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Document 62013CJ0161

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 8 mai 2014.
    Idrodinamica Spurgo Velox srl e.a. contre Acquedotto Pugliese SpA.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia.
    Marchés publics – Secteur de l’eau – Directive 92/13/CEE – Procédures de recours efficaces et rapides – Délais de recours – Date à compter de laquelle ces délais commencent à courir.
    Affaire C-161/13.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:307

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    8 mai 2014 ( *1 )

    «Marchés publics — Secteur de l’eau — Directive 92/13/CEE — Procédures de recours efficaces et rapides — Délais de recours — Date à compter de laquelle ces délais commencent à courir»

    Dans l’affaire C‑161/13,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia (Italie), par décision du 19 décembre 2012, parvenue à la Cour le 29 mars 2013, dans la procédure

    Idrodinamica Spurgo Velox srl,

    Giovanni Putignano e figli srl,

    Cogeir srl,

    Splendor Sud srl,

    Sceap srl

    contre

    Acquedotto Pugliese SpA,

    en présence de:

    Tundo srl,

    Giovanni XXIII Soc. coop. arl,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), A. Rosas et D. Šváby, juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2014,

    considérant les observations présentées:

    pour Idrodinamica Spurgo Velox srl, par Mes L. Quinto et P. Quinto, avvocati,

    pour Acquedotto Pugliese SpA, par Mes E. Sticchi Damiani, M. Todino et G. Martellino, avvocati,

    pour Giovanni XXIII Soc. coop. arl, par Mes C. Rella et R. Rella, avvocati,

    pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,

    pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par Mme L. Pignataro‑Nolin et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, 2 bis, 2 quater et 2 septies de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 76, p. 14), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31, ci-après la «directive 92/13»).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Idrodinamica Spurgo Velox srl (ci‑après «Idrodinamica») et quatre autres requérantes à Acquedotto Pugliese SpA (ci-après «Acquedotto Pugliese»), entité adjudicatrice, au sujet de la régularité de la procédure de passation d’un marché attribué par cette entité à l’association temporaire d’entreprises ayant comme chef de file Giovanni XXIII Soc. coop. arl (ci-après «Cooperativa Giovanni XXIII»).

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Le marché en cause au principal, concernant des activités dans le secteur de l’eau, est régi par les dispositions de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO L 134, p. 1), communément appelée «directive sectorielle».

    4

    Les troisième, cinquième et sixième considérants de la directive 92/13 énoncent:

    «[...] l’absence de moyens de recours efficaces ou l’insuffisance des moyens existants pourrait dissuader les entreprises communautaires de soumissionner; [...] il convient, dès lors, que les États membres remédient à cette situation;

    [...]

    [...] l’ouverture à la concurrence communautaire des marchés publics dans les secteurs en question implique que des dispositions soient arrêtées pour que des procédures de recours appropriées soient mises à la disposition des fournisseurs ou des entrepreneurs en cas de violation du droit communautaire en la matière ou des règles nationales transposant ce droit;

    [...] il est nécessaire de prévoir un renforcement substantiel des garanties de transparence et de non‑discrimination et [...] il importe, pour qu’il soit suivi d’effets concrets, de disposer de moyens de recours efficaces et rapides».

    5

    L’article 1er de cette directive, intitulé «Champ d’application et accessibilité des procédures de recours», dispose à ses paragraphes 1 et 3:

    «1.   La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive [2004/17] [...]

    [...]

    Les États membres prennent, en ce qui concerne les marchés relevant du champ d’application de la directive [2004/17], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les entités adjudicatrices peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés ou les règles nationales transposant ce droit.

    [...]

    3.   Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.»

    6

    L’article 2, paragraphe 1, de la directive 92/13 dispose:

    «Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:

    soit

    a)

    de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher que d’autres préjudices soient causés aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché en cause ou l’exécution de toute décision prise par l’entité adjudicatrice

    et

    b)

    d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans l’avis de marché, l’avis périodique indicatif, l’avis sur l’existence d’un système de qualification, l’invitation à soumissionner, les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation de marché en cause;

    soit

    c)

    de prendre, dans les délais les plus brefs, si possible par voie de référé et, si nécessaire, par une procédure définitive quant au fond, d’autres mesures que celles prévues aux points a) et b), ayant pour but de corriger la violation constatée et d’empêcher que des préjudices soient causés aux intérêts concernés; notamment d’émettre un ordre de paiement d’une somme déterminée dans le cas où l’infraction n’est pas corrigée ou évitée.

    Les États membres peuvent effectuer ce choix soit pour l’ensemble des entités adjudicatrices, soit pour des catégories d’entités définies sur la base de critères objectifs, en sauvegardant en tout cas l’efficacité des mesures établies afin d’empêcher qu’un préjudice soit causé aux intérêts concernés;

    d)

    et, dans les deux cas susmentionnés, d’accorder des dommages-intérêts aux personnes lésées par la violation.

    Lorsque des dommages-intérêts sont réclamés au motif qu’une décision a été prise illégalement, les États membres peuvent prévoir, si leur système de droit interne le requiert et s’il dispose d’instances ayant la compétence nécessaire à cet effet, que la décision contestée doit d’abord être annulée ou déclarée illégale.»

    7

    Aux termes de l’article 2 bis, paragraphe 2, dernier alinéa, de cette directive:

    «La décision d’attribution est communiquée à chaque soumissionnaire et candidat concerné, accompagnée:

    d’un exposé synthétique des motifs pertinents visés à l’article 49, paragraphe 2, de la directive [2004/17], et

    d’une mention précise de la durée exacte du délai de suspension applicable, en vertu des dispositions nationales transposant le présent paragraphe.»

    8

    L’article 49 de la directive 2004/17, intitulé «Information des demandeurs de qualification, des candidats et des soumissionnaires», prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

    «1.   Les entités adjudicatrices informent dans les meilleurs délais les opérateurs économiques participants des décisions prises concernant la conclusion d’un accord-cadre ou l’adjudication du marché ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y compris des motifs pour lesquels elles ont décidé de renoncer à conclure un accord-cadre ou à passer un marché pour lequel il y a eu mise en concurrence, ou de recommencer la procédure, ou de renoncer à mettre en œuvre un système d’acquisition dynamique; cette information est donnée par écrit si la demande en est faite aux entités adjudicatrices.

    2.   Sur demande de la partie concernée, les entités adjudicatrices communiquent, dans les meilleurs délais:

    à tout candidat écarté les motifs du rejet de sa candidature,

    à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre, y compris, dans les cas visés à l’article 34, paragraphes 4 et 5, les motifs de leur décision de non équivalence ou de leur décision selon laquelle les travaux, fournitures, ou services ne répondent pas aux performances ou exigences fonctionnelles,

    à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ou des parties à l’accord-cadre.

    Ces délais ne peuvent en aucun cas dépasser quinze jours à compter de la réception de la demande écrite.

    Toutefois, les entités adjudicatrices peuvent décider de ne pas communiquer certains renseignements concernant l’adjudication du marché ou la conclusion de l’accord-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, visés au paragraphe 1, lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à l’intérêt public ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’opérateurs économiques publics ou privés, y compris les intérêts de l’opérateur économique auquel le marché a été attribué, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre opérateurs économiques.»

    Le droit italien

    9

    Le décret législatif no 163/2006, du 12 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI no 100, du 2 mai 2006), codifie les règles en matière de marchés publics.

    10

    L’article 11 de ce décret législatif, intitulé «Phases des procédures de passation de marchés», dispose:

    «1.   Les procédures de passation de contrats de marchés publics sont effectuées dans le respect des actes de programmation des entités adjudicatrices, dans la mesure où ils sont prévus par le présent code ou par les dispositions en vigueur.

    [...]

    4.   Les procédures d’adjudication retiennent la meilleure offre, selon l’un des critères prévus par le présent code. À l’issue de la procédure, l’attribution provisoire est prononcée en faveur du soumissionnaire le mieux disant.

    5.   Après vérification de l’attribution provisoire au sens de l’article 12, paragraphe 1, l’entité adjudicatrice procède à l’attribution définitive.

    [...]

    8.   L’attribution définitive ne produit d’effets qu’après le contrôle du respect des conditions prescrites.

    9.   Une fois cette attribution définitive devenue effective et sauf application des règles relatives au pouvoir de l’administration dans les cas prévus par la loi [à savoir le pouvoir de l’administration de retirer, de suspendre ou de modifier ses propres actes], le marché public ou le contrat de concession est conclu dans un délai de 60 jours, à moins qu’un délai différent n’ait été prévu dans l’avis ou dans l’invitation à soumettre une offre, comme en cas de report de délai expressément convenu avec l’adjudicataire. [...]

    10.   Le contrat ne saurait à tout le moins être conclu avant 35 jours à compter de l’envoi de la dernière des communications de la décision d’attribution définitive au sens de l’article 79.

    [...]»

    11

    Les dispositions pertinentes de l’article 79 du même décret législatif sont ainsi résumées par la juridiction de renvoi:

    Aux termes du paragraphe 5, l’entité adjudicatrice communique d’office à tous les candidats admis à concourir, dans un délai ne dépassant pas cinq jours, la décision d’attribution définitive et la date de conclusion du contrat avec l’adjudicataire.

    Conformément au paragraphe 5 bis, cette communication doit être accompagnée de la décision d’attribution et de l’exposé des motifs de celle‑ci, indiquant au moins les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’entreprise adjudicataire, l’entité adjudicatrice ayant la possibilité de s’acquitter de cette obligation en transmettant auxdits candidats les procès-verbaux de l’appel d’offres.

    Aux termes du paragraphe 5 quater, les candidats, sans qu’il soit besoin d’en faire la demande écrite, disposent d’un accès immédiat aux documents relatifs à l’appel d’offres, par consultation sur place ou par délivrance d’une copie, dans un délai de dix jours à compter de l’envoi de ladite communication sur le résultat de l’appel d’offres, sans préjudice de l’exercice, par l’entité adjudicatrice, de son pouvoir de refuser ou de reporter cet accès dans les cas prévus par la loi.

    12

    L’article 120 du décret législatif no 104/2010, du 2 juillet 2010, instaurant le code de procédure administrative (supplément ordinaire à la GURI no 156, du 7 juillet 2010), prévoit que les recours contre les actes des procédures d’attribution de marchés publics doivent être formés dans le délai de 30 jours suivant la réception de la communication prévue à l’article 79 du décret législatif no 163/2006.

    13

    L’article 43 du décret législatif no 104/2010 prévoit que les décisions de l’entité adjudicatrice adoptées après qu’un candidat a introduit un recours contre l’attribution définitive du marché peuvent être contestées, dans le cadre de la même procédure, par l’introduction d’un recours qualifié de «recours sur présentation de moyens nouveaux», qui doit être exercé dans le délai de 30 jours prévu à l’article 120 de ce décret législatif.

    14

    Conformément à une jurisprudence constante, les juridictions administratives italiennes considèrent que la communication de la décision d’attribution prévue à l’article 79, paragraphe 5, du décret législatif no 163/2006 constitue une condition suffisante pour assurer la parfaite connaissance de l’acte faisant grief et qu’elle est appropriée pour déclencher le délai de forclusion, sans qu’il importe que l’entreprise concernée ignore tout ou partie des documents internes de la procédure d’adjudication. Cette communication fait naître à la charge de l’entreprise concernée l’obligation de contester immédiatement l’issue de l’appel d’offres dans un délai de 30 jours sans préjudice, pour cette entreprise, de la possibilité de soulever des moyens complémentaires en rapport avec d’éventuelles irrégularités susceptibles d’être connues par la suite. La jurisprudence est parvenue à la même conclusion en ce qui concerne le cas dans lequel l’entité adjudicatrice adopte une décision d’attribution définitive subordonnant ses effets à la condition suspensive de vérifier que l’entreprise adjudicataire satisfait aux exigences générales et spéciales de l’avis de marché, étant entendu que des moyens complémentaires peuvent également être soulevés à l’appui du recours qui doit être formé dans le délai de 30 jours.

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    15

    Acquedotto Pugliese est une entreprise publique entièrement contrôlée par la Regione Puglia (région des Pouilles), son actionnaire unique. Elle assure la gestion du réseau de distribution d’eau et d’assainissement ainsi que la gestion intégrée des ressources en eau de la région des Pouilles et de certaines localités des régions voisines. En vertu de l’annexe VI‑C au décret législatif no 163/2006, Acquedotto Pugliese est une entité adjudicatrice opérant dans le secteur de la production, du transport et de la distribution d’eau potable, tenue de respecter la réglementation nationale transposant la directive 2004/17.

    16

    Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne du 15 mars 2011, Acquedotto Pugliese a lancé une procédure ouverte d’appel d’offres en vue de l’attribution, pour une période de quatre ans, du marché des services de traitement des eaux usées, des travaux d’entretien ordinaire et extraordinaire des réseaux de distribution d’eau et d’assainissement, ainsi que des travaux de réalisation de raccordements et de tronçons de canalisation dans les localités relevant d’une zone territoriale considérée, pour un montant de base s’élevant à 17 615 739,07 euros, le marché devant être attribué à l’offre la moins onéreuse.

    17

    À l’issue des séances publiques tenues les 17 et 30 mai 2011, il s’est avéré que l’association temporaire d’entreprises ayant comme chef de file Cooperativa Giovanni XXIII avait soumis la meilleure offre et elle était classée première. L’association temporaire d’entreprises ayant comme chef de file Tundo srl (ci‑après «Tundo») était classée deuxième et l’association temporaire d’entreprises ayant comme chef de file Idrodinamica était classée troisième. Dès lors, par décision du 7 juin 2011, l’entité adjudicatrice a définitivement attribué le marché à l’association temporaire d’entreprises menée par Cooperativa Giovanni XXIII. La communication de cette décision a été effectuée le 6 juillet 2011.

    18

    Dans ladite décision, il était également prévu que, dans l’attente de la conclusion du contrat, l’exécution anticipée du marché était autorisée, que l’attribution définitive ne serait effective qu’après la vérification des conditions d’ordre général et spécifique auxquelles devait satisfaire chaque entreprise associée au sein du groupement adjudicataire et du groupement classé deuxième, et qu’il y avait lieu de notifier l’attribution du marché à l’ensemble des soumissionnaires.

    19

    En attendant la conclusion du contrat, le groupement adjudicataire, entretemps constitué par acte notarié du 4 octobre 2011, a informé l’entité adjudicatrice, par lettre du 28 février 2012, qu’une des entreprises faisant partie de l’association temporaire s’était retirée du groupement, tout en précisant qu’il entendait néanmoins poursuivre le marché et que, en dépit de sa composition restreinte, le groupement dorénavant constitué de l’entreprise chef de file et de deux autres entreprises était en mesure de satisfaire aux exigences techniques et économiques énoncées dans l’avis d’appel d’offres.

    20

    Par décision du 28 mars 2012, Acquedotto Pugliese a autorisé le retrait susmentionné. Le contrat a été conclu, le 17 avril 2012, avec l’association temporaire d’entreprises menée par Cooperativa Giovanni XXIII dans sa nouvelle composition restreinte.

    21

    Idrodinamica a formé un recours, notifié le 17 mai 2012, contre les actes de la procédure d’adjudication du marché considéré, en demandant, spécifiquement, l’annulation de la décision du 28 mars 2012, ayant autorisé la modification de la composition du groupement adjudicataire, l’annulation du contrat conclu le 17 avril 2012 et l’annulation de la décision du 7 juin 2011 portant attribution définitive du marché. Elle fait valoir que cette procédure est entachée d’illégalité au motif, d’une part, que l’entité adjudicatrice a autorisé la modification de la composition de l’association temporaire d’entreprises adjudicataire et, d’autre part, que cette entité s’est abstenue d’exclure de la procédure l’association temporaire d’entreprises menée par Tundo, classée deuxième, dans la mesure où le représentant légal d’une entreprise faisant partie de cette association a produit une fausse déclaration indiquant qu’il n’avait jamais été condamné pénalement.

    22

    La juridiction de renvoi observe que, conformément aux règles et à la jurisprudence nationales, le recours formé par Idrodinamica devrait être déclaré irrecevable dès lors qu’il a été formé bien après l’échéance du délai de forclusion de 30 jours suivant la communication de la décision d’attribution du marché en cause au principal. Toutefois, la Cour aurait considéré au point 40 de l’arrêt Uniplex (UK) (C‑406/08, EU:C:2010:45) que l’objectif de célérité poursuivi par les règles sur les recours en matière de passation des marchés publics ne permettrait pas aux États membres de faire abstraction du principe d’effectivité de la protection juridictionnelle, selon lequel les modalités d’application des délais de forclusion nationaux ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que les intéressés tirent du droit de l’Union.

    23

    La juridiction de renvoi se demande si les règles nationales en cause sont compatibles avec ce principe d’effectivité dans la mesure où les éléments contenus dans la communication de la décision portant attribution définitive du marché ne sont pas toujours suffisants pour que les candidats et les soumissionnaires évincés aient connaissance des documents et des circonstances de fait pertinents pour décider de l’introduction d’un recours, notamment, lorsqu’une éventuelle irrégularité de procédure serait survenue après l’adoption formelle d’une décision d’attribution définitive.

    24

    En outre, la règle de procédure imposant aux intéressés de former un recours dans le délai de forclusion de 30 jours contre la décision d’attribution du marché, sans préjudice de la possibilité d’invoquer des moyens complémentaires fondés sur des actes et des circonstances survenus ultérieurement, semblerait incompatible avec le principe d’effectivité de la protection juridictionnelle, puisque le requérant doit pourvoir au paiement des honoraires de l’avocat et des experts désignés par les parties, ainsi que de la taxe liée aux frais de procédure, tant au moment de l’introduction du recours que lors de la présentation de moyens nouveaux.

    25

    La juridiction de renvoi se demande donc si les dispositions pertinentes du droit de l’Union peuvent être interprétées en ce sens que le délai de forclusion des recours prévu par les règles nationales commence à courir à compter du moment où l’intéressé prend réellement connaissance ou a la possibilité de prendre connaissance, en faisant preuve d’une diligence normale, de l’existence d’une irrégularité, et non pas à compter de la date de communication de la décision d’attribution définitive du marché.

    26

    Eu égard à ces considérations, le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Les articles 1er, 2 bis, 2 quater et 2 septies de la directive [92/13] doivent‑ils être interprétés en ce sens que le délai pour former un recours tendant à constater la violation de la réglementation en matière d’attribution de marchés publics court à compter de la date à laquelle le requérant a eu connaissance ou, en faisant preuve de diligence normale, aurait dû avoir connaissance de l’existence de cette violation?

    2)

    Les articles 1er, 2 bis, 2 quater et 2 septies de la directive [92/13] font‑ils obstacle à des dispositions procédurales nationales ou à des pratiques interprétatives, telles que celles énoncées dans l’affaire au principal, permettant au juge de conclure à l’irrecevabilité d’un recours tendant à constater la violation de la réglementation en matière d’attribution de marchés publics, lorsque, du fait des agissements de l’entité adjudicatrice, le requérant a eu connaissance de la violation après la communication formelle des éléments essentiels de la décision d’attribution définitive?»

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la recevabilité

    27

    Cooperativa Giovanni XXIII et le gouvernement italien expriment des doutes concernant la recevabilité des questions au motif, notamment, que les griefs d’Idrodinamica sont dirigés contre l’acte de l’entité adjudicatrice portant autorisation de modification de la composition du groupement adjudicataire et qu’aucun grief n’est formulé contre la décision d’attribution définitive du marché.

    28

    Par conséquent, l’annulation éventuelle de cet acte aurait seulement pour effet d’entraîner la disparition du contrat conclu avec le groupement adjudicataire dans sa formation réduite sans que ce dernier perde pour autant sa qualité d’adjudicataire. Dès lors, les questions déférées par le juge de renvoi ne présenteraient pas un lien concret avec l’objet du litige au principal.

    29

    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

    30

    Tel n’est pas le cas en l’espèce et les doutes exprimés par Cooperativa Giovanni XXIII et le gouvernement italien sur la recevabilité des questions ne sont pas fondés. En effet, le juge de renvoi demande l’interprétation des dispositions pertinentes de la directive 92/13 afin d’apprécier la recevabilité du recours introduit par Idrodinamica. Ainsi qu’il ressort du dossier mis à la disposition de la Cour, ce recours vise, en substance, d’une part, l’annulation de la décision de l’entité adjudicatrice ayant autorisé la modification de la composition du groupement adjudicataire et, d’autre part, le fait que cette entité s’est abstenue d’exclure de la procédure d’adjudication un concurrent classé avant Idrodinamica.

    31

    Force est de constater que, si le premier grief avancé par Idrodinamica dans le cadre du litige au principal tiré, en substance, du fait que l’entité adjudicatrice aurait illégalement autorisé la réduction du nombre d’entreprises formant l’association temporaire d’entreprises adjudicataire était accueilli, la décision portant conclusion du contrat avec le groupement adjudicataire serait susceptible d’être annulée. Si le second grief, selon lequel l’entité adjudicatrice aurait dû exclure l’association temporaire d’entreprises Tundo, classée deuxième, au motif que le représentant légal de l’un de ses membres aurait produit une fausse déclaration, était également accueilli, les chances qu’Idrodinamica se voie attribuer le contrat en cause au principal augmenteraient significativement. Ainsi, Idrodinamica peut être considérée, à juste titre, comme une personne «ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée», au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13.

    32

    Par conséquent, les questions sont recevables.

    Sur le fond

    33

    Par ces questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le délai pour l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre de la décision d’attribution d’un marché doit commencer à courir de nouveau dans une situation où l’entité adjudicatrice a pris, après l’expiration du délai de recours, une décision susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de cette décision d’attribution. Elle demande également si, dans la même situation, un soumissionnaire peut introduire un recours en annulation contre la décision d’attribution du marché lorsqu’il a pris connaissance de circonstances antérieures à la même décision d’attribution susceptibles d’avoir une incidence sur la légalité de la procédure de passation du marché en cause.

    34

    La modification apportée à la directive 92/13 par la directive 2007/66 et l’article 49 de la directive 2004/17 ont largement contribué à ce qu’un soumissionnaire à qui un marché n’a pas été attribué soit informé du résultat de la procédure de passation de ce marché et des motifs le soutenant. Sur le fondement de l’article 49, paragraphe 2, de la directive 2004/17, le soumissionnaire peut demander à ce que lui soient fournies des informations détaillées.

    35

    Le principe de sécurité juridique exige que les informations ainsi obtenues et celles qui auraient pu l’être ne puissent plus servir de fondement pour l’introduction d’un recours par le soumissionnaire après l’expiration du délai prévu par le droit national.

    36

    Par contre, dans le litige au principal, la décision portant autorisation de la modification de la composition du groupement adjudicataire concerne des faits qui se sont produits après l’attribution du marché et après l’expiration du délai de recours de 30 jours prévu par la réglementation nationale. Dès lors, ni la communication de la décision d’attribution du marché et des motifs relatifs à cette décision ni la réponse apportée à une demande éventuelle du soumissionnaire à l’entité adjudicatrice d’informations supplémentaires ne pouvaient permettre de connaître ces faits.

    37

    Conformément à la jurisprudence de la Cour, des recours efficaces contre les violations des dispositions applicables en matière de passation des marchés publics ne peuvent être assurés que si les délais prévus pour former ces recours ne commencent à courir qu’à compter de la date à laquelle le requérant a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la violation alléguée desdites dispositions [voir, en ce sens, arrêt Uniplex (UK), EU:C:2010:45, point 32 et jurisprudence citée].

    38

    Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi que la décision portant autorisation de la modification de la composition du groupement adjudicataire, qui est susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de la décision d’attribution du marché, a été adoptée avant que le contrat n’ait été conclu entre l’entité adjudicatrice et ce groupement. Dans de telles circonstances, il ne saurait être considéré que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le délai de recours de 30 jours soit rouvert en ce qui concerne un recours visant à l’annulation de la décision d’attribution du marché.

    39

    À cet égard, il convient de considérer que la décision portant autorisation de la modification de la composition du groupement adjudicataire implique une modification par rapport à la décision d’attribution susceptible d’être considérée comme substantielle si, eu égard aux particularités de la procédure de marché concernée, elle porte sur l’un des éléments essentiels ayant déterminé l’adoption de la décision d’attribution. Dans cette hypothèse, il y aurait lieu d’appliquer les mesures pertinentes prévues par le droit national afin de remédier à cette situation irrégulière, pouvant aller jusqu’à l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution (voir, par analogie, arrêt Wall, C‑91/08, EU:C:2010:182, points 38, 39, 42 et 43).

    40

    En outre, il y a lieu de relever qu’une possibilité, telle que celle prévue à l’article 43 du décret législatif no 104/2010, de soulever des «moyens nouveaux» dans le cadre d’un recours initial introduit dans les délais contre la décision d’attribution du marché ne constitue pas toujours une alternative valable de protection juridictionnelle effective. En effet, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, les soumissionnaires seraient contraints d’attaquer in abstracto la décision d’attribution du marché, sans connaître, à ce stade, les motifs justifiant ce recours.

    41

    Par conséquent, le délai de recours de 30 jours prévu par la réglementation nationale contre la décision d’attribution du marché doit de nouveau courir afin de permettre de vérifier la légalité de la décision de l’entité adjudicatrice ayant autorisé la modification de la composition du groupement adjudicataire, qui est susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de la décision d’attribution du marché. Ce délai doit commencer à courir à compter de la date à laquelle le soumissionnaire a reçu la communication de la décision portant autorisation de la modification de la composition du groupement adjudicataire ou en a eu connaissance.

    42

    En ce qui concerne le grief d’Idrodinamica tiré de la non‑exclusion de la procédure d’adjudication du groupement classé deuxième pour fausse déclaration du représentant légal d’une des sociétés composant ce groupement, il convient de constater que cette prétendue irrégularité a dû se produire avant la décision d’attribution du marché.

    43

    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le soumissionnaire, sur la base des informations qui lui ont été communiquées au titre de l’article 2 bis de la directive 92/13 et de l’article 49 de la directive 2004/17 et sur la base de celles qu’il aurait pu obtenir en faisant preuve de diligence normale, était en mesure de former un recours contre les violations éventuelles du droit de l’Union en matière de marchés publics et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de rouvrir le délai de recours prévu par la réglementation nationale.

    44

    Il y a lieu de relever que, dans la situation au principal, en cas d’annulation de la décision portant attribution du marché au groupement classé premier lors de la procédure d’adjudication, une nouvelle décision d’attribution du marché à un autre soumissionnaire peut faire l’objet d’un nouveau recours en annulation dans le délai prévu par la réglementation nationale.

    45

    Par conséquent, il convient de considérer que, en application du principe de sécurité juridique, en cas d’irrégularités prétendument commises avant la décision d’attribution du marché, un soumissionnaire n’est recevable à introduire un recours en annulation de la décision d’attribution que dans le délai spécifique prévu à cette fin par le droit national, sauf disposition expresse du droit national garantissant un tel droit de recours conformément au droit de l’Union.

    46

    En revanche, un soumissionnaire est recevable à introduire un recours en dommages et intérêts dans le délai général de prescription prévu à cet effet par le droit national.

    47

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que les articles 1er, paragraphes 1 et 3, ainsi que 2 bis, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 92/13 doivent être interprétés en ce sens que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre de la décision d’attribution d’un marché doit commencer à courir de nouveau dès lors qu’est intervenue une nouvelle décision de l’entité adjudicatrice, adoptée postérieurement à cette décision d’attribution mais avant la signature du contrat et susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de ladite décision d’attribution. Ce délai commence à courir à compter de la communication aux soumissionnaires de la décision postérieure ou, à défaut, à compter du moment où ces derniers en ont eu connaissance.

    48

    Dans le cas où un soumissionnaire prend connaissance, après l’expiration du délai de recours prévu par la réglementation nationale, d’une irrégularité prétendument commise avant la décision d’attribution d’un marché, un droit de recours contre cette décision ne lui est assuré que dans ce délai, sauf disposition expresse du droit national garantissant un tel droit conformément au droit de l’Union.

    Sur les dépens

    49

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

     

    Les articles 1er, paragraphes 1 et 3, ainsi que 2 bis, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, doivent être interprétés en ce sens que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre de la décision d’attribution d’un marché doit commencer à courir de nouveau dès lors qu’est intervenue une nouvelle décision de l’entité adjudicatrice, adoptée postérieurement à cette décision d’attribution mais avant la signature du contrat et susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de ladite décision d’attribution. Ce délai commence à courir à compter de la communication aux soumissionnaires de la décision postérieure ou, à défaut, à compter du moment où ces derniers en ont eu connaissance.

     

    Dans le cas où un soumissionnaire prend connaissance, après l’expiration du délai de recours prévu par la réglementation nationale, d’une irrégularité prétendument commise avant la décision d’attribution d’un marché, un droit de recours contre cette décision ne lui est assuré que dans ce délai, sauf disposition expresse du droit national garantissant un tel droit conformément au droit de l’Union.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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