi que le fait que les coûts des prestations en question sont éventuellement assumés en grande partie par des caisses de maladie ou par d’autres organismes de sécurité sociale (arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 31 et jurisprudence citée).

    36

    Dans ce contexte, il pourra également être tenu compte du fait que dans la Région wallonne, les résidences-services font l’objet, avec les maisons de retraite et les centres d’accueil de jour, d’une seule réglementation, visant à encadrer les différentes formes institutionnalisées de soutien et de soins pour personnes âgées.

    37

    À cet égard, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il paraît ressortir des pièces du dossier que, outre le fait que cette réglementation définit ce que recouvre la notion de «résidence‑services», elle soumet l’exploitation d’une résidence‑services à l’obtention d’un agrément délivré par le gouvernement wallon, lequel est subordonné au respect d’un certain nombre de conditions et de normes. Il semble résulter des pièces du dossier, sous réserve de confirmation par la juridiction de renvoi, que, parmi ces conditions et normes, certaines portent sur des matières communes aux résidences-services et aux maisons de repos.

    38

    Il convient également de prendre en considération, aux fins de l’évaluation du caractère social de l’organisme concerné, le fait que les résidences-services pratiquent, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, des prix définis sous le contrôle du ministère des Affaires économiques.

    39

    S’agissant, plus particulièrement, de la circonstance selon laquelle les résidences‑services poursuivant un but lucratif, telles que celle exploitée par LJJ, ne perçoivent aucune aide publique non plus qu’aucune participation financière publique, il convient de relever, d’une part, que le terme «organisme» étant en principe suffisamment large pour inclure des entités privées poursuivant un but lucratif (arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 57), le fait que LJJ exerce ses activités dans un tel but n’exclut nullement la qualification de cette société d’«autre organisme reconnu comme ayant un caractère social par l’État membre concerné», au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive. D’autre part, s’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 35 du présent arrêt que le fait que le coût des prestations fournies est éventuellement supporté en grande partie par des caisses de maladie ou par des organismes de sécurité sociale peut figurer parmi les éléments à prendre en considération pour déterminer si l’organisme concerné présente un caractère social, cette circonstance, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, n’est qu’un de ces éléments parmi d’autres. Dès lors, l’absence de participation financière publique n’exclut pas en soi une telle reconnaissance, celle-ci devant être appréciée compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents de l’espèce.

    40

    Dans ces conditions, il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer, en prenant en considération tous les éléments pertinents, notamment ceux mentionnés aux points 35 à 39 du présent arrêt, si les autorités nationales ont observé, lors de la reconnaissance de LJJ en tant qu’organisme ayant un caractère social, les limites du pouvoir d’appréciation qui leur est consenti à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive.

    Sur la condition selon laquelle les prestations de services doivent être étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale

    41

    S’agissant de l’objectif poursuivi par l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette disposition exclut non pas toutes les activités d’intérêt général de l’application de la TVA, mais uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée (voir, en ce sens, notamment, arrêts Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, EU:C:1989:246, point 12, ainsi que Ygeia, C‑394/04 et C‑395/04, EU:C:2005:734, point 16). En assurant un traitement plus favorable, en matière de TVA, à certaines prestations de services d’intérêt général accomplies dans le secteur social, cette exonération vise à réduire le coût de ces services et à rendre ainsi ces derniers plus accessibles aux particuliers susceptibles d’en bénéficier (arrêt Kingscrest Associates et Montecello, C‑498/03, EU:C:2005:322, point 30).

    42

    Or, force est de constater que le libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive mentionne expressément les prestations effectuées par les maisons de retraite parmi les prestations de services et de livraisons de biens étroitement liées à l’assistance sociale et à la sécurité sociale, qui relèvent ainsi de l’exonération prévue à cette disposition.

    43

    Il y a lieu de relever, à cet égard, que les maisons de retraite, comme les résidences-services, fournissent aux personnes âgées de 60 ans au moins un logement accompagné de différentes prestations de soutien et de soins. D’une part, il convient de réserver un même traitement au regard de la TVA à la prestation consistant en la mise à disposition de logements, que ces logements soient fournis par une maison de retraite ou qu’ils le soient par une résidence‑services. D’autre part, dans la mesure où lesdites prestations de soutien et de soins que les résidences-services sont tenues d’offrir, en application de la réglementation nationale pertinente, correspondent à celles que les maisons de retraite doivent fournir conformément à ladite réglementation, il convient de leur réserver le même traitement au regard de la TVA.

    44

    Par conséquent, parmi les prestations fournies par une résidence‑services, telle que celle en cause au principal, celles consistant en la mise à disposition de logements adaptés à des personnes âgées peuvent bénéficier de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive. Les autres prestations bénéficient, en principe, également de l’exonération prévue à cette disposition, à condition, notamment, que ces prestations, que cette résidence‑services est tenue d’offrir en application de la réglementation nationale, visent à assurer un soutien aux personnes âgées ainsi qu’à prendre soin de celles‑ci et correspondent à celles que les maisons de retraite sont tenues d’offrir également, conformément à cette réglementation.

    45

    Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent LJJ et Axa Belgium SA (ci-après «Axa»), cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que l’organisme qui exploite la résidence-services ne bénéficie d’aucune aide financière publique et que les prestations qu’il fournit n’ouvrent droit à aucune participation financière de la part de la sécurité sociale.

    46

    À cet égard, il convient de souligner que le libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive ne fixe pas de condition qui serait liée à une aide financière publique en faveur de l’opérateur concerné ou à une participation financière des pouvoirs publics ou des organismes de sécurité sociale en faveur des bénéficiaires des prestations de services fournies. En effet, ainsi que le gouvernement belge l’a souligné lors de l’audience, cette disposition accorde de l’importance à la nature intrinsèque des opérations effectuées ainsi qu’à la qualité de l’opérateur fournissant les services ou livrant les biens en cause et non pas au mode de financement particulier de cet opérateur ou à la contrepartie payée à celui-ci.

    47

    De surcroît, il convient de rappeler que les exonérations prévues à l’article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit de l’Union et qu’elles doivent, dès lors, recevoir une définition au niveau de l’Union européenne (arrêt Kingscrest Associates et Montecello, C‑498/03, EU:C:2005:322, point 22). Or, définir les prestations visées à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive en fonction de l’existence d’une participation financière publique en faveur de l’opérateur ou d’une prise en charge des coûts des prestations par des organismes de sécurité sociale conduirait à faire dépendre cette notion des spécificités des réglementations des États membres en la matière, ce qui risquerait de compromettre l’interprétation autonome qui doit être faite de cette notion et de créer des disparités dans son application au sein de l’Union.

    48

    Au demeurant, il y a lieu d’écarter l’objection soulevée par LJJ et par Axa, selon laquelle les opérateurs non éligibles au financement public se trouveraient dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux opérateurs bénéficiant d’un tel financement, car, ne pouvant pas déduire la TVA, les premiers de ces opérateurs devraient répercuter intégralement les coûts relatifs aux travaux de construction qu’ils ont effectués en amont sur les bénéficiaires de leurs prestations, y compris la TVA y afférente, cette situation étant, par conséquent, selon lesdites sociétés, contraire au principe de neutralité fiscale.

    49

    En effet, selon une jurisprudence bien établie, le principe de neutralité fiscale s’oppose en particulier à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 48 et jurisprudence citée).

    50

    Or, en l’occurrence, l’absence d’aide financière des pouvoirs publics en faveur de LJJ et l’absence de prise en charge du prix des prestations effectuées par cette société par des organismes de sécurité sociale n’ont pas d’incidence sur le caractère des prestations fournies par cette dernière, ces prestations étant comparables à celles fournies par d’autres opérateurs bénéficiant d’une aide publique ou d’une participation financière des pouvoirs publics. Dès lors, le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas à ce que le même traitement, au regard de la TVA, soit réservé auxdites prestations.

    51

    Il convient, par ailleurs, de relever que, selon le libellé de la première question, parmi les prestations de services offertes par LJJ dans le cadre de ses activités d’exploitant de résidence-services, certains services payants sont fournis à titre facultatif tant aux résidents de la résidence-services qu’aux non-résidents. Il s’agit, plus particulièrement, de l’accès à un restaurant-bar, à un salon de coiffure et d’esthétique, à une salle de kinésithérapie, à des activités d’ergothérapie, à une laverie, à un dispensaire où des prises de sang peuvent être effectuées ainsi qu’à un cabinet médical.

    52

    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 13, A, paragraphe 2, sous b), premier tiret, de la sixième directive, les États membres doivent exclure du bénéfice de l’exonération les prestations de services prévues, notamment, à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de cette directive, si elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, cette disposition, qui revêt un caractère obligatoire pour les États membres, énonce des conditions qui doivent être prises en compte pour l’interprétation des différents cas d’exonération qui y sont visés, lesquels, à l’instar de celui prévu à l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de ladite directive, concernent des prestations ou des livraisons qui sont «étroitement liées» ou qui ont un «lien étroit» avec une activité d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt Ygeia, C‑394/04 et C‑395/04, EU:C:2005:734, point 26).

    53

    S’agissant des services fournis à titre facultatif, mentionnés au point 51 du présent arrêt, il incombe à la juridiction nationale de déterminer ceux qui sont exigés en vertu de la réglementation nationale applicable. De tels services, pourvu qu’ils correspondent à ceux offerts par les maisons de retraite, sont susceptibles d’être considérés comme étant étroitement liés, notamment, à l’assistance sociale et revêtent un caractère indispensable pour l’accomplissement des prestations exonérées.

    54

    Dans ce contexte, il convient de relever qu’il ressort des observations de LJJ et d’Axa que l’arrêté du 3 décembre 1998 énumère, en tant que services facultatifs exigés, les services de restauration, de nettoyage des logements privés au moins une fois par semaine ainsi que d’entretien du linge personnel des résidents. Il apparaît donc que les services facultatifs exigés, pourvu qu’ils correspondent à ceux offerts par les maisons de retraite, revêtent un caractère indispensable pour l’accomplissement, par une résidence-services, des opérations exonérées. En revanche, s’agissant de la fourniture d’autres services facultatifs dans les circonstances en cause au principal, tels des services de coiffure et d’esthétique, il n’apparaît pas que la réglementation nationale concernée exige des résidences‑services que ces dernières proposent ces services, pas plus qu’elle ne le requiert des maisons de retraite, de tels services facultatifs ne pouvant être considérés comme indispensables à l’accomplissement, par une résidence‑services, des opérations exonérées. Il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier ce point.

    55

    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées comme suit:

    l’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, parmi les prestations fournies par une résidence‑services, telle que celle en cause au principal, dont le caractère social doit être apprécié par la juridiction de renvoi au regard, notamment, des éléments mentionnés dans le présent arrêt, celles consistant en la mise à disposition de logements adaptés à des personnes âgées peuvent bénéficier de l’exonération visée à cette disposition. Les autres prestations fournies par cette résidence-services peuvent également bénéficier de cette exonération, pourvu, notamment, que les prestations que les résidences-services sont tenues d’offrir, en application de la réglementation nationale pertinente, visent à assurer un soutien aux personnes âgées ainsi qu’à prendre soin de celles-ci et correspondent à celles que les maisons de retraite sont également tenues d’offrir conformément à la réglementation nationale concernée;

    il est indifférent, à cet égard, que l’exploitant d’une résidence-services, telle que celle en cause au principal, bénéficie ou non de subsides ou de toute autre forme d’avantage ou de participation financière de la part des pouvoirs publics.

    Sur les dépens

    56

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

     

    L’article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, parmi les prestations fournies par une résidence-services, telle que celle en cause au principal, dont le caractère social doit être apprécié par la juridiction de renvoi au regard, notamment, des éléments mentionnés dans le présent arrêt, celles consistant en la mise à disposition de logements adaptés à des personnes âgées peuvent bénéficier de l’exonération visée à cette disposition. Les autres prestations fournies par cette résidence-services peuvent également bénéficier de cette exonération, pourvu, notamment, que les prestations que les résidences-services sont tenues d’offrir, en application de la réglementation nationale pertinente, visent à assurer un soutien aux personnes âgées ainsi qu’à prendre soin de celles-ci et correspondent à celles que les maisons de retraite sont également tenues d’offrir conformément à la réglementation nationale concernée.

     

    Il est indifférent à cet égard que l’exploitant d’une résidence-services, telle que celle en cause au principal, bénéficie ou non de subsides ou de toute autre forme d’avantage ou de participation financière de la part des pouvoirs publics.

     

    Signatures


    ( * )   Langue de procédure: le français.

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