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Document 62013CJ0354

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 18 décembre 2014.
Fag og Arbejde (FOA) contre Kommunernes Landsforening (KL).
Demande de décision préjudicielle, introduite par le retten i Kolding.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciement – Motif – Obésité du travailleur – Principe général de non-discrimination en raison de l’obésité – Absence – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap – Existence d’un ‘handicap’.
Affaire C-354/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2463

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

18 décembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Licenciement — Motif — Obésité du travailleur — Principe général de non-discrimination en raison de l’obésité — Absence — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap — Existence d’un ‘handicap’»

Dans l’affaire C‑354/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le retten i Kolding (Danemark), par décision du 25 juin 2013, parvenue à la Cour le 27 juin 2013, dans la procédure

Fag og Arbejde (FOA), agissant pour Karsten Kaltoft,

contre

Kommunernes Landsforening (KL), agissant pour la Billund Kommune,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2014,

considérant les observations présentées:

pour le Fag og Arbejde (FOA), agissant pour M. Kaltoft, par Me J. Sand, advokat,

pour la Kommunernes Landsforening (KL), agissant pour la Billund Kommune, par Me Y. Frederiksen, advokat,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Clausen et M. D. Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes généraux du droit de l’Union et de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Fag og Arbejde (FOA), un syndicat de travailleurs, agissant pour M. Kaltoft, à la Kommunernes Landsforening (KL) (association nationale des municipalités danoises), agissant pour la Billund Kommune (commune de Billund, Danemark), au sujet de la légalité du licenciement de M. Kaltoft, prétendument fondé sur l’obésité de celui-ci.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes des considérants 1, 11, 12, 15, 28 et 31 de la directive 2000/78:

«(1)

Conformément à l’article 6 [TUE], l’Union européenne est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs à tous les États membres et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [c]onvention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[, signée à Rome le 4 novembre 1950,] et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

[...]

(11)

La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12)

À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. [...]

[...]

(15)

L’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.

[...]

(28)

La présente directive fixe des exigences minimales, ce qui donne aux États membres la possibilité d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables. La mise en œuvre de la présente directive ne peut pas justifier une régression par rapport à la situation existant dans chaque État membre.

[...]

(31)

L’aménagement des règles concernant la charge de la preuve s’impose dès qu’il existe une présomption de discrimination et, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en œuvre effective du principe de l’égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse. Toutefois, il n’incombe pas à la partie défenderesse de prouver que la partie demanderesse appartient à une religion donnée, possède des convictions données, présente un handicap donné, est d’un âge donné ou d’une orientation sexuelle donnée.»

4

L’article 1er de cette directive énonce:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l[e] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.»

5

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit:

«1.   Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1:

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

[...]»

6

L’article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive dispose:

«Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération».

7

L’article 5 de la directive 2000/78 est libellé comme suit:

«Afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées.»

8

L’article 8, paragraphe 1, de cette directive énonce:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive.»

9

L’article 10, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

2.   Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.»

Le droit danois

10

La directive 2000/78 a été transposée en droit danois par la loi no 1417, modifiant la loi relative au principe de non-discrimination sur le marché du travail (lov nr. 1417 om ændring af lov om forbud mod forskelsbehandling på arbejdsmarkedet m.v.), du 22 décembre 2004.

11

Cette loi, dans sa version publiée par l’arrêté de consolidation no 1349, du 16 décembre 2008 (ci-après la «loi antidiscrimination»), énonce à son article 1er, paragraphe 1:

«On entend par discrimination au sens de la présente loi tout acte de discrimination directe ou indirecte fondée sur la race, la couleur, la religion ou les convictions, les opinions politiques, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la nationalité, ou l’appartenance à un certain groupe social ou ethnique.»

12

L’article 2, paragraphe 1, de ladite loi prévoit:

«Est interdite toute discrimination par un employeur dans le recrutement, le licenciement, la mutation ou la promotion de salariés ou candidats à un emploi, ou dans la fixation de leurs conditions de salaire ou de travail.»

13

L’article 2 bis de la même loi dispose:

«L’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée. Cette obligation n’a pas lieu si elle fait naître des charges disproportionnées pour l’employeur. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures publiques.»

14

L’article 7, paragraphe 1, de la loi antidiscrimination énonce:

«Quiconque a subi un préjudice en raison d’une atteinte aux droits prévus aux articles 2 à 4 peut se voir allouer une réparation.»

15

L’article 7 bis de cette loi est libellé comme suit:

«Si une personne s’estime lésée en raison d’un manquement aux articles 2 à 4 et établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

Le 1er novembre 1996, la Billund Kommune, l’une des administrations publiques danoises, a engagé M. Kaltoft par contrat à durée déterminée, en qualité d’assistant maternel, afin qu’il garde des enfants à son domicile.

17

La Billund Kommune a ensuite engagé M. Kaltoft par contrat à durée indéterminée, en qualité d’assistant maternel, avec effet au 1er janvier 1998. M. Kaltoft a exercé cette fonction pendant environ quinze ans.

18

Il est constant entre les parties au principal que, pendant toute la période au cours de laquelle M. Kaltoft a été employé par la Billund Kommune, celui-ci était «obèse», au sens de la définition fournie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’obésité étant inscrite sous le code E66 de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de l’OMS (CIM 10).

19

M. Kaltoft a tenté de perdre du poids et la Billund Kommune, dans le cadre de sa politique de santé, lui a accordé une aide financière entre le mois de janvier 2008 et celui de janvier 2009, afin qu’il participe à des cours de remise en forme et à d’autres activités physiques. M. Kaltoft a perdu du poids qu’il a ensuite repris, comme lors de ses tentatives précédentes.

20

Au mois de mars 2010, M. Kaltoft a repris son travail d’assistant maternel après avoir pris un congé d’une année, motivé par des raisons familiales. Par la suite, il a reçu à plusieurs reprises la visite inopinée de la responsable des assistants maternels, qui souhaitait s’enquérir de sa perte de poids. Au cours de ces visites, la responsable des assistants maternels a pu constater que le poids de M. Kaltoft était demeuré quasi inchangé.

21

En raison de la baisse du nombre d’enfants dans la Billund Kommune, M. Kaltoft, à partir de la trente-huitième semaine de l’année 2010, n’a eu que trois enfants à garder au lieu de quatre, nombre pour lequel il avait reçu une habilitation.

22

Selon la décision de renvoi, les inspecteurs des éducateurs au sein de la Billund Kommune ont été sollicités pour proposer le nom d’un assistant maternel à licencier et la responsable des assistants maternels, au vu des propositions reçues, a décidé que M. Kaltoft serait la personne concernée.

23

Le 1er novembre 2010, M. Kaltoft a été informé par téléphone que la Billund Kommune envisageait de procéder à son licenciement, ce qui a entraîné la mise en œuvre de la procédure d’audition applicable pour le licenciement d’un employé public.

24

Ensuite, ce même jour, lors d’un entretien avec la responsable des assistants maternels et en présence de la représentante du personnel, M. Kaltoft a demandé la raison pour laquelle il était le seul assistant maternel à être licencié. Les parties au principal s’accordent sur le fait que l’obésité de M. Kaltoft a été évoquée au cours de cette réunion. En revanche, elles sont en désaccord sur la question de savoir comment l’obésité de M. Kaltoft en est venue à être évoquée au cours de cette réunion, ainsi que sur la mesure dans laquelle l’obésité de M. Kaltoft avait été un élément pris en compte dans le processus de décision conduisant à son licenciement.

25

Par lettre du 4 novembre 2010, la Billund Kommune a formellement notifié à M. Kaltoft son intention de le licencier et l’a invité à lui soumettre, le cas échéant, des observations à cet égard. Dans ladite lettre, il a été exposé à M. Kaltoft que le licenciement envisagé intervenait «après une évaluation concrète motivée par la baisse du nombre d’enfants, d’où celle de la charge de travail, emportant des incidences financières sérieuses sur le service de garde d’enfants ainsi que sur son organisation».

26

M. Kaltoft n’a pas pu se faire préciser concrètement les motifs pour lesquels le choix de licencier un ou une assistant(e) maternel(le) s’était porté sur lui. Il a été l’unique assistant licencié au motif de la baisse alléguée de la charge de travail.

27

La Billund Kommune ayant donné à M. Kaltoft un délai pour faire part de ses observations, celui-ci, par lettre du 10 novembre 2010, a exprimé le sentiment que son licenciement était motivé par son obésité.

28

Par lettre du 22 novembre 2010, la Billund Kommune a licencié M. Kaltoft, en indiquant que ce licenciement intervenait après une «évaluation concrète motivée par la baisse du nombre d’enfants». La Billund Kommune n’a fait aucune observation sur le sentiment exprimé par M. Kaltoft, dans sa lettre du 10 novembre 2010, relatif au réel motif du licenciement de celui-ci.

29

Le FOA, agissant pour le compte de M. Kaltoft, a introduit un recours devant le Retten i Kolding (tribunal de Kolding) en soutenant que, lors de son licenciement, M. Kaltoft avait été victime d’une discrimination fondée sur l’obésité et qu’il devait obtenir des dommages et intérêts pour cette discrimination.

30

Dans ces conditions, le Retten i Kolding a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Est‑il contraire au droit de l’Union, tel qu’il trouve expression, par exemple, à l’article 6 TUE sur les droits fondamentaux, que, sur le marché du travail, de manière générale ou plus particulièrement pour une administration publique en qualité d’employeur, il soit procédé à une discrimination fondée sur l’obésité?

2)

Une éventuelle interdiction en droit de l’Union de toute discrimination fondée sur l’obésité est‑elle directement applicable aux rapports entre un ressortissant danois et son employeur, ce dernier étant une administration publique?

3)

Si la Cour constate une interdiction dans l’Union de la discrimination sur le marché du travail fondée sur l’obésité, soit générale, soit plus particulièrement pour une administration publique en qualité d’employeur, l’appréciation de la question de savoir s’il y a eu méconnaissance d’une éventuelle interdiction de la discrimination fondée sur l’obésité doit-elle résulter d’une charge de la preuve partagée, de sorte que, dans un cas où l’existence d’une telle discrimination peut être présumée, l’application effective de cette interdiction exige que la charge de la preuve incombe à l’employeur visé par une plainte ou agissant en qualité de partie défenderesse à une procédure contentieuse [...]?

4)

L’obésité peut‑elle être considérée comme constituant un handicap relevant de la protection de la directive 2000/78[...] et selon quels critères faut‑il apprécier si l’état d’obésité d’une personne a concrètement pour effet qu’elle doit bénéficier de la protection conférée par cette directive contre la discrimination fondée sur un handicap?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

31

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il consacre un principe général de non-discrimination en raison de l’obésité, en tant que telle, en ce qui concerne l’emploi et le travail.

32

Selon la jurisprudence de la Cour, au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit de l’Union figure notamment le principe général de non-discrimination et celui-ci lie donc les États membres lorsque la situation nationale en cause dans l’affaire au principal relève du champ d’application du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Chacón Navas, C‑13/05, EU:C:2006:456, point 56).

33

À cet égard, il convient de constater qu’aucune disposition des traités UE et FUE ne contient une interdiction de la discrimination fondée sur l’obésité en tant que telle. Notamment, ni l’article 10 TFUE ni l’article 19 TFUE ne se réfèrent à l’obésité.

34

S’agissant plus particulièrement de l’article 19 TFUE, il découle de la jurisprudence de la Cour que cet article ne comporte qu’une réglementation des compétences de l’Union et que, en ne visant pas la discrimination fondée sur l’obésité en tant que telle, il ne saurait constituer un fondement juridique de mesures du Conseil de l’Union européenne visant à combattre une telle discrimination (voir, par analogie, arrêt Chacón Navas, EU:C:2006:456, point 55).

35

Le droit dérivé de l’Union ne consacre pas davantage de principe de non-discrimination en raison de l’obésité en ce qui concerne l’emploi et le travail. En particulier, la directive 2000/78 ne mentionne pas l’obésité en tant que motif de discrimination.

36

Or, selon la jurisprudence de la Cour, il n’y a pas lieu d’étendre le champ d’application de la directive 2000/78 par analogie au-delà des discriminations fondées sur les motifs énumérés de manière exhaustive à l’article 1er de celle-ci (voir arrêts Chacón Navas, EU:C:2006:456, point 56, et Coleman, C‑303/06, EU:C:2008:415, point 46).

37

Par conséquent, l’obésité en tant que telle ne peut pas être considérée comme un motif venant s’ajouter à ceux au titre desquels la directive 2000/78 interdit toute discrimination (voir, par analogie, arrêt Chacón Navas, EU:C:2006:456, point 57).

38

En l’occurrence, le dossier transmis à la Cour ne contient aucun élément permettant de considérer que la situation en cause au principal, en ce qu’elle a trait à un licenciement prétendument fondé sur l’obésité en tant que telle, relèverait du champ d’application du droit de l’Union.

39

Dans ce contexte, les dispositions de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’ont pas davantage vocation à s’appliquer à une telle situation (voir, en ce sens, arrêt Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, points 21 et 22).

40

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question posée que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne consacre pas de principe général de non-discrimination en raison de l’obésité, en tant que telle, en ce qui concerne l’emploi et le travail.

Sur les deuxième et troisième questions

41

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième et troisième questions.

Sur la quatrième question

42

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que l’état d’obésité d’un travailleur peut constituer un «handicap», au sens de cette directive, et, dans l’affirmative, selon quels critères un tel état a pour conséquence que la personne concernée doit bénéficier de la protection conférée par ladite directive contre la discrimination fondée sur le handicap.

Sur la recevabilité

43

Le gouvernement danois soutient que la quatrième question est irrecevable car elle présente un caractère hypothétique. En effet, il ne découlerait pas des éléments factuels exposés par la juridiction de renvoi que M. Kaltoft n’a pas pu assurer ses fonctions lors de la période pendant laquelle il a été employé par la Billund Kommune, et encore moins qu’il a été considéré comme souffrant d’un «handicap» au sens de la directive 2000/78. Dès lors, la réponse à cette question ne serait pas utile à la solution du litige au principal.

44

Par ailleurs, le gouvernement danois fait valoir que la réponse à la quatrième question ne laisse place à aucun doute raisonnable, en ce qu’elle peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour. En effet, à la lumière du point 47 de l’arrêt HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222), la juridiction de renvoi pourrait se prononcer elle-même dans l’affaire au principal sur la définition de la notion de «handicap» au sens de la directive 2000/78.

45

À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. La présomption de pertinence qui s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée qu’à titre exceptionnel, s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts Åkerberg Fransson, EU:C:2013:105, points 39 et 40, ainsi que B., C‑394/13, EU:C:2014:2199, point 19).

46

En l’occurrence, la juridiction de renvoi émet des doutes en ce qui concerne l’interprétation de la notion de «handicap», au sens de la directive 2000/78, et, par sa quatrième question, cherche à savoir si une telle notion s’applique à un travailleur en état d’obésité qui a fait l’objet d’un licenciement.

47

Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi ne serait pas nécessaire à cette dernière pour résoudre le litige dont elle est saisie.

48

Par ailleurs, il n’est nullement interdit à une juridiction nationale de poser à la Cour une question préjudicielle dont la réponse ne laisse place à aucun doute raisonnable (voir arrêt Painer, C‑145/10, EU:C:2011:798, point 64 et jurisprudence citée).

49

Dès lors, la quatrième question doit être considérée comme étant recevable.

Sur le fond

50

À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet d’établir un cadre général pour lutter, en ce qui concerne l’emploi et le travail, contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à cet article, au nombre desquels figure le handicap.

51

Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base, notamment, du handicap.

52

En vertu de son article 3, paragraphe 1, sous c), la directive 2000/78 s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union, à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne notamment les conditions de licenciement.

53

À la suite de la ratification par l’Union de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 (JO 2010, L 23, p. 35), la Cour a considéré que la notion de «handicap», au sens de la directive 2000/78, doit être entendue comme visant une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs (voir arrêts HK Danmark, EU:C:2013:222, points 37 à 39; Z., C‑363/12, EU:C:2014:159, point 76, et Glatzel, C‑356/12, EU:C:2014:350, point 45).

54

Cette notion de «handicap» doit être entendue comme visant non pas uniquement une impossibilité d’exercer une activité professionnelle, mais également une gêne à l’exercice d’une telle activité. Une autre interprétation serait incompatible avec l’objectif de cette directive qui vise notamment à ce qu’une personne handicapée puisse accéder à un emploi ou l’exercer (voir arrêt Z., EU:C:2014:159, point 77 et jurisprudence citée).

55

En outre, il irait à l’encontre de l’objectif même de ladite directive, qui est de mettre en œuvre l’égalité de traitement, d’admettre que celle-ci puisse s’appliquer en fonction de l’origine du handicap (voir arrêt HK Danmark, EU:C:2013:222, point 40).

56

En effet, la notion de «handicap», au sens de la directive 2000/78, ne dépend pas de la question de savoir dans quelle mesure la personne a pu contribuer ou non à la survenance de son handicap.

57

Par ailleurs, la définition de la notion de «handicap» au sens de l’article 1er de la directive 2000/78 précède la détermination et l’appréciation des mesures d’aménagement appropriées envisagées à l’article 5 de celle-ci. En effet, conformément au considérant 16 de cette directive, de telles mesures visent à tenir compte des besoins des personnes handicapées et elles sont donc la conséquence et non l’élément constitutif de la notion de «handicap» (voir, en ce sens, arrêt HK Danmark, EU:C:2013:222, points 45 et 46). Dès lors, la seule circonstance que de telles mesures d’aménagement n’auraient pas été prises à l’égard de M. Kaltoft ne suffit pas à considérer qu’il ne pourrait pas être une personne handicapée au sens de ladite directive.

58

Il y a lieu de constater que l’état d’obésité ne constitue pas, en tant que tel, un «handicap», au sens de la directive 2000/78, pour le motif que, par sa nature, il n’a pas pour conséquence nécessaire l’existence d’une limitation telle que celle visée au point 53 du présent arrêt.

59

En revanche, dans l’hypothèse où, dans des circonstances données, l’état d’obésité du travailleur concerné entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de cette personne à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et si cette limitation est de longue durée, un tel état relève de la notion de «handicap» au sens de la directive 2000/78 (voir, en ce sens, arrêt HK Danmark, EU:C:2013:222, point 41).

60

Tel serait le cas, notamment, si l’obésité du travailleur fait obstacle à sa pleine et effective participation à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs du fait d’une mobilité réduite ou de la survenance, chez cette personne, de pathologies qui l’empêchent d’accomplir son travail ou qui entraînent une gêne dans l’exercice de son activité professionnelle.

61

En l’occurrence, ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, il est constant que M. Kaltoft était en état d’obésité durant toute la période pendant laquelle il a été employé par la Billund Kommune, par conséquent pendant une longue durée.

62

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, en dépit du fait que M. Kaltoft, ainsi qu’il a été relevé au point 17 du présent arrêt, a exercé son travail pendant environ quinze ans, l’obésité de M. Kaltoft a entraîné une limitation remplissant les conditions visées au point 53 du présent arrêt.

63

Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que l’obésité de M. Kaltoft remplit les conditions visées au point 53 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de la charge de la preuve applicable, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation dudit principe. Conformément au paragraphe 2 dudit article, le paragraphe 1 de celui-ci ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de règles concernant la charge de la preuve plus favorables aux plaignants.

64

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question posée que la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que l’état d’obésité d’un travailleur constitue un «handicap», au sens de cette directive, lorsque cet état entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, dans l’affaire au principal, ces conditions sont remplies.

Sur les dépens

65

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne consacre pas de principe général de non-discrimination en raison de l’obésité, en tant que telle, en ce qui concerne l’emploi et le travail.

 

2)

La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que l’état d’obésité d’un travailleur constitue un «handicap», au sens de cette directive, lorsque cet état entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, dans l’affaire au principal, ces conditions sont remplies.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le danois.

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