Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62010CO0198

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 9 septembre 2011.
    Cassina SpA contre Alivar Srl et Galliani Host Arredamenti Srl.
    Demande de décision préjudicielle: Corte d'appello di Milano - Italie.
    Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure - Propriété industrielle et commerciale - Directive 98/71/CE - Protection juridique des dessins et modèles - Article 17 - Obligation de cumul de la protection des dessins ou modèles avec celle du droit d’auteur - Législation nationale excluant la protection par le droit d’auteur pour les dessins ou modèles tombés dans le domaine public avant son entrée en vigueur.
    Affaire C-198/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-00124*

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:570

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    9 septembre 2011 (*)

    «Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Propriété industrielle et commerciale – Directive 98/71/CE – Protection juridique des dessins et modèles – Article 17 – Obligation de cumul de la protection des dessins ou modèles avec celle du droit d’auteur – Législation nationale excluant la protection par le droit d’auteur pour les dessins ou modèles tombés dans le domaine public avant son entrée en vigueur»

    Dans l’affaire C‑198/10,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte d’appello di Milano (Italie), par décision du 31 mars 2010, parvenue à la Cour le 23 avril 2010, dans la procédure

    Cassina SpA

    contre

    Alivar Srl,

    Galliani Host Arredamenti Srl,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. U. Lõhmus (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17 et 19 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO L 289, p. 28).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Cassina SpA (ci-après «Cassina») à Alivar Srl (ci-après «Alivar») et à Galliani Host Arredamenti Srl (ci-après «Galliani») au sujet d’une atteinte aux droits d’auteur, que Cassina prétend détenir sur les œuvres de design industriel (fauteuils et chaises longues) de l’architecte Le Corbusier, résultant de la fabrication et/ou de la commercialisation d’imitations de celles-ci par Alivar et Galliani.

     Le cadre juridique

     La réglementation de l’Union

     La directive 98/71

    3        Selon les deuxième et troisième considérants de la directive 98/71, la disparité des protections juridiques des dessins ou modèles offertes par les législations des États membres a une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur pour les produits incorporant des dessins ou modèles et elle peut fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, de sorte que le rapprochement des législations nationales relatives à la protection des dessins ou modèles est nécessaire pour le bon fonctionnement dudit marché.

    4        Aux termes du huitième considérant de cette directive, «en l’absence d’harmonisation de la législation sur les droits d’auteur, il importe de consacrer le principe du cumul, d’une part, de la protection spécifique des dessins ou modèles par l’enregistrement et, d’autre part, de la protection par le droit d’auteur, tout en laissant aux États membres la liberté de déterminer l’étendue de la protection par le droit d’auteur et les conditions auxquelles cette protection est accordée».

    5        L’article 17 de ladite directive, intitulé «Rapports avec le droit d’auteur», prévoit:

    «Un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, conformément aux dispositions de la présente directive, bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État à partir de la date à laquelle le dessin ou modèle a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis, sont déterminées par chaque État membre.»

    6        L’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive énonce que les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci le 28 octobre 2001 au plus tard.

     La directive 2001/29/CE

    7        L’article 1er de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10), intitulé «Champ d’application», énonce, à son paragraphe 1, que cette directive porte sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur, avec une importance particulière accordée à la société de l’information.

    8        L’article 2 de cette directive dispose, sous le titre «Droit de reproduction»:

    «Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie:

    a)      pour les auteurs, de leurs œuvres;

    [...]»

     La réglementation nationale

    9        L’article 2, paragraphe 1, point 4, de la loi n° 633 relative au droit d’auteur et aux autres droits liés à son exercice (legge n. 633, protezione del diritto d’autore e di altri diritti connessi al suo esercizio), du 22 avril 1941 (Gazzetta ufficiale n° 166, du 16 juillet 1941, ci-après la «loi n° 633/1941»), dans sa version applicable jusqu’au 19 avril 2001, accordait la protection du droit d’auteur aux «œuvres sculptées, peintes, dessinées, gravées et [aux] œuvres issues d’arts figuratifs similaires, y compris la scénographie, même appliquées à l’industrie, dès lors que leur valeur artistique [était] séparable du caractère industriel du produit auquel elles [étaient] associées» et à condition qu’il ne s’agisse pas de dessins et modèles ornementaux pour lesquels un brevet avait été demandé en vertu de l’article 5, deuxième alinéa, du décret royal n° 1411 portant dispositions législatives en matière de brevets pour des modèles industriels (regio decreto n. 1411, testo delle disposizioni legislative in materia di brevetti per modelli industriali), du 25 août 1940 (Gazzetta ufficiale n° 247, du 21 octobre 1940).

    10      L’article 22 du décret législatif n° 95 portant application de la directive 98/71 relative à la protection juridique des dessins et modèles (decreto legislativo n. 95, attuazione della direttiva 98/71/CE relativa alla protezione giuridica dei disegni e dei modelli), du 2 février 2001 (supplément ordinaire à la GURI n° 79, du 4 avril 2001, ci-après le «décret législatif n° 95/2001»), qui est entré en vigueur le 19 avril 2001, a modifié l’article 2, paragraphe 1, point 4, de la loi n° 633/1941 et l’article 5 du décret royal n° 1411, du 25 août 1940, en supprimant les conditions de séparabilité et de l’alternance de protections et en ajoutant à la liste des œuvres protégées par la loi n° 633/1941, dans un nouveau point 10, dudit article 2, paragraphe 1, les «œuvres de dessin industriel qui présentent un caractère créatif et une valeur artistique intrinsèques».

    11      Le décret législatif n° 164 portant application de la directive 98/71 (decreto legislativo n. 164, disposizioni integrative al decreto legislativo 2 febbraio 2001, n. 95, recante attuazione della direttiva 98/71/CE sulla protezione giuridica dei disegni e dei modelli), du 12 avril 2001 (GURI n° 106, du 9 mai 2001), en ajoutant un article 25 bis au décret législatif n° 95/2001, a introduit un moratoire décennal, à compter du 19 avril 2001, pendant lequel «la protection accordée aux dessins et modèles au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la loi [n° 633/1941] n’est pas opposable à l’égard uniquement de ceux qui, avant ladite date, ont entrepris de fabriquer, d’offrir ou de commercialiser des produits réalisés selon des dessins ou des modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public».

    12      Cette disposition a par la suite été reprise à l’article 239 du code de la propriété industrielle italien (ci-après le «CPI»), qui a été promulgué au cours de l’année 2005.

    13      L’article 4, paragraphe 4, du décret-loi n° 10 concernant l’application des obligations communautaires et internationales (decreto-legge n. 10, disposizioni volte a dare attuazione ad obblighi comunitari ed internazionali), du 15 février 2007 (GURI n° 38, du 15 février 2007), converti en loi par la loi n° 46, du 6 avril 2007, a notamment supprimé le moratoire décennal instauré par le décret législatif n° 164, du 12 avril 2001, en modifiant l’article 239 du CPI. Cet article, ainsi modifié, disposait:

    «La protection accordée aux dessins et aux modèles industriels, au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la loi [n° 633/1941], n’est pas opposable aux produits réalisés selon des dessins ou des modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur du décret législatif [n° 95/2001].»

    14      Cette réglementation a été modifiée par l’article 19 de la loi n° 99 concernant les dispositions pour le développement et l’internationalisation des entreprises et sur l’énergie (legge n. 99, disposizioni per lo sviluppo e l’internazionalizzazione delle imprese, nonché in materia di energia), du 23 juillet 2009 (GURI n° 176, du 31 juillet 2009, ci-après la «loi n° 99/2009»), aux termes duquel:

    «La protection accordée aux dessins et modèles en vertu de l’article 2, [paragraphe 1], point 10 de la loi [n° 633/1941] n’opère pas uniquement vis-à-vis de ceux qui, avant le 19 avril 2001, ont entrepris de fabriquer, d’offrir ou de commercialiser des produits réalisés selon des dessins ou des modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public. Dans un tel cas, cette activité peut se poursuivre dans les limites de l’usage antérieur. Les droits de fabrication, d’offre et de commercialisation ne peuvent être transférés séparément de l’entreprise.»

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    15      Dans le courant du mois d’août 2002, Cassina a assigné en justice Galliani et A. Studio Srl, devenue Alivar, au motif que, en produisant et/ou en commercialisant des imitations des œuvres de design industriel de l’architecte Le Corbusier (fauteuils et chaises longues), ces entreprises avaient porté atteinte aux droits d’auteur exclusifs dont elle était titulaire et qu’elle détenait sur le fondement du décret législatif n° 95/2001. Cette société a demandé, entre autres, la confirmation des mesures provisoires ordonnées par le Tribunale di Monza à l’encontre desdites entreprises et l’adoption de mesures supplémentaires visant à la protection de ses droits exclusifs.

    16      Après avoir reporté le prononcé de l’affaire à plusieurs reprises en raison de la modification de la législation applicable, la juridiction saisie a, le 15 juillet 2008, rejeté la demande présentée par Cassina à l’encontre de A. Studio Srl et a fait partiellement droit à la demande dirigée contre Galliani.

    17      Le 8 octobre 2009, Cassina a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, en se fondant sur l’article 239 du CPI, tel que modifié par la loi n° 99/2009.

    18      Tout en considérant que cette disposition s’applique aux faits en cause au principal, la Corte d’appello di Milano nourrit, cependant, des doutes sur la compatibilité de celle-ci avec les articles 17 et 19 de la directive 98/71. Selon elle, cet article 239 du CPI exclut, sans limite de durée, la protection du droit d’auteur accordée aux œuvres de design industriel en faveur de ceux qui ont entrepris de fabriquer, de proposer ou de commercialiser des produits réalisés selon des dessins ou modèles tombés dans le domaine public, nonobstant la limitation constituée par l’usage antérieur. Dès lors, la Corte d’appello di Milano a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Les articles 17 et 19 de la directive [98/71] doivent-ils être interprétés en ce sens que la faculté reconnue à l’État membre de déterminer de manière autonome l’étendue de la protection et les conditions auxquelles elle est accordée puisse aller jusqu’à lui permettre d’exclure cette protection lorsqu’un tiers – sans y avoir été autorisé par le titulaire du droit d’auteur sur des dessins et modèles – a déjà produit et commercialisé sur le territoire national des produits réalisés d’après ces dessins et modèles, tombés dans le domaine public avant la date d’entrée en vigueur de la législation nationale de mise en conformité?

    2)      Les articles 17 et 19 de la directive [98/71] doivent-ils être interprétés en ce sens que la faculté reconnue à l’État membre de déterminer de manière autonome l’étendue de la protection et les conditions auxquelles elle est accordée peut aller jusqu’à lui permettre d’exclure cette protection lorsqu’un tiers – sans y avoir été autorisé par le titulaire du droit d’auteur sur des dessins et modèles – a déjà produit et commercialisé sur le territoire national des produits réalisés d’après ces dessins et modèles, et que cette exclusion est prévue dans les limites de l’usage antérieur?»

     Sur les questions préjudicielles

    19      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée, à titre préjudiciel, peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée faisant référence à la jurisprudence en cause.

    20      Tel est le cas dans la présente affaire dans la mesure où la réponse aux questions posées par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite, notamment, de l’arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, non encore publié au Recueil).

    21      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, en s’interrogeant sur l’interprétation des articles 17 et 19 de la directive 98/71, la juridiction de renvoi n’explique pas la pertinence, pour la solution du litige au principal, de l’article 19 de cette directive, qui se limite à fixer la date d’expiration du délai de transposition de celle-ci. En effet, dans les motifs de sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi ne se réfère pas à ce délai et aborde le problème de compatibilité posé par la législation nationale en cause au principal uniquement en faisant référence à l’obligation de cumul des protections prévue à l’article 17 de cette directive.

    22      Dès lors, il convient de considérer que les questions posées portent essentiellement sur l’interprétation de l’article 17 de ladite directive. Partant, il appartient à la Cour de répondre à celles-ci au regard de ce seul article.

    23      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de la protection par le droit d’auteur de cet État membre les dessins et modèles tombés dans le domaine public avant l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard de tout tiers qui a déjà produit et/ou commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon ces dessins ou modèles avant cette même date, soit sans limite, soit dans les limites de l’usage antérieur.

    24      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son arrêt Flos, précité, la Cour a déjà été amenée à examiner des questions similaires, relatives à deux types de mesures législatives, précédant celle en cause au principal, qui prévoyaient une inopposabilité du droit d’auteur, soit temporaire soit pour une durée illimitée, pour lesdits dessins et modèles, à l’égard d’une certaine catégorie de tiers, en vue de protéger leurs intérêts légitimes résultant d’une législation antérieure.

    25      Dans ledit arrêt, la Cour a considéré, d’une part, que, en vertu de l’article 17 de la directive 98/71, seul un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, conformément aux dispositions de cette directive, peut bénéficier, au titre de celle-ci, de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État. Elle a ajouté qu’il n’est toutefois pas exclu que les dessins ou modèles qui ne relèvent pas du champ d’application dudit article puissent bénéficier de la protection par le droit d’auteur résultant d’autres directives en matière de droit d’auteur, et notamment de la directive 2001/29, dans la mesure où les conditions dans lesquelles celle-ci s’applique sont remplies, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (voir, en ce sens, arrêt Flos, précité, points 32 à 34).

    26      D’autre part, s’agissant des dessins ou modèles qui ont fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, la Cour a considéré qu’il découle clairement du libellé de l’article 17 de la directive 98/71, que la protection par le droit d’auteur doit être accordée, si toutes les conditions requises sont remplies, à tous les dessins ou modèles ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour l’État membre concerné et que cette protection vaut également pour des dessins et modèles qui sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation (voir, en ce sens, arrêt Flos, précité, points 37 et 41 à 44).

    27      Cependant, il a été rappelé dans ledit arrêt qu’il ressort des principes du respect des droits acquis et de protection de la confiance légitime que l’article 17 de la directive 98/71 ne s’oppose pas à un type de mesure, telle une disposition législative prévoyant une période transitoire visant une catégorie déterminée de tiers afin de protéger les intérêts légitimes de ces derniers, pour autant qu’elle n’a pas pour effet de différer pendant une période substantielle l’application de la nouvelle réglementation de protection par le droit d’auteur des dessins ou modèles de façon à l’empêcher de s’appliquer à la date prévue par cette directive (voir, en ce sens, arrêt Flos, précité, point 55 et jurisprudence citée).

    28      Ainsi, une mesure instituant une inopposabilité illimitée de la protection par le droit d’auteur pour les produits créés selon des dessins ou modèles se trouvant dans le domaine public avant le 19 avril 2001 viderait de sa substance l’article 17 de la directive 98/71, dès lors qu’elle a pour conséquence d’empêcher, d’une manière générale, l’application de la nouvelle protection, à savoir celle afférente au droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt Flos, précité, point 64).

    29      Ces considérations sont transposables à une disposition législative telle que celle en cause au principal.

    30      En effet, l’article 239 du CPI, tel que modifié par l’article 19 de la loi n° 99/2009, prévoit que la protection par le droit d’auteur accordée aux dessins et modèles n’opère pas à l’égard d’une catégorie de tiers, à savoir ceux qui ont déjà entrepris de fabriquer, d’offrir ou de commercialiser, avant la date d’entrée en vigueur de la législation nationale transposant la directive, des produits réalisés selon des dessins et modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public, avant cette même date, tout en limitant l’activité de cette catégorie de tiers à l’usage antérieur.

    31      Ainsi, cette disposition vise à exclure de la protection par le droit d’auteur les dessins et modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public avant la date d’entrée en vigueur de la législation nationale transposant la directive 98/71, à l’égard d’une certaine catégorie de tiers, et cela dans les limites de leur usage antérieur desdits dessins ou modèles.

    32      Or, force est de constater que, même si cette inopposabilité de protection est prévue pour une catégorie de tiers pouvant se prévaloir des principes du respect des droits acquis ainsi que de protection de la confiance légitime et que cette inopposabilité est limitée à un usage antérieur par ces tiers desdits dessins ou modèles, il n’en demeure pas moins qu’elle est accordée sans limite dans le temps. Partant, cette mesure législative diffère le bénéfice de la protection par le droit d’auteur pendant une période illimitée, vidant ainsi de sa substance l’obligation de protection desdits dessins ou modèles résultant de l’article 17 de la directive 98/71.

    33      Cette conclusion s’impose d’autant plus dans le cas où une mesure législative ne limiterait pas l’usage desdits dessins et modèles à un usage antérieur et exclurait ainsi totalement de la protection par le droit d’auteur les dessins et modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public avant l’entrée en vigueur de la législation nationale transposant l’article 17 de la directive 98/71 à l’égard des tiers concernés.

    34      Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut soit totalement, soit dans les limites de l’usage antérieur, de la protection par le droit d’auteur de cet État membre les dessins et modèles tombés dans le domaine public avant l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard de tout tiers qui a déjà produit et/ou commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon ces dessins ou modèles avant cette date.

     Sur les dépens

    35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

    L’article 17 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut soit totalement, soit dans les limites de l’usage antérieur, de la protection par le droit d’auteur de cet État membre les dessins et modèles tombés dans le domaine public avant l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard de tout tiers qui a déjà produit et/ou commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon ces dessins ou modèles avant cette date.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’italien.

    Top