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Document 62010TJ0094
Judgment of the General Court (Seventh Chamber, extended composition), 7 March 2013.#Rütgers Germany GmbH and Others v European Chemicals Agency (ECHA).#REACH — Identification of anthracene oil as a substance of very high concern — Actions for annulment — Actionable measure — Regulatory act not entailing implementing measures — Direct concern — Admissibility — Equal treatment — Proportionality.#Case T‑94/10.
Arrêt du Tribunal (septième chambre élargie) du 7 mars 2013.
Rütgers Germany GmbH e.a. contre Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
REACH – Identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante – Recours en annulation – Acte susceptible de recours – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Recevabilité – Égalité de traitement – Proportionnalité.
Affaire T‑94/10.
Arrêt du Tribunal (septième chambre élargie) du 7 mars 2013.
Rütgers Germany GmbH e.a. contre Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
REACH – Identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante – Recours en annulation – Acte susceptible de recours – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Recevabilité – Égalité de traitement – Proportionnalité.
Affaire T‑94/10.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2013:107
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)
7 mars 2013 ( *1 )
«REACH — Identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante — Recours en annulation — Acte susceptible de recours — Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution — Affectation directe — Recevabilité — Égalité de traitement — Proportionnalité»
Dans l’affaire T‑94/10,
Rütgers Germany GmbH, établie à Castrop-Rauxel (Allemagne),
Rütgers Belgium NV, établie à Zelzate (Belgique),
Deza, a.s., établie à Valašske Meziříčí (République tchèque),
Industrial Química del Nalón, SA, établie à Oviedo (Espagne),
Bilbaína de Alquitranes, SA, établie à Luchana-Baracaldo (Espagne),
représentées initialement par Mes K. Van Maldegem, R. Cana, avocats, et M. P. Sellar, solicitor, puis par Mes Van Maldegem et Cana,
parties requérantes,
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä et M. W. Broere, en qualité d’agents, assistés de Me J. Stuyck, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision de l’ECHA, publiée le 13 janvier 2010, identifiant l’huile anthracénique (CE no 292-602-7) comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), conformément à l’article 59 de ce règlement,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, F. Dehousse, Mme I. Wiszniewska-Białecka, MM. M. Prek et J. Schwarcz, juges,
greffier : M. N. Rosner, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2012,
rend le présent
Arrêt
Antécédents des litiges
1 |
Les requérantes, Rütgers Germany GmbH, Rütgers Belgium NV, Deza, a.s., Industrial Química del Nalón, SA et Bilbaína de Alquitranes, SA, sont des producteurs et des fournisseurs d’huile anthracénique (CE no 292-602-7) dans l’Union européenne. |
2 |
La substance concernée dans la présente affaire, à savoir l’huile anthracénique, est, selon sa description dans les tableaux 3.1 et 3.2 figurant à l’annexe VI du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO L 353, p. 1), une combinaison complexe d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (ci-après les «HAP») obtenue à partir de goudron de houille présentant un intervalle de distillation approximatif compris entre 300o et 400o C et composée principalement de phénanthrène, d’anthracène et de carbazole. Cette substance fait partie des substances de composition inconnue ou variable, produits de réactions complexes ou matières biologiques (ci-après les «substances UVCB»), parce qu’elle ne peut être complètement identifiée par sa composition chimique. L’huile anthracénique est principalement utilisée comme intermédiaire pour la production de noir de carbone, qui est un pigment et un agent de renforcement dans les produits en caoutchouc, notamment les pneus. Elle est également utilisée comme intermédiaire pour la production d’anthracène pur. |
3 |
L’huile anthracénique a été incluse dans l’annexe I de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 196, p. 1), par la directive 94/69/CE de la Commission, du 19 décembre 1994, portant vingt et unième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 381, p. 1). Par cette inclusion, l’huile anthracénique a été classifiée parmi les substances cancérogènes de catégorie 2. Cette classification a été reprise par le règlement no 1272/2008. |
4 |
Le 28 août 2009, la République fédérale d’Allemagne a transmis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier qu’elle avait élaboré concernant l’identification de l’huile anthracénique comme une substance répondant, en raison de ses propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après les «propriétés PBT») ainsi que très persistantes et très bioaccumulables (ci-après les «propriétés vPvB»), aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), modifié par la suite notamment par le règlement no 1272/2008. |
5 |
Le 31 août 2009, l’ECHA a publié sur son site Internet un avis invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi pour l’huile anthracénique et a également invité les autorités compétentes des États membres à présenter des observations à cet égard. |
6 |
Dans le cadre de cette procédure, le groupe sectoriel des substances chimiques issues de la houille, dont les requérantes étaient membres, et l’ECHA ont notamment présenté des observations. L’ECHA a indiqué, à cet égard, que l’huile anthracénique était classifiée parmi les substances cancérogènes et répondait dès lors aux critères visés à l’article 57, sous a), du règlement no 1907/2006. |
7 |
Après avoir reçu la réponse de la République fédérale d’Allemagne, l’ECHA a renvoyé ce dossier à son comité des États membres visé à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1907/2006, le 16 novembre 2009. Ce comité est parvenu, le 2 décembre 2009, à un accord unanime sur l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous a), d) et e), du règlement no 1907/2006. |
8 |
Le 7 décembre 2009, l’ECHA a publié un communiqué de presse annonçant, d’une part, que le comité des États membres était parvenu à un accord unanime sur l’identification de quinze substances, y compris l’huile anthracénique, comme des substances extrêmement préoccupantes dans la mesure où ces substances répondaient aux critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006 et, d’autre part, que la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 (ci-après la «liste des substances candidates») serait formellement mise à jour en janvier 2010. Le 22 décembre 2009, le directeur exécutif de l’ECHA a pris la décision ED/68/2009 en vue de procéder, le 13 janvier 2010, à la publication et à la mise à jour de la liste des substances candidates concernant ces quinze substances. |
9 |
Le 13 janvier 2010, la liste des substances candidates incluant notamment l’huile anthracénique a été publiée sur le site Internet de l’ECHA. |
Procédure et conclusions des parties
10 |
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2010, les requérantes ont introduit le présent recours visant à l’annulation partielle de la décision de l’ECHA, publiée le 13 janvier 2010, identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, conformément à l’article 59 dudit règlement (ci-après la «décision attaquée»). |
11 |
Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2010, l’ECHA a demandé la jonction de la présente affaire avec les affaires T‑93/10, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑95/10, Cindu Chemicals e.a./ECHA, et T‑96/10, Rütgers Germany e.a./ECHA, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ayant été entendues à cet égard, le président de la huitième chambre du Tribunal a décidé, le 10 mai 2010, de ne pas joindre ces affaires aux fins de la procédure écrite et de réserver sa décision sur la demande de jonction aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance. |
12 |
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2010, l’ECHA a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. |
13 |
Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 3 juin 2010, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de l’ECHA. Il a été fait droit à cette demande, les parties principales ayant été entendues, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 6 juillet 2010. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2010, le Royaume de Danemark a retiré son intervention dans la présente procédure. |
14 |
Les requérantes ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 23 août 2010. |
15 |
La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. |
16 |
Par décision du 30 mars 2011, le Tribunal a renvoyé la présente affaire devant la septième chambre élargie, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure. |
17 |
Par ordonnance du Tribunal (septième chambre élargie) du 3 mai 2011, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés. |
18 |
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale. |
19 |
Par ordonnance du président de la septième chambre élargie du Tribunal du 20 juin 2012, la présente affaire et les affaires T‑93/10, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑95/10, Cindu Chemicals e.a./ECHA, et T‑96/10, Rütgers Germany e.a./ECHA, ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure. |
20 |
Par lettre du 30 août 2012, les requérantes ont déposé des observations sur le rapport d’audience. |
21 |
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2012. Les parties ont, en particulier, été entendues concernant la recevabilité du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphes 5 et 7, du règlement no 1907/2006. |
22 |
Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
|
23 |
L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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En droit
24 |
Avant d’examiner l’affaire au fond, il y a lieu de répondre aux questions soulevées par l’ECHA dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité. |
Sur l’exception d’irrecevabilité du recours
25 |
Les fins de non-recevoir soulevées par l’ECHA sont tirées de la nature de la décision attaquée, d’un défaut d’affectation directe des requérantes et du fait que la décision attaquée, qui ne serait pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne concernerait pas individuellement les requérantes. |
Sur la nature de la décision attaquée
26 |
L’ECHA fait valoir, en substance, que les requérantes, en se référant à l’accord unanime du comité des États membres de l’ECHA intervenu le 2 décembre 2009, ont attaqué un acte préparatoire qui n’était pas destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers au sens de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE. D’après l’ECHA, l’acte qui produit un effet juridique potentiel est la publication de la liste des substances candidates mise à jour sur le site Internet de l’ECHA conformément à l’article 59, paragraphe 10, du règlement no 1907/2006. |
27 |
Aux termes de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE, sont susceptibles de recours les actes adoptés par les organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. |
28 |
Selon une jurisprudence constante, sont susceptibles d’un recours en annulation toutes les dispositions prises par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 42 ; voir également arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C-138/03, C-324/03 et C-431/03, Rec. p. I-10043, point 32, et ordonnance du Tribunal du 14 juillet 2008, Espinosa Labella e.a./Commission, T‑322/06, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée). |
29 |
Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union concerné au terme de la procédure. Il en résulte que des mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10 ; voir également arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T-355/04 et T-446/04, Rec. p. II-1, point 33, et la jurisprudence citée). |
30 |
Il convient de rappeler que la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006, consistant en l’identification des substances visées à l’article 57 dudit règlement, se déroule en plusieurs étapes. |
31 |
Ainsi, après que la procédure d’identification a été engagée et que l’ECHA a mis le dossier relatif à une substance à la disposition des États membres et publié sur son site Internet un avis invitant toutes les parties intéressées à lui soumettre leurs informations (article 59, paragraphes 2 à 4, du règlement no 1907/2006), les États membres, l’ECHA et toutes les parties intéressées peuvent présenter des observations relatives à l’identification proposée dans le dossier (article 59, paragraphes 4 et 5, dudit règlement). Si, comme dans le cas d’espèce, de telles observations sont effectuées, l’ECHA renverra le dossier à son comité des États membres et, si ce comité parvient à un accord unanime sur l’identification, elle inclura cette substance dans la liste des substances candidates (article 59, paragraphes 7 et 8, de ce règlement). Enfin, dès qu’une décision aura été prise concernant l’inclusion de la substance, l’ECHA publiera et mettra à jour la liste des substances candidates sur son site Internet (article 59, paragraphe 10, du même règlement). |
32 |
En l’espèce, il convient de constater que les requérantes se sont référées non seulement à l’accord du comité des États membres de l’ECHA intervenu le 2 décembre 2009 et identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, mais également à la publication sur le site Internet de l’ECHA le 13 janvier 2010 et au code ED/68/2009, qui était le code de la décision du directeur exécutif de l’ECHA d’inclure ladite substance sur la liste des substances candidates publiée sur le site Internet le 13 janvier 2010, quoique les requérantes n’aient pas eu connaissance de ce dernier fait. Les requérantes ont donc, sans aucun doute, attaqué la décision de l’ECHA identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 du règlement no 1907/2006, dont le contenu avait été déterminé par l’accord unanime du comité des États membres de l’ECHA, intervenu le 2 décembre 2009 et qui a été exécutée par son directeur exécutif, lequel a ordonné l’inclusion de cette substance sur la liste des substances candidates publiée sur le site Internet le 13 janvier 2010, conformément à l’article 59 dudit règlement, dans son intégralité. En se référant à la version de la liste publiée sur le site Internet de l’ECHA le 13 janvier 2010, à l’accord unanime de son comité des États membres en 2009 et au code ED/68/2009, les requérantes ont bien identifié sans équivoque l’objet du litige. L’exception fondée sur le prétendu caractère préparatoire du seul accord du comité des États membres de l’ECHA est donc inopérante. |
33 |
L’acte d’identification d’une substance résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 est destiné à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers au sens de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE. En effet, cet acte déclenche, notamment, les obligations d’information prévues à l’article 7, paragraphe 2, à l’article 31, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 3, sous b), ainsi qu’à l’article 33, paragraphes 1 et 2, dudit règlement. Ces dispositions font référence aux substances identifiées conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement ou aux substances incluses ou figurant dans la liste établie conformément à l’article 59, paragraphe 1, du même règlement. Elles désignent, dès lors, des obligations juridiques découlant de l’acte résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006. |
34 |
Au vu de ce qui précède, la fin de non-recevoir tirée de la nature de la décision attaquée doit être rejetée. |
Sur l’affectation directe des requérantes
35 |
L’ECHA fait valoir que le recours est irrecevable parce que les requérantes ne sont pas directement concernées par la décision attaquée. |
36 |
Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. |
37 |
En l’espèce, il est constant que la décision attaquée n’a pas été adressée aux requérantes, qui ne sont donc pas destinataires de cet acte. Dans cette situation, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérantes ne peuvent former un recours en annulation contre ledit acte qu’à la condition qu’elles soient, notamment, directement concernées par celui-ci. |
38 |
S’agissant de l’affectation directe, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96 P, Rec. p. I-2309, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C-486/01 P, Rec. p. I-6289, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C-445/07 P et C-455/07 P, Rec. p. I-7993, point 45). |
39 |
En premier lieu, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée les concerne directement en ce que leur situation juridique serait affectée par l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006, il convient de relever que cette disposition vise la mise à jour d’une fiche de données de sécurité dont l’établissement est prévu au paragraphe 1 dudit article. En vertu de l’article 31, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement no 1907/2006, les fournisseurs d’une substance doivent fournir au destinataire de celle-ci une fiche de données de sécurité lorsque la substance répond aux critères de classification comme une substance dangereuse conformément à la directive 67/548, lorsque la substance possède des propriétés PBT ou vPvB, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII dudit règlement, ou lorsque la substance est incluse dans la liste établie conformément à l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 pour des raisons autres que celles précédemment visées. L’article 31, paragraphe 9, sous a), de ce règlement dispose à cet égard que cette fiche de données de sécurité doit être mise à jour sans tarder par les fournisseurs dès que de nouvelles informations qui peuvent affecter les mesures de gestion des risques ou de nouvelles informations relatives aux dangers sont disponibles. |
40 |
En l’espèce, il n’est pas contesté que les requérantes, qui sont des fournisseurs d’une substance tels que définis à l’article 3, point 32, du règlement no 1907/2006, devaient, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, fournir au destinataire de la substance en cause une fiche de données de sécurité dès lors que cette substance répondait aux critères de classification en tant que substance dangereuse conformément à la directive 67/548. En effet, l’huile anthracénique a été classifiée parmi les substances cancérogènes de catégorie 2 par la directive 94/69 (voir point 3 ci-dessus). |
41 |
En revanche, il est contesté que, ainsi que les requérantes le font valoir, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006, au motif que cette substance a des propriétés PBT ou vPvB, représente une nouvelle information au sens de l’article 31, paragraphe 9, sous a), dudit règlement qui déclenche l’obligation visée par cette disposition, à savoir la mise à jour de la fiche de données de sécurité, de sorte que la décision attaquée produit des effets directs sur la situation juridique des requérantes. |
42 |
En ce qui concerne la fiche de données de sécurité, l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 dispose qu’elle doit être établie conformément à l’annexe II dudit règlement. Selon cette annexe, qui contient un guide d’élaboration des fiches de données de sécurité, ces fiches doivent fournir un mécanisme pour transmettre des informations de sécurité appropriées sur les substances classifiées aux utilisateurs situés immédiatement en aval dans la chaîne d’approvisionnement. L’objet de cette annexe est d’assurer la cohérence et la précision du contenu de chacune des rubriques obligatoires énumérées à l’article 31, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006, de sorte que les fiches de données de sécurité qui en résultent permettent aux utilisateurs de prendre les mesures nécessaires en matière de protection de la santé humaine et de sécurité sur le lieu de travail et de protection de l’environnement. |
43 |
Selon les requérantes, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006 au motif que cette substance a des propriétés PBT ou vPvB constitue une nouvelle information relative à l’article 31, paragraphe 6, point 2 (identification des dangers), point 3 (composition/informations sur les composants) et point 15 (informations relatives à la réglementation), du règlement no 1907/2006. |
44 |
S’agissant de l’article 31, paragraphe 6, point 2, du règlement no 1907/2006 (identification des dangers), selon le point 2 de l’annexe II du règlement no 1907/2006, la classification d’une substance découlant de l’application des règles de classification énoncées dans la directive 67/548 doit y être indiquée. Les principaux dangers qu’une substance présente pour l’homme et pour l’environnement doivent être indiqués clairement et brièvement. |
45 |
Il est constant qu’une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB présente un risque pour l’environnement. Toutefois, selon l’ECHA, un tel risque ne provient pas de la décision attaquée, mais des propriétés intrinsèques de cette substance que les requérantes auraient dû évaluer et dont elles auraient donc dû avoir connaissance avant l’adoption de la décision attaquée. |
46 |
À cet égard, il convient de relever que le point 2 de l’annexe II du règlement no 1907/2006 fait référence, en ce qui concerne l’identification des dangers correspondant à la classification d’une substance en vertu de la directive 67/548, à l’application des règles de classification énoncées dans cette directive, à savoir à l’application des règles de droit de l’Union. S’agissant, dès lors, des propriétés cancérogènes d’une substance, telles que mentionnées à l’article 57, sous a), du règlement no 1907/2006, celles-ci et les principaux dangers résultant de ces propriétés doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité pour autant qu’une substance, conformément aux règles de classification énoncées dans la directive 67/548, a été classifiée parmi les substances cancérogènes. En l’espèce, les requérantes ne contestent pas le fait que les propriétés cancérogènes de l’huile anthracénique et les principaux dangers résultant de ces propriétés doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité et constituent la raison pour laquelle les requérantes doivent fournir une telle fiche. |
47 |
S’agissant des propriétés PBT et vPvB d’une substance, telles que mentionnées à l’article 57, sous e) et d), du règlement no 1907/2006, leurs critères d’identification ont été définis à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Afin d’identifier une substance en tant que substance extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, conformément à l’article 59 dudit règlement, les critères énoncés à l’annexe XIII de ce règlement doivent donc être appliqués. Il s’ensuit que, dans le cadre de la procédure d’identification, les propriétés PBT et vPvB d’une substance sont déterminées, ce qui a également été expliqué dans le compte rendu de l’atelier de l’ECHA, qui s’est déroulé du 21 au 22 janvier 2009 concernant la liste des substances candidates et l’autorisation en tant qu’instruments de gestion des risques, selon lequel l’inclusion sur la liste des substances candidates est le principal mécanisme pour identifier des substances PBT et vPvB. L’identification des propriétés PBT et vPvB d’une substance repose donc sur l’application des règles de droit de l’Union, à savoir, en l’espèce, sur l’application des critères énoncés à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Par conséquent, étant donné que, par la décision attaquée, les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique ont été déterminées en application de ces critères, c’est en raison de cette décision que ces propriétés et les principaux dangers résultant de celles-ci doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité. Il s’agit, en l’occurrence, d’un cas équivalant à la classification d’une substance conformément aux règles énoncées dans la directive 67/548, pour lequel l’obligation d’inclure cette classification et les principaux dangers résultant des propriétés classifiées dans la fiche de données de sécurité ressort clairement du point 2 de l’annexe II du règlement no 1907/2006. |
48 |
S’agissant de l’argumentation de l’ECHA, selon laquelle la nature dangereuse de la substance en cause résulte de ses propriétés intrinsèques que les requérantes auraient dû évaluer et dont elles auraient donc dû avoir connaissance avant l’adoption de la décision attaquée, d’une part, il convient de relever que l’ECHA se réfère aux discussions menées au sein d’un sous-groupe du Bureau européen des substances chimiques (ECB) relatives à la question de savoir si la substance en cause répondait aux critères PBT et vPvB. Or, s’il est vrai que les dangers découlant d’une substance résultent de ses propriétés intrinsèques, ces dangers doivent être évalués et déterminés selon des règles de droit définies. Dans ses développements concernant les discussions menées au sein dudit sous-groupe, l’ECHA n’indique pas les règles de droit qui ont permis à ce sous-groupe de déterminer les propriétés PBT et vPvB. En outre, l’ECHA n’affirme pas que les conclusions de ce sous-groupe ont eu un caractère contraignant pour les requérantes. En revanche, les requérantes font valoir qu’aucun débat sur les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique n’aurait eu lieu. D’autre part, l’ECHA affirme que les requérantes auraient dû évaluer les propriétés intrinsèques de l’huile anthracénique et auraient dû, de ce fait, avoir connaissance des propriétés PBT et vPvB de cette substance. Or, ainsi qu’il ressort du dossier et ainsi que les requérantes l’ont confirmé lors de l’audience, elles contestent justement les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique. Elles n’ont donc pas conclu, dans le cadre de leur évaluation concernant l’huile anthracénique, que cette substance possédait des propriétés PBT et vPvB. |
49 |
Dès lors, au vu de la rubrique 2 (Identification des dangers) de la fiche de données de sécurité, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, au motif que cette substance avait des propriétés PBT ou vPvB, constituait une nouvelle information qui pouvait permettre aux utilisateurs de prendre des mesures en matière de protection de la santé humaine et de la sécurité sur le lieu de travail et en matière de protection de l’environnement. Cette identification constituait donc une nouvelle information susceptible d’affecter les mesures de gestion des risques ou relative aux dangers au sens de l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement no 1907/2006, de sorte que les requérantes étaient obligées de mettre à jour les fiches de données de sécurité concernées. Il s’ensuit que la décision attaquée produit des effets directs sur la situation juridique des requérantes en raison de l’obligation prévue par celle-ci, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les rubriques 3 (Composition/informations sur les composants) et 15 (Informations relatives à la réglementation) de la fiche de données de sécurité (voir, en ce qui concerne la rubrique 15, ordonnances du Tribunal du 21 septembre 2011, Etimine et Etiproducts/ECHA, T-343/10, Rec. p. II-6611, points 33 à 36, et Borax Europe/ECHA, T-346/10, Rec. p. II-6629, points 34 à 37). |
50 |
En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée les concerne directement en ce que leur situation juridique serait affectée par l’article 34, sous a), du règlement no 1907/2006, il convient de relever que, selon celui-ci, tout acteur de la chaîne d’approvisionnement d’une substance doit communiquer les informations nouvelles sur les propriétés dangereuses, quelles que soient les utilisations concernées, à l’acteur ou au distributeur situé immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement. |
51 |
Dès lors que l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante par la décision attaquée, au motif que cette substance avait des propriétés PBT ou vPvB, contenait des informations nouvelles relatives aux propriétés dangereuses de l’huile anthracénique (voir points 47 à 49 ci-dessus), elle déclenche l’obligation d’information visée à l’article 34, sous a), du règlement no 1907/2006. Il s’ensuit que la décision attaquée produit également des effets directs sur la situation juridique des requérantes en raison de l’obligation prévue à cette disposition. |
52 |
Par conséquent, les requérantes sont directement affectées par la décision attaquée. La présente fin de non-recevoir doit donc être rejetée. |
Sur la notion d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et sur l’affectation individuelle des requérantes
53 |
L’ECHA fait valoir que le recours est irrecevable parce que la décision attaquée ne serait pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et que, dès lors, les requérantes devraient être individuellement concernées, condition qui ne serait pas remplie. |
54 |
En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le présent recours en annulation n’est recevable que si la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution ou si les requérantes sont individuellement concernées par la décision attaquée. |
55 |
S’agissant de la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’ECHA affirme, en substance, que les actes adoptés par elle ne sont pas des actes réglementaires. L’exercice du pouvoir réglementaire au titre du règlement no 1907/2006 aurait été réservé à la Commission. En outre, l’identification d’une substance ne serait qu’un acte préparatoire en vue d’une potentielle décision future de la Commission d’inclure cette substance dans l’annexe XIV de ce règlement. |
56 |
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que la notion d’acte réglementaire au sens de cette disposition doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T-262/10, Rec. p. II-7697, point 21]. |
57 |
En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision attaquée a une portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir notamment à l’égard de toute personne physique ou morale tombant sous le champ d’application de l’article 31, paragraphe 9, sous a), et de l’article 34, sous a), du règlement no 1907/2006. |
58 |
En outre, la décision attaquée ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’elle n’a été adoptée ni selon la procédure législative ordinaire, ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE. En effet, la décision attaquée est un acte de l’ECHA adopté sur la base de l’article 59 du règlement no 1907/2006 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, point 44). |
59 |
La décision attaquée constitue donc un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. |
60 |
Contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’indique pas que seule la Commission dispose du pouvoir réglementaire nécessaire pour adopter un tel acte. L’argumentation de l’ECHA à cet égard ne trouve aucun appui dans le traité FUE. En effet, l’article 263, premier alinéa, TFUE mentionne explicitement le contrôle de la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Les auteurs du traité FUE avaient donc l’intention de soumettre, en principe, également les actes de l’ECHA, en tant qu’organisme de l’Union, au contrôle juridictionnel du juge de l’Union. |
61 |
De plus, contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, la tâche de cette dernière en vertu de l’article 75, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, à savoir la gestion et, dans certains cas, la mise en œuvre des aspects techniques, scientifiques et administratifs du règlement no 1907/2006 et la garantie de la cohérence dans l’Union n’exclut pas le pouvoir d’adopter un acte réglementaire. À cet égard, il convient de relever que l’ECHA admet que les actes qu’elle a adoptés peuvent déclencher des obligations juridiques à l’égard de tiers quoique dans une mesure limitée. |
62 |
Par ailleurs, dans le cadre de la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, deux procédures sont prévues pour le cas où des observations concernant l’identification proposée d’une substance comme une substance extrêmement préoccupante sont effectuées. Selon la première procédure, l’ECHA renvoie le dossier à son comité des États membres et celui-ci parvient à un accord unanime sur l’identification (article 59, paragraphes 7 et 8, dudit règlement). Selon la seconde, en cas d’absence d’accord unanime au sein du comité des États membres, la décision concernant l’identification de la substance concernée est prise par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 qui fait référence à la procédure de réglementation prévue à l’article 5 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23) (article 59, paragraphe 9, de ce règlement). Il résulte de la comparaison de ces deux procédures que, dans le cadre de la première, l’accord du comité des États membres correspond à la décision de la Commission, prise dans le cadre de la seconde procédure, concernant l’identification d’une substance. Or, il ne saurait être argué que, alors que la décision avec participation de la Commission constitue un acte réglementaire, la décision sans participation de cette dernière, qui a le même contenu et le même effet ne constitue pas un tel acte. |
63 |
Il est vrai qu’une décision de la Commission en vertu de l’article 58 du règlement no 1907/2006 d’inclure une substance dans l’annexe XIV de ce règlement entraîne des conséquences juridiques plus graves vis-à-vis des utilisateurs d’une substance, à savoir l’interdiction de la mettre sur le marché sauf autorisation, que celles découlant de la décision attaquée, à savoir notamment des obligations d’information. Cependant, ce constat ne saurait signifier que les conséquences juridiques découlant de la décision attaquée sont inexistantes. En revanche, les obligations d’information découlant de la décision attaquée sont une des conséquences de la responsabilité de la gestion des risques liés aux substances qui devrait s’appliquer tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que le considérant 56 du règlement no 1907/2006 l’indique. Il en résulte que l’argumentation de l’ECHA à cet égard doit être rejetée. |
64 |
En second lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée comporte des mesures d’exécution, il convient de relever que l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 déclenche des obligations d’information des requérantes sans que d’autres mesures soient encore nécessaires (voir point 33 ci-dessus). La décision attaquée ne comporte donc aucune mesure d’exécution. |
65 |
En particulier, la phase suivante de la procédure d’autorisation consistant en l’inclusion par ordre de priorité des substances candidates dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, c’est-à-dire dans la liste des substances soumises à autorisation, ne constitue pas une mesure d’exécution de la décision attaquée. En effet, l’achèvement de la procédure d’identification déclenche des obligations d’information propres qui ne dépendent pas des phases suivantes de la procédure d’autorisation. |
66 |
Il s’ensuit que la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution, de sorte que la présente fin de non-recevoir doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuelle affectation individuelle des requérantes. |
67 |
Au vu de tout ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité n’est pas fondée. Le présent recours est donc recevable. |
Sur le fond
68 |
À l’appui du présent recours, cinq moyens sont soulevés. Les deux premiers moyens concernent de prétendues violations des exigences procédurales relatives à l’article 59, paragraphes 3, 5 et 7, et à l’annexe XV du règlement no 1907/2006. Les trois autres moyens sont tirés, respectivement, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une prétendue erreur d’appréciation ou d’une prétendue erreur de droit relative à l’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT ou vPvB sur la base de ses constituants et d’une violation du principe de proportionnalité. |
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphe 3, et de l’annexe XV du règlement no 1907/2006
69 |
Les requérantes font valoir que, contrairement à ce qui est prévu à l’article 59, paragraphe 3, et au point II 2 de l’annexe XV du règlement no 1907/2006, la République fédérale d’Allemagne n’a pas indiqué, dans son dossier relatif à l’huile anthracénique, d’informations sur les substances de remplacement, bien qu’elle ait été informée par les requérantes de l’existence de telles substances, à savoir de mélanges à base de pétrole. L’ECHA aurait accepté ce dossier sans que des substances de remplacement aient été identifiées. Selon les requérantes, il ne pourrait être exclu que, en l’absence de cette irrégularité et si le fait que les substances de remplacement contenaient également des constituants PBT était connu, la décision attaquée n’ait pas été adoptée et une procédure différente ait été déclenchée. |
70 |
À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 59, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, la procédure d’identification peut être engagée à l’initiative d’un État membre qui peut élaborer un dossier conformément à l’annexe XV dudit règlement, pour les substances dont il estime qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 de ce règlement, et le transmettre à l’ECHA. S’agissant d’un dossier relatif à l’identification d’une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB, le point II 2 de l’annexe XV du même règlement, sous le titre «Informations concernant les expositions, les substances de remplacement et les risques», prévoit notamment qu’ «[i]l y a lieu de fournir les informations disponibles en matière d’utilisation et d’exposition et des informations concernant les substances et les techniques de remplacement». |
71 |
En ce qui concerne le dossier relatif à l’huile anthracénique, il est constant que la République fédérale d’Allemagne a porté la mention «pas d’informations disponibles» dans la section de ce dossier relative aux substances de remplacement. |
72 |
Il est vrai que le libellé du point II 2 de l’annexe XV du règlement no 1907/2006 distingue entre l’obligation de fournir, d’une part, «les informations disponibles en matière d’utilisation et d’exposition» et, d’autre part, «des informations concernant les substances et les techniques de remplacement». Néanmoins, un État membre peut seulement indiquer les informations qui se trouvent à sa disposition. L’indication par la République fédérale d’Allemagne qu’aucune information n’est disponible concerne l’existence de substances de remplacement permettant à cet État membre de remplir son devoir formel de se prononcer sur les substances de remplacement. |
73 |
En tout état de cause, la lettre aux autorités allemandes compétentes du 17 juillet 2009, émanant du groupe sectoriel des substances chimiques issues de la houille, dont les requérantes sont membres, n’indiquait pas de substances de remplacement. En invitant les autorités allemandes à adopter «une approche plus équilibrée qui ne pénalis[ait] pas un seul secteur industriel», ce groupe a considéré «qu’il [était] notoire que de nombreuses charges pétrolières contenaient également de l’anthracène». Cette lettre fait donc référence à des substances qui, selon ledit groupe, présentent un niveau de danger semblable à celui de l’huile anthracénique et non à des substances qui peuvent être utilisées comme substances de remplacement parce qu’elles sont susceptibles d’être utilisées à la place de l’huile anthracénique pour remplir la même fonction. Enfin, il convient de relever que, au vu de l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, le point II 2 de l’annexe XV dudit règlement doit être interprété comme se référant à des substances de remplacement appropriées, une condition que les mélanges à base de pétrole ne remplissent pas en raison de leur teneur en anthracène. |
74 |
Il s’ensuit que les exigences de procédure visées à l’article 59, paragraphe 3, dudit règlement ont été respectées. |
75 |
Même si l’on supposait, en l’espèce, qu’il existait une irrégularité en raison du non-respect de l’article 59, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, celle-ci ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Grèce/Commission, C-86/03, Rec. p. I-10979, point 42). |
76 |
Les requérantes affirment, à cet égard, qu’il ne pourrait être exclu que, en l’absence de cette irrégularité et en connaissance du fait que les substances de remplacement contiendraient également des constituants PBT, la décision attaquée n’ait pas été adoptée et une procédure différente ait été déclenchée. |
77 |
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, le contenu de la décision attaquée est l’identification de l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), d) et e), du règlement no 1907/2006. Il ne ressort pas de la procédure d’identification visée à l’article 59 dudit règlement que des informations sur les substances de remplacement sont pertinentes concernant le résultat de cette procédure. Les critères visés à l’article 57, sous a), d) et e), de ce règlement ne font aucunement référence à l’existence ou non de substances de remplacement. En revanche, afin d’identifier une substance comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), du même règlement, il suffit qu’elle réponde aux critères pertinents pour l’identification des substances ayant des propriétés PBT et vPvB énoncés à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Or, si cette annexe contient un nombre important de critères auxquels il convient de répondre, aucun de ces critères ne concerne des substances de remplacement. Il n’est donc pas établi que l’existence d’informations sur des substances de remplacement aurait été susceptible de modifier le contenu de la décision attaquée relatif à l’identification de l’huile anthracénique comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement. Tel est également le cas concernant l’identification de cette substance comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), de ce règlement. En effet, les critères de classification en tant que substance cancérogène sont énoncés par la directive 67/548. La classification de l’huile anthracénique parmi les substances cancérogènes a déjà été effectuée par la directive 94/69 (voir point 3 ci-dessus). |
78 |
Au demeurant, il convient de relever que des informations sur les substances de remplacement sont pertinentes notamment pour la suite de la procédure d’autorisation dont l’identification d’une substance conformément à l’article 59 du règlement no 1907/2006 ne constitue que la première phase. En effet, en vertu de l’article 60, paragraphe 4, sous c), et paragraphe 5, sous b), dudit règlement, de telles informations sont pertinentes afin de prendre une décision concernant une demande d’autorisation relative à une substance incluse dans la liste des substances soumises à autorisation. |
79 |
Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté. |
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphes 5 et 7, du règlement no 1907/2006
80 |
Les requérantes font observer que l’ECHA n’était pas compétente pour modifier la proposition faite par la République fédérale d’Allemagne, relative à l’inclusion de l’huile anthracénique sur la liste des substances candidates, qui était fondée uniquement sur le fait que cette substance aurait des propriétés PBT et vPvB. À la suite de cette modification, l’huile anthracénique aurait été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante sur la base non seulement de ses propriétés PBT et vPvB telles qu’alléguées, mais également de ses propriétés cancérogènes. Étant donné que cette substance n’aurait pu être identifiée comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, la référence aux propriétés cancérogènes demeurerait la seule raison de son inclusion sur la liste des substances candidates. |
81 |
En l’espèce, le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 ne contenait effectivement que la proposition d’identifier l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement, à savoir comme une substance possédant des propriétés PBT et vPvB, et non comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), de ce règlement, à savoir comme étant cancérogène, même si ce dossier indiquait que cette substance était classifiée parmi les substances cancérogènes. |
82 |
Il ressort du dossier que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 59, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a soumis des observations indiquant que l’huile anthracénique était classifiée parmi les substances cancérogènes et répondait dès lors aux critères visés à l’article 57, sous a), dudit règlement. L’huile anthracénique a donc été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante répondant aux critères d’identification énoncés à l’article 57, sous a, d) et e), dudit règlement. |
83 |
Il s’ensuit que, en faisant valoir que l’ECHA n’était pas compétente pour modifier la proposition de la République fédérale d’Allemagne, relative à l’inclusion de l’huile anthracénique sur la liste des substances candidates, les requérantes contestent, en substance, l’identification de cette substance comme extrêmement préoccupante sur la base de ses propriétés cancérogènes. |
84 |
Or, il ne saurait être argumenté que, en identifiant une substance sur la base non seulement des motifs proposés dans le dossier initialement élaboré pour cette substance, mais également sur la base d’un motif non mentionné dans ce dossier, l’ECHA a dépassé ses compétences, telles que prévues à l’article 59 du règlement no 1907/2006. |
85 |
En effet, premièrement, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, du règlement no 1907/206, la procédure prévue aux paragraphes 2 à 10 dudit article est applicable aux fins de l’identification des substances répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006. La décision attaquée identifiant l’huile anthracénique au motif qu’elle répond aux critères visés à l’article 57 dudit règlement est conforme à cet objectif. L’argumentation des requérantes relative à l’identification d’une substance sur la base d’un motif non mentionné dans le dossier initialement élaboré pour cette substance ne concerne donc pas la compétence de l’ECHA. |
86 |
Deuxièmement, le libellé de l’article 59 du règlement no 1907/2006 ne prévoit pas que les motifs visés à l’article 57 dudit règlement, sur la base desquels une substance est identifiée doivent correspondre à ceux indiqués dans le dossier initialement élaboré. En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1907/2006, les États membres ne bénéficient pas d’un droit d’initiative exclusif pour engager la procédure d’identification. En effet, la Commission peut également demander à l’ECHA d’élaborer un dossier conformément à l’annexe XV dudit règlement. |
87 |
Troisièmement, il résulte de l’objectif de la procédure d’autorisation figurant à l’article 55 du règlement no 1907/2006, à savoir assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables, que l’identification d’une substance, qui constitue la première phase de la procédure d’autorisation, repose sur des motifs aussi complets que possibles. |
88 |
Quatrièmement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 59, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, l’ECHA peut présenter des observations relatives à l’identification de la substance en ce qui concerne les critères visés à l’article 57 dudit règlement dans le dossier qui lui a été transmis. Cet élément vise à assurer que l’ECHA soit en mesure de présenter utilement son point de vue. Il s’ensuit que des observations présentées par l’ECHA doivent pouvoir être reprises dans la décision attaquée. |
89 |
Le deuxième moyen doit donc être rejeté. |
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement
90 |
Les requérantes font valoir que l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante viole le principe d’égalité de traitement. Cette substance serait comparable, en raison de sa teneur en substances chimiques et de la concurrence sur le marché, à d’autres substances UVCB contenant de l’anthracène. Toutefois, l’ECHA aurait seulement, sans justification objective, identifié l’huile anthracénique et non ces autres substances comme une substance extrêmement préoccupante. |
91 |
Il convient de relever que, par le règlement no 1907/2006, le législateur a institué un régime concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances visant, notamment, selon le considérant 1 dudit règlement, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. En particulier, le règlement no 1907/2006 prévoit, sous son titre VII, une procédure d’autorisation. L’objectif de cette procédure est, selon l’article 55 dudit règlement, d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables. |
92 |
La procédure d’autorisation s’applique à toutes les substances répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement no 1907/2006. La première phase de la procédure d’autorisation consiste en l’identification des substances visées audit article pour laquelle une procédure en plusieurs étapes est prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006. Selon le considérant 77 dudit règlement, pour des raisons de faisabilité et de praticabilité, tant du côté des personnes physiques ou morales devant élaborer les dossiers de demande et prendre des mesures appropriées de gestion des risques que du côté des autorités devant traiter les demandes d’autorisation, il convient que seul un nombre limité de substances soit soumis simultanément à la procédure d’autorisation. S’agissant du choix de ces substances, l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1907/2006 prévoit qu’il revient à la Commission ou à l’État membre concerné d’estimer qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. Le législateur a donc laissé à la Commission et aux États membres un large pouvoir d’appréciation permettant une mise en œuvre progressive des règles relatives aux substances extrêmement préoccupantes visées au titre VII du règlement no 1907/2006. |
93 |
Au vu de ce qui précède, la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 ne confère donc à l’ECHA aucun pouvoir relatif au choix de la substance à identifier. En revanche, si un dossier pour une substance est élaboré par un État membre ou, sur demande de la Commission, par l’ECHA, cette dernière doit procéder, sous respect des conditions visées audit article, à l’identification de cette substance. |
94 |
En l’espèce, la procédure d’identification prévue à l’article 59 du règlement no 1907/2006 a été respectée en ce qui concerne le choix de la substance à identifier. En effet, il ressort du dossier que l’huile anthracénique a été choisie par la République fédérale d’Allemagne dès lors qu’elle estimait que cette substance répondait aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. En outre, en l’absence de production de dossiers élaborés par un État membre relatifs à d’autres substances contenant de l’anthracène ou de demande d’élaboration d’un tel dossier à l’ECHA par la Commission, l’ECHA ne pouvait procéder à l’identification de ces autres substances, conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, sans outrepasser ses pouvoirs. Il s’ensuit que, en identifiant l’huile anthracénique et non des substances prétendument comparables comme une substance extrêmement préoccupante, l’ECHA n’a pas violé le principe d’égalité de traitement. |
95 |
Au vu de ce qui précède, étant donné que la légalité de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 n’a pas été contestée par les requérantes et que l’ECHA a respecté cette procédure, le troisième moyen doit être rejeté. |
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation ou d’une erreur de droit relative à l’identification d’une substance comme PBT ou vPvB sur la base de ses constituants
96 |
Ce moyen comporte trois griefs. Premièrement, les requérantes font observer que le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne pour la substance en cause ne respectait pas les exigences visées à l’article 59, paragraphes 2 et 3, et aux annexes XIII et XV du règlement no 1907/2006, parce qu’il n’aurait pas été fondé sur une évaluation de la substance elle-même, mais sur une évaluation des propriétés de ses constituants. Deuxièmement, la règle selon laquelle une substance peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT ou vPvB pour autant que cette substance contienne un constituant, ayant des propriétés PBT ou vPvB, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 %, ne serait pas prévue à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Troisièmement, l’évaluation des constituants de la substance en cause n’aurait pas fourni une base suffisante pour identifier celle-ci comme ayant des propriétés PBT ou vPvB dès lors que ces constituants n’auraient pas été individuellement identifiés comme ayant des propriétés PBT ou vPvB. |
97 |
Dès lors que les premier et deuxième griefs concernent l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 %, il paraît adéquat de les examiner ensemble. |
98 |
À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêt de la Cour du 21 juillet 2011, Etimine, C-15/10, Rec. p. I-6681, point 60). |
99 |
Néanmoins, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêt de la Cour du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C-343/09, Rec. p. I-7023, points 33 et 34). |
– Sur les premier et deuxième griefs, relatifs à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 %
100 |
Les requérantes soulignent que le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne pour l’huile anthracénique ne respectait pas les exigences visées à l’article 59, paragraphes 2 et 3, et aux annexes XIII et XV du règlement no 1907/2006, parce qu’il n’était pas fondé sur une évaluation de la substance elle-même, mais sur une évaluation des propriétés de ses constituants. En outre, la règle selon laquelle une substance peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT ou vPvB pour autant qu’elle contient un constituant, ayant des propriétés PBT ou vPvB, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 % ne serait pas prévue à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 et n’aurait donc pas de fondement juridique. Cette absence de seuil de concentration aurait été voulue par le législateur, puisque des seuils de concentration seraient établis ailleurs dans le règlement no 1907/2006, à savoir notamment pour l’évaluation de la sécurité chimique en vertu de l’article 14 dudit règlement. Dans la mesure où la décision attaquée serait fondée sur l’évaluation des propriétés des constituants de l’huile anthracénique d’une concentration d’au moins 0,1 %, elle serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. |
101 |
Il ressort du dossier relatif à l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, sur lequel le comité des États membres est parvenu à un accord unanime le 2 décembre 2009, que cette substance a été identifiée comme extrêmement préoccupante, répondant aux critères nécessaires pour la considérer comme ayant des propriétés PBT et vPvB en vertu de l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, en raison des propriétés PBT et vPvB des constituants présents dans ladite substance d’une concentration d’au moins 0,1 %. |
102 |
En effet, il ressort de la section 6 du dossier relatif à l’identification de l’huile anthracénique que ce comité a conclu que cette substance devait être considérée comme ayant des propriétés PBT et vPvB dès lors qu’elle contenait, d’une part, trois constituants HAP d’une concentration d’au moins 0,1 %, dont deux devaient être considérés comme ayant des propriétés PBT et vPvB, à savoir le fluoranthène et le pyrène, et dont un répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés vPvB, à savoir le phénanthrène, et, d’autre part, de l’anthracène, d’une concentration de 3 à 25 %, qui répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés PBT. Ainsi, il a conclu que l’huile anthracénique était une substance qui contenait au moins 16 % de constituants HAP possédant des propriétés PBT ou vPvB. |
103 |
S’agissant, tout d’abord, d’une prétendue violation de la procédure prévue par l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1907/2006 lu conjointement avec l’annexe XV dudit règlement, il suffit de constater que ces dispositions prévoient l’élaboration d’un dossier pour une substance dont il est estimé qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 57 de ce règlement. Or, le dossier préparé par la République fédérale d’Allemagne ainsi que la décision attaquée avaient bien pour objet une substance au sens de l’article 3, point 1, du même règlement, dont il a été estimé qu’elle répondait aux critères énoncés à l’article 57 du règlement no 1907/2006. L’ECHA n’a donc pas violé ces dispositions. |
104 |
Afin d’examiner, ensuite, si l’approche suivie par l’ECHA relative à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB est entachée d’une erreur manifeste, il y a lieu de relever que les critères d’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT et vPvB sont définis dans l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Par conséquent, ainsi que les requérantes le soulignent, selon la version applicable de cette annexe, s’agissant de l’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT et vPvB, c’est cette substance qui doit répondre aux critères nécessaires pour la considérer comme ayant des propriétés PBT et vPvB, tels qu’énoncés aux sections 1 et 2 de ladite annexe. |
105 |
Toutefois, les constituants d’une substance faisant partie intégrante de celle-ci, il ne saurait être simplement jugé que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a considéré que la substance en cause possédait des propriétés PBT et vPvB du fait que des constituants de celle-ci possédaient ces propriétés. En effet, une telle conclusion ne tient pas suffisamment compte de l’objectif poursuivi par le règlement no 1907/2006, énoncé à son article 1er, paragraphe 1, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Même si le libellé de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, dans sa version applicable en l’espèce, n’indique pas expressément que l’identification des substances ayant des propriétés PBT et vPvB doit également tenir compte des propriétés PBT ou vPvB des constituants pertinents d’une substance, il n’exclut pas une telle approche. Cependant, il ne saurait être considéré que, du seul fait qu’un constituant d’une substance possède un certain nombre de propriétés, la substance les possède également, mais il faut considérer le pourcentage et les effets chimiques de la présence d’un tel constituant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 septembre 1985, Caldana, 187/84, Rec. p. 3013, point 17). |
106 |
Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, l’article 14, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1907/2006 ne démontre pas l’intention du législateur de minimiser les risques associés aux constituants ayant des propriétés PBT ou vPvB d’une substance uniquement dans le cadre de l’évaluation de la sécurité chimique prévue à cet article. En effet, d’une part, une telle intention ne ressort ni du libellé de cette disposition, ni des considérants du règlement no 1907/2006 relatifs à ladite disposition. D’autre part, l’article 14, paragraphe 2, sous f), dudit règlement fait partie de la procédure d’enregistrement des substances visée au titre II de ce règlement qui s’applique, en principe, à toutes les substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, visées aux articles 6 et 7 du même règlement. Ainsi qu’il ressort du considérant 69 du règlement no 1907/2006, le législateur a voulu accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes visées dans la procédure d’identification prévue à l’article 59 dudit règlement. |
107 |
En l’espèce, il importe de rappeler que l’huile anthracénique fait partie des substances UVCB, dont la composition est inconnue ou variable. Les substances UVCB font partie des substances multiconstituantes, c’est-à-dire des substances qui contiennent plusieurs constituants différents. L’annexe XIII du règlement no 1907/2006 ne prévoit pas de règles particulières relatives à l’identification des substances UVCB comme ayant des propriétés PBT et vPvB. |
108 |
D’après l’ECHA, l’approche selon laquelle une substance UVCB peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB au motif que ses constituants sont identifiés comme ayant des propriétés PBT et vPvB est fondée, d’une part, sur une pratique bien établie reposant sur un principe reconnu dans la législation de l’Union et, d’autre part, sur des raisons scientifiques. Pour ce qui est de l’application du seuil de 0,1 % en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants, celle-ci serait fondée sur la législation de l’Union. |
109 |
En premier lieu, s’agissant de l’argumentation relative à une pratique bien établie reposant sur un principe reconnu dans la législation de l’Union, il convient de relever que, s’il est vrai qu’il ressort du considérant 75 et de l’article 53, paragraphe 2, du règlement no 1272/2008 que ce règlement ne s’applique pas à la classification et à l’étiquetage des substances ayant des propriétés PBT et vPvB, mais notamment à celles de substances cancérogènes, mutagènes et toxiques, il n’en demeure pas moins qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement que le législateur a reconnu le principe selon lequel une substance ayant certaines propriétés et présente dans une autre substance peut entraîner la qualification de cette substance comme ayant ces propriétés. En effet, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1272/2008 dispose que les limites de concentration spécifiques et les limites de concentration génériques attribuées à une substance indiquent un seuil à partir duquel la présence de cette substance dans une autre substance ou dans un mélange sous forme d’impureté, d’additif ou d’élément individuel identifié entraîne la classification de la substance ou du mélange comme dangereux. |
110 |
L’applicabilité de ce principe à la procédure d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante est confirmée par plusieurs éléments. D’une part, l’article 57 du règlement no 1907/2006 situe, dans le cadre de l’examen des substances à inclure sur la liste des substances candidates, les substances ayant des propriétés PBT et vPvB au même niveau que les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques. D’autre part, l’applicabilité dudit principe est confirmée par l’article 56, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1907/2006. Selon ce dernier, en substance, l’interdiction de mettre sur le marché une substance soumise à autorisation ne s’applique pas pour l’utilisation de substances visées à l’article 57, sous d) à f), dudit règlement, en deçà d’une limite de concentration de 0,1 % masse/masse, lorsque celles-ci sont contenues dans des mélanges. Cette disposition s’applique certes à des mélanges et non à une substance telle que celle en cause. Toutefois, la qualification d’une substance en raison des propriétés de ses constituants paraît comparable à la qualification d’un mélange en raison des propriétés de ses substances. À cet égard, il importe de relever que les requérantes se réfèrent également, au soutien de leur affirmation selon laquelle le législateur envisageait de minimiser les risques associés aux constituants ayant des propriétés PBT ou vPvB d’une substance uniquement dans le cadre de l’évaluation de la sécurité chimique, à une disposition qui ne s’applique pas aux constituants d’une substance, mais aux substances contenues dans un mélange, à savoir l’article 14, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1907/2006 (voir point 106 ci-dessus). |
111 |
En deuxième lieu, l’ECHA fonde son approche sur des raisons scientifiques. |
112 |
D’une part, il serait important d’évaluer une substance UVCB sur la base de ses constituants parce que, une fois libérés dans l’environnement, les constituants individuels d’une telle substance se comporteraient comme des substances autonomes. Les substances en cause libéreraient plusieurs HAP différents ayant des propriétés PBT ou vPvB lors de leur utilisation, par exemple par chauffage durant le traitement ou par lixiviation au contact de l’eau. |
113 |
D’autre part, bien que l’étude d’une substance UVCB dans son ensemble soit possible dans certains cas spécifiques, une telle approche ne produirait pas de résultats significatifs pour la grande majorité de ces substances, dont l’huile anthracénique. Dans cette majorité de cas, une compréhension des propriétés d’une substance ne serait possible que sur la base d’une évaluation des propriétés de ses constituants pertinents. La plupart des méthodes d’essai disponibles pour déterminer les propriétés intrinsèques de ces substances ne conviendraient que pour l’étude de substances composées d’un seul constituant principal. En effet, s’agissant de la persistance des substances UVCB, celle-ci ne pourrait généralement être évaluée à l’aide de méthodes d’essais de biodégradation qui mesurent des paramètres sommaires, car ces essais mesureraient les propriétés de la substance dans son ensemble, mais ne donneraient pas d’informations sur ses constituants. Dès lors, à supposer même qu’à l’issue d’un tel essai la substance dans son ensemble apparaisse facilement biodégradable, la présence éventuelle dans la substance de constituants non biodégradables ne pourrait être exclue. Selon l’ECHA, des difficultés similaires sont rencontrées lors des essais de bioaccumulation et de toxicité pour certaines substances UVCB. La structure physique d’une telle substance pourrait empêcher, dans une mesure significative, la libération de ses constituants si l’essai porte sur la substance en tant que telle. Par conséquent, pour ce qui est des essais de bioaccumulation et de toxicité, l’accumulation dans les organismes étudiés et la toxicité ne pourraient être décelées dans le cadre des essais alors que, dans la réalité, il y aurait, après un certain temps, libération des constituants HAP dans l’environnement. |
114 |
Les critiques énoncées par les requérantes et relatives à ces considérations scientifiques ne sont pas en mesure de montrer que les raisons scientifiques présentées par l’ECHA sont entachées d’une erreur manifeste. |
115 |
En effet, premièrement, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle le fait qu’une substance puisse se décomposer en ses constituants est examiné lors de l’évaluation de la sécurité chimique qui doit être effectuée dans le cadre de l’enregistrement de la substance, conformément à l’article 14 du règlement no 1907/2006, celle-ci ne contredit pas l’appréciation de l’ECHA, mais indique seulement que la décomposition doit également, le cas échéant, être prise en compte lors d’une autre procédure visée par le règlement no 1907/2006 (à cet égard, voir également point 106 ci-dessus). |
116 |
Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle, contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, la plupart des méthodes d’essai peuvent être utilisées pour les substances UVCB ou, lorsque les méthodes existantes ne sont pas appropriées, l’approche fondée sur la force probante peut être utilisée, celle-ci n’est aucunement étayée par des données scientifiques et n’est donc pas suffisante pour rejeter l’approche suivie par l’ECHA comme étant entachée d’une erreur manifeste. |
117 |
En troisième lieu, s’agissant de l’application du seuil de 0,1 % en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants, les requérantes font valoir que, bien qu’elles ne contestent pas l’application d’un tel seuil en général, le critère relatif au seuil de 0,1 % ne se trouve pas dans l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. En outre, elles affirment que, s’il est vrai qu’il existe des actes contenant des références au pourcentage de 0,1 % comme constituant dans certains cas un seuil au-delà duquel une classification de danger s’applique, ce seuil peut aller de 0,1 à 1 % selon le danger. |
118 |
Or, s’il est vrai qu’aucun seuil de concentration n’est prévu à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, il importe de relever que l’application d’un tel seuil en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants n’exige pas que ce seuil soit précisé dans cette annexe. |
119 |
En outre, il ressort du règlement no 1907/2006 que le seuil de 0,1 % a été appliqué par la législation de l’Union, à quelques reprises, pour la qualification d’un mélange sur la base de ses substances. En effet, l’article 31, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1907/2006 impose une obligation d’information aux fournisseurs d’un mélange si celui-ci contient une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB, conformément aux critères visés à l’annexe XIII dudit règlement, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 %. En outre, l’article 14, paragraphe 2, sous f), de ce règlement impose à une entreprise de présenter une évaluation de la sécurité chimique d’un mélange lorsque la limite de concentration d’une substance contenue dans le mélange et satisfaisant aux critères visés à l’annexe XIII du même règlement est égale ou supérieure à 0,1 %. De plus, l’article 56, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006 dispose que l’obligation d’autorisation n’est notamment pas applicable à l’utilisation de substances répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement, lorsque celles-ci sont contenues dans des mélanges en deçà d’une limite de concentration de 0,1 %. |
120 |
Dès lors que la qualification d’une substance en raison des propriétés de ses constituants paraît comparable à la qualification d’un mélange en raison des propriétés de ses substances (voir point 110 ci-dessus) et que les requérantes ne contestent pas l’application du seuil de 0,1 % en général, il ne saurait être conclu que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste en ce que le seuil de 0,1 % a été appliqué en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants. |
121 |
Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que l’huile anthracénique n’a pas été identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB du seul fait qu’un constituant de cette substance a un certain nombre de propriétés PBT et vPvB, mais que le pourcentage et les effets chimiques de la présence d’un tel constituant ont également été pris en compte (voir point 105 ci-dessus). L’argumentation des requérantes relative à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 % ne démontre pas que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste. |
122 |
Les premier et deuxième griefs doivent donc être écartés. |
– Sur le troisième grief, relatif à l’identification des constituants de la substance en cause comme ayant des propriétés PBT ou vPvB
123 |
Les requérantes font observer, en substance, que l’évaluation des constituants de la substance en cause n’aurait pas constitué une base suffisante pour identifier celle-ci comme ayant des propriétés PBT ou vPvB dès lors que ces constituants n’auraient pas été individuellement identifiés comme ayant des propriétés PBT ou vPvB par une décision séparée de l’ECHA sur la base d’une évaluation approfondie à cette fin. |
124 |
Pour rappel, l’huile anthracénique a été identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB dès lors qu’elle contenait deux constituants devant être considérés comme ayant des propriétés PBT et vPvB, du phénanthrène répondant aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés vPvB et de l’anthracène qui répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés PBT (voir point 102 ci-dessus). |
125 |
En premier lieu, se pose la question de savoir si l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, sur la base des propriétés PBT et vPvB de ses constituants, exige que ces constituants doivent eux-mêmes avoir fait au préalable l’objet d’une identification comme ayant des propriétés PBT et vPvB par une décision séparée de l’ECHA. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 57, sous d) et e), et l’article 59 du règlement no 1907/2006 prévoient seulement qu’il doit être répondu aux critères visés à l’annexe XIII dudit règlement. Par ailleurs, la mise en œuvre de la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006 afin d’identifier de manière autonome les constituants concernés de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB n’apporterait aucune valeur ajoutée à l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB sur la base des propriétés PBT et vPvB de ses constituants. En effet, également dans le cadre du dossier élaboré conformément à l’annexe XV dudit règlement relatif à la substance en cause, il y avait lieu également de procéder à une comparaison des informations disponibles avec les critères de l’annexe XIII du même règlement. L’argumentation des requérantes à cet égard doit donc être rejetée. |
126 |
En second lieu, les requérantes contestent que l’identification des constituants en cause, autres que l’anthracène, en tant que constituant ayant des propriétés PBT ou vPvB, soit fondée sur une évaluation approfondie. Pour ce qui est de l’anthracène, il est constant qu’il a été identifié comme une substance extrêmement préoccupante sur la base de ses propriétés PBT. En vertu de la jurisprudence mentionnée aux points 98 et 99 ci-dessus, il y a donc lieu d’examiner si la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste à cet égard. |
127 |
Les requérantes renvoient, à l’appui de leur argumentation, aux observations formulées par le groupe de grandes compagnies pétrolières menant des recherches sur les questions environnementales concernant l’industrie pétrolière lors de la période de consultation du dossier établi conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 pour la substance en cause. Un rapport analysant les propriétés en matière de bioaccumulation de quinze HAP aurait été joint à ces observations. Selon ces dernières, étant donné que le sous-groupe compétent de l’ECB ne se serait pas mis d’accord sur les propriétés PBT ou vPvB de ces constituants, il serait prématuré et inopportun de tirer des conclusions définitives pour ceux-ci dans le dossier établi conformément à l’annexe XV dudit règlement. Selon ledit rapport, les éléments de preuve disponibles n’étayeraient pas les conclusions générales préliminaires figurant dans ce dossier selon lesquelles ces constituants satisferaient au critère bioaccumulable ou très bioaccumulable, dès lors que les données fiables de laboratoire ne démontreraient qu’un faible potentiel de bioaccumulation de ces constituants. |
128 |
À cet égard, il convient de relever que l’argumentation des requérantes se borne, en substance, à faire référence à la présentation des observations et d’un rapport élaborés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 59, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. L’huile anthracénique a été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante sur la base de l’analyse figurant dans le dossier établi par la République fédérale d’Allemagne et approuvé par le comité des États membres le 2 décembre 2009, conformément à l’article 59, paragraphe 8, dudit règlement, en connaissance de ces observations et dudit rapport. La section 6 de ce dossier évalue respectivement, en détail, les propriétés PBT et vPvB des constituants pertinents de la substance en cause. Au vu de ce qui précède, la référence en général, d’une part, au fait que le sous-groupe compétent de l’ECB, qui n’existe d’ailleurs plus sous le régime du règlement no 1907/2006, ne s’est pas mis d’accord sur les propriétés PBT et vPvB des constituants en cause et, d’autre part, à la prétendue insuffisance des éléments de preuve, sans montrer quel élément de l’analyse figurant dans ledit dossier est incorrect, n’est pas suffisante pour conclure que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste. |
129 |
Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté. |
130 |
Par conséquent, le quatrième moyen doit être écarté dans son intégralité. |
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
131 |
Les requérantes font valoir que la décision attaquée ne respecte pas le principe de proportionnalité. Cette décision serait inappropriée à la réalisation des objectifs du règlement no 1907/2006, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Les requérantes font observer à cet égard que les substances pouvant être utilisées en remplacement de l’huile anthracénique ont également des propriétés PBT ou vPvB. Selon les requérantes, l’ECHA aurait pu prendre d’autres mesures appropriées et moins contraignantes, à savoir l’application des mesures de gestion des risques sur la base de l’évaluation de la sécurité chimique figurant dans le dossier d’enregistrement préparé par les requérantes au titre de l’article 14 du règlement no 1907/2006 ou la présentation d’un dossier pour des restrictions concernant la substance en cause en vertu du titre VIII de ce règlement. |
132 |
Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Etimine, point 98 supra, point 124, et la jurisprudence citée). |
133 |
En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point précédent, il y a lieu de reconnaître à l’ECHA un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Etimine, point 98 supra, point 125, et la jurisprudence citée). |
134 |
En l’espèce, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 que ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard au considérant 16 de ce règlement, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C-558/07, Rec. p. I-5783, point 45). Pour ce qui est plus spécifiquement du but de la procédure d’autorisation, l’article 55 dudit règlement prévoit qu’elle vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables. |
135 |
En premier lieu, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée n’est pas appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006, il convient de rappeler que la décision attaquée consiste en l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 dudit règlement. Lorsqu’une substance est identifiée comme extrêmement préoccupante, les opérateurs économiques concernés sont soumis à des obligations d’information (voir point 33 ci-dessus). |
136 |
S’agissant de l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement, il convient d’emblée de constater que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante sert à améliorer l’information du public et des professionnels sur les risques et les dangers encourus et que, par suite, cette identification doit être considérée comme un instrument d’amélioration d’une telle protection (voir, en ce sens, arrêt S.P.C.M. e.a., point 134 supra, point 49). |
137 |
Pour ce qui est plus spécifiquement de l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée est inappropriée à cet égard dès lors que les substances pouvant être utilisées en remplacement de la substance en cause auraient également des propriétés PBT ou vPvB, il y a lieu de relever que la décision attaquée n’entraîne pas l’interdiction de mettre l’huile anthracénique sur le marché obligeant les opérateurs concernés à utiliser des substances de remplacement. Une telle conséquence est seulement prévue, en vertu de l’article 56 du règlement no 1907/2006, pour les substances incluses dans l’annexe XIV dudit règlement, c’est-à-dire la liste des substances soumises à autorisation. En outre, bien que l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dispose que la procédure d’identification est applicable en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du même règlement, il ressort de la procédure visée à l’article 58 du règlement no 1907/2006 à cet égard que l’inclusion d’une substance sur la liste des substances candidates n’entraîne pas automatiquement son inclusion dans l’annexe XIV dudit règlement. En effet, conformément à l’article 58, paragraphes 1 et 3, de ce règlement no 1907/2006, l’ECHA doit recommander l’inclusion des substances prioritaires dans cette annexe en tenant compte de l’avis du comité des États membres et en précisant notamment les utilisations ou catégories d’usage exemptées de l’obligation d’autorisation. Une substance peut être soumise à autorisation uniquement à la suite d’une décision de la Commission d’inclure cette substance dans ladite annexe XIV. |
138 |
Par ailleurs, le règlement no 1907/2006 prévoit pour l’identification des substances extrêmement préoccupantes une procédure conçue pour soumettre ces substances de manière progressive à la procédure d’autorisation. À cet égard, le considérant 77 dudit règlement énonce que, pour des raisons de faisabilité et de praticabilité, tant du côté des personnes physiques ou morales, qui doivent élaborer les dossiers de demande et prendre des mesures appropriées de gestion des risques, que du côté des autorités, qui doivent traiter les demandes d’autorisation, il convient que seul un nombre limité de substances soit soumis simultanément à la procédure d’autorisation. Dès lors, il n’est pas exclu que, dans le cadre de cette approche progressive, les substances de remplacement visées par les requérantes fassent également l’objet de la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006. |
139 |
Il convient également de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante n’est pas appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006 dès lors que les risques liés à l’exposition de cette substance sont faibles parce que l’huile anthracénique est principalement utilisée comme intermédiaire dans la production de noir de carbone. En effet, dans la mesure où l’huile anthracénique constitue un intermédiaire, cette substance est exemptée du titre VII du règlement no 1907/2006, conformément à l’article 2, paragraphe 8, dudit règlement et n’est donc pas concernée par les obligations d’information résultant d’une identification d’une substance comme extrêmement préoccupante en vertu de l’article 59 de ce règlement. Par ailleurs, il convient de constater que l’argumentation des requérantes est inopérante étant donné qu’il en résulte que la substance en cause n’est pas exclusivement utilisée comme intermédiaire. |
140 |
Par conséquent, l’argumentation des requérantes relative au prétendu caractère inapproprié de la décision attaquée doit être rejetée. |
141 |
En second lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis dès lors que l’application des mesures de gestion des risques ou la présentation d’un dossier conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 pour des restrictions concernant la substance en cause assureraient également un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, mais seraient moins contraignantes. |
142 |
Premièrement, pour ce qui est des mesures de gestion des risques, les requérantes se réfèrent aux obligations figurant à l’article 14 du règlement no 1907/2006. En vertu du paragraphe 1 de ladite disposition, elles devraient effectuer une évaluation de la sécurité chimique et établir un rapport sur cette sécurité pour la substance en cause. Selon le paragraphe 3, sous d), de cet article, l’évaluation de la sécurité chimique comprendrait également une évaluation des propriétés PBT et vPvB de la substance en cause. Si cette évaluation conduisait à la conclusion qu’une substance a des propriétés PBT ou vPvB, les requérantes devraient procéder à une évaluation et à une estimation de l’exposition ainsi qu’à la caractérisation des risques portant sur les utilisations identifiées, conformément au paragraphe 4 du même article. En outre, en vertu de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006, les requérantes seraient tenues d’identifier et d’appliquer les mesures appropriées en vue d’une maîtrise valable des risques. Cette évaluation n’étant pas encore disponible au moment de l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante par la décision attaquée, l’ECHA aurait pu décider d’attendre la présentation de celle-ci afin d’examiner le rapport sur la sécurité chimique et les mesures de gestion des risques proposées, au lieu d’identifier la substance en cause comme extrêmement préoccupante. |
143 |
Or, il ne ressort aucunement du règlement no 1907/2006 que le législateur a envisagé de subordonner la procédure d’identification menée conformément à l’article 59 dudit règlement, qui fait partie de la procédure d’autorisation d’une substance visée au titre VII de ce règlement, à la procédure d’enregistrement prévue au titre II du même règlement, dont relèvent les obligations visées à l’article 14 de ce règlement. Il est vrai que ces obligations servent également à améliorer l’information du public et des professionnels sur les dangers et les risques d’une substance. Toutefois, dès lors que les substances enregistrées devraient pouvoir circuler sur le marché intérieur, ainsi qu’il ressort du considérant 19 du règlement no 1907/2006, l’objectif de la procédure d’autorisation, dont la procédure d’identification visée à l’article 59 dudit règlement fait partie, est notamment de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables (voir point 134 ci-dessus). En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 69 du règlement no 1907/2006, le législateur a voulu accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes. |
144 |
Par conséquent, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les mesures de gestion des risques proposées en vertu de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006 ne constituent pas des mesures appropriées à la réalisation des objectifs poursuivis par ledit règlement relatifs au traitement des substances extrêmement préoccupantes et ne sont donc pas des mesures moins contraignantes en l’espèce. |
145 |
Enfin, pour ce qui est de l’argument des requérantes selon lequel l’ECHA aurait pu attendre, avant d’identifier l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, la présentation du dossier d’enregistrement de la substance en cause contenant l’évaluation de sa sécurité chimique, parce qu’un tel dossier constituerait la meilleure source d’information, il suffit de constater que cette identification a été effectuée sur la base des informations contenues dans le dossier relatif à la substance en cause approuvé de manière unanime par le comité des États membres (voir point 101 ci-dessus). Ce comité n’a pas constaté l’absence d’informations relatives à la validité et à la pertinence des données. En outre, l’enregistrement de la substance en cause devant, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, impérativement être effectué seulement pour le 1er décembre 2010, donc deux ans et demi à compter de la date à partir de laquelle la procédure d’autorisation était applicable conformément à l’article 141, paragraphe 2, de ce règlement, à savoir le 1er juin 2008, un prétendu devoir d’attendre la présentation du dossier d’enregistrement en cause aurait porté atteinte à l’efficacité du règlement no 1907/2006. |
146 |
Deuxièmement, pour ce qui est des mesures de restriction, les requérantes font valoir qu’un dossier relatif à la proposition d’une telle mesure conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 doit comprendre les informations disponibles concernant les substances de remplacement, y compris des informations sur les risques pour la santé humaine et l’environnement liés à la fabrication ou à l’utilisation de ces substances de remplacement, leur disponibilité et leur faisabilité technique et économique. Une telle proposition, qui aurait donc été fondée sur des paramètres semblables à ceux utilisés pour un dossier en vue de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, aurait évité les conséquences négatives liées à ladite identification et conduit au même résultat en ce qui concerne les objectifs du règlement no 1907/2006. |
147 |
À cet égard, il convient de relever que le simple fait qu’une substance figure dans la liste des substances candidates n’empêche pas de soumettre cette substance à des restrictions plutôt qu’à une autorisation. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 58, paragraphe 5, et de l’article 69 du règlement no 1907/2006, la Commission ou un État membre peut toujours proposer que la fabrication, la mise sur le marché ou l’utilisation d’une substance soit contrôlée par des restrictions plutôt que par une autorisation. |
148 |
En outre, ainsi qu’il ressort de l’annexe XVII du règlement no 1907/2006, les restrictions, adoptées conformément à la procédure visée au titre VIII dudit règlement, applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux, peuvent aller de conditions particulières imposées à la fabrication ou à la mise sur le marché d’une substance à une interdiction totale de l’utilisation d’une substance. À supposer même que les mesures de restriction soient également appropriées à la réalisation des objectifs poursuivis par ce règlement, celles-ci ne constituent donc pas, en tant que telles, des mesures moins contraignantes par rapport à l’identification d’une substance qui n’entraîne que des obligations d’information. |
149 |
Par ailleurs, pour autant que les requérantes font valoir que les informations contenues dans le dossier relatif à une proposition d’une mesure de restriction conformément à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 démontreraient que l’identification de la substance en cause n’était pas nécessaire, il suffit de relever que cette identification a été effectuée conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, qui constitue une procédure différente de celle visée au titre VIII du même règlement (voir point 147 ci-dessus). |
150 |
Au vu de ce qui précède, il ne saurait être conclu que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité. |
151 |
Par conséquent, le cinquième moyen et donc le recours dans son intégralité doivent être rejetés. |
Sur les dépens
152 |
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. |
153 |
Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (septième chambre élargie) déclare et arrête : |
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Dittrich Dehousse Wiszniewska-Białecka Prek Schwarcz Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mars 2013. Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif
Dans l’affaire T-94/10,
Rütgers Germany GmbH, établie à Castrop-Rauxel (Allemagne),
Rütgers Belgium NV, établie à Zelzate (Belgique),
Deza, a.s., établie à Valašske Meziříčí (République tchèque),
Industrial Química del Nalón, SA, établie à Oviedo (Espagne),
Bilbaína de Alquitranes, SA, établie à Luchana-Baracaldo (Espagne),
représentées initialement par M es K. Van Maldegem, R. Cana, avocats, et M. P. Sellar, solicitor, puis par M es Van Maldegem et Cana,
parties requérantes,
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par M me M. Heikkilä et M. W. Broere, en qualité d’agents, assistés de M e J. Stuyck, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision de l’ECHA, publiée le 13 janvier 2010, identifiant l’huile anthracénique (CE n o 292-602-7) comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement (CE) n o 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n o 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n o 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), conformément à l’article 59 de ce règlement,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, F. Dehousse, M me I. Wiszniewska-Białecka, MM. M. Prek et J. Schwarcz, juges,
greffier : M. N. Rosner, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2012,
rend le présent
Arrêt
Antécédents des litiges
1. Les requérantes, Rütgers Germany GmbH, Rütgers Belgium NV, Deza, a.s., Industrial Química del Nalón, SA et Bilbaína de Alquitranes, SA, sont des producteurs et des fournisseurs d’huile anthracénique (CE n o 292-602-7) dans l’Union européenne.
2. La substance concernée dans la présente affaire, à savoir l’huile anthracénique, est, selon sa description dans les tableaux 3.1 et 3.2 figurant à l’annexe VI du règlement (CE) n o 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n o 1907/2006 (JO L 353, p. 1), une combinaison complexe d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (ci-après les « HAP ») obtenue à partir de goudron de houille présentant un intervalle de distillation approximatif compris entre 300 o et 400 o C et composée principalement de phénanthrène, d’anthracène et de carbazole. Cette substance fait partie des substances de composition inconnue ou variable, produits de réactions complexes ou matières biologiques (ci-après les « substances UVCB »), parce qu’elle ne peut être complètement identifiée par sa composition chimique. L’huile anthracénique est principalement utilisée comme intermédiaire pour la production de noir de carbone, qui est un pigment et un agent de renforcement dans les produits en caoutchouc, notamment les pneus. Elle est également utilisée comme intermédiaire pour la production d’anthracène pur.
3. L’huile anthracénique a été incluse dans l’annexe I de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 196, p. 1), par la directive 94/69/CE de la Commission, du 19 décembre 1994, portant vingt et unième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 381, p. 1). Par cette inclusion, l’huile anthracénique a été classifiée parmi les substances cancérogènes de catégorie 2. Cette classification a été reprise par le règlement n o 1272/2008.
4. Le 28 août 2009, la République fédérale d’Allemagne a transmis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier qu’elle avait élaboré concernant l’identification de l’huile anthracénique comme une substance répondant, en raison de ses propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après les « propriétés PBT ») ainsi que très persistantes et très bioaccumulables (ci-après les « propriétés vPvB »), aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), du règlement (CE) n o 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), modifié par la suite notamment par le règlement n o 1272/2008.
5. Le 31 août 2009, l’ECHA a publié sur son site Internet un avis invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi pour l’huile anthracénique et a également invité les autorités compétentes des États membres à présenter des observations à cet égard.
6. Dans le cadre de cette procédure, le groupe sectoriel des substances chimiques issues de la houille, dont les requérantes étaient membres, et l’ECHA ont notamment présenté des observations. L’ECHA a indiqué, à cet égard, que l’huile anthracénique était classifiée parmi les substances cancérogènes et répondait dès lors aux critères visés à l’article 57, sous a), du règlement n o 1907/2006.
7. Après avoir reçu la réponse de la République fédérale d’Allemagne, l’ECHA a renvoyé ce dossier à son comité des États membres visé à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement n o 1907/2006, le 16 novembre 2009. Ce comité est parvenu, le 2 décembre 2009, à un accord unanime sur l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous a), d) et e), du règlement n o 1907/2006.
8. Le 7 décembre 2009, l’ECHA a publié un communiqué de presse annonçant, d’une part, que le comité des États membres était parvenu à un accord unanime sur l’identification de quinze substances, y compris l’huile anthracénique, comme des substances extrêmement préoccupantes dans la mesure où ces substances répondaient aux critères visés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006 et, d’autre part, que la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement n o 1907/2006 (ci-après la « liste des substances candidates ») serait formellement mise à jour en janvier 2010. Le 22 décembre 2009, le directeur exécutif de l’ECHA a pris la décision ED/68/2009 en vue de procéder, le 13 janvier 2010, à la publication et à la mise à jour de la liste des substances candidates concernant ces quinze substances.
9. Le 13 janvier 2010, la liste des substances candidates incluant notamment l’huile anthracénique a été publiée sur le site Internet de l’ECHA.
Procédure et conclusions des parties
10. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2010, les requérantes ont introduit le présent recours visant à l’annulation partielle de la décision de l’ECHA, publiée le 13 janvier 2010, identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006, conformément à l’article 59 dudit règlement (ci-après la « décision attaquée »).
11. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2010, l’ECHA a demandé la jonction de la présente affaire avec les affaires T-93/10, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T-95/10, Cindu Chemicals e.a./ECHA, et T-96/10, Rütgers Germany e.a./ECHA, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ayant été entendues à cet égard, le président de la huitième chambre du Tribunal a décidé, le 10 mai 2010, de ne pas joindre ces affaires aux fins de la procédure écrite et de réserver sa décision sur la demande de jonction aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance.
12. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2010, l’ECHA a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.
13. Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 3 juin 2010, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de l’ECHA. Il a été fait droit à cette demande, les parties principales ayant été entendues, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 6 juillet 2010. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2010, le Royaume de Danemark a retiré son intervention dans la présente procédure.
14. Les requérantes ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 23 août 2010.
15. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
16. Par décision du 30 mars 2011, le Tribunal a renvoyé la présente affaire devant la septième chambre élargie, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure.
17. Par ordonnance du Tribunal (septième chambre élargie) du 3 mai 2011, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.
18. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
19. Par ordonnance du président de la septième chambre élargie du Tribunal du 20 juin 2012, la présente affaire et les affaires T-93/10, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T-95/10, Cindu Chemicals e.a./ECHA, et T-96/10, Rütgers Germany e.a./ECHA, ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.
20. Par lettre du 30 août 2012, les requérantes ont déposé des observations sur le rapport d’audience.
21. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2012. Les parties ont, en particulier, été entendues concernant la recevabilité du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphes 5 et 7, du règlement n o 1907/2006.
22. Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours recevable et bien fondé ;
– annuler la décision attaquée dans la mesure où elle concerne l’huile anthracénique ;
– condamner l’ECHA aux dépens.
23. L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours irrecevable ou, à tout le moins, non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
24. Avant d’examiner l’affaire au fond, il y a lieu de répondre aux questions soulevées par l’ECHA dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité.
Sur l’exception d’irrecevabilité du recours
25. Les fins de non-recevoir soulevées par l’ECHA sont tirées de la nature de la décision attaquée, d’un défaut d’affectation directe des requérantes et du fait que la décision attaquée, qui ne serait pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne concernerait pas individuellement les requérantes.
Sur la nature de la décision attaquée
26. L’ECHA fait valoir, en substance, que les requérantes, en se référant à l’accord unanime du comité des États membres de l’ECHA intervenu le 2 décembre 2009, ont attaqué un acte préparatoire qui n’était pas destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers au sens de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE. D’après l’ECHA, l’acte qui produit un effet juridique potentiel est la publication de la liste des substances candidates mise à jour sur le site Internet de l’ECHA conformément à l’article 59, paragraphe 10, du règlement n o 1907/2006.
27. Aux termes de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE, sont susceptibles de recours les actes adoptés par les organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.
28. Selon une jurisprudence constante, sont susceptibles d’un recours en annulation toutes les dispositions prises par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 42 ; voir également arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C-138/03, C-324/03 et C-431/03, Rec. p. I-10043, point 32, et ordonnance du Tribunal du 14 juillet 2008, Espinosa Labella e.a./Commission, T-322/06, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).
29. Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union concerné au terme de la procédure. Il en résulte que des mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10 ; voir également arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T-355/04 et T-446/04, Rec. p. II-1, point 33, et la jurisprudence citée).
30. Il convient de rappeler que la procédure prévue à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, consistant en l’identification des substances visées à l’article 57 dudit règlement, se déroule en plusieurs étapes.
31. Ainsi, après que la procédure d’identification a été engagée et que l’ECHA a mis le dossier relatif à une substance à la disposition des États membres et publié sur son site Internet un avis invitant toutes les parties intéressées à lui soumettre leurs informations (article 59, paragraphes 2 à 4, du règlement n o 1907/2006), les États membres, l’ECHA et toutes les parties intéressées peuvent présenter des observations relatives à l’identification proposée dans le dossier (article 59, paragraphes 4 et 5, dudit règlement). Si, comme dans le cas d’espèce, de telles observations sont effectuées, l’ECHA renverra le dossier à son comité des États membres et, si ce comité parvient à un accord unanime sur l’identification, elle inclura cette substance dans la liste des substances candidates (article 59, paragraphes 7 et 8, de ce règlement). Enfin, dès qu’une décision aura été prise concernant l’inclusion de la substance, l’ECHA publiera et mettra à jour la liste des substances candidates sur son site Internet (article 59, paragraphe 10, du même règlement).
32. En l’espèce, il convient de constater que les requérantes se sont référées non seulement à l’accord du comité des États membres de l’ECHA intervenu le 2 décembre 2009 et identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006, mais également à la publication sur le site Internet de l’ECHA le 13 janvier 2010 et au code ED/68/2009, qui était le code de la décision du directeur exécutif de l’ECHA d’inclure ladite substance sur la liste des substances candidates publiée sur le site Internet le 13 janvier 2010, quoique les requérantes n’aient pas eu connaissance de ce dernier fait. Les requérantes ont donc, sans aucun doute, attaqué la décision de l’ECHA identifiant l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006, dont le contenu avait été déterminé par l’accord unanime du comité des États membres de l’ECHA, intervenu le 2 décembre 2009 et qui a été exécutée par son directeur exécutif, lequel a ordonné l’inclusion de cette substance sur la liste des substances candidates publiée sur le site Internet le 13 janvier 2010, conformément à l’article 59 dudit règlement, dans son intégralité. En se référant à la version de la liste publiée sur le site Internet de l’ECHA le 13 janvier 2010, à l’accord unanime de son comité des États membres en 2009 et au code ED/68/2009, les requérantes ont bien identifié sans équivoque l’objet du litige. L’exception fondée sur le prétendu caractère préparatoire du seul accord du comité des États membres de l’ECHA est donc inopérante.
33. L’acte d’identification d’une substance résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 est destiné à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers au sens de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE. En effet, cet acte déclenche, notamment, les obligations d’information prévues à l’article 7, paragraphe 2, à l’article 31, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 3, sous b), ainsi qu’à l’article 33, paragraphes 1 et 2, dudit règlement. Ces dispositions font référence aux substances identifiées conformément à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement ou aux substances incluses ou figurant dans la liste établie conformément à l’article 59, paragraphe 1, du même règlement. Elles désignent, dès lors, des obligations juridiques découlant de l’acte résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006.
34. Au vu de ce qui précède, la fin de non-recevoir tirée de la nature de la décision attaquée doit être rejetée.
Sur l’affectation directe des requérantes
35. L’ECHA fait valoir que le recours est irrecevable parce que les requérantes ne sont pas directement concernées par la décision attaquée.
36. Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
37. En l’espèce, il est constant que la décision attaquée n’a pas été adressée aux requérantes, qui ne sont donc pas destinataires de cet acte. Dans cette situation, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérantes ne peuvent former un recours en annulation contre ledit acte qu’à la condition qu’elles soient, notamment, directement concernées par celui-ci.
38. S’agissant de l’affectation directe, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96 P, Rec. p. I-2309, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C-486/01 P, Rec. p. I-6289, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C-445/07 P et C-455/07 P, Rec. p. I-7993, point 45).
39. En premier lieu, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée les concerne directement en ce que leur situation juridique serait affectée par l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement n o 1907/2006, il convient de relever que cette disposition vise la mise à jour d’une fiche de données de sécurité dont l’établissement est prévu au paragraphe 1 dudit article. En vertu de l’article 31, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement n o 1907/2006, les fournisseurs d’une substance doivent fournir au destinataire de celle-ci une fiche de données de sécurité lorsque la substance répond aux critères de classification comme une substance dangereuse conformément à la directive 67/548, lorsque la substance possède des propriétés PBT ou vPvB, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII dudit règlement, ou lorsque la substance est incluse dans la liste établie conformément à l’article 59, paragraphe 1, du règlement n o 1907/2006 pour des raisons autres que celles précédemment visées. L’article 31, paragraphe 9, sous a), de ce règlement dispose à cet égard que cette fiche de données de sécurité doit être mise à jour sans tarder par les fournisseurs dès que de nouvelles informations qui peuvent affecter les mesures de gestion des risques ou de nouvelles informations relatives aux dangers sont disponibles.
40. En l’espèce, il n’est pas contesté que les requérantes, qui sont des fournisseurs d’une substance tels que définis à l’article 3, point 32, du règlement n o 1907/2006, devaient, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, fournir au destinataire de la substance en cause une fiche de données de sécurité dès lors que cette substance répondait aux critères de classification en tant que substance dangereuse conformément à la directive 67/548. En effet, l’huile anthracénique a été classifiée parmi les substances cancérogènes de catégorie 2 par la directive 94/69 (voir point 3 ci-dessus).
41. En revanche, il est contesté que, ainsi que les requérantes le font valoir, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, au motif que cette substance a des propriétés PBT ou vPvB, représente une nouvelle information au sens de l’article 31, paragraphe 9, sous a), dudit règlement qui déclenche l’obligation visée par cette disposition, à savoir la mise à jour de la fiche de données de sécurité, de sorte que la décision attaquée produit des effets directs sur la situation juridique des requérantes.
42. En ce qui concerne la fiche de données de sécurité, l’article 31, paragraphe 1, du règlement n o 1907/2006 dispose qu’elle doit être établie conformément à l’annexe II dudit règlement. Selon cette annexe, qui contient un guide d’élaboration des fiches de données de sécurité, ces fiches doivent fournir un mécanisme pour transmettre des informations de sécurité appropriées sur les substances classifiées aux utilisateurs situés immédiatement en aval dans la chaîne d’approvisionnement. L’objet de cette annexe est d’assurer la cohérence et la précision du contenu de chacune des rubriques obligatoires énumérées à l’article 31, paragraphe 6, du règlement n o 1907/2006, de sorte que les fiches de données de sécurité qui en résultent permettent aux utilisateurs de prendre les mesures nécessaires en matière de protection de la santé humaine et de sécurité sur le lieu de travail et de protection de l’environnement.
43. Selon les requérantes, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure prévue à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 au motif que cette substance a des propriétés PBT ou vPvB constitue une nouvelle information relative à l’article 31, paragraphe 6, point 2 (identification des dangers), point 3 (composition/informations sur les composants) et point 15 (informations relatives à la réglementation), du règlement n o 1907/2006.
44. S’agissant de l’article 31, paragraphe 6, point 2, du règlement n o 1907/2006 (identification des dangers), selon le point 2 de l’annexe II du règlement n o 1907/2006, la classification d’une substance découlant de l’application des règles de classification énoncées dans la directive 67/548 doit y être indiquée. Les principaux dangers qu’une substance présente pour l’homme et pour l’environnement doivent être indiqués clairement et brièvement.
45. Il est constant qu’une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB présente un risque pour l’environnement. Toutefois, selon l’ECHA, un tel risque ne provient pas de la décision attaquée, mais des propriétés intrinsèques de cette substance que les requérantes auraient dû évaluer et dont elles auraient donc dû avoir connaissance avant l’adoption de la décision attaquée.
46. À cet égard, il convient de relever que le point 2 de l’annexe II du règlement n o 1907/2006 fait référence, en ce qui concerne l’identification des dangers correspondant à la classification d’une substance en vertu de la directive 67/548, à l’application des règles de classification énoncées dans cette directive, à savoir à l’application des règles de droit de l’Union. S’agissant, dès lors, des propriétés cancérogènes d’une substance, telles que mentionnées à l’article 57, sous a), du règlement n o 1907/2006, celles-ci et les principaux dangers résultant de ces propriétés doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité pour autant qu’une substance, conformément aux règles de classification énoncées dans la directive 67/548, a été classifiée parmi les substances cancérogènes. En l’espèce, les requérantes ne contestent pas le fait que les propriétés cancérogènes de l’huile anthracénique et les principaux dangers résultant de ces propriétés doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité et constituent la raison pour laquelle les requérantes doivent fournir une telle fiche.
47. S’agissant des propriétés PBT et vPvB d’une substance, telles que mentionnées à l’article 57, sous e) et d), du règlement n o 1907/2006, leurs critères d’identification ont été définis à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. Afin d’identifier une substance en tant que substance extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, conformément à l’article 59 dudit règlement, les critères énoncés à l’annexe XIII de ce règlement doivent donc être appliqués. Il s’ensuit que, dans le cadre de la procédure d’identification, les propriétés PBT et vPvB d’une substance sont déterminées, ce qui a également été expliqué dans le compte rendu de l’atelier de l’ECHA, qui s’est déroulé du 21 au 22 janvier 2009 concernant la liste des substances candidates et l’autorisation en tant qu’instruments de gestion des risques, selon lequel l’inclusion sur la liste des substances candidates est le principal mécanisme pour identifier des substances PBT et vPvB. L’identification des propriétés PBT et vPvB d’une substance repose donc sur l’application des règles de droit de l’Union, à savoir, en l’espèce, sur l’application des critères énoncés à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. Par conséquent, étant donné que, par la décision attaquée, les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique ont été déterminées en application de ces critères, c’est en raison de cette décision que ces propriétés et les principaux dangers résultant de celles-ci doivent être indiqués dans la fiche de données de sécurité. Il s’agit, en l’occurrence, d’un cas équivalant à la classification d’une substance conformément aux règles énoncées dans la directive 67/548, pour lequel l’obligation d’inclure cette classification et les principaux dangers résultant des propriétés classifiées dans la fiche de données de sécurité ressort clairement du point 2 de l’annexe II du règlement n o 1907/2006.
48. S’agissant de l’argumentation de l’ECHA, selon laquelle la nature dangereuse de la substance en cause résulte de ses propriétés intrinsèques que les requérantes auraient dû évaluer et dont elles auraient donc dû avoir connaissance avant l’adoption de la décision attaquée, d’une part, il convient de relever que l’ECHA se réfère aux discussions menées au sein d’un sous-groupe du Bureau européen des substances chimiques (ECB) relatives à la question de savoir si la substance en cause répondait aux critères PBT et vPvB. Or, s’il est vrai que les dangers découlant d’une substance résultent de ses propriétés intrinsèques, ces dangers doivent être évalués et déterminés selon des règles de droit définies. Dans ses développements concernant les discussions menées au sein dudit sous-groupe, l’ECHA n’indique pas les règles de droit qui ont permis à ce sous-groupe de déterminer les propriétés PBT et vPvB. En outre, l’ECHA n’affirme pas que les conclusions de ce sous-groupe ont eu un caractère contraignant pour les requérantes. En revanche, les requérantes font valoir qu’aucun débat sur les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique n’aurait eu lieu. D’autre part, l’ECHA affirme que les requérantes auraient dû évaluer les propriétés intrinsèques de l’huile anthracénique et auraient dû, de ce fait, avoir connaissance des propriétés PBT et vPvB de cette substance. Or, ainsi qu’il ressort du dossier et ainsi que les requérantes l’ont confirmé lors de l’audience, elles contestent justement les propriétés PBT et vPvB de l’huile anthracénique. Elles n’ont donc pas conclu, dans le cadre de leur évaluation concernant l’huile anthracénique, que cette substance possédait des propriétés PBT et vPvB.
49. Dès lors, au vu de la rubrique 2 (Identification des dangers) de la fiche de données de sécurité, l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, au motif que cette substance avait des propriétés PBT ou vPvB, constituait une nouvelle information qui pouvait permettre aux utilisateurs de prendre des mesures en matière de protection de la santé humaine et de la sécurité sur le lieu de travail et en matière de protection de l’environnement. Cette identification constituait donc une nouvelle information susceptible d’affecter les mesures de gestion des risques ou relative aux dangers au sens de l’article 31, paragraphe 9, sous a), du règlement n o 1907/2006, de sorte que les requérantes étaient obligées de mettre à jour les fiches de données de sécurité concernées. Il s’ensuit que la décision attaquée produit des effets directs sur la situation juridique des requérantes en raison de l’obligation prévue par celle-ci, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les rubriques 3 (Composition/informations sur les composants) et 15 (Informations relatives à la réglementation) de la fiche de données de sécurité (voir, en ce qui concerne la rubrique 15, ordonnances du Tribunal du 21 septembre 2011, Etimine et Etiproducts/ECHA, T-343/10, Rec. p. II-6611, points 33 à 36, et Borax Europe/ECHA, T-346/10, Rec. p. II-6629, points 34 à 37).
50. En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée les concerne directement en ce que leur situation juridique serait affectée par l’article 34, sous a), du règlement n o 1907/2006, il convient de relever que, selon celui-ci, tout acteur de la chaîne d’approvisionnement d’une substance doit communiquer les informations nouvelles sur les propriétés dangereuses, quelles que soient les utilisations concernées, à l’acteur ou au distributeur situé immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement.
51. Dès lors que l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante par la décision attaquée, au motif que cette substance avait des propriétés PBT ou vPvB, contenait des informations nouvelles relatives aux propriétés dangereuses de l’huile anthracénique (voir points 47 à 49 ci-dessus), elle déclenche l’obligation d’information visée à l’article 34, sous a), du règlement n o 1907/2006. Il s’ensuit que la décision attaquée produit également des effets directs sur la situation juridique des requérantes en raison de l’obligation prévue à cette disposition.
52. Par conséquent, les requérantes sont directement affectées par la décision attaquée. La présente fin de non-recevoir doit donc être rejetée.
Sur la notion d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et sur l’affectation individuelle des requérantes
53. L’ECHA fait valoir que le recours est irrecevable parce que la décision attaquée ne serait pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et que, dès lors, les requérantes devraient être individuellement concernées, condition qui ne serait pas remplie.
54. En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le présent recours en annulation n’est recevable que si la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution ou si les requérantes sont individuellement concernées par la décision attaquée.
55. S’agissant de la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’ECHA affirme, en substance, que les actes adoptés par elle ne sont pas des actes réglementaires. L’exercice du pouvoir réglementaire au titre du règlement n o 1907/2006 aurait été réservé à la Commission. En outre, l’identification d’une substance ne serait qu’un acte préparatoire en vue d’une potentielle décision future de la Commission d’inclure cette substance dans l’annexe XIV de ce règlement.
56. En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que la notion d’acte réglementaire au sens de cette disposition doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T-262/10, Rec. p. II-7697, point 21].
57. En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision attaquée a une portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir notamment à l’égard de toute personne physique ou morale tombant sous le champ d’application de l’article 31, paragraphe 9, sous a), et de l’article 34, sous a), du règlement n o 1907/2006.
58. En outre, la décision attaquée ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’elle n’a été adoptée ni selon la procédure législative ordinaire, ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE. En effet, la décision attaquée est un acte de l’ECHA adopté sur la base de l’article 59 du règlement n o 1907/2006 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T-381/11, point 44).
59. La décision attaquée constitue donc un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
60. Contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’indique pas que seule la Commission dispose du pouvoir réglementaire nécessaire pour adopter un tel acte. L’argumentation de l’ECHA à cet égard ne trouve aucun appui dans le traité FUE. En effet, l’article 263, premier alinéa, TFUE mentionne explicitement le contrôle de la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Les auteurs du traité FUE avaient donc l’intention de soumettre, en principe, également les actes de l’ECHA, en tant qu’organisme de l’Union, au contrôle juridictionnel du juge de l’Union.
61. De plus, contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, la tâche de cette dernière en vertu de l’article 75, paragraphe 1, du règlement n o 1907/2006, à savoir la gestion et, dans certains cas, la mise en œuvre des aspects techniques, scientifiques et administratifs du règlement n o 1907/2006 et la garantie de la cohérence dans l’Union n’exclut pas le pouvoir d’adopter un acte réglementaire. À cet égard, il convient de relever que l’ECHA admet que les actes qu’elle a adoptés peuvent déclencher des obligations juridiques à l’égard de tiers quoique dans une mesure limitée.
62. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, deux procédures sont prévues pour le cas où des observations concernant l’identification proposée d’une substance comme une substance extrêmement préoccupante sont effectuées. Selon la première procédure, l’ECHA renvoie le dossier à son comité des États membres et celui-ci parvient à un accord unanime sur l’identification (article 59, paragraphes 7 et 8, dudit règlement). Selon la seconde, en cas d’absence d’accord unanime au sein du comité des États membres, la décision concernant l’identification de la substance concernée est prise par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 3, du règlement n o 1907/2006 qui fait référence à la procédure de réglementation prévue à l’article 5 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23) (article 59, paragraphe 9, de ce règlement). Il résulte de la comparaison de ces deux procédures que, dans le cadre de la première, l’accord du comité des États membres correspond à la décision de la Commission, prise dans le cadre de la seconde procédure, concernant l’identification d’une substance. Or, il ne saurait être argué que, alors que la décision avec participation de la Commission constitue un acte réglementaire, la décision sans participation de cette dernière, qui a le même contenu et le même effet ne constitue pas un tel acte.
63. Il est vrai qu’une décision de la Commission en vertu de l’article 58 du règlement n o 1907/2006 d’inclure une substance dans l’annexe XIV de ce règlement entraîne des conséquences juridiques plus graves vis-à-vis des utilisateurs d’une substance, à savoir l’interdiction de la mettre sur le marché sauf autorisation, que celles découlant de la décision attaquée, à savoir notamment des obligations d’information. Cependant, ce constat ne saurait signifier que les conséquences juridiques découlant de la décision attaquée sont inexistantes. En revanche, les obligations d’information découlant de la décision attaquée sont une des conséquences de la responsabilité de la gestion des risques liés aux substances qui devrait s’appliquer tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que le considérant 56 du règlement n o 1907/2006 l’indique. Il en résulte que l’argumentation de l’ECHA à cet égard doit être rejetée.
64. En second lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée comporte des mesures d’exécution, il convient de relever que l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 déclenche des obligations d’information des requérantes sans que d’autres mesures soient encore nécessaires (voir point 33 ci-dessus). La décision attaquée ne comporte donc aucune mesure d’exécution.
65. En particulier, la phase suivante de la procédure d’autorisation consistant en l’inclusion par ordre de priorité des substances candidates dans l’annexe XIV du règlement n o 1907/2006, c’est-à-dire dans la liste des substances soumises à autorisation, ne constitue pas une mesure d’exécution de la décision attaquée. En effet, l’achèvement de la procédure d’identification déclenche des obligations d’information propres qui ne dépendent pas des phases suivantes de la procédure d’autorisation.
66. Il s’ensuit que la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution, de sorte que la présente fin de non-recevoir doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuelle affectation individuelle des requérantes.
67. Au vu de tout ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité n’est pas fondée. Le présent recours est donc recevable.
Sur le fond
68. À l’appui du présent recours, cinq moyens sont soulevés. Les deux premiers moyens concernent de prétendues violations des exigences procédurales relatives à l’article 59, paragraphes 3, 5 et 7, et à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006. Les trois autres moyens sont tirés, respectivement, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une prétendue erreur d’appréciation ou d’une prétendue erreur de droit relative à l’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT ou vPvB sur la base de ses constituants et d’une violation du principe de proportionnalité.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphe 3, et de l’annexe XV du règlement n o 1907/2006
69. Les requérantes font valoir que, contrairement à ce qui est prévu à l’article 59, paragraphe 3, et au point II 2 de l’annexe XV du règlement n o 1907/2006, la République fédérale d’Allemagne n’a pas indiqué, dans son dossier relatif à l’huile anthracénique, d’informations sur les substances de remplacement, bien qu’elle ait été informée par les requérantes de l’existence de telles substances, à savoir de mélanges à base de pétrole. L’ECHA aurait accepté ce dossier sans que des substances de remplacement aient été identifiées. Selon les requérantes, il ne pourrait être exclu que, en l’absence de cette irrégularité et si le fait que les substances de remplacement contenaient également des constituants PBT était connu, la décision attaquée n’ait pas été adoptée et une procédure différente ait été déclenchée.
70. À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 59, paragraphe 3, du règlement n o 1907/2006, la procédure d’identification peut être engagée à l’initiative d’un État membre qui peut élaborer un dossier conformément à l’annexe XV dudit règlement, pour les substances dont il estime qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 de ce règlement, et le transmettre à l’ECHA. S’agissant d’un dossier relatif à l’identification d’une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB, le point II 2 de l’annexe XV du même règlement, sous le titre « Informations concernant les expositions, les substances de remplacement et les risques », prévoit notamment qu’ « [i]l y a lieu de fournir les informations disponibles en matière d’utilisation et d’exposition et des informations concernant les substances et les techniques de remplacement ».
71. En ce qui concerne le dossier relatif à l’huile anthracénique, il est constant que la République fédérale d’Allemagne a porté la mention « pas d’informations disponibles » dans la section de ce dossier relative aux substances de remplacement.
72. Il est vrai que le libellé du point II 2 de l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 distingue entre l’obligation de fournir, d’une part, « les informations disponibles en matière d’utilisation et d’exposition » et, d’autre part, « des informations concernant les substances et les techniques de remplacement ». Néanmoins, un État membre peut seulement indiquer les informations qui se trouvent à sa disposition. L’indication par la République fédérale d’Allemagne qu’aucune information n’est disponible concerne l’existence de substances de remplacement permettant à cet État membre de remplir son devoir formel de se prononcer sur les substances de remplacement.
73. En tout état de cause, la lettre aux autorités allemandes compétentes du 17 juillet 2009, émanant du groupe sectoriel des substances chimiques issues de la houille, dont les requérantes sont membres, n’indiquait pas de substances de remplacement. En invitant les autorités allemandes à adopter « une approche plus équilibrée qui ne pénalis[ait] pas un seul secteur industriel », ce groupe a considéré « qu’il [était] notoire que de nombreuses charges pétrolières contenaient également de l’anthracène ». Cette lettre fait donc référence à des substances qui, selon ledit groupe, présentent un niveau de danger semblable à celui de l’huile anthracénique et non à des substances qui peuvent être utilisées comme substances de remplacement parce qu’elles sont susceptibles d’être utilisées à la place de l’huile anthracénique pour remplir la même fonction. Enfin, il convient de relever que, au vu de l’article 60, paragraphe 5, du règlement n o 1907/2006, le point II 2 de l’annexe XV dudit règlement doit être interprété comme se référant à des substances de remplacement appropriées, une condition que les mélanges à base de pétrole ne remplissent pas en raison de leur teneur en anthracène.
74. Il s’ensuit que les exigences de procédure visées à l’article 59, paragraphe 3, dudit règlement ont été respectées.
75. Même si l’on supposait, en l’espèce, qu’il existait une irrégularité en raison du non-respect de l’article 59, paragraphe 3, du règlement n o 1907/2006, celle-ci ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Grèce/Commission, C-86/03, Rec. p. I-10979, point 42).
76. Les requérantes affirment, à cet égard, qu’il ne pourrait être exclu que, en l’absence de cette irrégularité et en connaissance du fait que les substances de remplacement contiendraient également des constituants PBT, la décision attaquée n’ait pas été adoptée et une procédure différente ait été déclenchée.
77. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, le contenu de la décision attaquée est l’identification de l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), d) et e), du règlement n o 1907/2006. Il ne ressort pas de la procédure d’identification visée à l’article 59 dudit règlement que des informations sur les substances de remplacement sont pertinentes concernant le résultat de cette procédure. Les critères visés à l’article 57, sous a), d) et e), de ce règlement ne font aucunement référence à l’existence ou non de substances de remplacement. En revanche, afin d’identifier une substance comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), du même règlement, il suffit qu’elle réponde aux critères pertinents pour l’identification des substances ayant des propriétés PBT et vPvB énoncés à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. Or, si cette annexe contient un nombre important de critères auxquels il convient de répondre, aucun de ces critères ne concerne des substances de remplacement. Il n’est donc pas établi que l’existence d’informations sur des substances de remplacement aurait été susceptible de modifier le contenu de la décision attaquée relatif à l’identification de l’huile anthracénique comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement. Tel est également le cas concernant l’identification de cette substance comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), de ce règlement. En effet, les critères de classification en tant que substance cancérogène sont énoncés par la directive 67/548. La classification de l’huile anthracénique parmi les substances cancérogènes a déjà été effectuée par la directive 94/69 (voir point 3 ci-dessus).
78. Au demeurant, il convient de relever que des informations sur les substances de remplacement sont pertinentes notamment pour la suite de la procédure d’autorisation dont l’identification d’une substance conformément à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 ne constitue que la première phase. En effet, en vertu de l’article 60, paragraphe 4, sous c), et paragraphe 5, sous b), dudit règlement, de telles informations sont pertinentes afin de prendre une décision concernant une demande d’autorisation relative à une substance incluse dans la liste des substances soumises à autorisation.
79. Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphes 5 et 7, du règlement n o 1907/2006
80. Les requérantes font observer que l’ECHA n’était pas compétente pour modifier la proposition faite par la République fédérale d’Allemagne, relative à l’inclusion de l’huile anthracénique sur la liste des substances candidates, qui était fondée uniquement sur le fait que cette substance aurait des propriétés PBT et vPvB. À la suite de cette modification, l’huile anthracénique aurait été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante sur la base non seulement de ses propriétés PBT et vPvB telles qu’alléguées, mais également de ses propriétés cancérogènes. Étant donné que cette substance n’aurait pu être identifiée comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, la référence aux propriétés cancérogènes demeurerait la seule raison de son inclusion sur la liste des substances candidates.
81. En l’espèce, le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne conformément à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 ne contenait effectivement que la proposition d’identifier l’huile anthracénique comme une substance répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement, à savoir comme une substance possédant des propriétés PBT et vPvB, et non comme répondant aux critères visés à l’article 57, sous a), de ce règlement, à savoir comme étant cancérogène, même si ce dossier indiquait que cette substance était classifiée parmi les substances cancérogènes.
82. Il ressort du dossier que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 59, paragraphe 5, du règlement n o 1907/2006, l’ECHA a soumis des observations indiquant que l’huile anthracénique était classifiée parmi les substances cancérogènes et répondait dès lors aux critères visés à l’article 57, sous a), dudit règlement. L’huile anthracénique a donc été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante répondant aux critères d’identification énoncés à l’article 57, sous a, d) et e), dudit règlement.
83. Il s’ensuit que, en faisant valoir que l’ECHA n’était pas compétente pour modifier la proposition de la République fédérale d’Allemagne, relative à l’inclusion de l’huile anthracénique sur la liste des substances candidates, les requérantes contestent, en substance, l’identification de cette substance comme extrêmement préoccupante sur la base de ses propriétés cancérogènes.
84. Or, il ne saurait être argumenté que, en identifiant une substance sur la base non seulement des motifs proposés dans le dossier initialement élaboré pour cette substance, mais également sur la base d’un motif non mentionné dans ce dossier, l’ECHA a dépassé ses compétences, telles que prévues à l’article 59 du règlement n o 1907/2006.
85. En effet, premièrement, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, du règlement n o 1907/206, la procédure prévue aux paragraphes 2 à 10 dudit article est applicable aux fins de l’identification des substances répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006. La décision attaquée identifiant l’huile anthracénique au motif qu’elle répond aux critères visés à l’article 57 dudit règlement est conforme à cet objectif. L’argumentation des requérantes relative à l’identification d’une substance sur la base d’un motif non mentionné dans le dossier initialement élaboré pour cette substance ne concerne donc pas la compétence de l’ECHA.
86. Deuxièmement, le libellé de l’article 59 du règlement n o 1907/2006 ne prévoit pas que les motifs visés à l’article 57 dudit règlement, sur la base desquels une substance est identifiée doivent correspondre à ceux indiqués dans le dossier initialement élaboré. En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement n o 1907/2006, les États membres ne bénéficient pas d’un droit d’initiative exclusif pour engager la procédure d’identification. En effet, la Commission peut également demander à l’ECHA d’élaborer un dossier conformément à l’annexe XV dudit règlement.
87. Troisièmement, il résulte de l’objectif de la procédure d’autorisation figurant à l’article 55 du règlement n o 1907/2006, à savoir assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables, que l’identification d’une substance, qui constitue la première phase de la procédure d’autorisation, repose sur des motifs aussi complets que possibles.
88. Quatrièmement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 59, paragraphe 5, du règlement n o 1907/2006, l’ECHA peut présenter des observations relatives à l’identification de la substance en ce qui concerne les critères visés à l’article 57 dudit règlement dans le dossier qui lui a été transmis. Cet élément vise à assurer que l’ECHA soit en mesure de présenter utilement son point de vue. Il s’ensuit que des observations présentées par l’ECHA doivent pouvoir être reprises dans la décision attaquée.
89. Le deuxième moyen doit donc être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement
90. Les requérantes font valoir que l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante viole le principe d’égalité de traitement. Cette substance serait comparable, en raison de sa teneur en substances chimiques et de la concurrence sur le marché, à d’autres substances UVCB contenant de l’anthracène. Toutefois, l’ECHA aurait seulement, sans justification objective, identifié l’huile anthracénique et non ces autres substances comme une substance extrêmement préoccupante.
91. Il convient de relever que, par le règlement n o 1907/2 006, le législateur a institué un régime concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances visant, notamment, selon le considérant 1 dudit règlement, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. En particulier, le règlement n o 1907/2006 prévoit, sous son titre VII, une procédure d’autorisation. L’objectif de cette procédure est, selon l’article 55 dudit règlement, d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables.
92. La procédure d’autorisation s’applique à toutes les substances répondant aux critères visés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006. La première phase de la procédure d’autorisation consiste en l’identification des substances visées audit article pour laquelle une procédure en plusieurs étapes est prévue à l’article 59 du règlement n o 1907/2006. Selon le considérant 77 dudit règlement, pour des raisons de faisabilité et de praticabilité, tant du côté des personnes physiques ou morales devant élaborer les dossiers de demande et prendre des mesures appropriées de gestion des risques que du côté des autorités devant traiter les demandes d’autorisation, il convient que seul un nombre limité de substances soit soumis simultanément à la procédure d’autorisation. S’agissant du choix de ces substances, l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement n o 1907/2006 prévoit qu’il revient à la Commission ou à l’État membre concerné d’estimer qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. Le législateur a donc laissé à la Commission et aux États membres un large pouvoir d’appréciation permettant une mise en œuvre progressive des règles relatives aux substances extrêmement préoccupantes visées au titre VII du règlement n o 1907/2006.
93. Au vu de ce qui précède, la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 ne confère donc à l’ECHA aucun pouvoir relatif au choix de la substance à identifier. En revanche, si un dossier pour une substance est élaboré par un État membre ou, sur demande de la Commission, par l’ECHA, cette dernière doit procéder, sous respect des conditions visées audit article, à l’identification de cette substance.
94. En l’espèce, la procédure d’identification prévue à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 a été respectée en ce qui concerne le choix de la substance à identifier. En effet, il ressort du dossier que l’huile anthracénique a été choisie par la République fédérale d’Allemagne dès lors qu’elle estimait que cette substance répondait aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement. En outre, en l’absence de production de dossiers élaborés par un État membre relatifs à d’autres substances contenant de l’anthracène ou de demande d’élaboration d’un tel dossier à l’ECHA par la Commission, l’ECHA ne pouvait procéder à l’identification de ces autres substances, conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, sans outrepasser ses pouvoirs. Il s’ensuit que, en identifiant l’huile anthracénique et non des substances prétendument comparables comme une substance extrêmement préoccupante, l’ECHA n’a pas violé le principe d’égalité de traitement.
95. Au vu de ce qui précède, étant donné que la légalité de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 n’a pas été contestée par les requérantes et que l’ECHA a respecté cette procédure, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation ou d’une erreur de droit relative à l’identification d’une substance comme PBT ou vPvB sur la base de ses constituants
96. Ce moyen comporte trois griefs. Premièrement, les requérantes font observer que le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne pour la substance en cause ne respectait pas les exigences visées à l’article 59, paragraphes 2 et 3, et aux annexes XIII et XV du règlement n o 1907/2006, parce qu’il n’aurait pas été fondé sur une évaluation de la substance elle-même, mais sur une évaluation des propriétés de ses constituants. Deuxièmement, la règle selon laquelle une substance peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT ou vPvB pour autant que cette substance contienne un constituant, ayant des propriétés PBT ou vPvB, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 %, ne serait pas prévue à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. Troisièmement, l’évaluation des constituants de la substance en cause n’aurait pas fourni une base suffisante pour identifier celle-ci comme ayant des propriétés PBT ou vPvB dès lors que ces constituants n’auraient pas été individuellement identifiés comme ayant des propriétés PBT ou vPvB.
97. Dès lors que les premier et deuxième griefs concernent l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 %, il paraît adéquat de les examiner ensemble.
98. À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêt de la Cour du 21 juillet 2011, Etimine, C-15/10, Rec. p. I-6681, point 60).
99. Néanmoins, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêt de la Cour du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C-343/09, Rec. p. I-7023, points 33 et 34).
– Sur les premier et deuxième griefs, relatifs à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 %
100. Les requérantes soulignent que le dossier élaboré par la République fédérale d’Allemagne pour l’huile anthracénique ne respectait pas les exigences visées à l’article 59, paragraphes 2 et 3, et aux annexes XIII et XV du règlement n o 1907/2006, parce qu’il n’était pas fondé sur une évaluation de la substance elle-même, mais sur une évaluation des propriétés de ses constituants. En outre, la règle selon laquelle une substance peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT ou vPvB pour autant qu’elle contient un constituant, ayant des propriétés PBT ou vPvB, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 % ne serait pas prévue à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006 et n’aurait donc pas de fondement juridique. Cette absence de seuil de concentration aurait été voulue par le législateur, puisque des seuils de concentration seraient établis ailleurs dans le règlement n o 1907/2006, à savoir notamment pour l’évaluation de la sécurité chimique en vertu de l’article 14 dudit règlement. Dans la mesure où la décision attaquée serait fondée sur l’évaluation des propriétés des constituants de l’huile anthracénique d’une concentration d’au moins 0,1 %, elle serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
101. Il ressort du dossier relatif à l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, sur lequel le comité des États membres est parvenu à un accord unanime le 2 décembre 2009, que cette substance a été identifiée comme extrêmement préoccupante, répondant aux critères nécessaires pour la considérer comme ayant des propriétés PBT et vPvB en vertu de l’article 57, sous d) et e), du règlement n o 1907/2006, en raison des propriétés PBT et vPvB des constituants présents dans ladite substance d’une concentration d’au moins 0,1 %.
102. En effet, il ressort de la section 6 du dossier relatif à l’identification de l’huile anthracénique que ce comité a conclu que cette substance devait être considérée comme ayant des propriétés PBT et vPvB dès lors qu’elle contenait, d’une part, trois constituants HAP d’une concentration d’au moins 0,1 %, dont deux devaient être considérés comme ayant des propriétés PBT et vPvB, à savoir le fluoranthène et le pyrène, et dont un répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés vPvB, à savoir le phénanthrène, et, d’autre part, de l’anthracène, d’une concentration de 3 à 25 %, qui répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés PBT. Ainsi, il a conclu que l’huile anthracénique était une substance qui contenait au moins 16 % de constituants HAP possédant des propriétés PBT ou vPvB.
103. S’agissant, tout d’abord, d’une prétendue violation de la procédure prévue par l’article 59, paragraphes 2 et 3, du règlement n o 1907/2006 lu conjointement avec l’annexe XV dudit règlement, il suffit de constater que ces dispositions prévoient l’élaboration d’un dossier pour une substance dont il est estimé qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 57 de ce règlement. Or, le dossier préparé par la République fédérale d’Allemagne ainsi que la décision attaquée avaient bien pour objet une substance au sens de l’article 3, point 1, du même règlement, dont il a été estimé qu’elle répondait aux critères énoncés à l’article 57 du règlement n o 1907/2006. L’ECHA n’a donc pas violé ces dispositions.
104. Afin d’examiner, ensuite, si l’approche suivie par l’ECHA relative à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB est entachée d’une erreur manifeste, il y a lieu de relever que les critères d’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT et vPvB sont définis dans l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. Par conséquent, ainsi que les requérantes le soulignent, selon la version applicable de cette annexe, s’agissant de l’identification d’une substance comme ayant des propriétés PBT et vPvB, c’est cette substance qui doit répondre aux critères nécessaires pour la considérer comme ayant des propriétés PBT et vPvB, tels qu’énoncés aux sections 1 et 2 de ladite annexe.
105. Toutefois, les constituants d’une substance faisant partie intégrante de celle-ci, il ne saurait être simplement jugé que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a considéré que la substance en cause possédait des propriétés PBT et vPvB du fait que des constituants de celle-ci possédaient ces propriétés. En effet, une telle conclusion ne tient pas suffisamment compte de l’objectif poursuivi par le règlement n o 1907/2006, énoncé à son article 1 er , paragraphe 1, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Même si le libellé de l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006, dans sa version applicable en l’espèce, n’indique pas expressément que l’identification des substances ayant des propriétés PBT et vPvB doit également tenir compte des propriétés PBT ou vPvB des constituants pertinents d’une substance, il n’exclut pas une telle approche. Cependant, il ne saurait être considéré que, du seul fait qu’un constituant d’une substance possède un certain nombre de propriétés, la substance les possède également, mais il faut considérer le pourcentage et les effets chimiques de la présence d’un tel constituant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 septembre 1985, Caldana, 187/84, Rec. p. 3013, point 17).
106. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, l’article 14, paragraphe 2, sous f), du règlement n o 1907/2006 ne démontre pas l’intention du législateur de minimiser les risques associés aux constituants ayant des propriétés PBT ou vPvB d’une substance uniquement dans le cadre de l’évaluation de la sécurité chimique prévue à cet article. En effet, d’une part, une telle intention ne ressort ni du libellé de cette disposition, ni des considérants du règlement n o 1907/2006 relatifs à ladite disposition. D’autre part, l’article 14, paragraphe 2, sous f), dudit règlement fait partie de la procédure d’enregistrement des substances visée au titre II de ce règlement qui s’applique, en principe, à toutes les substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, visées aux articles 6 et 7 du même règlement. Ainsi qu’il ressort du considérant 69 du règlement n o 1907/2006, le législateur a voulu accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes visées dans la procédure d’identification prévue à l’article 59 dudit règlement.
107. En l’espèce, il importe de rappeler que l’huile anthracénique fait partie des substances UVCB, dont la composition est inconnue ou variable. Les substances UVCB font partie des substances multiconstituantes, c’est-à-dire des substances qui contiennent plusieurs constituants différents. L’annexe XIII du règlement n o 1907/2006 ne prévoit pas de règles particulières relatives à l’identification des substances UVCB comme ayant des propriétés PBT et vPvB.
108. D’après l’ECHA, l’approche selon laquelle une substance UVCB peut être identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB au motif que ses constituants sont identifiés comme ayant des propriétés PBT et vPvB est fondée, d’une part, sur une pratique bien établie reposant sur un principe reconnu dans la législation de l’Union et, d’autre part, sur des raisons scientifiques. Pour ce qui est de l’application du seuil de 0,1 % en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants, celle-ci serait fondée sur la législation de l’Union.
109. En premier lieu, s’agissant de l’argumentation relative à une pratique bien établie reposant sur un principe reconnu dans la législation de l’Union, il convient de relever que, s’il est vrai qu’il ressort du considérant 75 et de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n o 1272/2008 que ce règlement ne s’applique pas à la classification et à l’étiquetage des substances ayant des propriétés PBT et vPvB, mais notamment à celles de substances cancérogènes, mutagènes et toxiques, il n’en demeure pas moins qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement que le législateur a reconnu le principe selon lequel une substance ayant certaines propriétés et présente dans une autre substance peut entraîner la qualification de cette substance comme ayant ces propriétés. En effet, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n o 1272/2008 dispose que les limites de concentration spécifiques et les limites de concentration génériques attribuées à une substance indiquent un seuil à partir duquel la présence de cette substance dans une autre substance ou dans un mélange sous forme d’impureté, d’additif ou d’élément individuel identifié entraîne la classification de la substance ou du mélange comme dangereux.
110. L’applicabilité de ce principe à la procédure d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante est confirmée par plusieurs éléments. D’une part, l’article 57 du règlement n o 1907/2006 situe, dans le cadre de l’examen des substances à inclure sur la liste des substances candidates, les substances ayant des propriétés PBT et vPvB au même niveau que les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques. D’autre part, l’applicabilité dudit principe est confirmée par l’article 56, paragraphe 6, sous a), du règlement n o 1907/2006. Selon ce dernier, en substance, l’interdiction de mettre sur le marché une substance soumise à autorisation ne s’applique pas pour l’utilisation de substances visées à l’article 57, sous d) à f), dudit règlement, en deçà d’une limite de concentration de 0,1 % masse/masse, lorsque celles-ci sont contenues dans des mélanges. Cette disposition s’applique certes à des mélanges et non à une substance telle que celle en cause. Toutefois, la qualification d’une substance en raison des propriétés de ses constituants paraît comparable à la qualification d’un mélange en raison des propriétés de ses substances. À cet égard, il importe de relever que les requérantes se réfèrent également, au soutien de leur affirmation selon laquelle le législateur envisageait de minimiser les risques associés aux constituants ayant des propriétés PBT ou vPvB d’une substance uniquement dans le cadre de l’évaluation de la sécurité chimique, à une disposition qui ne s’applique pas aux constituants d’une substance, mais aux substances contenues dans un mélange, à savoir l’article 14, paragraphe 2, sous f), du règlement n o 1907/2006 (voir point 106 ci-dessus).
111. En deuxième lieu, l’ECHA fonde son approche sur des raisons scientifiques.
112. D’une part, il serait important d’évaluer une substance UVCB sur la base de ses constituants parce que, une fois libérés dans l’environnement, les constituants individuels d’une telle substance se comporteraient comme des substances autonomes. Les substances en cause libéreraient plusieurs HAP différents ayant des propriétés PBT ou vPvB lors de leur utilisation, par exemple par chauffage durant le traitement ou par lixiviation au contact de l’eau.
113. D’autre part, bien que l’étude d’une substance UVCB dans son ensemble soit possible dans certains cas spécifiques, une telle approche ne produirait pas de résultats significatifs pour la grande majorité de ces substances, dont l’huile anthracénique. Dans cette majorité de cas, une compréhension des propriétés d’une substance ne serait possible que sur la base d’une évaluation des propriétés de ses constituants pertinents. La plupart des méthodes d’essai disponibles pour déterminer les propriétés intrinsèques de ces substances ne conviendraient que pour l’étude de substances composées d’un seul constituant principal. En effet, s’agissant de la persistance des substances UVCB, celle-ci ne pourrait généralement être évaluée à l’aide de méthodes d’essais de biodégradation qui mesurent des paramètres sommaires, car ces essais mesureraient les propriétés de la substance dans son ensemble, mais ne donneraient pas d’informations sur ses constituants. Dès lors, à supposer même qu’à l’issue d’un tel essai la substance dans son ensemble apparaisse facilement biodégradable, la présence éventuelle dans la substance de constituants non biodégradables ne pourrait être exclue. Selon l’ECHA, des difficultés similaires sont rencontrées lors des essais de bioaccumulation et de toxicité pour certaines substances UVCB. La structure physique d’une telle substance pourrait empêcher, dans une mesure significative, la libération de ses constituants si l’essai porte sur la substance en tant que telle. Par conséquent, pour ce qui est des essais de bioaccumulation et de toxicité, l’accumulation dans les organismes étudiés et la toxicité ne pourraient être décelées dans le cadre des essais alors que, dans la réalité, il y aurait, après un certain temps, libération des constituants HAP dans l’environnement.
114. Les critiques énoncées par les requérantes et relatives à ces considérations scientifiques ne sont pas en mesure de montrer que les raisons scientifiques présentées par l’ECHA sont entachées d’une erreur manifeste.
115. En effet, premièrement, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle le fait qu’une substance puisse se décomposer en ses constituants est examiné lors de l’évaluation de la sécurité chimique qui doit être effectuée dans le cadre de l’enregistrement de la substance, conformément à l’article 14 du règlement n o 1907/2006, celle-ci ne contredit pas l’appréciation de l’ECHA, mais indique seulement que la décomposition doit également, le cas échéant, être prise en compte lors d’une autre procédure visée par le règlement n o 1907/2006 (à cet égard, voir également point 106 ci-dessus).
116. Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle, contrairement à ce qu’allègue l’ECHA, la plupart des méthodes d’essai peuvent être utilisées pour les substances UVCB ou, lorsque les méthodes existantes ne sont pas appropriées, l’approche fondée sur la force probante peut être utilisée, celle-ci n’est aucunement étayée par des données scientifiques et n’est donc pas suffisante pour rejeter l’ approche suivie par l’ECHA comme étant entachée d’une erreur manifeste.
117. En troisième lieu, s’agissant de l’application du seuil de 0,1 % en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants, les requérantes font valoir que, bien qu’elles ne contestent pas l’application d’un tel seuil en général, le critère relatif au seuil de 0,1 % ne se trouve pas dans l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006. En outre, elles affirment que, s’il est vrai qu’il existe des actes contenant des références au pourcentage de 0,1 % comme constituant dans certains cas un seuil au-delà duquel une classification de danger s’applique, ce seuil peut aller de 0,1 à 1 % selon le danger.
118. Or, s’il est vrai qu’aucun seuil de concentration n’est prévu à l’annexe XIII du règlement n o 1907/2006, il importe de relever que l’application d’un tel seuil en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants n’exige pas que ce seuil soit précisé dans cette annexe.
119. En outre, il ressort du règlement n o 1907/2006 que le seuil de 0,1 % a été appliqué par la législation de l’Union, à quelques reprises, pour la qualification d’un mélange sur la base de ses substances. En effet, l’article 31, paragraphe 3, sous b), du règlement n o 1907/2006 impose une obligation d’information aux fournisseurs d’un mélange si celui-ci contient une substance ayant des propriétés PBT ou vPvB, conformément aux critères visés à l’annexe XIII dudit règlement, d’une concentration égale ou supérieure à 0,1 %. En outre, l’article 14, paragraphe 2, sous f), de ce règlement impose à une entreprise de présenter une évaluation de la sécurité chimique d’un mélange lorsque la limite de concentration d’une substance contenue dans le mélange et satisfaisant aux critères visés à l’annexe XIII du même règlement est égale ou supérieure à 0,1 %. De plus, l’article 56, paragraphe 6, du règlement n o 1907/2006 dispose que l’obligation d’autorisation n’est notamment pas applicable à l’utilisation de substances répondant aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement, lorsque celles-ci sont contenues dans des mélanges en deçà d’une limite de concentration de 0,1 %.
120. Dès lors que la qualification d’une substance en raison des propriétés de ses constituants paraît comparable à la qualification d’un mélange en raison des propriétés de ses substances (voir point 110 ci-dessus) et que les requérantes ne contestent pas l’application du seuil de 0,1 % en général, il ne saurait être conclu que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste en ce que le seuil de 0,1 % a été appliqué en tant que facteur entraînant l’identification de la substance en cause sur la base de ses constituants.
121. Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que l’huile anthracénique n’a pas été identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB du seul fait qu’un constituant de cette substance a un certain nombre de propriétés PBT et vPvB, mais que le pourcentage et les effets chimiques de la présence d’un tel constituant ont également été pris en compte (voir point 105 ci-dessus). L’argumentation des requérantes relative à l’identification de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB sur la base de ses constituants d’une concentration d’au moins 0,1 % ne démontre pas que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste.
122. Les premier et deuxième griefs doivent donc être écartés.
– Sur le troisième grief, relatif à l’identification des constituants de la substance en cause comme ayant des propriétés PBT ou vPvB
123. Les requérantes font observer, en substance, que l’évaluation des constituants de la substance en cause n’aurait pas constitué une base suffisante pour identifier celle-ci comme ayant des propriétés PBT ou vPvB dès lors que ces constituants n’auraient pas été individuellement identifiés comme ayant des propriétés PBT ou vPvB par une décision séparée de l’ECHA sur la base d’une évaluation approfondie à cette fin.
124. Pour rappel, l’huile anthracénique a été identifiée comme ayant des propriétés PBT et vPvB dès lors qu’elle contenait deux constituants devant être considérés comme ayant des propriétés PBT et vPvB, du phénanthrène répondant aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés vPvB et de l’anthracène qui répondait aux critères nécessaires pour le considérer comme ayant des propriétés PBT (voir point 102 ci-dessus).
125. En premier lieu, se pose la question de savoir si l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB, sur la base des propriétés PBT et vPvB de ses constituants, exige que ces constituants doivent eux-mêmes avoir fait au préalable l’objet d’une identification comme ayant des propriétés PBT et vPvB par une décision séparée de l’ECHA. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 57, sous d) et e), et l’article 59 du règlement n o 1907/2006 prévoient seulement qu’il doit être répondu aux critères visés à l’annexe XIII dudit règlement. Par ailleurs, la mise en œuvre de la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006 afin d’identifier de manière autonome les constituants concernés de l’huile anthracénique comme ayant des propriétés PBT et vPvB n’apporterait aucune valeur ajoutée à l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante en raison de ses propriétés PBT et vPvB sur la base des propriétés PBT et vPvB de ses constituants. En effet, également dans le cadre du dossier élaboré conformément à l’annexe XV dudit règlement relatif à la substance en cause, il y avait lieu également de procéder à une comparaison des informations disponibles avec les critères de l’annexe XIII du même règlement. L’argumentation des requérantes à cet égard doit donc être rejetée.
126. En second lieu, les requérantes contestent que l’identification des constituants en cause, autres que l’anthracène, en tant que constituant ayant des propriétés PBT ou vPvB, soit fondée sur une évaluation approfondie. Pour ce qui est de l’anthracène, il est constant qu’il a été identifié comme une substance extrêmement préoccupante sur la base de ses propriétés PBT. En vertu de la jurisprudence mentionnée aux points 98 et 99 ci-dessus, il y a donc lieu d’examiner si la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste à cet égard.
127. Les requérantes renvoient, à l’appui de leur argumentation, aux observations formulées par le groupe de grandes compagnies pétrolières menant des recherches sur les questions environnementales concernant l’industrie pétrolière lors de la période de consultation du dossier établi conformément à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 pour la substance en cause. Un rapport analysant les propriétés en matière de bioaccumulation de quinze HAP aurait été joint à ces observations. Selon ces dernières, étant donné que le sous-groupe compétent de l’ECB ne se serait pas mis d’accord sur les propriétés PBT ou vPvB de ces constituants, il serait prématuré et inopportun de tirer des conclusions définitives pour ceux-ci dans le dossier établi conformément à l’annexe XV dudit règlement. Selon ledit rapport, les éléments de preuve disponibles n’étayeraient pas les conclusions générales préliminaires figurant dans ce dossier selon lesquelles ces constituants satisferaient au critère bioaccumulable ou très bioaccumulable, dès lors que les données fiables de laboratoire ne démontreraient qu’un faible potentiel de bioaccumulation de ces constituants.
128. À cet égard, il convient de relever que l’argumentation des requérantes se borne, en substance, à faire référence à la présentation des observations et d’un rapport élaborés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 59, paragraphe 4, du règlement n o 1907/2006. L’huile anthracénique a été identifiée comme une substance extrêmement préoccupante sur la base de l’analyse figurant dans le dossier établi par la République fédérale d’Allemagne et approuvé par le comité des États membres le 2 décembre 2009, conformément à l’article 59, paragraphe 8, dudit règlement, en connaissance de ces observations et dudit rapport. La section 6 de ce dossier évalue respectivement, en détail, les propriétés PBT et vPvB des constituants pertinents de la substance en cause. Au vu de ce qui précède, la référence en général, d’une part, au fait que le sous-groupe compétent de l’ECB, qui n’existe d’ailleurs plus sous le régime du règlement n o 1907/2006, ne s’est pas mis d’accord sur les propriétés PBT et vPvB des constituants en cause et, d’autre part, à la prétendue insuffisance des éléments de preuve, sans montrer quel élément de l’analyse figurant dans ledit dossier est incorrect, n’est pas suffisante pour conclure que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste.
129. Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté.
130. Par conséquent, le quatrième moyen doit être écarté dans son intégralité.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
131. Les requérantes font valoir que la décision attaquée ne respecte pas le principe de proportionnalité. Cette décision serait inappropriée à la réalisation des objectifs du règlement n o 1907/2006, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Les requérantes font observer à cet égard que les substances pouvant être utilisées en remplacement de l’huile anthracénique ont également des propriétés PBT ou vPvB. Selon les requérantes, l’ECHA aurait pu prendre d’autres mesures appropriées et moins contraignantes, à savoir l’application des mesures de gestion des risques sur la base de l’évaluation de la sécurité chimique figurant dans le dossier d’enregistrement préparé par les requérantes au titre de l’article 14 du règlement n o 1907/2006 ou la présentation d’un dossier pour des restrictions concernant la substance en cause en vertu du titre VIII de ce règlement.
132. Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Etimine, point 98 supra, point 124, et la jurisprudence citée).
133. En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point précédent, il y a lieu de reconnaître à l’ECHA un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Etimine, point 98 supra, point 125, et la jurisprudence citée).
134. En l’espèce, il ressort de l’article 1 er , paragraphe 1, du règlement n o 1907/2006 que ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard au considérant 16 de ce règlement, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C-558/07, Rec. p. I-5783, point 45). Pour ce qui est plus spécifiquement du but de la procédure d’autorisation, l’article 55 dudit règlement prévoit qu’elle vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables.
135. En premier lieu, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée n’est pas appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement n o 1907/2006, il convient de rappeler que la décision attaquée consiste en l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 dudit règlement. Lorsqu’une substance est identifiée comme extrêmement préoccupante, les opérateurs économiques concernés sont soumis à des obligations d’information (voir point 33 ci-dessus).
136. S’agissant de l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement, il convient d’emblée de constater que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante sert à améliorer l’information du public et des professionnels sur les risques et les dangers encourus et que, par suite, cette identification doit être considérée comme un instrument d’amélioration d’une telle protection (voir, en ce sens, arrêt S.P.C.M. e.a., point 134 supra, point 49).
137. Pour ce qui est plus spécifiquement de l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée est inappropriée à cet égard dès lors que les substances pouvant être utilisées en remplacement de la substance en cause auraient également des propriétés PBT ou vPvB, il y a lieu de relever que la décision attaquée n’entraîne pas l’interdiction de mettre l’huile anthracénique sur le marché obligeant les opérateurs concernés à utiliser des substances de remplacement. Une telle conséquence est seulement prévue, en vertu de l’article 56 du règlement n o 1907/2006, pour les substances incluses dans l’annexe XIV dudit règlement, c’est-à-dire la liste des substances soumises à autorisation. En outre, bien que l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement dispose que la procédure d’identification est applicable en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du même règlement, il ressort de la procédure visée à l’article 58 du règlement n o 1907/2006 à cet égard que l’inclusion d’une substance sur la liste des substances candidates n’entraîne pas automatiquement son inclusion dans l’annexe XIV dudit règlement. En effet, conformément à l’article 58, paragraphes 1 et 3, de ce règlement n o 1907/2006, l’ECHA doit recommander l’inclusion des substances prioritaires dans cette annexe en tenant compte de l’avis du comité des États membres et en précisant notamment les utilisations ou catégories d’usage exemptées de l’obligation d’autorisation. Une substance peut être soumise à autorisation uniquement à la suite d’une décision de la Commission d’inclure cette substance dans ladite annexe XIV.
138. Par ailleurs, le règlement n o 1907/2006 prévoit pour l’identification des substances extrêmement préoccupantes une procédure conçue pour soumettre ces substances de manière progressive à la procédure d’autorisation. À cet égard, le considérant 77 dudit règlement énonce que, pour des raisons de faisabilité et de praticabilité, tant du côté des personnes physiques ou morales, qui doivent élaborer les dossiers de demande et prendre des mesures appropriées de gestion des risques, que du côté des autorités, qui doivent traiter les demandes d’autorisation, il convient que seul un nombre limité de substances soit soumis simultanément à la procédure d’autorisation. Dès lors, il n’est pas exclu que, dans le cadre de cette approche progressive, les substances de remplacement visées par les requérantes fassent également l’objet de la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006.
139. Il convient également de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle l’identification de l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante n’est pas appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement n o 1907/2006 dès lors que les risques liés à l’exposition de cette substance sont faibles parce que l’huile anthracénique est principalement utilisée comme intermédiaire dans la production de noir de carbone. En effet, dans la mesure où l’huile anthracénique constitue un intermédiaire, cette substance est exemptée du titre VII du règlement n o 1907/2006, conformément à l’article 2, paragraphe 8, dudit règlement et n’est donc pas concernée par les obligations d’information résultant d’une identification d’une substance comme extrêmement préoccupante en vertu de l’article 59 de ce règlement. Par ailleurs, il convient de constater que l’argumentation des requérantes est inopérante étant donné qu’il en résulte que la substance en cause n’est pas exclusivement utilisée comme intermédiaire.
140. Par conséquent, l’argumentation des requérantes relative au prétendu caractère inapproprié de la décision attaquée doit être rejetée.
141. En second lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis dès lors que l’application des mesures de gestion des risques ou la présentation d’un dossier conformément à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 pour des restrictions concernant la substance en cause assureraient également un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, mais seraient moins contraignantes.
142. Premièrement, pour ce qui est des mesures de gestion des risques, les requérantes se réfèrent aux obligations figurant à l’article 14 du règlement n o 1907/2006. En vertu du paragraphe 1 de ladite disposition, elles devraient effectuer une évaluation de la sécurité chimique et établir un rapport sur cette sécurité pour la substance en cause. Selon le paragraphe 3, sous d), de cet article, l’évaluation de la sécurité chimique comprendrait également une évaluation des propriétés PBT et vPvB de la substance en cause. Si cette évaluation conduisait à la conclusion qu’une substance a des propriétés PBT ou vPvB, les requérantes devraient procéder à une évaluation et à une estimation de l’exposition ainsi qu’à la caractérisation des risques portant sur les utilisations identifiées, conformément au paragraphe 4 du même article. En outre, en vertu de l’article 14, paragraphe 6, du règlement n o 1907/2006, les requérantes seraient tenues d’identifier et d’appliquer les mesures appropriées en vue d’une maîtrise valable des risques. Cette évaluation n’étant pas encore disponible au moment de l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante par la décision attaquée, l’ECHA aurait pu décider d’attendre la présentation de celle-ci afin d’examiner le rapport sur la sécurité chimique et les mesures de gestion des risques proposées, au lieu d’identifier la substance en cause comme extrêmement préoccupante.
143. Or, il ne ressort aucunement du règlement n o 1907/2006 que le législateur a envisagé de subordonner la procédure d’identification menée conformément à l’article 59 dudit règlement, qui fait partie de la procédure d’autorisation d’une substance visée au titre VII de ce règlement, à la procédure d’enregistrement prévue au titre II du même règlement, dont relèvent les obligations visées à l’article 14 de ce règlement. Il est vrai que ces obligations servent également à améliorer l’information du public et des professionnels sur les dangers et les risques d’une substance. Toutefois, dès lors que les substances enregistrées devraient pouvoir circuler sur le marché intérieur, ainsi qu’il ressort du considérant 19 du règlement n o 1907/2006, l’objectif de la procédure d’autorisation, dont la procédure d’identification visée à l’article 59 dudit règlement fait partie, est notamment de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables (voir point 134 ci-dessus). En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 69 du règlement n o 1907/2006, le législateur a voulu accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes.
144. Par conséquent, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les mesures de gestion des risques proposées en vertu de l’article 14, paragraphe 6, du règlement n o 1907/2006 ne constituent pas des mesures appropriées à la réalisation des objectifs poursuivis par ledit règlement relatifs au traitement des substances extrêmement préoccupantes et ne sont donc pas des mesures moins contraignantes en l’espèce.
145. Enfin, pour ce qui est de l’argument des requérantes selon lequel l’ECHA aurait pu attendre, avant d’identifier l’huile anthracénique comme une substance extrêmement préoccupante, la présentation du dossier d’enregistrement de la substance en cause contenant l’évaluation de sa sécurité chimique, parce qu’un tel dossier constituerait la meilleure source d’information, il suffit de constater que cette identification a été effectuée sur la base des informations contenues dans le dossier relatif à la substance en cause approuvé de manière unanime par le comité des États membres (voir point 101 ci-dessus). Ce comité n’a pas constaté l’absence d’informations relatives à la validité et à la pertinence des données. En outre, l’enregistrement de la substance en cause devant, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n o 1907/2006, impérativement être effectué seulement pour le 1 er décembre 2010, donc deux ans et demi à compter de la date à partir de laquelle la procédure d’autorisation était applicable conformément à l’article 141, paragraphe 2, de ce règlement, à savoir le 1 er juin 2008, un prétendu devoir d’attendre la présentation du dossier d’enregistrement en cause aurait porté atteinte à l’efficacité du règlement n o 1907/2006.
146. Deuxièmement, pour ce qui est des mesures de restriction, les requérantes font valoir qu’un dossier relatif à la proposition d’une telle mesure conformément à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 doit comprendre les informations disponibles concernant les substances de remplacement, y compris des informations sur les risques pour la santé humaine et l’environnement liés à la fabrication ou à l’utilisation de ces substances de remplacement, leur disponibilité et leur faisabilité technique et économique. Une telle proposition, qui aurait donc été fondée sur des paramètres semblables à ceux utilisés pour un dossier en vue de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, aurait évité les conséquences négatives liées à ladite identification et conduit au même résultat en ce qui concerne les objectifs du règlement n o 1907/2006.
147. À cet égard, il convient de relever que le simple fait qu’une substance figure dans la liste des substances candidates n’empêche pas de soumettre cette substance à des restrictions plutôt qu’à une autorisation. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 58, paragraphe 5, et de l’article 69 du règlement n o 1907/2006, la Commission ou un État membre peut toujours proposer que la fabrication, la mise sur le marché ou l’utilisation d’une substance soit contrôlée par des restrictions plutôt que par une autorisation.
148. En outre, ainsi qu’il ressort de l’annexe XVII du règlement n o 1907/2006, les restrictions, adoptées conformément à la procédure visée au titre VIII dudit règlement, applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux, peuvent aller de conditions particulières imposées à la fabrication ou à la mise sur le marché d’une substance à une interdiction totale de l’utilisation d’une substance. À supposer même que les mesures de restriction soient également appropriées à la réalisation des objectifs poursuivis par ce règlement, celles-ci ne constituent donc pas, en tant que telles, des mesures moins contraignantes par rapport à l’identification d’une substance qui n’entraîne que des obligations d’information.
149. Par ailleurs, pour autant que les requérantes font valoir que les informations contenues dans le dossier relatif à une proposition d’une mesure de restriction conformément à l’annexe XV du règlement n o 1907/2006 démontreraient que l’identification de la substance en cause n’était pas nécessaire, il suffit de relever que cette identification a été effectuée conformément à la procédure visée à l’article 59 du règlement n o 1907/2006, qui constitue une procédure différente de celle visée au titre VIII du même règlement (voir point 147 ci-dessus).
150. Au vu de ce qui précède, il ne saurait être conclu que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité.
151. Par conséquent, le cinquième moyen et donc le recours dans son intégralité doivent être rejetés.
Sur les dépens
152. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
153. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Rütgers Germany GmbH, Rütgers Belgium NV, Deza, a.s., Industrial Química del Nalón, SA et Bilbaína de Alquitranes, SA sont condamnées aux dépens.