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Document 62011CJ0056

Arrêt de la Cour (première chambre) du 15 novembre 2012.
Raiffeisen-Waren-Zentrale Rhein-Main eG contre Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf.
Protection communautaire des obtentions végétales — Règlement (CE) no 2100/94 — Triage à façon — Obligation du prestataire d’opérations de triage à façon de fournir des informations au titulaire de la protection communautaire — Exigences quant au moment et au contenu de la demande de renseignements.
Affaire C‑56/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:713

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 novembre 2012 ( *1 )

«Protection communautaire des obtentions végétales — Règlement (CE) no 2100/94 — Triage à façon — Obligation du prestataire d’opérations de triage à façon de fournir des informations au titulaire de la protection communautaire — Exigences quant au moment et au contenu de la demande de renseignements»

Dans l’affaire C‑56/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 3 janvier 2011, parvenue à la Cour le 8 février 2011, dans la procédure

Raiffeisen-Waren-Zentrale Rhein-Main eG

contre

Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2012,

considérant les observations présentées:

pour Raiffeisen-Waren-Zentrale Rhein-Main eG, par Mes C. Bittner et F. Eckard, Rechtsanwälte,

pour Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH, par Mes K. von Gierke et J. Forkel, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. B. Schima, Mme M. Vollkommer, M. F. Wilman et Mme I. Galindo Martin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1), ainsi que de l’article 9, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1768/95 de la Commission, du 24 juillet 1995, établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14 paragraphe 3 du règlement no 2100/94 (JO L 173, p. 14), tel que modifié par le règlement (CE) no 2605/98 de la Commission, du 3 décembre 1998 (JO L 328, p. 6, ci-après le «règlement no 1768/95»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Raffeisen-Waren-Zentrale Rhein-Main eG (ci-après «RWZ») à Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH (ci-après «STV») au sujet de la demande d’information que cette dernière lui a présentée pour les campagnes de commercialisation de semences certifiées 2005/2006 et 2006/2007.

Le cadre juridique

Le règlement no 2100/94

3

Conformément à l’article 11 du règlement no 2100/94, le droit à la protection communautaire des obtentions végétales appartient à l’«obtenteur», c’est-à-dire à la «personne qui a créé ou qui a découvert et développé la variété, ou [à] son ayant droit ou ayant cause».

4

L’article 13 de ce règlement, intitulé «Droits du titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales et limitations», dispose:

«1.   La protection communautaire des obtentions végétales a pour effet de réserver à son ou ses titulaires, ci-après dénommés ‘titulaire’, le droit d’accomplir les actes indiqués au paragraphe 2.

2.   Sans préjudice des articles 15 et 16, l’autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée [...]:

a)

production ou reproduction (multiplication);

[...]

Le titulaire peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.

[...]»

5

L’article 14 dudit règlement, intitulé «Dérogation à la protection communautaire des obtentions végétales», dispose, à son paragraphe 1:

«Nonobstant l’article 13, paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales autre qu’une variété hybride ou synthétique.»

6

L’article 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 prévoit:

«Les conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue au paragraphe 1 et de sauvegarder les intérêts légitimes de l’obtenteur et de l’agriculteur sont fixées, avant l’entrée en vigueur du présent règlement, dans le règlement d’application visé à l’article 114, sur la base des critères suivants:

[...]

les petits agriculteurs ne sont pas tenus de payer une rémunération au titulaire; [...]

[...]

les autres agriculteurs sont tenus de payer au titulaire une rémunération équitable, qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété dans la même région; le niveau effectif de cette rémunération équitable peut être sujet à des variations dans le temps, compte tenu de la mesure dans laquelle il sera fait usage de la dérogation prévue au paragraphe 1 pour la variété concernée,

[...]

toute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d’opérations de triage à façon; [...]»

Le règlement no 1768/95

7

L’article 2 du règlement no 1768/95 est rédigé comme suit:

«1.   Les conditions visées à l’article 1er sont mises en œuvre, tant par le titulaire représentant l’obtenteur que par l’agriculteur, de façon à sauvegarder leurs intérêts légitimes réciproques.

2.   Les intérêts légitimes ne seront pas considérés comme sauvegardés si un ou plusieurs de ces intérêts sont compromis sans qu’il soit tenu compte de la nécessité de préserver un équilibre raisonnable entre tous ces intérêts ou de la proportionnalité nécessaire entre le but de la condition visée et l’effet réel de sa mise en œuvre.»

8

L’article 5 de ce règlement, qui établit les règles concernant la rémunération due au titulaire, énonce:

«1.   Le niveau de la rémunération équitable à payer au titulaire en vertu de l’article 14 paragraphe 3 quatrième tiret du règlement [no 2100/94] peut faire l’objet d’un contrat entre le titulaire et l’agriculteur concernés.

2.   Lorsque aucun contrat de ce type n’a été conclu ou n’est applicable, le niveau de la rémunération sera sensiblement inférieur au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la catégorie la plus basse de la même variété susceptible de bénéficier de l’homologation officielle, dans la même région.

[...]

5.   Lorsque, dans le cas du paragraphe 2, un accord du type visé au paragraphe 4 n’est pas applicable, la rémunération à verser est de 50 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication, comme indiqué au paragraphe 2.

[...]»

9

L’article 8 du règlement no 1768/95, intitulé «Informations fournies par l’agriculteur», énonce, à ses paragraphes 3 et 4:

«3.   Les informations visées au paragraphe 2 points b), c), d) et e) se rapportent à la campagne de commercialisation en cours et à l’une ou plusieurs des trois campagnes précédentes pour laquelle ou pour lesquelles le titulaire n’a pas encore présenté de demande d’information conformément aux dispositions du paragraphe 4 ou 5.

Toutefois, la première campagne de commercialisation à laquelle les informations se rapportent ne précède pas celle au cours de laquelle a été présentée la première demande relative à la ou aux variétés et à l’agriculteur concernés, pour autant que le titulaire ait veillé à ce que, au moment de l’acquisition du matériel de multiplication de la ou des variétés en cause, ou auparavant, l’agriculteur ait été informé au moins du classement de la demande d’octroi d’un régime de protection communautaire d’une obtention végétale ou d’octroi d’une telle protection et des conditions liées à l’utilisation de ce matériel de multiplication.

[...]

4.   Dans sa demande, le titulaire spécifiera ses nom et adresse, la ou les variétés pour lesquelles il sollicite des informations ainsi que la ou les références de la protection communautaire des obtentions végétales concernées.

Si l’agriculteur l’exige, la demande devra être écrite et accompagnée des preuves de propriété. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 5, la demande est adressée directement à l’agriculteur concerné.»

10

L’article 9 de ce règlement, intitulé «Informations fournies par les prestataires d’opérations de triage à façon», dispose:

«1.   Le détail des informations fournies par le prestataire d’opérations de triage à façon en vertu de l’article 14 paragraphe 3 sixième tiret du règlement [no 2100/94] peut faire l’objet d’un contrat entre le titulaire et le prestataire concernés.

2.   Lorsqu’aucun contrat de ce type n’a été conclu ou n’est applicable, le prestataire, sans préjudice des obligations d’information applicables au titre de la législation communautaire ou de la législation des États membres, est tenu de communiquer au titulaire, à la demande de celui-ci, une déclaration relative aux informations utiles. Il est utile de préciser les points suivants:

a)

le nom du prestataire d’opérations de triage à façon, la localité de son domicile et les nom et adresse auxquels est enregistrée son activité professionnelle;

b)

la question de savoir si le prestataire d’opérations de triage à façon a réalisé des opérations de triage à façon du produit de la récolte appartenant à l’une ou plusieurs des variétés du titulaire, en vue de sa mise en culture, lorsque la ou les variétés en cause ont été déclarées au prestataire d’opérations de triage à façon ou étaient connues de celui-ci;

c)

si le prestataire d’opérations de triage à façon a procédé à de telles opérations, la quantité du produit de la récolte appartenant à la ou aux variétés concernées que ledit prestataire a soumise à ces opérations en vue de sa mise en culture, et la quantité totale obtenue à la suite de celles-ci;

d)

les dates et les lieux des opérations de triage à façon visées au point c);

e)

les nom et adresse de la ou des personnes pour laquelle ou pour lesquelles il a réalisé les opérations visées au point c) et les quantités en cause.

3.   Les informations visées au paragraphe 2 points b), c), d) et e) se rapportent à la campagne de commercialisation en cours et à l’une ou plusieurs des campagnes précédentes pour lesquelles le titulaire n’a pas encore présenté de demande conformément aux dispositions du paragraphe 4 ou 5; toutefois, la première campagne à laquelle ces informations se rapportent est celle au cours de laquelle a été présentée la première demande relative à la ou aux variétés et au prestataire d’opérations de triage à façon concernés.

4.   Les dispositions de l’article 8, paragraphe 4, s’appliquent mutatis mutandis.

[...]»

11

L’article 14 du règlement no 1768/95, qui concerne le contrôle par le titulaire de l’exécution des obligations de l’agriculteur, prévoit, à son paragraphe 1:

«Aux fins de contrôle, par le titulaire, du respect des dispositions de l’article 14 du règlement [no 2100/94] telles que spécifiées dans le présent règlement en ce qui concerne l’exécution des obligations de l’agriculteur, l’agriculteur devra, à la demande du titulaire:

a)

fournir la preuve des déclarations d’information effectuées en vertu de l’article 8, par la communication des documents disponibles utiles tels que les factures, les étiquettes utilisées ou tout autre instrument approprié tel qu’exigé conformément à l’article 13 paragraphe 1 point a), en ce qui concerne:

la prestation de services de transformation du produit de la récolte d’une variété du titulaire, par une tierce personne, en vue de sa mise en culture

ou

dans le cas visé à l’article 8 paragraphe 2 point e), la fourniture de matériel de multiplication d’une variété du titulaire,

ou par la preuve de l’existence de terres ou de bâtiments d’entreposage;

b)

rendre disponible ou accessible la preuve exigée en vertu de l’article 4 paragraphe 3 ou de l’article 7 paragraphe 5.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

RWZ est une coopérative centrale agricole qui propose aux agriculteurs des prestations d’opérations de triage à façon de semences par lesquelles le prestataire procède au conditionnement du produit d’une récolte en vue de son stockage et de sa mise en culture future.

13

Ce service s’adresse, d’une part, aux titulaires, que représente notamment STV, qui ont fait procéder, dans le cadre de mises en culture contractuelles, à la multiplication de semences certifiées en vue de leur commercialisation.

14

D’autre part, ledit service s’adresse aux agriculteurs qui procèdent à la mise en culture de semences en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94.

15

Il ressort de la décision de renvoi que RWZ a réalisé pour le compte de différents agriculteurs des opérations de triage à façon pour les campagnes de commercialisation 2005/2006 et 2006/2007 dans le cadre de mises en culture contractuelles pour le compte des titulaires représentés par STV.

16

Sur le fondement des déclarations de mise en culture contractuelle que lui ont fait parvenir les agriculteurs concernés, STV a envoyé deux séries de demandes d’information à RWZ au sujet des opérations de triage à façon auxquelles elle a procédé:

par lettres des 30 juin 2006, 7 août 2006, 15 septembre 2006 et 30 avril 2007 en ce qui concerne la campagne 2005/2006, et

par lettres des 25 et 29 juin 2007, 23 août 2007 ainsi que 29 mai 2008 en ce qui concerne la campagne 2006/2007.

17

Ces demandes, qui visaient à savoir si RWZ avait réalisé des opérations de triage à façon sur les variétés protégées en cause, quelles personnes avaient commandé ces opérations et en quelle quantité, étaient accompagnées des récapitulatifs faisant apparaître, outre la variété protégée et la campagne de commercialisation concernées, le nom et l’adresse de l’agriculteur ayant effectué la mise en culture du produit de la récolte, mais ne contenaient aucune copie des déclarations de mise en culture ni d’autres preuves.

18

RWZ n’a pas répondu favorablement auxdites demandes, invoquant trois séries de motifs pour justifier son refus. Premièrement, elle a considéré que chaque demande d’information devait contenir les éléments indiquant qu’elle aurait procédé à des opérations de triage à façon relevant de l’obligation d’information telle que visée à l’article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement no 2100/94. Deuxièmement, elle a estimé que seules les demandes d’information émises pendant la campagne à laquelle les informations se rapportent sont juridiquement pertinentes. Troisièmement, elle a considéré qu’aucun indice d’une éventuelle mise en culture des semences ne saurait être déduit des opérations de triage à façon qui ont eu lieu dans le cadre d’une mise en culture contractuelle pour le compte du titulaire.

19

STV, ayant formé un recours contre RWZ, a obtenu gain de cause devant la juridiction de première instance, cette dernière considérant, d’une part, qu’il n’y avait pas de délai de forclusion pour présenter des demandes d’information et, d’autre part, que les déclarations de mise en culture contractuelle constituaient des indices suffisants pour déclencher l’obligation d’information du prestataire, dans la mesure où l’agriculteur qui procède à une mise en culture sur le fondement d’un contrat de multiplication dispose de la possibilité concrète d’effectuer une mise en culture des semences concernées. RWZ a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

20

N’étant pas certaine de l’interprétation qu’il convient de donner aux articles 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 ainsi que 9, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1768/95, l’Oberlandesgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le prestataire d’opérations de triage à façon doit-il uniquement s’acquitter de l’obligation d’information régie par l’article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement no 2100/94 et l’article 9, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1768/95 lorsque la demande d’information du titulaire lui parvient avant l’expiration de la campagne de commercialisation concernée par la demande (ou de la dernière campagne de commercialisation si plusieurs campagnes sont visées)?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question:

Une demande d’information est-elle ‘présentée dans les délais’ dès lors que le titulaire affirme dans sa demande disposer d’indices de ce que le prestataire a réalisé ou prévoit de réaliser des opérations de triage à façon portant sur une partie du produit de la récolte (semences de ferme) qu’un agriculteur nommément désigné dans la demande a obtenue grâce à la mise en culture du matériel de multiplication de la variété protégée et qu’il vise à mettre en culture, ou bien la preuve des indices invoqués doit-elle en plus être fournie au prestataire dans la demande d’information (par exemple par l’envoi d’une copie de la déclaration de mise en culture de l’agriculteur)?

3)

Des indices donnant naissance à une obligation d’information du prestataire peuvent-ils résulter du fait que le prestataire, en sa qualité de mandataire du titulaire, exécute le contrat de multiplication visant à la production de semences commercialisables de la variété protégée, que le titulaire a conclu avec un agriculteur chargé d’effectuer la multiplication, dès lors et au motif que l’agriculteur acquiert de facto la possibilité, dans le cadre de l’exécution dudit contrat, d’utiliser une partie des semences de multiplication obtenues en vue de leur mise en culture?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

21

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95 doit être interprété en ce sens que l’obligation d’information qui incombe à un prestataire d’opérations de triage à façon concernant des variétés protégées est éteinte lorsque la demande d’information émanant du titulaire de ces variétés lui parvient après l’expiration de la campagne de commercialisation à laquelle se rapporte cette demande.

22

Ainsi qu’il résulte de l’énoncé même de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95, l’obligation de fournir les informations visées au paragraphe 2, sous b), c), d) et e), de ce même article incombe au prestataire d’opérations de triage à façon, dès lors que lesdites informations se rapportent à la campagne de commercialisation durant laquelle la demande en a été faite.

23

Partant, en principe, une demande se rapportant à une campagne de commercialisation donnée qui parviendrait audit prestataire après l’expiration de ladite campagne ne saurait ouvrir à sa charge une obligation d’information.

24

Toutefois, l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95 précise que les informations demandées peuvent également se rapporter à l’une ou à plusieurs des campagnes précédentes pour lesquelles le titulaire n’a pas encore présenté de demande. À cet égard, cette disposition spécifie que la première campagne à laquelle ces informations se rapportent doit être celle au cours de laquelle a été présentée la première demande relative à la ou aux variétés et au prestataire d’opérations de triage à façon concernés.

25

Dès lors, il découle du libellé même de ladite disposition que le titulaire est susceptible de présenter une demande d’information à un prestataire d’opérations de triage à façon concernant une ou plusieurs campagnes de commercialisation antérieures à celle en cours, pour autant qu’il a adressé une première demande relative à la variété et au prestataire concernés lors de la première de ces campagnes précédentes.

26

Une telle interprétation est corroborée par l’objectif même du règlement no 1768/95 qui, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94, vise à sauvegarder les intérêts légitimes de l’obtenteur et de l’agriculteur. En effet, l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1768/95 précise qu’il est nécessaire de préserver un équilibre raisonnable entre tous ces intérêts afin de les sauvegarder.

27

Dans ce contexte, il convient de relever que, à la différence de nombreuses versions linguistiques, la version en langue française de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95 omet de restreindre la faculté de demander des informations au maximum aux trois campagnes précédant la campagne de commercialisation en cours.

28

Or, d’une part, et contrairement à ce que soutient STV, il serait contraire à l’objectif du règlement no 1768/95, tel que rappelé au point 26 du présent arrêt, de considérer qu’il n’y aurait aucune limitation temporelle à l’obligation d’information incombant au prestataire d’opérations de triage à façon.

29

D’autre part, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, qui édicte l’obligation d’information incombant à l’agriculteur, limite expressément la faculté de l’obtenteur de demander des informations à celles se rapportant au maximum aux trois campagnes précédant la campagne en cours. Dès lors que l’obligation d’information qui incombe à l’agriculteur est quasiment identique à celle qui incombe au prestataire d’opérations de triage à façon, il n’y a aucune raison de procéder à une distinction en ce qui concerne les périodes susceptibles d’être couvertes par les demandes des titulaires en fonction de leur destinataire.

30

Ainsi, l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95 interprété de telle sorte permet de garantir au mieux les intérêts des obtenteurs, d’une part, dans la mesure où ils disposent d’une certaine flexibilité pour déposer leurs demandes d’information, et ceux des prestataires d’opérations de triage à façon, d’autre part, qui ne doivent conserver les informations requises que pendant une période limitée, et ce après en avoir été avertis préalablement.

31

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que STV a adressé deux séries de demandes d’information à RWZ concernant la campagne de commercialisation 2005/2006, les 30 juin, 7 août et 15 septembre 2006 ainsi que le 30 avril 2007 et, concernant la campagne de commercialisation 2006/2007, les 25 et 29 juin 2007, le 23 novembre 2007 ainsi que le 29 mai 2008.

32

Sachant que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1768/95, la campagne de commercialisation commence le 1er juillet et finit le 30 juin de l’année civile, et que les indications données dans la décision de renvoi ne permettent pas de déterminer pour quelles variétés protégées les demandes ont été présentées par STV ni s’il s’agit de premières demandes au sens de l’article 9, paragraphe 3, second membre de phrase, de ce règlement, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer lesquelles de ces demandes ont été présentées dans les délais requis.

33

Dès lors, il convient de répondre à la première question que l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1768/95 doit être interprété en ce sens que l’obligation d’information qui incombe à un prestataire d’opérations de triage à façon concernant des variétés protégées est déclenchée lorsque la demande d’information se rapportant à une campagne de commercialisation donnée a été présentée avant l’expiration de ladite campagne. Toutefois, une telle obligation est susceptible d’exister en ce qui concerne les informations se rapportant jusqu’aux trois campagnes précédant celle en cours, pour autant que le titulaire a formé une première demande concernant les mêmes variétés au même prestataire au cours de la première des années de commercialisation précédentes concernées par la demande d’information.

Sur les deuxième et troisième questions

34

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement no 2100/94 et 9 du règlement no 1768/95 doivent être interprétées en ce sens, d’une part, que la circonstance qu’un agriculteur a procédé à la mise en culture contractuelle d’une variété protégée au profit de son titulaire est susceptible de constituer un indice susceptible de donner naissance à l’obligation d’information qui incombe au prestataire ayant procédé au triage à façon des semences commercialisables de ladite variété et, d’autre part, que, dans sa demande d’information, le titulaire doit joindre la preuve des indices qu’il avance pour justifier son droit d’information.

35

D’emblée, il faut souligner que, l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1768/95, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, qui définit les exigences formelles que doit remplir la demande d’information du titulaire au prestataire d’opérations de triage à façon, n’exige nullement que ladite demande soit accompagnée des preuves étayant les indices qu’elle met en avant. L’article 8, paragraphe 4, second alinéa, première phrase, dudit règlement envisage même qu’une telle demande puisse être présentée oralement.

36

En ce qui concerne les cas de mise en culture contractuelle, la Cour a déjà jugé que l’acquisition de matériel de multiplication d’une variété végétale protégée du titulaire par un agriculteur doit être considérée comme un indice susceptible de déclencher l’obligation d’information dudit agriculteur à l’égard du titulaire (voir arrêt du 10 avril 2003, Schulin, C-305/00, Rec. p. I-3525, point 65).

37

En effet, la circonstance qu’un agriculteur a procédé à la mise en culture contractuelle d’une variété protégée au profit du titulaire constitue une indication de ce que ledit agriculteur pourrait disposer de semences de la variété protégée pour la mise en culture desquelles il pourrait avoir l’intention de demander le bénéfice du privilège prévu à l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94.

38

Cependant, une telle circonstance ne saurait, à elle seule, entraîner l’ouverture automatique du droit du titulaire à obtenir des informations de la part du prestataire d’opérations de triage à façon.

39

S’il résulte, certes, de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 qu’un tel droit trouve à s’appliquer dès lors qu’un agriculteur s’est prévalu ou entend se prévaloir du privilège qui lui est reconnu en vertu de cet article, la Cour a jugé que ce droit est déclenché, à l’égard du prestataire d’opérations de triage à façon, uniquement lorsque le titulaire dispose d’un indice de ce que le prestataire a effectué, ou prévoit d’effectuer, de telles opérations sur le produit de la récolte obtenu par la mise en culture de matériel de multiplication de la variété protégée en vue de sa mise en culture (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2004, Brangewitz, C-336/02, Rec. p. I-9801, point 53).

40

Or, dans ce contexte, le fait qu’un agriculteur procède à la mise en culture contractuelle d’une variété protégée ne saurait, à lui seul, constituer un indice de ce qu’un prestataire de triage à façon a effectué, ou prévoit d’effectuer, de telles opérations sur le produit de la récolte obtenu par la mise en culture de matériel de multiplication de ladite variété en vue de sa mise en culture.

41

Eu égard aux circonstances de l’espèce, il pourrait s’agir tout au plus d’un élément parmi d’autres permettant de conclure à la présence d’un tel indice. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier les faits de l’espèce pour déterminer si tel est le cas dans le litige au principal.

42

Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement no 2100/94 et 9 du règlement no 1768/95 doivent être interprétées en ce sens que la demande d’information du titulaire à l’égard d’un prestataire d’opérations de triage à façon ne doit pas contenir les preuves étayant les indices qui y sont mis en avant. En outre, le fait qu’un agriculteur procède à une mise en culture contractuelle d’une variété protégée ne saurait, à lui seul, constituer un indice de ce qu’un prestataire d’opérations de triage à façon a effectué, ou prévoit d’effectuer, de telles opérations sur le produit de la récolte obtenu par la mise en culture de matériel de multiplication de ladite variété en vue de sa mise en culture. Un tel fait peut, toutefois, en fonction des autres circonstances de l’espèce, permettre de conclure à la présence d’un tel indice, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans le litige qui lui est soumis.

Sur les dépens

43

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 9, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1768/95 de la Commission, du 24 juillet 1995, établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14 paragraphe 3 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, tel que modifié par le règlement (CE) no 2605/98 de la Commission, du 3 décembre 1998, doit être interprété en ce sens que l’obligation d’information qui incombe à un prestataire d’opérations de triage à façon concernant des variétés protégées est déclenchée lorsque la demande d’information se rapportant à une campagne de commercialisation donnée a été présentée avant l’expiration de ladite campagne. Toutefois, une telle obligation est susceptible d’exister en ce qui concerne les informations se rapportant jusqu’aux trois campagnes précédant celle en cours, pour autant que le titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales a formé une première demande concernant les mêmes variétés au même prestataire au cours de la première des années de commercialisation précédentes concernées par la demande d’information.

 

2)

Les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, et 9 du règlement no 1768/95, tel que modifié par le règlement no 2605/98, doivent être interprétées en ce sens que la demande d’information du titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales à l’égard d’un prestataire d’opérations de triage à façon ne doit pas contenir les preuves étayant les indices qui y sont mis en avant. En outre, le fait qu’un agriculteur procède à une mise en culture contractuelle d’une variété protégée ne saurait, à lui seul, constituer un indice de ce qu’un prestataire d’opérations de triage à façon a effectué, ou prévoit d’effectuer, de telles opérations sur le produit de la récolte obtenu par la mise en culture de matériel de multiplication de ladite variété en vue de sa mise en culture. Un tel fait peut, toutefois, en fonction des autres circonstances de l’espèce, permettre de conclure à la présence d’un tel indice, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans le litige qui lui est soumis.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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