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Document 62010CJ0113

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 27 septembre 2012.
    Zuckerfabrik Jülich AG e.a. contre Hauptzollamt Aachen e.a.
    Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Finanzgericht Düsseldorf, par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division et par le tribunal de grande instance de Nanterre.
    Politique agricole commune — Organisation commune des marchés — Producteurs de sucre et d’isoglucose — Calcul du montant des cotisations à la production — Validité d’un mode de calcul prenant en compte des montants de restitutions fictifs pour les quantités de sucre exportées sans restitution — Rétroactivité de la réglementation — Taux de change — Allocation d’intérêts.
    Affaires jointes C-113/10, C-147/10 et C-234/10.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:591

    ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    27 septembre 2012 ( *1 )

    «Politique agricole commune — Organisation commune des marchés — Producteurs de sucre et d’isoglucose — Calcul du montant des cotisations à la production — Validité d’un mode de calcul prenant en compte des montants de restitutions fictifs pour les quantités de sucre exportées sans restitution — Rétroactivité de la réglementation — Taux de change — Allocation d’intérêts»

    Dans les affaires jointes C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10,

    ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Finanzgericht Düsseldorf (C‑113/10) (Allemagne), par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (C‑147/10) (Royaume-Uni), et par le tribunal de grande instance de Nanterre (C‑234/10) (France), par décisions, respectivement, des 22 février, 12 mars et 6 mai 2010, parvenues à la Cour les 2 et 29 mars ainsi que le 12 mai 2010, dans les procédures

    Zuckerfabrik Jülich AG (C‑113/10)

    contre

    Hauptzollamt Aachen,

    British Sugar plc (C‑147/10)

    contre

    Rural Payments Agency, an Executive Agency of the Department for Environment, Food & Rural Affairs,

    et

    Tereos — Union de coopératives agricoles à capital variable (C‑234/10)

    contre

    Directeur général des douanes et droits indirects,

    Receveur principal des douanes et droits indirects de Gennevilliers,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

    avocat général: Mme E. Sharpston,

    greffier: M. K. Malacek, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 juin 2011,

    considérant les observations présentées:

    pour Zuckerfabrik Jülich AG, par Mes H.-J. Prieß et B. Sachs, Rechtsanwälte,

    pour British Sugar plc, par MM. K. Lasok, QC, et G. Facenna, barrister,

    pour Tereos — Union de coopératives agricoles à capital variable, par Me N. Coutrelis, avocate,

    pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Hathaway et Mme H. Walker, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et B. Cabouat, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

    pour le gouvernement lituanien, par Mmes R. Mackevičienė et R. Krasuckaitė, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par MM. P. Rossi, B. Schima et D. Bianchi, ainsi que par Mme K. Banks, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 octobre 2011,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Les demandes de décision préjudicielle portent principalement sur la validité du règlement (CE) no 1193/2009 de la Commission, du 3 novembre 2009, rectifiant les règlements (CE) no 1762/2003, (CE) no 1775/2004, (CE) no 1686/2005, (CE) no 164/2007 et fixant, pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre (JO L 321, p. 1).

    2

    Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, respectivement, Zuckerfabrik Jülich AG (ci-après «Jülich») au Hauptzollamt Aachen, British Sugar plc (ci-après «British Sugar») à la Rural Payments Agency, an Executive Agency of the Department for Environment, Food & Rural Affairs (ci-après la «Rural Payments Agency»), et Tereos — Union de coopératives agricoles à capital variable (ci-après «Tereos») au directeur général des douanes et droits indirects et au receveur principal des douanes et droits indirects de Gennevilliers (France), au sujet des montants des cotisations acquittés au titre soit de l’ensemble des campagnes de commercialisation 2002/2003 à 2005/2006 soit de certaines d’entre elles.

    Le cadre juridique

    3

    L’article 8, paragraphe 1, de la décision 2000/597/CE, Euratom, du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42), prévoit que les ressources propres des Communautés européennes, telles que, notamment, les cotisations prévues dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation communautaire.

    4

    S’agissant desdites cotisations, il en est de même en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2007/436/CE, Euratom, du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), laquelle, ainsi que le prévoit son article 10, a abrogé la décision 2000/597 à partir du 1er janvier 2007.

    5

    Le règlement (CE) no 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 178, p. 1, ci-après le «règlement de base»), abrogé par le règlement (CE) no 318/2006 du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 58, p. 1), prévoyait, notamment, un système d’autofinancement du secteur du sucre par des cotisations à la production.

    6

    Conformément au considérant 11 du règlement de base, l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre reposait, d’une part, sur le principe de la responsabilité financière intégrale des producteurs pour chaque campagne de commercialisation pour les pertes dues à l’écoulement des excédents de production communautaire dans le cadre des quotas par rapport à la consommation intérieure et, d’autre part, sur un régime de garanties de prix d’écoulement différenciées selon des quotas de production attribués à chaque entreprise.

    7

    Selon le considérant 13 de ce règlement, le principe de la responsabilité financière était assuré par les contributions des producteurs qui s’effectuaient par la perception d’une cotisation à la production de base s’appliquant à toute la production de sucre A et B, mais limitée à 2 % du prix d’intervention du sucre blanc, et une cotisation B affectant la production de sucre B dans la limite maximale de 37,5 % de ce dernier prix. Ces limites ne permettant pas, en principe, d’atteindre l’objectif d’un autofinancement du secteur par campagne, il convenait dès lors de prévoir, dans ce cas, la perception d’une cotisation complémentaire.

    8

    Le considérant 14 dudit règlement était libellé comme suit:

    «La cotisation complémentaire doit être établie, notamment dans un souci d’égalité de traitement, pour chaque entreprise compte tenu de sa participation aux recettes dégagées par les cotisations à la production qu’elle aura acquittées au titre de la campagne de commercialisation en cause. À cette fin, il y a lieu de déterminer un coefficient valable pour toute la Communauté qui représente pour cette même campagne le rapport entre, d’une part, la perte globale constatée et, d’autre part, l’ensemble des recettes dégagées par les cotisations à la production en cause. Il convient en outre de prévoir les conditions pour la participation des vendeurs de betteraves et de cannes à la résorption de la perte non couverte de la campagne de commercialisation en question.»

    9

    En ce qui concerne le calcul des cotisations, l’article 15 du règlement de base disposait:

    «1.   Avant la fin de chaque campagne de commercialisation, il est constaté:

    a)

    la quantité prévisible de sucre A et B, d’isoglucose A et B et de sirop d’inuline A et B produite au compte de la campagne en cours;

    b)

    la quantité prévisible de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline écoulée pour la consommation à l’intérieur de la Communauté pendant la campagne en cours;

    c)

    l’excédent exportable en diminuant la quantité visée au point a) de la quantité visée au point b);

    d)

    la perte moyenne prévisible ou la recette moyenne prévisible par tonne de sucre pour les engagements à l’exportation à réaliser au titre de la campagne en cours.

    Cette perte moyenne ou cette recette moyenne est égale à la différence entre le montant total des restitutions et le montant total des prélèvements rapportés au tonnage des engagements à l’exportation en cause;

    e)

    la perte globale prévisible ou la recette globale prévisible en multipliant l’excédent visé au point c) par la perte moyenne ou la recette moyenne visées au point d).

    2.   Avant la fin de la campagne de commercialisation 2005/2006 et sans préjudice de l’article 10, paragraphes 3 à 6, il est constaté cumulativement pour les campagnes de commercialisation 2001/2002 à 2005/2006:

    a)

    l’excédent exportable établi en fonction de la production définitive de sucre A et B, d’isoglucose A et B et de sirop d’inuline A et B, d’une part, et de la quantité définitive de sucre, d’isoglucose et de sirop d’inuline écoulée pour la consommation à l’intérieur de la Communauté, d’autre part;

    b)

    la perte moyenne ou la recette moyenne par tonne de sucre résultant de la totalité des engagements à l’exportation en cause établie en suivant la règle de calcul visée au paragraphe 1, point d), deuxième alinéa;

    c)

    la perte globale ou la recette globale en multipliant l’excédent visé au point a) par la perte moyenne ou la recette moyenne visées au point b);

    d)

    la somme globale des cotisations à la production de base et des cotisations B perçues.

    La perte globale prévisible ou la recette globale prévisible visées au paragraphe 1, point e), est ajustée en fonction de la différence entre les constatations visées aux points c) et d).

    [...]

    8.   Sont arrêtées, selon la procédure prévue à l’article 42, paragraphe 2, les modalités d’application du présent article et notamment:

    les montants de cotisations à percevoir,

    [...]»

    10

    À la suite du prononcé de l’arrêt du 8 mai 2008, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C-5/06 et C-23/06 à C-36/06, Rec. p. I-3231), et de l’ordonnance du 6 octobre 2008, SAFBA (C‑175/07 à C‑184/07), la Commission européenne a adopté le règlement no 1193/2009, par lequel elle a rectifié les règlements (CE) no 1762/2003 de la Commission, du 7 octobre 2003, fixant, pour la campagne de commercialisation 2002/2003, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre (JO L 254, p. 4), (CE) no 1775/2004 de la Commission, du 14 octobre 2004, fixant, pour la campagne de commercialisation 2003/2004, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre (JO L 316, p. 64), et (CE) no 1686/2005 de la Commission, du 14 octobre 2005, fixant, pour la campagne de commercialisation 2004/2005, les montants des cotisations à la production ainsi que le coefficient de la cotisation complémentaire dans le secteur du sucre (JO L 271, p. 12), déclarés invalides par la Cour, de même que le règlement (CE) no 164/2007 de la Commission, du 19 février 2007, fixant, pour la campagne de commercialisation 2005/2006, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre (JO L 51, p. 17), fondé également sur la méthode invalidée par la Cour pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004 et 2004/2005. Ainsi, la Commission a fixé à nouveau, avec effet rétroactif, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre au titre des campagnes de commercialisation 2002/2003 à 2005/2006.

    11

    Les considérants 5 et 6 du règlement no 1193/2009 sont libellés comme suit:

    «(5)

    Dans son arrêt du 8 mai 2008 dans les affaires jointes C‑5/06 et C‑23/06 à C‑36/08, la Cour a conclu que l’examen du règlement (CE) no 1837/2002 de la Commission du 15 octobre 2002 fixant, pour la campagne de commercialisation 2001/2002, les montants des cotisations à la production ainsi que le coefficient de la cotisation complémentaire dans le secteur du sucre [(JO L 278, p. 13)] n’avait pas révélé l’existence d’éléments de nature à en affecter la validité. Pour fixer les montants des cotisations à la production, il convient que la Commission détermine la perte moyenne sur la base des quantités totales de sucre exportées sous la forme de produits transformés, qu’elles bénéficient ou non des restitutions.

    (6)

    Il est dès lors opportun que la Commission fixe les montants des cotisations à la production, y compris, si nécessaire, un coefficient pour la cotisation complémentaire, en utilisant la même méthode de calcul que celle utilisée pour la campagne de commercialisation 2001/2002.»

    12

    Les articles 1er à 4 du règlement no 1193/2009 fixent les montants des cotisations à la production dans le secteur du sucre pour les campagnes de commercialisation 2002/2003 à 2005/2006.

    13

    L’article 3 du règlement no 1193/2009 prévoit:

    «Les articles 1er et 2 du règlement (CE) no 1686/2005 sont remplacés par le texte suivant:

    ‘[...]

    Article 2

    Pour la campagne de commercialisation 2004/2005, le coefficient prévu à l’article 16, paragraphe 2, du règlement [de base] est fixé à 0,25466 pour la République tchèque, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie et à 0,14911 pour les autres États membres.’»

    14

    L’article 6 du règlement no 1193/2009 dispose:

    «Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

    L’article 1er s’applique à compter du 8 octobre 2003.

    L’article 2 s’applique à compter du 15 octobre 2004.

    L’article 3 s’applique à compter du 18 octobre 2005.

    L’article 4 s’applique à compter du 23 février 2007.»

    15

    Le Tribunal de l’Union européenne a, par son arrêt du 29 septembre 2011, Pologne/Commission (T‑4/06), déclaré et arrêté:

    «L’article 2 du règlement (CE) no 1686/2005 [...], tel que modifié par l’article 3 du règlement (CE) no 1193/2009 [...], est annulé.»

    Les litiges au principal et les questions préjudicielles

    L’affaire C‑113/10

    16

    Jülich est une entreprise productrice de sucre.

    17

    Par décisions des 21 octobre 2003, 26 octobre 2005 et 21 février 2007, le Hauptzollamt Aachen (bureau principal des douanes d’Aix-la-Chapelle) a réclamé à Jülich les cotisations afférentes aux campagnes de commercialisation 2002/2003, 2004/2005 et 2005/2006. Pour ces trois campagnes de commercialisation, le Hauptzollamt Aachen s’est fondé sur trois règlements de la Commission, à savoir le règlement no 1762/2003 pour la campagne 2002/2003, le règlement no 1686/2005 pour la campagne 2004/2005 et le règlement no 164/2007 pour la campagne 2005/2006.

    18

    Contestant les cotisations à la production fixées pour ces campagnes de commercialisation, Jülich a fait opposition à la décision du 26 octobre 2005 et a demandé la modification des décisions des 21 octobre 2003 et 21 février 2007. Elle a fait valoir que les règlements nos 1762/2003, 1686/2005 et 164/2007 étaient invalides au motif que la Commission avait déterminé de manière erronée les taux de cotisation.

    19

    Par décisions des 28 et 29 décembre 2009, le Hauptzollamt Aachen a, sur la base du règlement no 1193/2009, établi le montant des cotisations à la production dues par Jülich pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2004/2005 et 2005/2006.

    20

    Jülich a formé un recours contre ces décisions devant le Finanzgericht Düsseldorf au motif que le règlement no 1193/2009 était invalide.

    21

    Dans la mesure où la Commission, lors de la refonte des taux de cotisation, aurait procédé à un nouveau calcul non seulement des quantités totales des engagements à l’exportation, mais également de la totalité des montants des restitutions des campagnes de commercialisation en cause au principal, en prenant en compte des restitutions fictives pour des exportations sans restitutions, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité avec le principe du droit de l’Union de non-rétroactivité d’une telle refonte, qui irait au-delà des conditions imposées par l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, et qui serait applicable à des campagnes de commercialisation déjà achevées.

    22

    Par une décision du 2 mars 2010, le Finanzgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Le règlement [...] no 1193/2009 [...] est-il valide?»

    L’affaire C‑147/10

    23

    British Sugar, fabricant de produits dans le secteur du sucre a demandé en justice le remboursement du montant, majoré des intérêts, des cotisations à la production de sucre payé en trop au titre des campagnes de commercialisation 2002/2003 à 2005/2006, à la Rural Payments Agency.

    24

    En se fondant sur son interprétation de l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, British Sugar a calculé que le montant excédentaire acquitté pour les campagnes de commercialisation 2002/2003 à 2005/2006 s’élève approximativement à 12531000 euros, hors intérêts.

    25

    La Rural Payments Agency fait valoir que le règlement no 1193/2009 établit désormais la formule juridique de calcul du trop perçu dû à British Sugar et qu’il lie les parties concernées ainsi que la juridiction de renvoi. Elle soutient que, conformément audit règlement, le montant dû à British Sugar s’élève à 366590,79 GBP et que seul ce montant doit lui être versé.

    26

    Selon British Sugar, le règlement no 1193/2009 est invalide, notamment au motif qu’il est entaché du même vice fondamental que celui qui a conduit la Cour à invalider les règlements nos 1762/2003, 1775/2004 et 1686/2005. La méthode de calcul qui y est adoptée, et notamment le calcul de «la perte moyenne par tonne» visée à l’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement de base, se fonderait sur les pertes hypothétiques afférentes aux restitutions à l’exportation fictivement disponibles, mais jamais effectivement payées. Ainsi, le règlement n 1193/2009 accroîtrait artificiellement la perte globale visée à l’article 15, paragraphe 1, sous e), du règlement de base.

    27

    En outre, la Commission n’aurait pas été compétente pour adopter le règlement no 1193/2009 en vertu du règlement de base, en raison, notamment, du fait que ce dernier, qui avait été abrogé, n’était plus en vigueur lorsque le nouveau règlement a été adopté. En l’absence d’une compétence au titre du règlement de base, la compétence pour fixer les montants des cotisations à la production appartiendrait, en vertu de l’article 43 TFUE, au Conseil.

    28

    Par ailleurs, le règlement no 1193/2009 serait également invalide dans la mesure où il exigerait que les paiements qui ne sont pas exprimés en euros soient effectués au taux de change qui était en vigueur au moment où le trop perçu de cotisation a été initialement calculé, et non pas au moment du remboursement.

    29

    La Rural Payments Agency fait valoir que, dans la mesure où le règlement no 1193/2009 semble suivre le régime prévu par le règlement no 1837/2002, dont l’examen n’avait pas révélé l’existence d’éléments de nature à en affecter la validité, il peut être envisagé que la méthodologie qu’il fixe ait ainsi été avalisée implicitement par la Cour.

    30

    S’agissant du taux de change approprié (euro/GBP), il conviendrait de retenir celui qui était en vigueur à l’époque où les cotisations initiales à la production de sucre ont été déterminées.

    31

    Enfin, selon la Rural Payments Agency, British Sugar ne devrait pas se voir octroyer des intérêts au titre du remboursement du trop perçu de cotisations qui lui est dû. En effet, tout remboursement à cette entreprise des sommes payées en trop devrait alors s’accompagner d’un remboursement équivalent par la Commission à la Rural Payments Agency, conformément au système des ressources propres de la Communauté. S’il n’existe pas, dans la législation de l’Union, de base juridique relative aux ressources propres qui permette aux États membres de récupérer auprès de la Commission les intérêts se rapportant à un tel remboursement, la Rural Payments Agency estime que le même principe s’applique à un quelconque remboursement en faveur de British Sugar.

    32

    Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Le règlement [no 1193/2009] est-il invalide à la lumière de l’arrêt [Zuckerfabrik Jülich e.a., précité,] et de l’ordonnance [SAFBA, précitée]?

    2)

    Le règlement [no 1193/2009] est-il invalide au regard de la base juridique en vertu de laquelle il a été adopté, à savoir le règlement [de base]?

    3)

    Pour calculer l’indemnité payable au titre des paiements excédentaires de cotisations à la production de sucre pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, le taux de change applicable et la date de conversion doivent-ils être déterminés par le droit de l’Union européenne? Si tel est le cas, l’article 6 du règlement [no 1193/2009] doit-il être interprété en ce sens qu’il exige que l’indemnité soit versée en fonction du taux de change en vigueur au moment où le trop-perçu de cotisations a été initialement calculé? S’il en est ainsi, l’article 6 du règlement [no 1193/2009] est-il valide?

    4)

    En ce qui concerne les intérêts:

    [a])

    Le droit de l’[Union] s’oppose t-il à ce qu’une personne qui se trouve dans la situation de la requérante puisse récupérer, auprès de l’autorité nationale compétente pour percevoir les cotisations à la production, les intérêts sur les sommes payées en trop en conséquence d’un règlement de la Commission jugé invalide, lorsque ladite autorité nationale ne peut recouvrer les intérêts sur les sommes correspondantes qui lui sont dues par la Commission?

    [b])

    En cas de réponse affirmative à la [quatrième question, sous a)], la législation de l’[Union] concernant les ressources propres [(décision 2000/597[...] et son règlement d’application (CE) no 1150/2000] s’oppose-t-elle à ce que l’autorité nationale compétente pour percevoir les cotisations à la production puisse recouvrer les intérêts sur les sommes qui lui sont dues par la Commission dans les circonstances de l’espèce?

    [c])

    En cas de réponse négative à la [quatrième question, sous a)], le droit de l’[Union] s’oppose-t-il à ce qu’un juge national ou une autorité nationale exercent leur éventuel pouvoir d’appréciation en décidant de ne pas accorder des intérêts dans de telles circonstances lorsqu’ils octroient un remboursement à une personne qui se trouve dans la situation de la requérante?»

    L’affaire C‑234/10

    33

    Estimant avoir payé un montant trop élevé au titre des cotisations dues, en vertu du règlement no 1686/2005, pour la campagne de commercialisation 2004/2005, Tereos, qui produit du sucre, a sollicité le remboursement partiel de ce montant auprès du receveur des douanes et droits indirects de Gennevilliers, le 2 mai 2007. En l’absence de réponse à sa réclamation, Tereos a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d’un recours, faisant valoir l’invalidité du règlement no 1686/2005 et demandant le remboursement du trop perçu évalué à 11600782 euros.

    34

    À la suite de l’adoption du règlement no 1193/2009, Tereos a demandé à cette juridiction, notamment, avant dire droit, de saisir à titre préjudiciel la Cour de questions portant sur la validité du règlement no 1193/2009 au regard de l’article 15 du règlement de base et d’ordonner le remboursement, à son profit, de la somme de 11600782 euros, assortie des intérêts de droit.

    35

    Selon la juridiction de renvoi, il apparaît que la Commission, dans le cadre du règlement no 1193/2009, n’a pas recalculé le montant de la cotisation à la production en appliquant strictement la méthode de calcul issue de l’article 15 du règlement de base, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, mais a utilisé celle qui avait été appliquée pour la campagne 2001/2002, la Cour ayant indiqué que l’examen du règlement no 1837/2002 n’avait pas révélé l’existence d’éléments de nature à en affecter la validité.

    36

    Le tribunal de grande instance de Nanterre a, par conséquent, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «l)

    L’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement [de base] doit-il être interprété en ce sens que, aux fins du calcul de la perte moyenne, il convient de diviser, pour toutes les catégories de sucre exportées, la somme des dépenses réelles par la somme des quantités exportées, que des restitutions aient ou non été effectivement payées pour ces quantités?

    2)

    Le règlement no 1193/2009 est-il invalide au regard de l’article 15 du règlement [de base] en ce qu’il fixe une cotisation à la production pour le sucre calculée à partir d’une perte moyenne dans le calcul de laquelle intervient, en ce qui concerne le sucre exporté dans les produits transformés, une multiplication entre le montant unitaire de la restitution à l’exportation relative à ces produits et les quantités totales exportées, y compris les quantités exportées sans percevoir de restitution, et non une division des dépenses réellement effectuées par la somme des quantités exportées, avec ou sans restitution?»

    Sur la jonction des affaires C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10

    37

    Les affaires C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10, étant connexes par leur objet, ont été, par ordonnance du président de la quatrième chambre de la Cour du 15 avril 2011, jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la question unique dans l’affaire C‑113/10, la première question dans l’affaire C‑147/10 et les deux questions dans l’affaire C‑234/10

    38

    Par ces questions qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si la méthode de calcul de la perte moyenne par tonne de sucre pour les engagements à l’exportation à réaliser au titre de la campagne en cours (ci-après la «perte moyenne») adoptée par la Commission dans le règlement no 1193/2009 est conforme au règlement de base tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, et dans l’ordonnance SAFBA, précitée.

    39

    En vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement de base, la perte moyenne est égale à la différence entre le montant total des restitutions et le montant total des prélèvements rapportés au tonnage total des engagements à l’exportation à réaliser au titre de la campagne en cours. La perte globale prévisible est, selon l’article 15, paragraphe 1, sous e), de ce règlement, calculée en multipliant l’excédent exportable par la perte moyenne.

    40

    Il est constant que la méthode de calcul de la perte moyenne utilisée pour l’élaboration du règlement no 1193/2009 diffère sur deux points de celle utilisée pour l’élaboration des règlements nos 1762/2003, 1775/2004, 1686/2005 et 164/2007.

    41

    D’une part, le «tonnage total des engagements à l’exportation», qui constitue, en application de l’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement de base, le dénominateur du rapport permettant de calculer la perte moyenne, comprend désormais l’ensemble des engagements à l’exportation y compris ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une restitution à l’exportation. Or, cette modification du mode de calcul de la perte moyenne est, ainsi que le reconnaissent, au demeurant, tous les intéressés ayant soumis des observations, conforme à l’article 15, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, tel qu’interprété par la Cour, notamment dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité.

    42

    D’autre part, le «montant total des restitutions» pour le sucre contenu dans les produits transformés, qui constitue, en application de l’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement de base, une partie du numérateur du rapport permettant de calculer la perte moyenne, est le résultat d’une opération en trois temps. Premièrement, le total des engagements à l’exportation pour ladite catégorie de sucre est divisé par douze, chacune des fractions de ce total étant attribuée à un mois de la campagne de commercialisation. Deuxièmement, le chiffre ainsi obtenu est multiplié pour chaque mois par le montant de la restitution moyenne payable pour ce type d’exportations durant ce mois. Troisièmement, les résultats de chacun de ces produits mensuels sont ajoutés pour obtenir le montant total des restitutions pour toute la campagne de commercialisation.

    43

    La Commission souligne que cette méthode de calcul de la perte moyenne a déjà été utilisée par le passé et notamment dans le règlement no 1837/2002. Or, cette méthode aurait été approuvée par la Cour dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, dans lequel la Cour aurait dit pour droit que l’examen du règlement no 1837/2002 n’avait pas révélé l’existence d’éléments de nature à en affecter la validité.

    44

    Cette argumentation ne saurait être accueillie.

    45

    En effet, dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, la Cour ne s’est prononcée sur la validité du règlement no 1837/2002 que dans la mesure exigée pour répondre aux questions qui lui étaient posées, en tenant compte des arguments qui lui avaient été présentés. Plus précisément, il ressort des points 61 et 63 de cet arrêt que la Cour s’est prononcée sur la méthode employée par la Commission pour calculer le tonnage total des engagements à l’exportation et non sur l’ensemble des éléments du calcul de la perte moyenne. Ainsi, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 83 de ses conclusions, la Cour n’a pas examiné la formule utilisée pour calculer le montant total des restitutions qui a été reprise dans le cadre du règlement no 1193/2009. Il convient donc d’examiner cette question nouvelle pour statuer sur la conformité de ce dernier règlement avec l’article 15, paragraphe 1, sous d), du règlement de base.

    46

    À cette fin, il importe de rappeler que le règlement de base vise à établir un système d’autofinancement des charges à l’écoulement des excédents, qui consiste à assurer de façon juste mais efficace le financement intégral par les producteurs eux-mêmes de ces charges (arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, point 44). En conséquence, la méthode de calcul adoptée ne doit pas conduire en pratique à fixer a priori la perte globale à un montant supérieur à celui des dépenses liées aux restitutions en rapport avec l’écoulement des excédents de production communautaire (arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, point 60).

    47

    En outre, il résulte de l’article 15, paragraphe 1, sous e), du règlement de base que la perte globale est le résultat obtenu en multipliant l’excédent exportable par la perte moyenne. Dès lors, toute surestimation de la perte moyenne conduit inévitablement à une surestimation de la perte globale.

    48

    La méthode de calcul employée par la Commission pour déterminer les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre, tels que fixés par le règlement no 1193/2009, n’est pas fondée sur la prise en compte du montant des restitutions à l’exportation payées pour assurer l’écoulement des quantités de sucre contenues dans les produits transformés ayant fait l’objet d’engagements à l’exportation. Elle consiste à attribuer à toutes ces quantités un montant théorique de restitution, fondé sur la moyenne des montants fixés périodiquement par la Commission, indépendamment de l’effectivité du versement d’une éventuelle restitution et du montant réel de celle-ci.

    49

    Or, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du dossier, et notamment des différents documents de travail du Comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles, une part substantielle du sucre contenu dans les produits transformés est exportée sans que les restitutions payables soient jamais payées, cette méthode de calcul revient à augmenter artificiellement le montant total des restitutions. Le chiffre retenu par la Commission comme montant total des restitutions n’entretient alors plus de lien direct avec les charges qui pèsent sur le budget de l’Union européenne au titre de l’écoulement des excédents de sucre.

    50

    Il importe de rappeler que le montant total des restitutions constitue une partie du numérateur du rapport permettant de calculer la perte moyenne. Aussi, cette majoration du numérateur implique-t-elle nécessairement une surestimation de la perte moyenne et donc de la perte globale, en violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement de base.

    51

    La Commission fait valoir également qu’elle est contrainte de recourir à cette méthode de calcul pour respecter le caractère prospectif du système institué par ledit règlement.

    52

    Toutefois, cet argument ne saurait prospérer. En effet, pour les motifs exposés au point 49 du présent arrêt, le procédé consistant à multiplier le total mensuel des engagements à l’exportation par le montant de la restitution moyenne payable durant le mois concerné ne peut être considéré comme un moyen de prévoir le montant probable des restitutions qui seront versées pour le sucre contenu dans les produits transformés.

    53

    Ainsi, le dispositif mis en œuvre par la Commission, en tant qu’il aboutit en pratique à fixer a priori la perte globale à un montant supérieur à celui des dépenses liées aux restitutions, va au-delà de l’objectif poursuivi par le règlement de base, et notamment d’un financement juste des charges liées à l’écoulement des excédents de production communautaire, rappelé au point 46 du présent arrêt.

    54

    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question unique dans l’affaire C‑113/10, à la première question dans l’affaire C‑147/10 et aux deux questions dans l’affaire C‑234/10 que le règlement no 1193/2009, dans ses dispositions autres que celles de son article 3, déjà annulées par l’effet de l’annulation de l’article 2 du règlement no 1686/2005, prononcée par le Tribunal dans son arrêt Pologne/Commission, précité, est invalide.

    Sur la deuxième question dans l’affaire C‑147/10

    55

    Compte tenu de la réponse apportée à la question unique dans l’affaire C‑113/10, à la première question dans l’affaire C‑147/10 et aux deux questions dans l’affaire C‑234/10, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question dans l’affaire C‑147/10.

    Sur la troisième question dans l’affaire C‑147/10

    56

    Par sa troisième question dans l’affaire C‑147/10, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le taux de change applicable pour le calcul de l’indemnité due au titre des paiements excédentaires de cotisations à la production pour le secteur du sucre doit être déterminé par le droit de l’Union et si l’article 6 du règlement no 1193/2009 doit être interprété en ce sens qu’il exige que soit appliqué le taux de change en vigueur au moment où le montant de ces cotisations a été initialement fixé.

    57

    À cet égard, s’agissant de l’article 6 du règlement no 1193/2009, dont l’invalidité a été déclarée au point 54 du présent arrêt, il convient, en tout état de cause, de relever que cet article se borne à déterminer la date à laquelle ce règlement entre en vigueur, ainsi que les dates à partir desquelles s’appliquent les articles 1er à 4 de ce dernier, et ne saurait dès lors être considéré comme déterminant la date à prendre en compte aux fins de la fixation du taux de change applicable aux restitutions des paiements excédentaires de cotisations à la production pour le secteur du sucre au titre des campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006.

    58

    Par ailleurs, dès lors que lesdites cotisations sont, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, des décisions 2000/597 et 2007/436, perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences du droit de l’Union, les litiges relatifs à la restitution de montants perçus pour le compte de l’Union relèvent de la compétence des juridictions internes et doivent être tranchés par celles-ci en application de leur droit national, en la forme et au fond, dans la mesure où le droit de l’Union n’a pas autrement disposé en la matière (arrêts du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, p. 677, point 11, et du 12 juin 1980, Express Dairy Foods, 130/79, Rec. p. 1887, point 11).

    59

    Il s’avère qu’aucune disposition du droit de l’Union n’établit de règles relatives au taux de change applicable pour le calcul des restitutions de cotisations indûment perçues au titre des cotisations à la production pour le secteur du sucre.

    60

    Or, à défaut de dispositions de droit de l’Union en la matière, il appartient aux autorités nationales, et particulièrement aux juridictions nationales en cas de restitution de cotisations indûment perçues sur la base de règlements de l’Union déclarés invalides, de régler toutes questions accessoires ayant trait à cette restitution telles que le versement d’intérêts, en appliquant leurs règles internes concernant le taux d’intérêt et la date à partir de laquelle les intérêts doivent être calculés (voir, en ce sens, arrêt Express Dairy Foods, précité, points 14 et 17).

    61

    En l’absence de législation de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles de tels intérêts doivent être versés, notamment le taux et le mode de calcul de ces intérêts (intérêts simples ou intérêts composés). Ces conditions doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, point 27).

    62

    Il en va ainsi du taux de change applicable aux restitutions de paiements excédentaires de cotisations à la production pour le secteur du sucre, qui doit donc, en principe, être déterminé par l’ordre juridique interne de l’État membre concerné.

    63

    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑147/10 que, à défaut de dispositions de droit de l’Union sur ce point, il appartient au droit national de l’État membre concerné de déterminer le taux de change applicable pour le calcul de l’indemnité due au titre des paiements excédentaires de cotisations à la production pour le secteur du sucre.

    Sur la quatrième question dans l’affaire C‑147/10

    64

    Par sa quatrième question dans l’affaire C‑147/10, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose à l’attribution d’intérêts sur les sommes indûment versées au titre de cotisations à la production pour le secteur du sucre fixées par un règlement invalide, dans le cas où l’État membre concerné ne peut réclamer les intérêts correspondants sur les ressources propres de l’Union et, en cas de réponse négative, si ce droit permet à une juridiction nationale ou à une autre autorité nationale de ne pas accorder d’intérêts en se fondant sur un pouvoir d’appréciation que lui attribue l’ordre juridique interne.

    65

    Lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de la taxe indûment perçue, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cette taxe. Cela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de la taxe (voir arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, points 87 à 89; du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 205, ainsi que Littlewoods Retail e.a., précité, point 25).

    66

    Il ressort de cette jurisprudence que le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit (voir arrêt Littlewoods Retail e.a., précité, point 26).

    67

    Ainsi, indépendamment de la question de savoir si l’État membre peut réclamer les intérêts sur les ressources propres de l’Union, question qu’il n’est pas besoin de trancher dans le cadre de la présente affaire, les justiciables ayant droit au remboursement de sommes indûment payées au titre de cotisations à la production pour le secteur du sucre fixées par un règlement invalide ont également droit au versement des intérêts y afférents.

    68

    Dès lors, l’usage par une juridiction nationale de son pouvoir d’appréciation pour refuser le paiement d’intérêts sur des montants perçus par un État membre sur le fondement d’un règlement invalide ne saurait être admis, au motif que cet État membre ne pourrait réclamer les intérêts correspondants sur les ressources propres de l’Union.

    69

    Par suite, il y a lieu de répondre à la quatrième question dans l’affaire C‑147/10 que, en vertu du droit de l’Union, les justiciables ayant droit au remboursement de sommes indûment payées au titre de cotisations à la production pour le secteur du sucre fixées par un règlement invalide ont également droit au versement des intérêts y afférents. Une juridiction nationale ne peut, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, refuser le paiement d’intérêts sur les montants perçus par un État membre sur le fondement d’un règlement invalide au motif que cet État membre ne peut réclamer les intérêts correspondants sur les ressources propres de l’Union.

    Sur les dépens

    70

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

     

    1)

    Le règlement (CE) no 1193/2009 de la Commission, du 3 novembre 2009, rectifiant les règlements (CE) no 1762/2003, (CE) no 1775/2004, (CE) no 1686/2005, (CE) no 164/2007 et fixant, pour les campagnes de commercialisation 2002/2003, 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre, dans ses dispositions autres que celles de son article 3, déjà annulées par l’effet de l’annulation de l’article 2 du règlement (CE) no 1686/2005 de la Commission, du 14 octobre 2005, fixant pour la campagne de commercialisation 2004/2005, les montants des cotisations à la production ainsi que le coefficient de la cotisation complémentaire dans le secteur du sucre, prononcée par le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt du 29 septembre 2011, Pologne/Commission (T‑4/06), est invalide.

     

    2)

    À défaut de dispositions de droit de l’Union sur ce point, il appartient au droit national de l’État membre concerné de déterminer le taux de change applicable pour le calcul de l’indemnité due au titre des paiements excédentaires de cotisations à la production pour le secteur du sucre.

     

    3)

    En vertu du droit de l’Union, les justiciables ayant droit au remboursement de sommes indûment payées au titre de cotisations à la production pour le secteur du sucre fixées par un règlement invalide ont également droit au versement des intérêts y afférents. Une juridiction nationale ne peut, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, refuser le paiement d’intérêts sur les montants perçus par un État membre sur le fondement d’un règlement invalide au motif que cet État membre ne peut réclamer les intérêts correspondants sur les ressources propres de l’Union européenne.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langues de procédure: l’allemand, l’anglais et le français.

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