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Document 62008CJ0440

Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 mars 2010.
F. Gielen contre Staatssecretaris van Financiën.
Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas.
Fiscalité directe - Article 43 CE - Contribuable non-résident - Entrepreneur - Droit à déduction en faveur des travailleurs indépendants - Critère horaire - Discrimination entre les contribuables résidents et non-résidents - Option d’assimilation.
Affaire C-440/08.

Recueil de jurisprudence 2010 I-02323

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:148

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 mars 2010 ( *1 )

«Fiscalité directe — Article 43 CE — Contribuable non-résident — Entrepreneur — Droit à déduction en faveur des travailleurs indépendants — Critère horaire — Discrimination entre les contribuables résidents et non-résidents — Option d’assimilation»

Dans l’affaire C-440/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 12 septembre 2008, parvenue à la Cour le 6 octobre 2008, dans la procédure

F. Gielen

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, faisant fonction de président de la première chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 septembre 2009,

considérant les observations présentées:

pour M. Gielen, par Mes F. A. Engelen et S. C. W. Douma, belastingadviseurs,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels, C. ten Dam et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

pour le gouvernement estonien, par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par Mme C. Guerra Santos ainsi que par MM. L. Inez Fernandes et J. Menezes Leitão, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 43 CE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Gielen au Staatssecretaris van Financiën au sujet de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001.

La réglementation nationale

3

La loi de 2001 relative à l’impôt sur les revenus (Wet op de Inkomstenbelastingen 2001, ci-après la «loi de 2001») prévoit à son article 2.1, sous b), que sont soumises à l’impôt sur les revenus les personnes physiques qui ne résident pas aux Pays-Bas, mais perçoivent des revenus néerlandais.

4

Conformément à l’article 3.2 de la loi de 2001, le bénéfice imposable est le bénéfice dégagé par le contribuable en tant qu’entrepreneur d’une ou de plusieurs entreprises, diminué de la déduction en faveur des travailleurs indépendants.

5

En vertu de l’article 3.76, paragraphe 2, de la loi de 2001, le montant de ladite déduction dépend du montant du bénéfice conformément au tableau dégressif contenu à cette disposition. Elle s’élève à 6084 euros pour un bénéfice de moins de 11745 euros et diminue par paliers jusqu’à atteindre finalement 2984 euros pour un bénéfice de plus de 50065 euros.

6

Conformément au paragraphe 1 du même article, le droit à la déduction en faveur des travailleurs indépendants est soumis, notamment, à un «critère horaire».

7

Celui-ci correspond, selon l’article 3.6 de la loi de 2001, à la réalisation durant l’année civile d’au moins 1225 heures de travail au profit d’une ou de plusieurs entreprises dont le contribuable retire un bénéfice en tant qu’entrepreneur.

8

Afin d’apprécier si un contribuable non-résident satisfait à ce critère, seules les heures qui sont consacrées aux activités d’une partie d’entreprise exploitée dans un établissement stable aux Pays-Bas sont prises en compte.

9

Cependant, un contribuable non-résident qui est soumis au système d’imposition d’un autre État membre où il réside peut opter, conformément à l’article 2.5, paragraphe 1, de la loi de 2001, pour le régime applicable aux contribuables résidents (ci-après l’«option d’assimilation»). Ladite disposition n’exige pas que le revenu du contribuable non-résident soit entièrement ou presque entièrement réalisé aux Pays-Bas. Elle est libellée comme suit:

«Tout contribuable national qui ne réside aux Pays-Bas que pendant une partie de l’année civile et tout contribuable étranger qui réside dans un autre État membre de l’Union européenne ou sur le territoire d’une puissance désignée par arrêté ministériel avec laquelle [le Royaume des] Pays-Bas [a] conclu un accord préventif de double imposition prévoyant l’échange d’informations, et qui est assujetti à l’impôt dans ledit État membre ou sur le territoire de ladite puissance, peuvent opter pour le régime fiscal que la présente loi prévoit pour les contribuables nationaux. […]»

10

En vertu des articles 2 à 10 de l’arrêté d’exécution de la loi de 2001 (Het Uitvoeringsbesluit inkomenstbelasting 2001), une réduction de l’impôt sur le revenu est accordée à celui qui choisit d’être assimilé à un contribuable résident pour l’impôt relatif aux éléments du revenu qui ne sont pas imposables aux Pays-Bas ou qui ne le sont qu’à un taux limité.

11

Selon l’article 3 dudit arrêté:

«1.   La réduction en raison de la présence d’éléments non imposables aux Pays-Bas […] dans le revenu du fait d’un travail et d’un logement est égale au montant qui présente avec l’impôt qui, sans l’application des articles 2 à 10, serait dû en vertu de la loi sur le revenu imposable du fait d’un travail et d’un logement le même rapport que celui que le montant cumulé des éléments non imposables aux Pays-Bas […] du revenu figurant au dénominateur présente avec le revenu figurant au dénominateur.

[…]

5.   On entend par ‘revenu figurant au dénominateur’ le revenu du fait d’un travail et d’un logement […]»

12

L’article 9, paragraphe 1, de l’arrêté de 2001 préventif de la double imposition (Besluit voorkoming dubbele belasting 2001) prévoit:

«Le revenu étranger du fait d’un travail et d’un logement en provenance d’un autre État est constitué du montant cumulé des éléments du revenu dont le contribuable bénéficie du fait d’un travail et d’un logement dans cet État en tant que:

a)

bénéfice réalisé dans une entreprise étrangère, à savoir une entreprise ou la partie d’une entreprise qui est gérée à l’aide d’un établissement stable ou d’un représentant stable sur le territoire de l’autre État;

[…]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

M. Gielen est un résident allemand qui exploite en Allemagne une entreprise de culture sous serre avec deux autres personnes. Il a établi aux Pays-Bas un établissement stable où des plantes ornementales sont cultivées sur la base de contrats.

14

Au cours de l’année 2001, il a effectué pour ladite entreprise plus de 1225 heures de travail en Allemagne, tandis qu’aux Pays-Bas, il a réalisé pour ledit établissement moins de 1225 heures de travail.

15

Dès lors, l’administration fiscale néerlandaise a estimé que M. Gielen n’a pas satisfait au «critère horaire». Le Rechtbank Breda (tribunal de Breda) a confirmé cette interprétation.

16

En revanche, le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc) a estimé qu’une telle application dudit critère conduirait à une discrimination interdite par l’article 43 CE, car elle créerait une distinction entre les contribuables résidents et les contribuables non-résidents. En effet, selon le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch, lors de l’application de ce critère, les contribuables résidents peuvent être taxés en fonction de leur bénéfice, quel que soit l’endroit au monde où il est réalisé.

17

Le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch a estimé que cette distinction et cet obstacle ne se justifient pas par une différence de situation objective entre les contribuables non-résidents et les contribuables résidents, notamment parce que la déduction en faveur des travailleurs indépendants est directement liée à l’activité des contribuables.

18

M. Gielen a formé un pourvoi en cassation contre la décision du Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch devant le Hoge Raad der Nederlanden. M. Gielen considère que le fait de lui refuser, en tant que contribuable non-résident, le droit à déduction en faveur des travailleurs indépendants constitue une discrimination qui est interdite par l’article 43 CE.

19

Le Hoge Raad der Nederlanden observe que la discrimination au sens de l’article 43 CE résulte du fait que, pour le contribuable non-résident, il n’est pas tenu compte de toutes les heures que ce dernier a consacrées à son entreprise, en ce compris les heures consacrées à des activités pour une entreprise ou un établissement situé dans un autre État membre.

20

Il s’interroge cependant sur le point de savoir si une telle discrimination peut être évitée par l’option d’assimilation. En vertu de celle-ci, le barème selon lequel le contribuable non-résident est imposé aux Pays-Bas au cas où il opte en faveur de l’imposition des contribuables résidents implique l’application de la progressivité.

21

Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 43 CE doit-il être interprété de telle manière qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une disposition de la législation fiscale d’un État membre au bénéfice qu’un ressortissant d’un autre État membre (contribuable étranger) a réalisé dans une partie de son entreprise située dans le premier État membre si, lorsqu’on l’interprète d’une certaine manière, cette disposition crée effectivement une discrimination contraire en soi à l’article 43 CE entre les contribuables nationaux et les contribuables étrangers, mais que le contribuable étranger concerné a eu la possibilité de choisir d’être traité comme un contribuable national et que, pour des raisons personnelles, il n’a pas fait usage de cette possibilité?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

22

Les gouvernements allemand et portugais émettent des doutes quant à la possibilité pour la Cour de statuer sur la question posée par la juridiction nationale.

23

Selon le gouvernement allemand, le régime fiscal en cause au principal ne comporte, en substance, aucune discrimination interdite au sens de l’article 43 CE, de sorte qu’il n’y a pas lieu de se demander si la discrimination pourrait être écartée par l’option d’assimilation. Par conséquent, la réponse de la Cour à la question préjudicielle serait dépourvue de toute utilité pour la résolution du litige au principal.

24

Le gouvernement portugais fait principalement valoir que la question préjudicielle dépend d’une certaine interprétation de la législation nationale en cause au principal.

25

En effet, il découlerait de la décision de renvoi que l’article 3.6 de la loi de 2001 pourrait également être interprété en ce sens que, aux fins de la déduction en cause au principal, peuvent être prises en compte pour un contribuable non-résident les heures réalisées au profit d’un établissement situé aux Pays-Bas ainsi que celles réalisées au profit d’un établissement situé dans un autre État membre, ce qui rendrait cette disposition compatible avec l’article 43 CE et la réponse à la question préjudicielle superflue.

26

Dès lors que la juridiction de renvoi aurait la possibilité d’interpréter le régime fiscal en cause au principal comme ne comportant aucune discrimination contraire à l’article 43 CE, le gouvernement portugais estime que la question préjudicielle est hypothétique et que, par conséquent, la réponse de la Cour ne serait pas contraignante pour la juridiction de renvoi.

27

Il convient à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 23 avril 2009, Rüffler, C-544/07, Rec. p. I-3389, point 36, et du 19 novembre 2009, Filipiak, C-314/08, Rec. p. I-11049, point 40).

28

Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21; Rüffler, précité, point 37, et Filipiak, précité, point 41).

29

Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts précités Rüffler, point 38, et Filipiak, point 42).

30

Il y a lieu de constater à cet égard qu’il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal ainsi que la question préjudicielle concernent essentiellement l’interprétation de l’article 49 TFUE au regard d’une réglementation nationale ayant des effets potentiellement discriminatoires à l’égard des contribuables non-résidents en ce qui concerne un avantage fiscal, tel que la déduction ouverte aux travailleurs indépendants, même si lesdits contribuables peuvent, s’agissant dudit avantage, exercer selon ladite réglementation l’option d’assimilation.

31

Par ailleurs, afin de pouvoir répondre à ladite question, il y a lieu d’abord de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal produit des effets discriminatoires au sens de l’article 49 TFUE, ce qui constitue une question de droit de l’Union dont l’interprétation relève de la compétence de la Cour.

32

Eu égard à ces constatations, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, de sorte que les exceptions d’irrecevabilité soulevées par les gouvernements allemand et portugais doivent être écartées.

33

Dès lors, la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur le fond

34

Par sa question, qu’il convient d’examiner en deux parties, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation nationale qui, s’agissant de l’octroi d’un avantage fiscal, tel que la déduction en faveur des travailleurs indépendants, a des effets potentiellement discriminatoires à l’égard des contribuables non-résidents, même si ces contribuables peuvent, s’agissant de cet avantage, exercer selon ladite réglementation l’option d’assimilation.

Sur les effets discriminatoires de la réglementation nationale en cause au principal au sens de l’article 49 TFUE

35

Afin de répondre à la question posée, il y a lieu de vérifier d’emblée, ainsi qu’il ressort également du point 31 du présent arrêt, si la réglementation nationale en cause au principal comporte effectivement une discrimination contraire à l’article 49 TFUE.

36

Il convient de rappeler que si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 19 et jurisprudence citée).

37

Il y a également lieu de rappeler que les règles d’égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (voir, notamment, arrêt du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, point 26 et jurisprudence citée).

38

Par ailleurs, une discrimination ne peut consister que dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts Schumacker, précité, point 30, et du 14 septembre 1999, Gschwind, C-391/97, Rec. p. I-5451, point 21).

39

En l’occurrence, il ressort tout d’abord du dossier que, au cours de l’année de 2001, M. Gielen, qui réside en Allemagne, a effectué au profit de son établissement aux Pays-Bas moins de 1225 heures de travail, tandis qu’il a réalisé plus de 1225 heures de travail en faveur de son établissement en Allemagne.

40

La juridiction de renvoi indique que, selon la réglementation nationale en cause au principal, un contribuable entrepreneur résident peut inclure, aux fins du calcul du critère horaire ouvrant droit à la déduction en faveur des travailleurs indépendants, tant les heures de travail réalisées dans un autre État membre que celles effectuées aux Pays-Bas, alors qu’un contribuable entrepreneur non-résident ne peut inclure, aux fins de ce calcul, que des heures de travail réalisées aux Pays-Bas.

41

En outre, le gouvernement néerlandais reconnaît dans ses observations écrites qu’il s’agit à cet égard d’une discrimination en raison du lieu de résidence.

42

Il convient dès lors de constater que la réglementation nationale en cause au principal, s’agissant de la satisfaction du «critère horaire» aux fins de la déduction en faveur des travailleurs indépendants, traite différemment les contribuables selon qu’ils sont ou non résidents aux Pays-Bas. Un tel traitement différencié risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres, car les non-résidents sont plus souvent des non-nationaux.

43

Certes, en ce qui concerne plus particulièrement les affaires relatives à la taxation des revenus des personnes physiques, la Cour a admis que la situation des résidents et celle des non-résidents d’un État membre donné ne sont, en règle générale, pas comparables, car elles présentent des différences objectives tant du point de vue de la source du revenu que du point de vue de la capacité contributive personnelle du contribuable ou de la prise en compte de la situation personnelle et familiale (voir, notamment, arrêts du 22 mars 2007, Talotta, C-383/05, Rec. p. I-2555, point 19 ainsi que jurisprudence citée, et du 16 octobre 2008, Renneberg, C-527/06, Rec. p. I-7735, point 59).

44

La Cour a toutefois précisé que, en présence d’un avantage fiscal dont le bénéfice serait refusé aux non-résidents, une différence de traitement entre ces deux catégories de contribuables peut être qualifiée de discrimination au sens du traité FUE dès lors qu’il n’existe aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement sur ce point entre lesdites catégories (arrêts précités Talotta, point 19 ainsi que jurisprudence citée, et Renneberg, point 60).

45

Or, la juridiction de renvoi indique que la déduction en faveur des travailleurs indépendants est liée non pas à la capacité personnelle des contribuables, mais plutôt à la nature de l’activité de ceux-ci. En effet, cette déduction est octroyée aux entrepreneurs dont l’activité d’entrepreneur constitue l’activité principale, ce qui est démontré, notamment, par la satisfaction au «critère horaire».

46

Pour autant que ladite déduction est octroyée à tous les contribuables entrepreneurs ayant satisfait, notamment, audit critère, il y a lieu de constater qu’il est sans pertinence à cet égard de distinguer si lesdits contribuables ont effectué les heures de travail aux Pays-Bas ou dans un autre État membre.

47

Il s’ensuit que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 39 de ses conclusions, les contribuables résidents et les contribuables non-résidents se trouvent, aux fins de la déduction en faveur des travailleurs indépendants, dans une situation comparable (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2003, Gerritse, C-234/01, Rec. p. I-5933, point 27, et du 6 juillet 2006, Conijn, C-346/04, Rec. p. I-6137, point 20).

48

Dans ces conditions, il convient de conclure qu’une réglementation nationale qui, aux fins d’un avantage fiscal, tel que la déduction en faveur des travailleurs indépendants en cause au principal, utilise un «critère horaire» d’une manière à empêcher les contribuables non-résidents de comptabiliser les heures de travail effectuées dans un autre État membre risque de jouer principalement au détriment des ces contribuables. Partant, une telle réglementation constitue une discrimination indirecte en raison de la nationalité au sens de l’article 49 TFUE.

Sur l’option d’assimilation

49

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument selon lequel l’option d’assimilation est susceptible d’exclure la discrimination en cause.

50

Il y a lieu d’emblée de relever que l’option d’assimilation permet à un contribuable non-résident, tel que M. Gielen, un choix entre un régime fiscal discriminatoire et un autre qui prétendument ne l’est pas.

51

Or, il importe, à cet égard, de souligner qu’un tel choix n’est pas, en l’espèce, susceptible d’exclure les effets discriminatoires du premier de ces deux régimes fiscaux.

52

En effet, dans l’hypothèse où il serait reconnu un tel effet audit choix, cela aurait pour conséquence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 52 de ses conclusions, de valider un régime fiscal qui demeure, en soi, une violation de l’article 49 TFUE en raison de son caractère discriminatoire.

53

Par ailleurs, ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, un régime national restrictif de la liberté d’établissement demeure tout autant incompatible avec le droit de l’Union, quand bien même son application serait facultative (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 162).

54

Il s’ensuit que le choix ouvert, dans le litige au principal, au contribuable non-résident par l’option d’assimilation est dépourvu d’effet neutralisant quant à la discrimination constatée au point 48 du présent arrêt.

55

Il résulte de tout ce qui précède que l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation nationale qui, s’agissant de l’octroi d’un avantage fiscal, tel que la déduction en faveur des travailleurs indépendants en cause au principal, a des effets discriminatoires à l’égard des contribuables non-résidents, même si ces contribuables peuvent, s’agissant de cet avantage, opter pour le régime applicable aux contribuables résidents.

Sur les dépens

56

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

L’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation nationale qui, s’agissant de l’octroi d’un avantage fiscal, tel que la déduction en faveur des travailleurs indépendants en cause au principal, a des effets discriminatoires à l’égard des contribuables non-résidents, même si ces contribuables peuvent, s’agissant de cet avantage, opter pour le régime applicable aux contribuables résidents.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.

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