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Document 62006TJ0039
Judgment of the General Court (Third Chamber) of 5 October 2011.#Transcatab SpA v European Commission.#Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Italian market for the purchase and first processing of raw tobacco - Decision finding an infringement of Article 81 EC - Price-fixing and market-sharing - Attributability of the unlawful conduct - Fines - Proportionality - Gravity and duration of the infringement - Attenuating circumstances - Cooperation.#Case T-39/06.
Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 5 octobre 2011.
Transcatab SpA contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE - Fixation des prix et répartition du marché - Imputabilité du comportement infractionnel - Amendes - Proportionnalité - Gravité et durée de l’infraction - Circonstances atténuantes - Coopération.
Affaire T-39/06.
Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 5 octobre 2011.
Transcatab SpA contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE - Fixation des prix et répartition du marché - Imputabilité du comportement infractionnel - Amendes - Proportionnalité - Gravité et durée de l’infraction - Circonstances atténuantes - Coopération.
Affaire T-39/06.
Recueil de jurisprudence 2011 II-06831
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2011:562
Affaire T-39/06
Transcatab SpA
contre
Commission européenne
« Concurrence — Ententes — Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Fixation des prix et répartition du marché — Imputabilité du comportement infractionnel — Amendes — Proportionnalité — Gravité et durée de l’infraction — Circonstances atténuantes — Coopération »
Sommaire de l'arrêt
1. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci
(Art. 81 CE)
2. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Communication des griefs — Contenu nécessaire
(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 27, § 1)
3. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal — Calcul — Chiffre d'affaires à prendre en considération
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)
4. Actes des institutions — Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en cas d'infractions aux règles de concurrence — Acte visant à produire des effets externes — Portée
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23 § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)
5. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Infractions qualifiées de très graves sur le seul fondement de leur nature propre
(Règlement du Conseil nº 1/2003; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)
6. Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée
(Art. 81 CE et 253 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 et 3)
7. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Communication des griefs — Contenu nécessaire
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 27)
8. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Marge d'appréciation réservée à la Commission — Limites — Respect du principe de proportionnalité — Portée
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03)
9. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Caractère dissuasif de l'amende
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, point 5, b))
10. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Non-application effective d'un accord
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, points 1 A, al. 1, et 3, 2e tiret)
11. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Cessation de l'infraction dès les premières interventions de la Commission — Portée
(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3, 3e tiret)
12. Droit de l'Union — Principes — Protection de la confiance légitime — Conditions
13. Agriculture — Règles de concurrence — Règlement nº 26 — Application de la dérogation prévue pour les accords, décisions et pratiques nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 CE — Conditions
(Art. 33 CE et 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 26, art. 2)
14. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Coopération de l'entreprise incriminée en dehors du champ d'application de la communication sur la coopération — Conditions
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communications de la Commission 98/C/9/03, point 3, 6e tiret, et 2002/C 45/03)
15. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Premier cas d'application des règles de la concurrence à un secteur donné de l'économie — Marge d'appréciation de la Commission
(Règlement du Conseil nº 1/2003; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)
16. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Mauvaise santé financière du secteur en cause — Marge d'appréciation de la Commission
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03)
17. Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme
(Statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c), et 48, § 2))
18. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Réduction du montant de l'amende en contrepartie d'une coopération de l'entreprise incriminée — Conditions
(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 2002/C 45/03, point 23, dernier alinéa)
19. Concurrence — Ententes — Accords et pratiques concertées constitutifs d'une infraction unique
(Art. 81, § 1, CE)
1. En matière de concurrence, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction.
Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence. Ainsi, la Commission peut présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, sans être tenue d’apporter des preuves supplémentaires établissant que la société mère a effectivement exercé une telle influence ou avait même la moindre connaissance de l’infraction ou de l’implication de ladite filiale dans cette infraction. Il s’agit d’une présomption réfragable, susceptible d’être renversée par la preuve contraire. C’est dès lors à la société mère qu’il incombe de renverser cette présomption par des éléments de preuve susceptibles d’établir que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché et que ces deux sociétés ne constituent donc pas une entité économique unique. À défaut, l’exercice d’un contrôle est démontré par le fait que la présomption tirée de la détention de la totalité du capital n’a pas été renversée.
Le fait qu’une filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouve pas, en soi, qu’elle définit son comportement sur le marché de manière autonome par rapport à sa société mère. Le fait de confier la gestion des activités courantes à la direction locale d’une filiale à 100 % est, en effet, une pratique courante et, de ce fait, n’est pas susceptible de prouver l’autonomie réelle des filiales.
(cf. points 92-94, 103, 106)
2. En matière de concurrence, le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité.
L’article 27, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.
Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés.
Par ailleurs, s’agissant de l’imputabilité à une société mère d'une infraction commise par ses filiales détenues à 100%, la Commission n’est pas tenue de présenter, au stade de la communication des griefs, des éléments autres que la preuve relative à la détention par la société mère du capital de ses filiales.
(cf. points 115-117, 123)
3. Le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 81 CE, puisque seul le chiffre d’affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question.
(cf. points 129-130)
4. Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA sont un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes que lui confère l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003. Ces lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement nº 1/2003, mais elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises.
Ainsi, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter des justifications.
L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. En effet, le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l’évaluation de la gravité d’une infraction ne s’oppose pas à ce qu’elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices.
(cf. points 141-143)
5. Il ressort des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA que les ententes horizontales visant notamment à la fixation des prix peuvent être qualifiées de « très graves » sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché et sans que l’étendue limitée du marché géographique concerné ne s’oppose à une telle qualification. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière.
Pour apprécier la gravité d'une infraction aux règles de concurrence, il est décisif de savoir que les membres de l’entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir afin de donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, quant aux prix de marché effectivement réalisés, étant susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente, les membres de l’entente ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts.
Il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur, ou, dans le cas d’ententes d’achat, inférieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente. Il serait disproportionné d’exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables, étant donné qu’elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, basés sur des modèles économiques dont l’exactitude n’est que difficilement vérifiable par le juge de l'Union et dont le caractère infaillible n’est nullement prouvé.
En outre, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome, en ce sens que seules des infractions concernant la plupart des États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification d’infraction « très grave ». Ni le traité, ni le règlement nº 1/2003, ni les lignes directrices, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions de la concurrence géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi. D’ailleurs, des accords visant notamment la fixation des prix d’achat ainsi que la répartition des quantités achetées peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, une qualification d’infraction très grave, sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par une étendue géographique particulière. Il s’ensuit que la taille du marché géographique concerné, même à supposer qu’elle soit limitée, ne s’oppose pas à la qualification de « très grave » de l’infraction constatée.
(cf. points 148-149, 168-169, 172)
6. Dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, l’obligation de motivation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction.
Dans le cadre des analyses concernant des violations de l’article 81 CE, l’article 253 CE ne peut être interprété dans le sens qu’il impose à la Commission d’expliquer dans ses décisions les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu, en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende, des approches autres que celle effectivement retenue dans la décision finale.
(cf. points 175, 177)
7. Dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d’une infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende.
En revanche, la Commission n’est pas obligée, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle baserait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l’amende. En outre, dans sa décision, la Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés.
Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission par la possibilité de présenter leurs observations portant sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits qui leurs sont reprochés.
(cf. points 180-182)
8. Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.
À cet égard, ni le règlement nº 1/2003, ni les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction. Ces dispositions n’imposent donc pas à la Commission, en tant que telles, de tenir compte de la taille limitée du marché des produits.
Le droit applicable ne contient pas non plus de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur le marché concerné. Il est loisible, en vue de la détermination de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Il ne faut attribuer ni à l’un ni à l’autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation et, par conséquent, la fixation d’une amende appropriée ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentent qu’une faible fraction de ce chiffre. De plus, dans la mesure où le montant de l’amende finale ne dépasse pas 10 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise intéressée au cours de la dernière année d’infraction, l’amende ne saurait être considérée comme disproportionnée du seul fait qu’elle dépasse le chiffre d’affaires réalisé sur le marché concerné.
(cf. points 189-190, 196-197, 199)
9. Dans le cadre du calcul de l'amende pour infraction aux règles de concurrence, dès lors que l'objectif de dissuasion a trait à la conduite des entreprises au sein de l’Union, le facteur de dissuasion est évalué en prenant en compte une multitude d’éléments, et non pas la seule situation particulière de l’entreprise concernée.
La Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. Ainsi, une société ne saurait contester l’application du coefficient multiplicateur à des fins dissuasives en se fondant sur la circonstance qu’elle a subi des pertes pendant la période de mise en œuvre de l’entente l’ayant conduite à ne plus être active sur le marché concerné par l’entente après l’ouverture de la procédure administrative.
Par ailleurs, le fait qu’une mesure prise par une institution provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur.
(cf. points 221-224)
10. La circonstance atténuante prévue au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles, est fondée sur le comportement propre à chaque entreprise. Il en résulte que, aux fins de l’évaluation de cette circonstance atténuante, il y a lieu de prendre en considération non pas les effets résultant de l’ensemble de l’infraction qui doivent être pris en compte dans l’appréciation de l’impact concret d’une infraction sur le marché aux fins de l’évaluation de sa gravité (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices), mais le comportement individuel de chaque entreprise, aux fins d’examiner la gravité relative à la participation de chaque entreprise à l’infraction.
En tout état de cause, pour bénéficier du point 3, deuxième tiret, desdites lignes directrices, les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement, et qu’ils n’ont pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause.
(cf. points 273, 275)
11. Conformément au point 3, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, le montant de base de l’amende fixé par la Commission peut être diminué lorsque l’entreprise incriminée cesse l’infraction dès les premières interventions de la Commission.
Toutefois, une telle réduction de l’amende ne saurait être automatique, mais dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. Les circonstances de l’espèce peuvent donc amener la Commission à ne pas accorder une telle diminution du montant de base de l’amende à une entreprise partie à un accord illicite.
Reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, pourrait inciter les entreprises à poursuivre un accord secret aussi longtemps que possible, dans l’espoir que leur comportement ne serait jamais découvert, tout en sachant que, s’il venait à être découvert, elles pourraient voir l’amende réduite en interrompant alors l’infraction. Une telle reconnaissance ôterait tout effet dissuasif à l’amende infligée et porterait atteinte à l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE.
En outre, la cessation d’une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a été déterminée par l’intervention de la Commission.
(cf. points 282-284)
12. Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.
En matière de concurrence, le seul fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure. Dès lors, une entreprise ne saurait tirer argument du fait qu'une circonstance atténuante a été appliquée dans d’autres cas d’infractions pour se prévaloir d'une confiance légitime à cet égard.
(cf. points 289, 291)
13. Le règlement nº 26, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, et notamment son article 2, établit une dérogation à l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 1, CE, pour les accords, décisions et pratiques relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l’annexe I du traité CE, qui font partie intégrante d’une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 33 CE.
S’agissant d’une dérogation à la règle d’application générale de l’article 81, paragraphe 1, CE, l’article 2 du règlement nº 26 est à interpréter de manière restrictive. Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 26, qui prévoit l’exception concernée, ne s’applique que si l’accord en cause favorise la réalisation de tous les objectifs de l’article 33 CE. De plus, ainsi qu’il ressort du texte même de l’article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 26, l’accord en cause doit être « nécessaire » à la réalisation desdits objectifs.
À cet égard, en l’absence de notification et de procédure formelle, une entreprise qui a participé à une infraction manifeste et très grave à l'article 81 CE dans le secteur du tabac brut ne saurait faire valoir qu'elle nourrissait un doute quant à la possibilité que l'accord concerné tombe dans le champ d’application de la dérogation prévue par le règlement nº 26. Par ailleurs, dans un système comme celui prévu par le règlement nº 26, il est exclu que des opérateurs privés puissent prétendre substituer leur propre appréciation à celle de la Commission quant aux moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés par l’article 33 CE et ainsi entreprendre des initiatives illégales qui seraient justifiées par la circonstance qu’ils poursuivaient ces objectifs. En outre, le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles fait partie des objectifs de la politique agricole commune et de l’organisation commune des marchés en cause. Ainsi, une telle entreprise ne saurait faire valoir que des accords manifestement anticoncurrentiels auxquels elle a participé poursuivaient les objectifs visés à l’article 33, paragraphe 1, CE.
(cf. points 298-300, 303, 305)
14. Selon le point 3, sixième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, le montant de base d’une amende peut être réduit en raison de la collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes. Cette circonstance atténuante spécifique ne s’applique qu’aux infractions qui ne relèvent pas du champ d’application de la communication sur la coopération.
À cet égard, l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication sur la coopération de son effet utile. En effet, celle-ci définit un cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant l’Union. Il ressort donc du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction d’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par ladite communication.
Dès lors, afin de préserver l’effet utile de la communication sur la coopération, la Commission ne peut octroyer une réduction d’amende à une entreprise sur le fondement du point 3, sixième tiret, des lignes directrices que dans des situations exceptionnelles. Tel est le cas notamment lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction d’amende au titre de la communication sur la coopération, est d’une utilité objective pour la Commission.
(cf. points 327-330)
15. Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient expressément aucune circonstance atténuante relative à l’absence de précédents sur le marché concerné par l’infraction. Le dernier tiret du point 3 des lignes directrices prévoit, cependant, la possibilité pour la Commission de prendre en compte d’autres circonstances que celles évoquées dans les tirets précédents pour octroyer une diminution du montant de base de l’amende. À cet égard, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de circonstances atténuantes. En particulier, la Commission n’est pas tenue d’atténuer les amendes lorsqu’elle agit pour la première fois dans un secteur particulier.
(cf. points 342-343)
16. Lorsqu'elle inflige une amende pour infraction aux règles de concurrence, la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. En effet, généralement, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés. Ainsi, si la Commission était tenue de prendre en compte ces difficultés, l’amende devrait être réduite dans la quasi-totalité des cas de cartels.
S'il est vrai que, dans la pratique décisionnelle de la Commission, des crises structurelles ont parfois été considérées comme étant des circonstances atténuantes, la prise en compte par la Commission, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante n’implique cependant pas qu’elle doive nécessairement continuer à observer cette pratique.
(cf. points 352-353)
17. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.
Ainsi, ce serait permettre le contournement des exigences impératives de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que d’admettre la recevabilité de moyens non suffisamment exposés dans la requête mais faisant référence à des moyens hypothétiquement soulevés par un tiers dans une autre affaire, à laquelle il serait renvoyé implicitement dans la requête.
En tout état de cause, le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef des conclusions de la requête qui lui est présentée dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef des conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même et que l’absence de tels éléments dans la requête ne peut être palliée par leur présentation lors de l’audience.
(cf. points 366, 371-372)
18. Il est inhérent à la logique de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes que l’effet recherché par ladite communication est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes. Dans le cadre de ce système, et selon la même logique, les entreprises les plus rapides à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins rapides à coopérer. L’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres du cartel constituent donc des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication sur la coopération.
L’interprétation de la finalité d’une disposition de la communication sur la coopération doit être conforme à la logique propre de cette communication. Dans cette perspective, le point 23, dernier alinéa, de cette communication doit être interprété comme visant à récompenser une entreprise, même si elle n’a pas été la première à présenter la demande d’immunité concernant l’entente en cause, si elle est la première à fournir à la Commission des éléments de preuve concernant des faits ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente. En d’autres termes, si les éléments de preuve fournis par une entreprise concernent des faits qui permettent à la Commission de modifier l’appréciation qu’elle a, à ce moment-là, de la gravité ou de la durée de l’entente, l’entreprise qui fournit ces éléments de preuve est récompensée par l’immunité concernant l’appréciation des faits que ces éléments de preuve sont en mesure de démontrer.
Ainsi, le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération ne concerne pas les cas dans lesquels une entreprise a simplement présenté des éléments de preuve nouveaux ou plus complets au regard de faits dont la Commission était déjà au courant. Ledit alinéa ne s’applique pas non plus aux cas dans lesquels une entreprise porte à la connaissance des faits nouveaux qui, toutefois, ne sont pas en mesure de modifier l’appréciation de la Commission portant sur la gravité ou la durée de l’entente. Cette disposition s’applique, en revanche, exclusivement aux cas dans lesquels deux conditions sont remplies : premièrement, l’entreprise en cause est la première à prouver des faits précédemment ignorés par la Commission, deuxièmement, ces faits, ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, permettent à la Commission de parvenir à de nouvelles conclusions sur l’infraction.
(cf. points 379-382)
19. Une entreprise ayant participé à une infraction aux règles de concurrence par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, est également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction.
De même, une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de cette entente dès lors qu’elle savait ou devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente.
(cf. points 394-395)
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
5 octobre 2011 (*)
« Concurrence – Ententes – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Proportionnalité – Gravité et durée de l’infraction – Circonstances atténuantes – Coopération »
Dans l’affaire T‑39/06,
Transcatab SpA, établie à Caserte (Italie), représentée par Mes C. Osti et A. Prastaro, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. F. Amato, puis par M. V. Di Bucci, et enfin par MM. É. Gippini Fournier et L. Malferrari, en qualité d’agents, assistés de Me F. Ruggeri Laderchi, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet, en premier lieu, une demande d’annulation partielle de la décision C (2005) 4012 final de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie), en deuxième lieu, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à Transcatab par cette décision et, en troisième lieu, une demande reconventionnelle de la Commission tendant à l’augmentation dudit montant,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2010,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Transcatab SpA, est une société italienne, actuellement en liquidation, ayant pour activité principale la première transformation du tabac brut. Au moment des faits qui font l’objet de la présente affaire, Transcatab était la filiale italienne, contrôlée à 100 %, de Standard Commercial Corp. (ci-après « SCC »), un des plus gros négociants indépendants en feuilles de tabac au monde. Le 13 mai 2005, c’est-à-dire au cours de la procédure administrative, SCC a procédé à une fusion avec Dimon, Inc., créant ainsi une nouvelle entité dénommée Alliance One International, Inc. (ci-après « Alliance One »), qui contrôle Transcatab à 100 %.
1. Procédure administrative
2 Le 15 janvier 2002, la Commission des Communautés européennes a adressé, au titre de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des demandes de renseignements, concernant le marché italien du tabac brut, aux associations professionnelles des transformateurs et des producteurs de tabac italiens, à savoir, respectivement, l’Associazione professionale trasformatori tabacchi italiani (APTI, Association professionnelle des transformateurs de tabac brut italiens) et l’Unione italiana tabacco (Unitab, Union italienne du tabac).
3 Le 19 février 2002, la Commission a reçu une demande d’immunité en matière d’amendes de Deltafina SpA, transformateur membre de l’APTI, en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération »).
4 Le 4 avril 2002 s’est tenue une réunion du bureau de l’APTI. Dans le cadre de cette réunion, Deltafina a informé les participants, dont Transcatab et Dimon Italia Srl (filiale de Dimon, devenue Mindo Srl), de sa demande d’immunité et de la décision de la Commission de lui accorder l’immunité conditionnelle.
5 Le même jour, la Commission a reçu une demande d’immunité en matière d’amendes, au titre du point 8 de la communication sur la coopération, et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de toute amende, au titre des points 20 à 27 de ladite communication, de la part de Dimon Italia ainsi que, quelques heures plus tard, une demande de réduction de toute amende, au même titre, de la part de Transcatab.
6 Le 9 avril 2002, la Commission a accusé réception de la demande présentée par Transcatab en application du point 25 de la communication sur la coopération. Transcatab a transmis une nouvelle demande le 10 avril 2002, consistant en une note explicative et 44 annexes. Le 30 avril 2002, la Commission en a également accusé réception conformément au point 25 de la communication sur la coopération.
7 Les 18 et 19 avril 2002, la Commission a effectué des vérifications, au titre de l’article 14 du règlement n° 17, dans les locaux de Dimon Italia et de Transcatab ainsi que dans les locaux de Trestina Azienda Tabacchi SpA et de Romana Tabacchi SpA.
8 Le 8 octobre 2002, la Commission a informé Dimon Italia et Transcatab qu’elles avaient été, respectivement, la première et la seconde entreprise à fournir des éléments de preuve de l’infraction au sens de la communication sur la coopération et que, ainsi, elle avait l’intention de leur accorder, au terme de la procédure administrative, une réduction comprise, respectivement, entre 30 et 50 % et entre 20 et 30 % du montant de l’amende qui leur aurait été infligée au titre des infractions éventuellement constatées en l’absence de coopération.
9 Le 25 février 2004, la Commission a adopté une communication des griefs, qu’elle a adressée à dix entreprises ou associations d’entreprises, dont Transcatab, Deltafina, Dimon Italia et Romana Tabacchi (ci-après les « transformateurs ») et les sociétés mères de certaines d’entre elles, notamment SCC, Dimon et Universal Corp., société mère de Deltafina. Les destinataires de la communication des griefs ont eu la possibilité de répondre par écrit et lors de l’audition qui s’est tenue le 22 juin 2004.
10 À la suite de l’adoption, le 21 décembre 2004, d’un addendum à ladite communication des griefs concernant la violation par Deltafina de l’obligation de coopération prévue par la communication sur la coopération, en relation avec la divulgation de sa demande d’immunité (voir point 4 ci-dessus), une seconde audition s’est tenue le 1er mars 2005.
11 Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté la décision C (2005) 4012 final, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie) (ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 février 2006 (JO L 353, p. 45).
2. Décision attaquée
12 La décision attaquée concerne tout d’abord une entente horizontale mise en œuvre par les transformateurs sur le marché italien du tabac brut.
13 Dans le cadre de cette entente, pendant la période allant de 1995 au début de l’année 2002, les transformateurs ont fixé les conditions de transaction pour l’achat de tabac brut en Italie, en ce qui concerne tant les achats directs aux producteurs que les achats auprès des « tiers tasseurs », notamment par la fixation des prix et par le partage du marché.
14 La décision attaquée concerne également deux autres infractions, distinctes de l’entente mise en œuvre par les transformateurs, qui ont eu lieu entre le début de l’année 1999 et la fin de l’année 2001 et qui ont consisté, pour l’APTI, à fixer les prix contractuels qu’elle négocierait, pour le compte de ses membres, en vue de la conclusion d’accords interprofessionnels avec l’Unitab, et, pour cette dernière, à fixer les prix qu’elle négocierait avec l’APTI, pour le compte de ses membres, en vue de la conclusion de ces mêmes accords.
15 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les pratiques des transformateurs constituaient une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, notamment, considérants 264 à 269 de la décision attaquée).
16 À l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, elle a imputé la responsabilité de l’entente aux transformateurs ainsi qu’à Universal et à Alliance One, en tant que société issue de la fusion entre Dimon et SCC.
17 À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes aux entreprises visées au point précédent ainsi qu’à l’APTI et à l’Unitab (voir point 71 ci‑après).
Destinataires de la décision attaquée
18 Les considérants 325 à 351 de la décision attaquée sont consacrés à la détermination des destinataires de celle-ci.
19 À titre liminaire, la Commission s’est référée à la jurisprudence constante selon laquelle la notion d’« entreprise », placée dans le contexte du droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes, physiques ou morales (considérant 325 de la décision attaquée).
20 Ensuite, la Commission a exposé qu’il était établi que Deltafina, Dimon Italia, Transcatab et Romana Tabacchi, de même que l’APTI et l’Unitab, avaient participé, pendant la durée des infractions respectives, directement aux infractions constatées et que, en conséquence, chacune de ces entreprises et associations était destinataire de la décision attaquée (considérant 327 de la décision attaquée).
21 La Commission a poursuivi son analyse en examinant la question de l’imputabilité du comportement infractionnel de certaines filiales (Deltafina, Dimon Italia et Transcatab) à leurs sociétés mères respectives. À cet égard, elle a rappelé que, pendant la durée des infractions, Deltafina était une filiale à 100 % d’Universal, Dimon Italia une filiale à 100 % de Dimon et Transcatab une filiale à 100 % de SCC (considérant 328 de la décision attaquée).
22 La Commission a exposé notamment que, selon la jurisprudence, une société mère peut être tenue pour responsable du comportement illicite de sa filiale lorsque celle‑ci n’est pas à même de déterminer de façon autonome son comportement sur le marché. À cet égard, elle a rappelé qu’il pouvait être présumé que, lorsqu’une société mère détient la totalité du capital d’une filiale, elle exerce une influence déterminante sur le comportement de cette filiale lorsque celle-ci commet une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (considérants 329 et 330 de la décision attaquée).
23 Au considérant 331 de la décision attaquée, elle a conclu que, en ce qui concerne Deltafina, Dimon et Transcatab, il pouvait légitimement être présumé qu’elles « manquaient d’autonomie » dès lors qu’elles étaient, ou avaient été, dans le cas de Dimon Italia, détenues à 100 % par leurs sociétés mères respectives.
24 Tout en rejetant la thèse, soutenue par lesdites sociétés dans leurs réponses à la communication des griefs, selon laquelle d’autres éléments seraient nécessaires, outre celui du contrôle à 100 %, pour indiquer l’exercice d’une influence déterminante, la Commission a précisé que toute présomption d’une telle influence dans le cas d’une filiale contrôlée à 100 % était réfragable. La preuve contraire devrait être apportée par la partie qui entend réfuter une telle présomption par des « preuves solides », ces dernières ne pouvant pas simplement être des informations générales non étayées par des éléments de preuve convaincants (considérant 334 de la décision attaquée).
25 À cet égard, la Commission a examiné successivement les arguments présentés par les sociétés mères destinataires de la décision attaquée.
26 La Commission a rejeté tout d’abord l’argument général avancé par les sociétés mères concernées au sujet de la pleine responsabilité de la direction locale concernant les activités de leurs filiales respectives. Selon elle, le fait que Dimon et SCC aient maintenu la direction existante lors de l’acquisition à 100 % de leurs filiales respectives ne saurait exclure l’exercice par lesdites sociétés mères d’une influence déterminante sur leurs filiales italiennes respectives, car il est courant de confier à la direction locale d’une filiale à 100 % la gestion des affaires courantes (considérant 338 de la décision attaquée).
27 D’après la Commission, aucune de ces entreprises n’a démontré, de manière générale, une spécificité de son groupe qui aurait rendu, dans une mesure considérable, les activités de sa filiale indépendantes de son influence (considérant 339 de la décision attaquée).
28 À cet égard, la Commission a analysé la solidité des liens économiques existant entre Deltafina, Dimon Italia, Transcatab et leurs sociétés mères respectives, qui démontrerait que les filiales italiennes constituaient une unité économique avec le reste de leur groupe. La Commission a relevé à cet effet que les groupes concernés étaient les plus gros négociants en feuilles de tabac au monde et qu’ils acquéraient et commercialisaient souvent le tabac acheté par leurs filiales italiennes (considérant 340 de la décision attaquée).
29 En ce qui concerne SCC, la Commission a relevé qu’avant d’acquérir la totalité du capital de Transcatab elle contrôlait déjà cette dernière conjointement avec son partenaire italien. Le fait que SCC n’ait « rien changé aux directions » de sa filiale à la suite de cette acquisition ne pouvait par conséquent être considéré comme une preuve de ce qu’elle n’avait exercé aucune influence sur les dirigeants après être devenue propriétaire à part entière. Concernant, notamment, la délégation des pouvoirs exécutifs au directeur général de Transcatab, la Commission a déclaré ne détenir aucune information lui permettant de déduire qu’il n’aurait pas été désigné par SCC, de même que les autres membres du conseil d’administration (considérants 341 et 342 de la décision attaquée).
30 La Commission a rejeté ensuite l’argument de SCC selon lequel il n’existerait aucune voie de communication entre elle et sa filiale (considérants 343 et 344 de la décision attaquée).
31 Elle a relevé à cet égard que les activités de Transcatab avaient été considérées comme étant celles de Standard Commercial Tobacco Co., Inc., société de participation au sein du groupe SCC, détenue à 100 % par SCC, et qu’elles avaient été analysées dans le cadre des activités du groupe, englobant les ventes du groupe SCC aux fabricants de cigarettes. Elle en a déduit que les résultats des activités de Transcatab avaient été rapportés aux instances supérieures du groupe et avaient ensuite été consolidés (considérant 344 de la décision attaquée).
32 La Commission a précisé que, étant donné que les groupes auxquels Transcatab et Dimon Italia appartenaient pendant la durée de l’infraction avaient cessé d’exister à la suite de leur fusion dans la nouvelle entité Alliance One, celle-ci, en tant que successeur juridique de ces deux groupes, était destinataire de la décision attaquée (considérant 349 de la décision attaquée).
33 Eu égard à ces différents éléments, la Commission a conclu, au considérant 351 de la décision attaquée, que Deltafina, Universal, Mindo (anciennement Dimon Italia), Transcatab, Alliance One, Romana Tabacchi, l’APTI et l’Unitab devaient être tenues pour responsables des infractions et être destinataires de la décision attaquée.
Détermination du montant de l’amende
34 Aux considérants 356 à 404 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question des amendes à infliger aux destinataires de celle‑ci.
35 Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée des infractions en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n°17 (considérants 356 et 357 de la décision attaquée).
Fixation du montant de départ des amendes
36 S’agissant de la gravité de l’infraction en cause, la Commission a rappelé que, pour évaluer ce facteur, elle devait prendre en considération la nature propre de celle‑ci, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique en cause (considérant 365 de la décision attaquée).
37 Ensuite, la Commission a indiqué que la production de tabac brut en Italie correspondait à 38 % de la production sous quota dans l’Union européenne, ce qui représentait 67,338 millions d’euros en 2001, soit la dernière année complète de l’infraction (considérant 366 de la décision attaquée).
38 S’agissant de la nature de l’infraction, la Commission a constaté qu’elle était très grave, car l’infraction avait consisté en la fixation des prix d’achat de variétés de tabac brut en Italie et en la répartition des quantités achetées. La Commission a ajouté, en se référant à la partie de la décision attaquée concernant l’analyse de la restriction de la concurrence (considérants 272 et suivants), qu’une entente en matière d’achat était susceptible de fausser la volonté des producteurs de générer un certain rendement de même que de limiter la concurrence entre les transformateurs sur les marchés en aval. Elle a également affirmé qu’il en était particulièrement ainsi lorsque, comme dans le cas présent, le produit visé par l’entente, en l’espèce le tabac brut, constituait un « intrant » important des activités exercées par les participants en aval, en l’espèce la première transformation de tabac et la vente de tabac transformé (considérants 367 et 368 de la décision attaquée).
39 Au considérant 369 de la décision attaquée, la Commission a conclu des considérations qui précèdent que l’infraction commise par les transformateurs devait être qualifiée de très grave.
40 Ensuite, aux considérants 370 à 376 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question du « poids spécifique » et de la « dissuasion ». À cet égard, elle a indiqué que, lors de la fixation du montant de l’amende, il convenait de tenir compte du « poids spécifique de chaque entreprise et des répercussions probables de son comportement illicite » (considérant 370 de la décision attaquée).
41 Ainsi, la Commission a estimé que les amendes devaient être fixées en fonction de la position de chaque partie en cause sur le marché (considérant 371 de la décision attaquée).
42 À cet égard, la Commission a considéré que le montant de départ de l’amende infligée à Deltafina devait être le plus élevé, car elle s’avérait être le plus gros acheteur, sa part de marché étant d’environ 25 % en 2001 (considérant 372 de la décision attaquée).
43 Étant donné qu’elles détenaient des parts du marché en cause plus réduites, d’environ 9 à 11 % en 2001, la Commission a considéré que Transcatab, Dimon Italia et Romana Tabacchi « devaient être regroupées » et que le montant de départ de l’amende devait être plus faible en ce qui les concerne (considérant 373 de la décision attaquée).
44 La Commission a toutefois considéré qu’un montant de départ reflétant uniquement la position sur le marché n’aurait pas un effet suffisamment dissuasif sur Deltafina, Dimon Italia (Mindo) et Transcatab, car, en dépit de leur chiffre d’affaires relativement limité, chacune appartenait – ou, dans le cas de Mindo, avait appartenu – à des groupes multinationaux dotés d’une force économique et financière considérable, qui étaient les principaux négociants mondiaux en tabac et qui opéraient à différents niveaux d’activité au sein de l’industrie du tabac et sur différents marchés géographiques (considérant 374 de la décision attaquée).
45 Par conséquent, en vue de conférer un caractère dissuasif à l’amende, la Commission a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer un coefficient multiplicateur de 1,5 – soit une majoration de 50 % – au montant de départ déterminé pour Deltafina et un coefficient multiplicateur de 1,25 – soit une majoration de 25 % – au montant de départ déterminé pour Dimon Italia (Mindo) et Transcatab (considérant 375 de la décision attaquée).
46 Ainsi, la Commission a fixé le montant de départ des amendes, au considérant 376 de la décision attaquée, comme suit :
– Deltafina : 37,5 millions d’euros ;
– Transcatab : 12,5 millions d’euros ;
– Dimon Italia (Mindo) : 12,5 millions d’euros ;
– Romana Tabacchi : 10 millions d’euros.
Fixation du montant de base des amendes
47 Aux considérants 377 et 378 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la durée de l’infraction.
48 Elle a considéré que l’entente mise en œuvre par les transformateurs avait commencé le 29 septembre 1995 et avait cessé d’exister, selon les déclarations de ceux-ci, le 19 février 2002. Ainsi, la Commission a estimé qu’il convenait d’appliquer une majoration de 60 % au montant de départ des amendes infligées aux transformateurs, sauf à Romana Tabacchi, dont la participation avait été plus courte.
49 Les montants de base des amendes infligées aux destinataires de la décision attaquée ont, dès lors, été établis comme suit :
– Deltafina : 60 millions d’euros ;
– Transcatab : 20 millions d’euros ;
– Dimon Italia (Mindo) : 20 millions d’euros ;
– Romana Tabacchi : 12,5 millions d’euros.
Circonstances atténuantes
50 Aux considérants 380 à 398 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu de prendre en considération des circonstances atténuantes.
51 En ce qui concerne notamment Transcatab, la Commission a rejeté l’ensemble de ses arguments visant à la faire bénéficier de circonstances atténuantes.
52 Tout d’abord, la Commission a relevé que la mise en place de l’entente des transformateurs n’avait pas de lien avec les accords interprofessionnels conclus au sein de l’APTI. Elle en a déduit que le cadre réglementaire italien n’avait pas encouragé le comportement des transformateurs, qui ne pouvaient, par conséquent, bénéficier d’aucune réduction du montant de leur amende sur la base de cet argument (considérant 381 de la décision attaquée).
53 Ensuite, la Commission a rejeté l’argument des transformateurs selon lequel ils devaient bénéficier d’une réduction étant donné qu’ils avaient mis fin à l’infraction avant l’intervention de la Commission. À cet égard, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle, dans les affaires qui portent sur des infractions graves aux règles de concurrence, pour lesquelles les parties savaient ou devaient nécessairement savoir que leur comportement était fondamentalement illégal, le fait qu’elles y mettent fin avant l’intervention de la Commission ne doit, en principe, pas donner lieu à une réduction du montant de l’amende lors de son calcul (considérant 382 de la décision attaquée).
54 La Commission a également affirmé ne pas pouvoir considérer que l’entente n’a pas été mise en œuvre étant donné qu’il résultait de la description des faits que les parties avaient assuré la mise en œuvre de l’entente grâce, notamment, à leur participation à des réunions régulières et à des échanges d’informations réguliers concernant les prix et les quantités au cours de la période des achats (considérant 383 de la décision attaquée).
55 La Commission a, enfin, rejeté l’argument avancé par Transcatab selon lequel le contexte économique et social spécifique du marché du tabac brut en Italie devait être pris en considération pour déterminer le montant de l’amende en application du point 5, sous b), des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »). La Commission a observé que l’application dudit point 5, sous b), des lignes directrices était exceptionnelle et que l’affaire en l’espèce ne présentait pas de caractéristiques identiques ou semblables à celles de l’affaire citée par Transcatab à l’appui de son argument. La Commission a encore ajouté qu’il n’était pas admis que l’existence de pratiques illégales touchant le secteur du tabac dans certaines régions italiennes ait pu avoir un effet déterminant en provoquant les pratiques en cause et que la réforme de l’organisation commune des marchés avait des effets bien trop incertains et éloignés dans le temps pour justifier la prise en compte d’une circonstance atténuante (considérant 384 de la décision attaquée).
56 La Commission a, ensuite, considéré la situation particulière de Deltafina et elle a conclu qu’il convenait de réduire son amende de 50 % en raison de la coopération fournie par celle-ci (considérants 385 à 398 de la décision attaquée).
57 La Commission a fixé le montant des amendes à la suite de l’application des circonstances atténuantes comme suit (considérant 399 de la décision attaquée) :
– Deltafina : 30 millions d’euros ;
– Dimon Italia (Mindo) : 20 millions d’euros ;
– Transcatab : 20 millions d’euros ;
– Romana Tabacchi : 8,75 millions d’euros.
58 La Commission a enfin rappelé que, aux termes de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende ne doit pas excéder 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Elle a ajouté que, lorsque les entreprises en cause appartiennent à un groupe, qu’il est établi que ces entreprises étaient sous l’influence déterminante de leurs sociétés mères et que, par conséquent, ces dernières sont solidairement responsables de l’amende infligée à leur filiale, c’est le chiffre d’affaires mondial du groupe qui doit être pris en considération pour déterminer le plafond susvisé de 10 % (considérants 400 et 401 de la décision attaquée).
59 À ce titre, elle énonce que l’amende infligée à Romana Tabacchi ne doit pas excéder 2,05 millions d’euros et qu’il n’est pas nécessaire de réduire les autres amendes au titre de cette disposition (considérants 402 et 403 de la décision attaquée).
Application de la communication sur la coopération
60 Aux considérants 405 à 500 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur l’application en l’espèce de la communication sur la coopération.
61 Deltafina, Dimon Italia et Transcatab ont toutes les trois demandé à bénéficier de l’application de ladite communication. En ce qui concerne Deltafina, la Commission a rappelé qu’elle lui avait accordé l’immunité conditionnelle. La Commission a, en outre, précisé être parvenue à la conclusion préliminaire que Dimon Italia et Transcatab avaient été, respectivement, la première et la seconde entreprise à avoir fourni des éléments de preuve de l’infraction suspectée, qui apportaient une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en sa possession, au sens du point 22 de la communication sur la coopération (considérants 405 à 407 de la décision attaquée).
62 Après avoir examiné la situation de Deltafina et avoir conclu que l’immunité ne pouvait pas lui être accordée en raison de la violation par elle de l’obligation de coopération prévue par la communication sur la coopération (voir considérants 408 à 484 de la décision attaquée et points 4 et 10 ci-dessus), la Commission a examiné les cas de Dimon Italia et de Transcatab.
63 Premièrement, la Commission a conclu que l’absence d’octroi de l’immunité définitive à Deltafina n’avait aucune incidence directe sur la manière dont la communication sur la coopération devait être appliquée à Dimon Italia et à Transcatab (considérants 485 à 491 de la décision attaquée).
64 Deuxièmement, elle a déterminé la réduction des amendes pouvant être accordée, notamment, à Transcatab, en vertu de ladite communication.
65 À cet égard, la Commission a d’abord constaté que Transcatab s’était conformée aux conditions qui lui avaient été imposées, à savoir qu’elle avait mis fin à sa participation à l’infraction au plus tard à la date de la présentation des éléments de preuve (considérants 492 et 493 de la décision attaquée).
66 Ensuite, la Commission a affirmé que, pour déterminer le niveau de réduction, elle tenait compte du moment où les éléments de preuve ont été fournis, de la mesure dans laquelle ils apportent une valeur ajoutée ainsi que de l’étendue et de la continuité de la coopération apportée par les entreprises après la date de communication des éléments de preuve (considérant 494 de la décision attaquée).
67 Ainsi, en premier lieu, la Commission a observé que Transcatab avait présenté sa demande de clémence avant qu’elle n’ait pris des mesures actives de vérification, que sa demande avait couvert toute la durée de l’infraction et que les éléments de preuve fournis avaient corroboré à bien des égards ceux que la Commission avait déjà en sa possession (considérant 495 de la décision attaquée)
68 En deuxième lieu, en ce qui concerne spécifiquement les documents fournis par Transcatab, la Commission a reconnu que le récit des faits qui en résultait était particulièrement détaillé et qu’il avait été particulièrement utile pour comprendre l’infraction et, notamment, certains de ses éléments (comme la conclusion d’un accord interprofessionnel en 1999 pour la production excédentaire de tabac en 1998). Elle a toutefois relevé qu’elle n’ignorait aucun des faits au sujet desquels Transcatab avait fourni des éléments de preuve (considérant 497 de la décision attaquée).
69 Enfin, la Commission a également reconnu que Transcatab s’était montrée coopérative à son égard tout au long de la procédure et qu’elle n’avait pas contesté les faits sur lesquels la Commission s’était appuyée dans la communication des griefs (considérant 498 de la décision attaquée).
70 La Commission a ainsi conclu que Transcatab devait bénéficier du plus haut niveau de réduction du montant de l’amende prévu dans la fourchette correspondante, à savoir d’une réduction de 30 % (considérant 499 de la décision attaquée).
71 Conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a finalement fixé (voir article 2 de la décision attaquée) les montants des amendes à infliger aux entreprises et aux associations d’entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :
– Deltafina et Universal, solidairement : 30 millions d’euros ;
– Dimon Italia (Mindo) et Alliance One : 10 millions d’euros, Alliance One étant responsable pour la totalité et Mindo n’étant solidairement responsable que pour 3 990 000 euros ;
– Transcatab et Alliance One, solidairement : 14 millions d’euros ;
– Romana Tabacchi : 2,05 millions d’euros ;
– l’APTI : 1 000 euros ;
– l’Unitab : 1 000 euros.
Procédure et conclusions des parties
72 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2006, Alliance One a introduit un recours visant notamment à l’annulation partielle de la décision attaquée (affaire T-25/06). Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2006, Transcatab a introduit le présent recours.
73 Dans la requête, Alliance One a demandé la jonction de cette affaire avec la présente affaire. Cette demande a également été formulée par Transcatab dans la requête.
74 Le Tribunal n’a pas donné suite à la demande de jonction.
75 Le 24 novembre 2009, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, posé une question écrite à Transcatab, laquelle y a répondu dans le délai imparti. Le 4 février 2010, la Commission a présenté ses observations sur la réponse de Transcatab.
76 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a demandé à Transcatab de produire un document. Le document a été produit dans le délai imparti.
77 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 30 novembre 2010.
78 Lors de l’audience le Tribunal a invité Transcatab à produire un autre document, au titre de l’article 64 du règlement de procédure. Le 22 décembre 2010, Transcatab a produit ce document.
79 Transcatab conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement la décision attaquée ;
– réduire l’amende qui lui a été infligée ;
– condamner la Commission aux dépens.
80 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– fixer le montant de l’amende à 15 millions d’euros, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 229 CE ;
– condamner Transcatab aux dépens.
En droit
81 À l’appui de son recours, Transcatab soulève cinq moyens, dont certains se subdivisent en plusieurs branches. Dans le cadre du premier moyen, Transcatab fait, en substance, valoir que la Commission a commis des erreurs de droit en déclarant Alliance One responsable de son comportement, que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa position à cet égard et qu’elle a également violé ses droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit, d’un défaut de motivation et d’une motivation illogique, de la violation des droits de la défense ainsi que de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime lors de la fixation de l’amende. Le troisième moyen est pris d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation lors de la fixation du montant de l’amende, au regard de l’évaluation de la durée de l’infraction, de la violation du principe ne bis in idem en relation avec l’amende infligée à l’APTI ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement. Dans le cadre du quatrième moyen, Transcatab fait valoir que la Commission a erronément considéré dans la décision attaquée qu’aucune des circonstances atténuantes invoquées par elle n’était applicable. Dans le cadre du cinquième moyen, elle fait, enfin, valoir que la Commission a commis des erreurs dans l’application de la communication sur la coopération.
82 La Commission estime que par son troisième moyen, Transcatab est revenue sur sa coopération antérieure, consistant à ne pas contester les faits établis dans la communication des griefs. Ainsi, de manière reconventionnelle, la Commission demande au Tribunal de ramener la réduction de l’amende de Transcatab de 30 à 25 % et ainsi de fixer celle-ci, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, à 15 millions d’euros.
1. Sur le premier moyen, concernant l’imputation de l’infraction à la société mère de Transcatab
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une lecture erronée de la jurisprudence, de la méconnaissance des éléments de preuve fournis et d’une violation des droits de la défense
Arguments des parties
83 En premier lieu, Transcatab conteste les conclusions de la décision attaquée selon lesquelles le simple fait que SCC détenait, durant la période de l’infraction, 100 % de son capital serait suffisant pour présumer la responsabilité de celle-ci pour le comportement infractionnel de sa filiale. Une telle présomption serait contraire à la jurisprudence. Selon Transcatab, la Commission doit prouver l’existence d’autres indices permettant de considérer qu’une société mère a effectivement exercé une influence déterminante sur sa filiale. En l’espèce, la Commission se serait contentée de présumer la responsabilité de SCC et n’aurait pas fourni d’autres indices de nature à fonder une telle responsabilité. Elle aurait ainsi inversé la charge de la preuve, laquelle n’incomberait pas à Transcatab ou à sa société mère, mais à la Commission elle-même.
84 En deuxième lieu, Transcatab fait valoir que SCC a fourni à la Commission des éléments suffisants pour prouver qu’elle était étrangère au comportement de Transcatab. Ces éléments concerneraient tant la description de la réalité locale du marché italien que les caractéristiques de la structure du groupe SCC qui montreraient l’indépendance de ses filiales. En outre, ils auraient trait à l’autonomie de son conseil d’administration ainsi que de son directeur général.
85 Dans la réplique, Transcatab fait, en outre, valoir que l’allégation de la Commission selon laquelle il ne serait possible de renverser la présomption d’influence déterminante que lorsque la participation est de nature exclusivement financière est contraire à la jurisprudence. Selon elle, la Commission n’a pas examiné attentivement les preuves présentées au cours de la procédure administrative et se serait limitée à réfuter tous les arguments sur la base de préjugés non étayés. Premièrement, l’affirmation selon laquelle il serait invraisemblable qu’une société mère puisse déléguer entièrement la gestion d’une filiale ne serait pas fondée. En effet, ainsi que l’aurait démontré Transcatab lors de la procédure administrative, la structure ramifiée du groupe empêchait une gestion unique. Deuxièmement, la Commission aurait appliqué la présomption d’influence déterminante même pour la période où SCC ne détenait que 50 % du capital de Transcatab, alors que cette dernière et SCC avaient prouvé que le conseil d’administration et le directeur général de Transcatab, à qui étaient confiés tous les pouvoirs de gestion de la société, avaient été nommés avant que SCC n’obtienne le contrôle exclusif de cette dernière. Troisièmement, le fait que certains documents étaient rédigés en langue anglaise ne suffirait pas pour prouver l’influence de la société mère sur la gestion de l’activité commerciale de Transcatab. En conclusion, la Commission aurait rejeté à tort les preuves soumises, sans motivation suffisante ou logique et sans les confronter à d’autres documents d’une valeur probante au moins équivalente. Ainsi, la Commission n’aurait pas respecté son obligation d’instruire de façon impartiale le dossier.
86 En troisième lieu, la Commission aurait méconnu les droits de la défense d’Alliance One, dans la mesure où elle aurait utilisé dans la décision attaquée des documents du dossier qui n’étaient pas mentionnés dans la communication des griefs, en empêchant ainsi SCC de se prononcer à leur sujet et en portant atteinte, de ce fait, à la confiance légitime de son successeur juridique, Alliance One. Transcatab admet qu’il s’agissait de documents connus des parties. Toutefois, ces documents n’ayant pas été mentionnés dans la communication des griefs, les parties auraient pu, à juste titre, estimer qu’ils n’avaient pas d’importance aux fins de l’affaire et qu’il n’était donc pas nécessaire d’exprimer leur opinion à leur sujet. Dans la réplique et à l’audience, Transcatab a affirmé qu’elle faisait valoir une violation de ses propres droits de la défense.
87 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab. En ce qui concerne notamment le grief tiré de la violation des droits de la défense d’Alliance One, la Commission doute de sa recevabilité dans la mesure où Transcatab ne fait pas valoir une violation de ses propres droits mais de ceux d’une autre partie. L’extension du grief aux droits de la défense propres à Transcatab serait tardive et, ainsi, irrecevable.
Appréciation du Tribunal
– Sur la méconnaissance des règles gouvernant l’imputabilité à la société mère des pratiques de sa filiale
88 S’agissant du premier grief soulevé par Transcatab, il convient de rappeler que le droit de la concurrence vise les activités des entreprises (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 59) et que la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 112, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 54).
89 Il ressort de la jurisprudence que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 40, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 55 ; arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).
90 Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 145 ; du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 39, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 56).
91 L’infraction au droit de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes. Aux fins de l’application et de l’exécution des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence, il est, en effet, nécessaire d’identifier, en tant que destinataire, une entité dotée de la personnalité juridique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 978).
92 Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 58, et la jurisprudence citée).
93 En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 59).
94 Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 60, et la jurisprudence citée).
95 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 29, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 61).
96 S’il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 95 supra, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d’autres circonstances, telles que l’absence de contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n’en demeure pas moins que de telles circonstances n’ont été relevées par la Cour que dans le but d’exposer l’ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement et non pas pour subordonner la mise en œuvre de la présomption mentionnée au point 94 ci-dessus à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 62, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 57).
97 Il ressort de la décision attaquée que, pour imputer à une société mère la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale, la Commission est partie de la prémisse selon laquelle une telle imputation est possible lorsque la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, par voie de conséquence, constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE (considérant 325 de la décision attaquée).
98 L’élément central sur lequel la Commission s’est fondée pour établir que la société mère était susceptible de se voir imputer le comportement infractionnel de sa filiale est l’absence d’autonomie de cette dernière en ce qui concerne son comportement sur le marché. En effet, cette absence d’autonomie est le corollaire de l’exercice d’une « influence déterminante » de la société mère sur le comportement de sa filiale, l’exercice effectif d’une telle influence pouvant être présumé, selon la jurisprudence, dans le cas où une société mère détient la totalité du capital de sa filiale (voir considérants 329 et 330 de la décision attaquée).
99 Au considérant 331 de la décision attaquée, la Commission a ainsi considéré que, en l’espèce, Transcatab « manquait d’autonomie » dès lors qu’elle était contrôlée à 100 % par sa société mère, SCC.
100 Contrairement à ce que soutient Transcatab dans la réplique, à savoir que, en l’espèce, la Commission aurait transformé une présomption « iuris tantum » en une présomption « iuris et de iure », ce raisonnement ne s’écarte pas de la logique d’une présomption réfragable. Ainsi, comme dans le cas d’autres présomptions admises en droit de la concurrence, si un fait peut légalement être présumé par la Commission, il est considéré comme établi, pour autant que l’entreprise concernée ne réfute pas la présomption en présentant des preuves concluantes en sens contraire (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 90 supra, points 121 et 126, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 162 et 167). Par ailleurs, au vu de son caractère réfragable, ladite présomption, laquelle peut être renversée dans chaque cas d’espèce, ne conduit pas à une attribution automatique de responsabilité à la société mère détenant la totalité du capital social de sa filiale, qui serait contraire au principe de la responsabilité personnelle sur lequel repose le droit de la concurrence.
101 La Commission n’a donc pas méconnu les règles gouvernant l’imputabilité à une société mère du comportement de sa filiale en tenant en substance SCC, dont Alliance One est le successeur juridique, pour responsable de l’infraction commise par Transcatab.
102 Force est de constater qu’une telle conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par Transcatab en réponse à la question écrite du Tribunal concernant les conséquences à tirer de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra. Selon elle, premièrement, cet arrêt a erronément interprété la jurisprudence antérieure, notamment l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 95 supra, et, en tout état de cause, la jurisprudence n’est pas univoque à cet égard. Deuxièmement, le cadre factuel de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt se distinguerait du cadre factuel de l’espèce, dès lors que plusieurs filiales auraient été impliquées dans l’entente et que, par conséquent, il aurait été plus difficile de démontrer que la société mère n’avait pas connaissance des activités anticoncurrentielles. Or, s’agissant du premier argument, il suffit de constater qu’il ressort de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra (voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous cet arrêt, Rec. p. I‑8241, points 60 et 61), que la Cour a non seulement pris en considération la jurisprudence sur laquelle Transcatab appuie une large partie de son argumentation principale, et, notamment, l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 95 supra, mais a également donné une interprétation univoque de la jurisprudence antérieure (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, points 58 à 62). S’agissant du second argument, il suffit de constater que la prétendue différence entre les deux affaires est totalement dénuée de pertinence, dès lors que le critère d’imputabilité de la responsabilité dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, n’était nullement celui de la connaissance directe ou indirecte, de la part de la société mère, des activités mises en œuvre par la ou les filiales. En tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre la Commission, dans cet arrêt, un tel élément n’a nullement été pris en considération.
– Sur la méconnaissance des éléments de preuve fournis aux fins de renverser la présomption
103 Ainsi qu’il a été exposé aux points 94 et 95 ci‑dessus, lorsque la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère, la Commission peut présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, sans être tenue d’apporter des preuves supplémentaires établissant que la société mère a effectivement exercé une telle influence ou avait même la moindre connaissance de l’infraction ou de l’implication de ladite filiale dans cette infraction. Il s’agit d’une présomption réfragable, susceptible d’être renversée par la preuve contraire. Contrairement à ce que soutient Transcatab, c’est dès lors à SCC – qui, au moment de la période de l’infraction, détenait 100 % du capital de Transcatab (voir considérant 336 de la décision attaquée) – qu’il incombe de renverser cette présomption par des éléments de preuve susceptibles d’établir que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché et que ces deux sociétés ne constituent donc pas une entité économique unique. À défaut, l’exercice d’un contrôle est démontré par le fait que la présomption tirée de la détention de la totalité du capital n’a pas été renversée (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, points 60 à 62, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié au Recueil, point 93).
104 En l’espèce, la Commission a consacré les considérants 335 à 344 de la décision attaquée à l’examen des arguments et des éléments de preuve avancés par SCC dans sa réponse à la communication des griefs, afin de prouver l’absence d’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale de Transcatab, et ne les a pas considérés comme susceptibles de renverser la présomption.
105 Force est de constater que, dans la requête, Transcatab se borne à affirmer, sans aucunement étayer ses allégations, que SCC a prouvé lors de la procédure administrative qu’elle présentait une structure décentralisée, disposant d’une direction locale propre, totalement indépendante, à laquelle étaient déléguées toutes les fonctions, compte tenu précisément des particularités du marché du tabac brut italien, et que les membres de son conseil d’administration ainsi que son directeur général étaient autonomes et n’avaient aucun lien direct ou indirect avec SCC. Transcatab n’a toutefois nullement identifié les éventuelles erreurs que la Commission aurait commises dans la décision attaquée en ce qui concerne l’appréciation de ces éléments de preuve. Ce n’est que dans la réplique, en réponse à certains arguments de la Commission, qu’elle avance quelques arguments visant à critiquer, de manière indirecte, la décision attaquée.
106 En tout état de cause, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, comme la Commission l’a constaté à juste titre au considérant 338 de la décision attaquée, le fait qu’une filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens ne prouve pas, en soi, qu’elle définit son comportement sur le marché de manière autonome par rapport à sa société mère. Le fait de confier la gestion des activités courantes à la direction locale d’une filiale à 100 % est, en effet, une pratique courante et, de ce fait, n’est pas susceptible de prouver l’autonomie réelle des filiales. Il en va de même de l’argument tiré des prétendues caractéristiques du marché italien du tabac brut, dès lors que ces caractéristiques n’empêchent pas une société mère d’exercer pleinement un contrôle effectif sur sa filiale.
107 Il convient, en outre, de constater que, aux considérants 341 et 342 de la décision attaquée, la Commission a précisé, d’une part, que, avant d’acquérir la totalité du capital de Transcatab, SCC contrôlait déjà cette société avec son partenaire italien et que le fait qu’elle n’ait rien changé à la direction de celle‑ci, à la suite de la prise de contrôle, ne saurait dès lors être considéré comme une preuve de ce qu’elle n’a exercé aucune influence sur sa filiale après en être devenue propriétaire à part entière. La Commission a relevé, d’autre part, que la délégation des pouvoirs exécutifs au directeur général de Transcatab, qui, en l’absence de preuve contraire, pouvait raisonnablement être supposé avoir été désigné par SCC, n’avait pas empêché les autres membres du conseil d’administration d’occuper des postes exécutifs et d’exercer des fonctions exécutives.
108 Or, il convient d’observer que c’est à juste titre que la Commission, faute d’explication de la part de SCC, attribue une signification au fait que celle‑ci, qui avait tous les pouvoirs lorsqu’elle est devenue actionnaire unique pour procéder à un renouvellement partiel ou total du conseil d’administration, n’ait pris aucune mesure en ce sens. Il s’ensuit que le maintien en fonction des membres du conseil d’administration et, en particulier, du directeur général ne peut qu’être attribué à une décision de SCC, en tant qu’actionnaire unique de Transcatab.
109 De plus, la circonstance qu’une seule personne, à savoir le directeur général, dispose de pouvoirs importants qui lui ont été délégués par le conseil d’administration pourrait, au contraire, témoigner de la volonté de la société mère de simplifier l’exercice de son contrôle sur sa filiale, précisément en cantonnant le rôle du conseil d’administration à des activités marginales et en concentrant tous les pouvoirs dans les mains d’un « homme de confiance ». Il n’est, en effet, pas plausible qu’une société multinationale délègue tous les pouvoirs d’une filiale opérationnelle sur un marché national, comme c’est le cas de Transcatab, voire accepte une délégation de pouvoirs préexistant à l’acquisition de la totalité du contrôle, à une personne physique qui, en opérant en totale autonomie et sans avoir prétendument été désignée par l’actionnaire unique, choisirait, à son tour, les membres du conseil d’administration, en privant toute autre personne d’une quelconque influence sur la gestion de la société, et qui ne rendrait, de facto, compte de ses actes à personne.
110 Ainsi, et compte tenu également du fait qu’une délégation de pouvoirs au directeur général d’une filiale n’est aucunement inhabituelle, un tel argument n’est pas susceptible de renverser la présomption de contrôle exercé par la société mère sur Transcatab.
111 En ce qui concerne, ensuite, l’argument visant à critiquer la prétendue déduction que la Commission aurait faite de la circonstance que certains documents étaient rédigés en anglais, il suffit de constater que, contrairement à ce que prétend Transcatab, ces documents, mentionnés aux considérants 343 à 346 de la décision attaquée, n’avaient pour but ni de prouver que les sociétés mères étaient en mesure d’influer ou ont, concrètement, influé sur le comportement de leurs filiales italiennes, ni encore moins de prouver que les sociétés mères avaient connaissance de l’entente en cause. Au contraire, la Commission s’est bornée à utiliser certains documents faisant partie du dossier administratif afin d’établir quel était le niveau de crédibilité des éléments de preuve et des arguments avancés par SCC dans sa réponse à la communication des griefs pour renverser la présomption d’une influence déterminante sur Transcatab.
112 Enfin, il importe d’observer que, contrairement à ce que prétend Transcatab dans la réplique, il ne ressort aucunement de la décision attaquée que la présomption d’influence déterminante ne saurait être renversée que si la participation de la société mère est exclusivement financière.
113 Il s’ensuit que le grief tiré de la méconnaissance des éléments de preuve fournis aux fins de renverser la présomption doit être rejeté.
– Sur la violation des droits de la défense
114 S’agissant du troisième grief soulevé par Transcatab, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 26, et la jurisprudence citée).
115 Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 10, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 21).
116 L’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 67), pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et la jurisprudence citée).
117 Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 115 supra, point 14), car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 70). Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, Rec p. II‑1011, point 448, et du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071, point 438).
118 Par ailleurs, la Cour a précisé que la prise en compte d’un argument avancé par une entreprise au cours de la procédure administrative, sans qu’elle ait été mise en mesure de s’exprimer, à cet égard, avant l’adoption de la décision finale, ne saurait constituer, en tant que telle, une violation de ses droits de la défense (ordonnance de la Cour du 10 juillet 2001, Irish Sugar/Commission, C‑497/99 P, Rec. p. I‑5333, point 24).
119 Enfin, il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle aurait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance, non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 31, et la jurisprudence citée, et du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, non encore publié au Recueil, point 28).
120 En l’espèce, il convient d’observer que, dans la communication des griefs, la Commission, pour justifier l’imputation à SCC de la responsabilité de l’infraction au droit des ententes commise par Transcatab dont elle détenait 100 % du capital, pouvait en principe, à la lumière des principes jurisprudentiels énoncés aux points 94 à 96 ci‑dessus, se limiter à établir quelle était la répartition du capital entre filiales et sociétés mères (voir points 336 à 338 de la communication des griefs). En application de ces principes jurisprudentiels, dans sa décision finale, la Commission était donc tenue de prendre position sur les arguments invoqués par les parties, en réponse à ladite communication (voir les considérants 335 et suivants de la décision attaquée), visant à réfuter la présomption en cause.
121 En outre, quant à l’allégation de Transcatab selon laquelle la Commission aurait utilisé dans la décision attaquée des documents non mentionnés dans la communication des griefs, il y a lieu de relever que ce n’est que dans le cadre de l’appréciation des arguments et des éléments de preuve avancés par les parties lors de la procédure administrative que la Commission aborde effectivement, aux considérants 335 à 344 de la décision attaquée, certains aspects et documents spécifiques concernant les relations entre SCC et Transcatab, et, ce faisant, se réfère à des documents figurant dans le dossier administratif. La prise en compte de ces aspects et documents n’était ainsi pas susceptible d’affecter l’efficacité de l’exercice des droits de la défense de Transcatab, d’autant plus qu’elle avait accès auxdits documents – dont elle disposait déjà en tout état de cause – lors de la procédure administrative.
122 Au demeurant, il ressort du dossier que tant SCC que Transcatab ont été en mesure de répondre au grief explicitement exposé dans la communication des griefs qui leur a été adressée et d’exposer leur défense lors de l’audition auprès du conseiller-auditeur. Le principe du contradictoire a, dès lors, été respecté au cours de la procédure administrative.
123 En tout état de cause, il convient également de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé par la Cour, dès lors que la Commission n’est pas tenue, s’agissant de l’imputabilité de l’infraction, de présenter, au stade de la communication des griefs, des éléments autres que la preuve relative à la détention par la société mère du capital de ses filiales, l’argument relatif à la violation des droits de la défense ne saurait être accueilli (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 88 supra, point 64).
124 Il y a ainsi lieu de rejeter au fond le grief tiré de la violation des droits de la défense sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la question de sa recevabilité soulevée par la Commission.
125 En conclusion, à la lumière de tout ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée dans son intégralité.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003
Arguments des parties
126 Transcatab soutient que, du fait d’avoir tenu Alliance One pour responsable des infractions en cause, la Commission lui a infligé une amende qui dépasse la limite maximale de 10 % de son chiffre d’affaires pour l’exercice précédant l’adoption de la décision attaquée, prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. En effet, l’amende qui lui a été infligée s’élèverait à environ 43 % de son chiffre d’affaires.
127 Pour le reste, Transcatab renvoie aux arguments développés par Alliance One dans son recours (affaire T-25/06), dont elle annexe une copie.
128 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
129 Il convient, en premier lieu, d’observer que cette branche est étroitement liée à la première branche du présent moyen, dans la mesure où le rejet de cette dernière a nécessairement une incidence sur le bien-fondé de la présente branche. Par conséquent, eu égard aux considérations ayant donné lieu au rejet de la première branche du présent moyen, il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant le chiffre d’affaires consolidé de SCC comme référence pour le calcul du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 103 supra, point 114).
130 En effet, ce plafond doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 81 CE, puisque seul le chiffre d’affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, points 528 et 529 , et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 103 supra, point 114).
131 S’agissant, en second lieu, du renvoi général que Transcatab a fait aux arguments développés dans le recours présenté par sa société mère, Alliance One, il y a lieu de relever qu’un tel renvoi, qui ne vise la pièce annexée concernée que de manière générale et ne permet pas au Tribunal d’identifier précisément les arguments qu’il pourrait considérer comme complétant les moyens développés dans les écritures, doit être considéré comme irrecevable.
132 En effet, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêts du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, points 56 et 57, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 94, et la jurisprudence citée).
133 Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit également être rejetée partiellement comme non fondée et partiellement comme irrecevable.
134 Au vu des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.
2. Sur le deuxième moyen, concernant la fixation du montant de départ de l’amende
Sur la première branche du deuxième moyen, concernant la gravité de l’infraction
135 Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, Transcatab soulève plusieurs griefs visant la qualification de « très grave » de l’infraction dans la décision attaquée.
136 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les principes généraux régissant la détermination du montant des amendes et, plus particulièrement, l’appréciation de la gravité de l’infraction.
137 L’article 81, paragraphe 1, sous a) et b), CE déclare expressément incompatibles avec le marché commun les accords et les pratiques concertées qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ou à limiter ou à contrôler la production ou les débouchés. Les infractions de ce type, notamment lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont qualifiées par la jurisprudence de particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 675) ou d’infractions patentes aux règles de concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 109, et du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 303).
138 Aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende à infliger pour des violations de l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.
139 Il est de jurisprudence constante que la gravité des infractions au droit de la concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 241 ; Prym et Prym Consumer/Commission, point 114 supra, point 54, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 91).
140 Afin d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions fixant des amendes pour les violations des règles de concurrence, la Commission a adopté les lignes directrices (premier alinéa des lignes directrices).
141 Les lignes directrices sont un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes que lui confère l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Les lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement n° 1/2003, mais elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 209 à 213, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 219 et 223).
142 Ainsi, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter des justifications (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 209 et 210, et du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91).
143 L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, points 246, 274 et 275). En effet, le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l’évaluation de la gravité d’une infraction ne s’oppose pas à ce qu’elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 237).
144 Selon la méthode prévue par les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité « intrinsèque » de l’infraction. L’évaluation de ladite gravité doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices).
145 Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les « infractions peu graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d’euros, les « infractions graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et 20 millions d’euros, et les « infractions très graves », pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret des lignes directrices). En ce qui concerne les infractions très graves, la Commission précise qu’il s’agit pour l’essentiel de restrictions horizontales de type « cartels de prix » et de quotas de répartition des marchés, ou d’autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret des lignes directrices).
146 Par ailleurs, il convient de relever que les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction mentionnés au point 144 ci-dessus n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global. La nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions « très graves » (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 139 supra, point 101, et arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T-457/05, non encore publié au Recueil, point 137).
147 En revanche, ni l’impact concret sur le marché ni l’étendue du marché géographique ne constituent des éléments nécessaires à la qualification de l’infraction de très grave dans le cas d’ententes horizontales visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix. En effet, si ces deux critères sont des éléments à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit de critères parmi d’autres aux fins de l’appréciation globale de la gravité (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 114 supra, points 74 et 81, et arrêts du Tribunal Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, points 240 et 311, et du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 91).
148 Ainsi, selon une jurisprudence également désormais bien établie, il ressort des lignes directrices que les ententes horizontales visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix peuvent être qualifiées de « très graves » sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 114 supra, point 75 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 178, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 150) et sans que l’étendue limitée du marché géographique concerné ne s’oppose à une telle qualification (voir, en ce sens, arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 139 supra, point 103, et arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 147 supra, point 91).
149 Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 137 ; voir également, en ce sens, arrêt Brasserie nationale e.a./Commission, point 148 supra, point 178).
150 En outre, il existe une interdépendance entre les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction en ce sens qu’un degré élevé de gravité au regard de l’un ou de l’autre des aspects peut compenser la gravité moindre de l’infraction sous d’autres aspects (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 241).
151 En ce qui concerne spécifiquement la présente espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a déterminé le montant de l’amende infligée aux différents destinataires sur la base de la méthode générale qu’elle s’est imposée dans les lignes directrices, et ce même si elle ne fait pas explicitement mention de ces dernières dans ladite décision.
Arguments des parties
152 En premier lieu, Transcatab fait valoir qu’il ressort du texte des lignes directrices, tel que repris au considérant 365 de la décision attaquée, que, afin d’évaluer la gravité de l’infraction, la Commission est tenue de prendre en considération trois critères, à savoir la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché, lorsqu’il est mesurable, et l’étendue du marché géographique en cause. Ainsi, la Commission ne pourrait pas qualifier l’entente de « très grave » en fonction de la seule nature de l’infraction, sans prendre en considération les deux autres critères.
153 Cependant, malgré les dispositions des lignes directrices, la Commission aurait considéré l’infraction en cause comme « très grave ». Cette qualification serait entachée d’erreur en ce qu’elle ne tiendrait pas compte de l’absence d’impact concret de l’infraction sur le marché et de l’étendue réduite du marché géographique concerné. En tenant compte correctement des trois critères susmentionnés, la Commission aurait dû qualifier l’entente d’infraction simplement « grave ». Dans plusieurs précédents, la Commission aurait qualifié d’infraction grave un cartel de prix tel que celui de l’espèce. En outre, dans le cas d’espèce, la Commission ne se serait pas basée exclusivement sur la nature de l’infraction pour qualifier l’infraction de très grave, ainsi qu’elle l’affirme, mais elle aurait évalué la gravité de l’infraction en prenant en compte les trois critères susmentionnés, ainsi qu’il ressortirait des considérants 365 et 368 de la décision attaquée. La circonstance que la Commission ait fixé la sanction en dessous du seuil minimal de 20 millions d’euros prévu par les lignes directrices ne permettrait pas de considérer que Transcatab n’a pas d’intérêt à soulever le moyen, dans la mesure où ce seuil ne constituerait qu’une indication du montant minimal des amendes pouvant être infligées.
154 En deuxième lieu, Transcatab soulève plusieurs griefs concernant spécifiquement l’absence d’effets de l’entente sur le marché. En effet, selon Transcatab, les accords sanctionnés par la décision attaquée n’auraient eu aucun impact sur le marché ou, à tout le moins, n’auraient pas produit les effets convenus. Ainsi, il résulterait de plusieurs comparaisons des prix effectuées par la Commission dans la communication des griefs que les prix indiqués par les parties dans leurs accords ne se seraient jamais « reflétés » sur le marché. Transcatab cite plusieurs exemples concrets et plusieurs données qui étayeraient ses affirmations et fait également valoir que, si l’accord avait eu des effets, il y aurait eu une diminution et une stabilisation des prix, lesquelles ne se seraient pas produites. D’ailleurs, la décision attaquée elle-même indiquerait, aux considérants 97 et suivants, que les prix du tabac brut en Italie ont augmenté entre 1990 et 2000 d’une façon qui ne s’est produite dans aucun autre État membre et que ces augmentations se sont poursuivies jusqu’en 2002, année où les transformateurs ont mis fin à leurs accords. De plus, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision C (2004) 4030 final de la Commission, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 − Tabac brut – Espagne) (ci-après l’« affaire Tabac brut – Espagne »), la Commission aurait considéré l’augmentation des prix du tabac, malgré l’existence d’un accord entre les transformateurs, comme une preuve de l’absence de mise en œuvre des accords. Par ailleurs, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission aurait tenu compte de l’absence d’impact effectif sur le marché des comportements considérés comme particulièrement graves, pour les qualifier de violations « graves » et non « très graves ». La Commission aurait également affirmé erronément et sans motivation, au considérant 368 de la décision attaquée, que l’entente était susceptible d’avoir un effet sur le marché en aval de la transformation et de la vente du tabac transformé. En aval, l’entente aurait pu, tout au plus, avoir pour effet de diminuer les coûts des fabricants de cigarettes.
155 En outre, la motivation de la décision attaquée concernant l’impact de l’infraction sur le marché serait illogique dans la mesure où la Commission soutiendrait que l’entente était de nature à réduire la production globale de tabac au détriment des consommateurs (considérant 282 de la décision attaquée) alors que le problème de fond des marchés du tabac européen et italien aurait été la production excédentaire de tabac de mauvaise qualité. De plus, la Commission n’aurait aucunement mentionné dans la communication des griefs que l’entente avait eu pour effet de diminuer la production. En utilisant cet argument pour la première fois dans la décision attaquée, elle aurait violé les droits de la défense de Transcatab, qui n’aurait pas été mise en mesure d’y répondre. La Commission aurait également mentionné pour la première fois dans la décision attaquée l’effet potentiel sur le marché en aval en violant ainsi encore ses droits de la défense.
156 En troisième lieu, Transcatab fait valoir que le marché géographique concerné par les infractions sanctionnées dans la décision attaquée est d’une étendue particulièrement réduite, se limitant à quatre régions en Italie, ainsi qu’il ressortirait du considérant 84 de la décision attaquée. Il s’agirait donc d’un marché géographiquement beaucoup plus restreint que le marché national. La Commission n’aurait aucunement considéré cet élément pour déterminer la gravité de l’infraction. La décision attaquée serait donc viciée par un défaut évident de motivation à cet égard. En outre, en vertu de la pratique décisionnelle de la Commission, l’infraction aurait dû être considérée comme grave et non comme très grave. De plus, dans la décision concernant l’affaire Tabac brut – Espagne, la Commission aurait tenu compte pour la détermination de l’amende de la dimension relativement réduite du marché de produits, qui ne couvrait que certaines régions d’Espagne.
157 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
158 Il y a d’abord lieu de relever que Transcatab conteste formellement le « montant de base » de l’amende, qui correspond, conformément au point 1 B, quatrième alinéa, des lignes directrices, à l’addition des montants établis en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Toutefois, il ressort de son argumentation que le montant de l’amende contesté est celui déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de sorte que le montant dont il s’agit dans le cadre de ce moyen est le montant de départ de l’amende, tel que mentionné au considérant 376 de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 107).
– Sur la qualification d’infraction très grave
159 S’agissant du grief de Transcatab tiré de ce que la Commission aurait commis des erreurs dans la qualification de l’infraction de « très grave », il convient d’abord de relever que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 146 à 148 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence constante que, parmi les trois critères mentionnés dans les lignes directrices pour l’évaluation de la gravité de l’infraction, la nature de l’infraction joue un rôle primordial pour caractériser les infractions très graves. Ainsi, des accords ou des pratiques concertées visant à la fixation des prix ou à la répartition des marchés peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très grave », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact concret sur le marché ou une étendue géographique particuliers.
160 En l’espèce, quant à la nature de l’infraction en cause, il y a lieu de constater que celle-ci avait pour objet, notamment, la fixation en commun des prix payés par les transformateurs pour le tabac brut ainsi que la répartition des fournisseurs et des quantités de tabac brut. De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et donc des violations « très graves » par nature. Les ententes de ce type sont qualifiées par la jurisprudence d’infractions patentes aux règles de concurrence ou d’infractions particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (voir point 137 ci-dessus).
161 Il s’ensuit qu’en l’espèce la Commission pouvait qualifier l’entente d’infraction très grave sur la base de la nature propre de l’infraction, et ce indépendamment de son impact concret sur le marché et de son étendue géographique (voir la jurisprudence mentionnée aux points 146 à 149 ci-dessus et, notamment, l’arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 139 supra, point 103).
162 En outre, en ce qui concerne spécifiquement les différentes références faites par Transcatab aux décisions adoptées précédemment par la Commission, il y a lieu de rappeler que la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 1/2003, tel qu’appliqué à la lumière des lignes directrices, et que la Commission dispose dans le domaine de la fixation du montant des amendes d’un large pouvoir d’appréciation et n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 82, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 139 supra, point 123). Il s’ensuit que les allégations de Trancatab relatives à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sauraient prospérer.
163 Par ailleurs, aucun des arguments avancés par Transcatab ne saurait remettre en cause la qualification de l’entente de très grave. C’est ainsi à titre surabondant qu’il y a lieu de les analyser.
– Sur l’impact concret de l’infraction sur le marché
164 En ce qui concerne, spécifiquement, les arguments tirés d’erreurs dans la détermination de la gravité de l’infraction, en raison de la prétendue absence d’impact concret de l’infraction sur le marché, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme Transcatab, il ressort de la lecture de la décision attaquée que, bien qu’au considérant 365 de celle-ci la Commission, en reprenant les termes des lignes directrices, soit partie de la prémisse que pour évaluer la gravité de l’infraction elle doit prendre en considération les trois éléments mentionnés au premier alinéa du point 1 A desdites lignes directrices (voir point 144 ci-dessus), elle n’a pas ensuite fondé l’appréciation de la gravité de l’infraction sur l’impact concret de l’infraction sur le marché.
165 En effet, la partie de la décision attaquée concernant l’appréciation de la gravité de l’infraction (considérants 365 à 369) ne contient aucune analyse de l’impact concret de l’infraction sur le marché. En particulier, contrairement à ce que soutient Transcatab, une telle analyse ne ressort pas du considérant 368 de la décision attaquée. Ce considérant, qui est strictement lié au considérant précédent concernant la nature de l’infraction, se réfère de manière générale à la capacité des ententes en matière d’achat, tout comme dans le cas typique des « cartels de vente », d’affecter la concurrence. La Commission y affirme que ce type d’ententes est susceptible d’altérer le comportement concurrentiel des entreprises en cause, qu’il s’agisse des producteurs ou de celles exerçant des activités en aval, dans la mesure où il a une incidence sur un paramètre fondamental du comportement concurrentiel des entreprises intervenant dans une filière de transformation, à savoir le prix d’achat du produit objet de la transformation. Dans le même considérant, la Commission affirme ensuite que cette capacité d’altérer la concurrence est d’autant plus importante dans le cas d’un produit comme celui en cause dans la présente espèce.
166 En outre, la partie de la décision attaquée concernant l’analyse de la restriction de la concurrence (considérants 277 et suivants), auquel renvoie le considérant 368, ne contient pas davantage une analyse de l’impact concret de l’infraction sur le marché. En effet, contrairement à ce que prétend Transcatab, rien n’indique qu’il serait possible de déduire de cette partie de la décision attaquée, qui analyse la portée restrictive de concurrence des accords entre les transformateurs, que la Commission se serait prévalue de l’impact concret des ententes sur le marché pour déterminer la gravité de l’infraction aux fins de la fixation de l’amende.
167 C’est d’ailleurs dans le cadre des considérations concernant la capacité de l’entente d’achat à influer sur les comportements des transformateurs que s’inscrit la référence en des termes assez généraux aux possibles effets sur les marchés en aval contestée par Transcatab (voir point 154 supra in fine). Or, dans la mesure où l’entente déterminait notamment les quantités de tabac achetées par chacun des transformateurs, Transcatab ne saurait faire valoir que l’affirmation selon laquelle l’entente avait la capacité d’affecter les activités en aval de la transformation du tabac et de la vente du tabac transformé est erronée. En effet, dans la mesure où elle décidait des quantités achetées du produit brut, l’entente était forcément en mesure d’affecter les comportements des transformateurs en aval concernant le produit transformé. D’ailleurs, Transcatab n’a avancé aucun argument et n’a fourni aucune preuve susceptible de remettre en cause cette affirmation. En outre, il convient de relever qu’il n’y a aucune mention dans la décision attaquée d’éventuels effets sur le prix des cigarettes pour les consommateurs finaux, de sorte que les arguments avancés à cet égard par Transcatab doivent être écartés.
168 En ce qui concerne spécifiquement les données présentées par Transcatab ou les données mentionnées dans la décision attaquée qui prouveraient l’absence d’effets de l’entente sur le marché (voir point 154 ci-dessus), il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que, pour apprécier la gravité de l’infraction, il est décisif de savoir que les membres de l’entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir afin de donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, quant aux prix de marché effectivement réalisés, étant susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente, les membres de l’entente ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts (voir arrêts Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 287 ; Carbone‑Lorraine/Commission, point 147 supra, point 86, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 130, et la jurisprudence citée).
169 En outre, selon la jurisprudence il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur, ou, comme en l’espèce, dans le cas d’ententes d’achat, inférieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente. Il serait disproportionné d’exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables, étant donné qu’elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, basés sur des modèles économiques dont l’exactitude n’est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n’est nullement prouvé (voir, en ce sens, arrêts Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 286 ; Carbone-Lorraine/Commission, point 147 supra, point 85, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 129, et la jurisprudence citée).
170 En l’espèce, l’analyse de la partie de la décision attaquée concernant les faits incriminés montre que les transformateurs ont consciemment mis en œuvre les conduites anticoncurrentielles pour lesquelles ils ont été sanctionnés (voir, à titre d’exemple, les considérants 111, 124, 125, 141 et 158 de la décision attaquée). Cette considération trouve d’ailleurs confirmation dans la circonstance que l’entente avait un caractère secret, ainsi qu’il ressort des considérants 363 et 473 de la décision attaquée. En outre, selon la décision attaquée, les transformateurs sont convenus à plusieurs reprises de mesures destinées à assurer la mise en œuvre effective de l’entente, telles que l’envoi réciproque des factures de leurs fournisseurs respectifs (considérants 122 et 129 de la décision attaquée), une obligation de consultation en cas d’achats en dehors des accords (considérant 139 de la décision attaquée), des obligations de contrôle des employés afin d’éviter qu’ils ne prennent des initiatives sans la coordination nécessaire (considérant 140 de la décision attaquée), la création d’une structure visant à assurer la réalisation d’objectifs anticoncurrentiels (considérant 187 de la décision attaquée). À cet égard, il convient encore de relever qu’il ressort du considérant 383 de la décision attaquée que la Commission a établi que l’entente avait été mise en œuvre.
171 Dans ces conditions, doivent être rejetées les allégations d’erreurs de la Commission fondées sur l’absence d’application sur le marché des prix indiqués par les parties dans leurs accords et sur la circonstance que la Commission disposait de données qui montreraient une augmentation des prix du tabac brut supérieure à celle des autres produits agricoles.
– Sur l’étendue géographique du marché
172 En ce qui concerne l’argument tiré de l’étendue géographique réduite du marché concerné par l’infraction, il ressort de la jurisprudence citée aux points 147 à 149 ci‑dessus que l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome, en ce sens que seules des infractions concernant la plupart des États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification d’infraction « très grave ». Ni le traité, ni le règlement n° 1/2003, ni les lignes directrices, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions de la concurrence géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi. D’ailleurs, comme il a été rappelé au point 148 ci-dessus, des accords visant notamment, comme en l’espèce, la fixation des prix d’achat ainsi que la répartition des quantités achetées peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, une qualification d’infraction très grave, sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par une étendue géographique particulière. Il s’ensuit que la taille du marché géographique concerné, même à supposer qu’elle soit limitée, ne s’oppose pas à la qualification de « très grave » de l’infraction constatée en l’espèce. La Commission n’a, dès lors, commis aucune erreur dans la qualification de « très grave » de l’infraction compte tenu de l’étendue géographique du marché concerné.
173 À titre surabondant, il convient de relever que, bien qu’il soit constant que la production de tabac brut était concentrée dans certaines régions d’Italie, force est, toutefois, de constater que l’entente concernait le marché de l’achat de tabac brut et non celui de la production, de sorte que son champ d’application n’était pas limité à ces régions, mais couvrait tout le territoire italien. Or, selon une jurisprudence constante, le territoire d’un État membre constitue une partie substantielle du marché commun (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 28 ; arrêt Groupe Danone/Commission, point 148 supra, point 150). Ainsi, Transcatab ne saurait faire valoir que l’étendue géographique du marché concerné par l’infraction était limitée.
– Sur la violation de l’obligation de motivation
174 En ce qui concerne les griefs tirés de la violation de l’obligation de motivation, il importe de relever qu’il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision individuelle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).
175 Dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, l’obligation de motivation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 463, et la jurisprudence citée).
176 En l’espèce, en ce qui concerne l’appréciation de la gravité de l’infraction, la Commission a indiqué aux considérants 365 à 369 de la décision attaquée les raisons qui l’ont amenée à conclure que l’infraction devait être qualifiée de très grave. Ainsi qu’il a été exposé aux points 159 et suivants ci-dessus, la Commission a fondé cette conclusion sur la nature très grave de l’infraction en cause.
177 Or, il convient de relever que l’impact concret sur le marché et l’étendue géographique du marché concerné ne constituant pas des éléments nécessaires à la qualification de l’infraction de très grave dans le cas d’ententes horizontales visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix, la Commission n’était pas tenue de motiver l’absence de prise en considération de ces critères. À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre des analyses concernant des violations de l’article 81 CE, l’article 253 CE ne peut être interprété dans le sens qu’il impose à la Commission d’expliquer dans ses décisions les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu, en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende, des approches autres que celle effectivement retenue dans la décision attaquée (voir arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T‑18/05, non encore publié au Recueil, point 153, et la jurisprudence citée).
178 Dans ces circonstances, la Commission n’a pas méconnu son obligation de motivation en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché ou l’étendue limitée du marché géographique.
179 Enfin, en ce qui concerne spécifiquement le grief soulevé par Transcatab tiré de la motivation illogique de la décision attaquée relativement à la production excédentaire de tabac (voir point 155 ci-dessus), il convient de relever que l’existence d’une surproduction ne constitue pas nécessairement une preuve du fait que la mise en œuvre de l’entente destinée à réduire cette production a été sans effet. En effet, il n’est pas possible d’exclure que, en l’absence de l’entente, la production de tabac aurait même été encore plus élevée. Contrairement à ce que soutient Transcatab, il n’y a donc pas de contradiction nécessaire entre l’existence d’une surproduction et l’affirmation contenue dans la décision attaquée selon laquelle l’entente était de nature à réduire la production globale de tabac. Transcatab ne saurait donc pas faire valoir sur la base de cet argument que la motivation de la décision attaquée sur ce point serait illogique. Cet argument doit donc être rejeté.
– Sur les violations des droits de la défense
180 Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d’une infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 115 supra, point 21 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 199, et du 19 mai 2010, Wieland‑Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié au Recueil, point 129).
181 En revanche, la Commission n’est pas obligée, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle baserait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l’amende (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 369). En outre, dans sa décision, la Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir arrêt Schneider Electric/Commission, point 117 supra, point 438, et la jurisprudence citée).
182 Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission par la possibilité qu’elles ont de présenter leurs observations portant sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits qui leurs sont reprochés (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 235, et Wieland‑Werke e.a./Commission, point 180 supra, point 131).
183 En l’espèce, force est de constater que, dans le cadre du point II A de la communication des griefs, la Commission a énoncé, conformément à la jurisprudence, les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition de l’amende à Transcatab. En particulier, la Commission y a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle s’est basée dans la décision attaquée pour le calcul du montant de départ de l’amende infligée à la requérante. Transcatab a eu la possibilité de présenter ses observations sur ces éléments, de sorte qu’il y a lieu de conclure que son droit d’être entendu a été dûment respecté à cet égard. D’ailleurs, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de la présente branche, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas fondé la qualification de très grave de l’infraction sur les effets concrets de l’entente sur le marché tant en ce qui concerne la diminution de la production qu’en ce qui concerne les activités exercées en aval, mais elle a, en revanche, fondé cette qualification sur la nature très grave des infractions en cause.
184 À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen dans son intégralité.
Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime dans la fixation du montant de base de l’amende
Arguments des parties
185 En premier lieu, Transcatab fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en ce qu’elle lui a infligé une amende de 14 millions d’euros. Cette amende serait disproportionnée par rapport tant au total de ses achats annuels sur le marché de référence qui n’aurait pas atteint les 13 millions d’euros, qu’à la valeur totale des achats de tabac constituant l’objet des accords qui n’aurait pas dépassé les 50 millions d’euros annuels. La Commission aurait dû tenir compte des dimensions particulièrement réduites du marché en fixant l’amende. En outre, les nouvelles lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les « lignes directrices de 2006 ») établiraient que le montant de base de l’amende doit être fixé par rapport à la valeur des ventes de l’entreprise sur le marché faisant l’objet de l’entente.
186 En second lieu, Transcatab fait valoir que la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime dans la fixation du montant de base de l’amende. Elle aurait traité différemment, sans aucune justification, l’entente en cause dans la présente affaire et celle qui a fait l’objet de la décision dans l’affaire Tabac brut – Espagne, alors que les deux affaires présentaient des similitudes importantes en ce qui concerne tant l’objet de l’entente que son étendue géographique limitée.
187 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
– Sur la violation du principe de proportionnalité
188 Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).
189 Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 188 supra, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, non encore publié au Recueil, point 171).
190 En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré du caractère disproportionné de l’amende par rapport à la valeur totale des achats sur le marché concerné, il y a lieu de relever que il ne ressort ni du règlement n° 1/2003 ni des lignes directrices que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction (arrêts de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 132, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, point 114 supra, point 55). Ces dispositions n’imposent donc pas à la Commission, en tant que telles, de tenir compte de la taille limitée du marché des produits (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, point 148).
191 Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 139 ci-dessus, selon la jurisprudence, lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de l’infraction concernée. Parmi ces éléments attestant de la gravité d’une infraction, il ne peut être exclu que puisse figurer, selon le cas, la taille du marché du produit en cause (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 115 supra, point 120, et arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 267).
192 Par conséquent, si la taille du marché peut constituer un élément à prendre en considération pour établir la gravité de l’infraction, son importance varie en fonction du type d’infraction et des circonstances particulières de l’infraction concernée.
193 En l’espèce, s’agissant, premièrement, du type d’infraction, il y a lieu de constater que l’entente en cause avait pour objet, notamment, la fixation en commun des prix payés par les transformateurs pour le tabac brut ainsi que la répartition des fournisseurs et des quantités de tabac brut. De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et donc des infractions « très graves » par nature. Pour ce type d’ententes, qui sont qualifiées par la jurisprudence d’infractions patentes aux règles de concurrence ou d’infractions particulièrement graves dès lors qu’elles ont une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (voir point 137 ci-dessus), les lignes directrices envisagent une sanction ayant un montant minimal de départ allant au-delà de 20 millions d’euros.
194 S’agissant, deuxièmement, des circonstances particulières de l’infraction concernée, il convient de constater que la taille du marché en cause n’était aucunement négligeable dès lors qu’il ressort du considérant 366 de la décision attaquée que la production de tabac brut en Italie représentait 38 % de la production sous quota dans l’Union. De plus, il ressort de la note en bas de page n° 290 de la décision attaquée que, l’entente s’étendant également aux achats auprès des « tiers tasseurs » – à savoir des intermédiaires qui achètent eux-mêmes du tabac brut des producteurs et effectuent un traitement initial du tabac –, elle concernait des achats d’une valeur qui excédait la simple valeur des achats de tabac brut produit en Italie.
195 Dans ces conditions, Transcatab ne saurait faire valoir que son amende est disproportionnée par rapport à la valeur totale des achats sur le marché concerné.
196 En second lieu, en ce qui concerne le grief tiré du caractère disproportionné de l’amende par rapport à la valeur des achats de Transcatab sur le marché concerné, il y a lieu d’abord de souligner que le droit applicable ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur le marché concerné (voir arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 277, et la jurisprudence citée).
197 En outre, selon la jurisprudence constante, il est loisible, en vue de la détermination de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Il ne faut attribuer ni à l’un ni à l’autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation et, par conséquent, la fixation d’une amende appropriée ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentent qu’une faible fraction de ce chiffre (arrêts de la Cour Musique diffusion française e.a./Commission, point 115 supra, point 121 ; Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 243, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 114).
198 Or, force est de constater que, ainsi qu’il ressort des points 40 à 43 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a fixé l’amende en fonction de la part de marché de chaque entreprise en termes d’achats du produit en cause sur le marché sur lequel l’infraction a eu lieu. Ainsi, la valeur des achats sur le marché concerné a été un critère dont il a été tenu compte dans la détermination de l’amende en l’espèce.
199 De plus, il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où le montant de l’amende finale ne dépasse pas 10 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise intéressée au cours de la dernière année d’infraction, l’amende ne saurait être considérée comme disproportionnée du seul fait qu’elle dépasse le chiffre d’affaires réalisé sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II-2597, point 200).
200 Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé aux points 160 et 193 ci-dessus, l’infraction en cause avait pour objet des pratiques constituant des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et donc des restrictions « très graves » par nature. Pour ce type d’ententes particulièrement graves, les lignes directrices envisagent une sanction ayant un montant minimal de départ de plus de 20 millions d’euros. Or, il ressort du considérant 376 de la décision attaquée que le montant de départ de l’amende infligée à Transcatab correspond à un montant nettement inférieur à celui que, en vertu des lignes directrices, la Commission aurait pu envisager pour des infractions très graves. Dans ce contexte, Transcatab ne saurait faire valoir que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée par rapport à la prétendue taille limitée du marché en cause et le total de ses achats annuels sur le marché de référence.
201 Enfin, pour ce qui est de l’argument que la requérante tire des lignes directrices de 2006, il y a lieu de souligner, comme l’admet Transcatab elle-même, que celles-ci n’étaient pas applicables aux faits à l’origine du présent litige (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, non encore publié au Recueil, point 108).
– Sur la violation du principe d’égalité de traitement
202 Conformément à une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt Hoechst/Commission, point 158 supra, point 79).
203 Il convient également de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 162 ci‑dessus, selon une jurisprudence bien établie, la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, que la Commission dispose, dans le domaine de la fixation du montant des amendes, d’un large pouvoir d’appréciation et qu’elle n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement.
204 Le seul fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, qu’un comportement justifiait une amende d’un certain montant n’implique nullement qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 110, et la jurisprudence citée).
205 Ainsi, en l’espèce, il convient de considérer que la simple invocation par Transcatab de la décision relative à l’affaire Tabac brut – Espagne ne saurait prospérer, dans la mesure où la Commission n’était pas tenue d’apprécier de la même manière la présente affaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, point 162 supra, point 83).
206 S’agissant spécifiquement de l’application du principe d’égalité de traitement en l’espèce, il convient de souligner que les autres décisions de la Commission intervenues en matière d’amendes ne présentent en principe qu’un caractère indicatif, à plus forte raison lorsque les données circonstancielles de ces autres décisions ne sont pas identiques à celles de la décision en cause (arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, point 204 supra, point 112). Or, en l’espèce, s’il est vrai qu’il existe certaines analogies entre l’affaire Tabac brut – Espagne et la présente affaire, il y a, toutefois, des différences importantes entre elles qui ne peuvent aucunement être négligées. En effet, d’une part, il n’est pas contesté que le marché espagnol avait une dimension et une importance moindres que celles du marché italien. D’autre part, les cadres réglementaires nationaux régissant le secteur concerné étaient différents (voir, plus spécifiquement, points 317 et suivants ci-après).
207 Or, eu égard à ces différences non négligeables, la Commission était en droit, et même tenue, de traiter différemment les deux cas en ce qui concerne la détermination de la sanction. Par conséquent, Transcatab ne saurait valablement s’appuyer sur la décision de la Commission dans l’affaire Tabac brut – Espagne pour faire valoir l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement dans le cas d’espèce.
– Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime
208 Il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du Tribunal du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 117, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T‑13/03, Rec. p. II‑947, point 203, et la jurisprudence citée).
209 En l’espèce, force est de constater que la première condition prévue par la jurisprudence fait défaut. En effet, il ressort de la jurisprudence que la détermination du montant des amendes relève du large pouvoir d’appréciation de la Commission de sorte que les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans la détermination de tels montants (voir arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, point 204 supra, point 109, et la jurisprudence citée). Ainsi, le précédent relatif à l’affaire Tabac brut – Espagne invoqué par Transcatab ne saurait être considéré comme lui ayant fourni une assurance précise, inconditionnelle et concordante au sens de la jurisprudence mentionnée au point précédent.
210 En outre, force est de constater que la décision dans l’affaire Tabac brut – Espagne a été adoptée par la Commission en octobre 2004, à savoir plus de deux années après la présentation par Transcatab de sa demande de réduction d’amende au titre de la communication sur la coopération. Dans ces conditions, Transcatab ne saurait aucunement faire valoir qu’elle a agi en se fondant sur une confiance légitime qu’elle aurait tirée de la fixation du montant de l’amende dans ladite affaire.
211 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen dans son intégralité.
Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité dans la prise en compte du caractère dissuasif de la sanction et de la situation financière de Transcatab
Arguments des parties
212 Transcatab conteste l’application du coefficient multiplicateur lors de la fixation du montant de départ de l’amende. Premièrement, elle conteste la prémisse de cette application, à savoir l’attribution de la responsabilité de l’infraction à sa société mère, Alliance One.
213 Deuxièmement, elle fait valoir que, en l’espèce, l’effet dissuasif aurait pu être obtenu sans l’application d’un coefficient multiplicateur et grâce à la fixation d’un montant de départ de l’amende inférieur à celui retenu par la Commission.
214 Troisièmement, elle soutient que, en vertu du principe de proportionnalité, la Commission aurait dû moduler le montant de l’amende en tenant compte de la situation financière précaire de Transcatab et des risques pour la poursuite de son activité. En effet, durant la période allant de 1995 à 2002, Transcatab aurait cumulé des pertes importantes et elle aurait été contrainte à la liquidation à la suite de l’amende imposée par la Commission. De surcroît, Transcatab ne serait plus présente sur le marché italien et elle n’aurait plus été active sur le marché à la date de la décision attaquée, de sorte qu’il n’y aurait eu aucune nécessité de dissuasion en ce qui la concerne. De même, en l’espèce, il n’y aurait eu aucune exigence supplémentaire de dissuasion liée à une production dite « multiproduits ». Enfin, même les lignes directrices de 2006 feraient référence à la capacité de l’entreprise de payer l’amende, prenant ainsi en considération le risque de compromettre sa viabilité économique.
215 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
216 Il ressort de la jurisprudence que les sanctions prévues à l’article 23 du règlement n° 1/2003 ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d’en prévenir le renouvellement. Il s’ensuit que la dissuasion constitue une finalité de l’amende (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, points 218 et 219, et la jurisprudence citée, et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 103 supra, point 150).
217 La nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende exige que le montant de celle‑ci soit modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 283 ; du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379, et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 103 supra, point 154). Ainsi, si la nécessité d’assurer à l’amende un effet dissuasif suffisant est un objectif légitime que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende, il n’en demeure pas moins qu’elle est tenue de respecter les principes généraux du droit, et notamment le principe de proportionnalité, non seulement dans la détermination du montant de départ, mais aussi lors de la majoration de ce montant dans le but d’assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende (arrêt Degussa/Commission, précité, point 316).
218 Les lignes directrices mentionnent la finalité dissuasive en leur point 1 A, consacré à la gravité des infractions. Plus précisément, le quatrième alinéa de ce point énonce qu’il sera nécessaire de « déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ». En l’espèce, aux considérants 374 et 375 de la décision attaquée, la Commission a motivé la nécessité d’appliquer un coefficient multiplicateur de 1,25 par la volonté d’assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende infligée à Transcatab en considérant que celle-ci appartenait à un groupe multinational doté d’une force économique et financière considérable, parmi les principaux négociants en tabac mondiaux, opérant à différents niveaux d’activité au sein de l’industrie du tabac et sur différents marchés géographiques.
219 S’agissant, premièrement, de l’argument concernant la prémisse de l’application du coefficient multiplicateur, à savoir l’attribution de la responsabilité de l’infraction à sa société mère, Alliance One, il suffit de relever que, dans le cadre du premier moyen, il a été conclu que la Commission avait considéré à juste titre qu’Alliance One devait être considérée comme coresponsable de l’infraction commise pas Transcatab (voir la première branche du premier moyen). Ainsi, cet argument ne saurait prospérer.
220 S’agissant, deuxièmement, de l’argument que Transcatab tire du caractère déjà suffisamment dissuasif du montant de départ de 10 millions d’euros, force est de constater qu’elle n’étaye aucunement son affirmation selon laquelle le montant de l’amende, s’il avait été déterminé sans tenir compte du coefficient multiplicateur afférent à l’effet dissuasif, aurait été suffisant pour assurer un tel effet à l’amende (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, point 201 supra, point 107).
221 S’agissant, troisièmement, du grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de sa situation financière précaire et aurait ainsi violé le principe de proportionnalité en lui appliquant le coefficient multiplicateur, il convient d’abord de relever que, selon la jurisprudence, l’objectif de dissuasion ayant trait à la conduite des entreprises au sein de l’Union, le facteur de dissuasion est évalué en prenant en compte une multitude d’éléments, et non pas la seule situation particulière de l’entreprise concernée (arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Itochu/Commission, T‑12/03, Rec. p. II-883, point 93 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 23, et arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 189 supra, point 300).
222 En outre, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 327, et du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 105, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, non encore publié au Recueil, point 95).
223 Ainsi, Transcatab ne saurait contester l’application du coefficient multiplicateur à des fins dissuasives en se fondant sur la circonstance qu’elle a subi des pertes pendant la période de mise en œuvre de l’entente l’ayant conduite à ne plus être active sur le marché concerné par l’entente depuis l’ouverture de la procédure. En outre, eu égard à l’appartenance de Transcatab à un groupe multinational doté d’une force économique et financière considérable et à l’attribution de la responsabilité à sa société mère, l’application du coefficient multiplicateur à un montant fixé en fonction du chiffre d’affaires global de ce groupe ne saurait être considérée comme rendant l’amende disproportionnée.
224 Par ailleurs, force est de constater que, en l’espèce, Transcatab n’a pas prouvé, ni pendant la procédure administrative ni devant le Tribunal, son affirmation selon laquelle elle aurait été contrainte à la liquidation du fait de l’ouverture par la Commission de l’enquête en cause et de l’amende envisagée. Il y a également lieu de rappeler que le fait qu’une mesure prise par une institution provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 372, et la jurisprudence citée).
225 Pour ce qui est de l’argument concernant l’exigence supplémentaire de dissuasion pour des entreprises dont la production est dite « multiproduits », force est de constater que la décision attaquée ne contient aucune référence à une telle exigence, de sorte que cet argument est dépourvu de pertinence en l’espèce. Enfin, pour ce qui est de l’argument tiré des lignes directrices de 2006, il a déjà été relevé que celles-ci n’étaient pas applicables aux faits à l’origine du présent litige (voir point 201 ci-dessus).
226 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son intégralité.
3. Sur le troisième moyen, concernant la fixation du montant de base de l’amende
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une majoration erronée du montant de l’amende au titre de la durée de l’infraction
Arguments des parties
227 En premier lieu, Transcatab conteste l’augmentation de 60 % du montant de départ de l’amende sur le fondement de la constatation que les transformateurs avaient participé à une infraction unique pour une durée de six ans et quatre mois. En effet, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que, durant la période comprise entre 1999 et 2002, les accords conclus sur le marché italien du tabac brut avaient été, en grande partie, des accords interprofessionnels conclus entre l’Unitab et l’APTI. La Commission aurait donc dû distinguer, dans la détermination de l’amende, entre les comportements qui se sont déroulés entre 1995 et 1998 et ceux qui se sont déroulés entre 1999 et 2002, pour lesquels la responsabilité incombait exclusivement à l’APTI. D’ailleurs, la Commission elle-même relèverait que l’APTI avait la responsabilité exclusive de ses décisions (considérant 253 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission aurait dû à tout le moins ne pas majorer l’amende pour les trois années en cause.
228 En particulier, il ressortirait des considérants 152 et 154 de la décision attaquée ainsi que de certains documents versés au dossier que, déjà à partir de 1998, les contacts entre les transformateurs se sont déroulés dans le contexte des accords interprofessionnels et aux fins de les préparer. De telles réunions entre les transformateurs se seraient ensuite poursuivies pendant toute la période durant laquelle l’APTI était chargée de la négociation des accords interprofessionnels avec l’Unitab. Transcatab se réfère spécifiquement aux considérants 104, 143, 151 à 153, 158 et 165 de la décision attaquée. En ce qui concerne l’année 1999, seuls les considérants 158 et 159 de la décision attaquée ne concerneraient pas directement des accords interprofessionnels. Cependant, ils les concerneraient indirectement. Même après 1999 les contacts entre les transformateurs seraient toujours intervenus dans le cadre de la définition d’une position commune à tenir au sein de l’APTI. Transcatab cite comme exemple les considérants 199 et 212 de la décision attaquée ou, dans le cadre des objectifs poursuivis par le biais de la Cogentab – l’association créée par l’APTI et l’Unitab –, les considérants 187 à 189, 191 et 208 de la décision attaquée. De toute façon, les contacts intervenus entre les transformateurs en dehors des accords interprofessionnels se seraient limités à certains aspects du marché, en se concrétisant principalement en de simples échanges d’informations.
229 En second lieu, Transcatab aurait prouvé, dans le cadre du deuxième moyen, que l’entente n’a pas eu d’impact sur le marché et qu’elle n’a pas pu causer de préjudice aux consommateurs. Or, selon les lignes directrices, le but précis de la majoration pour les infractions de longue durée serait celui de « sanctionner réellement les restrictions qui ont produit durablement leurs effets nocifs à l’égard des consommateurs ». Il en résulterait que, en appliquant automatiquement une majoration de 10 % par an sans prendre en considération la situation dans le cas concret, la Commission aurait commis une erreur dans l’application des critères qu’elle avait elle-même fixés pour le calcul de l’amende.
230 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
– Sur la majoration de l’amende au titre de la durée de l’accord
231 Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 90 supra, point 81). Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 258).
232 En outre, lorsque des accords et des pratiques concertées constatés se s’inscrivent, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d’objectifs de prix et de quotas, systèmes qui s’inscrivent à leur tour dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l’évolution des prix, il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes, alors qu’il s’agit au contraire d’une infraction unique qui s’est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées (voir, en ce sens, arrêt BST/Commission, point 222 supra, point 33, et la jurisprudence citée).
233 En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré sans être contredite sur ce point par Transcatab que les pratiques des transformateurs ont donné lieu à une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE dans la mesure où elles se sont inscrites dans le cadre d’un plan global qui définissait les comportements sur le marché en matière d’achat en visant un objet anticoncurrentiel identique et un même but économique, à savoir celui de fausser l’évolution normale des prix sur le marché du tabac brut et de contrôler les approvisionnements par leur répartition. La Commission a mis en évidence en particulier, sans que Transcatab ait contesté ce point, que l’entente a eu les mêmes objectifs pendant toute sa durée et a présenté la même structure au fil du temps ainsi que les mêmes mécanismes de fonctionnement (voir considérants 264 à 269 de la décision attaquée).
234 La Commission a également constaté sans être contredite à cet égard par Transcatab qu’après 1999, parallèlement à la coordination en dehors des accords interprofessionnels, les transformateurs se sont coordonnés afin de déterminer le comportement de l’APTI et que cette coordination constituait, au cours de ces années, un élément important de la stratégie d’entente des transformateurs (voir considérant 244 de la décision attaquée). Ainsi, la préparation des réunions de l’APTI poursuivait le même but anticoncurrentiel que celui poursuivi par la conclusion des accords entre les transformateurs, à savoir celui de fausser l’évolution normale des prix sur le marché du tabac brut.
235 Or, en l’absence de contestation de ces appréciations, même dans l’hypothèse où, ainsi que le soutient Transcatab, à partir de 1999, les réunions entre les transformateurs n’auraient eu qu’un caractère préliminaire et préparatoire aux réunions de l’APTI, la Commission pouvait à bon droit considérer que la participation à ces réunions s’insérait dans le cadre d’une infraction unique et continue, dans la mesure où elle a constaté que la coordination entre transformateurs afin de déterminer le comportement de l’APTI faisait partie de la stratégie d’entente et s’inscrivait dans le même but unique poursuivi par les transformateurs avant 1999.
236 Par conséquent, même à supposer que, ainsi que le soutient Transcatab, après 1999 les comportements des transformateurs aient été exclusivement préliminaires et préparatoires aux réunions de l’APTI, cette circonstance ne saurait avoir aucune incidence sur la durée de l’infraction, de sorte que la Commission, même dans ce cas hypothétique, aurait quand même pu considérer que l’infraction commise par les transformateurs avait eu une durée d’environ six ans et quatre mois. Ainsi, le grief de Transcatab tiré de ce que pendant la période allant de 1999 à 2002 les comportements des transformateurs auraient eu exclusivement une nature préparatoire à la conclusion des accords interprofessionnels ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée, de sorte qu’il doit être considéré comme inopérant.
237 Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument tiré de ce que la Commission a retenu que c’était l’APTI, et non ses membres, qui devait être considérée comme responsable de ses comportements (voir considérant 253 de la décision attaquée). En effet, les comportements de l’APTI ont constitué une infraction différente de celle commise par les transformateurs qui poursuivait un but anticoncurrentiel propre, même si coïncidant partiellement avec le but anticoncurrentiel poursuivi par les transformateurs (voir considérants 270 à 273 de la décision attaquée). Cette constatation n’est pas contestée par Transcatab.
238 En tout état de cause, il y a lieu de relever que le présent grief manque également en fait.
239 Premièrement, Transcatab elle-même reconnaît explicitement dans ses écritures que, pendant la période concernée, il y a eu des contacts entre les transformateurs « au-delà des accords interprofessionnels », qui auraient concerné « certains aspects du marché », et dans le cadre desquels il y aurait eu des échanges d’informations sensibles. Transcatab affirme également que dans ladite période « la plus grande partie » des accords conclus sur le marché italien du tabac brut ont été des accords interprofessionnels conclus entre l’Unitab et l’APTI, affirmation qui laisse entendre que, pendant cette période, il y a également eu d’autres accords entre les transformateurs en plus des contacts concernant les accords interprofessionnels.
240 Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée et du dossier que pendant ladite période les contacts entre les transformateurs sont allés bien au-delà de simples rencontres préliminaires visant à adopter une ligne de conduite commune au sein de l’APTI pour la négociation des accords interprofessionnels. À cet égard, il convient de rappeler que conformément à la legge n° 88 sulle norme sugli accordi interprofessionali e sui contratti di coltivazione e vendita dei prodotti agricoli (loi n° 88 portant réglementation des accords interprofessionnels et des contrats de culture et de vente des produits agricoles), du 16 mars 1988 (GURI n° 69, du 23 mars 1988, ci-après la « loi n° 88/88 »), les accords interprofessionnels portaient sur la fixation des prix minimaux à insérer dans les contrats de culture (voir considérants 68 et 253 de la décision attaquée), tandis que l’objet des accords entre les transformateurs était beaucoup plus large, puisque l’entente prévoyait notamment la fixation des prix de livraison maximaux ou moyens ainsi que les volumes de tabac à acheter par chaque transformateur et les sources d’approvisionnement correspondantes (considérant 363 de la décision attaquée).
241 Or, il ressort de plusieurs éléments contenus dans la décision attaquée et dans le dossier que, même à partir de 1999, les contacts entre les transformateurs ont porté sur un objet plus vaste que la simple coordination de la position de l’APTI pour la conclusion des accords interprofessionnels.
242 Ainsi, à titre d’exemple, il ressort du considérant 186 de la décision attaquée que, selon la Commission, en octobre 1999, les transformateurs ont conclu un accord secret dont le fond et la forme étaient très semblables à l’accord de la Villa Grazioli du mois de septembre 1998 (voir considérant 142 de la décision attaquée). Cet accord, annexé au mémoire en défense, visait principalement à fixer les prix d’achat du tabac brut (Burley et Bright) auprès des « tiers tasseurs », à attribuer des « tiers tasseurs » avec des quantités définies à chaque transformateur et à boycotter les « tiers tasseurs » qui n’avaient pas adhéré à la Cogentab (voir considérant 186 de la décision attaquée).
243 En outre, il découle des considérants 202 à 204 de la décision attaquée qu’en 2000 la coordination entre les transformateurs a été continue. Transcatab ne démontre cependant aucunement que cette coordination concernait exclusivement les positions à prendre au sein de l’APTI. En revanche, il ressort du considérant 204 de la décision attaquée que les transformateurs s’étaient rencontrés le 21 septembre 2000 pour créer un mécanisme de coordination entre les transformateurs au niveau des directeurs des achats.
244 Il ressort également du considérant 212 de la décision attaquée que, le 14 septembre 2001, une réunion a eu lieu entre les présidents et les directeurs des achats de Deltafina, de Dimon et de Transcatab dont l’ordre du jour proposé comportait, non seulement l’accord interprofessionnel entre l’APTI et l’Unitab, mais également les relations mutuelles entre lesdites entreprises, les achats auprès des « tiers tasseurs », les relations avec Romana Tabacchi ainsi que les stratégies à adopter pour l’avenir.
245 Tous ces exemples montrent que, au cours de la période comprise entre 1999 et 2002, les contacts entre les transformateurs n’ont pas eu exclusivement pour objet les accords interprofessionnels, ainsi que le prétend Transcatab, et que, bien au contraire, pendant cette période, l’entente entre les transformateurs a continué à fonctionner parallèlement aux accords interprofessionnels. D’ailleurs, Transcatab n’a aucunement démontré que la Commission aurait commis une erreur en ne considérant pas que, pendant la période allant de 1999 à 2002, les comportements des transformateurs avaient eu exclusivement une nature préparatoire à la conclusion des accords interprofessionnels.
246 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le premier grief de Transcatab soulevé dans le cadre la présente branche doit être rejeté.
– Sur l’absence de préjudice pour les consommateurs
247 L’argument de Transcatab tiré d’une erreur de la Commission dans la majoration de 10 % par an eu égard à l’absence de préjudice pour les consommateurs découlant de l’infraction manque tant en droit qu’en fait.
248 Premièrement, il ne saurait être déduit ni de l’article 23 du règlement n° 1/2003, ni du point 1 B, troisième alinéa, des lignes directrices, invoqués par Transcatab, que ceux-ci subordonneraient la majoration pour les infractions de longue durée à la production durable d’effets nocifs à l’égard des consommateurs. Le passage des lignes directrices auquel se réfère Transcatab vise à justifier en termes généraux la politique en matière d’amendes annoncée avec les lignes directrices, et notamment les modifications par rapport à la pratique antérieure. Transcatab ne saurait donc fonder son argument sur cette disposition des lignes directrices.
249 Deuxièmement, contrairement à ce que soutient Transcatab, il n’est aucunement établi que l’entente n’ait pas eu d’impact sur le marché et, ainsi, encore moins qu’elle n’ait pas produit d’effets négatifs sur les consommateurs. En effet, les données invoquées par Transcatab dans le cadre du deuxième moyen ne permettent pas de prouver une telle absence d’effets, dans la mesure où elles peuvent avoir été influencées par d’autres facteurs (voir, notamment, point 168 ci-dessus). La circonstance que l’entente ait duré plusieurs années montre d’ailleurs que les transformateurs n’estimaient pas que l’entente était inutile et qu’elle ne produisait pas d’effets. La prémisse de l’argument de Transcatab est donc erronée.
250 À la lumière de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la première branche du troisième moyen dans son intégralité.
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe ne bis in idem et d’un défaut de motivation
Arguments des parties
251 Transcatab fait valoir une violation du principe ne bis in idem par la Commission. Celle-ci aurait retenu dans la décision attaquée que la responsabilité de la conclusion des accords interprofessionnels durant la période allant de 1999 à 2001 devait être imputée exclusivement à l’APTI. Cependant, en ne distinguant pas la période comprise entre 1995 et 1998 de celle comprise entre 1999 et 2001, elle aurait attribué aux transformateurs la responsabilité des comportements intervenus dans le cadre des accords interprofessionnels, comportements qu’elle avait déjà imputés exclusivement à l’APTI.
252 En l’espèce, il y aurait une identité entre les faits reprochés à l’APTI et ceux reprochés à Transcatab pour la période allant de 1999 à 2002, dans la mesure où les réunions entre les transformateurs pendant cette période étaient préliminaires aux réunions de l’APTI. En outre, il y aurait une identité de contrevenant, dans la mesure où il serait notoire que les associations professionnelles sont l’expression de leurs membres. Ainsi la Commission aurait sanctionné les transformateurs deux fois pour une même infraction. Ceux-ci auraient été sanctionnés une première fois en tant que membres de l’APTI et, ensuite, individuellement. Il en découlerait l’imposition d’une amende excessive aux transformateurs, et également un défaut de motivation de la décision attaquée à cet égard.
253 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
254 À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe ne bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole nº 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit de la concurrence, ce principe interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n’est plus susceptible de recours (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, points 85 et 86, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 224 supra, points 130 et 131). L’application du principe ne bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 338, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 340).
255 En l’espèce, la première condition, à savoir l’identité des faits, fait défaut. En effet, même à supposer qu’il y ait eu un certain chevauchement entre une partie des différents comportements anticoncurrentiels reprochés aux transformateurs, notamment la coordination afin de déterminer le comportement de l’APTI (considérant 244 de la décision attaquée), et le comportement reproché à l’APTI, à savoir la détermination de la position qu’elle adopterait lors des négociations sur les prix aux fins de la conclusion d’accords interprofessionnels avec l’Unitab (considérants 253 et 254 de la décision attaquée), force est de constater qu’il s’agit de deux comportements différents. En effet, la coordination préalable à l’adoption d’une décision est différente de l’adoption de la décision proprement dite.
256 En outre, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de la première branche de ce moyen, la coordination entre transformateurs afin de déterminer le comportement de l’APTI s’inscrivait dans la stratégie plus large de l’entente des transformateurs, dont elle constituait un élément important (voir considérant 244 de la décision attaquée). À cet égard, il convient également de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a exposé, de manière claire et précise, que l’APTI et les transformateurs ont été sanctionnés pour des infractions différentes (voir, pour l’APTI, considérants 253, 254 et 270 à 273 et, pour les transformateurs, considérants 240 à 252 ainsi que 264 à 269 de la décision attaquée).
257 Ainsi, Transcatab ne saurait faire valoir qu’en l’espèce il y a eu une identité entre les faits reprochés aux transformateurs et ceux reprochés à l’APTI.
258 En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir l’identité des contrevenants, force est de constater qu’elle aussi fait défaut en l’espèce. En effet, même si Transcatab est un membre de l’APTI, il s’agit de deux entités différentes, l’APTI ayant une personnalité juridique, un objet et des objectifs propres, indépendants et distincts de ceux de Transcatab (voir, en ce sens, arrêt FNCBV e.a./Commission, point 254 supra, point 128).
259 Il s’ensuit que, en l’occurrence, tant l’identité des faits que l’identité de contrevenants font défaut, dans la mesure où la décision attaquée ne sanctionne pas itérativement les mêmes entités ou les mêmes personnes pour les mêmes faits. Dès lors, il y a lieu de conclure qu’il n’y a pas eu atteinte au principe ne bis in idem.
260 En ce qui concerne le grief tiré du défaut de motivation, il y a lieu de relever que, dans la mesure où les comportements reprochés aux transformateurs et ceux reprochés à l’APTI étaient des comportements différents mis en œuvre par des entités juridiques différentes, la Commission n’était pas tenue de fournir des motivations relatives à l’application du principe ne bis in idem. En outre, dans la décision attaquée la Commission n’a aucunement confondu la responsabilité de l’APTI et celle des transformateurs. En particulier, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 174 ci-dessus, les considérants cités au point 256 ci-dessus font apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission à cet égard, permettant ainsi à Transcatab de connaître les justifications de la mesure prise à son égard et au Tribunal d’exercer son contrôle.
261 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette branche dans son intégralité.
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
262 À titre subsidiaire, Transcatab fait valoir que les transformateurs, en contractant avec les exploitants agricoles, étaient convaincus de rester dans le cadre de la législation nationale et, en particulier, de la loi n° 88/88 et des accords interprofessionnels. En ce qui concerne les accords interprofessionnels, la Commission aurait reconnu que le cadre juridique applicable pouvait générer un degré d’incertitude considérable quant à la légalité des pratiques de l’APTI. Pour cette raison, elle aurait infligé à l’APTI une amende symbolique de 1 000 euros seulement. Transcatab s’interroge sur l’absence d’application du même raisonnement à son cas, malgré les nombreuses preuves établissant que les comportements litigieux des transformateurs dans les années 1999 à 2002 se réfèrent quasi exclusivement à des précontrats visant à déterminer une position commune au sein de l’APTI. L’évaluation différente du comportement de l’APTI et de celui de Transcatab entraînerait une violation du principe d’égalité de traitement.
263 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
264 Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 202 ci-dessus, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.
265 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a déjà été constaté dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen (voir point 256 ci-dessus), les transformateurs et l’APTI ont été sanctionnés pour des infractions différentes (voir, respectivement, considérants 240 à 252 et 253 et 254 de la décision attaquée).
266 Or, en ce qui concerne spécifiquement la période commençant à partir de 1999, il ressort de la décision attaquée que les transformateurs ont été sanctionnés pour une série de comportements anticoncurrentiels s’inscrivant dans une même stratégie d’entente qui avait débuté bien avant 1999. Les transformateurs ont ainsi été sanctionnés tant pour la coordination de leurs prix en dehors des accords interprofessionnels que pour l’activité parallèle de coordination visant à déterminer le comportement de l’APTI (voir, notamment, considérant 244 de la décision attaquée).
267 En revanche, l’APTI n’a été tenue pour responsable que pour les comportements liés à la conclusion des accords interprofessionnels. La Commission a considéré que l’APTI ne pouvait être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue des transformateurs, dans la mesure où le dossier de la Commission ne contenait aucun élément indiquant que cette association avait souscrit au plan global mis en place par les transformateurs visant à coordonner l’intégralité de leurs comportements en matière d’achat ou qu’elle avait connaissance de celui-ci (voir considérants 270 et 271 de la décision attaquée).
268 Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que, même après 1999, la portée de l’entente entre les transformateurs allait bien au-delà du champ d’application de la loi n° 88/88 (voir également points 240 à 245 ci-dessus). Transcatab ne saurait donc faire valoir que le cadre légal aurait justifié l’application aux transformateurs d’une amende symbolique comme celle qui a été infligée à l’APTI (voir, à cet égard, les considérations exposées aux points 298 à 311 ci-après).
269 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la situation des transformateurs, et notamment de Transcatab, et celle de l’APTI en ce qui concerne les infractions relatives à la période allant de 1999 à 2002 ne sont pas comparables. Par conséquent, Transcatab ne saurait faire valoir la violation du principe d’égalité de traitement.
270 À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.
4. Sur le quatrième moyen, concernant certaines circonstances atténuantes
Sur la première branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’absence de mise en œuvre de l’entente
Arguments des parties
271 Transcatab reproche, d’abord, à la Commission de ne pas lui avoir accordé le bénéfice de la circonstance atténuante, prévue au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles. Elle soutient avoir déjà démontré dans le cadre de la première branche du deuxième moyen que les transformateurs n’avaient pas mis en œuvre la majeure partie de leurs accords. Cette constatation ressortirait de l’absence d’effets de ces accords sur le marché.
272 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
273 Premièrement, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, la circonstance atténuante prévue au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles, est fondée sur le comportement propre à chaque entreprise. Il en résulte que, aux fins de l’évaluation de cette circonstance atténuante, il y a lieu de prendre en considération non pas les effets résultant de l’ensemble de l’infraction qui doivent être pris en compte dans l’appréciation de l’impact concret d’une infraction sur le marché aux fins de l’évaluation de sa gravité (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices), mais le comportement individuel de chaque entreprise, aux fins d’examiner la gravité relative à la participation de chaque entreprise à l’infraction (arrêts Groupe Danone/Commission, point 148 supra, point 384, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 146 supra, point 178).
274 Il s’ensuit que Transcatab ne saurait fonder une erreur de la Commission dans l’application de la circonstance atténuante en cause sur l’absence d’impact concret de l’infraction sur les prix.
275 Deuxièmement et en tout état de cause, il convient également de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, pour bénéficier du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement, et qu’ils n’ont pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 292, et, en ce sens, du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 113).
276 Or, en l’espèce, Transcatab ne prétend aucunement s’être clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de l’entente en cause, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement. Par conséquent, elle ne saurait faire valoir une erreur de la Commission en ce qu’elle ne lui a pas accordé le bénéfice de la circonstance atténuante en cause.
277 Enfin, il convient encore de constater, d’une part, que la Commission a établi au considérant 383 de la décision attaquée que l’entente avait été mise en œuvre et, d’autre part, que, en soutenant elle-même que « la plus grande partie » des accords n’avaient pas été mis en œuvre, Transcatab reconnaît que les ententes en question ont été, à tout le moins partiellement, mises en œuvre (voir point 239 ci-dessus).
278 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette branche.
Sur la deuxième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de la cessation des activités litigieuses avant l’intervention de la Commission
Arguments des parties
279 Transcatab reproche à la Commission de ne pas lui avoir accordé le bénéfice de la circonstance atténuante, prévue au point 3, troisième tiret, des lignes directrices, tirée de la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission.
280 Premièrement, les lignes directrices ne lieraient en aucune façon l’application de cette circonstance atténuante au caractère plus ou moins grave de l’infraction, de sorte que cette circonstance atténuante aurait été appliquée également dans des cas d’infractions graves et très graves. Deuxièmement, après les premières interventions de la Commission, Transcatab n’aurait eu aucun comportement pouvant constituer une violation des règles de concurrence. Troisièmement, la Commission aurait négligé les particularités du secteur du tabac brut. Quatrièmement, la non-application de cette circonstance atténuante résulterait d’un revirement de la jurisprudence en matière d’amendes opéré par le Tribunal dans l’arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil). Ce revirement jurisprudentiel, intervenu après le début de la procédure, enfreindrait la confiance légitime de Transcatab, qui s’attendait à obtenir une réduction de l’amende en ayant mis fin à son comportement illicite dès les premières interventions de la Commission.
281 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
282 Il convient de rappeler que, conformément au point 3, troisième tiret, des lignes directrices, le montant de base de l’amende fixé par la Commission peut être diminué lorsque l’entreprise incriminée cesse l’infraction dès les premières interventions de la Commission.
283 Toutefois, selon la jurisprudence, une réduction de l’amende en raison de la cessation d’une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 147 supra, point 228, et la jurisprudence citée). Les circonstances de l’espèce peuvent donc amener la Commission à ne pas accorder une telle diminution du montant de base de l’amende à une entreprise partie à un accord illicite (arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, point 162 supra, point 148).
284 Ainsi, la Cour a considéré que reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, pourrait inciter les entreprises à poursuivre un accord secret aussi longtemps que possible, dans l’espoir que leur comportement ne serait jamais découvert, tout en sachant que, s’il venait à être découvert, elles pourraient voir l’amende réduite en interrompant alors l’infraction. Une telle reconnaissance ôterait tout effet dissuasif à l’amende infligée et porterait atteinte à l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, point 162 supra, point 149). En outre, le Tribunal a déjà expressément considéré que la cessation d’une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a été déterminée par l’intervention de la Commission (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 498, et Wieland‑Werke e.a./Commission, point 180 supra, point 229).
285 En l’espèce, l’infraction en cause a trait à une entente secrète ayant pour objet, notamment, la fixation des prix et la répartition des fournisseurs et des quantités à acheter. Ainsi qu’il a été relevé au point 137 ci-dessus, ce type d’entente est expressément interdit par l’article 81, paragraphe 1, sous a) et b), CE et constitue une infraction qualifiée par la jurisprudence de particulièrement grave dès lors qu’elle a une incidence directe sur les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En outre, en l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 170 ci‑dessus, les transformateurs ont consciemment mis en œuvre les conduites anticoncurrentielles pour lesquelles ils ont été sanctionnés et sont convenus à plusieurs reprises de mesures destinées à assurer la mise en œuvre effective de l’entente.
286 Dans ces conditions, à la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 283 et 284 ci-dessus, Transcatab ne saurait soutenir que la Commission aurait commis une erreur en ne lui appliquant pas la circonstance atténuante invoquée.
287 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments spécifiques soulevés par Transcatab.
288 En effet, à la lumière de la jurisprudence susmentionnée, la circonstance que Transcatab n’ait eu aucun comportement illégal après les premières interventions de la Commission n’implique pas que celle-ci soit tenue d’appliquer la circonstance atténuante en cause. En outre, les particularités du secteur, telles que l’absence de précédents invoquée par Transcatab et sa réglementation, si elles peuvent éventuellement jouer un rôle dans l’appréciation d’autres circonstances atténuantes (voir, notamment, les troisième et cinquième branches du présent moyen), ne constituent cependant pas des éléments pertinents dans l’application de la circonstance atténuante en cause.
289 Quant, enfin, à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été rappelé au point 208 ci-dessus, selon la jurisprudence, le droit de se prévaloir de ce principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir jurisprudence citée au point 208 ci-dessus).
290 À cet égard, il suffit de relever que la première de ces conditions n’est pas remplie en l’espèce, dès lors que Transcatab ne saurait faire valoir aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante de la part de la Commission qu’elle obtiendrait une réduction de l’amende en mettant fin à son comportement illicite dès les premières interventions de la Commission.
291 En outre, il y a lieu de rappeler que le seul fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 368, et LR AF 1998/Commission, point 180 supra, point 337). Dès lors, Transcatab ne saurait tirer argument du fait que cette circonstance atténuante a été appliquée dans d’autres cas d’infractions. Par ailleurs, l’arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 280 supra, auquel fait référence le considérant 382 de la décision attaquée, ne constitue aucunement un revirement jurisprudentiel, dans la mesure où, ainsi que l’observe à juste titre la Commission, le Tribunal avait déjà expressément considéré, avant cet arrêt, que la cessation d’une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a été déterminée par l’intervention de la Commission (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec. p. II‑645, point 138, et Ensidesa/Commission, point 284 supra, point 498). Il s’ensuit que Transcatab ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime à cet égard.
292 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.
Sur la troisième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère infractionnel du comportement litigieux
293 Dans le cadre de la présente branche, Transcatab soulève en substance deux griefs. D’une part, elle fait valoir une erreur en ce que la Commission n’a pas appliqué la circonstance atténuante tirée de l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère infractionnel du comportement litigieux. D’autre part, elle fait valoir une violation du principe d’égalité de traitement par rapport à l’affaire Tabac brut – Espagne.
Sur l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère illicite du comportement litigieux
– Arguments des parties
294 Transcatab soutient que l’existence d’un contexte juridique européen et national confus a créé un doute raisonnable concernant le caractère illégal des comportements des transformateurs de tabac brut et de l’APTI en Italie. Par conséquent, la Commission aurait dû appliquer la circonstance atténuante prévue au point 3, quatrième tiret, des lignes directrices et, à tout le moins, réduire l’amende infligée aux transformateurs individuels. La Commission n’aurait pas motivé le rejet de la demande d’octroi de cette circonstance atténuante présentée par Transcatab.
295 En particulier, Transcatab fait valoir que le règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), prévoit, sous certaines conditions, une exemption pour les accords qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 33 CE. Or, les accords entre les transformateurs auraient été considérés comme nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés à l’article 33 CE. En effet, ces accords auraient été nécessaires pour assurer le développement rationnel de la production agricole et pour stabiliser et maintenir en vie le marché italien. Ils auraient eu pour fonction de limiter les revenus des intermédiaires sans réduire, et au contraire en les augmentant, ceux des exploitants agricoles. Transcatab soutient avoir prouvé que, en considération du contexte factuel particulier de l’espèce, les accords entre les transformateurs visaient à atteindre les objectifs énoncés à l’article 33 CE. Ces considérations ainsi que les autres interventions de l’Union dans le secteur du tabac auraient fait naître un doute raisonnable chez les transformateurs quant à la compatibilité des comportements litigieux avec les règles de concurrence.
296 Selon Transcatab, la réglementation nationale, notamment la loi n° 88/88, était également de nature à générer un degré d’incertitude considérable quant à la légalité des comportements litigieux. Dans la décision attaquée, la Commission aurait dû reconnaître cette circonstance pour les transformateurs comme elle l’a fait pour l’APTI et pour l’Unitab, auxquelles elle aurait infligé une sanction symbolique de 1 000 euros.
297 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
– Appréciation du Tribunal
298 Il y a lieu tout d’abord de relever que la présente affaire a trait à la participation à une entente horizontale, dont les membres ont maintenu le caractère secret pendant plusieurs années, concernant, notamment, la détermination des prix. Il s’agit, donc, d’une infraction manifeste et très grave à l’article 81 CE. En outre, en ce qui concerne l’entreprise en cause, il s’agit d’un des principaux transformateurs italiens de tabac brut appartenant à un des plus gros groupes de négociants indépendants en feuilles de tabac au monde. Il s’agit donc d’une entreprise qui disposait de ressources matérielles et intellectuelles lui permettant d’apprécier les caractéristiques de son environnement réglementaire et les conséquences susceptibles de découler, à cet égard, de son comportement, notamment du point de vue des règles de concurrence. Dans ces conditions, il ne saurait être raisonnablement considéré que Transcatab ait pu avoir des doutes quant au caractère infractionnel de son comportement (voir, en ce sens, arrêts Groupe Danone/Commission, point 148 supra, point 406, et Carbone‑Lorraine/Commission, point 147 supra, point 229).
299 En ce qui concerne, en premier lieu, spécifiquement le règlement n° 26 invoqué par Transcatab, il convient de relever que ledit règlement, et notamment son article 2, établit une dérogation à l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 1, CE, pour les accords, décisions et pratiques relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l’annexe I du traité CE, dont notamment le tabac brut, qui font partie intégrante d’une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 33 CE.
300 Il ressort de la jurisprudence que, s’agissant d’une dérogation à la règle d’application générale de l’article 81, paragraphe 1, CE, l’article 2 du règlement n° 26 est à interpréter de manière restrictive. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que l’article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 26, qui prévoit l’exception invoquée, ne s’applique que si l’accord en cause favorise la réalisation de tous les objectifs de l’article 33 CE. Enfin, ainsi qu’il ressort du texte même de l’article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 26, l’accord en cause doit être « nécessaire » à la réalisation desdits objectifs (voir arrêt FNCBV e.a./Commission, point 254 supra, point 199, et la jurisprudence citée).
301 À cet égard, premièrement, il convient de constater que, aux considérants 303 à 313 de la décision attaquée, la Commission a exclu explicitement l’application, dans la présente espèce, des dérogations à l’article 81, paragraphe 1, CE, prévues par l’article 2 du règlement nº 26. Transcatab ne conteste ni cette analyse ni la conclusion à laquelle arrive la Commission, mais se borne à faire valoir que la réglementation en cause avait fait naître chez elle un doute raisonnable dont la Commission aurait dû tenir compte.
302 Deuxièmement, il y a lieu de relever que le règlement n° 26 prévoit à l’article 2, paragraphes 2 et 3, une procédure spécifique qui permet à la Commission de constater à quels accords les dérogations prévues par le paragraphe 2 peuvent être appliquées. Cette procédure prévoit, notamment, la consultation par la Commission des États membres et des entreprises ou associations d’entreprises intéressées.
303 Or, rien dans le dossier n’indique que les accords entre transformateurs ont été notifiés à la Commission pour obtenir une exemption dans le cadre de cette procédure spécifique. D’ailleurs, Transcatab ne soutient pas que ces accords aient été notifiés à la Commission. En revanche, il ressort expressément de certaines notes prises lors de la réunion de l’APTI du 4 avril 2002 (voir point 4 ci-dessus) par les représentants de Dimon Italia que lesdits accords n’ont pas été notifiés à la Commission, circonstance qui n’est pas contestée par Transcatab. En l’absence de notification et de procédure formelle, Transcatab ne saurait faire valoir que les transformateurs nourrissaient un doute quant à la possibilité que leurs accords tombent dans le champ d’application de la dérogation prévue par le règlement n° 26. Par ailleurs, dans un système comme celui prévu par le règlement n° 26, il est exclu que des opérateurs privés puissent prétendre substituer leur propre appréciation à celle de la Commission quant aux moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés par l’article 33 CE et ainsi entreprendre des initiatives illégales qui seraient justifiées par la circonstance qu’ils poursuivaient ces objectifs.
304 Troisièmement, il ressort de la décision attaquée que l’objectif de l’entente était, dès le début, clairement anticoncurrentiel (voir, par exemple, le considérant 111 de la décision attaquée). Il ne ressort pas des circonstances de l’espèce, et d’ailleurs Transcatab ne le prouve aucunement, que les transformateurs aient visé la poursuite par le biais d’accords illégaux des objectifs fixés par l’article 33 CE.
305 À cet égard, la Cour a jugé que le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles fait partie des objectifs de la politique agricole commune et de l’organisation commune des marchés en cause (voir considérant 311 de la décision attaquée et arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C‑137/00, Rec. p. I‑7975, point 57). Ainsi, Transcatab ne saurait faire valoir que des accords manifestement anticoncurrentiels, tels que l’entente entre les transformateurs en l’espèce, poursuivaient les objectifs visés à l’article 33, paragraphe 1, CE.
306 À la lumière de toutes ces considérations, il y a lieu de conclure que Transcatab ne saurait raisonnablement faire valoir que le règlement n° 26 a fait naître chez elle des doutes raisonnables quant au caractère infractionnel de l’entente en cause.
307 En ce qui concerne, en second lieu, la réglementation nationale, il y a lieu de relever que, au considérant 323 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’entente des transformateurs sortait du champ d’application des dispositions de la loi n° 88/88 dans la mesure où elle visait essentiellement à fixer les prix de livraison maximaux ou moyens ainsi qu’à répartir les quantités et les fournisseurs alors que ladite loi avait pour objectif de garantir des prix minimaux aux agriculteurs.
308 Ainsi, dans la mesure où les activités de l’entente n’étaient pas couvertes par la réglementation nationale, les transformateurs ne pouvaient nourrir de doute quant au caractère infractionnel de leurs comportements en se fondant sur ladite réglementation.
309 Dans ces conditions, et à la lumière des considérations exposées au point 298 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en n’octroyant pas de réduction d’amende au titre de la circonstance atténuante en cause.
310 Quant au grief soulevé dans la réplique, tiré du prétendu défaut de motivation au regard du rejet de la circonstance atténuante en cause, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, si la Commission est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle‑ci, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 173 supra, points 14 et 15, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 127).
311 Ainsi, il ne saurait être tiré argument du fait que, dans la partie de la décision attaquée consacrée aux circonstances atténuantes, la Commission n’a pas fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles elle avait estimé ne pas devoir retenir certains éléments invoqués à ce titre par Transcatab dans sa réponse à la communication des griefs. D’ailleurs, force est de constater que, aux considérants 303 à 324 de la décision attaquée, la Commission a analysé l’impact tant du règlement n° 26 que de la réglementation nationale.
Sur la différence de traitement par rapport à l’affaire Tabac brut – Espagne
– Arguments des parties
312 Transcatab affirme que la non-application par la Commission de la circonstance atténuante en cause dans un contexte juridique si confus que celui de l’espèce a engendré une forte différence de traitement entre les transformateurs italiens et les transformateurs espagnols. La motivation de la décision attaquée à cet égard serait manifestement illogique en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte de certaines considérations retenues dans l’affaire Tabac brut – Espagne, qui serait très analogue à la présente espèce. En particulier, dans le cas espagnol, la Commission avait considéré que le contexte juridique et le comportement du gouvernement étaient de nature à engendrer une incertitude telle qu’ils justifiaient une réduction de 40 % de l’amende non seulement pour les associations professionnelles, mais également à l’égard des transformateurs individuels.
313 En revanche, dans le cas d’espèce, dans une situation pratiquement identique, la Commission aurait conclu que l’entente des transformateurs tombait pleinement sous le coup de l’article 81 CE dans la mesure où elle visait essentiellement à fixer les prix de livraison maximaux ou moyens, alors que la loi n° 88/88 établissait des prix minimaux. Or, dans l’affaire Tabac brut – Espagne, la loi aurait aussi uniquement prévu la fixation de prix minimaux.
314 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
– Appréciation du Tribunal
315 Par le présent grief, Transcatab fait valoir une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que dans un cas analogue à celui de l’espèce, notamment l’affaire Tabac brut – Espagne, la Commission aurait appliqué la circonstance atténuante en cause à l’égard des transformateurs.
316 À cet égard, il a déjà été rappelé aux points 202 et 264 ci-dessus que, conformément à une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.
317 En l’espèce, une comparaison des deux décisions en cause en ce qui concerne l’incidence du cadre réglementaire national sur les pratiques contestées montre que les deux situations étaient caractérisées par des différences notables. En particulier, il ressort des considérants 52 et suivants, 349 et suivants, 426 à 429, 437 et 438 de la décision concernant l’affaire Tabac brut – Espagne que, en Espagne, les autorités publiques avaient joué un rôle important dans les négociations des accords entre producteurs et transformateurs. Il s’agissait de négociations qualifiées de « publiques ». En Espagne, il existait même une « pratique ministérielle [visant] à autoriser et à inciter les parties à négocier collectivement les conditions d’achat et de vente du tabac, y compris les prix » (considérant 60 de la décision dans l’affaire Tabac brut – Espagne). La Commission en a conclu que « les négociations publiques entre les représentants des producteurs et les transformateurs [avaient] déterminé, tout au moins dans une certaine mesure, le cadre matériel (en particulier en ce qui concerne les occasions de se concerter et d’adopter une position commune) dans lequel les transformateurs [avaient] pu développer, outre la position commune qu’ils adopteraient dans le contexte des négociations publiques, leur stratégie secrète sur les prix de livraison moyens (maxima) et les quantités » (considérant 438 de la décision dans l’affaire Tabac brut – Espagne). C’est en substance pour cette raison que la Commission a octroyé une réduction de 40 % du montant de base des amendes infligées aux transformateurs espagnols.
318 Or, force est de constater que les autorités publiques n’ont pas joué un tel rôle dans les négociations entre transformateurs et producteurs dans la présente espèce.
319 Transcatab ne saurait donc faire valoir que, en n’appliquant pas la circonstance atténuante en question, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.
320 Enfin, en ce qui concerne l’argument tiré d’une motivation illogique, force est de constater que Transcatab se borne à effectuer un renvoi très général à la décision dans l’affaire Tabac brut – Espagne sans préciser quelles seraient les considérations qui n’ont pas été retenues dans la décision attaquée et qui rendraient la motivation de cette décision illogique.
321 Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du quatrième moyen dans son intégralité.
Sur la quatrième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de la collaboration effective de Transcatab au cours de la procédure
Arguments des parties
322 Transcatab fait, en premier lieu, valoir que la Commission aurait dû lui appliquer la circonstance atténuante prévue par le point 3, sixième tiret, des lignes directrices relative à la collaboration effective de l’entreprise à la procédure en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération. Elle soutient que sa collaboration avec la Commission a été totale pendant toute la procédure et est allée au-delà de la collaboration demandée dans le cadre de la communication sur la coopération. Elle se réfère spécifiquement à des déclarations spontanées de son directeur général et de son directeur des achats à propos du fonctionnement de l’entente ainsi qu’à l’évaluation positive de sa coopération faite par les fonctionnaires de la Commission ayant effectué la vérification. En outre, la Commission aurait déjà, dans différents précédents, réduit le montant initial de l’amende qu’elle entendait infliger, en tenant compte de l’attitude coopérative de l’entreprise.
323 Transcatab fait, en second lieu, valoir que, en ne lui appliquant pas ladite circonstance atténuante, mais en l’appliquant en revanche à Deltafina, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement. La Commission aurait accordé à Deltafina une réduction de 50 % pour sa coopération en considération du fait qu’aucune réduction de l’amende ne lui avait été accordée au sens de la communication sur la coopération. Cependant, il ressortirait de la décision attaquée que Deltafina n’aurait pas respecté ses obligations de coopération découlant de l’application de la communication sur la coopération. Ainsi, une entreprise ne respectant pas son obligation de coopération aurait obtenu une réduction de son amende plus importante que celle obtenue par Transcatab, qui, au contraire, aurait coopéré de façon constante et bien plus importante que ce qui aurait été strictement nécessaire. Une telle attitude réduirait à néant l’effet d’incitation de la communication sur la coopération.
324 Selon Transcatab, le fait que Deltafina ait sciemment enfreint son obligation de coopération ne rendrait pas sa situation exceptionnelle. Ainsi, selon Transcatab, il y aurait deux possibilités : soit le système de la communication sur la coopération et la circonstance atténuante tirée de la coopération peuvent coexister et, dans ce cas, la Commission aurait à bon droit réduit l’amende de Deltafina, mais elle aurait dû alors, en toute équité, appliquer le même traitement à Transcatab, qui aurait coopéré au moins autant que Deltafina ; soit les deux systèmes ne peuvent pas coexister et, dans ce cas, l’application de la circonstance atténuante à Deltafina serait, en l’espèce, exclue étant donné qu’elle a été la première entreprise à invoquer l’application de la communication sur la coopération.
325 À titre subsidiaire, Transcatab demande de lui octroyer une réduction supplémentaire de son amende, dans une mesure au moins égale à celle octroyée à Deltafina, en vertu de sa collaboration totale, en dehors du système de la communication sur la coopération.
326 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
327 S’agissant du premier grief de Transcatab, il convient de rappeler que, selon le point 3, sixième tiret, des lignes directrices, le montant de base d’une amende peut être réduit en raison de la collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération.
328 Il ressort de la jurisprudence que cette circonstance atténuante spécifique ne s’applique qu’aux infractions qui ne relèvent pas du champ d’application de la communication sur la coopération (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 380).
329 À cet égard, il convient de relever que l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication sur la coopération de son effet utile. En effet, il y a lieu de constater que la communication sur la coopération définit un cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant l’Union. Il ressort donc du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction d’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par ladite communication.
330 Dès lors, afin de préserver l’effet utile de la communication sur la coopération, la Commission ne peut octroyer une réduction d’amende à une entreprise sur le fondement du point 3, sixième tiret, des lignes directrices que dans des situations exceptionnelles. Tel est le cas notamment lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction d’amende au titre de la communication sur la coopération, est d’une utilité objective pour la Commission.
331 En l’espèce, il ressort des considérants 493 à 498 que la Commission a évalué, dans le cadre de la communication sur la coopération, les preuves fournies par Transcatab ainsi que son attitude et la durée de la coopération tout au long de la procédure. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 88).
332 Transcatab ayant été la seconde entreprise, après Mindo, à satisfaire aux conditions prévues par la communication sur la coopération pour une réduction de l’amende, la Commission lui a accordé, sur la base de l’évaluation de la coopération fournie, une réduction de son amende de 30 % au titre de ladite communication, à savoir une réduction se situant au niveau maximal de la fourchette prévue par la communication sur la coopération pour la seconde entreprise à remplir les conditions requises pour la réduction.
333 Ainsi, force est de constater que la Commission a pris en considération la coopération fournie par Transcatab dans le cadre de la communication sur la coopération. Par ailleurs, il est incontestable qu’il s’agit en l’espèce d’une entente et, par conséquent, d’une infraction qui relève bien du champ d’application de ladite communication (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 381).
334 En outre, Transcatab n’a aucunement démontré l’existence en l’espèce de situations exceptionnelles justifiant la prise en compte de sa coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération et ainsi une application de la circonstance atténuante prévue au point 3, sixième tiret, des lignes directrices. En effet, les circonstances invoquées par Transcatab, telles que les déclarations spontanées ou l’évaluation positive de sa coopération, ne constituent pas des éléments pouvant justifier l’application de ladite circonstance atténuante en l’espèce.
335 En ce qui concerne le deuxième grief de Transcatab, tiré de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement eu égard à l’application de ladite circonstance atténuante à Deltafina, il ne saurait non plus prospérer.
336 Il a déjà été rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir points 202, 264 et 316 ci-dessus).
337 Or, force est de constater que, en l’espèce, la situation de Deltafina n’est pas comparable à celle de Transcatab. En effet, Deltafina a été la première entreprise à prendre contact avec la Commission et à demander l’immunité au titre de la communication sur la coopération, alors que Transcatab a été la troisième entreprise à présenter une demande à la Commission au titre de la même communication. Ainsi, après avoir octroyé à Deltafina l’immunité conditionnelle en vertu de ladite communication, la Commission, ayant constaté une violation par celle-ci de son obligation de coopération à laquelle elle était assujettie en tant que demandeur d’immunité, a décidé à la fin de la procédure de ne pas lui octroyer l’immunité définitive. La Commission a estimé que Deltafina ne devait se voir octroyer aucune réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération, laquelle, selon elle, ne lui était plus applicable. C’est pour cette raison que la Commission a considéré que la situation de Deltafina présentait des caractéristiques exceptionnelles justifiant de lui octroyer une réduction au titre de la circonstance atténuante en cause.
338 Il découle de ces considérations que la situation de Deltafina et celle de Transcatab étaient très différentes en ce qui concerne l’appréciation de leur coopération, de sorte que cette dernière ne saurait faire valoir une violation du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission ne lui a pas appliqué la circonstance atténuante tirée de la collaboration effective au cours de la procédure administrative.
339 Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen.
Sur la cinquième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’absence de précédent sur le marché du tabac brut au moment où la Commission a commencé ses vérifications
Arguments des parties
340 Transcatab fait valoir que la Commission aurait dû prendre en considération comme circonstance atténuante le fait qu’au moment où elle a lancé la procédure en l’espèce il n’y avait aucun précédent concernant le marché du tabac brut. La Commission aurait rejeté l’application de cette circonstance atténuante sans fournir aucune indication dans la décision attaquée, enfreignant ainsi son obligation de motivation. À l’appui de son argument, Transcatab cite plusieurs précédents.
341 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
342 Les lignes directrices ne prévoient expressément aucune circonstance atténuante relative à l’absence de précédents sur le marché concerné par l’infraction. Le dernier tiret du point 3 des lignes directrices prévoit, cependant, la possibilité pour la Commission de prendre en compte d’autres circonstances que celles évoquées dans les tirets précédents pour octroyer une diminution du montant de base de l’amende.
343 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de circonstances atténuantes (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 143 supra, point 307). En outre, le Tribunal a jugé que la Commission n’était pas tenue d’atténuer les amendes lorsqu’elle agit pour la première fois dans un secteur particulier (arrêt du Tribunal du 20 novembre 2005, SNCZ/Commission, T‑52/02, Rec. p. II‑5005, point 84).
344 Or, force est de constater que Transcatab ne prouve pas pour quelle raison la Commission aurait commis une erreur en ne considérant pas que l’absence de précédent dans le secteur du tabac devait l’amener à réduire l’amende de Transcatab. Transcatab se borne exclusivement à se référer à toute une série de cas dans lesquels la Commission aurait tenu compte comme circonstance atténuante du fait que l’article 81 CE n’avait encore jamais été appliqué dans le secteur faisant l’objet de l’amende.
345 Toutefois, à cet égard, il y a lieu de rappeler que le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêts Mayr-Melnhof/Commission, point 291 supra, point 368, et LR AF 1998/Commission, point 180 supra, point 337).
346 Quant au grief tiré du défaut de motivation, il a été déjà rappelé aux points 310 et 311 ci-dessus que l’article 253 CE n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative et que, ainsi, il ne saurait être tiré argument du fait que, dans la partie de la décision attaquée consacrée aux circonstances atténuantes, la Commission n’a pas fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles elle avait estimé ne pas devoir retenir certains éléments invoqués à ce titre par Transcatab.
347 À la lumière de ces considérations, la cinquième branche du quatrième moyen doit être également rejetée.
Sur la sixième branche du quatrième moyen, concernant les caractéristiques socio-économiques du secteur du tabac brut en Italie et la crise de ce secteur
Arguments des parties
348 Transcatab soutient que la Commission aurait dû réduire l’amende en application du point 5, sous b), des lignes directrices en tenant compte du contexte de crise du marché italien et des pressions auxquelles étaient soumis les transformateurs de la part des intermédiaires, y compris à travers des activités illégales. Un contexte économique et social si particulier aurait rendu nécessaire la prise de mesures pour la survie des entreprises de transformation. Plusieurs documents démontreraient les pressions énormes auxquelles les transformateurs étaient soumis et les « terribles intimidations et menaces » qu’ils subissaient. En outre, le comportement des transformateurs aurait répondu à l’exigence de contrer le pouvoir des intermédiaires. Les transformateurs n’auraient pu résister à cette situation que grâce à des ententes ayant un effet dissuasif réel. La Commission aurait dû prendre en considération cette situation en accordant une réduction de l’amende.
349 En outre, durant la période considérée, Transcatab, comme par ailleurs d’autres transformateurs opérant en Italie, aurait subi des pertes constantes et importantes et aurait été mise en liquidation. Ces constatations démontreraient que les ententes n’ont eu pour but que de constituer des remèdes à la crise dans le secteur et de garantir sa survie.
350 Transcatab fait valoir que dans la décision 2003/600/CE de la Commission, du 2 avril 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/C.38.279/F3 – Viandes bovines françaises) (JO L 209, p. 12, considérants 180 à 185), celle-ci a considéré que la crise du secteur justifiait une réduction de l’amende de 60 %. Les particularités du marché en cause auraient d’ailleurs été prises en considération dans la jurisprudence et dans d’autres précédents. En outre, selon Transcatab, le point 5, sous b), des lignes directrices ne devrait pas être appliqué seulement dans des cas exceptionnels. L’expression « il convient de prendre en considération » montrerait, en effet, que la Commission n’aurait pas de marge d’appréciation quant à la prise en considération des éléments qui y sont mentionnés.
351 La Commission conclut au rejet des arguments de Trancatab.
Appréciation du Tribunal
352 Il ressort d’une jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause (voir arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 224 supra, point 345, et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 139, et Wieland‑Werke e.a./Commission, point 180 supra, point 227). En effet, il a été relevé que, généralement, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés. Ainsi, si l’on devait suivre le raisonnement de Transcatab, l’amende devrait être réduite dans la quasi-totalité des cas de cartels (voir, en ce sens, arrêts Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 141 supra, point 510 ; du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 188 supra, point 207, et Wieland‑Werke e.a./Commission, point 180 supra, point 227).
353 Certes, il est vrai que, dans la pratique décisionnelle de la Commission, des crises structurelles ont parfois été considérées comme étant des circonstances atténuantes. Cependant selon la jurisprudence citée au point précédent, la prise en compte par la Commission, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante n’implique pas qu’elle doive nécessairement continuer à observer cette pratique (arrêts du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 188 supra, point 208, et Wieland‑Werke e.a./Commission, point 180 supra, point 227).
354 Ainsi, Transcatab ne saurait prétendre que la Commission était tenue de réduire l’amende du fait de la situation de crise du marché italien du tabac brut.
355 En outre, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 352 et 353 ci-dessus ainsi que de celle mentionnée aux points 162 et 346 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la référence à la décision 2003/600 n’est pas pertinente. En tout état de cause, il convient de relever que la Commission a bien expliqué que la situation dans laquelle cette décision avait été adoptée était considérablement différente du cas d’espèce dans la mesure où, dans le cas de la viande bovine française, le comportement reproché répondait à une crise imprévue qui résultait d’un effondrement dramatique de la demande dû à des facteurs totalement indépendants de la situation économique du secteur, tandis qu’en l’espèce les difficultés du secteur existaient depuis longtemps et étaient en grande partie de nature structurelle.
356 En ce qui concerne l’argument tiré de ce que le comportement des transformateurs aurait répondu à l’exigence de contrer le pouvoir des intermédiaires, la Commission a expliqué aux considérants 289 et 290 de la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle a écarté cet argument. En particulier, au considérant 289 de la décision attaquée, elle a affirmé, à juste titre, qu’il n’incombait pas aux entreprises de prendre des mesures contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE pour compenser des pratiques qu’elles considèrent, à tort ou à raison, comme illégales.
357 En outre, force est de constater que Transcatab n’a pas prouvé les « terribles intimidations et menaces » auxquelles elle prétend avoir été soumise. En effet, ainsi que le relève la Commission, le document n° 2573 du dossier qu’elle a invoqué n’est autre qu’un compte rendu rédigé par les représentants de Dimon Italia d’une réunion qui a eu lieu en 1997 entre, notamment, Deltafina, Transcatab et l’APTI, concernant le tabac produit hors quota et la nécessité pour les autorités de prendre des initiatives appropriées pour en assurer l’écoulement. Ce document fait seulement état de la possibilité qu’il y ait des protestations de la part des agriculteurs en raison des difficultés de leur secteur. Il ne ressort toutefois pas de ce document que ces protestations éventuelles, dont il n’y a aucune preuve qu’elles aient effectivement eu lieu, aient nécessairement été dirigées contre les transformateurs. Or, la simple possibilité de l’existence de protestations n’est pas susceptible de constituer une situation exceptionnelle de crise justifiant des comportements contraires à l’article 81 CE. En outre, le rapport de la commission d’enquête parlementaire invoqué par Transcatab ne mentionne aucun fait spécifique relatif à des activités illégales sur le marché du tabac et n’est donc pas pertinent dans ce contexte.
358 Enfin, l’argument tiré de la situation financière de Transcatab a été analysé et rejeté dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen.
359 Il y a donc lieu de rejeter également la sixième branche du quatrième moyen et, par conséquent, ce moyen dans son intégralité.
5. Sur le cinquième moyen, concernant l’application de la communication sur la coopération
Arguments des parties
360 En premier lieu, Transcatab fait valoir que, ayant considéré que la communication sur la coopération n’était pas applicable à Deltafina, la Commission aurait dû la traiter comme première société à bénéficier de la réduction de l’amende.
361 En second lieu, Transcatab soutient que, en application du point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération, elle n’aurait pas dû être sanctionnée pour ses comportements durant la période allant de 1999 à 2002. En effet, elle aurait été la première entreprise à avoir informé la Commission de l’existence des accords intervenus pendant cette période. Sa contribution aurait été extrêmement détaillée, décisive et complète. Avant que Transcatab ne produise ses informations, la Commission n’aurait eu à sa disposition que quelques informations fournies par Deltafina et par Dimon. Transcatab mentionne plusieurs exemples d’informations produites concernant chaque année au cours de la période allant de 1999 à 2002.
362 Ainsi, concernant cette période, Transcatab aurait fourni des « éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission » et ces faits auraient eu une « incidence directe sur la gravité ou la durée » de l’entente au sens du point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération. Cet alinéa aurait pour finalité de permettre à la Commission de compenser le pourcentage de réduction qu’une entreprise risque de ne pas obtenir pour être arrivée en retard par rapport à ses concurrents à cause du temps consacré à la rédaction d’une déclaration complète.
363 La Commission conclut au rejet des arguments de Transcatab.
Appréciation du Tribunal
Sur la qualité de première société à bénéficier de la réduction de l’amende
364 Il convient de rappeler que les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union doit soulever d’office le cas échéant (voir arrêt Honeywell/Commission, point 132 supra, point 53, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié au Recueil, point 18).
365 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 131 et 132 ci-dessus, selon l’article 21 du statut de la Cour et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir, notamment, l’« objet du litige » et l’« exposé sommaire des moyens invoqués ». De plus, selon l’article 48, paragraphe 2, dudit règlement, « [l]a production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ». Il résulte de ces dispositions que tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. En outre, l’exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui (arrêts du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 66, et du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01, Rec. p. II‑917, point 45). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).
366 Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui‑ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt Honeywell/Commission, point 132 supra, point 56). À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49). En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, Rec. p. II‑1219, point 61, et la jurisprudence citée).
367 En l’espèce, la présentation du présent grief est très sommaire, Transcatab ne lui consacrant qu’une seule phrase dans sa requête.
368 Lors de l’audience, tout en admettant que le grief était exposé de façon laconique, Transcatab en a clarifié la portée. En substance, Transcatab fait valoir que, dans le cas où le Tribunal devait retenir que la communication sur la coopération n’était pas applicable à Deltafina et, ainsi, que Mindo devait être considérée comme la première entreprise à bénéficier de l’immunité d’amendes à la place de Deltafina, elle aurait dû être considérée – sur la base d’une sorte d’« effet domino » – comme la première société à bénéficier de la réduction de l’amende aux termes du point 23, premier alinéa, sous b), de la communication sur la coopération. Par conséquent, la réduction de l’amende octroyée par la Commission à Transcatab devrait être augmentée.
369 À cet égard, force est de constater que l’accueil de l’argument de Transcatab présuppose, premièrement, que Mindo ait introduit un recours contre la décision attaquée devant le Tribunal, deuxièmement, qu’elle ait soulevé un moyen tiré de ce qu’elle devrait être considérée comme jouissant de l’immunité d’amendes à la place de Deltafina en considération de la non-application de la communication sur la coopération à cette dernière et, troisièmement, que le Tribunal accueille ce moyen dans l’affaire relative à Mindo.
370 Ainsi, le grief de Transcatab se fonde sur un renvoi implicite à un moyen éventuellement soulevé dans une autre affaire et auquel il n’est même pas fait explicitement référence. En outre, un tel grief ne peut être accueilli que si le moyen éventuellement soulevé par Mindo dans l’autre affaire est accueilli par le Tribunal.
371 Or, ce serait permettre le contournement des exigences impératives de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, rappelées au point 365 ci-dessus, que d’admettre la recevabilité de moyens non suffisamment exposés dans la requête mais faisant référence à des moyens hypothétiquement soulevés par un tiers dans une autre affaire, à laquelle il serait renvoyé implicitement dans la requête (voir, en ce sens, arrêt Honeywell/Commission, point 132 supra, point 64).
372 En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef des conclusions de la requête qui lui est présentée dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef des conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même et que l’absence de tels éléments dans la requête ne peut être palliée par leur présentation lors de l’audience (arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 37).
373 À la lumière de toutes ces considérations, il y a lieu de considérer le grief en cause comme irrecevable.
Sur le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération
374 Quant à l’argument de Transcatab tiré de ce que, en application du point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération, elle n’aurait pas dû être sanctionnée pour ses comportements durant la période 1999-2002 en qualité de première entreprise à avoir informé la Commission de l’existence des accords intervenus pendant cette période, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, « si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis ».
375 Il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, seule une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission est susceptible d’être censurée dès lors qu’elle bénéficie d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, point 331 supra, point 88).
376 Ainsi, il convient, premièrement, de clarifier la portée du point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération et, deuxièmement, de vérifier si, dans l’application de cette disposition, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en sanctionnant Transcatab pour ses comportements durant la période 1999-2002.
377 Il y a, tout d’abord, lieu de rejeter l’interprétation proposée par Transcatab selon laquelle le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération aurait pour finalité de permettre à la Commission de compenser le pourcentage de réduction qu’une entreprise risque de ne pas obtenir pour être arrivée en retard par rapport à ses concurrents à cause du temps consacré à la rédaction d’une déclaration complète (voir point 362 ci-dessus). Une telle interprétation est contraire à la logique de la communication sur la coopération, dans la mesure où elle mettrait en danger l’objectif principal du système mis en place par cette communication, à savoir celui d’encourager les membres de l’entente à « trahir » le cartel et à coopérer avec la Commission.
378 En effet, il ressort du préambule à la communication sur la coopération que la logique de cette communication est d’encourager les entreprises participant à des ententes illégales à coopérer avec la Commission dans le cadre de la lutte contre les cartels au motif que les ententes de ce type constituent des pratiques qui font partie des plus graves restrictions de concurrence. Dans ce contexte, afin de favoriser cette coopération, la Commission envisage un système visant à octroyer aux entreprises qui coopèrent avec elle soit l’immunité, soit des réductions des amendes qu’elles risquent de se voir infliger.
379 Or, il est inhérent à cette logique que l’effet recherché par la communication sur la coopération est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes. Dans le cadre de ce système, et selon la même logique, les entreprises les plus rapides à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins rapides à coopérer.
380 L’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres du cartel constituent donc des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication sur la coopération.
381 Or, l’interprétation de la finalité d’une disposition de la communication sur la coopération doit être conforme à la logique propre de cette communication. Dans cette perspective, le point 23, dernier alinéa, de cette communication doit être interprété comme visant à récompenser une entreprise, même si elle n’a pas été la première à présenter la demande d’immunité concernant l’entente en cause, si elle est la première à fournir à la Commission des éléments de preuve concernant des faits ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente. En d’autres termes, si les éléments de preuve fournis par une entreprise concernent des faits qui permettent à la Commission de modifier l’appréciation qu’elle a, à ce moment-là, de la gravité ou de la durée de l’entente, l’entreprise qui fournit ces éléments de preuve est récompensée par l’immunité concernant l’appréciation des faits que ces éléments de preuve sont en mesure de démontrer.
382 Ainsi, le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération ne concerne pas les cas dans lesquels une entreprise a simplement présenté des éléments de preuve nouveaux ou plus complets au regard de faits dont la Commission est déjà au courant. Ledit alinéa ne s’applique pas non plus aux cas dans lesquels une entreprise porte à la connaissance des faits nouveaux qui, toutefois, ne sont pas en mesure de modifier l’appréciation de la Commission portant sur la gravité ou la durée de l’entente. Cette disposition s’applique, en revanche, exclusivement aux cas dans lesquels deux conditions sont remplies : premièrement, l’entreprise en cause est la première à prouver des faits précédemment ignorés par la Commission, deuxièmement, ces faits, ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, permettent à la Commission de parvenir à de nouvelles conclusions sur l’infraction.
383 C’est donc à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de vérifier si la Commission a commis une erreur en sanctionnant Transcatab pour ses comportements durant la période allant de 1999 à 2002. À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que, au considérant 497 de la décision attaquée, la Commission a affirmé explicitement qu’elle n’ignorait aucun des faits au sujet desquels Transcatab avait fourni des éléments de preuve et, deuxièmement, que, dans le cadre du présent grief, les arguments de Transcatab ne visent que la durée de l’entente. En revanche, ils ne visent pas des faits ayant eu une possible incidence sur la gravité de l’infraction.
384 Il ressort du dossier que, dès l’introduction de la demande d’immunité par Deltafina, le 19 février 2002, la Commission avait connaissance du fait que l’entente avait commencé en 1995 et avait duré jusqu’en 2001. En effet, dans sa demande d’immunité, Deltafina avait, d’une part, explicitement admis cette circonstance et, d’autre part, avait présenté huit notes manuscrites relatives à des rencontres et à des discussions entre les transformateurs concernant l’année 1999, deux notes manuscrites concernant l’année 2000 et deux autres concernant l’année 2001. Par ailleurs, il y a lieu de relever que Transcatab se borne à affirmer avoir été la première à avoir fourni la preuve de plusieurs accords et contacts intervenus entre les transformateurs pendant cette période. Elle n’affirme pas, en revanche, que la Commission n’était pas déjà au courant du fait que l’entente entre les transformateurs était opérationnelle pendant la période comprise entre 1999 et 2002.
385 En outre, une analyse détaillée de la décision attaquée montre également que la Commission a fondé sa décision sur plusieurs informations concernant les contacts intervenus entre les transformateurs qui provenaient de Deltafina et de Dimon Italia et, ainsi, indépendamment des informations fournies par Transcatab.
386 En ce qui concerne, en particulier, l’année 1999, il ressort de la décision attaquée que Deltafina a fourni plusieurs indications des contacts intervenus entre les transformateurs pendant cette année, par exemple aux considérants 159 (note en bas de page n° 181), 195 (note en bas de page n° 206), 199 (note en bas de page n° 212) et 200 (note en bas de page n° 214). Or, il ressort de toutes ces notes en bas de page que Deltafina avait décrit le contenu des réunions dans des déclarations produites antérieurement à la présentation de la demande de réduction de l’amende par Transcatab.
387 Quant à l’extension de l’entente à la production excédentaire, il ressort de la décision attaquée que les considérants 144 et 148 ont été rédigés sur la base d’informations fournies par Deltafina. La Commission a précisé dans la duplique que ces considérants se fondent sur des documents fournis par Deltafina le 22 février 2002, à savoir encore une fois antérieurement à la présentation de la demande de réduction de l’amende par Transcatab. Le fait que cette extension ait été formalisée ensuite dans un accord fourni par Transcatab ne change rien à l’appréciation du présent grief de Transcatab à la lumière du point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération.
388 En ce qui concerne l’année 2000, les considérants 203 (note en bas de page n° 216) et 204 (note en bas de page n° 218) de la décision attaquée montrent que Deltafina a fourni plusieurs preuves des contacts entre les transformateurs durant cette année. La note en bas de page n° 218 explique, notamment, que Deltafina avait décrit le contenu de la réunion mentionnée dans le considérant 204 de la décision attaquée dans des déclarations antérieures à la présentation de la demande de réduction de l’amende par Transcatab, ce qui a été confirmé par la Commission dans la duplique. En outre, il ressort du dossier que, le 19 mars 2002, Deltafina avait également fourni des informations et documents à la Commission concernant les contacts ayant eu lieu durant cette année.
389 En ce qui concerne l’année 2001, il ressort des considérants 209 (note en bas de page n° 223) et 211 (note en bas de page n° 225) de la décision attaquée que, avant la présentation de la demande de réduction par Transcatab, Deltafina avait déjà fourni à la Commission des documents prouvant l’existence de contacts entre transformateurs au cours de cette année. En particulier, les documents 495, 498, 524 et 614, mentionnés dans ces deux notes en bas de page, prouvent sans équivoque l’existence de contacts pendant cette période entre les transformateurs. Ces documents montrent également que, avant l’introduction de la demande de réduction de l’amende par Transcatab, la Commission avait déjà connaissance des contacts illégaux entre les transformateurs, dont Transcatab, à tout le moins jusqu’au 15 octobre 2001.
390 En ce qui concerne l’année 2002, la Commission soutient qu’elle avait déjà connaissance de la poursuite des contacts entre les transformateurs pendant cette année, en vertu de la télécopie mentionnée à la note en bas de page n° 235 de la décision attaquée produite par Dimon. Transcatab soutient, néanmoins, que ce document a été produit après le 18 avril 2002, date à laquelle elle a produit les documents mentionnés à la note en bas de page n° 234 en ce qui concerne l’année 2002.
391 À cet égard, il convient de relever que, même à supposer que ce document ait été produit par Dimon Italia après Transcatab et, ainsi, que celle-ci ait été la première entreprise à avoir fourni des preuves des rencontres intervenues au début de 2002, cette circonstance n’aurait aucune conséquence pratique.
392 En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 389 ci-dessus, il ressort du dossier que, avant la présentation de la demande de réduction de l’amende par Transcatab, la Commission disposait de preuves relatives à la durée de l’entente à tout le moins jusqu’au 15 octobre 2001. L’entente ayant débuté le 29 septembre 1995 (voir considérant 377 de la décision attaquée), et cette circonstance n’ayant pas été contestée par Transcatab, force est de constater qu’avant la production des documents de la part de Transcatab la Commission avait donc déjà des informations suffisantes pour établir que l’entente avait eu une durée de plus de six ans. Cette constatation permettait ainsi, à elle seule, à la Commission d’augmenter le montant de départ de l’amende de 60 %. Il s’ensuit que la circonstance que la Commission ait constaté une durée plus longue de quatre mois (jusqu’au 19 février 2002) n’a eu aucune incidence sur la détermination de la sanction finale.
393 D’autre part, il y a lieu de rappeler que, aux considérants 256 et suivants de la décision attaquée, la Commission a établi, sans que Transcatab ait contesté cette appréciation (voir point 233 ci-dessus), que l’entente était une infraction unique et continue. La Commission a également constaté que cette infraction s’était terminée le 19 février 2002, à savoir le jour où Deltafina a introduit sa demande d’immunité. Or, Transcatab n’a ni affirmé ni démontré qu’elle aurait cessé de participer à l’infraction avant cette date.
394 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise ayant participé à une telle infraction par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, est également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction (voir arrêt BST/Commission, point 222 supra, point 33, et la jurisprudence citée).
395 De même, une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de cette entente dès lors qu’elle savait ou devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (arrêts du Tribunal PVC II, point 91 supra, point 773 ; HFB e.a./Commission, point 130 supra, point 231, et du 19 mai 2010, Boliden e.a./Commission, T‑19/05, non encore publié au Recueil, point 61).
396 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que Transcatab n’a pas fourni des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée qui justifieraient l’application de l’immunité partielle prévue par le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération. En conséquence, Transcatab ne saurait faire valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et qu’elle ne doit ainsi pas être considérée comme responsable pour l’ensemble de l’infraction.
397 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée dans leur ensemble. S’agissant des conclusions tendant à la réformation de la décision attaquée, le Tribunal estime que, aucun élément n’étant en l’espèce de nature à justifier une réduction du montant de l’amende, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande. Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
6. Sur la demande reconventionnelle de la Commission
Arguments des parties
398 La Commission fait valoir que Transcatab a contesté les faits, notamment la durée de l’entente, tels que la Commission les a constatés dans la décision attaquée. En affirmant, dans le cadre de la première branche du troisième moyen, s’être limitée à partir de 1999 à des comportements s’inscrivant exclusivement dans le cadre des accords interprofessionnels (voir points 227 et 228 ci-dessus), Transcatab ne se serait pas contentée de contester l’interprétation des faits donnée par la Commission mais aurait remis en question des faits qu’elle avait admis précédemment. La contestation par Transcatab de la durée de l’entente, qui constituerait un élément essentiel de la description des faits, rendrait en partie injustifiée la réduction de 30 % que la Commission lui a octroyée. Ainsi, la Commission demande au Tribunal de diminuer la réduction de l’amende de 30 à 25 % et de fixer celle-ci, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, à 15 millions d’euros.
399 Transcatab s’oppose à la demande reconventionnelle de la Commission.
Appréciation du Tribunal
400 Il ressort de la décision attaquée que la circonstance que Transcatab n’ait pas « contesté les faits sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la communication des griefs » a constitué une des considérations sur la base desquelles la Commission lui a octroyé une réduction de 30 % de l’amende (voir considérants 498 et 499 de la décision attaquée).
401 Toutefois, il ressort de la réponse de Transcatab à la communication des griefs que, si celle-ci n’a pas expressément répondu aux griefs de la Commission concernant la durée de l’infraction, elle a, cependant, fait valoir que, dans la mesure où les transformateurs à partir de 1999 avaient agi dans le respect de la loi n° 88/88, ceux-ci ne devaient pas être considérés comme responsables des comportements anticoncurrentiels mis en œuvre à partir de cette année.
402 Ainsi, même si la présentation de cet argument est en contradiction avec certaines affirmations effectuées pendant la procédure administrative et avec l’absence de contestation de certains aspects de l’analyse de la Commission, cela n’enlève rien au constat selon lequel l’argument contenu dans la première branche du troisième moyen a déjà été soulevé pendant la procédure administrative. Par conséquent, lorsque la Commission a octroyé la réduction à Transcatab, elle avait déjà connaissance de cet argument, de sorte que celui-ci ne saurait constituer une contestation de la matérialité des faits remettant en cause la réduction octroyée dans la décision attaquée au titre de la communication sur la coopération.
403 Il y a donc lieu de rejeter la demande reconventionnelle de la Commission.
404 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité ainsi que la demande reconventionnelle formulée par la Commission.
Sur les dépens
405 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
406 En l’espèce, Transcatab a succombé en son recours, alors que la Commission a succombé dans sa demande reconventionnelle. Celle-ci ne visant à augmenter le montant des amendes que marginalement, force est de constater que ce sont essentiellement les requérantes qui ont succombé en leurs conclusions et en leurs moyens. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que la requérante supportera ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission, alors que la Commission supportera 10 % de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La demande reconventionnelle formulée par la Commission européenne est rejetée.
3) Transcatab SpA supportera ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.
4) La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.
Azizi |
Cremona |
Frimodt Nielsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2011.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
1. Procédure administrative
2. Décision attaquée
Destinataires de la décision attaquée
Détermination du montant de l’amende
Fixation du montant de départ des amendes
Fixation du montant de base des amendes
Circonstances atténuantes
Application de la communication sur la coopération
Procédure et conclusions des parties
En droit
1. Sur le premier moyen, concernant l’imputation de l’infraction à la société mère de Transcatab
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une lecture erronée de la jurisprudence, de la méconnaissance des éléments de preuve fournis et d’une violation des droits de la défense
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur la méconnaissance des règles gouvernant l’imputabilité à la société mère des pratiques de sa filiale
– Sur la méconnaissance des éléments de preuve fournis aux fins de renverser la présomption
– Sur la violation des droits de la défense
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
2. Sur le deuxième moyen, concernant la fixation du montant de départ de l’amende
Sur la première branche du deuxième moyen, concernant la gravité de l’infraction
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur la qualification d’infraction très grave
– Sur l’impact concret de l’infraction sur le marché
– Sur l’étendue géographique du marché
– Sur la violation de l’obligation de motivation
– Sur les violations des droits de la défense
Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime dans la fixation du montant de base de l’amende
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur la violation du principe de proportionnalité
– Sur la violation du principe d’égalité de traitement
– Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime
Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité dans la prise en compte du caractère dissuasif de la sanction et de la situation financière de Transcatab
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
3. Sur le troisième moyen, concernant la fixation du montant de base de l’amende
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une majoration erronée du montant de l’amende au titre de la durée de l’infraction
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur la majoration de l’amende au titre de la durée de l’accord
– Sur l’absence de préjudice pour les consommateurs
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe ne bis in idem et d’un défaut de motivation
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
4. Sur le quatrième moyen, concernant certaines circonstances atténuantes
Sur la première branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’absence de mise en œuvre de l’entente
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la deuxième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de la cessation des activités litigieuses avant l’intervention de la Commission
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la troisième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère infractionnel du comportement litigieux
Sur l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère illicite du comportement litigieux
– Arguments des parties
– Appréciation du Tribunal
Sur la différence de traitement par rapport à l’affaire Tabac brut – Espagne
– Arguments des parties
– Appréciation du Tribunal
Sur la quatrième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de la collaboration effective de Transcatab au cours de la procédure
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la cinquième branche du quatrième moyen, concernant la circonstance atténuante tirée de l’absence de précédent sur le marché du tabac brut au moment où la Commission a commencé ses vérifications
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la sixième branche du quatrième moyen, concernant les caractéristiques socio-économiques du secteur du tabac brut en Italie et la crise de ce secteur
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
5. Sur le cinquième moyen, concernant l’application de la communication sur la coopération
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur la qualité de première société à bénéficier de la réduction de l’amende
Sur le point 23, dernier alinéa, de la communication sur la coopération
6. Sur la demande reconventionnelle de la Commission
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’italien.