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Document 62013CJ0093

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 5 mars 2015.
Commission européenne contre Versalis SpA et Eni SpA et Versalis SpA et Eni SpA contre Commission européenne.
Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché du caoutchouc chloroprène – Succession d’entités de production – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Récidive – Compétence de pleine juridiction.
Affaires jointes C-93/13 P et C-123/13 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:150

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 mars 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché du caoutchouc chloroprène — Succession d’entités de production — Imputabilité du comportement infractionnel — Amendes — Récidive — Compétence de pleine juridiction»

Dans les affaires jointes C‑93/13 P et C‑123/13 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits, respectivement, les 25 février 2013 et 12 mars 2013,

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et G. Conte ainsi que par Mme R. Striani, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Versalis SpA, anciennement Polimeri Europa SpA, établie à Brindisi (Italie),

Eni SpA, établie à Rome (Italie),

représentées par Mes M. Siragusa, G. M. Roberti, F. Moretti, I. Perego, F. Cannizzaro, A. Bardanzellu, D. Durante, et V. Laroccia, avvocati,

parties demanderesses en première instance,

et

Versalis SpA, anciennement Polimeri Europa SpA,

Eni SpA,

représentées par Mes M. Siragusa, G. M. Roberti, F. Moretti, I. Perego, F. Cannizzaro, A. Bardanzellu, D. Durante, et V. Laroccia, avvocati,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et G. Conte ainsi que par Mme R. Striani, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par leurs pourvois, la Commission européenne, dans l’affaire C‑93/13 P, ainsi que Versalis SpA (ci-après «Versalis») et Eni SpA (ci-après «Eni»), dans l’affaire C‑123/13 P, demandent l’annulation de l’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne, le 13 décembre 2012 (Versalis et Eni/Commission , T‑103/08, EU:T:2012:686, ci-après l’«arrêt attaqué»), ayant pour objet un recours, présenté conjointement par Versalis et Eni, tendant à obtenir l’annulation de la décision C (2007) 5910 final de la Commission, du 5 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38629 – Caoutchouc chloroprène, ci-après la «décision litigieuse»), ou, à titre subsidiaire, la suppression ou la réduction du montant de l’amende infligée solidairement à Versalis et à Eni par cette décision.

2

Par son pourvoi, la Commission demande l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a baissé à 106 200 000 euros le montant de l’amende infligée par la décision litigieuse à Versalis et à Eni. Le pourvoi de Versalis et d’Eni tend à l’obtention de l’annulation du même arrêt en ce que le Tribunal a rejeté leur recours.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

Les entités en cause

3

Eni est la société mère faîtière du groupe du même nom, lequel est entré sur le marché du caoutchouc chloroprène («chloroprene rubber», ci-après le «CR») à la fin de l’année 1992 par l’acquisition de la branche CR du groupe Rhône-Poulenc, dont la société spécialisée dans le CR se dénommait «Distugil». Pendant la période allant du 13 mai 1993 au 31 octobre 1997, la société responsable de l’activité relative au CR (ci-après l’«activité CR») au sein du groupe Eni était EniChem Elastomeri Srl (ci-après «EniChem Elastomeri»), contrôlée à 100 % par EniChem SpA (ci-après «EniChem»), elle-même contrôlée, pour partie directement et pour partie indirectement, par Eni à un niveau compris entre 99,93 % et 99,97 % de son capital social. Le 1er novembre 1997, EniChem Elastomeri a été absorbée par EniChem. Cette dernière a repris la responsabilité des activités antérieures d’EniChem Elastomeri, qui a cessé d’exister en tant qu’entité juridique distincte. Le 1er janvier 2002, EniChem a transféré son activité CR à sa filiale détenue à 100 %, à savoir Polimeri Europa SpA (ci-après «Polimeri Europa»). Le 21 octobre 2002, Eni a acquis l’entier contrôle direct de Polimeri Europa. Le 30 avril 2003, EniChem a changé de dénomination sociale pour s’appeler «[confidentiel]». Au mois d’avril 2012, Polimeri Europa a changé de dénomination sociale et s’appelle désormais «Versalis».

La procédure devant la Commission

4

Le 18 décembre 2002, Bayer AG (ci-après «Bayer») a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur le marché du CR et lui a exprimé son souhait de coopérer avec elle dans les conditions prévues dans sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la coopération de 2002»). Par décision du 27 janvier 2003, la Commission a accordé à Bayer l’immunité conditionnelle d’amendes.

5

À la suite de la communication d’informations par Bayer, la Commission a procédé à des vérifications inopinées dans les installations de Dow Deutschland Inc., le 27 mars 2003, et dans les bâtiments de Denka Chemicals GmbH (ci-après «Denka Chemicals»), le 9 juillet 2003.

6

Le 15 juillet 2003, Tosoh Corp. et Tosoh Europe BV (ci-après «Tosoh Europe»), et le 21 novembre 2003, DuPont Dow Elastomers LLC (ci-après «DDE»), une entreprise commune détenue à parts égales par EI DuPont de Nemours and Company (ci-après «EI DuPont») et The Dow Chemicals Company (ci-après «Dow»), ont respectivement introduit une demande de clémence conformément à la communication sur la coopération de 2002.

7

Au mois de mars 2005, la Commission a envoyé ses premières demandes de renseignements aux entreprises destinataires de la décision litigieuse, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

8

À la réception de la première demande de renseignements, [confidentiel], anciennement EniChem, et Polimeri Europa, devenue Versalis, ont introduit, le 15 avril 2005, des demandes de clémence. [confidentiel] a soumis à la Commission d’autres déclarations dans le cadre de cette demande de clémence aux mois de mai 2005 et de novembre 2006.

9

Par lettres du 7 mars 2007, la Commission a informé Tosoh Corp., Tosoh Europe et DDE de sa conclusion provisoire selon laquelle les éléments de preuve qu’elles lui avaient communiqués constituaient une valeur ajoutée significative au sens du point 22 de la communication sur la coopération de 2002 et, partant, de son intention de réduire le montant de l’amende que, à défaut, elle aurait retenu, d’un montant compris dans l’une des fourchettes visées au point 23, sous b), premier alinéa, de cette communication, à savoir de 30 à 50 % pour Tosoh Corp. et Tosoh Europe et de 20 % à 30 % pour DDE. Par lettres du même jour, [confidentiel], anciennement EniChem, et Polimeri Europa, devenue Versalis, ont été informées que leurs demandes ne répondaient pas aux conditions visées au point 8, sous a) et b), de ladite communication et que, en application des points 15 et 17 de celle‑ci, elles n’obtiendraient pas d’immunité conditionnelle d’amendes.

10

Le 13 mars 2007, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs concernant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), adressée à douze sociétés, dont Eni, Polimeri Europa, devenue Versalis, et [confidentiel], anciennement EniChem. Tous les destinataires de la communication des griefs ont, en réponse, soumis des observations par écrit à la Commission et ont exercé leur droit d’être entendus lors d’une audition, qui s’est tenue le 21 juin 2007.

La décision litigieuse

11

Le 5 décembre 2007, la Commission a adopté la décision litigieuse. Cette décision a été notifiée à Eni le 10 décembre 2007 et à Polimeri Europa, devenue Versalis, le 11 décembre 2007. Un résumé de la décision litigieuse, telle que modifiée par la décision C (2008) 2974 final de la Commission, du 23 juin 2008, a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 3 octobre 2008 (JO C 251, p. 11). Cette dernière décision a été adressée uniquement à EI DuPont, à DuPont Performance Elastomers SA, à DuPont Performance Elastomers LLC et à Dow.

12

Il ressort de la décision litigieuse que, au cours de la période allant de l’année 1993 à l’année 2002, plusieurs producteurs de CR, destinataires de la décision litigieuse, ont participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, étendue à l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE), consistant dans des accords et des pratiques concertées relatifs à l’attribution et à la stabilisation des marchés, des parts de marché et des quotas de vente pour le CR ainsi qu’à coordonner et à faire appliquer plusieurs augmentations de prix, à convenir de prix minimaux, à répartir la clientèle et à échanger des informations sensibles sur le plan de la concurrence. Ces producteurs se réunissaient de façon régulière, plusieurs fois par an, lors de réunions multilatérales ou bilatérales.

13

Aux termes des articles 1er à 3 de la décision litigieuse, telle que modifiée par la décision C (2008) 2974 final:

«Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur du [CR]:

a)

Bayer [...]: du 13 mai 1993 au 13 mai 2002;

b)

[EI DuPont]: du 13 mai 1993 au 13 mai 2002; DuPont Performance Elastomers SA, DuPont Performance Elastomers LLC et [Dow]: du 1er avril 1996 au 13 mai 2002;

c)

Denki Kagaku Kogyo KK [(ci-après ‘Denki Kagaku Kogyo’)] et Denka Chemicals [...]: du 13 mai 1993 au 13 mai 2002;

d)

Eni [...] et Polimeri Europa[, devenue Versalis]: du 13 mai 1993 au 13 mai 2002;

e)

Tosoh [Corp.] et Tosoh Europe [...]: du 13 mai 1993 au 13 mai 2002.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er:

a)

Bayer [...]: 0 [euro];

b)

[EI DuPont]: 59250000 [euros]; [dont] solidairement avec

i)

DuPont Performance Elastomers SA: 44250000 [euros] et

ii)

DuPont Performance Elastomers LLC: 44250000 [euros] et

iii)

[Dow]: 44250000 [euros];

c)

Denki Kagaku Kogyo [...] et Denka Chemicals [...], solidairement: 47000000 [euros];

d)

Eni [...] et Polimeri Europa[, devenue Versalis], solidairement: 132160000 [euros];

e)

Tosoh [Corp.] et Tosoh Europe [...], solidairement: 4800000 [euros];

f)

[Dow]: 4425000 [euros].

[...]

Article 3

Les entreprises précitées mettent immédiatement fin aux infractions visées à l’article 1er, dans la mesure où elles ne l’ont pas déjà fait.

Elles s’abstiennent de répéter tout acte ou comportement décrit à l’article 1er, ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.»

14

Afin de fixer le montant de base des amendes, la Commission s’est fondée sur ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les «lignes directrices de 2006»). Elle a pris en compte une certaine proportion de la valeur des ventes de CR réalisées par chaque entreprise impliquée, au sein de l’EEE, pendant l’année calendaire 2001, dernière année complète de participation à l’infraction, qu’elle a multipliée par le nombre d’années d’infraction.

15

En vue de déterminer cette proportion, la Commission a considéré que les accords horizontaux de partage de marché et de fixation de prix comptaient, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. À cet égard, la Commission a également estimé que la part de marché combinée des entreprises participant à l’infraction s’élevait à 100 % au sein de l’EEE, que l’étendue géographique de l’infraction était mondiale et que l’infraction avait été mise en œuvre systématiquement.

16

La Commission a décidé que la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée, dont il devait être tenu compte pour établir le montant de base de l’amende à infliger, était de 21 %.

17

En raison de la participation à l’infraction pendant une durée de neuf ans pour EI DuPont, Bayer, Denki Kagaku Kogyo, Denka Chemicals, Eni et Polimeri Europa devenue Versalis, ainsi que pour Tosoh Corp. et Tosoh Europe (ci‑après, prises ensemble, «Tosoh»), et pendant une durée de six ans et un mois pour DuPont Performance Elastomers SA et DuPont Performance Elastomers LLC (ci-après, prises ensemble, «DPE») ainsi que pour Dow, la Commission a, en application du point 24 des lignes directrices de 2006, multiplié par 9 les montants de base des amendes déterminés en fonction de la valeur des ventes d’Eni et Polimeri Europa devenue Versalis, d’EI DuPont, de Bayer, de Denki Kagaku Kogyo, de Denka Chemicals et de Tosoh et par 6,5 les montants de base des amendes déterminés en fonction de la valeur des ventes de DPE et de Dow.

18

Afin de dissuader les entreprises concernées de participer à un accord relatif à un partage du marché ou à des accords horizontaux de fixation de prix tels que ceux en cause en l’espèce et en prenant en compte, en particulier, les éléments mentionnés au point 15 du présent arrêt, la Commission a, en application du point 25 des lignes directrices de 2006, inclus dans le montant de base des amendes un montant additionnel de 20 % de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée.

19

Au vu de ces éléments, le montant de base de l’amende à infliger à Eni et à Polimeri Europa, devenue Versalis, a été fixé à 59 millions d’euros.

20

S’agissant des ajustements des montants de base des amendes, d’une part, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l’amende à infliger à Eni et à Versalis a été majoré de 60 % et le montant de base de l’amende à infliger à Bayer a été majoré de 50 % au motif que ces entreprises étaient en état de récidive. La Commission a retenu la circonstance aggravante de récidive à l’égard de Versalis et d’Eni en raison de la participation d’Anic SpA (ci-après «Anic») à une entente dans le secteur du polypropylène, infraction constatée par sa décision 86/398/CEE, du 23 avril 1986, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.149 – Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après la «décision ‘polypropylène’»), et d’EniChem à une entente dans le secteur du PVC, infraction constatée par sa décision 94/599/CE, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après la «décision ‘PVC II’»). La circonstance aggravante de récidive n’a été retenue contre Bayer qu’au titre d’une seule infraction antérieure à la décision litigieuse.

21

D’autre part, au titre des circonstances atténuantes visées au point 29 des lignes directrices de 2006, aucune réduction des montants de base des amendes n’a été accordée, la Commission ayant rejeté toutes les demandes de réduction qui avaient été présentées à ce titre.

22

La Commission a également appliqué au montant de base de l’amende de certaines entreprises destinataires de la décision litigieuse une majoration spécifique afin de garantir un effet suffisamment dissuasif aux amendes, en tenant compte du niveau particulièrement important du chiffre d’affaires de ces entreprises, au-delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère. Le montant de base de l’amende à infliger à Polimeri Europa, devenue Versalis, et à Eni a été multiplié par 1,4 et le montant de base de l’amende à infliger à Dow a été multiplié par 1,1.

23

Partant, le montant de base de l’amende à infliger à Eni et à Polimeri Europa, devenue Versalis, a été augmenté pour atteindre 132,16 millions d’euros.

24

S’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 2002, la Commission a accordé une réduction du montant de base de l’amende de 100 % à Bayer, de 50 % à Tosoh ainsi que de 25 % à EI DuPont, à DPE et à Dow. La Commission a rejeté les demandes de réduction de ce montant introduites au titre de cette communication par [confidentiel], anciennement EniChem, et Polimeri Europa, devenue Versalis.

25

Le montant de l’amende infligée à Eni et à Polimeri Europa, devenue Versalis, a ainsi été fixé à 132,16 millions d’euros, somme dont ces dernières sont tenues solidairement au paiement.

L’arrêt attaqué

26

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2008, Polimeri Europa, devenue Versalis, et Eni ont demandé, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, la suppression ou la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée solidairement par cette décision.

27

Devant le Tribunal, Versalis et Eni ont invoqué onze moyens, dont six visaient à l’annulation de la décision litigieuse et étaient tirés, premièrement, d’une violation de l’article 81 CE et d’un défaut de motivation de la décision litigieuse s’agissant de l’imputation de l’infraction à Eni, deuxièmement, de la violation des droits de la défense, la décision litigieuse étant contraire à la lettre de clôture de la procédure à l’égard de [confidentiel], anciennement EniChem, troisièmement, d’une violation de l’article 81 CE et d’un défaut de motivation de la décision litigieuse s’agissant de l’imputation de l’infraction à Polimeri Europa, devenue Versalis, quatrièmement, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et d’une contrariété de motifs, d’un défaut d’instruction et d’une violation de l’article 81 CE s’agissant de l’appréciation des faits et des preuves par la Commission, en particulier quant à la participation de [confidentiel], anciennement EniChem, et de Polimeri Europa, devenue Versalis, aux réunions qui se sont déroulées au cours des années 1993 et 2002, cinquièmement, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et d’une contrariété de motifs, d’un défaut d’instruction et d’une violation de l’article 81 CE du fait de la qualification de l’infraction d’infraction unique et continue et, sixièmement, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et d’un défaut d’instruction s’agissant du calcul de la durée de l’infraction.

28

Cinq moyens visaient à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende et étaient tirés, premièrement, de la détermination erronée du montant de base de l’amende, deuxièmement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’un défaut de motivation de la décision litigieuse s’agissant des adaptations du montant de base de l’amende au titre de la récidive, au titre des circonstances atténuantes et pour assurer l’effet dissuasif, troisièmement, de la détermination erronée du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, quatrièmement, de l’absence de prise en compte de la coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2002 et, cinquièmement, de l’absence de réduction du montant de l’amende en vertu de cette communication.

29

Le Tribunal a confirmé la légalité de la décision sauf, aux points 287 et 386 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne la prise en compte de la circonstance aggravante de la récidive et le niveau du coefficient multiplicateur du montant de base de l’amende, utilisé à des fins dissuasives. Considérant que la circonstance aggravante de récidive pouvait être retenue non pas à l’égard d’Eni, mais uniquement à l’égard de Versalis, le Tribunal a réduit le pourcentage de majoration de ce montant au titre de cette circonstance de 60 % à 50 %. Il a également réduit ledit coefficient multiplicateur de 1,4 à 1,2. Le Tribunal a, par conséquent, réduit le montant de l’amende infligée solidairement à Polimeri Europa, devenue Versalis, et à Eni de 132,16 millions d’euros à 106,2 millions d’euros.

Les conclusions des parties

Dans l’affaire C‑93/13 P

30

La Commission demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a réduit à 106 200 000 euros le montant de l’amende infligée par la décision litigieuse à Versalis et à Eni;

de rejeter dans son intégralité le recours en annulation introduit devant le Tribunal, et

de condamner Versalis et Eni aux dépens afférents aux deux instances.

31

Versalis et Eni demandent à la Cour:

de rejeter le pourvoi de la Commission dans son intégralité, et

de condamner la Commission aux dépens.

Dans l’affaire C‑123/13 P

32

Versalis et Eni demandent à la Cour:

d’annuler, en tout ou en partie, l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté leur recours conjoint en première instance et en conséquence:

d’annuler, en tout ou en partie, la décision litigieuse,

et/ou d’annuler, ou à tout le moins de réduire, l’amende qui leur est infligée par cette décision;

à titre subsidiaire, d’annuler, en tout ou en partie, l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté leur recours en première instance et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue sur le fond à la lumière des indications que la Cour aura fournies, et

de condamner la Commission au paiement des dépens, frais et honoraires relatifs aux deux instances.

33

La Commission demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi, et

de condamner Versalis et Eni aux dépens.

34

Par décision du président de la Cour du 21 janvier 2014, les affaires C‑93/13 P et C‑123/13 P ont été jointes aux fins de la phase écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

Sur les pourvois

35

Les moyens seront exposés en suivant l’ordre des points attaqués de l’arrêt du Tribunal.

Sur le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

36

Par leur premier moyen, relatif aux points 53 à 78 de l’arrêt attaqué, Versalis et Eni font valoir que, en imputant à la société mère, Eni, l’infraction prétendument commise par les sociétés que celle-ci contrôle dans le secteur du CR, le Tribunal s’est affranchi, en violation de l’article 81 CE, de la jurisprudence pertinente de la Cour et des obligations de motivation qui lui incombent dans le cadre de l’appréciation des preuves présentées pour renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, de telle sorte que le Tribunal a également violé les principes fondamentaux de légalité, de personnalité de la responsabilité en matière d’ententes, de la présomption d’innocence et des droits de la défense ainsi que de la responsabilité limitée des sociétés.

37

Versalis et Eni rappellent un certain nombre d’éléments dont elles ont fait état devant le Tribunal et, notamment, qu’Eni n’a pas participé à l’infraction en cause, qu’elle n’a jamais eu d’activité dans le secteur de la chimie, et, plus précisément, du CR, qu’il n’existait aucune situation de cumul de fonctions entre les membres de ses organes de direction et ceux de ses filiales, que le processus décisionnel de ces dernières est propre à chacune d’entre elles, que, en outre, il n’existe aucun flux d’informations («reporting lines») desdites filiales vers leur société mère et qu’Eni a simplement exercé le rôle habituel d’une société holding de participation à l’égard de ses filiales actives dans un secteur de moindre importance que le secteur dans lequel elle exerce ses activités principales et qui, en tout état de cause, est différent de celui-ci.

38

Versalis et Eni soutiennent que l’arrêt est vicié en ce que, de manière incohérente et sans aucune motivation pertinente, le Tribunal a considéré comme étant totalement dénué d’intérêt cet ensemble d’éléments matériellement établis qui, conformément à la jurisprudence de la Cour, était de nature à prouver l’absence d’exercice effectif par Eni d’une influence déterminante sur ses filiales. En pratique, cette constatation du Tribunal reviendrait à considérer la présomption d’influence déterminante effective comme étant une présomption irréfragable, en méconnaissance des principes énoncés dans l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536) et en violation des principes de la personnalité de la responsabilité et de la peine ainsi que de la présomption d’innocence et des droits de la défense.

39

Se référant à l’arrêt Eni/Commission (C‑508/11 P, EU:C:2013:289), dans lequel la Cour a répondu à un moyen similaire relatif aux mêmes entités, la Commission considère que le premier moyen est manifestement dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

40

Le premier moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni concerne l’application à Eni de la présomption d’influence déterminante des sociétés mères sur leurs filiales impliquées dans les infractions aux règles de concurrence de l’Union. Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 46 de l’arrêt Eni/Commission (EU:C:2013:289) évoqué par la Commission, il est de jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé, aux fins de l’application de l’article 81 CE, à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction.

41

Il résulte également d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale (arrêt Eni/Commission, EU:C:2013:289, point 47).

42

Dans une telle situation, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour considérer que ladite présomption est remplie. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, EU:C:2009:536, point 61, ainsi que Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 57).

43

En outre, dans le cas particulier où une société holding détient la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une société interposée qui possède à son tour la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale de son groupe auteur d’une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, il existe également une présomption réfragable selon laquelle cette société holding exerce une influence déterminante sur le comportement de la société interposée et indirectement, par l’intermédiaire de cette dernière, également sur le comportement de ladite filiale (voir, en ce sens, arrêt Eni/Commission, EU:C:2013:289, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citée).

44

En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 63 de l’arrêt attaqué, il est constant que, pendant toute la durée de l’infraction en cause, Eni a détenu, pour partie, directement et, pour partie, indirectement 99,93 % à 100 % du capital des sociétés responsables au sein de son groupe de l’activité CR, à savoir successivement EniChem Elastomeri, EniChem et Polimeri Europa, devenue Versalis. Par conséquent, la présomption évoquée aux points 41 et 43 du présent arrêt est applicable à Eni.

45

S’agissant des éléments invoqués par Versalis et Eni, il y a lieu de constater que le Tribunal les a examinés aux points 66 à 72 de l’arrêt attaqué. Les motifs de cet arrêt ne laissent place à aucun doute quant aux considérations sur lesquelles le Tribunal a fondé sa décision sur ce point et ils permettent, par conséquent, à la Cour d’effectuer son contrôle. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucun défaut de motivation à cet égard. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 73 de l’arrêt attaqué, que Versalis et Eni ne sont pas parvenues à renverser la présomption d’influence déterminante d’Eni sur ses filiales EniChem Elastomeri, EniChem et Polimeri Europa, devenue Versalis, faute d’apporter des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que ces filiales se comportaient de manière autonome sur le marché en cause.

46

Contrairement à ce que soutiennent Versalis et Eni, cette constatation du Tribunal ne revient pas à considérer la présomption d’influence déterminante effective comme étant une présomption irréfragable. En effet, le fait qu’il soit difficile d’apporter la preuve contraire nécessaire pour renverser une présomption n’implique pas, en soi, que celle-ci soit en fait irréfragable, surtout lorsque les entités à l’égard desquelles la présomption opère sont les mieux à même de rechercher cette preuve dans leur propre sphère d’activités (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, EU:C:2011:620, point 70).

47

Dès lors, le grief tiré du fait que le Tribunal, en admettant le caractère irréfragable de cette présomption, aurait violé les principes de la personnalité de la responsabilité et de la peine ainsi que de la présomption d’innocence et des droits de la défense ne saurait non plus prospérer.

48

En conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen du pourvoi formé par Versalis et Eni comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

49

Par leur deuxième moyen, relatif aux points 94, 95 et 97 de l’arrêt attaqué, tiré d’une violation du principe de la responsabilité personnelle, Versalis et Eni reprochent au Tribunal d’avoir, en imputant à Versalis l’infraction commise par [confidentiel], anciennement EniChem, appliqué d’une manière erronée la jurisprudence pertinente de la Cour et de ne pas avoir suffisamment motivé le rejet de leurs arguments.

50

Invoquant les arrêts ETI e.a. (C‑280/06, EU:C:2007:775) ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191), Versalis et Eni soutiennent, essentiellement, que la Cour n’a admis la possibilité de déroger au principe de responsabilité personnelle qu’à titre exceptionnel et dans des conditions précises qui ne sont pas réunies en l’espèce. À cet égard, elles relèvent notamment que [confidentiel], anciennement EniChem, n’a pas cessé d’exister juridiquement ou économiquement. Elles invoquent également l’insuffisance de la motivation de l’arrêt attaqué.

51

La Commission rappelle que le risque que [confidentiel], anciennement EniChem, puisse devenir une «coquille vide», constaté au point 95 de l’arrêt attaqué, est un élément de fait qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler. Elle ajoute que, en tout état de cause, la Cour n’a pas limité les cas de responsabilité d’une société cessionnaire aux situations où une société cédante a cessé toute activité économique. Selon la jurisprudence de la Cour issue des arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6) ainsi que ETI e.a. (EU:C:2007:775), seule l’existence d’un «lien structurel» entre la société cédante et la société cessionnaire faisant partie du même groupe serait déterminante aux fins de la responsabilité de cette dernière.

Appréciation de la Cour

52

Le deuxième moyen soulevé par Versalis et Eni dans l’affaire C‑123/13 P est relatif à la question de la succession d’entreprises. Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 51 de l’arrêt Versalis/Commission (C‑511/11 P, EU:C:2013:386), il est de jurisprudence constante que le droit de l’Union en matière de concurrence vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Lorsqu’une telle entité enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction.

53

La Cour a déjà jugé que, lorsque deux entités constituent une même entité économique, le fait que l’entité ayant commis l’infraction existe encore n’empêche pas, par lui-même, que soit sanctionnée l’entité à laquelle elle a transféré ses activités économiques. En particulier, une telle mise en œuvre de la sanction est admissible lorsque ces entités ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan tant économique qu’organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales (voir arrêts ETI e.a., EU:C:2007:775, points 48 et 49 et jurisprudence citée, ainsi que Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 52).

54

Aux points 91 et 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé les liens existant entre les sociétés successivement responsables de l’activité CR au sein du groupe et la détention directe ou indirecte par Eni, en tant que société mère, de plus de 99,9 % du capital social de toutes ces sociétés. Eu égard à ces éléments, c’est à juste titre qu’il a conclu, au point 93 de l’arrêt attaqué, qu’il existait une continuité économique entre la société cédante impliquée dans l’entente, à savoir EniChem, devenue [confidentiel], et la société cessionnaire, à savoir Polimeri Europa, devenue Versalis.

55

Le Tribunal a par ailleurs considéré, au point 95 de l’arrêt attaqué, qu’il existait un risque que l’exploitant initial de l’activité CR au sein du groupe Eni, en l’occurrence EniChem, devenue [confidentiel], devienne une «coquille vide» à la suite des restructurations internes dudit groupe et que la sanction infligée à son égard en vertu du droit relatif aux ententes n’ait dans ce cas aucun effet. Il s’agit d’une appréciation de fait qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi.

56

Eu égard à ces considérations, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a constaté, au point 98 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en droit d’attribuer tous les comportements infractionnels commis par EniChem, devenue [confidentiel], à Polimeri Europa, devenue Versalis, nonobstant le fait que [confidentiel] existait toujours.

57

Cette constatation ne saurait être remise en cause par le fait que la Cour, au point 144 de l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission (EU:C:2011:191), a jugé que relève également de l’hypothèse évoquée au point 53 du présent arrêt la situation dans laquelle l’entité ayant commis l’infraction a cessé d’exister juridiquement ou économiquement, dès lors qu’une sanction infligée à une entreprise qui n’exerce plus d’activités économiques risque d’être dépourvue d’effet dissuasif, puisqu’il ne découle précisément pas de cet arrêt que l’imputation d’une infraction à une entité qui n’en est pas l’auteur serait limitée aux seuls cas dans lesquels l’application d’une sanction à la société auteur de l’infraction manquerait son but dissuasif (voir arrêt Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 55).

58

En effet, dans l’arrêt ETI e.a. (EU:C:2007:775) auquel la Cour s’est expressément référée au point 144 de l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission (EU:C:2011:191), la Cour a jugé que la Commission avait été en droit d’imputer l’infraction concernée à une société qui n’était pas l’auteur des comportements infractionnels dans une situation où l’entité auteur de l’infraction avait continué à exister en tant qu’opérateur économique sur d’autres marchés (voir arrêt ETI e.a., EU:C:2007:775, point 45). La Cour a fondé cette appréciation sur le fait que, lors de leurs comportements infractionnels, les sociétés concernées étaient détenues par la même entité publique (voir arrêts ETI e.a., EU:C:2007:775, point 50, ainsi que Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 56).

59

Il y a également lieu de constater que la portée de l’arrêt ETI e.a. (EU:C:2007:775) n’est pas limitée, contrairement à ce que soutiennent Versalis et Eni, aux cas dans lesquels les entités concernées sont contrôlées par une autorité publique. En effet, au point 44 de cet arrêt, la Cour a précisé qu’est sans pertinence la circonstance qu’un transfert d’activités soit décidé non pas par des particuliers, mais par le législateur dans la perspective d’une privatisation. La Cour a donc estimé qu’auraient pu exister d’éventuels doutes quant à l’imputabilité d’une infraction à l’entité ayant droit, dans l’hypothèse, tout au plus, d’un contrôle commun exercé par une autorité publique, lesquels doutes ont été dissipés par la Cour. En revanche, aucun doute quant à une telle imputabilité ne peut exister dans l’hypothèse où ce contrôle, comme en l’espèce, est exercé par une société de droit privé (voir arrêt Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 57).

60

Au vu de ces considérations, le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en considérant que la Commission pouvait valablement imputer tous les comportements anticoncurrentiels en cause à Versalis.

61

S’agissant du défaut de motivation allégué, le Tribunal a exposé en détail, aux points 89 à 98 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il avait considéré comme non fondé le moyen soulevé en première instance visant à ce que lesdits comportements ne soient pas imputés à Versalis. Les motifs de cet arrêt ne laissent place à aucun doute quant aux considérations sur lesquelles le Tribunal a fondé sa décision sur ce point et ils permettent, par conséquent, à la Cour d’effectuer son contrôle. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucun défaut de motivation à cet égard.

62

Aucun des arguments afférents au deuxième moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

63

Dans le cadre du troisième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni font grief au Tribunal d’avoir appliqué de manière erronée et contradictoire le principe jurisprudentiel relatif à la nécessaire distanciation expresse d’une entente aux fins de la non-imputabilité de l’infraction et d’avoir violé le principe in dubio pro reo en retenant, au point 173 de l’arrêt attaqué, qu’EniChem, devenue [confidentiel], a participé à la réunion du 12 juin ou du 13 juin 1993 à Florence et, au point 183 du même arrêt, que les réunions tenues en 2002, auxquelles a participé Polimeri Europa, devenue Versalis, ont eu une nature anticoncurrentielle. De même, le Tribunal aurait dénaturé les preuves en constatant, ainsi que l’affirme la Commission, que les deux réunions tenues en 2002 étaient de nature anticoncurrentielle. Par conséquent, en considérant qu’EniChem et Polimeri Europa avaient participé à l’entente pendant toute sa durée, c’est-à-dire entre le mois de mai 1993 et celui de mai 2002, non seulement le Tribunal a procédé à une appréciation erronée, mais il a également omis d’exercer un contrôle juridictionnel au fond.

64

La Commission fait valoir que les arguments de Versalis et d’Eni visent à remettre en cause les appréciations de fait du Tribunal et que, dès lors, le moyen doit être déclaré irrecevable.

Appréciation de la Cour

65

Il y a lieu de constater que, par ledit moyen, Versalis et Eni contestent des constatations et des appréciations de fait qui ne constituent pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour.

66

S’agissant du grief relatif à la dénaturation desdits éléments, force est de constater que Versalis et Eni n’ont pas relevé que le Tribunal les aurait dénaturés de manière manifeste.

67

Le troisième moyen doit donc être déclaré irrecevable.

Sur le quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

68

Par le quatrième moyen de leur pourvoi, relatif aux points 239 et suivants de l’arrêt attaqué, Versalis et Eni soutiennent que le Tribunal a violé le droit de l’Union en omettant de relever les erreurs commises par la Commission dans la détermination du montant de base de l’amende au sens des lignes directrices de 2006.

69

En premier lieu, elles reprochent au Tribunal un défaut de motivation de l’arrêt attaqué qui ne répond pas aux griefs exposés dans la procédure de première instance. Par ailleurs, le Tribunal aurait violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en omettant d’apprécier sur le fond, au vu des éléments factuels portés à son attention, le respect par la Commission des principes d’équité, de proportionnalité et d’égalité de traitement lors de la fixation du montant de base de l’amende au titre de la gravité de l’infraction et du montant additionnel.

70

En deuxième lieu, Versalis et Eni font grief au Tribunal d’avoir, en s’abstenant de répondre à leur moyen, évoqué lors de l’audience, relatif à la non-application, par la Commission, du point 18 des lignes directrices de 2006, violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

71

En troisième lieu, elles font grief au Tribunal de ne pas avoir retenu, pour le calcul du montant de base de l’amende, le nombre d’années correspondant à la durée de l’infraction telle qu’elle ressort des éléments invoqués dans le cadre du troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P.

72

Tout d’abord, la Commission soutient que le quatrième moyen du pourvoi dans cette affaire est imprécis et reprend les arguments formulés en première instance. Ensuite, certains griefs de Versalis et d’Eni seraient relatifs à l’appréciation d’éléments de fait. Enfin, aucun moyen spécifique portant sur l’application du point 18 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes n’aurait été soulevé en première instance. S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission considère qu’aucune erreur ne peut être reprochée au Tribunal.

Appréciation de la Cour

73

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 35 de ses conclusions, le premier grief de Versalis et d’Eni est irrecevable, en ce que, par ce grief, celles-ci ne critiquent pas l’arrêt attaqué, mais renvoient aux arguments qu’elles ont présentés en première instance.

74

Le deuxième grief est également irrecevable, dès lors que Versalis et Eni n’établissent pas qu’elles ont soulevé, devant le Tribunal, un moyen relatif à la non-application par la Commission du point 18 des lignes directrices de 2006.

75

Le troisième grief, dans la mesure où il repose sur l’hypothèse de l’accueil du deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P doit être écarté.

76

Par conséquent, le quatrième moyen du pourvoi dans ladite affaire doit être déclaré, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P

Argumentation des parties

77

Dans le cadre de son premier moyen, la Commission critique les points 272 à 275 de l’arrêt attaqué, qui sont rédigés comme suit:

«272

Or, en l’espèce, force est de constater que, dans le cadre des affaires citées dans la décision [litigieuse] afin d’établir l’existence de la récidive à l’égard d’Eni, à savoir les affaires ayant donné lieu aux décisions Polypropylène et PVC II (voir point 257 [de l’arrêt attaqué]) (voir note en bas de page no 517 de la décision [litigieuse]), la Commission n’a pas prétendu ni démontré que les sociétés visées par lesdites décisions, à savoir, respectivement, [Anic] et EniChem, n’avaient pas déterminé de façon autonome leur comportement sur le marché en cause au cours des périodes infractionnelles retenues et qu’elles constituaient alors avec leur société mère Eni une entité économique et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE. En effet, la Commission a constaté une infraction seulement à l’égard de ces filiales et non à l’égard de leur société mère. Ainsi que l’ont révélé les requérantes, sans être contredites par la Commission, Eni n’a pas été entendue dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de ces décisions.

273

Le principe du respect des droits de la défense exclut toutefois que puisse être considérée comme licite une décision par laquelle la Commission impose à une entreprise une amende en matière de concurrence sans lui avoir préalablement communiqué les griefs retenus à son égard. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, [C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500], points 37 et 39, et arrêt [Akzo Nobel e.a./Commission, EU:C:2009:536], point 57).

274

Partant, il ne saurait être admis que la Commission puisse considérer, dans le cadre de l’établissement de la circonstance aggravante de récidive à l’égard d’Eni, qu’Eni doive être tenue pour responsable d’une infraction antérieure, pour laquelle elle n’a pas été sanctionnée par une décision de la Commission, et dans le cadre de l’établissement de laquelle elle n’a pas été destinataire d’une communication des griefs, de sorte qu’elle n’a pas été mise en mesure de présenter ses arguments aux fins de contester, à son égard, l’existence éventuelle d’une unité économique avec d’autres entreprises ‐ Anic et EniChem en l’espèce ‐ au moment de l’infraction antérieure.

275

Il s’ensuit que l’infraction constatée à l’article 1er de la décision [litigieuse] ne saurait être considérée comme une récidive à l’égard d’Eni.»

78

Critiquant plus particulièrement les points 273 et 274 de l’arrêt attaqué, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir violé les principes de droit relatifs à l’exercice des droits de la défense en considérant que ces principes exigeaient, pour retenir la circonstance aggravante de récidive à l’égard d’Eni, que cette dernière ait été rendue destinataire de la communication des griefs relative à la première infraction et de la décision constatant cette infraction.

79

Selon la Commission, les droits de la défense sont garantis si, au moment où elle annonce son intention de constater la récidive, elle accorde aux parties la possibilité de démontrer que les conditions de la récidive ne sont pas réunies. Elle relève que, en l’espèce, Eni a eu la possibilité de renverser la présomption de contrôle de sa filiale.

80

Dans la deuxième branche dudit moyen, portant plus particulièrement sur le point 274 de l’arrêt attaqué, la Commission fait valoir que la caractérisation de la récidive suppose non pas nécessairement qu’une première sanction pécuniaire ait été infligée à la société mère, mais seulement la constatation d’une première infraction. Il suffirait de constater que la société mère formait, avec une filiale qu’elle contrôle en quasi-totalité, une entreprise qui a commis une nouvelle infraction et pour laquelle une majoration au titre de la récidive est justifiée. Pour apprécier si une entreprise a tiré les conséquences d’une première constatation d’infraction, il y aurait lieu de considérer la propension de cette entité économique à en commettre une nouvelle, et non pas celle des sociétés qui la composent prises séparément.

81

La Commission fait valoir que la motivation du Tribunal risque d’affecter l’action répressive de la Commission qui serait obligée d’adresser systématiquement une communication des griefs à l’ensemble des sociétés constituant l’entreprise impliquée dans la première infraction, indépendamment de la question de savoir si, dans l’espèce considérée, il convient de leur infliger une amende. Par ailleurs, il ne saurait être admis que la circonstance aggravante de récidive ne s’applique pas à des sociétés appartenant à une telle entreprise uniquement en raison de la structure organisationnelle du groupe auquel ces sociétés appartiennent.

82

Versalis et Eni soutiennent que le premier moyen du pourvoi de la Commission doit être rejeté. Elles font valoir qu’Eni n’a jamais été entendue ni impliquée dans les procédures ayant abouti aux décisions «polypropylène» et «PVC II» et considèrent qu’il n’est pas légitime d’affirmer qu’Eni pouvait, dans le cadre de la procédure préalable à la décision litigieuse, fournir des éléments de nature à renverser la présomption d’influence déterminante d’Eni sur Anic et EniChem, devenue [confidentiel], pour les périodes contemporaines des procédures clôturées depuis longtemps, ayant donné lieu aux décisions «polypropylène» et «PVC II».

83

En outre, le fait que la Commission n’ait pas impliqué Eni dans lesdites procédures indiquerait que la Commission considérait que la circonstance du contrôle par une société mère de 100 % du capital d’une filiale impliquée était, à cet égard, dénuée de pertinence. Versalis et Eni rappellent que la détention de la totalité du capital de la filiale par la société mère était alors insuffisante pour établir l’influence déterminante de celle-ci et que la Commission aurait dû prouver l’exercice effectif par Eni d’une telle influence sur Anic et sur EniChem.

84

Versalis et Eni font également valoir que l’actuelle Eni est une société totalement différente de celle qu’elle était à l’époque des décisions «polypropylène» et «PVC II», à savoir un organisme public contrôlé et dirigé par le gouvernement italien pour permettre à l’État italien de gérer ses participations dans certains secteurs considérés comme étant d’intérêt national.

85

S’agissant de la seconde branche du premier moyen du pourvoi de la Commission, Versalis et Eni font valoir que la Commission procède à une lecture erronée du point 274 de l’arrêt attaqué. Selon elles, le Tribunal fait référence non pas à une sanction se traduisant par une amende, mais plutôt à la non-responsabilité d’Eni dans le cadre des décisions «polypropylène» et «PVC II», dans la mesure où celle-ci ne faisait pas partie des entreprises sanctionnées.

Appréciation de la Cour

86

Le premier moyen du pourvoi de la Commission a trait à la circonstance aggravante de récidive retenue contre Eni en raison de la condamnation d’Anic et d’EniChem, respectivement, par les décisions «polypropylène» et «PVC II», au titre de leur participation à des ententes.

87

Ainsi qu’il résulte du point 28 des lignes directrices de 2006 et de la jurisprudence de la Cour, la circonstance aggravante de récidive est caractérisée par la poursuite ou la répétition par une entreprise d’une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que cette entreprise a enfreint les dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, points 40 et 41).

88

À cet égard, il convient de rappeler que le droit de l’Union en matière de concurrence vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, EU:C:2009:536, point 54 et jurisprudence citée).

89

Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction. Cela étant, l’infraction au droit de l’Union en matière de concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, EU:C:2009:536, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).

90

S’agissant du comportement d’une filiale, selon la jurisprudence constante rappelée au point 40 du présent arrêt, ce comportement peut être imputé, aux fins de l’application de l’article 81 CE, à la société mère lorsque la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et forment une seule entreprise au sens de cet article.

91

Ainsi, pour établir la circonstance aggravante de récidive à l’égard de la société mère, il n’est pas exigé que cette dernière ait fait l’objet de poursuites antérieures, ayant donné lieu à une communication des griefs et à une décision. À cette fin, ce qui importe notamment est la constatation antérieure d’une première infraction résultant du comportement d’une filiale avec laquelle cette société mère impliquée dans la seconde infraction formait, déjà au moment de la première infraction, une seule entreprise au sens de l’article 81 CE.

92

L’objectif de réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence et d’en prévenir le renouvellement au moyen de sanctions dissuasives (voir arrêt ETI e.a., EU:C:2007:775, point 41 et jurisprudence citée) serait compromis si une entreprise, englobant une filiale visée par une première infraction, était en mesure, en modifiant sa structure juridique par la création de nouvelles filiales qui n’ont pu être poursuivies en raison de la première infraction, mais sont impliquées dans la commission de la nouvelle infraction, de rendre impossible ou particulièrement difficile et, partant, d’éviter la sanction de la récidive.

93

Certes, ainsi que le Tribunal l’a jugé dans l’arrêt attaqué, les droits de la défense de la personne juridique à laquelle la récidive est reprochée doivent être respectés. Ce respect n’exige cependant pas, ainsi que le Tribunal l’a à tort indiqué au point 274 de l’arrêt attaqué, que cette personne juridique ait été en mesure, dans le cadre des poursuites diligentées en raison d’une première infraction, de contester qu’elle formait avec d’autres entités également poursuivies une même unité économique. Il importe simplement qu’il soit assuré que ladite personne juridique soit en mesure de se défendre au moment où la récidive lui est reprochée.

94

À cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être pleinement observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 9; ARBED/Commission, C‑176/99 P, EU:C:2003:524, point 19, ainsi que Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, EU:C:2009:500, point 34).

95

Dans le cadre d’une procédure d’infraction aux règles de concurrence, c’est la communication des griefs qui constitue la garantie procédurale essentielle à cet égard (voir, en ce sens, arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 10, ainsi que Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, EU:C:2009:500, point 35).

96

Lorsque la Commission entend imputer une infraction au droit de la concurrence à une personne juridique et invoquer la récidive à son encontre, la communication des griefs doit contenir tous les éléments permettant à cette personne juridique de se défendre. Plus particulièrement, si cette dernière est une société mère contre laquelle est invoquée la circonstance aggravante de récidive du fait du comportement anticoncurrentiel constaté par la Commission dans le chef d’une de ses filiales, mais pour laquelle cette société mère n’a pas été, antérieurement à cette communication, destinataire d’une décision constatant une première infraction, la communication des griefs qui est adressée à cette dernière doit contenir les éléments justifiant que les conditions de la récidive sont remplies et, notamment, établissant que ladite personne juridique formait, au moment de la première infraction, une seule entreprise avec la société à l’égard de laquelle la première infraction a été constatée. À cet égard, il incombe à la Commission d’établir que la personne juridique visée par la seconde infraction exerçait déjà, au moment de la première infraction, une influence déterminante sur la filiale impliquée dans la première infraction.

97

Contrairement à ce que fait valoir Eni, la période de temps qui sépare une première infraction aux règles de la concurrence d’une seconde infraction n’interdit pas, en principe, d’invoquer la circonstance aggravante de récidive à l’égard d’une personne juridique qui n’a pas été poursuivie pour la première infraction. Toutefois, il incombe à la Commission de prendre en compte, dans son appréciation de la propension de l’entreprise à s’affranchir des règles de la concurrence, le temps écoulé entre les deux infractions (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 70). De surcroît, lorsque le juge de l’Union européenne contrôle si le principe des droits de la défense a été respecté, il lui appartient de prendre en considération toutes les circonstances de l’affaire en cause, notamment les difficultés éventuelles de preuve résultant du temps écoulé depuis la première infraction ou l’évolution structurelle de l’entreprise, ou encore l’évolution des règles juridiques applicables en matière de concurrence.

98

Par ailleurs, il importe de rappeler que c’est à la Commission d’établir que les conditions de la récidive sont remplies, tant dans la communication des griefs que dans la décision. Ainsi, lorsque la Commission inflige une amende à une société pour une violation des règles de l’Union en matière de concurrence et qu’elle applique, lors du calcul de l’amende, un coefficient multiplicateur pour tenir compte du fait que cette même société aurait déjà, antérieurement, été impliquée dans une infraction aux règles de la concurrence, elle est tenue de fournir, avec la décision infligeant ladite amende, un exposé de nature à permettre aux juridictions de l’Union ainsi qu’à cette société de saisir en quelle qualité et dans quelle mesure elle aurait été impliquée dans l’infraction antérieure. Notamment, si la Commission considère que ladite société a fait partie de l’entreprise destinataire de la décision portant sur l’infraction antérieure, il lui incombe de motiver à suffisance de droit cette affirmation (arrêts Eni/Commission, EU:C:2013:289, point 129, et Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 142).

99

S’agissant de la circonstance aggravante de récidive invoquée à l’égard d’Eni, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner la communication des griefs, il suffit de constater que seul le considérant 540 de la décision litigieuse contient la mention du fait qu’EniChem a déjà été la destinataire de décisions antérieures portant sur des activités collusoires, renvoyant à une note en bas de page dans laquelle sont citées la décision «polypropylène», «dans laquelle [la Commission] a constaté que [Anic], filiale du groupe ENI, a participé à l’entente», ainsi que la décision «PVC II», «dans laquelle [la Commission] a constaté que [EniChem] a participé à l’entente». Ledit considérant contient par ailleurs la mention selon laquelle Eni est une récidiviste, sans autre explication.

100

Or, la décision «polypropylène» étant adressée, notamment, à Anic, et la décision «PVC II», notamment, à EniChem, force est de constater que les indications données dans la décision litigieuse et rappelées au point précédent du présent arrêt ne permettent aucunement de saisir en quelle qualité et dans quelle mesure Eni, qui ne figure ni parmi les destinataires de la décision «polypropylène» ni parmi ceux de la décision «PVC II», aurait été impliquée dans les infractions constatées par ces décisions.

101

La décision litigieuse ne contenant manifestement aucune motivation permettant à Eni de se défendre et au juge de l’Union d’exercer son contrôle, il y a lieu d’écarter, s’agissant d’Eni, la circonstance aggravante de récidive.

102

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsque, au point 274 de l’arrêt attaqué, il a énoncé les conditions de la récidive. Toutefois, dès lors que la décision du Tribunal, au point 275 de l’arrêt attaqué, écartant, en ce qui concerne Eni, la circonstance aggravante de récidive, apparaît fondée pour d’autres motifs de droit, cette erreur n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision ni des conséquences que le Tribunal en a tirées en ce qui concerne le montant de l’amende, mais il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187 et jurisprudence citée).

103

Il y a lieu, dès lors, de rejeter le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P.

Sur le cinquième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

104

Par le cinquième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni font valoir que le Tribunal a violé les règles du droit de l’Union en matière de récidive en confirmant, aux points 278 à 280 de l’arrêt attaqué, que la circonstance aggravante de récidive était applicable à Versalis et était justifiée par la succession économique de Polimeri Europa à EniChem, devenue [confidentiel], qui avait participé à l’infraction visée dans la décision «PVC II». Elles font valoir, en outre, que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 276 de l’arrêt attaqué, en maintenant la responsabilité solidaire d’Eni pour le paiement de l’amende, y compris pour la partie de cette amende liée à la circonstance aggravante de récidive.

105

En premier lieu, elles invoquent une insuffisance de motivation en ce qui concerne les liens entre les entreprises responsables des différentes infractions. En deuxième lieu, elles contestent l’utilisation du critère de la succession économique. En troisième lieu, elles font valoir que le Tribunal a outrepassé les limites de sa compétence en confirmant l’applicabilité de la circonstance aggravante de la récidive par une motivation différente de celle de la Commission. En quatrième lieu, en invoquant la situation de Bayer, visée au point 367 de l’arrêt attaqué, elles soutiennent que le Tribunal a violé le principe d’égalité de traitement en établissant le pourcentage de réduction de la majoration de l’amende au titre de la circonstance aggravante de récidive à seulement 10 %. En cinquième lieu, Versalis et Eni estiment que, s’agissant du caractère solidaire à l’égard d’Eni de l’obligation de paiement de cette majoration, le Tribunal a manqué à son obligation de motivation et s’est écarté de la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt Arkema/Commission (C‑520/09 P, EU:C:2011:619), où il aurait été reconnu qu’une société mère qui constitue une unité d’entreprise avec une filiale responsable d’une infraction aux règles de concurrence ne répond pas solidairement de la fraction de l’amende correspondant à la récidive de la filiale, dès lors que cette société mère ne constituait pas une unité économique avec cette filiale au moment de la commission de la première infraction.

106

La Commission fait valoir que ces griefs ne sont pas fondés.

Appréciation de la Cour

107

Le présent moyen a trait à la circonstance aggravante de récidive retenue contre Versalis en raison de la condamnation d’EniChem par la décision «PVC II». Dans le cadre de son examen du troisième moyen des requérantes en première instance, auquel le Tribunal renvoie au point 278 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a amplement décrit les liens entre les différentes personnes juridiques auxquelles sont imputées les infractions. Par ailleurs, il ressort de l’examen du deuxième moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni dans l’affaire C‑123/13 P que la continuité d’entreprise entre EniChem, devenue [confidentiel], et Polimeri Europa, devenue Versalis, avait valablement pu être retenue. Par ailleurs, le Tribunal n’a pas excédé ses pouvoirs, mais s’est fondé sur les éléments de la décision litigieuse pour considérer que les conditions de la récidive étaient réunies. Les trois premiers griefs ne sont, dès lors, pas fondés.

108

La récidive ayant été retenue à l’égard de Versalis, anciennement Polimeri Europa, au titre d’une seule infraction antérieure à la décision litigieuse, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, au point 367 de l’arrêt attaqué, que la situation de Versalis et d’Eni était comparable à celle de Bayer, à l’égard de laquelle une récidive au titre d’une seule infraction avait également été retenue. Le quatrième grief n’est, dès lors, pas fondé.

109

S’agissant du cinquième grief, tendant à mettre en cause l’application à Eni de la présomption d’influence de la société mère sur ses filiales impliquées dans l’infraction, il se rapporte au premier moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni. Or, il ressort des points 40 à 45 du présent arrêt que ce moyen a été rejeté. S’agissant de l’arrêt Arkema/Commission (EU:C:2011:619), il suffit de constater que l’argument de Versalis et d’Eni procède d’une lecture erronée de cet arrêt, dans lequel la Cour s’est limitée à contrôler le calcul de l’amende sur la base des choix de la Commission sans prendre position sur les conditions de la récidive.

110

Il résulte de ces éléments que le cinquième moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni doit être rejeté comme étant non fondé

Sur le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P

Argumentation des parties

111

Dans le cadre du deuxième moyen de son pourvoi, afférent aux points 316 et suivants de l’arrêt attaqué, la Commission conteste la comparaison du coefficient multiplicateur destiné à assurer un effet suffisamment dissuasif, utilisé pour déterminer le montant de l’amende infligée à Versalis et à Eni, et de celui appliqué dans la décision litigieuse à Dow ainsi que la réduction, motivée par une violation du principe d’égalité de traitement, du coefficient multiplicateur appliqué à Versalis et à Eni.

112

Elle fait valoir que le Tribunal a outrepassé les limites de sa compétence et a enfreint le principe dispositif, l’article 21 du protocole sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que les articles 44, paragraphe 1, et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en examinant une question de droit relative à une violation alléguée du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le coefficient multiplicateur utilisé à des fins dissuasives, dans le calcul de l’amende qui n’avait pas été soulevée par Versalis et Eni dans la requête introductive d’instance.

113

La Commission relève que, dans cette requête, Versalis et Eni avaient demandé au Tribunal de constater l’illégalité de l’application de ce coefficient multiplicateur en raison du fait que, par l’importance de celui-ci, cette application enfreignait le principe de proportionnalité. À titre subsidiaire, Versalis et Eni avaient requis que ledit coefficient soit réduit. Ce n’est que lors de l’audience tenue devant le Tribunal que ces dernières auraient fait allusion à la violation du principe d’égalité de traitement. Le Tribunal aurait violé les dispositions susmentionnées et, plus particulièrement, le principe dispositif en soulevant ce moyen d’office.

114

Versalis et Eni contestent le deuxième moyen du pourvoi de la Commission. Elles font valoir qu’elles ont invoqué la différence entre les coefficients multiplicateurs appliqués à des fins dissuasives pour le calcul des amendes infligées aux différentes entreprises impliquées au soutien de leur moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité. Selon elles, le principe d’égalité de traitement est lié au principe de proportionnalité. Le Tribunal n’aurait, dès lors, pas fait application d’office d’un moyen nouveau. La Commission ne se serait d’ailleurs pas plainte, lors de ladite audience, de la présentation d’un moyen nouveau par Versalis et Eni.

115

Versalis et Eni rappellent également la jurisprudence de la Cour relative à la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

Appréciation de la Cour

116

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 101 de ses conclusions, Versalis et Eni ont, à diverses reprises et, notamment, dans leur requête de première instance, fait grief à la Commission de l’application d’un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives supérieur à celui appliqué à d’autres entreprises. Par ce grief, Versalis et Eni invoquent, en substance, un moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, qui dès lors était soumis à la discussion des parties. Il s’ensuit que le Tribunal ne s’est pas prononcé d’office sur ce moyen.

117

Le deuxième moyen du pourvoi de la Commission doit, dès lors, être rejeté.

Sur le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P

Argumentation des parties

118

Dans le cadre du troisième moyen de son pourvoi, afférent aux points 323 à 325 de l’arrêt attaqué, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le coefficient multiplicateur de l’amende, utilisé à des fins dissuasives. L’arrêt attaqué serait également entaché d’un défaut de motivation. En particulier, le Tribunal aurait ignoré le pouvoir d’appréciation de la Commission pour déterminer le montant des amendes au vu des circonstances pertinentes et obligerait celle-ci à procéder à un calcul purement mathématique pour établir le coefficient multiplicateur à appliquer aux amendes de Versalis et d’Eni. En outre, le Tribunal aurait commis une erreur en exigeant que la majoration de l’amende aux fins de l’effet dissuasif soit proportionnelle aux chiffres d’affaires respectifs des entreprises impliquées, et non pas que les coefficients multiplicateurs ou les amendes résultant de l’application des coefficients multiplicateurs soient proportionnels au chiffre d’affaires total de ces entreprises.

119

Versalis et Eni font valoir que, sous couvert du troisième moyen de son pourvoi, la Commission demande à la Cour une nouvelle appréciation du coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives. Dès lors, ce moyen serait irrecevable. Ledit moyen serait, en tout état de cause, non fondé. En effet, le Tribunal aurait agi dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction et la Commission n’aurait pas démontré que la méthode préconisée par le Tribunal serait moins dissuasive que celle proposée par la Commission, laquelle pourrait avoir des résultats disproportionnés.

Appréciation de la Cour

120

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 105 de ses conclusions, le troisième moyen du pourvoi de la Commission porte non pas sur la nécessité de respecter le principe d’égalité de traitement entre les différents participants à une même entente, mais sur les éléments à prendre en considération pour vérifier la proportionnalité des amendes infligées. À cet égard, le Tribunal s’est fondé sur les éléments contenus dans la décision litigieuse, a motivé sa décision avec précision et n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 325 de l’arrêt attaqué, que le choix du coefficient multiplicateur de 1,4 n’était pas adéquat eu égard à la différence de chiffre d’affaires entre Eni et Dow.

121

Ledit moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le sixième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

122

Dans le cadre du sixième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni font valoir que le Tribunal aurait appliqué de manière manifestement erronée l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, en déterminant le montant maximal de l’amende autrement qu’en fonction du seul chiffre d’affaires de [confidentiel], anciennement EniChem.

123

La Commission considère que ce moyen se confond avec les premier et deuxième moyens du pourvoi de Versalis et d’Eni.

Appréciation de la Cour

124

Ledit moyen est fondé sur l’hypothèse où il serait fait droit aux premier et deuxième moyens dudit pourvoi. Ces deux derniers moyens ayant été rejetés, il n’y a pas lieu de répondre au sixième moyen du pourvoi de Versalis et d’Eni.

Sur le septième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

125

Dans le cadre du septième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni contestent le rejet par le Tribunal du dixième moyen du recours en première instance, tiré de ce que la Commission n’a pas pris en compte la coopération de [confidentiel] et de Versalis menée en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2002, ainsi que du onzième moyen de ce recours, tiré de l’absence de réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002. Elles font valoir que le Tribunal n’a pas exercé le contrôle juridictionnel qui lui incombait et que, en tout état de cause, il a commis une erreur d’appréciation et a manqué à son obligation de motivation, en estimant que la Commission n’avait pas violé les principes d’équité, d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime lors de l’appréciation de cette coopération.

126

Versalis et Eni reprochent au Tribunal d’avoir repris, au point 355 de l’arrêt attaqué, en se référant à la marge d’appréciation reconnue à la Commission en ce qui concerne la méthode de calcul des amendes, l’appréciation de celle-ci des éléments que Versalis et Eni ont fournis dans le cadre de ladite coopération. Le Tribunal aurait dû exercer son contrôle au regard de la manière avec laquelle la Commission a appliqué la communication sur la coopération de 2002 dans d’autres affaires. Par ailleurs, il n’aurait pas tenu compte de la date tardive à laquelle Versalis et Eni ont eu connaissance de l’enquête, alors que cela aurait eu une incidence sur la valeur ajoutée des informations que Versalis et Eni pouvaient communiquer. Ces dernières reprochent également à la Commission de ne pas avoir effectué une inspection plus tôt.

127

Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en ne constatant pas que la Commission avait violé le principe de protection de la confiance légitime, alors que les informations fournies par Versalis et Eni apportaient une valeur ajoutée significative par comparaison avec les informations fournies dans des affaires ayant donné lieu à d’autres décisions de la Commission et que Versalis et Eni pouvaient légitimement considérer que leur coopération totale, loyale et continue serait dûment récompensée. Elles contestent le point 358 de l’arrêt attaqué comme étant dénué de fondement.

128

De même, Versalis et Eni auraient été discriminées par rapport aux autres entreprises ayant demandé à bénéficier d’une réduction de leur amende, dont les déclarations étaient incohérentes, imprécises et dénuées de fiabilité.

129

La Commission soutient que le septième moyen du pourvoi formé par Versalis et Eni est irrecevable en ce qu’il n’est que la réitération des arguments invoqués devant le Tribunal et vise à obtenir une nouvelle appréciation en fait des informations fournies par [confidentiel], anciennement EniChem, à la Commission.

Appréciation de la Cour

130

Par le septième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni contestent essentiellement la réponse apportée par le Tribunal au onzième moyen de leur requête de première instance. Après avoir rappelé, au point 354 de l’arrêt attaqué, la notion de «valeur ajoutée» telle qu’elle figure dans la communication sur la coopération de 2002, le Tribunal a examiné les preuves fournies par Versalis et Eni afin de vérifier si elles apportaient une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont la Commission était déjà en possession.

131

Aux points 357 à 363 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une analyse précise et motivée des éléments de preuve, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi. Eu égard à cette appréciation, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté les différents arguments de Versalis et d’Eni.

132

Il y a lieu, dès lors, de rejeter le septième moyen du pourvoi formé par Versalis et Eni.

Sur le huitième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P

Argumentation des parties

133

Dans le cadre du huitième moyen de leur pourvoi, Versalis et Eni soutiennent que le Tribunal n’a pas exercé un contrôle juridictionnel complet sur le montant de l’amende finale, qui serait injuste, inapproprié et disproportionné. Elles considèrent que le Tribunal s’est abstenu d’examiner leurs arguments de manière approfondie et s’est limité à un simple contrôle de légalité de la décision litigieuse.

134

La Commission considère que le Tribunal a procédé à un examen approfondi des arguments de Versalis et d’Eni. Ces dernières chercheraient à inciter la Cour à procéder à un réexamen du montant de l’amende.

Appréciation de la Cour

135

Il y a lieu de constater que ledit moyen vise l’arrêt dans sa globalité et ne précise pas les points de motifs de l’arrêt attaqué qui sont contestés. À ce titre, il est trop imprécis et trop obscur pour recevoir une réponse.

136

Par ailleurs, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 125).

137

Il résulte de ces éléments que le huitième moyen du pourvoi formé par Versalis et Eni doit être rejeté comme étant irrecevable.

138

L’ensemble des moyens ayant été rejetés tant dans l’affaire C‑93/13 P que dans l’affaire C‑123/13 P, il y a lieu de rejeter les deux pourvois.

Sur les dépens

139

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

140

S’agissant du pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P, Versalis et Eni ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

141

S’agissant du pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P, la Commission ayant conclu à la condamnation de Versalis et d’Eni et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Les pourvois dans les affaires C‑93/13 P et C‑123/13 P sont rejetés.

 

2)

La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents au pourvoi dans l’affaire C‑93/13 P.

 

3)

Versalis SpA et Eni SpA sont condamnées aux dépens afférents au pourvoi dans l’affaire C‑123/13 P.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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