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Document 62011TJ0326

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 25 avril 2012.
Brainlab AG contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Marque communautaire - Marque communautaire verbale BrainLAB - Absence de demande de renouvellement de l’enregistrement de la marque - Radiation de la marque à l’expiration de l’enregistrement - Requête en restitutio in integrum - Article 81 du règlement (CE) nº 207/2009.
Affaire T-326/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2012:202

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 avril 2012 ( *1 )

«Marque communautaire — Marque communautaire verbale BrainLAB — Absence de demande de renouvellement de l’enregistrement de la marque — Radiation de la marque à l’expiration de l’enregistrement — Requête en restitutio in integrum — Article 81 du règlement (CE) no 207/2009»

Dans l’affaire T‑326/11,

Brainlab AG, établie à Feldkirchen (Allemagne), représentée par Me J. Bauer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme R. Manea, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 avril 2011 (affaire R 1596/2010‑4), relative à la requête en restitutio in integrum et à la demande de renouvellement de l’enregistrement de la marque BrainLAB introduites par la requérante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2011,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1

Aux termes de l’article 46 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), la durée de l’enregistrement de la marque communautaire est de dix années à partir de la date du dépôt de la demande. L’enregistrement peut être renouvelé, conformément à l’article 47 de ce même règlement, pour des périodes de dix années.

2

Aux termes de l’article 47, paragraphes 1 à 3, du règlement no 207/2009 :

«1.   L’enregistrement de la marque communautaire est renouvelé sur demande du titulaire de la marque ou de toute personne expressément autorisée par lui, pour autant que les taxes aient été payées.

2.   L’Office informe le titulaire de la marque communautaire et tout titulaire d’un droit enregistré sur la marque communautaire de l’expiration de l’enregistrement, en temps utile avant ladite expiration. L’absence d’information n’engage pas la responsabilité de l’Office.

3.   La demande de renouvellement est à présenter dans un délai de six mois expirant le dernier jour du mois au cours duquel la période de protection prend fin […]»

3

Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, intitulé «Restitutio in integrum» :

«Le demandeur ou le titulaire d’une marque communautaire ou toute autre partie à une procédure devant l’Office qui, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’Office est, sur requête, rétabli dans ses droits si l’empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu des dispositions du présent règlement, la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours.»

4

Aux termes de la règle 29 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1, ci-après le «règlement d’exécution»), intitulée «Notification de l’expiration de l’enregistrement» :

«Six mois au moins avant l’expiration de l’enregistrement, l’Office informe le titulaire de la marque communautaire et les titulaires de droits enregistrés sur la marque communautaire, y compris les licenciés, que l’enregistrement arrive à expiration. L’absence d’information est sans effet sur l’expiration de l’enregistrement.»

5

Aux termes de la règle 30, paragraphe 5, du règlement d’exécution, si aucune demande de renouvellement n’est présentée avant l’expiration du délai visé à l’article 47, paragraphe 3, troisième phrase, du règlement no 207/2009 ou que la demande est présentée après expiration de ce délai, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) constate que l’enregistrement est arrivé à expiration et en informe le titulaire de la marque communautaire.

6

Aux termes de la règle 67, paragraphe 1, du règlement d’exécution, intitulée «Notification au représentant» :

«Si un représentant a été désigné […], les notifications sont faites au représentant désigné […]»

Antécédents du litige

7

La requérante, Brainlab AG, est l’actuelle titulaire de la marque communautaire verbale BrainLAB, déposée le 26 août 1999 et enregistrée le 4 décembre 2000 sous le numéro 1290113. Un cabinet d’avocats et de conseils en brevets a été désigné, à l’occasion de cet enregistrement, pour représenter la titulaire auprès de l’OHMI, au sens de la règle 67, paragraphe 1, du règlement d’exécution (ci-après les «représentants désignés»).

8

Par lettre du 2 décembre 2008, les représentants désignés ont demandé à l’OHMI d’enregistrer dans sa base de données le changement d’adresse de la requérante. Par communication du 18 février 2009, l’OHMI a confirmé l’enregistrement de ce changement d’adresse aux représentants désignés.

9

Entre-temps, le 2 février 2009, l’OHMI a envoyé directement à la requérante, plutôt qu’à ses représentants désignés, et en indiquant par erreur son ancienne adresse, une communication au titre de l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et de la règle 29 du règlement d’exécution, l’informant de l’expiration prochaine de l’enregistrement de la marque en cause (ci-après la «communication de rappel»). Cette communication indiquait, notamment, que la demande de renouvellement de l’enregistrement et le paiement des taxes de renouvellement devaient intervenir avant le 31 août 2009 ou, moyennant le paiement d’une surtaxe, dans un délai supplémentaire expirant le 1er mars 2010.

10

Il est constant que, malgré cette erreur d’adresse, la communication de rappel est bien parvenue à la requérante dans les jours qui ont suivi son envoi, grâce au service postal de réexpédition du courrier.

11

Les éléments du dossier, en particulier une déclaration sous serment de M. W., le préposé de la requérante chargé du suivi de la marque en cause, ne permettent pas, en revanche, d’établir que ladite communication de rappel a été transmise par celui-ci aux représentants désignés. Ceux-ci affirment que tel n’a pas été le cas. De même, dans son mémoire en défense, l’OHMI fait observer qu’il n’existe aucun élément attestant la réalité de cette transmission. La communication de rappel a par ailleurs été ultérieurement retrouvée, dans les locaux de la requérante, dans le dossier contenant la correspondance échangée avec ses représentants désignés à propos de la marque en cause.

12

Aucune demande de renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause n’est en tout cas parvenue à l’OHMI dans les délais prescrits et celui-ci a dès lors émis une communication en vertu de la règle 30, paragraphe 5, du règlement d’exécution, constatant l’expiration de l’enregistrement de ladite marque à la date du 2 mars 2010. Cette communication a, elle aussi, été envoyée directement à la requérante, mais à sa nouvelle adresse, le 23 mars 2010.

13

Le 1er avril 2010, les représentants désignés ont informé l’OHMI de ce qu’ils avaient eu connaissance du fait que la mention de leur désignation en tant que représentants de la requérante avait été radiée par erreur de la base de données de l’OHMI, sans qu’ils en aient fait la demande. Ils ont présenté une nouvelle demande de désignation en tant que représentants de la requérante, laquelle a été confirmée par une communication de l’OHMI du même jour.

14

Le 19 mai 2010, les représentants désignés ont présenté devant l’OHMI, au nom et pour le compte de la requérante, une demande de renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause ainsi qu’une demande de restitutio in integrum, au sens de l’article 81 du règlement no 207/2009, en ce qui concerne le délai de dépôt de la demande de renouvellement dudit enregistrement et de paiement de la taxe de renouvellement.

15

Par décision du 29 juillet 2010, la division de l’administration des marques et des questions juridiques de l’OHMI a rejeté la demande de restitutio in integrum au motif que ni la requérante ni ses représentants désignés n’avaient fait preuve de la diligence requise au sens de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

16

Le 16 août 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre cette décision. Les motifs invoqués à l’appui de ce recours étaient, en substance, les suivants :

les représentants désignés disposent d’un système de surveillance des délais de renouvellement de l’enregistrement des marques communautaires dont ils ont la charge, composé de trois instances indépendantes les unes des autres («piliers de contrôle») ;

le premier pilier consiste en un système d’avertissement par voie de fiches préétablies et classées chronologiquement, annonçant trois mois à l’avance l’expiration du délai décennal de renouvellement de l’enregistrement des marques ;

le deuxième pilier consiste en la tenue d’un registre des délais de renouvellement de l’enregistrement des marques, directement par l’avocat chargé du suivi de la marque concernée auprès des représentants désignés ;

le troisième pilier consiste en un traitement des communications de rappel envoyées par l’OHMI aux représentants désignés conformément à la règle 29 du règlement d’exécution ;

les deux premiers piliers, internes au cabinet des représentants désignés, n’ont pas fonctionné en l’espèce, pour des raisons inexpliquées, malgré leur gestion par des collaborateurs diligents et expérimentés, soumis à des contrôles réguliers ;

le troisième pilier n’a pas fonctionné en raison d’une erreur imputable à l’OHMI, celui-ci ayant adressé la communication de rappel à la requérante à son ancienne adresse et non à ses représentants désignés ; cette erreur de l’OHMI ne devrait causer aucun inconvénient aux intéressés ;

M. W., le préposé de la requérante qui a reçu la communication de rappel et qui est un manager expérimenté, a voulu la transmettre à une collaboratrice des représentants désignés, vraisemblablement par courrier électronique ; il ne se rappelle toutefois plus s’il l’a fait ou s’il a envoyé cette communication à une mauvaise adresse ; toujours est-il que celle-ci a été retrouvée classée dans le dossier de la marque en cause dans les locaux de la requérante, que les représentants désignés ne l’ont pas reçue et qu’ils n’ont dès lors pas pu réagir à son envoi.

17

Par décision du 15 avril 2011 (ci-après la «décision attaquée»), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté la demande de restitutio in integrum et a constaté que la marque en cause avait expiré.

18

Contrairement à la division de l’administration des marques et des questions juridiques, la chambre de recours a admis, aux points 13 et 20 de la décision attaquée, que le système de surveillance des délais de renouvellement de l’enregistrement des marques mis en place par les représentants désignés était régulier, que ceux-ci avaient normalement et correctement accompli leur mission de surveillance, que des erreurs exceptionnelles dans leur système de surveillance pouvaient passer pour excusables et que personne ne pouvait prévoir le dysfonctionnement cumulé de toutes les mesures de précaution mises en œuvre.

19

Elle a cependant estimé, aux points 14 et 15 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le dysfonctionnement de ce système, observé en l’espèce, et le non-renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause dans les délais prescrits. En l’occurrence, en effet, la cause de ce non-renouvellement ne se trouverait pas dans le dysfonctionnement du système de surveillance des délais mis en place par les représentants désignés, mais dans l’absence d’instructions données par la requérante et visant au renouvellement dudit enregistrement, laquelle aurait eu un caractère «libre et volontaire», après réception par elle de la communication de rappel.

20

S’agissant de cette absence de réaction, la chambre de recours a tout d’abord relevé, au point 16 de la décision attaquée, que la déclaration sous serment de M. W. ne contenait pas son propre exposé de la succession des événements, en particulier quant à l’éventuelle intention ou décision de la requérante de renouveler l’enregistrement de la marque en cause et quant aux contacts éventuellement pris à cette fin avec la collaboratrice des représentants désignés.

21

La chambre de recours a ensuite considéré, aux points 16 à 18 de la décision attaquée, que, même si les représentants désignés avaient été avertis de l’expiration prochaine de l’enregistrement de la marque en cause par leur système interne de surveillance des délais ou s’ils avaient reçu la communication de rappel, ils n’auraient pas pu procéder eux-mêmes au renouvellement de l’enregistrement, à défaut d’instruction en ce sens de la requérante. Il n’y aurait donc pas de lien de causalité entre ces événements et le non-renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause, la seule cause de celui-ci étant l’absence d’instruction de renouvellement donnée par la requérante, même après réception par elle de la communication de rappel. La chambre de recours a qualifié cette absence d’instruction de contraire au devoir de vigilance.

22

Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a par ailleurs reconnu que c’était effectivement à tort que la communication de rappel avait été adressée par l’OHMI, non aux représentants désignés, mais directement à la requérante. Elle a toutefois estimé que, en vertu de l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’OHMI ne pouvait se voir imputer la responsabilité de cette erreur. Il serait d’ailleurs dans la nature d’une telle communication de service que l’on ne puisse se fier à sa réception.

Conclusions des parties

23

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

renvoyer l’affaire à la chambre de recours afin que celle-ci décide si la diligence requise a été respectée dans le cadre du renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause ;

condamner l’OHMI aux dépens.

24

L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

25

Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

26

La requérante commence par exposer en détail le système de surveillance des délais de renouvellement de l’enregistrement des marques mis en place par ses représentants désignés. Elle souligne que la chambre de recours a constaté, à juste titre, que ce système de surveillance était régulier, ce qui rendrait excusable la faute commise en l’espèce par lesdits représentants.

27

En réponse aux griefs de négligence et d’erreur inexcusable retenus par la chambre de recours à l’encontre de la requérante elle-même, pour ne pas avoir donné d’instructions à ses représentants désignés après avoir reçu la communication de rappel, celle-ci expose que lesdits représentants assurent sa représentation légale, notamment auprès de l’OHMI, pour la totalité de ses 654 marques et brevets nationaux, communautaires et européens, dont 16 marques communautaires. Ce faisant, ils l’informeraient systématiquement, entre trois mois et un mois avant l’expiration du délai de renouvellement de l’enregistrement de chacune de ses marques, en l’invitant à leur donner instruction de procéder audit renouvellement. Jusqu’à la présente affaire, la requérante aurait toujours dûment reçu ces rappels et elle y aurait systématiquement réagi. En revanche, elle n’aurait jamais reçu de tels rappels directement de l’OHMI, sauf précisément en l’espèce. La requérante estime, en conséquence, qu’elle pouvait légitimement se fier au fait que ses représentants désignés attireraient son attention sur la nécessité de renouveler l’enregistrement de la marque en cause dans le délai habituel de trois mois. Telle serait également la raison pour laquelle elle n’a pas autrement réagi à la communication de rappel.

28

La requérante ajoute qu’il n’incombe pas au titulaire d’une marque communautaire d’instaurer son propre système de surveillance des délais, parallèlement à celui de ses représentants professionnels. Au contraire, seul le système de surveillance des délais du représentant professionnel devrait offrir des garanties de bon fonctionnement [arrêt du Tribunal du 13 mai 2009, Aurelia Finance/OHMI (AURELIA), T-136/08, Rec. p. II-1361, point 18]. Tel aurait bien été le cas en l’espèce.

29

Quant à l’absence alléguée de lien de causalité entre le dysfonctionnement du système de surveillance des délais mis en place par ses représentants désignés et le non-renouvellement en temps utile de l’enregistrement de la marque en cause (voir point 21 ci-dessus), la requérante insiste sur le fait que ladite marque coïncide avec sa désignation commerciale et que cette marque a été de nouveau déposée en tant que marque communautaire le 30 mars 2010, soit une semaine seulement après l’envoi de la communication relative à sa radiation du registre des marques communautaires. La supposition de la chambre de recours selon laquelle rien n’indique que la requérante aurait donné des instructions de renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause, si elle avait été informée de son échéance prochaine par ses représentants désignés, serait donc totalement irréaliste. Bien au contraire, fait-elle valoir, en cas de doute, ses représentants désignés, qui la représentent dans tous les domaines de la protection de la propriété intellectuelle, auraient veillé au renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause même en l’absence d’instruction concrète en ce sens et ils n’auraient agi autrement qu’en cas d’instruction expresse de non-renouvellement.

30

Selon l’OHMI, le recours est manifestement non fondé.

31

S’agissant de sa propre attitude, l’OHMI fait valoir, d’une part, que, aux termes de l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et de la règle 29 du règlement d’exécution, il est tenu d’informer le titulaire lui-même de l’expiration prochaine de l’enregistrement d’une marque communautaire. Aucune de ces dispositions ne mentionnerait l’obligation d’informer un éventuel représentant professionnel.

32

D’autre part, l’OHMI fait valoir que, aux termes de ces mêmes dispositions, il n’est pas responsable de l’absence d’information de l’intéressé ni, a fortiori, d’un «envoi à une mauvaise adresse».

33

S’agissant de la question de savoir si le système de surveillance des délais mis en place par les représentants désignés fait preuve de la vigilance requise par les circonstances, l’OHMI approuve l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle cette question est dénuée de pertinence en l’espèce.

34

S’agissant du prétendu manque de vigilance de la requérante elle-même, l’OHMI se rallie en effet à l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il a été, en l’occurrence, la cause déterminante du dépassement du délai de renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause. La requérante aurait en effet disposé d’une période de près de treize mois pour procéder à ce renouvellement. Au cours de cette période, la requérante n’aurait entrepris aucune démarche auprès de l’OHMI et elle n’aurait donné aucune instruction à ses représentants désignés, ni même contacté ceux-ci, alors même qu’elle venait d’être officiellement avertie, par la communication de rappel, de l’expiration prochaine dudit enregistrement. Ce comportement serait incompatible avec la vigilance requise par les circonstances, d’autant que la marque en cause était la «marque maison» de la requérante et qu’elle aurait dû, à ce titre, bénéficier d’un degré d’attention particulier.

35

Quant à l’affirmation selon laquelle les représentants désignés auraient, dans le doute, renouvelé l’enregistrement de la marque en cause même en l’absence d’instructions de la requérante en ce sens (voir point 29 ci-dessus), l’OHMI l’estime non pertinente, car purement spéculative. Elle serait, de surcroît, contredite par l’exposé fait au point 44 de la requête, selon lequel le mandat des représentants désignés ne leur aurait pas conféré le droit de procéder, de leur propre initiative et sans instructions concrètes de la requérante, au renouvellement de l’enregistrement d’une marque.

36

À cet égard, il ressort de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 que la restitutio in integrum est subordonnée à deux conditions, la première étant que la partie ait agi avec toute la vigilance nécessaire au regard des circonstances et la seconde que l’empêchement de la partie ait eu pour conséquence directe la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours [voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 2011, Prinz Sobieski zu Schwarzenberg/OHMI — British-American Tobacco Polska (Romuald Prinz Sobieski zu Schwarzenberg), T‑271/09, non publié au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée].

37

Il ressort également de cette disposition que le devoir de vigilance incombe, au premier chef, au titulaire de la marque communautaire. Ainsi, si le titulaire délègue les tâches administratives relatives au renouvellement de l’enregistrement d’une marque, il doit veiller à ce que la personne choisie présente les garanties nécessaires permettant de présumer une bonne exécution desdites tâches (arrêt AURELIA, précité, point 14).

38

Il convient également de considérer que, en raison de la délégation de ces tâches, la personne choisie est, tout autant que le titulaire, soumise au devoir de vigilance. En effet, celle-ci agissant au nom et pour le compte du titulaire, ses actes doivent être considérés comme étant ceux du titulaire (arrêts AURELIA, précité, point 15, et Romuald Prinz Sobieski zu Schwarzenberg, précité, point 54).

39

En l’espèce, au vu des événements relatés ci-dessus, le Tribunal constate que le non-renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause dans les délais prescrits procède de ce que la chambre de recours a qualifié, à la suite de la division de l’administration des marques et des questions juridiques, d’«enchaînement d’un grand nombre de circonstances malheureuses» (point 20 de la décision attaquée). Il convient d’approuver sans réserve, dans ce contexte, l’appréciation d’ordre général de la chambre de recours selon laquelle «la restitutio in integrum est justement prévue pour de tels cas».

40

Parmi les «circonstances malheureuses» en question, trois doivent être considérées, ainsi qu’il sera exposé ci-après, comme ayant contribué de façon déterminante à ce non-renouvellement, à savoir : i) le dysfonctionnement, resté inexpliqué, des deux premiers «piliers de contrôle» internes du système de surveillance des délais mis en place par les représentants désignés ; ii) la radiation intempestive et non sollicitée de la mention des représentants désignés, en tant que représentants de la requérante, de la base de données de l’OHMI (voir point 13 ci‑dessus), laquelle a elle-même eu pour conséquence l’envoi erroné de la communication de rappel à la requérante, qui plus est à son ancienne adresse, plutôt qu’à ses représentants désignés ; iii) la réaction confuse et inappropriée de M. W. à cette communication, laquelle a eu pour conséquence que les représentants désignés n’ont reçu aucune instruction spontanée de renouvellement de l’enregistrement de la part de la requérante.

41

S’agissant de la première de ces «circonstances malheureuses», il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les termes «toute la vigilance nécessitée par les circonstances» figurant à l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 requièrent, en cas d’appel à un mandataire spécialisé, la mise en place d’un système interne de contrôle et de surveillance des délais qui exclut généralement le non-respect involontaire de ceux-ci, ainsi que le prévoient les directives relatives aux procédures devant l’OHMI. Il s’ensuit que seuls des événements à caractère exceptionnel et, partant, imprévisibles selon l’expérience peuvent donner lieu à une restitutio in integrum (arrêt AURELIA, précité, point 26).

42

Ces conditions ont manifestement été satisfaites en l’espèce, ainsi qu’il ressort des constatations opérées par la chambre de recours et des explications complémentaires circonstanciées avancées par la requérante, lesquelles ne sont pas mises en cause par l’OHMI.

43

La requérante doit donc être considérée comme ayant agi, a priori, avec toute la vigilance nécessaire au regard des circonstances en désignant, pour la représenter dans le cadre de ses relations avec l’OHMI, un cabinet d’avocats et de conseils en brevets tel que celui de ses représentants désignés, équipé d’un double système interne de surveillance des délais dont l’OHMI a admis, tant dans la décision attaquée que dans son mémoire en réponse, qu’il était régulier.

44

La même conclusion s’impose en ce qui concerne les représentants désignés, la chambre de recours ayant du reste reconnu, au point 13 de la décision attaquée, que des erreurs exceptionnelles affectant leur système interne de surveillance des délais étaient excusables.

45

S’agissant des deux autres «circonstances malheureuses» mentionnées au point 40 ci-dessus, il convient de relever d’emblée que le manque de vigilance dont pourrait avoir fait preuve M. W., le préposé de la requérante, en ne prenant pas contact avec l’OHMI ou avec les représentants désignés, aussitôt après avoir reçu la communication de rappel, n’a pu avoir de conséquences sur le non-renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause que parce que ce manque de vigilance a lui-même été rendu possible par l’erreur préalablement commise par l’OHMI en radiant d’office la mention des représentants désignés de sa base de données et en ne leur notifiant dès lors pas la communication de rappel.

46

Certes, une partie doit faire preuve de toute la vigilance requise par les circonstances en vue du renouvellement en temps utile de l’enregistrement de sa marque communautaire, ce qui implique en principe qu’elle réagisse promptement et adéquatement à la réception d’une communication que lui adresse directement l’OHMI au titre de la règle 29 du règlement d’exécution.

47

Il n’en demeure pas moins que, lorsqu’une telle partie a confié la gestion du suivi de sa marque communautaire à un représentant professionnel et qu’elle en a dûment avisé l’OHMI, celui-ci est également tenu de respecter ce choix en adressant ses communications officielles de service audit représentant désigné, de façon à mettre celui-ci en mesure de défendre les intérêts de sa mandante avec le degré de vigilance supérieur dont il est censé faire preuve en tant que professionnel qualifié (voir, à cet égard, les directives relatives aux procédures devant l’OHMI, partie A, chapitre 6, point 6.2.3).

48

À cet égard, l’OHMI ne saurait se fonder sur l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et la règle 29 du règlement d’exécution, en soutenant que ces dispositions lui imposent d’informer le titulaire d’une marque communautaire, mais pas son représentant professionnel désigné, de l’expiration prochaine de l’enregistrement de cette marque (voir point 31 ci-dessus).

49

Cette argumentation méconnaît, en effet, la règle 67 du règlement d’exécution, en vertu de laquelle, si un représentant a été désigné, toutes les notifications doivent lui être faites. Au demeurant, la chambre de recours a reconnu, au point 19 de la décision attaquée, que c’était «effectivement à tort» que la communication de rappel avait été transmise non aux représentants désignés, mais directement à la requérante.

50

En l’occurrence, la requérante et ses représentants désignés étaient donc en droit de s’attendre à ce que, conformément à la règle 67 du règlement d’exécution, toutes les notifications de l’OHMI relatives à la marque en cause et, plus particulièrement, la communication de rappel, prévue par la règle 29 dudit règlement, soient faites aux représentants désignés, lesquels seraient ainsi mis en mesure de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue du renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause, même en cas de défaillance des deux premiers piliers de contrôle internes de leur système de surveillance des délais.

51

S’agissant des conséquences de l’erreur commise en l’espèce par l’OHMI, il convient d’admettre que, en l’absence de celle-ci, les représentants désignés auraient directement reçu la communication de rappel, ce qui aurait entraîné l’activation du troisième «pilier de contrôle» de leur système de surveillance des délais et leur aurait donné toute latitude pour prendre contact avec la requérante, en vue d’obtenir de celle-ci des instructions aux fins du renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause.

52

À cet égard, le Tribunal considère également que, compte tenu, notamment, de l’importance de la marque en cause pour la requérante (cette marque coïncidant avec sa dénomination commerciale), l’absence d’instruction de renouvellement donnée par celle-ci à ses représentants désignés procède d’une méprise ou d’un accident et n’est en tout cas pas le produit d’une «décision libre et volontaire», comme la chambre de recours semble l’avoir considéré au point 15 de la décision attaquée. Il est donc également erroné de voir, dans l’absence d’une telle instruction, la seule cause ou la cause déterminante du non-renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause.

53

Il y a au contraire lieu de tenir pour acquis avec un degré de probabilité confinant à la certitude que, si les représentants désignés avaient été mis en mesure de contacter la requérante, et rien ne permet de supposer qu’ils ne l’auraient pas fait si la communication de rappel leur avait été adressée, leur mandante leur aurait donné pour instruction de demander le renouvellement de l’enregistrement de la marque en cause. La seconde condition d’application de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, telle qu’énoncée au point 36 ci-dessus, est ainsi remplie elle aussi.

54

Dans ces circonstances, en définitive, l’erreur ou la négligence de M. W., le préposé de la requérante, à la supposer même avérée, apparaît comme un élément ponctuel et fortuit, qui n’a été rendu possible et n’a donc eu de conséquences préjudiciables pour celle-ci qu’en raison de l’erreur préalable de l’OHMI, ces deux circonstances ayant contribué de façon déterminante, de concert avec le dysfonctionnement des deux premiers piliers de contrôle internes du système de surveillance des délais mis en place par les représentants désignés, au non-renouvellement en temps utile de l’enregistrement de la marque en cause.

55

Certes, comme l’a relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, conformément à l’article 47, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et à la règle 29 du règlement d’exécution, l’erreur en question de l’OHMI, consistant en la radiation de la mention des représentants désignés de sa base de données et en l’absence consécutive d’envoi de la communication de rappel à ceux-ci, n’engage pas la responsabilité de l’OHMI et elle est sans effet sur l’expiration de l’enregistrement de la marque en cause.

56

Il n’en demeurait pas moins indispensable pour la chambre de recours de tenir dûment compte de cette erreur et de ses conséquences dans l’appréciation du bien-fondé de la demande de restitutio in integrum, laquelle n’implique, en soi, aucune reconnaissance de la responsabilité de l’OHMI. En effet, le degré de vigilance dont doivent faire preuve les parties pour pouvoir être rétablies dans leurs droits doit s’apprécier au regard de toutes les circonstances pertinentes, lesquelles incluent nécessairement en l’espèce, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, ladite erreur et ses répercussions.

57

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que c’est à tort que la chambre de recours a omis de prendre en considération l’erreur commise par l’OHMI, celle-ci étant l’une des trois circonstances pertinentes, en l’espèce, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

58

Il en est résulté une application incorrecte de cette disposition par la chambre de recours.

59

Partant, il y a lieu de reconnaître le bien-fondé du moyen unique du recours et d’annuler la décision attaquée.

60

Pour le surplus, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt. Il n’y a pas lieu, dans ces conditions, de statuer de façon autonome sur le deuxième chef de conclusions de la requérante.

Sur les dépens

61

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62

Aux termes de l’article 136, paragraphe 1, du règlement de procédure, toutefois, lorsqu’il est fait droit à un recours contre une décision d’une chambre de recours, le Tribunal peut ordonner que l’OHMI ne supportera que ses propres dépens.

63

En l’espèce, la requérante ayant contribué, par son propre fait et par le fait de ses représentants désignés, à la naissance du présent litige, il sera fait une juste application de ces dispositions en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 15 avril 2011 (affaire R 1596/2010‑4) est annulée.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 avril 2012.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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