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Document 62014CC0526

    Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 18 février 2016.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:102

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. NILS WAHL

    présentées le 18 février 2016 ( 1 ) ( 2 )

    Affaire C‑526/14

    Kotnik e.a.

    [demande de décision préjudicielle formée par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie)]

    «Aides d’État – Communication concernant le secteur bancaire – Répartition des charges – Directive 2001/24/CE – Mesures d’assainissement – Directive 2012/30/UE – Jurisprudence Pafitis e.a. – Directive 2014/59/UE»

    1.

    Une crise financière de l’ampleur de celle qui a commencé en 2007 et qui s’est rapidement répandue dans le monde après l’effondrement de la banque Lehman Brothers en 2008 est souvent définie comme un «évènement multidimensionnel» alimenté par plusieurs facteurs concomitants. Les hommes politiques et les économistes ne partagent pas toujours les mêmes points de vue quant aux causes profondes de telles crises, mais ils s’accordent pour la plupart sur les conséquences qui pourraient en découler: effondrement des établissements financiers, chute des places boursières, faillite des grandes et des petites entreprises, baisse de la richesse des ménages et croissance du chômage ( 3 ).

    2.

    Il est généralement admis que, afin de combattre une crise financière, différentes formes d’interventions publiques peuvent s’avérer nécessaires, en particulier pour garantir la stabilité des marchés financiers. À cette fin, durant la récente crise financière, de nombreux États de l’Union européenne et du reste du monde ont eu recours à une série de mesures de bail-in en vue de restaurer la viabilité des banques.

    3.

    La présente affaire – le premier renvoi préjudiciel de l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie) – concerne de fait des mesures de bail-in du type mentionné aux points 40 à 46 de la dernière communication concernant le secteur bancaire (dites «mesures de répartition des charges») adoptée par la Commission européenne afin de fournir un cadre pour l’appréciation de la compatibilité d’aides d’État accordées aux banques durant la crise ( 4 ). La juridiction de renvoi demande en particulier à la Cour des orientations quant à la validité et à l’interprétation des dispositions de cette communication, soulevant un certain nombre de questions juridiques importantes que j’examinerai dans les présentes conclusions.

    I – Le cadre juridique

    A –   Le droit de l’Union

    1. La communication concernant le secteur bancaire

    4.

    La communication concernant le secteur bancaire est la septième communication adoptée depuis le début de la crise financière ( 5 ) en vue de fournir des orientations sur les critères de compatibilité avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, des aides d’État accordées au secteur financier pendant la crise financière ( 6 ).

    5.

    En vertu du point 15 de la communication concernant le secteur bancaire:

    «[Même durant la crise], les principes généraux du contrôle des aides d’État restent applicables. En particulier, afin de limiter les distorsions de concurrence entre les banques et entre les États membres dans le marché unique, de même que pour remédier au problème de l’aléa moral, il convient de limiter les aides au minimum nécessaire et de veiller à ce que leur bénéficiaire contribue de façon appropriée aux coûts de restructuration. La banque et ses actionnaires doivent contribuer à la restructuration autant que possible au moyen de ressources propres. L’aide publique doit être accordée selon des modalités prévoyant une répartition adéquate des coûts, de sorte que ces derniers soient également supportés par ceux qui ont investi dans la banque.»

    6.

    La section 3.1.2. de la communication concernant le secteur bancaire (points 40 à 46) concerne les dispositions relatives à la répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés des banques. Ces points sont libellés comme suit:

    «40.

    Les aides publiques peuvent engendrer un aléa moral et nuire à la discipline de marché. Pour réduire cet aléa moral, il convient de n’accorder les aides que selon des modalités prévoyant une juste répartition des charges associant les investisseurs existants.

    41.

    La juste répartition des charges engendrera en principe, après absorption des pertes en priorité par les fonds propres, des contributions des détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés. Les détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés doivent contribuer, dans toute la mesure du possible, à la réduction du déficit de fonds propres. Ces contributions peuvent prendre la forme soit d’une conversion en fonds propres de base de catégorie 1, soit d’une réduction de la valeur du principal des instruments. […]

    42.

    La Commission n’exigera pas de contribution de la part des détenteurs de créances privilégiées (notamment à partir de dépôts assurés, de dépôts non assurés, d’obligations et de toute autre créance privilégiée) comme composante obligatoire de la répartition des charges en vertu des règles en matière d’aides d’État, que ce soit par conversion en fonds propres ou par réduction de la valeur des instruments.

    43.

    Si le ratio de fonds propres de la banque qui souffre d’un déficit de fonds propres avéré reste supérieur au minimum réglementaire fixé par [l’Union], la banque devrait en principe être en mesure de redresser sa position financière par ses propres moyens, notamment grâce aux mesures de mobilisation de capitaux visées au point 35. En l’absence de toute autre possibilité […] les titres de créance subordonnés doivent être convertis en fonds propres, en principe avant l’octroi d’une aide d’État.

    44.

    Dans les cas où la banque ne respecte plus les exigences réglementaires minimales en matière de fonds propres, les titres de créance subordonnés doivent être convertis ou faire l’objet d’une réduction de valeur, en principe avant l’octroi d’une aide d’État. Les aides d’État ne peuvent être octroyées qu’une fois que les fonds propres, les titres hybrides et les titres de créance subordonnés ont pleinement contribué à compenser les pertes éventuelles.

    45.

    Une exception aux exigences figurant aux points 43 et 44 peut être accordée lorsque la mise en œuvre de telles mesures risque de mettre en péril la stabilité financière ou de déboucher sur des résultats disproportionnés. […]

    46.

    Dans le cadre de l’application des points 43 et 44, il convient de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé. Les créanciers subordonnés ne devraient donc pas recevoir moins, en termes économiques, que ce que leur instrument aurait valu en l’absence d’aide d’État.»

    2. La directive 2001/24/CE

    7.

    En vertu de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24/CE ( 7 ), les «mesures d’assainissement» sont les «mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit et qui sont susceptibles d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances».

    3. La directive 2012/30/UE

    8.

    La directive 2012/30/UE ( 8 ) est une refonte de la directive 77/91/CEE ( 9 ). Aux termes de l’article 29, paragraphe 1, de la directive 2012/30, «[t]oute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée générale».

    9.

    L’article 34 de la directive 2012/30 dispose que «[t]oute réduction du capital souscrit, à l’exception de celle ordonnée par décision judiciaire, doit être au moins subordonnée à une décision de l’assemblée générale […]». En vertu de l’article 35 de la même directive, «[l]orsqu’il existe plusieurs catégories d’actions, la décision de l’assemblée générale concernant la réduction du capital souscrit est subordonnée à un vote séparé au moins pour chaque catégorie d’actionnaires aux droits desquels l’opération porte atteinte». L’article 40, paragraphe 1, de la directive pose, quant à lui:

    «Lorsque la législation d’un État membre autorise les sociétés à réduire leur capital souscrit par retrait forcé d’actions, elle exige au moins le respect des conditions suivantes:

    […]

    b)

    si le retrait forcé est seulement autorisé par les statuts ou l’acte constitutif, il est décidé par l’assemblée générale, à moins que les actionnaires concernés ne l’aient approuvé unanimement;

    […]»

    10.

    Aux termes de l’article 42 de la directive 2012/30:

    «Dans les cas visés […] à l’article 40, paragraphe 1, point b) […], lorsqu’il existe plusieurs catégories d’actions, la décision de l’assemblée générale concernant l’amortissement du capital souscrit ou la réduction de celui-ci par retrait d’actions est subordonnée à un vote séparé, au moins pour chaque catégorie d’actionnaires aux droits desquels l’opération porte atteinte.»

    4. La directive 2014/59/UE

    11.

    Le 15 mai 2014, la directive 2014/59/UE ( 10 ) a été adoptée. L’article 117 de cette directive modifie, notamment, l’article 2 de la directive 2001/24. L’article 123 de la même directive modifie l’article 45 de la directive 2012/30.

    B –   Le droit slovène

    12.

    Les dispositions pertinentes de la législation slovène sont exprimées dans le Zakon o bančništvu (loi relative au secteur bancaire, ci-après le «ZBan-1») et le Zakon o spremembah in dopolnitvah Zakona o bančništvu (loi modifiant et complétant la loi relative au secteur bancaire, ci-après le «ZBan-1L»).

    13.

    L’article 134 du ZBan-1, intitulé «Fonds propres additionnels de la banque», dispose que les fonds propres additionnels d’une banque sont composés des fonds propres additionnels de catégorie I et des fonds propres additionnels de catégorie II. Les fonds propres additionnels de catégorie I comprennent le capital social libéré, les engagements subordonnés et les autres composantes qui sont similaires d’après leurs caractéristiques et leur objet, tandis que les fonds propres additionnels de catégorie II incluent les engagements subordonnés et les autres composantes qui sont, d’après leurs caractéristiques et leur objet, de nature à couvrir les exigences en termes de fonds propres pour les risques du marché.

    14.

    L’article 253 du ZBan-1, intitulé «Mesures exceptionnelles», dispose:

    «(1)   Banka Slovenije peut, suivant les conditions fixées par la présente loi, prononcer par décision à l’égard d’une banque des mesures exceptionnelles:

    […]

    1bis.

    liquidation ou conversion des engagements éligibles de la banque;

    […]

    (3)   Les mesures exceptionnelles sont à considérer comme des mesures d’assainissement telles que posées par la directive 2001/24/CE.»

    15.

    Aux termes de l’article 261bis du ZBan-1, intitulé «Mesures de liquidation ou de conversion des engagements éligibles»:

    «(1)   Par décision relative à une mesure exceptionnelle, Banka Slovenije dispose:

    1.

    la liquidation totale ou partielle des engagements éligibles,

    […]

    (5)   Banka Slovenije doit, en liaison avec la liquidation ou la conversion des engagements éligibles de la banque, assurer que le créancier individuel ne subisse pas, du fait de la liquidation ou de la conversion des engagements éligibles de la banque, une perte plus importante que celle qu’il aurait subie en cas de faillite de la banque.

    (6)   Les engagements éligibles de la banque sont:

    1.

    le capital social de la banque (obligation de premier rang),

    2.

    les obligations envers les détenteurs de titres hybrides au titre de l’article 133, paragraphe 1, point 4 de la loi (obligations de second rang),

    3.

    les obligations envers les détenteurs de titres qui, en vertu de l’article 134 de la loi, sont pris en compte dans le calcul des fonds propres additionnels de la banque sauf si ces obligations sont déjà couvertes par les points 1 ou 2 du présent paragraphe (obligations de troisième rang),

    4.

    les obligations qui ne sont pas couvertes par les points 1, 2 ou 3 du présent paragraphe et qui, en cas de procédure de faillite à l’égard de la banque, seraient versées après le remboursement des créances ordinaires à la banque (obligations de quatrième rang).»

    16.

    En vertu de l’article 261quarter du ZBan-1, intitulé «Étendue de la liquidation ou de la conversion des engagements éligibles»:

    «(1)   Banka Slovenije, dans sa décision sur la liquidation des engagements éligibles au titre de l’article 261bis, paragraphe 2, de la présente loi, décide de ladite liquidation dans la mesure qui est nécessaire pour couvrir les pertes de la banque en tenant compte de l’évaluation des actifs conformément à l’article précédent.»

    II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

    17.

    Le 17 décembre 2013, Banka Slovenije (la banque centrale de Slovénie) a adopté, conformément aux dispositions du ZBan-1, une décision portant mesures exceptionnelles par lesquelles elle a ordonné à cinq banques (Nova Ljubljanska banka, d.d., Nova Kreditna Banka Maribor, d.d., Abanka Vipa, d.d., Probanka, d.d., et Factor banka, d.d, ci‑après les «banques en cause») la liquidation de tous les engagements éligibles mentionnés à l’article 261bis, paragraphe 6, du ZBan-1 (ci‑après les «mesures en cause»).

    18.

    Le 18 décembre 2013, la Commission a autorisé que des aides d’État soient accordées aux banques en cause.

    19.

    Le Državni svet (Conseil national, Slovénie), le Varuh človekovih pravic (Ombudsman) et un certain nombre de particuliers (Kotnik e.a.) ont formé recours auprès de l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) en demandant le contrôle de la constitutionnalité de certaines dispositions du ZBan-1 et du ZBan-1L qui formaient la base des mesures mentionnées au point 17 des présentes conclusions (ci‑après la «législation nationale en cause»).

    20.

    Dans son ordonnance de renvoi, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) explique que l’objet de la législation nationale en cause était d’établir un cadre juridique pour la répartition des charges conformément aux exigences de la communication concernant le secteur bancaire. En particulier, les engagements éligibles mentionnés à l’article 261bis, paragraphe 6, du ZBan-1 correspondent aux définitions de fonds propres, de titres hybrides et de titres de créance subordonnés contenues dans la communication concernant le secteur bancaire. Sur ce fondement, la juridiction de renvoi estime que les griefs des requérants au principal visent également les dispositions de cette communication. Selon elle, ces griefs soulèvent des questions de légalité et d’interprétation de la communication concernant le secteur bancaire.

    21.

    C’est dans ces circonstances que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    La communication concernant le secteur bancaire peut-elle, compte tenu des effets de droit que celle-ci produit concrètement du fait que l’Union européenne a, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une compétence exclusive dans le domaine des aides d’État et que la Commission a, en vertu de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une compétence décisionnelle dans le domaine des aides d’État, être interprétée en ce sens qu’elle a des effets contraignants pour les États membres qui souhaitent remédier à des perturbations graves de l’économie en apportant une aide d’État aux établissements de crédit, cette aide étant de nature durable et ne pouvant pas être aisément révoquée?

    2)

    Les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État dont l’objet est de remédier à des perturbations graves de l’économie d’un État, à la mise en œuvre de l’obligation d’annulation des fonds propres, des titres hybrides et des titres de créance subordonnés et/ou de conversion en fonds propres des titres hybrides et titres de créance subordonnés en vue de limiter l’aide au minimum nécessaire eu égard au traitement de l’aléa moral, sont-ils incompatibles avec les articles 107, 108 et 109 [TFUE] parce qu’ils vont au-delà des compétences de la Commission qui sont définies par les dispositions précitées du [TFUE] relatives au domaine des aides d’État?

    3)

    Si la réponse à la deuxième question est négative, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation et/ou de conversion en fonds propres dans la mesure où cette obligation concerne des actions (fonds propres), des titres hybrides et des titres de créance subordonnés qui ont été émis avant la publication de la communication concernant le secteur bancaire et qui, au moment de leur émission, ne pouvaient être entièrement ou partiellement liquidés sans remboursement complet qu’en cas de faillite de la banque, sont‑ils conformes au principe de protection de la confiance légitime au titre du droit de l’Union?

    4)

    Si la réponse à la deuxième question est négative et si la réponse à la troisième question est affirmative, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation des fonds propres, des titres hybrides et des titres de créance subordonnés et/ou de conversion en fonds propres des titres hybrides et des titres de créance subordonnés sans que soit engagée et clôturée la procédure de faillite dans le cadre de laquelle les biens du débiteur seraient liquidés dans une procédure juridictionnelle où les détenteurs d’instruments financiers subordonnés auraient une position de partie à la procédure, sont-ils conformes au droit de propriété au titre de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la «Charte»]?

    5)

    Si la réponse à la deuxième question est négative et si la réponse aux troisième et quatrième questions est affirmative, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation des fonds propres et/ou de conversion en fonds propres des titres hybrides et des titres de créance subordonnés sont-ils contraires aux articles 29, 34 et 35 ainsi que 40 à 42 de la [directive 2012/30] parce que la mise en œuvre de ces mesures nécessite la réduction et/ou l’augmentation du capital social de la société par action sur la base d’une décision d’un organisme officiel compétent et non de l’assemblée générale de la société?

    6)

    La communication concernant le secteur bancaire peut-elle, eu égard à son point 19 et en particulier l’exigence qui y est contenue de garantir les droits fondamentaux, son point 20 et l’obligation de principe, contenue dans les points 43 et 44 de la communication, de convertir ou de déprécier les titres hybrides et les titres de créance subordonnés avant l’octroi d’une aide d’État, être interprétée ainsi que cette mesure n’est pas contraignante pour les États membres qui souhaitent remédier à des perturbations graves de l’économie en octroyant une aide d’État aux établissements de crédit en ce sens que l’autorisation de l’aide d’État au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), [TFUE] serait subordonnée à l’obligation précitée de conversion ou de dépréciation ou qu’il suffit pour autoriser l’aide d’État que la mesure de conversion ou de dépréciation soit mise en œuvre d’une manière proportionnée?

    7)

    L’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24 peut-il être interprété en ce sens que font également partie des mesures d’assainissement les mesures exigées de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés au titre des points 40 et 46 de la communication concernant le secteur bancaire (dépréciation du principal des fonds propres, des titres hybrides et des titres de créance subordonnés et conversion des titres hybrides et des titres de créance subordonnés en fonds propres)?»

    22.

    Des observations écrites ont été présentées dans la présente procédure par T. Kotnik, J. Sedonja, A. Pipuš, F. Marušič, J. Forte, la Fondazione cassa di risparmio di Imola, le Državni svet Republike Slovenije (Conseil national de la République de Slovénie), le Državni zbor Republike Slovenije (Assemblée nationale de la République de Slovénie), Banka Slovenije, par les gouvernements irlandais, espagnol, italien et slovène ainsi que par la Commission. T. Kotnik, J. Sedonja, la Fondazione cassa di risparmio di Imola, J. Forte, I. Karlovšek, le Conseil national de la République de Slovénie, Banka Slovenije, les gouvernements irlandais, espagnol et slovène ainsi que la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 1er décembre 2015.

    III – Analyse

    A –   Compétence de la Cour

    23.

    La Commission souligne pour commencer que la communication concernant le secteur bancaire n’est pas un acte adressé aux particuliers et n’est pas destinée à créer des droits pour les particuliers. La Commission exprime sur ce fondement des doutes quant à la compétence de la Cour pour répondre aux questions déférées.

    24.

    L’argument de la Commission est, selon moi, dénué de fondement. Le simple fait qu’un acte n’est pas adressé aux particuliers ou destiné à créer des droits pour les particuliers ne signifie pas qu’un tel acte ne relève pas du champ d’application de la procédure prévue par l’article 267 TFUE ( 11 ). L’argument de la Commission introduirait entre différents actes des distinctions dont il n’y a pas traces dans cette disposition du traité. Le facteur clé en vertu de l’article 267 TFUE est le point de savoir si une réponse de la Cour quant à l’interprétation et la validité de l’acte est nécessaire pour permettre à la juridiction nationale de rendre son arrêt.

    25.

    En outre, ainsi que je l’expliquerai plus loin, les actes de soft law (comme la communication concernant le secteur bancaire), bien qu’ils ne soient pas contraignants pour les particuliers, peuvent néanmoins produire d’autres types d’effets juridiques. La Cour a donc, à de nombreuses reprises, répondu à des questions déférées par les juridictions nationales à propos de dispositions contenues dans des actes de soft law ( 12 ).

    B –   Les questions préjudicielles

    1. Remarques liminaires

    26.

    Avant de commencer mon analyse des questions soulevées dans la présente procédure, je souhaiterais formuler quelques remarques liminaires.

    27.

    Certaines des questions préjudicielles semblent être fondées sur la prémisse que la communication concernant le secteur bancaire est, si ce n’est de jure, du moins de facto, contraignante pour les États membres. Il n’y aurait sinon aucune raison pour la juridiction de renvoi de mettre en doute la validité d’une telle communication.

    28.

    Cette prémisse est cependant erronée. Ainsi que je l’expliquerai en détail dans ma réponse à la première question, la communication concernant le secteur bancaire n’est pas contraignante pour les États membres. Ceux-ci ne sont donc pas obligés, en vertu du droit de l’Union, d’adopter une législation nationale mettant en œuvre les dispositions de la communication concernant le secteur bancaire.

    29.

    Cela semble selon moi, logiquement, impliquer que les doutes quant à la validité de cet instrument, soulevés par la juridiction de renvoi, peuvent être écartés plutôt aisément.

    30.

    Je pense néanmoins que si la Cour devait limiter son analyse à la validité de la communication concernant le secteur bancaire, les problèmes juridiques rencontrés par la juridiction de renvoi dans la procédure au principal pourraient ne pas être entièrement résolus. Indépendamment des effets juridiques de la communication concernant le secteur bancaire, il est indiscuté que les dispositions contestées du ZBan-1 et du ZBan-1L ont été adoptées afin de se conformer à cette communication. Les mesures d’aide accordées aux banques en cause ont dans les faits été rapidement approuvées par la Commission.

    31.

    Ainsi que le suggère le gouvernement slovène, l’analyse de la Cour devrait donc s’étendre, lorsque cela est possible, à la compatibilité avec le droit de l’Union de dispositions comme celles de la législation nationale en cause ou des mesures en cause. À cette fin, je reformulerai certaines des questions déférées par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) et consacrerai une part significative des présentes conclusions à ces questions.

    2. Sur la première question

    32.

    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande des précisions quant aux effets juridiques de la communication concernant le secteur bancaire. Elle demande en substance si la communication devrait être considérée comme étant de facto contraignante pour les États membres.

    33.

    Il convient selon moi de répondre par la négative à la première question.

    34.

    En vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution de l’Union doit agir «dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci».

    35.

    Il est clair que, en vertu de l’article 108 TFUE, l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide spécifiques avec le marché intérieur relève en principe de la compétence de la Commission, sous réserve du contrôle par les juridictions de l’Union ( 13 ). Dans le cadre de cette appréciation qui implique l’évaluation et la mise en balance de différents éléments de nature économique et sociale dans un contexte paneuropéen ( 14 ), la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation ( 15 ).

    36.

    La Commission n’a en revanche aucun pouvoir législatif dans ce domaine. Seul le Conseil de l’Union européenne a le pouvoir, en vertu de l’article 109 TFUE, d’adopter sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, tous règlements utiles en vue de l’application des articles 107 et 108 TFUE. Le Conseil peut, dans ce contexte, déléguer certains pouvoirs réglementaires à la Commission ( 16 ).

    37.

    Cela signifie que la Commission n’a pas le pouvoir de poser des règles contraignantes générales et abstraites régissant, par exemple, les situations dans lesquelles une aide pourrait être considérée comme étant compatible parce qu’elle vise à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Un tel ensemble de règles contraignantes serait nul et non avenu ( 17 ).

    38.

    Toutefois, pour des motifs de transparence, et afin de garantir l’égalité de traitement et la sécurité juridique, la Commission peut publier des actes de soft law (comme des lignes directrices, des notes et des communications) visant à annoncer comment elle entend faire usage, dans certaines situations, du pouvoir d’appréciation précité ( 18 ). Bien que la Cour ait jugé que les dispositions de tels actes de soft law doivent, en vertu de l’obligation de coopération loyale inscrite à l’article 4, paragraphe 3, TUE, être dûment prises en compte par les autorités des États membres ( 19 ), cette obligation ne peut pas être comprise comme rendant ces règles contraignantes – pas même de facto – sous peine de contourner la procédure législative exposée dans le TFUE.

    39.

    Ces principes et ces règles ne sont donc pas contraignants pour les États membres. Ces règles peuvent uniquement produire un effet direct à l’égard de la Commission, et même, dans ce cas uniquement, comme limite à l’exercice de son pouvoir d’appréciation: cette institution est tenue d’accepter les mesures qui sont conformes à ces règles et elle ne peut pas s’en écarter à moins de fournir un motif valide de le faire. En l’absence de motif valide, un manquement à ces règles que la Commission s’est elle-même imposées pourrait conduire à une violation des principes généraux de droit comme l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime ( 20 ). La Commission est donc liée par ces règles à condition – toutefois – qu’elles ne soient pas contraires aux traités ou à une autre réglementation applicable ( 21 ).

    40.

    En conséquence, un instrument comme la communication concernant le secteur bancaire ne peut pas être considéré de jure ou de facto comme étant contraignant pour les États membres. Tout effet de ces règles pour les États membres ne peut être tout au plus qu’accessoire et indirect. Même après la publication d’une telle communication, les États membres restent libres de notifier à la Commission des mesures d’aide qu’ils considèrent comme compatibles même si elles ne répondent pas aux conditions exposées dans cette communication ( 22 ). Après avoir reçu une telle notification, la Commission aurait l’obligation d’examiner rapidement la compatibilité de telles mesures d’aide à la lumière des dispositions du traité.

    41.

    Le simple fait qu’une ou plusieurs règles de la communication concernant le secteur bancaire n’a pas été respectée ne constituerait donc pas en lui-même un motif valide permettant à la Commission de déclarer l’aide incompatible ( 23 ). La Commission peut – et donc devrait dans les cas justifiés – déroger aux principes posés dans la communication concernant le secteur bancaire ( 24 ). Un refus erroné de le faire pourrait naturellement être contesté devant les juridictions de l’Union en vertu des articles 263 et 265 TFUE ( 25 ).

    42.

    Certes, il pourrait souvent être difficile pour un État membre de convaincre la Commission que, en raison des caractéristiques particulières d’une affaire, l’un des principes fondamentaux posés par la communication concernant le secteur bancaire (par exemple, celui de la répartition des charges) ne devrait pas s’appliquer. Il est probable que, en raison de l’analyse juridique plus complexe requise de la Commission (l’affaire ne relève pas de l’une des situations examinées a priori par ladite communication), l’examen de la compatibilité de l’aide envisagée pourrait devenir plus incertain quant à son issue et prendre plus de temps, conduisant éventuellement à une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ( 26 ).

    43.

    On peut même supposer que, dans des situations comme celle en cause dans la procédure au principal (crise financière qui risquait de saper la stabilité de l’ensemble du système financier d’un État membre), un gouvernement pourrait ne pas toujours être prêt à prendre le risque de notifier à la Commission des mesures d’aide qui ne sont pas pleinement conformes aux dispositions de la communication concernant le secteur bancaire. Je comprends que, dans certaines circonstances, une approbation rapide et sans difficulté de l’aide notifiée pourrait être particulièrement importante pour un gouvernement. Il s’agit là cependant de considérations d’opportunité qui peuvent être pertinentes pour l’adoption par un gouvernement de décisions politiques, mais qui ne sauraient affecter la nature et les effets d’un acte de l’Union découlant des règles des traités. Le fait qu’un État membre court le risque de devoir prolonger la période de standstill d’une aide envisagée et que la charge de convaincre la Commission de la compatibilité de la mesure d’aide peut être lourde est simplement une conséquence de fait et non un effet juridique découlant d’une prétendue nature contraignante de la communication concernant le secteur bancaire ( 27 ).

    44.

    Le facteur décisif est que, d’un point de vue juridique, un État membre pourrait être en mesure de démontrer qu’en dépit de l’absence de répartition des charges (ou de non-satisfaction de l’un quelconque des critères posés dans la communication concernant le secteur bancaire), une aide destinée à une banque en difficulté répond tout de même aux exigences de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. On peut en effet imaginer des situations, en plus de celles déjà prévues par la communication concernant le secteur bancaire elle-même, dans lesquelles un gouvernement pourrait démontrer que le sauvetage et l’assainissement d’une banque sont, par exemple, moins coûteux pour l’État, de même que plus rapides et plus aisés à gérer, si aucune mesure de répartition des charges n’est adoptée à l’égard de l’ensemble ou de certains des investisseurs mentionnés dans la communication concernant le secteur bancaire ( 28 ).

    45.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, la réponse à la première question devrait, selon moi, être que la communication concernant le secteur bancaire n’est pas contraignante pour les États membres.

    3. Sur la deuxième question

    46.

    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, relatifs à la répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés d’une banque, vont au-delà des compétences dévolues à la Commission en vertu des articles 107 à 109 TFUE.

    a) La Commission exige-t-elle toujours une répartition des charges?

    47.

    La deuxième question semble, ainsi que je l’ai mentionné précédemment, être fondée sur l’idée selon laquelle la communication concernant le secteur bancaire pose de facto des règles que les États membres sont tenus de respecter.

    48.

    Cependant, pour les raisons exposées dans la réponse à la première question, cette prémisse est erronée: la communication concernant le secteur bancaire, y compris ses points 40 à 46, n’est pas contraignante pour les États membres. Il est donc clair que la Commission ne peut pas considérer la répartition des charges, telle que celle exposée dans la communication concernant le secteur bancaire, comme une condicio sine qua non pour déclarer une aide envisagée en faveur d’une banque en détresse compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Une mesure d’aide peut en effet satisfaire aux exigences de cette disposition du traité bien qu’elle ne prévoie pas de répartition des charges. La répartition des charges n’apparaît pas après tout dans le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    49.

    Cette conclusion est d’autant plus valide que les termes de la communication concernant le secteur bancaire indiquent eux-mêmes que la répartition des charges est exigée seulement «en principe» (points 41, 43 et 44), et non pas lorsqu’elle porterait atteinte à des droits fondamentaux (point 19) ou mettrait en danger la stabilité financière ou conduire à des résultats disproportionnés (point 45). Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission n’exige donc aucune mesure de répartition des charges.

    b) La Commission viole-t-elle les règles sur les aides d’État en exigeant normalement une répartition des charges?

    50.

    Cela étant dit, la question posée par la juridiction nationale pourrait être aussi interprétée en ce sens qu’elle demande si la Commission interprète ou applique mal les règles sur les aides d’État en considérant que, dans les situations régies par la communication concernant le secteur bancaire, les aides accordées aux banques en détresse requièrent en principe des mesures de répartition des charges pour être compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    51.

    La réponse à cette question devrait, selon moi, être négative.

    52.

    Ainsi que je l’ai mentionné au point 35 des présentes conclusions, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si une aide d’État peut être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Aucune règle sur les aides d’État ne semble interdire à la Commission de tenir compte, aux fins de cette appréciation, de la question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, des mesures de répartition des charges ont été adoptées. Il me semble bien au contraire qu’une approche favorable en ce qui concerne l’adoption d’une telle mesure pourrait être compatible avec les principes mêmes sous-tendant les dispositions du traité sur les aides d’État. Comme je l’expliquerai plus loin, cela semble d’autant plus applicable dans les situations régies par la communication concernant le secteur bancaire.

    53.

    En vertu d’une jurisprudence constante, une aide ne peut être déclarée compatible que lorsque celle-ci est nécessaire pour atteindre l’un des objectifs posés à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Une aide qui va au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi fait naître un avantage concurrentiel injustifié accordé au bénéficiaire de l’aide. Une telle aide ne peut pas, par conséquent, être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur ( 29 ).

    54.

    Il est clair qu’une exigence qu’une banque en difficulté mobilise ses ressources internes pour couvrir au moins une partie de ses pertes avant qu’une aide publique ne soit accordée et que, lorsque cela est nécessaire et approprié, les investisseurs dans cette banque participent eux aussi à sa recapitalisation semble de nature à limiter l’aide au minimum essentiel. La raison d’être des points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire semblerait donc être conforme aux principes sous-tendant les dispositions du traité sur les aides d’État.

    55.

    En fait, avant même la crise, la pratique de la Commission en ce qui concerne l’aide au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté – approuvée par les juridictions de l’Union ( 30 ) – a généralement été d’exiger que les bénéficiaires de l’aide fassent une contribution appropriée aux coûts de la restructuration ( 31 ). Il est vrai que les règles de l’Union sur les aides d’État n’exigent pas nécessairement la moindre forme de mesures de bail-in de la part des actionnaires et des créanciers d’une entreprise qu’un État membre veut restructurer. Néanmoins, une contribution plus significative faite par l’entreprise elle-même ou par ses actionnaires et ses créanciers – prenant éventuellement la forme de mesures de répartition des charges telles que celles mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire – pourrait être vue comme plus convaincante en raison des situations régies par la communication concernant le secteur bancaire ( 32 ).

    56.

    La communication concernant le secteur bancaire a été adoptée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE qui autorise les aides visant à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ( 33 ). Il s’agit là d’une forme d’aide qui ne peut être accordée que dans des circonstances exceptionnelles: la perturbation doit être «grave» et affecter l’ensemble de l’économie de l’État membre concerné et non simplement l’une de ses régions ou certaines parties de son territoire ( 34 ). Dans la présente affaire, le recours à la base juridique de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE semble encore plus justifiée parce que de nombreux États membres ont été affectés par des perturbations graves de leur économie découlant, à des degrés divers, d’une crise financière globale.

    57.

    Pour les raisons qui suivent, je ne pense pas qu’il soit déraisonnable que, premièrement, la nature exceptionnelle des situations régies par la communication concernant le secteur bancaire exige une appréciation particulièrement rigoureuse du point de savoir si l’aide notifiée est réellement réduite au minimum essentiel et, deuxièmement, qu’une telle appréciation rigoureuse est effectuée en principe dans tous les cas similaires notifiés à la Commission.

    58.

    Les services financiers, et les services bancaires en particulier, sont des activités qui devraient être considérées – du moins du point de vue des aides d’État – de la même manière que toute autre activité économique. Il s’agit d’une activité que plusieurs sociétés (publiques ou privées) exercent sur un marché ouvert et concurrentiel. Comme pour toute autre activité économique, les particuliers investissent dans des entreprises actives sur ce marché avec pour objectif, normalement, de réaliser un profit sur leur investissement. Il est dans la nature de toute activité économique que certaines entreprises – en général celles dont les performances sont les plus faibles – échoueront et quitteront le marché et que leurs investisseurs perdront par voie de conséquence l’ensemble ou une partie de leurs investissements ( 35 ).

    59.

    Dans le même temps cependant, les services financiers jouent un rôle très spécifique dans les systèmes économiques modernes. Les banques et les établissements de crédit sont une source vitale de financement pour (la plupart) des entreprises actives sur un marché donné quelconque. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la crise d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques (tant dans l’État membre concerné que dans d’autres États membres). Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (souvent désignés comme l’«économie réelle») ( 36 ). Cet effet de contagion est susceptible en définitive d’affecter gravement la vie des particuliers.

    60.

    Par conséquent, durant une crise financière, les autorités publiques doivent faire face à la tâche ardue de devoir agir, souvent dans l’urgence, afin de trouver un délicat équilibre entre différents intérêts concurrents. D’une part, les autorités doivent assurer la stabilité de leur système financier et éviter ou réduire toute contagion aux banques en «bonne santé» et à l’économie réelle. D’autre part toutefois, les autorités doivent limiter autant que possible les ressources d’État engagées puisque les coûts pour le budget national pour garantir cette stabilité peuvent être considérables. Une trop grande exposition de l’État peut en fait contribuer à transformer une crise financière en une crise de la dette souveraine avec de possibles répercussions sur l’ensemble de l’Union économique et monétaire (UEM). En outre et ainsi que l’a souligné le gouvernement slovène, une intervention publique massive, fournissant un soutien complet et inconditionnel aux banques en difficulté, pourrait provoquer de sérieuses distorsions de la concurrence et compromettre l’intégrité du marché intérieur: des entreprises bien dirigées pourraient être pénalisées par l’aide accordée à des concurrents moins performants. Cela pourrait de plus encourager l’aléa moral: les établissements de crédit pourraient être incités à faire des investissements plus risqués en espérant réaliser des profits plus importants puisqu’en cas de problèmes financiers, les autorités publiques semblent prêtes à intervenir et à les sauver à l’aide de ressources d’État.

    61.

    Il y a en outre un bon argument plaidant en ce sens que la Commission exige des mesures de répartition des charges de manière générale. La Commission créerait en fait une distorsion sur le marché des banques si elle n’exigeait de telles mesures que si l’État membre concerné était incapable d’ajouter les fonds supplémentaires nécessaires pour remplacer ces mesures. Les banques ne devraient en effet pas être traitées différemment selon la taille et les conditions économiques prévalant dans l’État membre dans lequel elles sont établies ( 37 ).

    62.

    Dans ces circonstances, je pense que la Commission a le droit de considérer que dans les situations comme celles régies par la communication concernant le secteur bancaire la répartition des charges associant les investisseurs peut normalement être vue comme nécessaire afin qu’une aide soit considérée comme compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    63.

    Au vu de ce qui précède, j’estime que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne vont pas au-delà de la compétence dévolue à la Commission en vertu des articles 107 à 109 TFUE. De plus, la Commission n’interprète ni n’applique pas mal les règles sur les aides d’État en considérant que dans les situations régies par la communication concernant le secteur bancaire, l’aide aux banques en détresse exige en principe des mesures de répartition des charges pour être compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    4. Sur les troisième et quatrième questions

    64.

    Par ses troisième et quatrième questions, qui peuvent être examinées ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si la répartition des charges, telle que prévue aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, est compatible avec, respectivement, le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété (ci-après, pris ensemble, les «droits en cause»).

    65.

    Le principe de protection de la confiance légitime est considéré par la Cour comme un principe général et supérieur du droit de l’Union pour la protection des particuliers ( 38 ). De même, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, le droit de propriété constitue l’un des droits fondamentaux reconnus dans l’ordre juridique de l’Union.

    66.

    Cela étant dit, je ne partage pas le point de vue des requérants au principal selon lequel la communication concernant le secteur bancaire viole les droits en cause. Pour commencer, je souhaiterais réitérer que cet instrument n’est pas contraignant pour les États membres: une mesure d’aide peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur, dans les situations régies par cet instrument, même si les règles contenues dans cet instrument (dont celles relatives à la répartition des charges) ne sont pas suivies à la lettre.

    67.

    De plus, ainsi que je l’ai souligné précédemment ( 39 ), la communication concernant le secteur bancaire indique expressément que la répartition des charges ne sera pas toujours requise, en particulier lorsqu’elle violerait les droits fondamentaux. Par conséquent, aucune disposition des règles de l’Union sur les aides d’État (y compris les principes affirmés dans la communication concernant le secteur bancaire) ne peut être interprétée comme exigeant une répartition des charges lorsque cela violerait l’un des droits en cause.

    a) La communication concernant le secteur bancaire viole-t-elle le principe de protection de la confiance légitime?

    68.

    En ce qui concerne plus spécifiquement le principe de protection de la confiance légitime, j’observe que, selon une jurisprudence constante, une telle confiance ne peut naître que si une personne a reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables ( 40 ). Je ne vois pas quand et comment les requérants au principal auraient reçu la moindre assurance que leurs investissements ne seraient nullement affectés par les mesures étatiques visant à sauver et restructurer les banques en détresse. Le fait que, avant la publication de la communication concernant le secteur bancaire, la Commission n’exigeait pas systématiquement que des mesures de répartition des charges soient imposées aux créanciers et autres types similaires d’investisseurs pour que l’aide soit déclarée compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 41 ) ne peut pas être vu comme constituant des «assurances précises, inconditionnelles et concordantes» au sens de la jurisprudence susmentionnée. En l’absence de tout engagement clair et explicite de la Commission, un investisseur prudent et avisé ne peut pas s’attendre à ce qu’une situation existante, susceptible d’être modifiée par les autorités compétentes dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, sera maintenue ( 42 ). La Commission doit être en mesure d’adapter son analyse, au titre de l’article 107 TFUE, aux changements de circonstances sur les marchés affectés par l’aide et, de manière plus générale, dans l’ensemble de l’économie de l’Union ( 43 ). La Commission devrait de plus être capable de tirer des enseignements de sa pratique antérieure et, par conséquent, adapter ses méthodes d’évaluation d’une aide notifiée à l’aide de son expérience acquise ( 44 ).

    69.

    Il ne peut pas non plus y avoir de violation du principe de protection de la confiance légitime parce que la Commission n’a pas prévu dans la communication concernant le secteur bancaire de période transitoire avant que les nouveaux principes ne deviennent applicables. Il est vrai que les périodes transitoires sont souvent appropriées pour permettre aux opérateurs économiques de s’adapter à un changement de politique dans un domaine donné du droit. Il se peut cependant que tel ne soit pas le cas. Par exemple, dans la communication concernant le secteur bancaire, il est indiqué, s’agissant des situations qu’elle régit, qu’il convient de prévenir les sorties de trésorerie (spécialement des détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés) afin de garantir que l’aide est véritablement limitée au minimum nécessaire ( 45 ). Il peut donc y avoir des cas dans lesquels les périodes transitoires ne sont pas nécessaires, impossibles, voire même contre-productives. Un changement de politique ou une nouvelle pratique administrative pourrait devoir être mis en œuvre particulièrement rapidement et, parfois, sans avis préalable.

    70.

    La Cour a en fait admis qu’un intérêt public supérieur puisse faire obstacle à l’adoption de mesures transitoires à l’égard de situations qui sont nées avant que les nouvelles règles n’entrent en vigueur, mais qui sont encore susceptibles de changer ( 46 ). Selon moi, l’objectif de garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur de ce type.

    b) La communication concernant le secteur bancaire viole-t-elle le droit de propriété?

    71.

    En ce qui concerne maintenant le droit de propriété, je me dois de signaler que la communication concernant le secteur bancaire n’exige pas de forme ou de procédure particulière pour l’adoption des mesures de répartition des charges mentionnées aux points 40 à 46 de ladite communication. De telles mesures peuvent en effet être adoptées volontairement par ou avec l’accord de la banque ou de ses investisseurs. La communication concernant le secteur bancaire ne requiert donc pas nécessairement que les autorités nationales adoptent des mesures qui affectent le droit de propriété des investisseurs ( 47 ).

    72.

    En outre, le point 46 de la communication concernant le secteur bancaire indique clairement que les États membres doivent respecter le principe selon lequel «aucun créancier ne peut être plus désavantagé»: les créanciers subordonnés ne devraient pas recevoir moins en termes économiques que ce que leur titre aurait valu si aucune aide d’État n’était accordée. Plus généralement, le point 20 de ladite communication dispose que les mesures destinées à limiter les distorsions de concurrence ( 48 ) devraient être «[calibrées] de façon à se rapprocher autant que possible de la situation qui aurait existé sur le marché si le bénéficiaire de l’aide en était sorti en l’absence d’aide» (je ferai référence à ce principe en tant que «principe d’approximation du marché»).

    73.

    Ces principes – que j’examinerai plus loin – requièrent clairement que les États membres tiennent dûment compte du droit de propriété des investisseurs lorsqu’ils restructurent une banque en détresse.

    74.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, j’en conclus que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire sont compatibles avec le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété.

    c) Les mesures en cause violent-elles les droits en cause?

    75.

    Cela étant dit, les questions de la juridiction de renvoi peuvent également être considérées en ce sens que cette juridiction cherche à savoir si ce sont les mesures en cause qui violent les droits en question plutôt que la communication concernant le secteur bancaire. Clairement, le fait que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne conduisent pas automatiquement à une violation de ces droits n’entraîne pas que les mesures de répartition des charges effectivement adoptées par un État membre se conformant à cette communication sont nécessairement compatibles avec ces droits.

    76.

    Pour les motifs exposés plus haut, il est par conséquent clair que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne peuvent pas être lus comme suggérant que les autorités nationales se sont vu accorder en vertu du droit de l’Union un «droit illimité d’exproprier» les détenteurs de fonds propres, de titres hybrides ou de dette subordonnée dans les banques en détresse. La communication concernant le secteur bancaire n’exige ni n’autorise les États membres à violer les droits en question. L’approbation de l’aide par la Commission n’implique pas non plus que les mesures notifiées échappent à un possible contrôle de leur compatibilité avec les droits fondamentaux, pour autant que ces mesures relèvent du champ d’application du droit de l’Union. La jurisprudence de la Cour ainsi que celle de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH») concernant les droits en cause demeurent selon moi pleinement applicables aux situations comme celle en question dans la procédure au principal.

    77.

    Une telle analyse me semble plus importante en ce qui concerne le droit de propriété des investisseurs des banques en cause. Il est en effet indiscutable que les mesures de répartition des charges comme celles mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, si elles sont adoptées contre la volonté des actionnaires et des créanciers de la banque qui doit être recapitalisée, peuvent gravement affecter leurs droits de propriété.

    78.

    Il n’appartient cependant pas à la Cour de statuer sur cette question même si ces mesures relèvent du champ d’application du droit de l’Union. En effet, le cadre économique et juridique de la procédure au principal est particulièrement complexe et la Cour ne dispose pas de toutes les informations nécessaires pour effectuer une appréciation approfondie.

    79.

    Il existe de plus une raison plus fondamentale de laisser cette appréciation aux juridictions nationales. Il semble utile à ce stade de souligner que, en vertu des règles de l’Union sur les aides d’État, aucune entreprise ne peut faire valoir de droit à recevoir une aide d’État; en d’autres termes, aucun État membre ne peut être considéré comme tenu, au titre du droit de l’Union, d’accorder une aide d’État à une entreprise.

    80.

    Il est vrai qu’après l’établissement de l’UEM – impliquant la coordination de la politique économique, une politique monétaire commune et une devise commune ( 49 ) –, les États membres doivent satisfaire à un certain nombre d’obligations à l’égard de l’Union (et des autres États membres) en ce qui concerne en particulier le respect des objectifs de maintien de la stabilité des prix, de finances publiques et de conditions monétaires saines ainsi que d’une balance des paiements stable ( 50 ). Clairement, garantir la stabilité du système financier dans chaque État membre doit être considéré comme primordial pour la réalisation des objectifs susmentionnés. Il est indiscutable que, comme le souligne Banka Slovenije, les États membres ne sont pas entièrement libres lorsqu’ils agissent en vue de sauver ou de restructurer des banques d’importance systémique. Il est également dans l’intérêt de l’Union que les États membres interviennent pour prévenir (ou limiter) les externalités que l’effondrement d’une ou plusieurs banques sur leur territoire pourrait avoir sur la stabilité et le fonctionnement de l’UEM.

    81.

    Dans la présente affaire, la restructuration des banques en cause faisait en fait partie d’une intervention plus globale des autorités slovènes pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques existants et garantir la stabilité du système bancaire. Dans ce contexte, les institutions de l’Union avaient envisagé parmi les mesures possibles la recapitalisation des banques systémiques, si nécessaire, en fournissant des ressources publiques supplémentaires en cas de déficits additionnels ( 51 ).

    82.

    Il n’en demeure pas moins que, en dépit de possibles suggestions ou recommandations de la part des institutions de l’Union, en vertu du droit de l’Union, les États membres ne sont pas tenus d’accorder une aide dans des circonstances spécifiques. Les États membres ont à leur disposition une série d’outils pour traiter les questions problématiques identifiées par les institutions de l’Union. La question de savoir s’il est approprié d’accorder une aide d’État à un moment donné à une ou plusieurs entreprises spécifiques est, par conséquent, une décision qui, en définitive, appartient aux autorités nationales. Ces dernières sont de même responsables pour prendre une décision quant au montant des fonds publics à utiliser et la structure des mesures ( 52 ). La Commission est uniquement tenue de contrôler la mesure envisagée afin d’apprécier sa compatibilité avec le marché intérieur. Elle peut ainsi opposer un veto à une mesure ou l’autoriser sous certaines conditions, mais elle ne peut en aucun cas prendre des décisions en lieu et place des autorités nationales.

    83.

    Bien évidemment, cela ne signifie pas que la Commission ne peut pas donner aux autorités nationales des orientations quant à la manière de rendre une aide notifiée compatible avec le marché intérieur ( 53 ). Les orientations peuvent être données a priori par la publication d’actes de soft law comme je l’ai indiqué au point 38 des présentes conclusions et, de manière ad hoc, dans le contexte de procédures en cours en vertu de l’article 108 TFUE.

    84.

    Il n’en demeure pas moins que ce sont les autorités des États membres qui sont juridiquement responsables de prendre la décision d’accorder une aide dans une situation donnée et de garantir que les mesures d’aide envisagées sont conformes à toute autre règle applicable, de l’Union, nationale ou internationale ( 54 ). Il en est ainsi indépendamment du fait que, politiquement, leurs décisions en la matière peuvent être influencées de manière plus ou moins significative par des suggestions et des recommandations des institutions de l’Union.

    85.

    Les juridictions nationales sont donc généralement mieux placées que la Cour pour examiner si, lorsque des mesures d’aide sont mises en œuvre, les droits fondamentaux de certaines personnes ont été violés.

    86.

    Revenant à la présente espèce, et sans adopter de position définitive sur les arguments avancés par les requérants au principal, je souhaiterais formuler les observations suivantes en espérant fournir des orientations utiles à la juridiction de renvoi.

    87.

    L’article 17 de la Charte prévoit que le droit de propriété n’est pas absolu, mais doit être vu à la lumière de sa fonction dans la société. L’exercice du droit de propriété peut donc être restreint à la condition que les restrictions correspondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, à l’égard de l’objectif poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti ( 55 ).

    88.

    Ainsi que la juridiction de renvoi le souligne dans son ordonnance, l’objectif de garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et minimiser les distorsions de la concurrence constitue bel et bien un objectif d’intérêt général qui peut justifier certaines restrictions au droit de propriété ( 56 ).

    89.

    En ce qui concerne la question de savoir si les mesures en cause constituent une intervention intolérable portant atteinte à la substance même des droits de propriété des investisseurs, je dois renvoyer une fois de plus aux principes posés aux points 20 et 46 de la communication concernant le secteur bancaire: «approximation du marché» et «aucun créancier plus défavorisé» ( 57 ).

    90.

    Ces principes impliquent que si elle est mise en œuvre correctement, l’intervention publique réduit uniquement la valeur nominale des fonds propres et des titres de dette affectés parce que cette valeur ne correspond plus à leur valeur réelle. La dépréciation de ces instruments est donc purement formelle. D’un point de vue économique, la position des investisseurs devrait dans l’ensemble demeurer inchangée: dans la pire des hypothèses, ils ne sont globalement pas dans une plus mauvaise position que celle qui aurait été la leur si l’État n’était pas intervenu ( 58 ). Cela signifierait selon moi que l’essence même du droit de propriété des investisseurs n’est pas affectée.

    91.

    C’est à la juridiction de renvoi de vérifier dans la présente affaire que les deux conditions susmentionnées sont respectées. Dans le cadre de son contrôle des mesures en cause, cette juridiction doit manifestement tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. D’une part, elle peut être obligée d’examiner la nécessité d’une action particulièrement rapide de la part des autorités nationales, le risque auquel le système financier slovène aurait pu être exposé en l’absence d’une telle action et la nécessité d’éviter des répercussions excessives sur le budget national. D’autre part, cette juridiction peut être obligée de vérifier si les évaluations économiques faites par les autorités publiques (par exemple, le déficit de fonds propres de la banque et la valeur économique réelle des investissements avant et après l’intervention publique) étaient, en dépit de l’urgence avec laquelle elles ont dû être faites, raisonnables et fondées sur des données fiables.

    92.

    La réponse à la troisième et à la quatrième question devrait donc être que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire sont compatibles avec le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété; il appartient aux juridictions nationales de vérifier que, lorsque des mesures d’aide, adoptées conformément à cette communication, sont mises en œuvre, ces droits n’ont pas été violés.

    5. Sur la cinquième question

    93.

    Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande si les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire violent les dispositions de la directive 2012/30 en vertu desquelles l’augmentation ou la réduction du capital dans les sociétés à responsabilité limitée ne peut être effectuée qu’après une décision de l’assemblée générale ou une décision judiciaire.

    94.

    J’observe pour commencer que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne prennent pas position, explicitement ou implicitement, au sujet de la nature de l’organisme (privé ou public, et, dans ce dernier cas, administratif ou judiciaire) qui doit adopter les mesures de répartition des charges. Ces mesures pourraient en fait être adoptées volontairement sans la moindre intervention des autorités publiques. Comme le gouvernement slovène et la Commission le signalent, le point de savoir de quelle manière ces mesures doivent être décidées et mises en œuvre est une question de droit national qui n’est pas affectée par les dispositions de la communication concernant le secteur bancaire.

    95.

    La prémisse sur laquelle les arguments avancés par certaines parties de la procédure au principal reposent afin de contester la validité de la communication concernant le secteur bancaire – qu’elle oblige de manière contestable les États membres à accorder à des autorités administratives le pouvoir d’adopter des mesures de répartition des charges – est donc erronée. Les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne violent donc pas les dispositions de la directive 2012/30.

    96.

    Cela étant dit, la question posée par la juridiction de renvoi pourrait aussi être interprétée en ce sens qu’elle demande à préciser si des dispositions nationales qui confient l’adoption des mesures de répartition des charges envisagées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire à la banque centrale nationale sont compatibles avec la directive 2012/30.

    97.

    Il ne fait aucun doute que la directive 2012/30 ne contient aucune dérogation explicite à l’application de ses dispositions dans des situations comme celles vécues par la République de Slovénie (et d’autres États membres) durant la crise financière. Le problème fondamental soulevé par cette question est donc de savoir si la directive 2012/30 fait obstacle à des décisions comme celles en cause en l’espèce.

    98.

    J’expliquerai ci-après les raisons pour lesquelles j’estime qu’il convient de répondre à cette question par la négative.

    a) Objet et champ d’application de la directive 2012/30

    99.

    Il convient de souligner tout d’abord que la directive 2012/30 n’est pas une mesure prévoyant une harmonisation complète dans le domaine juridique qu’elle couvre. Cette directive coordonne uniquement les dispositions nationales relatives à la formation et au maintien ainsi qu’à l’augmentation et à la réduction du capital de sociétés anonymes afin d’«assurer une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers» de ces sociétés dans l’ensemble de l’Union ( 59 ).

    100.

    La directive 2012/30 a ainsi été conçue pour garantir que les investisseurs dans le marché intérieur puissent être assurés que les entreprises ont une certaine structure et que certains organes des entreprises seraient responsables pour certaines décisions. L’objet essentiel de cet instrument juridique est donc de maintenir l’équilibre des pouvoirs entre les différents organes de l’entreprise, tout spécialement en cas de conflit entre ces organes ( 60 ).

    101.

    Il a donc été soutenu – de manière convaincante selon moi – que la protection accordée aux actionnaires en vertu de la directive 2012/30 est tout d’abord une protection contre les autres organes de l’entreprise, mais pas nécessairement aussi contre les mesures adoptées par l’État ( 61 ). La directive 2012/30 n’était pas destinée à harmoniser (et encore moins à harmoniser entièrement) les garanties des actionnaires contre les mesures étatiques adoptées dans des situations d’urgence ou de crise. Toute protection supplémentaire ne peut donc être qu’accessoire ou incidente: c’est la protection qui découle inévitablement des garanties introduites par la directive 2012/30.

    b) L’arrêt Pafitis e.a. et les nouvelles dispositions de l’Union

    102.

    Il est vrai que dans l’arrêt Pafitis e.a. ( 62 ) auquel les parties au principal font référence, la Cour semble suggérer une autre lecture de la directive 2012/30. Dans cette affaire, elle a jugé que les dispositions de la directive 77/91 (désormais refondue dans la directive 2012/30) faisaient obstacle à la législation nationale en vertu de laquelle le capital d’une banque qui se trouve, du fait du poids de sa dette, dans une situation exceptionnelle peut être augmenté par une décision administrative sans résolution de l’assemblée générale.

    103.

    Je déconseillerais néanmoins de lire l’arrêt Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92) en ce sens qu’il poserait un principe d’application générale. Cet arrêt a été rendu dans le cadre de circonstances matérielles et d’un contexte juridique différents.

    104.

    S’agissant, tout d’abord, du contexte matériel de ladite affaire Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92), il n’est pas entièrement comparable à celui de la procédure au principal. Cette affaire concernait un acte adopté par un commissaire provisoire (et non directement par une banque centrale nationale) dans une situation de simples difficultés financières d’un unique établissement de crédit dans un État membre (et non une situation dans laquelle l’ensemble du système financier d’un État membre était menacé par une crise systémique avec de possibles répercussions pour l’ensemble de l’UEM) ( 63 ).

    105.

    Plus important encore, tant le droit primaire que le droit dérivé de l’Union ont évolué significativement entre-temps. Les mesures nationales contestées dans l’affaire Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92) avaient été adoptées durant la période 1986-1990, et la Cour a rendu son arrêt en 1996, c’est-à-dire bien avant le début de la troisième phase de mise en œuvre de l’UEM avec l’introduction de l’euro comme devise de la zone euro, l’établissement de l’Eurosystème et les amendements aux traités de l’Union qui y sont liés.

    106.

    L’article 131 TFUE dispose désormais que «[c]haque État membre veille à la compatibilité de sa législation nationale, y compris les statuts de sa banque centrale nationale, avec les traités et les statuts du [Système européen des banques centrales (SEBC)] et de la [Banque centrale européenne (BCE)]». L’article 3, paragraphe 3, du protocole no 4 des statuts du SEBC et de la BCE dispose, quant à lui, que le SEBC «contribue à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier».

    107.

    Bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir au sein de l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général de garantir la stabilité du système financier. Ces deux intérêts devraient être mis en balance. Une position différente pourrait difficilement être conciliée avec les dispositions du traité susmentionnées, et ce tout particulièrement parce que la garantie de la stabilité du système financier est de la plus grande importance dans une union qui place parmi ses principaux objectifs l’établissement d’une UEM ( 64 ). Dans ce contexte, il pourrait être utile de rappeler que l’adoption par Banka Slovenije des mesures en cause faisait suite à la réalisation de tests de résistance à l’égard des banques en cause sous la supervision, notamment, de la BCE.

    108.

    La directive 2001/24 n’était en outre pas encore entrée en vigueur lorsque l’arrêt Pafitis e.a. a été prononcé ( 65 ). Cette directive, adoptée après l’entrée en vigueur de la directive 77/91 (dont la directive 2012/30 est simplement une refonte), vise à établir un système de reconnaissance mutuelle entre les États membres des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation des établissements de crédit ( 66 ).

    109.

    Comme je l’expliquerai dans le contexte de la septième question, des mesures comme celles contestées dans la procédure au principal peuvent relever de la notion de «mesures d’assainissement» aux fins de la directive 2001/24. L’assainissement d’un établissement de crédit peut en fait régulièrement impliquer un certain nombre de mesures comme celles en cause dans la procédure au principal. Il est important de noter que cette directive prévoit très clairement que de telles mesures peuvent être adoptées également par des autorités administratives ( 67 ).

    110.

    La directive 2001/24 semble être fondée sur la prémisse que les autorités administratives nationales conservent ces pouvoirs en dépit de l’existence des dispositions de la directive 77/91 telles qu’interprétées par la Cour dans l’affaire Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92). Ni le préambule ni les dispositions de la directive 2001/24 ne viennent suggérer que le législateur entendait introduire une dérogation aux règles posées par la directive 77/91. En tout état de cause, même si l’on voulait défendre le point de vue que la directive 2001/24 avait dans les faits pour effet de limiter le champ d’application de la directive 77/91, l’application de la première – étant lex specialis et lex posterior – devrait logiquement prévaloir dans la procédure au principal.

    111.

    J’hésiterais par conséquent à tirer le moindre argument définitif de la Cour dans l’arrêt Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92) quant au point de savoir si une législation nationale adoptée en vue de poursuivre des objectifs publics supérieurs (comme la stabilité de l’ensemble du système financier) peut, dans des circonstances exceptionnelles, accorder des pouvoirs aux autorités administratives qui priment sur les droits des actionnaires reconnus dans la directive 2012/30 ( 68 ).

    112.

    J’observe de plus que, à la suite de la crise financière mondiale, plusieurs États membres ont introduit des mécanismes pour faire face plus efficacement et plus rapidement aux situations de détresse des établissements de crédit. On retrouve parmi les mesures adoptées dans les législations nationales la possibilité d’accroître le capital social de ces établissements sans l’approbation des actionnaires ( 69 ). La législation nationale en cause a, par exemple, été contrôlée de manière informelle et approuvée par la BCE avant son adoption ( 70 ). L’adoption par plusieurs États membres d’une législation dans ce domaine est précisément l’une des raisons qui a poussé le législateur de l’Union à adopter la directive 2014/59 ( 71 ).

    113.

    Il semblerait donc que la directive 2012/30 a généralement été interprétée par les autorités des États membres comme ne faisant pas obstacle dans des circonstances exceptionnelles comme celles d’une crise financière à des mesures administratives qui conduisent à la modification du capital d’une banque, et ce même en l’absence d’une résolution spécifique de l’assemblée des actionnaires ( 72 ).

    c) Directive 2014/59

    114.

    Enfin, je ne pense pas que les doutes exprimés par la juridiction de renvoi et découlant de l’adoption récente de la directive 2014/59 – un instrument juridique qui est ratione temporis inapplicable dans la procédure au principal – soient bien fondés.

    115.

    La juridiction de renvoi se demande si le fait que l’article 123 de la directive 2014/59 introduit une dérogation expresse à l’application d’un certain nombre de dispositions de la directive 2012/30 (dont les articles 33 à 36 et 40 à 42) «en cas d’utilisation d’instruments, de pouvoirs et de mécanismes de résolution prévus au titre IV» ( 73 ) signifie qu’aucune dérogation de ce type n’existait auparavant.

    116.

    Je ne trouve pas cet argument convaincant.

    117.

    Il est vrai que, après l’entrée en vigueur de la directive 2014/59, il semblerait exclu que l’action d’une banque centrale comme celle en cause dans la procédure au principal puisse violer les dispositions de la directive 2012/30: cette action trouve un fondement explicite dans l’article 123 de la directive 2014/59.

    118.

    Cela ne veut toutefois pas dire qu’une telle action était auparavant nécessairement interdite par le droit de l’Union. La directive 2014/59 poursuit l’objectif d’établir un cadre réglementaire pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. À cette fin, la directive a posé de nouvelles dispositions et a modifié un certain nombre d’instruments juridiques existants. Il est évident dans ce contexte que le législateur de l’Union a cherché à garantir la cohérence du cadre dans son ensemble ( 74 ), notamment en coordonnant et en clarifiant les rapports entre les différents instruments juridiques modifiés.

    119.

    Pour les raisons avancées précédemment, la directive 2001/24 ne nécessitait pas une disposition expresse pour autoriser les États membres à s’écarter dans des circonstances aussi exceptionnelles que celles découlant de la crise financière de la directive 77/91 (plus tard refondue dans la directive 2012/30). Par ailleurs, ainsi que Banka Slovenije le soutient de manière convaincante, la directive 2001/24 n’empêchait pas les États membres d’accorder aux investisseurs une protection plus large que celle découlant de la directive 77/91: cette dernière prévoyait uniquement un standard minimal de protection. Par conséquent, puisque la directive 2014/59 cherche à harmoniser partiellement la matière (en particulier en ce qui concerne les instruments de résolution), il est devenu nécessaire d’empêcher les États membre d’introduire ou de maintenir des règles nationales relatives à la protection des investisseurs qui pourraient entrer en conflit avec les nouvelles règles de l’Union.

    120.

    L’article 123 de la directive 2014/59 ne peut donc pas être lu comme une indication que les mesures de bail-in codifiées dans le titre IV de cette même directive étaient auparavant généralement interdites par la directive 2012/30.

    121.

    La réponse à la cinquième question doit donc être que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire ne violent pas les dispositions de la directive 2012/30; les dispositions nationales qui confient l’adoption des mesures de répartition des charges à la banque centrale nationale dans une situation comme celle en cause dans la procédure au principal ne sont pas incompatibles avec la directive 2012/30.

    6. Sur la sixième question

    122.

    Par sa sixième question, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir si l’exigence de convertir ou de déprécier les titres hybrides et les titres de créance subordonnés, telle que prévue aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, est une condition préalable à l’octroi d’une aide d’État ou si elle ne devrait être appliquée que si elle est proportionnée.

    123.

    J’ai exposé précédemment les raisons pour lesquelles je pense que l’adoption des mesures de répartition des charges ne peut pas constituer une condicio sine qua non pour considérer une aide d’État comme compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il me semble qu’il en va a fortiori ainsi pour les mesures adoptées à l’égard des investisseurs autres que les actionnaires qui jouissent en général d’une plus grande protection juridique en cas d’insolvabilité de l’entreprise dans laquelle ils ont investi. J’ai cependant également expliqué que dans les situations régies par la communication concernant le secteur bancaire, le fait que des investisseurs (dont des détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés) contribuent à la recapitalisation de la banque n’est pas, de manière générale, contraire aux règles sur les aides d’État.

    124.

    Cela étant dit, je me dois de rappeler que le principe de proportionnalité est un principe général du droit de l’Union et qu’il exige que les mesures mises en œuvre par ses dispositions soient appropriées pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par la législation en cause et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs ( 75 ). La décision ordonnant la conversion ou la dépréciation des titres hybrides ou des titres de créance subordonnés peut donc manifestement être soumise à un contrôle de proportionnalité.

    125.

    En réalité, la communication concernant le secteur bancaire exige elle-même que les autorités nationales tiennent compte du principe de proportionnalité lorsqu’elles décident de la contribution due par les détenteurs de titres hybrides et de dette subordonnée en vue de la restructuration d’une banque en difficulté. Une telle contribution est uniquement demandée en tant que mesure de dernier ressort pour les banques qui, en dépit du déficit de fonds propres, demeurent au-dessus du minimum réglementaire (point 43 de ladite communication). Ce n’est que pour les banques qui ne satisfont plus à cette exigence minimale que la contribution par les titres hybrides et la dette subordonnée est généralement requise (point 44 de ladite communication). En tout état de cause, la répartition des charges n’est exigée en aucune circonstance lorsqu’elle conduirait à des «résultats disproportionnés» (point 45 de ladite communication).

    126.

    Pour les raisons exprimées aux points 78 à 85 des présentes conclusions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les mesures en cause respectent ce principe. Selon moi, la question fondamentale qui devrait guider l’analyse de l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) est à cet égard celle de savoir si la situation dans laquelle se trouve chaque investisseur affecté par les mesures de répartition des charges est, d’un point de vue économique, globalement comparable à celle qui se serait manifestée si la banque, faute d’aide, avait quitté le marché ( 76 ).

    127.

    Parmi les aspects que la juridiction nationale pourrait être appelée à examiner figure la cohérence globale de l’ensemble des mesures de répartition des charges adoptées par les autorités de l’État membre à l’égard des différentes catégories d’investisseurs.

    128.

    Pour ce qui est de cet aspect, la communication concernant le secteur bancaire établit uniquement une distinction entre, d’une part, les actionnaires, les détenteurs de titres hybrides et les détenteurs de titres de créance subordonnés et, d’autre part, les détenteurs de créances privilégiées (point 42 de ladite communication). Il est cependant important de noter que la communication concernant le secteur bancaire n’indique pas que les États membres doivent généralement traiter ces deux groupes différemment; elle prévoit uniquement que les États membres peuvent, lorsqu’ils le jugent approprié, les traiter différemment ( 77 ). La position des détenteurs de créances privilégiées n’est en fait généralement pas comparable à celle de détenteurs de fonds propres ou de dette subordonnée, tout spécialement durant les procédures de faillite ou de liquidation, et il pourrait donc être raisonnable de tenir compte de cet élément.

    129.

    Il pourrait également y avoir des divergences entre les différentes catégories d’investisseurs généralement affectés par les mesures de répartition des charges (actionnaires, détenteurs de titres hybrides et détenteurs de titres de créance subordonnés), en particulier en ce qui concerne l’ordre de priorité en cas de procédure d’insolvabilité. La juridiction de renvoi pourrait à cet égard devoir vérifier qu’aucune de ces catégories ne supporte une charge injustifiée et excessive compte tenu des faits de l’affaire et des règles nationales (tout spécialement du droit commercial et du droit de la faillite) et des dispositions contractuelles qui leur sont applicables.

    130.

    La réponse à la sixième question devrait donc être que la conversion ou la dépréciation des titres hybrides et des titres de créance subordonnés, telle que prévue aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, n’est pas une condition préalable à l’octroi de l’aide d’État et n’est pas exigée lorsqu’elle conduirait à des résultats disproportionnés; il appartient aux juridictions nationales de vérifier que, lorsque des mesures d’aide adoptées conformément à la communication concernant le secteur bancaire sont mises en œuvre, le principe de proportionnalité a été respecté.

    7. Sur la septième question

    131.

    Par sa septième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les mesures de répartition des charges mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire peuvent être considérées comme des mesures d’assainissement au sens de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24.

    132.

    Les raisons qui ont conduit l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) à déférer cette question ne me semblent pas évidentes. Je comprends cette question comme étant liée au problème soulevé en liaison avec la cinquième question en ce qui concerne le rapport entre la communication concernant le secteur bancaire, la directive 2001/24 et la directive 2012/30. En d’autres termes, la question semble être celle de savoir si les mesures de répartition des charges mentionnées dans la communication concernant le secteur bancaire doivent être considérées comme des «mesures d’assainissement» aux fins de la directive 2001/24 et qui ne sont donc pas exclues par la directive 2012/30 conformément aux principe de la lex specialis.

    133.

    J’ai déjà évoqué la substance de cette problématique dans ma réponse à la cinquième question. Il me reste par conséquent à expliquer les raisons pour lesquelles, à l’instar de toutes les parties qui ont présenté des observations sur ce point, je suis d’avis que les mesures de répartition des charges mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire peuvent souvent (mais pas toujours) relever de la notion de «mesures d’assainissement» au titre de l’article 2 de la directive 2001/24.

    134.

    En vertu de cette disposition, les mesures d’assainissement sont des «mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit et qui sont susceptibles d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances».

    135.

    La notion de «mesures d’assainissement» semble donc définie de manière plutôt large. Cela me semble conforme à l’objectif poursuivi par la directive: établir un système de reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de liquidation des établissements de crédit entre les États membres. Il y a trois éléments cumulatifs dans la définition fournie dans la directive 2001/24: i) les mesures doivent être adoptées par les autorités administratives ou judiciaires compétentes d’un État membre ( 78 ); ii) les mesures doivent être adoptées en vue de préserver ou de restaurer la situation financière des établissements de crédit, et iii) les mesures doivent potentiellement affecter les droits de tiers. J’examinerai ces trois éléments successivement en faisant référence aux mesures en cause ici.

    136.

    Premièrement, des mesures adoptées par une autorité comme la banque centrale nationale peuvent manifestement être considérées comme ayant été adoptées par une autorité administrative d’un État membre. À l’inverse, comme je l’ai déjà mentionné, les mesures de répartition des charges adoptées volontairement par les investisseurs d’une banque peuvent également satisfaire aux exigences des points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire. En effet, il y a déjà eu des cas dans lesquels des investisseurs (publics et privés) ont volontairement accepté une décote (haircut) pour restaurer la viabilité d’un établissement de crédit. Une telle mesure ne relèverait pas du champ d’application de la directive 2001/24.

    137.

    Deuxièmement, l’objectif des mesures mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire est manifestement de préserver ou de restaurer la situation financière d’un établissement de crédit. Il ressort en fait clairement des termes de la communication concernant le secteur bancaire que ces mesures sont destinées, «dans toute la mesure du possible, à la réduction du déficit de fonds propres» (point 41), à «redresser [la] position financière [de la banque]» et à «remédier au déficit» (point 43).

    138.

    Troisièmement, les mesures de répartition des charges qui affectent les détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés sont, selon toute vraisemblance, capables d’affecter les droits des tiers au sens de la directive 2001/24. Par ailleurs, les mesures de répartition des charges qui affectent les seuls actionnaires ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2001/24. Le considérant 8 de cette directive dispose que les mesures «qui affectent le fonctionnement de la structure interne des établissements de crédit ou les droits des dirigeants ou des actionnaires, n’ont pas besoin de la couverture de cette directive pour porter tous leurs effets dans les États membres dans la mesure où, en appliquant les règles de droit international privé, la loi applicable est celle de l’État d’origine». De plus, le considérant 10 de cette même directive précise que «les personnes participant au fonctionnement de la structure interne des établissements de crédit, ainsi que les dirigeants et actionnaires de ces établissements, pris en ces qualités, ne doivent pas être considérés comme des tiers pour l’application de la présente directive».

    139.

    À la lumière des points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, la notion de «mesures d’assainissement» au titre de l’article 2 de la directive 2001/24 semble donc couvrir certaines mesures mentionnées dans la communication, mais pas toutes.

    140.

    Cette conclusion n’est, selon moi, pas affectée par le fait que la notion de «mesures d’assainissement» dans la directive 2001/24 a été modifiée par l’article 117 de la directive 2014/59 afin d’inclure explicitement l’application des instruments de résolution et l’exercice des pouvoirs de résolution prévus dans cette dernière directive ( 79 ).

    141.

    Je comprends que la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la modification de l’article 2 de la directive 2001/24 devrait être vue comme impliquant que la définition précédente de «mesures d’assainissement» incluse dans cette disposition ne couvrait pas ce type de mesures de bail-in.

    142.

    Je ne partage pas les doutes exprimés par la juridiction de renvoi sur ce point. Comme je l’ai déjà expliqué, du fait de leur nature et de leur champ d’application, certaines mesures mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire relèvent pleinement de la définition des mesures d’assainissement contenue dans la directive 2001/24.

    143.

    Ainsi que le gouvernement irlandais le signale, la modification mentionnée au point 141 des présentes conclusions doit être lue à la lumière du fait que la directive 2001/24 cherchait non pas à harmoniser les lois pertinentes des États membres, mais uniquement à fournir un système de reconnaissance mutuelle ( 80 ). La directive 2014/59 oblige cependant désormais les États membres à introduire certaines mesures facilitant l’assainissement des banques. Il est donc logique que la même directive prévoie aussi des dispositions destinées à garantir que ces nouvelles mesures soient conformes au cadre existant de l’Union. Cela n’implique cependant nullement que des mesures similaires existant en droit national, en l’absence de règles d’harmonisation, n’étaient pas couvertes auparavant par la définition des mesures d’assainissement.

    144.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que les mesures de répartition des charges mentionnées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire peuvent, selon les circonstances, relever de la définition des mesures d’assainissement de la directive 2001/24.

    IV – Conclusion

    145.

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle):

    la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière n’est pas contraignante pour les États membres;

    les points 40 à 46 de cette communication ne vont pas au-delà des compétences dévolues à la Commission européenne en vertu des articles 107 à 109 TFUE; la Commission n’a pas mal interprété et appliqué les règles relatives aux aides d’État en considérant que, dans les situations régies par la communication, une aide accordée aux banques en détresse requiert normalement des mesures de répartition des charges pour être compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE;

    les points 40 à 46 de cette communication sont compatibles avec le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété; il appartient aux juridictions nationales de vérifier que, lorsque des mesures sont adoptées conformément à ladite communication, ces droits n’ont pas été violés;

    les points 40 à 46 de cette communication ne violent pas les dispositions de la directive 2012/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital; les dispositions nationales qui confient l’adoption des mesures de répartition des charges à la banque centrale nationale dans une situation comme celle en cause dans la procédure au principal ne sont pas incompatibles avec la directive 2012/30;

    la conversion ou la dépréciation de titres hybrides et de titres de créance subordonnés, prévue aux points 40 à 46 de ladite communication, n’est pas une condition préalable à l’octroi d’une aide d’État et n’est pas exigée lorsqu’elle conduirait à des résultats disproportionnés; il appartient aux juridictions nationales de vérifier que, lorsque des mesures d’aide adoptées conformément à la communication sont mises en œuvre, le principe de proportionnalité a été respecté;

    les mesures de répartition des charges mentionnées aux points 40 à 46 de cette communication peuvent, selon les circonstances, relever de la définition de mesures d’assainissement contenue dans la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit.


    ( 1 ) Langue originale: l’anglais.

    ( 2 ) « Le point 19 du présent texte a fait l’objet d’une modification d’ordre linguistique, postérieurement à sa première mise en ligne ».

    ( 3 ) Claessens, S., Kose, A. M., «Financial Crises: Explanations, Types, and Implications», IMF Working Paper, WP/13/28, 2013, International Monetary Fund.

    ( 4 ) Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1, ci-après la «communication concernant le secteur bancaire»).

    ( 5 ) Voir liste des communications précédentes dans la note de bas de page 1 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 6 ) Voir le point 1 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 7 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).

    ( 8 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 2012, L 315, p. 74).

    ( 9 ) Deuxième directive du Conseil du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1).

    ( 10 ) Directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

    ( 11 ) Voir, à cet égard, arrêts du 21 janvier 1993, Deutsche Shell (C-188/91, EU:C:1993:24, points 18 et 19), ainsi que du 5 juin 2008, JVC France (C-312/07, EU:C:2008:324, points 29, 32 et 33 à 37).

    ( 12 ) Voir, notamment, arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi (C-322/88, EU:C:1989:646, points 7 à 9), ainsi que du 2 avril 2009, Lodato Genaro & C. (C-415/07, EU:C:2009:220, point 23).

    ( 13 ) Voir, à cet égard, arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C-261/01 et C-262/01, EU:C:2003:571, point 75); du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C-368/04, EU:C:2006:644, point 38), et du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C-284/12, EU:C:2013:755, point 28).

    ( 14 ) Voir ordonnance du 15 octobre 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission (C-93/15 P, EU:C:2015:703, point 61).

    ( 15 ) Voir arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission (C-310/99, EU:C:2002:143, point 45 et jurisprudence citée).

    ( 16 ) Voir, en particulier, article 108, paragraphe 4, TFUE.

    ( 17 ) Voir, par analogie, arrêt du 20 mars 1997, France/Commission (C-57/95, EU:C:1997:164).

    ( 18 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance (C-75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, points 60 et 61), ainsi que, par analogie, arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce (C-387/97, EU:C:2000:356, point 87).

    ( 19 ) Voir, à cet égard, arrêt du 13 décembre 1989, Grimaldi (C-322/88, EU:C:1989:646, points 18 et 19), ainsi que point 38 des conclusions que l’avocat général Kokott a présentées le 6 septembre 2012 dans l’affaire Expedia (C-226/11, EU:C:2012:544).

    ( 20 ) Voir, au sujet de la communication concernant le secteur bancaire, arrêt du 15 octobre 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission (C‑667/13, EU:C:2015:151, point 69 et jurisprudence citée). Un effet d’estoppel similaire peut également intervenir en ce qui concerne des autorités des États membres qui se sont expressément engagées à respecter les principes contenus dans un instrument de soft law adopté par la Commission: un manquement injustifié à ces principes pourrait être opposé à ces autorités par des particuliers affectés, et ce conformément à la maxime «venire contra factum proprium non valet». Voir arrêt du 13 décembre 2012, Expedia (C-226/11, EU:C:2012:795, points 26 et 27).

    ( 21 ) Voir arrêts du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, EU:C:1987:96, point 22), et du 26 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑351/98, EU:C:2002:530, point 53).

    ( 22 ) Voir, à cet égard, ordonnance du 23 novembre 2015, EREF/Commission (T-694/14, EU:T:2015:915, points 26 et 29).

    ( 23 ) La conclusion contraire signifierait en substance que la Commission est investie d’un pouvoir législatif dans ce domaine. Je ne peux donc pas souscrire à l’interprétation des règles du traité ou à la lecture de la jurisprudence existante proposée à la note 21 des conclusions que l’avocat Sharpston a présentées le 15 octobre 2015 dans l’affaire Grèce/Commission (C-431/14 P, EU:C:2015:699).

    ( 24 ) Voir, à cet égard, point 38 et jurisprudence citée des conclusions que l’avocat général Jacobs a présentées le 25 avril 2002 dans l’affaire Commission/Portugal (C-391/01, EU:C:2002:270). Voir, également, arrêt du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission (T‑375/03, EU:T:2007:293, points 140 et 141), ainsi que, par analogie, ordonnance du 9 septembre 2015, Smurfit Kappa Group/Commission (T-304/08, EU:T:2010:279, points 86 à 97).

    ( 25 ) Voir ordonnance du 23 novembre 2015, EREF/Commission (T-694/14, EU:T:2015:915, points 26 et 29).

    ( 26 ) Voir ordonnance du 23 novembre 2015, EREF/Commission (T-694/14, EU:T:2015:915, point 29).

    ( 27 ) Voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 19), et du 1er décembre 2005, Italie/Commission (C-301/03, EU:C:2005:727, point 30). Voir, également, arrêt du 20 mai 2010, Allemagne/Commission (T-258/06, EU:T:2010:214, point 151).

    ( 28 ) Il pourrait en être ainsi lorsque – en application du principe qu’aucun créancier ne saurait être plus défavorisé – la contribution exigée par les investisseurs serait plutôt limitée et les autorités peuvent prévoir un contentieux coûteux et/ou des difficultés procédurales pour mettre en œuvre les mesures de répartition des charges. Dans ces circonstances, il ne saurait être exclu qu’un État membre puisse envisager d’injecter les fonds supplémentaires (limités) nécessaires à la restructuration de la banque.

    ( 29 ) Voir, à cet égard, arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C-390/06, EU:C:2008:224, points 68 et 69 ainsi que jurisprudence citée), et du 5 octobre 1994, Allemagne/Commission (C-400/92, EU:C:1994:360, points 12, 20 et 21).

    ( 30 ) Voir, notamment, arrêts du 22 mars 2001, France/Commission (C-17/99, EU:C:2001:178, point 36), et du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission (T-349/03, EU:T:2005:221, point 66).

    ( 31 ) Voir communication de la Commission intitulée «Lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté» (JO 2004, C 244, p. 2, paragraphes 7 et 43 à 45).

    ( 32 ) Voir arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission (T-349/03, EU:T:2005:221, point 226), et du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission (T-319/11, EU:T:2014:186, point 43).

    ( 33 ) Voir considérant 3 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 34 ) Voir arrêt du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission (T-132/96 et T-143/96. EU:T:1999:326, point 167), confirmé sur pourvoi (arrêt du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C-57/00 P et C-61/00 P, EU:C:2003:510, points 97 et 98).

    ( 35 ) Voir conclusions que l’avocat général Bot a présentées le 12 novembre 2015 dans l’affaire KA Finanz (C-483/14, EU:C:2015:757).

    ( 36 ) Voir paragraphe 25 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 37 ) Voir points 9 et 18 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 38 ) Voir arrêt du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission (C-104/89 et C-37/90, EU:C:2000:38, point 15).

    ( 39 ) Point 49 des présentes conclusions.

    ( 40 ) Voir, parmi d’autres, arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C-630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 132 et jurisprudence citée).

    ( 41 ) Voir points 16 à 18 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 42 ) Voir, à cet égard, par analogie, arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol (C-201/08, EU:C:2009:539, point 53 et jurisprudence citée).

    ( 43 ) Voir arrêts du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C-350/88, EU:C:1990:71, point 33), ainsi que du 23 novembre 2000, British Steel/Commission (C-1/98 P, EU:C:2000:644, point 52).

    ( 44 ) Voir point 18 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 45 ) Voir points 16, 41 et 47 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 46 ) Voir arrêt du 17 juillet 1997, Affish (C-183/95, EU:C:1997:373, point 57 et jurisprudence citée).

    ( 47 ) Il convient de rappeler à cet égard que, en vertu de l’article 345 TFUE, «les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres».

    ( 48 ) Ces mesures incluent, selon moi, également les mesures de répartition des charges.

    ( 49 ) Voir, en particulier, article 3, paragraphe 4, TUE et articles 119 à 144 TFUE.

    ( 50 ) Voir, plus particulièrement, article 119, paragraphe 3, TFUE. Voir également, plus généralement, arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C-370/12, EU:C:2012:756).

    ( 51 ) Voir, en particulier, recommandation du Conseil du 9 juillet 2013 concernant le programme national de réforme de la Slovénie pour 2013 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la Slovénie pour la période 2012-2016 (JO 2013, C 217, p. 75) et «Macroeconomic imbalances, Slovenia 2013», Direction générale (DG) «Affaires économiques et financières» de la Commission, Occasional Papers 142, avril 2013.

    ( 52 ) Voir, à cet égard, par analogie, ordonnance du 23 novembre 2015, EREF/Commission (T‑694/14, EU:T:2015:915, point 28).

    ( 53 ) Au contraire, la Commission a une obligation d’assister les autorités des États membres en la matière conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE.

    ( 54 ) Voir, à cet égard, par analogie, arrêt du 15 octobre 2015, Iglesias Gutiérrez et Rion Bea (C‑352/14 et C‑353/14, EU:C:2015:691, point 29).

    ( 55 ) Voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C-402/05 P et C-415/05 P, EU:C:2008:461, point 355).

    ( 56 ) Voir, également, Cour EDH, Olczak c. Pologne, 7 novembre 2002, jurisprudence citée.

    ( 57 ) Voir point 72 des présentes conclusions.

    ( 58 ) De ce point de vue, on pourrait même mettre en cause les termes employés dans la communication concernant le secteur bancaire puisque, dans la mesure où les investisseurs ne subissent en théorie aucune perte économique, aucune charge ne semble être effectivement partagée. Quoi qu’il en soit, les principes posés dans la communication concernant le secteur bancaire me semblent être conformes à la jurisprudence de la Cour EDH: d’après sa jurisprudence bien établie, prendre la propriété sans paiement d’un montant raisonnablement lié à sa valeur constituerait normalement une intervention disproportionnée qui ne pourrait pas être jugée justifiable en vertu de l’article 1er du premier protocole. Pourtant, l’article 1er ne garantit pas un droit à une pleine compensation dans toutes les circonstances puisque des intérêts légitimes d’«intérêt général» comme ceux poursuivis dans le cadre de mesures de réforme économique ou de mesures destinées à atteindre une plus grande justice sociale peuvent imposer un remboursement moindre que la pleine valeur du marché. Dans des circonstances exceptionnelles, même l’absence de la moindre compensation peut être justifiée (voir Cour EDH, 8 juillet 1986, Lithgow et autres c. Royaume-Uni).

    ( 59 ) Voir considérant 3 de la directive 2012/30. Voir, également, arrêt du 12 mars 1996, Pafitis e.a. (C‑441/93, EU:C:1996:92, point 38).

    ( 60 ) Voir considérants 4 à 7 de la directive 2012/30.

    ( 61 ) Voir Kersting, C., «Combating the Financial Crisis: European and German Corporate and Securities Laws and the Case for Abolishing Sovereign Debtors’ Privilege», Texas International Law Journal, vol. 48, no 2, 2013, p. 279.

    ( 62 ) Arrêt du 12 mars 1996 (C-441/93, EU:C:1996:92).

    ( 63 ) Voir, soulignant l’importance des circonstances de fait dans l’affaire Pafitis e.a., Hüpkes, E.H.G. The Legal Aspects of Bank Insolvency: A Comparative Analysis of Western Europe, The United States and Canada, Kluwer Law International, 2000, p. 63.

    ( 64 ) Voir article 3, paragraphe 4, TUE.

    ( 65 ) Arrêt du 12 mars 1996 (C-441/93, EU:C:1996:92, point 43).

    ( 66 ) Voir considérants 5 et 6 de la directive 2001/24.

    ( 67 ) Voir, en particulier, articles 3 à 8 de la directive 2001/24.

    ( 68 ) En doctrine, un point de vue a été exprimé selon lequel les constatations de la Cour dans l’affaire Pafitis e.a. (C-441/93, EU:C:1996:92) ne sont pas applicables aux situations comme celles qui ont suivi la crise financière mondiale: voir, à titre d’exemple, Attinger, B. J., «Crisis Management and Bank Resolution: Quo Vadis Europe?» , Legal Working Paper Series, no 13, European Central Bank, décembre 2011, p. 29; et Kern, A., «Bank Resolution Regimes: Balancing Prudential Regulation and Shareholder Rights», Journal of Corporate Law Studies, vol. 9, issue 1, 61-93, 2009, p. 75 et 76.

    ( 69 ) Voir, pour un aperçu de certains de ces États membres (qui incluent, en dehors de la République de Slovénie, le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République française et la République italienne), Kern, A., op cit, p. 2.

    ( 70 ) Voir Mnenje Evropske Centralne Banke z dne 15. Oktobra 2013 o ukrepih za reorganizacijo bank (CON/2013/73) (avis de la BCE du 15 octobre 2013 sur les mesures de restructuration des banques).

    ( 71 ) Voir considérants 4 et 9.

    ( 72 ) Bien qu’il ne s’agisse pas stricto sensu d’un argument juridique, on peut néanmoins se demander si – dans l’hypothèse où la législation de l’Union avait été un obstacle manifeste à l’adoption d’une telle législation nationale – les institutions de l’Union n’auraient pas réagi pour imposer les dispositions prétendument violées ou, à titre alternatif, pour modifier la législation de l’Union pertinente.

    ( 73 ) La juridiction de renvoi observe que le titre IV de la directive 2014/59 prévoit différents instruments de résolution, dont les instruments de bail-in, qui sont essentiellement équivalents à ceux mentionnés dans la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 74 ) Voir considérants 11 et 12 de la directive.

    ( 75 ) Voir arrêts du 6 décembre 2005, ABNA e.a. (C-453/03, C-11/04, C-12/04, C-194/04, EU:C:2005:741, point 68); du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a. (C-558/07, EU:C:2009:430, point 41), ainsi que du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

    ( 76 ) Voir, par analogie, points 20 et 46 de la communication concernant le secteur bancaire.

    ( 77 ) En effet, pour autant que je le comprends, au moins un État membre a, durant la récente crise, également imposé des mesures de répartition des charges aux détenteurs de créances privilégiées.

    ( 78 ) Voir article 2, sixième tiret, et article 3, de la directive 2001/24.

    ( 79 ) Comme je l’ai déjà mentionné, les instruments de résolution prévus par la directive 2014/59 incluent certains instruments de bail-in qui sont analogues aux mesures de répartition des charges contestées par les requérants dans la procédure au principal.

    ( 80 ) Voir arrêt du 24 octobre 2013, LBI (C-85/12, EU:C:2013:697, point 39).

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