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Document 62008CJ0013

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 22 décembre 2008.
Procédure engagée par Erich Stamm et Anneliese Hauser.
Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne.
Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes - Égalité de traitement - Frontaliers indépendants - Bail rural - Structure agraire.
Affaire C-13/08.

Recueil de jurisprudence 2008 I-11087

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:774

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 décembre 2008 ( *1 )

«Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes — Égalité de traitement — Frontaliers indépendants — Bail rural — Structure agraire»

Dans l’affaire C-13/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 23 novembre 2007, parvenue à la Cour le 14 janvier 2008, dans la procédure engagée par

Erich Stamm,

Anneliese Hauser,

en présence de:

Regierungspräsidium Freiburg,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour M. Stamm, par Me J. Strick, Rechtsanwalt,

pour le Regierungspräsidium Freiburg, par M. P. Brecht, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et F. Hoffmeister, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12, paragraphe 1, 13, paragraphe 1, et 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’«accord»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre du litige opposant M. Stamm et Mme Hauser au Regierungspräsidium Freiburg au sujet de l’applicabilité du principe d’égalité de traitement aux frontaliers indépendants suisses.

Le cadre juridique

L’accord

3

Selon l’article 1er, sous a) et d), de l’accord, l’objectif de ce dernier est notamment d’accorder, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Confédération suisse, un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes ainsi que d’accorder les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux.

4

Aux termes de l’article 2 de l’accord, «[l]es ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité».

5

L’article 16 de l’accord, intitulé «Référence au droit communautaire», est libellé comme suit:

«1.   Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations.

2.   Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence.»

6

Le chapitre III de l’annexe I de l’accord, consacrée à la libre circulation des personnes, comporte des dispositions particulières relatives aux indépendants. L’article 12 de cette annexe dispose, à son paragraphe 1, que «[l]e ressortissant d’une partie contractante désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée (ci après nommé ‘indépendant’) reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance pour autant qu’il produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il est établi ou veut s’établir à cette fin».

7

Les paragraphes 2 à 6 du même article contiennent des dispositions procédurales relatives au droit de séjour des indépendants.

8

En ce qui concerne les frontaliers indépendants, l’article 13 de ladite annexe prévoit:

«1.   Le frontalier indépendant est un ressortissant d’une partie contractante qui a sa résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exerce une activité non salariée sur le territoire de l’autre partie contractante en retournant à son domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine.

2.   Les frontaliers indépendants n’ont pas besoin d’un titre de séjour.

Cependant, l’autorité compétente de l’État concerné peut doter le frontalier indépendant d’un titre spécifique pour une durée de cinq ans au moins pour autant qu’il produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il exerce ou veut exercer une activité indépendante. Il est prolongé pour cinq ans au moins pour autant que le frontalier produise la preuve qu’il exerce une activité indépendante.

3.   Le titre spécifique est valable pour l’ensemble du territoire de l’État qui l’a délivré.»

9

L’article 14 de l’annexe I de l’accord, intitulé «Mobilité professionnelle et géographique», prévoit:

«1.   L’indépendant a le droit à la mobilité professionnelle et géographique sur l’ensemble du territoire de l’État d’accueil.

2.   La mobilité professionnelle comprend le changement de profession et le passage d’une activité indépendante à une activité salariée. La mobilité géographique comprend le changement de lieu de travail et de séjour.»

10

En matière d’égalité de traitement, l’article 15 de cette annexe dispose:

«1.   L’indépendant reçoit dans le pays d’accueil, en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice, un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres ressortissants.

2.   Les dispositions de l’article 9 de la présente annexe sont applicables, mutatis mutandis, aux indépendants visés dans le présent chapitre.»

11

Aux termes de l’article 16 de ladite annexe, intitulé «Exercice de la puissance publique»:

«L’indépendant peut se voir refuser le droit de pratiquer une activité participant, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique.»

12

Selon l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord, le destinataire de services n’a pas besoin de titre de séjour pour des séjours inférieurs ou égaux à trois mois. Pour des séjours supérieurs à trois mois, le destinataire de services reçoit un titre de séjour d’une durée égale à celle de la prestation.

13

L’article 25 de cette annexe prévoit:

«1.   Le ressortissant d’une partie contractante qui a un droit de séjour et qui constitue sa résidence principale dans l’État d’accueil bénéficie des mêmes droits qu’un ressortissant national dans le domaine de l’acquisition d’immeubles. Il peut à tout moment établir sa résidence principale dans l’État d’accueil, selon les règles nationales, indépendamment de la durée de son emploi. Le départ hors de l’État d’accueil n’implique aucune obligation d’aliénation.

[…]

3.   Un frontalier bénéficie des mêmes droits qu’un ressortissant national en ce qui concerne l’acquisition des immeubles qui servent à l’exercice d’une activité économique et d’une résidence secondaire; ces droits n’impliquent aucune obligation d’aliénation lors de son départ de l’État d’accueil. Il peut également être autorisé à acquérir un logement de vacances. Pour cette catégorie de ressortissants, le présent accord n’affecte pas les règles en vigueur dans l’État d’accueil concernant le placement pur de capitaux et le commerce de terrains non bâtis et de logements.»

La réglementation nationale

14

Il ressort de la décision de renvoi que la loi allemande sur l’obligation de déclaration et le droit d’opposition en matière de baux ruraux (Gesetz über die Anzeige und Beanstandung von Landpachtverträgen, BGBl. 1985 I, p. 2075, ci-après le «LPachtVG») prévoit des dispositions particulières en ce qui concerne les baux ruraux. Les bailleurs doivent déclarer ces baux à l’autorité compétente, laquelle peut s’opposer à leur conclusion, notamment si l’affermage implique une répartition «inappropriée» de l’utilisation des sols.

15

La juridiction de renvoi précise que, selon l’article 4, paragraphes 1 et 2, du LPachtVG, l’affermage implique une répartition «inappropriée» de l’utilisation des sols en particulier s’il entre en conflit avec des mesures tendant à améliorer la structure agraire. Tel serait le cas, notamment, lorsque des terres agricoles sont, en raison de leur affermage à des non-agriculteurs, soustraites à une utilisation par des agriculteurs qui en ont un besoin urgent pour créer et maintenir des exploitations productives et compétitives et qui sont en mesure de les prendre à bail.

16

La juridiction de renvoi ajoute que, selon sa propre jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord, le fait de soustraire des terres agricoles à l’utilisation par des agriculteurs allemands exerçant leur activité à titre principal, qui en ont un besoin urgent pour créer et maintenir des exploitations productives et compétitives, en les donnant à bail à des agriculteurs suisses, dont les exploitations ont leur siège en Suisse, est contraire aux mesures d’amélioration de la structure agraire allemande. Il s’ensuit que, aux fins de l’application de l’article 4 du LPachtVG, ces agriculteurs suisses doivent être considérés comme se trouvant en dehors de la structure agraire allemande et, par conséquent, comme étant des non-agriculteurs.

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

M. Stamm, agriculteur suisse, dont l’exploitation a son siège en Suisse, a conclu, le 10 octobre 2005, avec Mme Hauser, domiciliée en Allemagne, un bail rural portant sur des terres agricoles d’une superficie de 2,75 ha, situées en Allemagne. Le loyer annuel, prévu dans ce bail d’une durée de cinq ans, était de 686 euros.

18

Le Landwirtschaftsamt (administration allemande de l’agriculture) a émis des objections au sujet dudit bail rural et a ordonné aux parties concernées de le résilier sans délai. Le recours juridictionnel ainsi que les demandes subsidiaires présentées par M. Stamm ont été rejetés par l’Amtsgericht Waldshut-Tiengen (tribunal de première instance), lequel a annulé ce contrat au motif que l’affermage en question impliquait une répartition «inappropriée» de l’utilisation des sols.

19

Après avoir saisi sans succès l’Oberlandesgericht Karlsruhe in Freiburg (juridiction d’appel), M. Stamm a sollicité, devant la juridiction de renvoi, la reconnaissance de la validité du bail conclu avec Mme Hauser. Selon cette juridiction, étant donné que, en l’occurrence, des agriculteurs allemands désireux d’étendre leur exploitation souhaitent prendre à bail les surfaces concernées, ledit bail rural doit, eu égard à la jurisprudence rappelée, être annulé.

20

La juridiction de renvoi rappelle, toutefois, qu’il ne serait pas possible de maintenir cette jurisprudence si l’obligation d’assurer l’égalité de traitement prévue à l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord s’appliquait non seulement aux «indépendants», au sens de l’article 12, paragraphe 1, de cette annexe, mais également aux «frontaliers indépendants», au sens de l’article 13, paragraphe 1, de ladite annexe. Dans ces conditions, il serait exclu de considérer les agriculteurs suisses exerçant leur activité à titre principal et dont le siège de l’exploitation est situé en Suisse comme étant des non-agriculteurs aux fins de l’application de l’article 4 du LPachtVG. Il conviendrait, au contraire, de leur accorder un traitement non moins favorable que celui accordé aux agriculteurs allemands qui exercent leur activité à titre principal.

21

Estimant que l’interprétation des stipulations de l’accord lui est nécessaire pour rendre sa décision, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord […] impose-t-il, en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice, de n’accorder, dans le pays d’accueil, un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres ressortissants qu’aux seuls ‘indépendants’, au sens de l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord, ou cela vaut-il également pour les ‘frontaliers indépendants’, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

22

Le Regierungspräsidium Freiburg soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable, dès lors que la question posée n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal. Il considère que M. Stamm n’est ni un «indépendant» ni un «frontalier indépendant» relevant de l’annexe I de l’accord et qu’un agriculteur dont le siège de l’exploitation est situé en Suisse et qui se borne à exploiter des surfaces agricoles en Allemagne avant d’importer en Suisse, en exonération de droits, les produits agricoles récoltés sur ces surfaces ne relève en aucun cas, indépendamment de sa nationalité, des articles 12 ou 13 de ladite annexe.

23

La Commission des Communautés européennes émet également des réserves quant à la pertinence de la question posée. En effet, elle fait valoir qu’un frontalier indépendant doit être établi sur le territoire de l’autre partie contractante, comme le prévoit d’une manière générale et pour tous les indépendants l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord. Étant donné qu’il ne ressortirait pas du dossier que M. Stamm possède une seconde exploitation sise sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, à partir de laquelle il s’intègrerait à la vie économique allemande et s’adresserait aux ressortissants de cet État, la Commission ne peut exclure que l’intéressé puisse être considéré comme n’étant pas établi en Allemagne et comme n’ayant pas la qualité de «frontalier indépendant» au sens de l’accord.

24

Ces objections doivent être écartées.

25

Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit communautaire posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêts du 15 mai 2003, Salzmann, C-300/01, Rec. p. I-4899, points 29 et 31, ainsi que du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C-222/05 à C-225/05, Rec. p. I-4233, point 22). Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 25, ainsi que van der Weerd e.a., précité, point 22).

26

Or, la juridiction de renvoi a qualifié, sans équivoque, M. Stamm de «frontalier indépendant».

27

Dans ces conditions, il n’apparaît pas que l’interprétation sollicitée des dispositions de l’accord n’aurait pas de rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Par conséquent, la présomption de pertinence dont bénéficie la demande de décision préjudicielle ne saurait être écartée par les objections formulées par le Regierungspräsidium Freiburg et par la Commission.

28

Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur le fond

29

À titre liminaire, il convient d’indiquer que le contexte de l’affaire au principal est déterminé par la demande de décision préjudicielle et que, partant, les dispositions transitoires et relatives au développement de l’accord figurant à l’article 10 de ce dernier et au chapitre VII de l’annexe I de l’accord ne font pas l’objet de l’examen de la Cour.

30

Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’égalité de traitement prévue à l’article 15 de l’annexe I de l’accord est applicable aux «frontaliers indépendants» visés à l’article 13 de cette même annexe.

31

Le Regierungspräsidium Freiburg fait valoir que le principe selon lequel un traitement non moins favorable doit être réservé aux indépendants, prévu à l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord, ne s’applique qu’aux «indépendants», au sens de l’article 12, paragraphe 1, de cette annexe, et non aux «frontaliers indépendants», au sens de l’article 13, paragraphe 1, de ladite annexe. Il estime que son interprétation est confirmée par l’économie ainsi que par les termes de l’accord qui ne traite pas de manière strictement identique les indépendants et les frontaliers indépendants, mais qui, au contraire, distingue volontairement ces deux catégories de personnes.

32

Une telle interprétation ne saurait, toutefois, être retenue.

33

Il convient d’emblée de rappeler que le chapitre III de l’annexe I de l’accord, intitulé «Indépendants», comprend les articles 12 à 16 de cette annexe. L’article 12 de ladite annexe vise les indépendants, à savoir les ressortissants d’une partie contractante établis ou désirant s’établir sur le territoire d’une autre partie contractante en vue d’exercer une activité non salariée. L’article 13 de cette même annexe vise les frontaliers indépendants, une catégorie d’indépendants qui ont leur résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exercent une activité non salariée sur le territoire d’une autre partie contractante. Les articles 14 et 15 de l’annexe I de l’accord sont, respectivement, relatifs à la mobilité professionnelle et géographique ainsi qu’à l’égalité de traitement des indépendants. L’article 16 de cette annexe prévoit la possibilité de refuser à ces derniers le droit de pratiquer une activité participant à l’exercice de l’autorité publique.

34

Force est de constater que ce chapitre III ne contient aucune disposition selon laquelle il y aurait lieu d’appliquer les articles 14 à 16 de l’annexe I de l’accord uniquement aux «indépendants», au sens de l’article 12, paragraphe 1, de cette annexe, et non aux «frontaliers indépendants», au sens de l’article 13, paragraphe 1, de celle-ci.

35

En effet, rien n’indique, dans ledit chapitre III, que les frontaliers indépendants ne bénéficieraient pas, conformément à l’article 14 de l’annexe I de l’accord, de la mobilité professionnelle et géographique sur le territoire de l’État d’accueil ni qu’ils ne pourraient se voir refuser, en vertu de l’article 16 de cette annexe, le droit de pratiquer une activité participant à l’exercice de l’autorité publique dans cet État. S’agissant de la mobilité géographique, cette constatation reste valable même si le droit à celle-ci doit être exercé de manière à ce que la qualité de «frontalier indépendant», telle qu’elle est définie à l’article 13 de ladite annexe, soit préservée.

36

Aucune disposition du chapitre III de l’annexe I de l’accord n’indique non plus, s’agissant du principe d’égalité de traitement prévu à l’article 15 de cette annexe, que les frontaliers indépendants ne sauraient se prévaloir de ce principe.

37

Étant donné que ni le libellé des dispositions du chapitre III de l’annexe I de l’accord ni l’économie de ce chapitre ne fournissent d’éléments sur la base desquels l’applicabilité des articles 14 à 16 de cette annexe aux frontaliers indépendants pourrait être exclue, il ne saurait être soutenu que ces derniers, visés à l’article 13, paragraphe 1, de ladite annexe, ne sont pas considérés comme des indépendants, dans le cadre dudit chapitre, au même titre que les personnes auxquelles s’applique l’article 12 de cette même annexe.

38

Ce constat est conforté à l’article 15, paragraphe 2, de l’annexe I de l’accord, lequel prévoit que «[l]es dispositions de l’article 9 de [cette] annexe sont applicables, mutatis mutandis, aux indépendants visés dans le [chapitre III]». Dès lors que ce paragraphe renvoie aux «indépendants visés» dans ce chapitre, et non aux indépendants visés à l’article 12 de ladite annexe, les parties à l’accord n’avaient pas l’intention de faire une distinction entre les indépendants et les frontaliers indépendants en ce qui concerne l’applicabilité, à ceux-ci, des articles 14 à 16 de l’annexe I de l’accord. Au contraire, cette circonstance démontre que la mobilité professionnelle et géographique, l’égalité de traitement ainsi que la faculté d’exclure certaines personnes de la pratique d’une activité participant de l’exercice de l’autorité publique, prévues à ces derniers articles, s’appliquent indistinctement aux personnes visées à l’article 12 de cette annexe, d’une part, et à celles visées à l’article 13 de ladite annexe, d’autre part.

39

À cet égard, il convient d’ajouter, à l’instar de la Commission, que l’accord ne distingue les frontaliers indépendants que dans un seul article et à des fins particulières, à savoir pour fixer des modalités plus favorables les concernant en matière de droit de séjour. En fait, contrairement aux autres indépendants visés à l’article 12 de l’annexe I de l’accord, les frontaliers indépendants n’ont pas besoin d’un titre de séjour. Il est manifeste que les parties à l’accord, qui ont favorisé les frontaliers, n’ont pas pu avoir pour intention de désavantager ces derniers en ce qui concerne l’applicabilité du principe d’égalité de traitement.

40

La thèse défendue par M. Stamm, selon laquelle les frontaliers indépendants bénéficient du principe d’égalité de traitement, est, par ailleurs, corroborée par l’économie des chapitres II et III de l’annexe I de l’accord, par les objectifs généraux de ce dernier ainsi que par l’interprétation qu’il convient de donner de l’article 25 de cette annexe.

41

Premièrement, l’analyse structurelle des chapitres II et III de l’annexe I de l’accord, intitulés respectivement «Travailleurs salariés» et «Indépendants», démontre que la construction de ces chapitres est identique.

42

Ainsi, il convient de constater, à cet égard, que le chapitre II de cette annexe contient, aux articles 6 et 7 de celle-ci, respectivement les dispositions relatives aux travailleurs salariés ainsi que celles relatives aux travailleurs frontaliers salariés et que, aux articles 8 à 10 de ladite annexe, sont prévus les principes de mobilité professionnelle et géographique, d’égalité de traitement ainsi que la faculté d’exclure les salariés du droit d’occuper certains emplois dans l’administration publique. Ce chapitre ne comporte aucun élément indiquant que ces principes et cette faculté s’appliqueraient non pas aux travailleurs frontaliers salariés, mais uniquement aux travailleurs salariés. Il n’existe aucune disposition dans ce chapitre sur la base de laquelle il pourrait être soutenu que les travailleurs frontaliers salariés ne bénéficient pas de la mobilité professionnelle et géographique, sous réserve de la préservation de cette qualité, ainsi que de l’égalité de traitement, ou qu’il n’y aurait pas lieu, le cas échéant, de leur refuser un emploi dans l’administration publique.

43

Il découle du fait que le principe d’égalité de traitement vise tant les travailleurs salariés que les travailleurs frontaliers salariés, d’une part, et du fait que l’économie du chapitre II de l’annexe I de l’accord et celle du chapitre III de cette annexe sont analogues, d’autre part, que les parties à l’accord n’ont pas entendu établir de distinction entre les indépendants et les frontaliers indépendants en ce qui concerne l’applicabilité, à ceux-ci, dudit principe.

44

Deuxièmement, s’agissant de la finalité de l’accord, il y a lieu de rappeler que, selon son article 1er, sous a) et d), cet accord a notamment pour objectifs l’attribution, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté et de la Confédération suisse, d’un droit d’établissement en tant qu’indépendant ainsi que des mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. Or, comme le relève la Commission, ces objectifs ne seraient que partiellement atteints si les frontaliers indépendants, lors de l’exercice de leur activité, pouvaient être soumis à des restrictions particulières qui ne s’appliquent pas aux autres indépendants.

45

De surcroît, les ressortissants d’une partie contractante, qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante, ne peuvent, conformément à l’article 2 de l’accord, faire l’objet, aux fins de l’application des dispositions des annexes I à III de l’accord, d’une discrimination en raison de leur nationalité.

46

L’interprétation téléologique des articles 12, 13 et 15 de l’annexe I de l’accord, à la lumière des articles 1er, sous a) et d), et 2 de ce dernier, ne permet pas, dès lors, de priver les frontaliers indépendants d’un traitement non moins favorable dans l’État d’accueil que celui qui est accordé par ce dernier à ses propres ressortissants en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à l’exercice de celle-ci.

47

Troisièmement, s’agissant du chapitre VI de l’annexe I de l’accord, intitulé «Acquisitions immobilières», il convient de constater que l’article unique constituant ce chapitre, à savoir l’article 25 de cette annexe, prévoit, à son paragraphe 3, qu’un frontalier bénéficie des mêmes droits qu’un ressortissant national en ce qui concerne l’acquisition des immeubles servant à l’exercice d’une activité économique.

48

Même si l’article cité au point précédent du présent arrêt ne couvre pas les baux ruraux, les parties contractantes n’ont pu envisager de réserver à ces contrats un traitement moins favorable que celui qui est accordé à l’acquisition d’immeubles, laquelle garantit normalement une jouissance plus large des droits réels concernés.

49

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la question posée que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord, une partie contractante doit accorder aux «frontaliers indépendants», au sens de l’article 13 de cette annexe, de l’autre partie contractante, en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice dans l’État d’accueil, un traitement non moins favorable que celui qui est accordé par ce dernier à ses propres ressortissants.

Sur les dépens

50

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

En vertu de l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, une partie contractante doit accorder aux «frontaliers indépendants», au sens de l’article 13 de cette annexe, de l’autre partie contractante, en ce qui concerne l’accès à une activité non salariée et à son exercice dans l’État d’accueil, un traitement non moins favorable que celui qui est accordé par ce dernier à ses propres ressortissants.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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