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Document 62005TJ0435

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 30 juin 2009.
Danjaq, LLC contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Marque communautaire - Demande de marque communautaire verbale Dr. No - Opposition du titulaire des marques verbales non enregistrées et des signes Dr. No et Dr. NO - Absence de la condition des marques antérieures - Absence de signe distinctif utilisé dans la vie des affaires - Article 8, paragraphe 1, sous a) et b), paragraphe 2, sous c), et paragraphe 4, du règlement (CE) nº 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), paragraphe 2, sous c), et paragraphe 4, du règlement (CE) nº 207/2009] - Obligation de motivation - Article 73 du règlement nº 40/94 [devenu article 75 du règlement (CE) nº 207/2009].
Affaire T-435/05.

Recueil de jurisprudence 2009 II-02097

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2009:226

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

30 juin 2009 ( *1 )

«Marque communautaire — Demande de marque communautaire verbale Dr. No — Opposition du titulaire des marques verbales non enregistrées et des signes Dr. No et Dr. NO — Absence de la condition des marques antérieures — Absence de signe distinctif utilisé dans la vie des affaires — Article 8, paragraphe 1, sous a) et b), paragraphe 2, sous c), et paragraphe 4, du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), paragraphe 2, sous c), et paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009] — Obligation de motivation — Article 73 du règlement no 40/94 [devenu article 75 du règlement (CE) no 207/2009]»

Dans l’affaire T-435/05,

Danjaq, LLC, établie à Santa Monica, Californie (États-Unis), représentée par MM. G. Hobbs, QC, G. Hollingworth, barrister, M. S. Skrein et Mme L. Berg, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Mission Productions Gesellschaft für Film-, Fernseh- und Veranstaltungsproduktion mbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me K. Lewinsky, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 21 septembre 2005 (affaire R 1118/2004-1), relative à une procédure d’opposition entre Danjaq, LLC et Mission Productions Gesellschaft für Film-, Fernseh- und Veranstaltungsproduktion mbH,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier: M. N. Rosner, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 mars 2006,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 12 juillet 2006,

vu le mémoire en duplique de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2006,

vu le mémoire de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2006,

vu les lettres des 16, 23 et 24 octobre 2008 des parties requérante et intervenante ainsi que de l’OHMI indiquant qu’elles ne participeront pas à l’audience,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 13 juin 2001, l’intervenante, Mission Productions Gesellschaft für Film-, Fernseh- und Veranstaltungsproduktion mbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Dr. No.

2

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 12, 18, 25 et 32, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

«appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement; appareils et instruments électriques et/ou électroniques (compris dans la classe 9); appareils pour l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son et/ou des images et/ou des données électroniques; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs; extincteurs; supports de données en tout genre enregistrés, programmes de logiciels, supports sonores enregistrés, supports audiovisuels enregistrés», relevant de la classe 9;

«véhicules; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau», relevant de la classe 12;

«cuir et imitations du cuir, produits en ces matières (compris dans la classe 18); peaux d’animaux; malles et valises; sacs de voyage; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie», relevant de la classe 18;

«vêtements, chaussures et chapellerie», relevant de la classe 25;

«bières; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons», relevant de la classe 32.

3

Le 26 avril 2002, la requérante, Danjaq, LLC, a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, d’une part, alléguant un risque de confusion avec les marques notoires antérieures Dr. No et Dr. NO, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009], et, d’autre part, invoquant, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009), les marques antérieures non enregistrées, ainsi que les signes antérieurs Dr. No et Dr. NO utilisés dans la vie des affaires pour désigner des films, DVD, vidéos, bandes dessinées, enregistrements musicaux, livres, posters et figurines de films.

4

Par décision du 28 septembre 2004, l’OHMI a rejeté l’opposition, estimant que la requérante n’avait fourni ni la preuve de la notoriété des marques en cause ni la preuve de l’utilisation antérieure dans la vie des affaires des marques non enregistrées et des signes autres que les marques.

5

Le 29 novembre 2004, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition et par décision du 21 septembre 2005, la chambre de recours l’a rejeté confirmant l’argumentation de l’OHMI (ci-après la «décision attaquée»).

Conclusions des parties

6

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée;

accueillir l’opposition formée à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque communautaire;

à titre subsidiaire, renvoyer l’opposition à l’OHMI pour un réexamen conforme à l’arrêt du Tribunal;

rembourser à la requérante les dépens de l’instance.

7

L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée;

condamner la requérante aux dépens.

8

L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés au stade de la réplique

Arguments de parties

9

Au stade de la réplique, la requérante a produit un document mettant en évidence l’existence d’un site Internet qui induirait un lien entre la marque demandée par l’intervenante et l’imagerie de James Bond, ainsi qu’une lettre dans laquelle l’intervenante soutient que ce site Internet n’a pas été enregistré par elle et ne lui est pas lié. La requérante explique qu’elle a produit lesdits documents à ce stade de la procédure écrite car elle ignorait l’existence dudit site Internet auparavant.

10

L’OHMI argumente que ces éléments de preuve sont irrecevables et que le fait que le site Internet n’ait été découvert par la requérante que récemment est sans incidence sur la recevabilité de ceux-ci.

Appréciation du Tribunal

11

Le présent recours ayant pour objet le contrôle de la légalité de la décision prise par la chambre de recours, conformément à l’article 63 du règlement no 40/94 (devenu article 65 du règlement no 207/2009), le contrôle exercé par le Tribunal ne peut pas aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant cette chambre. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En l’espèce, les conditions d’utilisation de la marque demandée n’ont pas fait l’objet de la procédure d’opposition devant l’OHMI et, en conséquence, ne peuvent pas être invoquées devant le Tribunal [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T-128/01, Rec. p. II-701, point 18, et du 13 juillet 2004, Samar/OHMI — Grotto (GAS STATION), T-115/03, Rec. p. II-2939, point 13].

12

Par ailleurs, la requérante ne saurait se prévaloir de l’article 48, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure pour justifier le dépôt tardif de ces documents. Le fait que la requérante n’ait découvert le site Internet qu’après l’introduction de sa requête ne constitue pas une motivation suffisante qui légitime la production d’un élément de preuve nouveau au stade de la réplique (voir, en ce sens, l’arrêt GAS STATION, précité, point 15). Dès lors, il y a lieu de déclarer ces documents irrecevables.

Sur la recevabilité de certains arguments de l’OHMI

Arguments des parties

13

La requérante fait valoir que les allégations de l’OHMI, qui figurent dans son mémoire en réponse, relatives à la notoriété des signes Dr. No et Dr. NO ainsi qu’à l’opportunité d’effectuer une distinction, d’une part, entre l’origine artistique et l’origine commerciale du film et, d’autre part, entre une œuvre et son support tendent à se substituer aux motifs sur lesquels est fondée la décision attaqué et, par conséquent, sont irrecevables.

14

L’OHMI considère qu’il s’est borné à développer les raisonnements de la chambre de recours et n’a donc soulevé aucune question nouvelle.

Appréciation du Tribunal

15

En vertu de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, il est interdit, tant à l’OHMI qu’aux autres parties à la procédure, de modifier l’objet du litige tel que présenté devant la chambre de recours.

16

Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, les arguments de l’OHMI ne tendent ni à modifier l’objet du litige, ni à changer le fondement de la décision de la chambre de recours. L’OHMI s’est borné à développer les arguments présentés par la chambre de recours relatifs à la popularité du film Dr. No et au fait que la requérante commercialise des supports contenant ce film (point 21 de la décision attaquée), ainsi qu’à l’éventuelle utilisation des signes Dr. No et Dr. NO en tant qu’indicateurs d’origine commerciale (points 18, 19, 22 à 30 de la décision attaquée), afin de renforcer sa position. Dès lors, l’OHMI n’a pas modifié l’objet du litige par lesdites allégations et celles-ci sont donc recevables.

Sur le fond

17

À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94 [l’article 8, paragraphe 1, sous a), étant devenu article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009]. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 73 du règlement no 40/94 (devenu article 75 du règlement no 207/2009) ainsi que de la règle 50, paragraphe 2, sous f), et de la règle 52, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1). Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94

Arguments des parties

18

En premier lieu, la requérante fait valoir que les signes Dr. No et Dr. NO sont des marques notoires et que, pour établir leur notoriété, rien dans les termes du règlement no 40/94, ni dans la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la «convention de Paris»), n’impose de prouver leur usage sur le territoire communautaire avant la date du dépôt de la demande de marque communautaire. Par contre, elle soutient que l’examen de leur notoriété devrait porter sur le degré de connaissance des marques au sein du public et la preuve de l’usage constituerait donc un élément supplémentaire et facultatif.

19

En deuxième lieu, s’appuyant sur la jurisprudence, la requérante considère que la chambre de recours a mal interprété la notion d’«utilisation en tant que marque commerciale» dès lors que la requérante avait utilisé les signes précités afin d’identifier ses produits et les autres produits diffusés et commercialisés avec son accord.

20

En troisième lieu, la requérante considère qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, car la marque demandée est identique aux marques notoires dont la requérante est propriétaire et les produits pour lesquels elle a été demandée et ceux désignés par ces marques sont identiques ou similaires. Cette impression serait renforcée par l’existence d’un site Internet qui suggérerait un lien entre la marque demandée par l’intervenante et l’imagerie de James Bond.

21

L’OHMI et l’intervenante concluent au rejet de ces arguments.

Appréciation du Tribunal

22

L’examen de ce moyen soulève trois questions juridiques distinctes. La première question est celle de déterminer si les signes Dr. No et Dr. NO ont été utilisés par la requérante en tant que marques avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire. La deuxième question est celle de déterminer si les signes Dr. No et Dr. NO sont notoirement connus dans un État membre au sens des articles 6 bis de la convention de Paris et 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94. Enfin, la troisième question est celle de déterminer l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les signes Dr. No et Dr. NO, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 40/94.

23

Quant à la première question, tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la fonction essentielle de la marque est celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui achète le produit ou le service désigné par la marque de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus), T-360/00, Rec. p. II-3867, point 42, et du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T-242/02, Rec. p. II-2793, point 88].

24

Ensuite, il convient de relever que Dr. No est, d’une part, le titre du premier film de la série «James Bond» et qu’il constitue, d’autre part, le nom de l’un des personnages principaux du film. En principe, ces faits ne sauraient constituer un obstacle à l’utilisation des signes Dr. No et Dr. NO en tant que marques pour identifier l’origine commerciale des films ou des DVD.

25

Néanmoins, en l’espèce, l’examen des documents présentés par la requérante met en évidence que les signes Dr. No et Dr. NO n’indiquent pas l’origine commerciale des films, mais leur origine artistique. En effet, aux yeux d’un consommateur moyen, les signes en question, apposés sur les jaquettes des cassettes vidéo ou sur les DVD, servent à distinguer ce film d’autres films de la série «James Bond». L’origine commerciale du film est indiquée par d’autres signes, tels que «007» ou «James Bond», qui sont apposés sur les jaquettes des cassettes vidéo ou sur les DVD et qui indiquent que son origine commerciale se trouve dans l’entreprise productrice des films de la série «James Bond». Par ailleurs, même si les profits que le film Dr. No avait générés sur le territoire communautaire sont susceptibles d’attester du succès commercial dudit film sur ce territoire, il n’en demeure pas moins qu’ils ne permettent pas d’établir l’utilisation des signes en question comme indicateurs de l’origine commerciale.

26

En outre, contrairement à ce que la requérante prétend, la distinction entre titre et marque n’est pas «irréaliste et artificielle». En effet, un même signe peut être protégé en tant qu’œuvre de l’esprit originale par le droit d’auteur et en tant qu’indication d’origine commerciale par le droit des marques. Il s’agit donc de droits exclusifs différents fondés sur des qualités distinctes, à savoir d’un côté, l’originalité d’une création et, de l’autre, l’aptitude d’un signe à distinguer l’origine commerciale des produits et des services [arrêt du Tribunal 21 octobre 2008, Cassegrain/OHMI (Forme d’un sac), T-73/06, non publié au Recueil, point 32]. Ainsi, même si le titre d’un film peut être protégé conformément à certains droits nationaux en tant que création artistique indépendante du film même, il ne peut pas bénéficier d’une façon automatique de la protection reconnue aux indicateurs d’origine commerciale, car seuls les signes qui développent les fonctions caractéristiques des marques peuvent bénéficier de cette protection.

27

Dans le cas des bandes dessinées, des enregistrements musicaux, des livres et des posters, les signes Dr. No et Dr. NO ne sont pas, non plus, utilisés en tant que marques, mais comme une référence descriptive des produits, indiquant aux consommateurs qu’il s’agit soit de la musique du film Dr. No, soit d’un livre ou d’une bande dessinée portant sur le personnage du «Dr. No», soit d’un poster dudit film ou de ce personnage. Comme l’examen de la documentation fournie par la requérante le démontre, certains des produits mentionnés sont présentés au public sous d’autres indicateurs de provenance, à savoir «007», «James Bond», qui indiquent aux consommateurs que l’origine commerciale des produits susmentionnés portant sur le film ou sur le personnage du «Dr. No» est la même que celle des films de la série «James Bond».

28

Dans le cas de voitures ou de montres fabriquées par les entreprises bénéficiaires d’une licence pour utiliser sur ces produits les signes Dr. No et Dr. NO la conclusion ne change pas. Dans les deux cas, l’utilisation de ces signes est simplement descriptive, indiquant aux consommateurs que la voiture en question est celle utilisée dans le film Dr. No, ou que la montre est celle correspondant au film Dr. No au sein d’une collection de montres fabriquées pour commémorer le quarantième anniversaire des films de la série «James Bond». De plus, l’examen de la documentation relative aux voitures prouve que les indicateurs d’origine commerciale utilisés par la requérante pour ceux-ci sont «James Bond», «007» et le «Gun Symbol». Comme dans les cas analysés au point 27 ci-dessus, ceux-ci indiquent que l’origine commerciale des produits est la même que celle des autres produits «Bond».

29

Même à supposer que les signes Dr. No et Dr. NO aient été utilisés en tant qu’indicateurs d’origine commerciale sur les figurines des personnages des films produits par une entreprise bénéficiaire d’une licence sur ces marques, notamment par l’utilisation des signes en question accompagnés du symbole «™», la requérante n’a pas réussi à établir que les signes Dr. No et Dr. NO ont été utilisés en tant que marques avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire. En effet, l’examen de la documentation présentée met en évidence que les figurines du «Dr. No» n’ont été mises sur le marché qu’à partir des mois d’août ou de septembre 2002, c’est-à-dire après le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire, qui a eu lieu le 13 juin 2001.

30

Enfin, les arrêts de la Cour du 23 février 1999, BMW (C-63/97, Rec. p. I-905, point 38), et du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C-206/01, Rec. p. I-10273, point 53), invoqués par la requérante à propos de l’usage des signes en tant que marques, ne sont pas applicables au cas d’espèce. En effet, il ne s’agit pas d’une question liée à l’usage d’une marque enregistrée dans la vie des affaires dans un but purement descriptif ou à des fins autres que celles de distinguer dans le marché des produits ou des services. Il s’agit en revanche d’établir si les signes en cause, qui correspondent au titre d’un film, ont été utilisés comme marques avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire, ce qui n’a pas été démontré par la requérante.

31

Comme il n’est pas établi que les signes Dr. No et Dr. NO ont été utilisés en tant qu’indicateurs d’origine commerciale avant le dépôt de la demande d’enregistrement de marque communautaire, ils ne peuvent pas être considérés comme étant des marques notoires au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94 et de l’article 6 bis de la convention de Paris sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les signes en question sont notoirement connus au sein d’un État membre au sens de cette dernière disposition. Les signes susmentionnés ne constituant pas de marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94, il n’y a donc pas lieu d’examiner l’existence d’un risque de confusion entre les signes en cause. Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement no 40/94 ainsi que de la règle 50, paragraphe 2, sous f), et de la règle 52, paragraphe 1, du règlement no 2868/95

Arguments des parties

32

La requérante soutient que la décision attaqué n’est pas suffisamment motivée en ce qui concerne le rejet du moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, et que l’absence de preuve de l’usage des signes ne justifie pas le silence de la chambre de recours sur les questions posées.

33

L’OHMI conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

34

Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 73 du règlement no 40/94 doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T-16/02, Rec. p. II-5167, points 87 et 88, et du 9 juillet 2008, Reber/OHMI — Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T-304/06, Rec. p. II-1927, point 43].

35

Aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, l’existence d’une marque antérieure non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque légitime l’opposition si ceux-ci remplissent les conditions suivantes: être utilisés dans la vie des affaires; avoir une portée qui n’est pas seulement locale; conférer à leur titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente; le droit aux signes en question doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où les signes ont été utilisés avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire [arrêts du Tribunal du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI — Anheuser-Busch (BUDWEISER), T-53/04 à T-56/04, T-58/04 et T-59/04, Rec. p. II-57, point 71; Budějovický Budvar/OHMI — Anheuser-Busch (BUD), T-60/04 à T-64/04, Rec. p. II-58, point 69, et Budějovický Budvar/OHMI — Anheuser-Busch (BUDWEISER), T-57/04 et T-71/04, Rec. p. II-1829, point 86]. Ces conditions sont cumulatives. Ainsi, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 ne peut aboutir.

36

En l’espèce, les arguments avancés par la chambre de recours aux points 29 et 30 de la décision attaquée mettent en évidence que la requérante n’avait pas démontré qu’elle avait utilisé les signes Dr. No et Dr. NO dans la vie des affaires, ce qui suffit pour fonder le rejet de ce moyen.

37

Comme le souligne l’OHMI, le fait que les arguments de la chambre de recours sur ce point soient brefs ne signifie pas que la décision ne soit pas suffisamment motivée. Ces arguments ont en effet permis à la requérante de connaître les justifications de la décision prise afin de pouvoir défendre ses droits, et permettent également au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaqué (arrêt Mozart, précité, point 47). Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94

Arguments des parties

38

La requérante soutient que l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 ne mentionne pas l’utilisation dans la vie des affaires comme condition préalable pour protéger les signes visés dans cet article et que la chambre de recours aurait dû tenir compte des dispositions de droit national invoquées qui empêchent l’appropriation par un tiers de ces signes. Elle affirme aussi que la portée du signe n’est pas seulement locale.

39

L’OHMI conclut au rejet de cet argument.

Appréciation du Tribunal

40

Comme il a déjà été relevé aux points 24 à 29 ci-dessus, l’utilisation du signe Dr. No sur la jaquette des cassettes vidéo, DVD, enregistrements musicaux, livres, bandes dessinées, posters, voitures miniatures et montres ne constitue pas un usage en tant que marque. En conséquence, les signes Dr. No et Dr. NO ne peuvent pas être considérés comme marques non enregistrées. En outre, dans le cas des figurines des films, la requérante n’a pas démontré qu’elle les avait utilisées avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire. Dès lors, une opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée antérieure à la demande de marque communautaire ne saurait aboutir.

41

Par ailleurs, il résulte de la lecture combinée de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 40/94 (devenu article 53, paragraphe 2, du règlement no 207/2009) que la protection prévue par le droit d’auteur ne saurait être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition, mais uniquement dans le cadre d’une procédure en annulation de la marque communautaire en cause.

42

Concernant l’argument de la requérante selon lequel les signes Dr. No et Dr. NO, en tant que titres distinctifs d’un film, sont protégés par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, il convient de préciser que les titres des œuvres artistiques sont protégés par certains droits nationaux contre l’utilisation d’une marque postérieure comme des signes distinctifs qui se trouvent hors de la sphère du droit d’auteur. Dans ces cas, les titres des œuvres artistiques peuvent être considérés comme des signes autres que des marques au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94.

43

Conformément aux directives relatives aux procédures devant l’OHMI (partie C, intitulée «Opposition»), dont la requérante cherche à se prévaloir, parmi les différents droits nationaux invoqués, le Markengesetz (loi allemande relative aux marques) reconnaît cette protection contre une marque postérieure qui suscite un risque de confusion avec les titres en question si lesdits titres ont un caractère distinctif et sont utilisés dans la vie des affaires. Une protection similaire est accordée par le droit suédois aux titres distinctifs des créations littéraires et artistiques. Néanmoins, contrairement aux allégations de la requérante, et conformément auxdites directives, qu’elle avance en tant qu’élément de preuve des droits nationaux, le droit grec n’accorde une protection similaire qu’aux titres des publications périodiques et les droits espagnol, français, italien et néerlandais ne confèrent pas aux titres d’œuvres artistiques une protection différente et indépendante de celle conférée au droit d’auteur. En outre, ni ces directives ni le reste de la documentation présentée ne permettent d’établir dans quelles conditions le «passing off» reconnaîtrait en droit du Royaume-Uni une protection aux signes Dr. No et Dr. NO différente de la protection conférée par le droit d’auteur. Dès lors, ces droits ne peuvent pas être invoqués dans le cadre d’une procédure d’opposition.

44

Aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, l’existence d’un signe autre qu’une marque légitime l’opposition à l’encontre de l’enregistrement d’une marque communautaire, si celui-ci remplit cumulativement les quatre conditions mentionnées au point 35 ci-dessus. D’après le libellé de cet article, la condition de l’usage dans la vie des affaires est une exigence constitutive, sans laquelle le signe en cause ne peut bénéficier d’aucune protection contre l’enregistrement d’une marque communautaire, et indépendante des conditions posées par le droit national pour acquérir le droit exclusif. Dans le cas particulier des titres des œuvres, l’usage du titre suppose que l’œuvre en question a été mise sur le marché concerné, c’est-à-dire, en l’espèce, en Allemagne et en Suède, territoires sur lesquels les titres des films sont protégés en tant que signes différents du droit d’auteur.

45

La requérante affirme que, depuis 1962, le film Dr. No a été diffusé régulièrement sur le territoire de l’Union européenne et qu’elle a même préparé une nouvelle série de vidéos et de DVD. Elle rapporte aussi que le montant total des profits obtenus dans l’Union européenne dépasse la somme de 26 millions de dollars. Néanmoins, les documents présentés par la requérante ne sont pas suffisants pour établir une utilisation du titre de ce film dans la vie des affaires avant le dépôt de la demande de marque communautaire sur les territoires où il est protégé. En effet, en premier lieu, la requérante n’a pas précisé l’étendue de l’usage dudit titre sur les marchés concernés, ce qui aurait pu être fait sans trop de difficulté en fournissant, par exemple, des données concernant la programmation du film, soit aux cinémas, soit à la télévision, ou l’étendue temporelle de la distribution du film. En revanche, la requérante s’est bornée à présenter un extrait d’une page d’un site Internet dans laquelle il est mentionné que le film Dr. No a été diffusé au Royaume-Uni le 2 juin 1999. En deuxième lieu, la déclaration du directeur général de la requérante et les déclarations d’un expert désigné par elle constituent des éléments de preuve qui proviennent de sujets non indépendants de celle-ci et qui ne peuvent donc constituer une preuve suffisante pour étayer l’usage du titre [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI — REWE-Zentral (Salvita), T-303/03, Rec. p. II-1917, points 42 à 45]. En troisième lieu, les données publiées sur un autre site Internet portant sur les chiffres d’affaires sont aussi insuffisantes parce qu’elles constituent une référence trop générale aux activités développées par la requérante en dehors des États-Unis et ne précisent ni le genre d’activité, ni les territoires concernés. Pour la même raison, les données d’un périodique, relatives aux recettes au guichet générées par le film, sont sans influence sur l’utilisation du signe. Enfin, en quatrième lieu, les autres articles de presse fournis par la requérante portent sur des sujets qui ne permettent pas d’étayer l’utilisation du signe dans les États membres indiqués.

46

La requérante n’ayant pas réussi à établir l’usage du titre du film Dr. No dans les États membres où il est protégé contre l’utilisation d’une marque postérieure, il n’y a pas lieu d’examiner si ledit titre satisfait aux conditions restantes pour bénéficier de la protection accordée à ces signes par les droits nationaux. En conséquence, il convient de rejeter le troisième moyen et, de ce fait, le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

47

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Danjaq, LLC est condamnée aux dépens.

 

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2009.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.

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