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Document 62013CJ0331

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 15 octobre 2014.
Ilie Nicolae Nicula contre Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu et Administraţia Fondului pentru Mediu.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Sibiu.
Renvoi préjudiciel – Restitution de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union.
Affaire C-331/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2285

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 octobre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Restitution de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union»

Dans l’affaire C‑331/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 30 mai 2013, parvenue à la Cour le 18 juin 2013, dans la procédure

Ilie Nicolae Nicula

contre

Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu,

Administraţia Fondului pentru Mediu,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. M. Ilešič (rapporteur), L. Bay Larsen, A. Ó Caoimh, C. Vajda et S. Rodin, présidents de chambre, A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Levits, E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mars 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Nicula, par Me D. Târşia, avocat,

pour le gouvernement roumain, par MM. R. Radu et V. Angelescu ainsi que par Mme A.‑L. Crişan, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et G.‑D. Bălan, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 mai 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6 TUE et 110 TFUE, des articles 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que des principes de sécurité juridique et d’interdiction de reformatio in pejus.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Nicula à l’Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu (administration des finances publiques de Sibiu) et à l’Administraţia Fondului pentru Mediu (administration du fonds pour l’environnement), au sujet du refus de ces dernières de faire droit à sa demande tendant à obtenir la restitution de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (ci-après la «taxe sur la pollution») perçue en violation du droit de l’Union.

Le cadre juridique

3

L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008, établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 21 avril 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 327 du 25 avril 2008, ci-après l’«OUG no 50/2008»), entrée en vigueur le 1er juillet 2008, avait instauré une taxe sur la pollution pour les véhicules des catégories M1 à M3 et N1 à N3. L’obligation d’acquitter le montant de cette taxe naissait notamment lors de la première immatriculation d’un véhicule automobile en Roumanie.

4

L’OUG no 50/2008 a été modifiée à plusieurs reprises, avant d’être abrogée par la loi no 9/2012, concernant la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles (Legea nr. 9/2012 privind taxa pentru emisiili poluante provenite de la autovehicule), du 6 janvier 2012 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 17 du 10 janvier 2012, ci-après la «loi no 9/2012»), entrée en vigueur le 13 janvier 2012.

5

En vertu de l’article 4 de la loi no 9/2012, l’obligation de payer la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles naissait non seulement lors de la première immatriculation d’un véhicule en Roumanie, mais aussi, dans certaines conditions, lors de la première transcription, en Roumanie, du droit de propriété sur un véhicule d’occasion.

6

Toutefois, par l’effet de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 1/2012, portant suspension de l’application de certaines dispositions de la loi no 9/2012 concernant la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles et restitution de la taxe en vertu des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, de cette loi (Ordonanța de Urgență a Guvernului nr. 1/2012 pentru suspendarea aplicării unor dispoziții ale Legii nr. 9/2012 privind taxa pentru emisiile poluante provenite de la autovehicule, precum şi pentru restituirea taxei achitate în conformitate cu prevederile art. 4 alin. 2 din lege), du 30 janvier 2012 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 79 du 31 janvier 2012), entrée en vigueur le 31 janvier 2012, l’application de la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles à la première transcription, en Roumanie, du droit de propriété sur un véhicule d’occasion a été suspendue jusqu’au 1er janvier 2013.

7

L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 9/2013, relative au timbre environnemental pour les véhicules à moteur (Ordonanţa de urgenţă nr. 9/2013 privind timbrul de mediu pentru autovehicule), du 19 février 2013 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 119 du 4 mars 2013, ci-après l’«OUG no 9/2013»), abrogeant la loi no 9/2012, est entrée en vigueur le 15 mars 2013.

8

Aux termes de l’article 4 de l’OUG no 9/2013:

«Le paiement du timbre [environnemental pour les véhicules à moteur (ci-après le «timbre environnemental»)] est dû une seule fois, comme suit:

a)

lors de l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’acquisition du droit de propriété sur un véhicule à moteur par le premier propriétaire en Roumanie et de l’attribution d’un certificat d’immatriculation, ainsi que d’un numéro d’immatriculation;

b)

lors de la réintroduction d’un véhicule à moteur dans le parc automobile national, dans le cas où, lors de son retrait du parc automobile national, la valeur résiduelle du [timbre environnemental] a été restituée au propriétaire […];

c)

lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, pour lequel n’ont pas été payées la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la [taxe sur la pollution] et la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles, conformément aux dispositions en vigueur au moment de son immatriculation;

d)

lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion pour lequel une juridiction a ordonné la restitution de la taxe ou dont elle a ordonné l’immatriculation sans paiement de la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, de la [taxe sur la pollution], ou de la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles.»

9

L’article 12, paragraphes 1 et 2, de l’OUG no 9/2013 prévoit:

«(1)   Dans le cas où la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la [taxe sur la pollution], ou la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles, qui a été acquittée, est plus élevée que le timbre résultant de l’application des présentes dispositions concernant le timbre environnemental, calculé en [lei roumains (RON)] au taux de change applicable lors de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, le montant représentant la différence peut être restitué, au seul redevable de l’obligation de payer, selon la procédure prévue dans les modalités d’application de la présente ordonnance d’urgence. La différence à restituer est calculée selon la formule de calcul prévue par la présente ordonnance d’urgence, en utilisant les éléments pris en compte au moment de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion.

(2)   Le montant de la différence entre la somme acquittée par le contribuable au titre de la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, de la [taxe sur la pollution], ou de la taxe sur les émissions polluantes des véhicules automobiles, d’une part, et la somme résultant de l’application du [timbre environnemental], d’autre part, est restitué dans le délai de prescription prévu par l’ordonnance du gouvernement [no 92 relative au code de procédure fiscale (Ordonanţa Guvernului nr. 92 privind Codul de procedură fiscală), du 24 décembre 2003 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 941 du 29 décembre 2003)], republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, selon la procédure prévue dans les modalités d’application de la présente ordonnance d’urgence.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

Au cours de l’année 2009, M. Nicula, ressortissant roumain résidant en Roumanie, a acheté un véhicule à moteur d’occasion qui a été immatriculé pour la première fois en Allemagne. En vue de l’immatriculation de ce véhicule en Roumanie, il a dû acquitter un montant de 5 153 RON au titre de la taxe sur la pollution, en vertu de l’article 4 de l’OUG no 50/2008.

11

Par jugement du 3 mai 2012, le Tribunalul Sibiu a fait droit au recours introduit devant celui-ci par M. Nicula contre l’Administraţia Fondului pentru Mediu, à savoir la bénéficiaire de la taxe sur la pollution, et a condamné cette administration à rembourser cette taxe au motif qu’elle avait été instituée en violation de l’article 110 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans son arrêt Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219). Toutefois, cette juridiction a rejeté le recours en tant qu’il était également dirigé contre l’Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu, à savoir l’entité collectrice de ladite taxe.

12

À la suite de l’appel interjeté contre ledit jugement devant la Curtea de Apel de Alba-Iulia, cette dernière a, le 25 janvier 2013, cassé ce jugement et renvoyé l’affaire devant le juge de première instance, en indiquant, aux fins de la nouvelle procédure de jugement, que, dans les litiges de ce type, la qualité de «sujet passif» de l’action en restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union appartient non seulement au bénéficiaire de la taxe en cause, mais aussi à son collecteur.

13

L’OUG no 9/2013 est entrée en vigueur le 15 mars 2013, soit après la réinscription de l’affaire au rôle du Tribunalul Sibiu. Ce dernier expose que, en vertu de cet acte normatif, la taxe sur la pollution déjà acquittée peut être restituée exclusivement dans le cas où son montant est plus élevé que celui du timbre environnemental, la restitution étant prévue de manière limitative et réduite à cette seule différence éventuelle.

14

Dans la situation concrète de M. Nicula, le montant du timbre environnemental tel que calculé en application de l’OUG no 9/2013 pour le véhicule en cause équivaut à 8 126,44 RON, tandis que la taxe sur la pollution acquittée antérieurement était de 5 153 RON. Selon le Tribunalul Sibiu, le requérant au principal affirme à tort que la contre-valeur du timbre environnemental pour son véhicule serait seulement de 3 779,74 RON, puisque, conformément à l’article 12, paragraphe 1, seconde phrase, de la même OUG, la différence à restituer est calculée selon la formule prévue par cette ordonnance, en utilisant les éléments pris en compte au moment de l’immatriculation du véhicule en Roumanie, et non sur la base des éléments actuels.

15

Ainsi, selon ladite juridiction, en application de l’OUG no 9/2013, M. Nicula ne dispose pas du droit de récupérer la taxe sur la pollution et les intérêts y afférents, le montant correspondant étant retenu par les autorités fiscales et environnementales au titre du timbre environnemental, en raison de la valeur de celui-ci, qui est plus élevée que celle de la taxe sur la pollution qu’il avait payée lors de l’immatriculation de son véhicule.

16

Dans ces circonstances, le Tribunalul Sibiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’article [6 TUE], des articles 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 110 TFUE ainsi que les principes de sécurité juridique et de non reformatio in pejus résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la Cour [arrêts Belbouab, 10/78, EU:C:1978:181, et Belgocodex, C‑381/97, EU:C:1998:589], peuvent-ils être interprétés comme s’opposant à des dispositions telles que celles de l’[OUG no 9/2013?]»

17

Le gouvernement roumain a demandé, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que celle-ci siège en grande chambre.

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

18

Le gouvernement roumain estime que la présente demande de décision préjudicielle n’est pas recevable. À cet égard, il soutient, en premier lieu, que la disposition du droit national visée par la juridiction de renvoi, à savoir l’article 12 de l’OUG no 9/2013, réglemente une procédure administrative et extrajudiciaire de restitution des taxes, de sorte que cette réglementation n’impose pas de limites interprétatives aux juridictions saisies de demandes de restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union, telle que celle en cause au principal. Dès lors, la juridiction de renvoi considérerait à tort que ladite disposition l’empêche d’ordonner la restitution de l’intégralité de la somme payée par M. Nicula au titre de la taxe sur la pollution.

19

En second lieu, le gouvernement roumain fait valoir que l’OUG no 9/2013 ne saurait, en tout état de cause, être applicable au litige au principal, puisqu’elle n’était pas en vigueur à la date à laquelle M. Nicula a payé la taxe sur la pollution.

20

Pour ces raisons, le gouvernement roumain considère que la réponse à la question posée par la juridiction de renvoi n’est pas utile à la solution du litige au principal et que, dès lors, la demande de décision préjudicielle doit être rejetée comme étant irrecevable.

21

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, à cet égard, arrêts Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 28; Zurita García et Choque Cabrera, C‑261/08 et C‑348/08, EU:C:2009:648, point 34, ainsi que Filipiak, C‑314/08, EU:C:2009:719, point 40).

22

Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêt Filipiak, EU:C:2009:719, point 41 et jurisprudence citée).

23

Il convient de relever à cet égard que le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Zurita García et Choque Cabrera, EU:C:2009:648, point 35).

24

En l’occurrence, la Cour, en application de l’article 101, paragraphe 1, de son règlement de procédure, a demandé à la juridiction de renvoi d’indiquer si, compte tenu de la nature de la procédure pendante devant elle, l’article 12 de l’OUG no 9/2013 s’applique au litige au principal. Par sa réponse, déposée au greffe de la Cour le 13 mars 2014, cette même juridiction a confirmé que cet article constitue la règle de droit matériel applicable au litige au principal aux fins du nouvel examen de l’affaire dont elle est saisie sur renvoi. Selon ladite juridiction, la règle énoncée audit article 12, paragraphe 1, est non équivoque et limite la restitution des taxes acquittées avant l’institution du timbre environnemental à la seule hypothèse dans laquelle celles-ci ont une valeur supérieure au montant de ce timbre tel qu’institué par l’OUG no 9/2013.

25

Dans ces circonstances, il convient de constater que la réponse de la Cour à l’interprétation sollicitée par la juridiction de renvoi est utile à cette dernière afin de statuer sur la compatibilité de la réglementation nationale en cause au principal avec le droit de l’Union, de sorte que l’argumentation du gouvernement roumain relative à la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle doit être écartée et que, partant, il y a lieu de répondre à celle-ci.

Sur le fond

26

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un système de remboursement d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union tel que celui en cause au principal.

27

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union prohibant de telles taxes, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l’Union (arrêts Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, point 24, ainsi que Irimie, C‑565/11, EU:C:2013:250, point 20).

28

Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt (voir, en ce sens, arrêts Littlewoods Retail e.a., EU:C:2012:478, point 25, ainsi que Irimie, EU:C:2013:250, point 21).

29

Le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit (arrêts Littlewoods Retail e.a., EU:C:2012:478, point 26, ainsi que Irimie, EU:C:2013:250, point 22).

30

En l’occurrence, il importe de relever, à titre liminaire, qu’il ne ressort pas clairement de la décision de renvoi quelle est la version de l’OUG sur la base de laquelle la taxe sur la pollution a été imposée à M. Nicula à la date de l’immatriculation de son véhicule en Roumanie. Toutefois, la Cour a déjà jugé que l’article 110 TFUE s’oppose à une taxe telle que la taxe sur la pollution instituée par l’OUG no 50/2008 tant dans sa version originale que dans ses versions modifiées (voir, en ce sens, arrêts Tatu, EU:C:2011:219, points 58 et 61, ainsi que Nisipeanu, C‑263/10, EU:C:2011:466, points 27 et 29).

31

En effet, la Cour a constaté que l’application des dispositions de l’OUG no 50/2008, quelle que soit la version de celle-ci, avait pour effet que des véhicules d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes étaient frappés d’une taxe qui pouvait avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion, ces derniers constituant ainsi des produits nationaux similaires au sens de l’article 110 TFUE, n’étaient aucunement grevés d’une telle charge fiscale. La Cour en a conclu qu’une telle mesure décourage la mise en circulation de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans que les acheteurs soient pour autant dissuadés d’acheter des véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national (voir, en ce sens, arrêts Tatu, EU:C:2011:219, points 55, 58 et 61, ainsi que Nisipeanu, EU:C:2011:466, points 26, 27 et 29).

32

La Roumanie a, à la suite des arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466), adopté l’OUG no 9/2013, qui introduit une nouvelle imposition sur les véhicules automobiles, à savoir le timbre environnemental. Selon l’article 4 de cette ordonnance, l’obligation d’acquitter le timbre environnemental naît soit lors de la première immatriculation d’un véhicule à moteur en Roumanie, soit au moment de la réintroduction d’un véhicule à moteur dans le parc automobile national, soit encore lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion pour lequel aucune des taxes sur les véhicules antérieurement en vigueur n’a été payée ou pour lequel une juridiction a ordonné la restitution de ces taxes ou l’immatriculation sans paiement de celles-ci.

33

Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi et de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissement de la Cour, l’OUG no 9/2013 institue également, à son article 12, un régime de remboursement de la taxe payée au titre, notamment, de l’OUG no 50/2008 ou des versions modifiées de celle-ci, permettant aux justiciables d’obtenir la restitution de la taxe antérieurement payée pour autant que le montant de cette taxe dépasse celui du timbre environnemental. Cette juridiction considère qu’elle n’a pas, en application de ladite disposition, la possibilité de restituer à M. Nicula, d’une part, la somme qu’il a dû acquitter au titre de la taxe sur la pollution et, d’autre part, les intérêts y afférents.

34

Ainsi, il convient d’examiner si un tel système de remboursement par compensation permet aux justiciables l’exercice effectif du droit au remboursement de la taxe indûment payée dont ils disposent en vertu du droit de l’Union.

35

À cet égard, il découle de l’article 12, paragraphe 1, de l’OUG no 9/2013, selon la lecture qui en est faite par la juridiction de renvoi, que, s’agissant des véhicules d’occasion importés d’un autre État membre, la taxe sur la pollution perçue en violation du droit de l’Union n’est restituée à l’assujetti que dans la mesure où elle est plus élevée que le montant exigible du timbre environnemental, calculé sur la base des éléments pris en compte à la date de l’immatriculation du véhicule importé en Roumanie.

36

Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé la Commission européenne, qu’un système de remboursement tel que celui en cause au principal a pour effet, dans le cas d’un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre, de limiter, voire, comme dans l’affaire au principal, de supprimer complètement l’obligation de restitution de la taxe sur la pollution perçue en violation du droit de l’Union, ce qui est de nature à perpétuer la discrimination constatée par la Cour dans les arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466).

37

En outre, ledit système a pour effet d’exonérer les autorités nationales de l’obligation de tenir compte des intérêts dus au contribuable pour la période comprise entre la perception indue de la taxe sur la pollution et le remboursement de celle-ci et, partant, il ne répond pas à l’exigence énoncée au point 29 du présent arrêt.

38

Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’un système de remboursement tel que celui en cause au principal ne permet pas l’exercice effectif du droit au remboursement d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union dont les justiciables disposent en vertu de ce droit.

39

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un système de remboursement d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union, tel que celui en cause au principal.

Sur la limitation des effets dans le temps de l’arrêt de la Cour

40

Dans l’hypothèse où la Cour jugerait que le droit de l’Union s’oppose à une taxe telle que le timbre environnemental, institué par l’OUG no 9/2013, le gouvernement roumain a, dans ses observations écrites, demandé à la Cour de limiter les effets dans le temps de l’arrêt de cette dernière.

41

À cet égard, il convient de relever que, par l’interprétation sollicitée du droit de l’Union, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir non pas si celui-ci s’oppose à une taxe telle que le timbre environnemental, mais uniquement si ce droit s’oppose à un système tel que celui institué par l’OUG no 9/2013 et prévoyant la restitution de la taxe indûment perçue au titre de l’OUG no 50/2008.

42

Dans ces conditions, il suffit de préciser que les arguments invoqués par le gouvernement roumain en faveur d’une limitation des effets dans le temps de l’arrêt de la Cour concernent des cas autres que celui en cause au principal et, partant, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande dudit gouvernement tendant à obtenir la limitation dans le temps des effets du présent arrêt.

Sur les dépens

43

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

 

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un système de remboursement d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union, tel que celui en cause au principal.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le roumain.

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