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Document 62014CC0154

    Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 3 septembre 2015.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:543

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. NILS WAHL

    présentées le 3 septembre 2015 ( 1 )

    Affaire C‑154/14 P

    SKW Stahl-Metallurgie GmbH et

    SKW Stahl-Metallurgie Holding AG

    contre

    Commission européenne

    «Pourvoi — Article 27 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil — Articles 12 et 14 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission — Règles procédurales applicables aux enquêtes portant sur des infractions aux règles de concurrence de l’Union — Droit d’être entendu — Audition — Audition à huis clos devant la Commission»

    1. 

    Il ne fait aucun doute que les entreprises ont le droit d’être entendues dans le cadre des enquêtes portant sur des infractions aux règles de concurrence de l’Union. Néanmoins, existe-t-il un droit d’être entendu à huis clos? Telle est la question essentielle soulevée dans le présent pourvoi. Pour les raisons indiquées ci-après, je considère que cette question appelle une réponse négative.

    2. 

    Les parties requérantes demandent à la Cour d’annuler un arrêt du Tribunal ( 2 ) qui a confirmé une décision de la Commission ( 3 ) leur infligeant une amende d’un montant de 13300000 euros en raison de leur participation à une entente dans les secteurs du carbure de calcium et du magnésium. Les parties requérantes font valoir essentiellement que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne censurant pas la Commission européenne pour avoir refusé d’accéder à leur demande d’audition à huis clos ( 4 ) au cours de la procédure administrative.

    3. 

    S’agissant des autres moyens de pourvoi des parties requérantes, je les examinerai de manière sommaire, en ciblant volontairement mon analyse sur le premier moyen de pourvoi.

    I – Le cadre juridique

    4.

    L’article 27 du règlement (CE) no 1/2003 ( 5 ), intitulé «Audition des parties, des plaignants et des autres tiers», énonce:

    «1.   Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. […]

    2.   Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. […].»

    5.

    En vertu de l’article 33, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1/2003, la Commission a arrêté des dispositions d’application concernant, notamment, les modalités des auditions prévues à l’article 27 dudit règlement. Ces dispositions figurent dans le règlement (CE) no 773/2004 ( 6 ). Sous l’intitulé «Droit à une audition», l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 prévoit que la Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

    6.

    L’article 14 du règlement no 773/2004, intitulé «Conduite des auditions», énonce:

    «[…]

    6.   L’audition n’est pas publique. Toute personne peut être entendue séparément ou en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, compte tenu de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués.

    7.   Le conseiller-auditeur peut autoriser les parties auxquelles une communication des griefs a été adressée, les plaignants, les tiers invités à l’audition, les services de la Commission et les autorités des États membres à poser des questions pendant l’audition.

    8.   Les déclarations faites par chaque personne entendue sont enregistrées. Sur demande, l’enregistrement de l’audition est mis à la disposition des personnes qui y ont assisté. Il est tenu compte de l’intérêt légitime des parties à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués.»

    7.

    Enfin, l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 prévoit que «[l]es informations, y compris les documents, ne sont pas communiquées ni rendues accessibles par la Commission dans la mesure où elles contiennent des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles appartenant à une personne quelconque».

    II – Les antécédents du litige

    A – Rappel de l’origine du litige

    8.

    Aux fins de la présente procédure, il suffit de relever que, aux termes de l’arrêt attaqué ( 7 ), la Commission, dans la décision litigieuse, a considéré que les principaux fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, du 7 avril 2004 au 16 janvier 2007, à une infraction unique et continue. Celle-ci se traduisait par un partage de marchés, une fixation de quotas, une répartition des clients, une fixation des prix et un échange d’informations commerciales sensibles entre les fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium dans une partie substantielle de l’Espace économique européen (EEE) (ci-après l’«infraction litigieuse»).

    9.

    La Commission a notamment considéré, à l’article 1, sous f), de la décision litigieuse, que SKW Stahl-Metallurgie GmbH (ci-après «SKW») avait participé à l’infraction litigieuse du 22 avril 2004 au 16 janvier 2007 et que SKW Stahl-Metallurgie Holding AG (ci-après «SKW Holding») avait participé à l’infraction du 30 août 2004 au 16 janvier 2007. La Commission a considéré que des salariés de SKW avaient été directement impliqués dans les ententes et/ou les pratiques concertées décrites dans la décision litigieuse au cours de la période mentionnée. Entre le 30 août 2004 et le 16 janvier 2007, SKW Holding détenait directement 100 % de SKW. Cela a conduit la Commission à conclure, sur la base d’une présomption déclenchée par cette participation, que SKW Holding exerçait un contrôle effectif sur SKW (présomption qui, selon la Commission, a été «confirmée» par des éléments factuels supplémentaires ( 8 )), et que SKW Holding faisait partie d’une entité économique unique constituée avec SKW et qu’elle pouvait dès lors être considérée comme responsable de l’infraction aux règles de concurrence commise par SKW.

    B – La procédure administrative devant la Commission ( 9 )

    10.

    Dans leur réponse du 6 octobre 2008 à la communication des griefs de la Commission du 24 juin 2008, les parties requérantes ont soutenu que, en réalité, Degussa, et non SKW Holding, avait exercé une influence décisive sur SKW, et ont demandé la tenue d’une audition afin d’approfondir leur point de vue. Ayant été invitées à se présenter à une audition, les parties requérantes ont demandé, par courrier électronique du 31 octobre 2008, à être entendues à huis clos sur leur argumentation concernant le rôle de Degussa. Elles ont justifié leur demande en faisant valoir que la survie économique de SKW dépendait de Degussa, qui lui fournissait la presque totalité de son approvisionnement en carbure de calcium et que SKW était actuellement en cours de négociation d’un nouveau contrat de fourniture avec Degussa. Les parties requérantes ont également soutenu que présenter leur point de vue en présence de Degussa porterait sérieusement atteinte à leurs relations commerciales et pourrait conduire à des représailles. Par courrier électronique du 5 novembre 2008, les parties requérantes ont proposé, à titre de «solution praticable», de donner accès à Degussa à leur présentation faite à huis clos après la fin de l’année 2008 ou après la conclusion d’un nouvel accord de fourniture. Le 6 novembre 2008, les parties requérantes se sont à nouveau adressées au conseiller-auditeur par un courrier électronique exposant à nouveau ces questions.

    11.

    Par courrier du 6 novembre 2008, le conseiller-auditeur a rejeté la demande d’audition à huis clos. Considérant que la demande n’était pas fondée stricto sensu sur un intérêt légitime de protection de secrets d’affaires des parties requérantes et d’autres informations confidentielles, le conseiller-auditeur a analysé ladite demande du point de vue du droit à être entendu. Relevant que l’argument soulevé par les parties requérantes concernait le comportement de Degussa et requérait, afin d’être pris en compte à titre de circonstance atténuante ( 10 ), d’être vérifié au regard d’une prise de position devant être produite par Degussa, le conseiller-auditeur a également considéré qu’une audition à huis clos priverait Degussa de son droit à répondre oralement aux allégations des parties requérantes. Enfin, le conseiller-auditeur n’a pas considéré que la solution proposée par les parties requérantes était réalisable, étant donné que ni le résultat ni la durée des négociations n’étaient certains.

    12.

    Une audition a eu lieu les 10 et 11 novembre 2008.

    13.

    Par courrier du 28 janvier 2009, les parties requérantes ont informé le conseiller-auditeur qu’un nouveau contrat de fourniture avait été conclu entre SKW et Degussa et qu’il n’existait plus aucun obstacle à ce qu’une audition soit tenue en présence de cette dernière. Dès lors, elles ont demandé la possibilité de présenter, lors d’une audition supplémentaire, leurs observations sur le comportement de Degussa, ce qu’elles s’étaient abstenues de faire lors de l’audition.

    14.

    Par courrier du 3 février 2009, le conseiller-auditeur a rejeté la demande d’audition supplémentaire, en considérant que le droit d’être entendu est déclenché par l’adoption d’une communication des griefs et n’est accordé qu’à une seule reprise. Néanmoins, le conseiller-auditeur a autorisé les parties requérantes à présenter des observations écrites supplémentaires à cet égard dans un nouveau délai.

    15.

    Enfin, par courrier du 10 février 2009 adressé au conseiller-auditeur, les parties requérantes ont exprimé leur désaccord avec la position de celui-ci. Elles ont soutenu que le droit d’être entendu oralement est un évènement qui ne doit pas uniquement être accordé à une seule reprise, mais qui doit être garanti tout au long de la procédure. Considérant le fait que les arguments écrits que les parties requérantes avaient déjà présentés n’avaient pas attiré l’attention de la Commission sur le rôle de Degussa et la dépendance de SKW à l’égard de celle‑ci, les parties requérantes se sont opposées à l’idée que la possibilité de présenter des observations écrites puisse remplacer le droit d’être entendues oralement.

    16.

    Le 9 juillet 2009, le conseiller-auditeur a présenté son rapport final sur le projet de décision relatif à l’infraction litigieuse ( 11 ), qui comprenait ses observations sur la demande des parties requérantes d’être entendues à huis clos. Dans son rapport, le conseiller-auditeur a conclu que le projet de décision ne retenait que les griefs à l’égard desquels les parties avaient été mises en mesure de s’exprimer et que le droit d’être entendu de tous les participants à la procédure avait été respecté.

    III – La procédure devant le Tribunal

    17.

    Par requête introduite le 1er octobre 2009, les parties requérantes ont formé un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse. Elles ont soulevé six moyens d’annulation, tirés i) de la violation de leur droit d’être entendues; ii) d’une application erronée de l’article 81 CE; iii) de la violation de l’obligation de motivation; iv) de la violation du principe d’égalité de traitement; v) de la violation des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003 ainsi que des principes de proportionnalité et de légalité des peines, et vi) de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

    18.

    À la suite d’une audience qui s’est tenue le 16 avril 2013, le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, rejeté l’ensemble des moyens d’annulation et, partant, le recours. En outre, il a condamné les parties requérantes à supporter leurs propres dépens et ceux de la Commission.

    IV – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

    19.

    Par leur pourvoi introduit le 2 avril 2014, les parties requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

    annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité pour autant qu’il a rejeté les demandes des parties requérantes et accueillir dans leur intégralité les demandes formées en première instance;

    à titre subsidiaire, annuler partiellement l’arrêt attaqué;

    à titre plus subsidiaire, réduire ex aequo et bono les amendes qui ont été infligées aux parties requérantes à l’article 2, sous f) et g), de la décision litigieuse;

    à titre encore plus subsidiaire, annuler l’arrêt attaqué et renvoyer l’affaire devant le Tribunal; et

    condamner la Commission aux dépens.

    20.

    Dans son mémoire en réponse, introduit le 13 juin 2014, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    rejeter le pourvoi, et

    condamner les parties requérantes aux dépens.

    21.

    Les parties requérantes et la Commission ont exposé leurs positions lors de l’audience du 13 mai 2015.

    V – Analyse du pourvoi

    A – Observations liminaires

    22.

    Les parties requérantes soulèvent quatre moyens à l’appui de leur pourvoi, par lesquels elles invoquent, en substance, que: i) en ne pénalisant pas la violation par la Commission des droits procéduraux des parties requérantes au cours de la procédure administrative, tels que le droit à une audition équitable, le Tribunal a commis une erreur de droit et, de plus, a violé le principe de proportionnalité et l’interdiction d’examen anticipé des preuves; ii) en méconnaissant le fait que la Commission a fait une application erronée à la fois de l’article 101 TFUE et de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, le Tribunal a également commis une erreur de droit; iii) en confirmant la décision litigieuse, le Tribunal a violé les principes selon lesquels les sanctions doivent être claires et appropriées à l’auteur de l’infraction et à l’infraction elle-même, et, enfin, iv) le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’un argument soulevé par les parties requérantes au cours de la procédure était nouveau et, dès lors, irrecevable. Je traiterai immédiatement et de manière sommaire les deuxième, troisième et quatrième moyens de pourvoi.

    23.

    En mettant de côté la question de la recevabilité de la première branche de leur deuxième moyen de pourvoi, que la Commission conteste, les parties requérantes soutiennent que le Tribunal a omis de prendre en compte le fait que SKW Holding n’aurait prétendument pas eu d’intérêt économique à l’infraction litigieuse. Néanmoins, il convient de rappeler qu’il a déjà été jugé que lorsque la Commission a réussi à réunir des preuves à l’appui de l’infraction alléguée, et que celles-ci apparaissent suffisantes pour démontrer l’existence d’un accord de nature anticoncurrentielle, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’entreprise accusée avait un intérêt commercial à participer à cet accord ( 12 ). Dès lors, cette branche du deuxième moyen de pourvoi est inopérante.

    24.

    Par la seconde branche de leur deuxième moyen de pourvoi, les parties requérantes allèguent que, en confirmant la décision litigieuse, le Tribunal a fait une interprétation erronée de l’article 296 TFUE. Elles soutiennent en particulier que le Tribunal a omis de censurer la Commission pour n’avoir pas examiné tous leurs arguments, en violation de l’obligation de motivation «renforcée» de cette dernière lorsqu’il s’agit de constater la responsabilité d’une société mère pour le comportement de sa filiale. Néanmoins, ainsi que je l’ai indiqué ailleurs, je ne considère pas que la Cour ait explicitement jugé qu’il existe une obligation de motivation renforcée dans une telle situation ( 13 ). En tout état de cause, j’estime que le Tribunal a examiné de manière adéquate le raisonnement de la décision litigieuse, écartant l’une des raisons fournies par la Commission lors de la procédure comme étant erronée (bien que surabondante). Dès lors, le Tribunal n’a pas interprété de manière erronée l’article 296 TFUE et il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen de pourvoi est dépourvue de fondement en droit.

    25.

    L’argument soulevé par les parties requérantes dans leur troisième moyen de pourvoi, selon lequel la Commission aurait dû préciser la répartition individuelle inter partes de l’amende parmi les participants à l’entente, a été rejeté par l’arrêt Commission e.a./Siemens Österreich e.a., qui a été rendu après l’introduction du présent pourvoi ( 14 ). Il découle de cet arrêt que ce moyen de pourvoi n’est pas davantage fondé, en dépit de la tentative des parties requérantes de nuancer leur position lors de l’audience.

    26.

    Enfin, il est superflu d’examiner le quatrième moyen de pourvoi. Par celui‑ci, les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir déclaré irrecevable le même argument sur la répartition de l’amende que celui soulevé dans le contexte du troisième moyen de pourvoi. Le quatrième moyen de pourvoi est donc inopérant, compte tenu de l’arrêt mentionné ci-avant.

    27.

    Eu égard à ce qui précède, je me pencherai maintenant sur le premier moyen de pourvoi.

    B – Le premier moyen de pourvoi

    1. Les constatations du Tribunal dans l’arrêt attaqué ( 15 )

    28.

    Aux points 35 à 40 de l’arrêt attaqué, après avoir rappelé, tout d’abord, l’importance des droits de la défense et du privilège lié au secret des affaires et aux autres informations confidentielles, le Tribunal s’est penché sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004. Considérant que, en vertu de cette disposition, il n’était pas exclu que des auditions soient conduites en présence d’autres personnes, le Tribunal a par ailleurs observé qu’il y a lieu de tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles ne soient pas divulgués. Cela a conduit le Tribunal à imposer à la Commission l’obligation de trouver un juste équilibre, au cas par cas, entre, d’une part, l’objectif de protection des droits de la défense des entreprises dont il est allégué qu’elles ont enfreint les règles de concurrence de l’Union et, d’autre part, l’intérêt légitime des tiers à ce que leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles ne soient pas divulgués au cours de l’enquête.

    29.

    Au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a par ailleurs examiné si l’argumentation que les parties requérantes souhaitaient présenter à huis clos était essentielle à leur défense.

    30.

    À cet égard, le Tribunal a considéré, tout d’abord, aux points 42 à 44 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait estimé que seuls les membres du personnel ou de la direction de SKW avaient participé directement à l’infraction litigieuse. En revanche, la responsabilité de SKW Holding pour la même infraction aux règles de concurrence découlait du fait qu’elle avait exercé une influence décisive sur SKW. Le Tribunal a considéré ensuite, aux points 47 à 52 de l’arrêt attaqué, que les parties requérantes n’avaient pas expliqué dans quelle mesure la possibilité que Degussa puisse avoir exercé une influence décisive sur SKW exonèrerait les parties requérantes de leur propre responsabilité. En particulier, le Tribunal a considéré enfin que la question de savoir si Degussa avait exercé une telle influence sur SKW n’était pas pertinente pour la question de savoir si SKW Holding avait effectivement renversé la présomption tenant à l’exercice d’une influence décisive s’attachant à sa participation de 100 % dans SKW.

    31.

    Sur ce fondement, le Tribunal a conclu, aux points 53 à 56 de l’arrêt attaqué, que les arguments des parties requérantes ne pouvaient en tout état de cause pas les exonérer de leur responsabilité. Il en a déduit que le conseiller-auditeur avait, dans son courrier du 6 novembre 2008 (voir point 11 des présentes conclusions), considéré à juste titre la demande d’audition à huis clos seulement du point de vue du rôle de Degussa en tant que circonstance atténuante, étant donné que l’argumentation des parties requérantes à cet égard ne pouvait leur apporter un bénéfice que de ce point de vue. À cet égard, le Tribunal a considéré que l’analyse de l’implication de Degussa en tant que circonstance atténuant la responsabilité des parties requérantes devait être faite dans le cadre du second grief de leur cinquième moyen d’annulation.

    32.

    En ce qui concerne le premier moyen d’annulation, le Tribunal a jugé, aux points 57 à 63 de l’arrêt attaqué, que l’argument selon lequel le rôle de Degussa devrait être pris en compte en tant que circonstance atténuante pour les parties requérantes conduirait, à l’inverse, à une augmentation de la responsabilité de Degussa. Pour cette raison, le conseiller-auditeur a conclu à juste titre qu’une audition à huis clos ne pouvait être accordée, étant donné que Degussa était en droit de répondre à de telles allégations. Le Tribunal a entériné la position du conseiller-auditeur selon laquelle la solution pratique proposée par les parties requérantes n’était pas conforme au droit de Degussa à répondre aux accusations de celles-ci oralement lors de l’audition. En prenant en compte le fait que le bon déroulement de la procédure administrative exige d’adopter une décision dans un délai raisonnable, le Tribunal a considéré que le conseiller-auditeur pouvait à bon droit refuser de tenir une audition supplémentaire, les parties n’étant pas en droit, selon le Tribunal, de bénéficier d’une nouvelle audition chaque fois qu’un obstacle à la présentation d’une argumentation disparaît. Considérant enfin que le conseiller-auditeur avait mis les parties requérantes en mesure de présenter des observations écrites supplémentaires, le Tribunal a rejeté leur premier moyen d’annulation.

    2. Arguments des parties

    33.

    Tout d’abord, les parties requérantes soutiennent que le Tribunal a omis de reconnaître que le refus de la Commission d’accéder à leur demande d’audition à huis clos constitue la violation d’une forme substantielle. Le refus était fortement disproportionné, notamment dans la mesure où leur demande était tout à fait raisonnable et ne portait pas atteinte aux droits procéduraux des autres parties. Dès lors, le Tribunal a méconnu les droits de la défense, même si l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 prévoit que «[l]es droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure». Une audition en présence de Degussa ne mettrait pas les parties requérantes en mesure d’expliquer leur point de vue à la Commission, étant donné qu’elles craignaient les mesures de représailles que Degussa pourrait prendre. C’est pour cette raison qu’elles ont demandé une brève réunion à huis clos d’une durée d’environ 30 minutes. En outre, elles ont proposé, en vain, plusieurs solutions qui, selon elles, auraient respecté leur droit d’être entendues.

    34.

    Les parties requérantes soutiennent que le Tribunal, tout comme la Commission avant lui, a manifestement méconnu leurs intérêts légitimes. Se référant à l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 concernant l’intérêt des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, elles considèrent que si une audition à huis clos peut être accordée afin de protéger des secrets d’affaires (et doit l’être lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité de protéger de tels secrets), elle doit a fortiori l’être lorsqu’une telle audition garantira, selon toute vraisemblance, une protection adéquate des droits de la défense de l’entreprise concernée et que, en l’absence d’une telle audition, l’existence même de ladite entreprise est menacée.

    35.

    Les parties requérantes soutiennent que seule une audition donne la possibilité d’engager un dialogue avec la Commission afin de dissiper tout doute et de répondre à toutes les questions qui pourraient se poser. Bien que le Tribunal, aux points 38 à 62 de l’arrêt attaqué, ait considéré à juste titre que les intérêts de l’entreprise demandant une audition à huis clos doivent être mis en balance avec ceux d’autres entreprises à être en mesure de se défendre contre de possibles accusations, il a jugé à tort que les intérêts de ces dernières étaient plus importants et justifiaient de refuser les solutions proposées par les parties requérantes. Le Tribunal a ainsi commis une erreur en n’obligeant pas la Commission à donner la priorité à la solution qui aurait concilié les intérêts de toutes les parties impliquées; dès lors, le Tribunal a effectué une mise en balance d’une manière disproportionnellement défavorable aux intérêts des parties requérantes.

    36.

    Ensuite, les parties requérantes affirment que, en considérant que leur argumentation n’était pas susceptible de les exonérer de leur responsabilité et que la question du contrôle exercé par Degussa sur SKW n’était pas pertinente pour l’examen de la responsabilité de SKW Holding, le Tribunal a, d’une part, illégalement examiné les preuves de manière anticipée. Il a, d’autre part, méconnu le fait selon lequel la preuve qu’une entreprise exerce sur son ancienne filiale un contrôle continu est de nature à remettre en cause l’influence de la nouvelle société mère sur la filiale. Elles soutiennent en outre que leur argument relatif au rôle de Degussa ne constituait pas simplement un argument portant sur des circonstances atténuantes, mais qu’il venait également conforter la position selon laquelle SKW Holding n’était nullement responsable.

    37.

    Enfin, en ce qui concerne les effets de la violation de leurs droits procéduraux, les parties requérantes soutiennent, ainsi qu’elles l’ont fait valoir en première instance, que le seul fait qu’il soit concevable que la procédure administrative aurait pu avoir un résultat différent si la Commission n’avait pas commis d’erreur de procédure est un motif suffisant d’annulation de la décision litigieuse.

    38.

    La Commission conteste les arguments des parties requérantes dans leur ensemble. En ce qui concerne l’influence exercée par SKW Holding sur SKW, elle fait valoir que la critique des parties requérantes porte non pas sur l’application d’un critère de preuve erroné, mais sur la constatation des faits et l’examen des preuves opérés par le Tribunal, sans alléguer de dénaturation de celles-ci, ce qui est irrecevable dans le cadre d’un pourvoi.

    3. Appréciation

    a) Recevabilité

    39.

    En ce qui concerne le grief d’irrecevabilité soulevé en passant par la Commission (voir point 38 des présentes conclusions), il convient de relever que, par leur premier moyen de pourvoi, les parties requérantes ne remettent pas en cause la responsabilité de SKW Holding du fait qu’elle a exercé une influence décisive sur SKW (ce qui se trouve en revanche au cœur de leur deuxième moyen de pourvoi), mais critiquent une violation de leurs droits procéduraux, à savoir le droit d’être entendu de manière efficace. Selon elles, le Tribunal a commis une erreur de droit en établissant le juste équilibre entre les intérêts des parties requérantes à obtenir une audition à huis clos et ceux des autres parties, en particulier de Degussa, d’être en mesure de répondre aux allégations des parties requérantes, et en rejetant leurs propositions. Il s’agit d’une question de droit que la Cour est compétente pour examiner, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

    b) Considérations générales concernant le droit d’être entendu dans le cadre des procédures administratives devant la Commission

    40.

    La procédure administrative devant la Commission dans les procédures conduites en application de l’article 101 TFUE se subdivise en deux phases successives et distinctes répondant chacune à sa propre logique, à savoir une phase d’instruction préliminaire et une phase contradictoire. La phase d’instruction préliminaire, qui couvre la période allant jusqu’à la notification de la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant l’existence ou non d’une infraction aux règles de concurrence et d’adopter une position initiale sur l’orientation et la suite ultérieure à réserver à la procédure. La phase contradictoire, qui s’étend de la notification de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, est destinée à permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction alléguée. Ce n’est qu’au début de la phase contradictoire que la partie en cause est informée, par l’intermédiaire de la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense ( 16 ).

    41.

    En ce qui concerne la phase contradictoire, le droit d’être entendu peut être exercé en deux étapes consécutives: à l’écrit et à l’oral.

    42.

    S’agissant de la première étape, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, la Commission informe les parties concernées des griefs soulevés à leur égard et la communication des griefs est notifiée par écrit à chacune des parties à l’encontre de laquelle des griefs sont soulevés. L’article 10, paragraphes 2 et 3, dudit règlement prévoit le droit de répondre par écrit à la communication des griefs dans un délai fixé par la Commission, en exposant tous les faits qui entrent en ligne de compte dans leur défense. La Commission n’est pas tenue d’examiner les observations écrites reçues après l’expiration de ce délai.

    43.

    En vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 773/2004, les parties qui répondent à la communication des griefs signalent toute information qu’elles considèrent comme confidentielle, en indiquant leurs raisons, et fournissent une version non confidentielle séparée dans le délai imparti pour répondre à la communication des griefs. Aux termes de l’article 16, paragraphe 3, dudit règlement, la Commission peut d’office exiger des parties qu’elles procèdent ainsi. En l’absence d’indications contraires, la Commission est fondée à supposer que les documents ne contiennent pas d’informations confidentielles, conformément à l’article 16, paragraphe 4, dudit règlement. À cet égard, il y a lieu de garder à l’esprit que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, dudit règlement, les parties peuvent demander à accéder au dossier en ce qui concerne les informations non confidentielles.

    44.

    Il ressort de ce qui précède qu’il revient aux parties d’examiner soigneusement l’étendue précise des informations qu’elles souhaitent communiquer à la Commission dans leur réponse écrite. Ce faisant, elles doivent déterminer si elles souhaitent fournir des informations de nature confidentielle et, le cas échéant, le signaler. Dans l’hypothèse où la Commission serait en désaccord sur la nature confidentielle des informations (appréciation qui peut être soumise au contrôle du juge de l’Union), une partie fournissant de telles informations court inévitablement le risque commercial qu’une autre partie puisse obtenir celles-ci en accédant au dossier.

    45.

    En ce qui concerne la seconde étape, à savoir le droit d’être entendu oralement (qui n’a pas toujours été un droit inhérent à la procédure ( 17 )), à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, le législateur autorise les parties à se présenter à une audition devant la Commission, à la condition qu’elles aient fait une demande en ce sens dans leur réponse à la communication des griefs.

    46.

    L’audition a lieu conformément à l’article 14 du règlement no 773/2004. L’article 14, paragraphe 6, dudit règlement prévoit que les personnes peuvent être entendues séparément ou en présence d’autres personnes, compte tenu de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués. Les déclarations faites par chaque personne sont enregistrées, en application de l’article 14, paragraphe 8, du règlement, et de tels enregistrements sont mis à la disposition des personnes qui ont assisté à l’audition, toujours en ayant égard à la protection des informations confidentielles des parties.

    47.

    Les parties qui ont répondu à une communication des griefs disposent donc de l’option d’être entendues oralement. L’exercice de cette option constitue une autre décision commerciale, à l’égard de laquelle il doit être tenu compte de la possibilité que d’autres parties soient présentes et que l’information divulguée tombe entre les mains d’autres personnes. Néanmoins, il me semble important de bien souligner qu’il n’existe pas d’obligation de participer à une audition.

    48.

    Dernier point, mais non des moindres, le droit d’être entendu présente un aspect de fond essentiel: la protection procédurale effective des parties concernées. En effet, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des amendes constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé même lorsqu’il s’agit d’une procédure de caractère administratif ( 18 ). L’article 11, paragraphe 2, du règlement no 773/2004 prévoit que dans ses décisions, la Commission ne retient que des griefs au sujet desquels les parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs ont eu l’occasion de présenter des observations.

    49.

    Or, la particularité de la présente affaire est qu’elle porte en réalité davantage sur la question de la forme que le droit d’être entendu devant la Commission doit revêtir plutôt que du contenu de ce droit. À cet égard, le fait d’être entendu par écrit plutôt que par oral ne pose pas, en soi, de problème. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH»), dans les procédures administratives susceptibles d’aboutir à des amendes, il suffit que les parties aient droit à une audition ultérieurement devant une juridiction impartiale et indépendante ( 19 ).

    c) Examen du premier moyen de pourvoi

    50.

    Je distingue dans le premier moyen de pourvoi deux arguments principaux qui sont tous deux tirés du droit d’être entendu: premièrement, le Tribunal aurait illégalement omis de censurer la Commission pour avoir rejeté la demande des parties requérantes d’être entendues à huis clos, examinant ainsi illégalement les éléments de preuve de manière anticipée. Deuxièmement, le Tribunal aurait agi de manière disproportionnée, en ne critiquant pas la Commission pour n’avoir pas donné son accord aux solutions proposées par les parties requérantes. Dans ce qui suit, je considérerai ces deux arguments successivement.

    i) Existe-t-il un droit à être entendu à huis clos?

    51.

    À titre liminaire, il me paraît y avoir lieu de relever que le conseiller-auditeur semble avoir considéré que les éléments d’informations par lesquels les parties requérantes ont cherché à justifier leur demande d’audition à huis clos étaient de nature, en termes qualitatifs, à leur permettre d’obtenir une telle audition ( 20 ).

    52.

    Quoi qu’il en soit, à ma connaissance, il n’existe pas de droit d’être entendu à huis clos ( 21 ).

    53.

    Les règlements no 1/2003 et no 773/2004 ne contiennent aucune indication portant sur un tel droit. L’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 se borne notamment à indiquer que la Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles font une demande en ce sens dans leurs observations écrites. Néanmoins, cette disposition est muette en ce qui concerne une audition à huis clos.

    54.

    De même, ni le libellé, ni le contexte, ni la finalité de l’article 14 du règlement no 773/2004, en particulier de l’article 14, paragraphe 6, dudit règlement, ne prévoient un tel droit.

    55.

    Le libellé de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 prévoit que toute personne peut être entendue séparément ou en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, compte tenu de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués. Plus qu’une simple autorisation, ce terme implique un choix, et non une obligation. À en juger par la deuxième phrase de l’article 14, paragraphe 6, dudit règlement, ce choix dépendra de la manière dont la Commission évaluera l’intérêt des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués.

    56.

    Ainsi que je comprends l’argumentation des parties requérantes, celles-ci soutiennent essentiellement que, dans ce cas de figure, le terme «peut» doit être compris comme «doit». Néanmoins, outre que cet argument est contraire au bon sens, il ne saurait prospérer pour plusieurs raisons.

    57.

    Premièrement, le contexte de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 corrobore la position selon laquelle la décision d’accorder une audition à huis clos relève du pouvoir d’appréciation du conseiller-auditeur. L’article 14, paragraphe 7, du règlement no 773/2004 indique que le conseiller-auditeur peut autoriser les parties auxquelles une communication des griefs a été adressée, les plaignants et d’autres personnes convoquées à l’audition, à poser des questions durant celle-ci. L’intitulé de l’article 14 du règlement no 773/2004, à savoir «Conduite des auditions», laisse également entendre que la finalité dudit article est essentiellement de définir des règles garantissant le bon déroulement des auditions auxquelles procède le conseiller-auditeur, ce qui implique que celui-ci doit disposer d’une certaine marge d’appréciation dans sa gestion. À l’inverse, lorsque des entreprises se voient accorder des droits spécifiques (ou que le conseiller-auditeur se voit soumis à une obligation précise), le texte lui-même le précise clairement, comme c’est le cas, par exemple, à l’article 12, paragraphe 1, ou à l’article 14 du règlement no 773/2004, ce dernier article utilisant, à plusieurs reprises, des termes ne laissant aucune marge d’appréciation. Il ne s’agit guère d’une coïncidence.

    58.

    En outre, la finalité du règlement no 773/2004 ne sous-entend pas non plus l’existence d’un droit à être entendu à huis clos. Il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’article 33, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1/2003 que le règlement no 773/2004 vise à établir les dispositions pratiques permettant de garantir que les entreprises qui font l’objet de la procédure conduite par la Commission se voient donner la possibilité d’être entendues sur les sujets sur lesquels celle-ci a soulevé un grief, et que les décisions finales ne sont fondées que sur des griefs sur lesquels les parties concernées ont été en mesure de faire valoir leurs observations. À l’inverse, ce règlement n’a pas pour finalité de garantir que les entreprises soient effectivement entendues (et encore moins à huis clos); il est essentiel de rappeler qu’il revient aux entreprises elles-mêmes de faire une demande en ce sens. L’absence de droit à une audition à huis clos ne semble, par ailleurs, pas davantage poser problème dans la perspective des droits fondamentaux (voir point 49 des présentes conclusions). Qui plus est, le fait que les parties requérantes considèrent qu’il est plus efficace d’être entendu oralement plutôt que par écrit est une question de préférence, et non de droit.

    59.

    D’un point de vue plus général, la procédure devant la Commission semble être le reflet d’un principe non écrit selon lequel le pouvoir de décider si une audition doit être tenue à huis clos appartient à l’instance indépendante conduisant l’audition (pouvoir pouvant être exercé d’office ou à la suite d’une demande). En effet, ainsi que la Cour en est pleinement consciente, dans les procédures devant les juridictions de l’Union, la décision de tenir une audience à huis clos est du ressort non pas des parties, mais de celui de l’instance juridictionnelle ( 22 ). Il en va de même des audiences devant la Cour EDH ( 23 ). En outre, il convient de relever que, dans les procédures juridictionnelles, une demande d’audience à huis clos ex parte, c’est-à-dire de pouvoir passer un moment en solitude avec le(s) membre(s) de l’instance juridictionnelle, doit être considérée comme hautement anormale ( 24 ).

    60.

    Or, ce cas de figure atypique n’est pas pertinent pour le cas d’espèce dès lors que, fondamentalement, la procédure devant la Commission revêt une nature administrative et que cette institution ne peut nullement être qualifiée d’instance juridictionnelle. Tout au plus, la procédure est contradictoire entre la partie concernée et la Commission, et non accusatoire entre les entreprises soupçonnées d’avoir participé à une infraction déterminée. Une des conséquences qui en résulte est, par exemple, que la Commission n’est pas tenue de fournir à une entreprise concernée la possibilité d’interroger un témoin particulier et d’analyser ses déclarations au stade de l’instruction ( 25 ) ou, suivant la même logique, au stade du contradictoire. Toutefois, cela signifie également que la Commission ne peut infliger des amendes que pour des infractions au droit de la concurrence à l’égard desquelles les parties ont été en mesure de s’exprimer. Ainsi, si une partie souhaite divulguer des informations qui sont confidentielles et de nature à mettre en cause une autre partie à la procédure administrative, il me semble évident qu’à supposer que la Commission veuille se fonder sur ces informations, elle doit adopter une communication des griefs complémentaire à l’égard de l’autre partie ( 26 ) (la Commission n’étant pas tenue de «poursuivre» sur d’autres griefs). Il en découle que, en l’espèce, il n’existait pas d’obligation de tenir compte des intérêts de Degussa: dans la mesure où la Commission aurait souhaité sanctionner davantage Degussa en se fondant sur les informations des parties requérantes, elle aurait dû adopter une communication des griefs complémentaire. Les raisons que le conseiller-auditeur a invoquées pour refuser de tenir une audition à huis clos, confirmées par le Tribunal, étaient donc erronées ( 27 ).

    61.

    À la lumière des observations générales faites ci-dessus, il n’y a rien de surprenant à ce qu’il revienne au conseiller-auditeur de décider d’entendre séparément cette partie lorsque cela semble approprié, par exemple, afin de protéger les secrets d’affaires ou les informations confidentielles d’une partie. En effet, les fonctionnaires de l’Union européenne sont tenus par l’obligation de respecter de tels secrets ( 28 ) et, ainsi que cela a été mentionné, la procédure administrative est conduite selon les règles conçues à cette fin. Néanmoins, il est révélateur à cet égard que le libellé de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 n’effectue pas de distinction, en termes de confidentialité, entre les auditions à huis clos et les auditions communes.

    62.

    Cela me conduit au propos suivant: rien dans les termes du règlement no 773/2004 ne vient étayer la position selon laquelle les informations fournies lors d’une audition à huis clos ou, plus précisément, séparée peuvent automatiquement être qualifiées de confidentielles. Cela dépend tout simplement de ce qui est dit lors d’une telle audition. En réalité, à la différence des demandes de traitement confidentiel à l’égard des observations écrites sur la communication des griefs, qui exigent une évaluation a posteriori, la Commission, lorsqu’elle reçoit une demande d’audition à huis clos, doit effectuer une évaluation préliminaire a priori sur le point de savoir si les informations que la partie entend lui communiquer sont effectivement confidentielles. Au risque d’énoncer une évidence, l’accès à des informations non confidentielles fournies lors d’une audition à huis clos ne peut valablement être refusé à d’autres parties à la procédure administrative demandant l’accès au dossier.

    63.

    Ainsi, une partie dont la demande d’audition à huis clos est rejetée devra sérieusement réfléchir à la question de savoir si elle souhaite encore participer à l’audition commune et, dans l’affirmative, devra déterminer qu’y dire. Cette partie n’est pas tenue de divulguer des informations confidentielles devant tous les participants. De manière alternative, elle peut choisir, à un stade préalable de la procédure, de fournir des informations confidentielles par écrit à la Commission dans sa réponse à la communication des griefs et d’en demander le traitement confidentiel. Cela peut tout autant impliquer de prendre un risque commercial, mais, en fonction des circonstances, une telle option peut s’avérer meilleure que celle consistant à demander une audition à huis clos. Dès lors, la procédure administrative garantit que les parties puissent décider de présenter à la Commission des informations qu’elles considèrent comme étant confidentielles et, le cas échéant, de les présenter soit par oral, soit par écrit (même s’il est vrai qu’elles n’ont pas le dernier mot sur la question de la confidentialité). Dès lors, l’exercice du droit d’être entendu implique immanquablement des décisions commerciales pour les parties ( 29 ). La présente affaire le démontre: les parties requérantes ont choisi (ce qui est compréhensible) de donner la priorité à un objectif commercial, à savoir la survie économique, par rapport à un autre, à savoir la possibilité de se voir infliger des amendes moins élevées.

    64.

    Je rappelle qu’il est évident que lorsque la Commission divulgue de manière illégale des informations confidentielles, une partie est en droit d’introduire un recours en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 268 TFUE ( 30 ). Néanmoins, il est fondamental de garder à l’esprit que la question de savoir si les informations peuvent légalement être divulguées n’est pas liée à l’exercice du droit d’être entendu. En d’autres termes, la divulgation illégale d’informations confidentielles n’affecte pas nécessairement la validité d’une décision de la Commission infligeant des amendes.

    65.

    Enfin, bien que la décision d’accorder une audition à huis clos demeure soumise à l’appréciation de la Commission, celle-ci, en tant qu’autorité publique, est tenue d’exercer ce pouvoir de manière conforme à la loi. J’aurais tendance à penser que si une décision sur la tenue d’une audition à huis clos qui est correctement justifiée par le déroulement de la procédure administrative ne pourra que rarement être critiquée sur le fond par les juridictions de l’Union, cela n’exclut toutefois pas la possibilité que la Commission encoure la censure en cas de détournement de pouvoir, d’insuffisance de motivation (y compris d’absence totale de réponse), d’appréciation incorrecte des faits, voire éventuellement d’erreur manifeste d’appréciation ( 31 ). Néanmoins, outre le fait que j’escompte que la Commission sera consciente du principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne lorsqu’elle adoptera des décisions sur des auditions à huis clos, il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente procédure, d’explorer les limites exactes du contrôle juridictionnel de telles décisions.

    66.

    De même, il résulte de ce qui précède que, en imposant à la Commission, au point 39 de l’arrêt attaqué, l’obligation de trouver un juste équilibre, au cas par cas, entre, d’une part, l’objectif de protection des droits de la défense des entreprises accusées d’enfreindre les règles de concurrence de l’Union et, d’autre part, l’intérêt légitime des tiers à ne pas voir divulgués leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles au cours de l’enquête, le Tribunal a commis une erreur de droit.

    67.

    Toutefois, il ne résulte pas de cette erreur que le premier moyen de pourvoi est fondé. En effet, l’argument des parties requérantes selon lequel elles avaient droit à une audition à huis clos est également erroné et a été rejeté à juste titre en première instance. Ainsi que nous le verrons, cela se révèle également être le cas en ce qui concerne le surplus de ce moyen de pourvoi, qui est tout aussi dépourvu de fondement, de même que les autres moyens de pourvoi. À cet égard, il est de jurisprudence constante que si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais qu’il est démontré que son dispositif est fondé sur d’autres motifs, le pourvoi doit être rejeté ( 32 ).

    68.

    Dès lors, la question principale étant une question de pur droit, je propose que la Cour substitue le raisonnement incorrect des points 35 à 59, 62 et 63 de l’arrêt attaqué par un raisonnement selon lequel il n’existe pas de droit d’être entendu oralement à huis clos devant la Commission dans les enquêtes portant sur des infractions aux règles de concurrence. Cela aurait également pour effet de rejeter l’argument tiré de l’examen illégal, par le Tribunal, des preuves de manière anticipée, avec la conséquence qu’il y aurait lieu de rejeter le premier argument principal des parties requérantes décrit au point 50 des présentes conclusions.

    ii) Les solutions proposées par les parties requérantes

    69.

    Les parties requérantes soutiennent également que le Tribunal a agi de manière disproportionnée en refusant de critiquer la Commission pour ne pas avoir accepté les deux solutions qu’elles ont proposées. Pour rappel, ces solutions consistaient, initialement, en la possibilité de donner accès à Degussa à leur présentation à huis clos soit après la fin de l’année 2008, soit après la conclusion d’un nouvel accord de fourniture. Après avoir conclu cet accord, les parties requérantes ont demandé une audition supplémentaire où Degussa aurait la possibilité d’être présente.

    70.

    En ce qui concerne la première solution, ainsi que cela a été indiqué ci-dessus, il n’existe pas de droit à une audition à huis clos. En outre, cette proposition est d’autant plus surprenante que, en principe, le respect du droit d’être entendu ne relève pas du marchandage. En outre, il ne revient pas aux parties requérantes de décider si les informations sont confidentielles ou pas, dès lors que cela limiterait les droits des autres parties d’obtenir des informations non confidentielles.

    71.

    En ce qui concerne la proposition alternative, je considère que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 61 de l’arrêt attaqué, que le bon déroulement de la procédure administrative exige d’adopter une décision dans un délai raisonnable et que, par conséquent, il n’existe pas de droit à une audition supplémentaire. En effet, cela est sous-entendu à l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 773/2004, qui prévoit que la Commission n’est pas tenue de prendre en compte les informations écrites qui ne sont pas fournies dans le délai imparti pour répondre à la communication des griefs. Les parties requérantes ont été en mesure de présenter leurs observations oralement (et, j’ajouterais, leur temps de parole a été allongé dans le cas où elles souhaiteraient donner leur présentation à huis clos). Le droit d’être entendu vise à donner aux entreprises la possibilité d’être entendues, et non pas nécessairement celle d’être entendues au moment qui leur convient le mieux.

    72.

    Enfin, ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal, le conseiller-auditeur a mis les parties requérantes en mesure de présenter des observations écrites supplémentaires. Cela semble être conforme à la pratique actuelle ( 33 ). Partant, les parties requérantes disposaient d’une large possibilité de faire connaître leur position, y compris oralement.

    73.

    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en ce qui concerne le droit des parties requérantes à être entendues oralement, et, dès lors, de rejeter le pourvoi.

    d) Considérations à titre subsidiaire: conséquences découlant de la violation des droits procéduraux des parties requérantes

    74.

    Dans l’hypothèse où, contrairement à ce que je propose, la Cour considérerait que les parties requérantes avaient droit à être entendues à huis clos, je ferais les remarques suivantes.

    75.

    Selon la jurisprudence, les droits de la défense sont violés lorsque le résultat de la procédure administrative conduite par la Commission pourrait avoir été différent en raison d’une irrégularité qu’elle a commise. Une entreprise établit qu’une violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance de droit, non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité ( 34 ).

    76.

    Certes, il n’est pas toujours aisé d’établir qu’une violation a été commise ( 35 ). Les raisons peuvent en être multiples, telles que l’irrecevabilité, totale ou partielle, d’un moyen de pourvoi, ou simplement le fait qu’aucune erreur de droit n’a été décelée ( 36 ). À l’inverse, lorsque l’irrégularité procédurale est claire, la Cour a minutieusement contrôlé l’appréciation du Tribunal sur le point de savoir si, en l’absence de cette irrégularité, l’entreprise aurait été mieux en mesure d’assurer sa défense, la Cour annulant au besoin l’arrêt du Tribunal ( 37 ). Cela à juste titre, car il est important que la charge de la preuve ne soit pas trop élevée et que toute incertitude soit résolue en faveur de l’entreprise requérante ( 38 ).

    77.

    Dans la prolongation de ce débat, il est permis de s’interroger sur le fait que la charge de la preuve incombe, en tant que telle, à l’entreprise concernée, ce qui me semble en effet pour le moins discutable. La présomption de légalité qui s’attache aux actes des institutions ne peut, en définitive, être sans limites. Dès lors qu’une entreprise requérante établit qu’une décision de la Commission est entachée d’irrégularité procédurale, cette présomption ne devrait plus s’appliquer. Il devrait alors revenir à la Commission de démontrer que cette irrégularité n’a pas eu d’impact sur le contenu de la décision.

    78.

    Les parties requérantes omettent de décrire spécifiquement dans quelle mesure il était concevable que la procédure administrative puisse avoir eu un résultat différent. Néanmoins, l’arrêt attaqué, de même que les observations écrites des parties requérantes (en première instance et en pourvoi) indiquent qu’elles ont considéré qu’une audition à huis clos leur permettrait de tenter de convaincre la Commission qu’elles n’encourraient aucune responsabilité ou, tout au plus, seulement une responsabilité réduite à l’égard de l’infraction litigieuse, en raison du rôle de Degussa, ce qui a été confirmé lors de l’audience.

    79.

    À mon sens, il existe une différence entre la question d’établir si une partie aurait été en mesure de mieux pouvoir assurer sa défense, d’une part, si l’accès au dossier lui avait été donné dans son ensemble et, d’autre part, si une audition à huis clos lui avait été accordée. Si l’importance de documents retenus de manière illégale peut être appréciée a posteriori ( 39 ), tel n’est pas le cas en ce qui concerne une audition à huis clos: il est impossible de savoir avec certitude ce qui se déroule effectivement au cours de telles réunions. En outre, rien n’empêche une partie, lors d’une telle réunion, de communiquer à la Commission d’autres informations confidentielles pertinentes auxquelles il n’a pas été fait allusion précédemment. Dès lors, s’il existe un droit à être entendu à huis clos devant la Commission et si une audition n’est tenue qu’une seule fois, comme en l’espèce, la partie qui y avait droit, mais qui en a été privée, ne peut point être considérée comme ayant été entendue ( 40 ). Dans l’intérêt à ce que la justice soit non seulement faite, mais également qu’elle le soit au vu et au su de tous, je ne suis aucunement convaincu par l’idée de valider un raisonnement procédant par anticipation refusant une audition à huis clos au motif qu’il n’est pas possible qu’elle aurait pu apporter un bénéfice à cette partie.

    80.

    En outre, il serait insuffisant de donner à la partie pénalisée, à titre de compensation, la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires. Des observations écrites ne peuvent remplacer une audition à huis clos, dans l’hypothèse où les parties y ont droit.

    81.

    Cela m’amène à mon dernier propos: il est à mon sens inadmissible que l’on puisse d’une certaine manière retenir contre les parties requérantes le fait qu’elles n’ont pas dirigé leur pourvoi contre les conclusions du Tribunal relatives à la seconde branche de leur cinquième moyen d’annulation, qui concernait la présence supposée de circonstances atténuantes portant sur le rôle de Degussa. Une décision de ne pas former de pourvoi n’implique pas de reconnaissance. En outre, la seule chose dont la Cour doit être convaincue est le point de savoir si les parties requérantes ont établi qu’elles auraient été mieux en mesure d’assurer leur défense si elles avaient eu la possible d’être entendues à huis clos.

    82.

    Je considère que tel est bien le cas. Dès lors, si la Cour devait juger que les parties requérantes disposaient du droit d’être entendues à huis clos devant la Commission, l’arrêt attaqué devrait être annulé pour violation d’une forme substantielle, à savoir l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 6, dudit règlement. La Cour disposant de tous les éléments pour statuer sur le recours introduit en première instance, la décision litigieuse devrait également être annulée, conformément aux conclusions présentées par les parties requérantes devant le Tribunal.

    83.

    Or, je demeure de l’avis que les parties requérantes ne disposaient nullement d’un tel droit, et que le pourvoi doit dès lors être rejeté.

    VI – Sur les dépens

    84.

    Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable aux procédures de pourvoi sur le fondement de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

    85.

    Étant donné que la Commission a conclu à ce que les parties requérantes soient condamnées aux dépens et que celles-ci ont succombé, elles doivent être condamnées aux dépens.

    VII – Conclusion

    86.

    À la lumière de ce qui précède, je propose à la Cour de:

    rejeter le pourvoi;

    condamner les parties requérantes aux dépens.


    ( 1 ) Langue originale: l’anglais.

    ( 2 ) Arrêt SKW Stahl-Metallurgie Holding et SKW Stahl-Metallurgie/Commission (T‑384/09, EU:T:2014:27, ci-après l’«arrêt attaqué»).

    ( 3 ) Décision C(2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 ‐ Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier, ci-après la «décision litigieuse»).

    ( 4 ) Dans les présentes conclusions, j’entends par une «audition à huis clos» une réunion tenue entre une partie et l’instance compétente en l’absence des autres parties (ex parte in camera), et non une audition qui n’est pas ouverte au public.

    ( 5 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 1, p. 1), tel que modifié.

    ( 6 ) Règlement de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), tel que modifié.

    ( 7 ) Voir points 1 à 4 (disponible uniquement en langues allemande et française).

    ( 8 ) Parmi ces éléments figuraient le fait que i) SKW faisait partie du secteur «poudre et granulés» de SKW Holding; ii) SKW Holding était impliquée dans les contacts commerciaux quotidiens de ses filiales; iii) SKW Holding était responsable du développement stratégique de SKW; iv) SKW Holding prenait des décisions en matière de personnel, de recrutement et de financement; v) SKW transmettait des données financières à SKW Holding sur une base mensuelle; vi) SKW avait besoin de la signature d’un membre du conseil d’administration de SKW Holding pour conclure des contrats avec des banques, et vii) les recettes de SKW contribuaient aux données de performance économique de SKW Holding. La Commission a considéré que le point de vue selon lequel SKW Holding n’était qu’un simple représentant commercial de Evonik Degussa GmbH (ci-après «Degussa») ou un investisseur financier n’était pas étayé.

    ( 9 ) Voir points 24 à 33 de l’arrêt attaqué.

    ( 10 ) L’on notera que le courrier du conseiller-auditeur du 6 novembre 2008 mentionne en fait que les informations relatives au comportement de Degussa pourraient être pertinentes «pour exonérer [les parties requérantes] de leur responsabilité ou à titre de circonstances atténuantes» (mise en italique par mes soins). Il ne contient aucune affirmation corroborant la position selon laquelle le conseiller-auditeur a considéré l’argumentation des parties requérantes uniquement sous l’angle de la présence d’éventuelles circonstances atténuantes (voir point 31 des présentes conclusions).

    ( 11 ) JO C 301, p. 16 et 17.

    ( 12 ) Arrêt Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission (C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 46). Voir également, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 335).

    ( 13 ) Voir point 133 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:207).

    ( 14 ) C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, annulant l’arrêt du Tribunal Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70).

    ( 15 ) Voir points 19 à 63 de l’arrêt attaqué.

    ( 16 ) Voir arrêt Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 113 et 115).

    ( 17 ) L’état du droit a fluctué dans le temps. L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l’article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (JO 127, p. 2268) indiquait que «[l]a Commission donne aux personnes qui l’ont demandé dans leurs observations écrites l’occasion de développer verbalement leur point de vue si celles-ci ont justifié d’un intérêt suffisant à cet effet ou si la Commission se propose de leur infliger une amende ou une astreinte». Ultérieurement, l’article 8 du règlement (CE) no 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 [CE] et 86 [CE] (JO L 354, p. 18) se bornait à indiquer que «[l]a Commission peut, le cas échéant, donner aux demandeurs et plaignants qui en auront fait la demande dans leurs observations écrites l’occasion de lui faire connaître leur point de vue oralement».

    ( 18 ) Voir arrêt Thyssen Stahl/Commission (C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 30 et jurisprudence citée).

    ( 19 ) Voir, notamment, Cour EDH, Flisar c. Slovénie, no 3127/09, § 33 à 35, 29 septembre 2011. En outre, les auditions ne sont pas toujours obligatoires dans toutes les procédures pénales impliquant des sanctions pénales. Voir, notamment, Cour EDH, Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, § 43, 2006-XIII.

    ( 20 ) Cela n’a cependant pas empêché la Commission de répéter, premièrement, que les parties requérantes avaient reconnu que Degussa devait avoir été consciente qu’elles avaient répondu à la communication des griefs d’une manière défavorable à cette dernière et, deuxièmement, que Degussa devait en outre avoir été consciente des raisons pour lesquelles les parties requérantes ont soutenu qu’elle contrôlait SKW à distance, jetant ainsi des doutes sur la nature confidentielle des informations à l’égard de Degussa.

    ( 21 ) De même, sauf à renoncer entièrement à une audition, il n’existe pas non plus de droit de ne pas être entendu à huis clos.

    ( 22 ) Voir article 31 du statut de la Cour; article 79, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne; article 109 du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, et article 63, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne.

    ( 23 ) Voir articles 63 et A1, paragraphe 5, du règlement de la Cour eur. D. H. du 1er juin 2015.

    ( 24 ) Voir, en ce sens, arrêt ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 56).

    ( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 200).

    ( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal LG Display et LG Display Taiwan/Commission (T‑128/11, EU:T:2014:88, point 110 et jurisprudence citée) (confirmé sur pourvoi, voir arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258).

    ( 27 ) Toutefois, l’obligation de motivation est une question bien distincte de celle du bien-fondé de la motivation. Voir, notamment, arrêt Pays-Bas/Commission (C‑159/01, EU:C:2004:246, point 65 et jurisprudence citée).

    ( 28 ) Voir article 339 TFUE; article 28 du règlement no 1/2003, intitulé «Secret professionnel», et article 16 du règlement no 773/2004, intitulé «Identification et protection des informations confidentielles».

    ( 29 ) Cela est illustré par le fait que, dans leur courrier du 28 janvier 2009 (point 13 des présentes conclusions), les parties requérantes ont indiqué que, «d’un point de vue commercial, il demeurait impossible à [leurs] clients de discuter du rôle de Degussa au cours d’une audition publique».

    ( 30 ) Conformément au principe établi dans l’arrêt Adams/Commission (145/83, EU:C:1985:448).

    ( 31 ) Une comparaison peut valablement être opérée avec, s’agissant i) du droit d’adresser une pétition au Parlement européen, l’arrêt Schönberger/Parlement (C‑261/13 P, EU:C:2014:2423, points 23 et 24); ii) des plaintes rejetées par la Commission portant sur un comportement prétendument anticoncurrentiel, l’arrêt du Tribunal Automec/Commission (T‑24/90, EU:T:1992:97, points 71 à 79), et iii) des recours en annulation visant des décisions de la Commission de ne pas introduire de recours en manquement contre un État membre, l’ordonnance Ruipérez Aguirre et ATC Petition/Commission (C‑111/11 P, EU:C:2011:491, points 11 et 13 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 32 ) Voir arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 33 ) Voir article 12, paragraphe 4, de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO L 275, p. 29).

    ( 34 ) Voir arrêt Thyssen Stahl/Commission (C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 et jurisprudence citée).

    ( 35 ) Voir, notamment, concernant un grief tiré d’un accès insuffisant au dossier, arrêt SGL Carbon/Commission (C‑308/04 P, EU:C:2006:433, points 97 et 98).

    ( 36 ) Ibidem, points 95 et 96.

    ( 37 ) Dans l’arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, EU:C:2009:598), la Cour, contrairement à ce que proposait l’avocat général Sharpston dans les conclusions qu’elle a présentées dans cette affaire (EU:C:2009:307), a annulé l’arrêt du Tribunal qui, malgré la violation par la Commission d’un délai minimal de dix jours pour présenter des observations, avait exclu la possibilité qu’une procédure antidumping parvienne à un résultat différent (voir, notamment, points 88, 94, 96 et 102 à 104). Le fait de ne pas attendre l’expiration de ce délai avant de transmettre une proposition de mesures définitives au Conseil de l’Union européenne revenait à ne pas entendre du tout cette entreprise.

    ( 38 ) Voir, dans le même sens, Craig, P., EU Administrative Law, 2e éd., Oxford, 2012, p. 333.

    ( 39 ) Voir, notamment, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 649 à 688).

    ( 40 ) En ce sens, la présente affaire est donc comparable à celle ayant donné lieu à l’arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, EU:C:2009:598).

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