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Document 62005TJ0237

    Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 9 juin 2010.
    Éditions Odile Jacob SAS contre Commission européenne.
    Accès aux documents des institutions - Règlement (CE) nº 1049/2001 - Documents concernant une procédure relative à une opération de concentration d’entreprises - Règlement (CE) nº 4064/89 - Règlement (CE) nº 139/2004 - Règlement (CE) nº 802/2004 - Refus d’accès - Exception relative à la protection des activités d’enquête et d’audit - Exception relative à la protection des intérêts commerciaux - Exception relative à la protection du processus décisionnel - Exception relative à la protection des avis juridiques.
    Affaire T-237/05.

    Recueil de jurisprudence 2010 II-02245

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2010:224

    ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

    9 juin 2010 (*)

    « Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents concernant une procédure relative à une opération de concentration d’entreprises – Règlement (CE) n° 4064/89 – Règlement (CE) n° 139/2004 – Règlement (CE) n° 802/2004 – Refus d’accès – Exception relative à la protection des activités d’enquête et d’audit – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Exception relative à la protection du processus décisionnel – Exception relative à la protection des avis juridiques »

    Dans l’affaire T‑237/05,

    Éditions Odile Jacob SAS, établie à Paris (France), représentée initialement par Mes W. van Weert et O. Fréget, puis par Me Fréget, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée par M. X. Lewis, Mmes P. Costa de Oliveira et O. Beynet, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    Lagardère SCA, représentée initialement par Mes A. Winckler, S. Sorinas Jimeno et I. Girgenson, puis par Mes Winckler, F. de Bure et J.-B. Pinçon, avocats,

    partie intervenante,

    ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 7 avril 2005 rejetant partiellement une demande de la requérante visant à obtenir l’accès à certains documents concernant une procédure relative à une opération de concentration d’entreprises (Affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP),

    LE TRIBUNAL (sixième chambre),

    composé de MM. A. W. H. Meij (président), V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

    greffier : M. E. Coulon,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2009,

    vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 28 septembre 2009 et la réponse de la requérante à la question écrite du Tribunal,

    rend le présent

    Arrêt

     Antécédents du litige

    1.     Demandes d’accès aux documents présentées par la requérante

    1        Par lettre du 27 janvier 2005, la requérante, les Éditions Odile Jacob SAS, a demandé à la Commission des Communautés européennes, en application du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), à avoir accès à plusieurs documents concernant la procédure administrative (ci-après la « procédure en cause ») ayant conduit à l’adoption de la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (Affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP) (JO L 125, p. 54, ci‑après la « décision de compatibilité »), afin de les utiliser à l’appui de son recours dans l’affaire Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04, pendante devant le Tribunal et visant à l’annulation de la décision de compatibilité. Les documents visés étaient :

    a)      la décision de la Commission du 5 juin 2003 d’ouvrir une enquête approfondie sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), dans la procédure en cause ;

    b)      la version intégrale du contrat de cession signé le 3 décembre 2002 par Natexis Banques populaires SA, d’une part, et Segex Sarl et Ecrinvest 4 SA, d’autre part ;

    c)      l’intégralité de la correspondance entre la Commission et Natexis Banques populaires entre le mois de septembre 2002 et la notification de l’opération de concentration, intervenue le 14 avril 2003 ;

    d)      l’intégralité de la correspondance entre la Commission et Lagardère SCA entre le mois de septembre 2002 et ladite notification ;

    e)      le contrat par lequel Natexis Banques populaires est devenue propriétaire des participations et des actifs de Vivendi Universal Publishing SA (VUP) auprès de Vivendi Universal SA le 20 décembre 2002 ;

    f)       la promesse d’acquisition de VUP émise par Lagardère auprès de Vivendi Universal le 22 octobre 2002 ;

    g)      tous les mémorandums internes de la Commission portant, exclusivement ou non, sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 à l’acquisition des actifs de VUP par Natexis SA/Investima 10 SAS, y inclus ceux échangés entre la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission et le service juridique de cette dernière ;

    h)      l’intégralité de la correspondance entre la Commission et Natexis portant, exclusivement ou non, sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 à l’acquisition des actifs de VUP par Natexis/Investima 10.

    2        Par lettre du 27 janvier 2005, la requérante a adressé à la Commission une demande d’accès à une autre série de documents, afin de les utiliser à l’appui de son recours dans l’affaire Éditions Odile Jacob/Commission, T-452/04, pendante devant le Tribunal, visant à l’annulation de la décision de la Commission du 30 juillet 2004, relative à l’agrément de Wendel Investissement SA comme acquéreur des actifs cédés par Lagardère, conformément à la décision de compatibilité (ci-après la « décision d’agrément »). Les documents visés étaient les suivants :

    a)       la décision de la Commission portant agrément du mandataire chargé de veiller au respect des engagements souscrits par Lagardère lors de l’autorisation de la concentration par la décision de compatibilité ;

    b)      le mandat confié par Lagardère à Salustro Reydel Management SA pour veiller au respect des engagements souscrits par Lagardère lors de l’autorisation de la concentration par la décision de compatibilité ;

    c)      les éventuelles demandes de modification de la Commission relatives au projet de mandat et les réponses apportées par Lagardère à ce sujet ;

    d)      le mandat confié par Lagardère au gestionnaire des éléments d’actif séparés (Hold Separate Manager), responsable de la gestion des actifs conformément à la décision de compatibilité ;

    e)      la décision de la Commission portant agrément dudit gestionnaire ;

    f)      le projet d’accord signé le 28 mai 2004 entre Lagardère et Wendel Investissement sur la reprise des actifs cédés ;

    g)      la lettre adressée par Lagardère à la Commission le 4 juin 2004, demandant à celle-ci d’agréer Wendel Investissement en tant que repreneur des actifs cédés ;

    h)      la demande de renseignements adressée à Lagardère par la Commission, sur le fondement de l’article 11 du règlement n° 4064/89, le 11 juin 2004, visant à permettre à cette dernière d’évaluer si les conditions d’agrément de la société Wendel Investissement étaient remplies ;

    i)      la réponse de Lagardère, en date du 21 juin 2004, à cette demande de renseignements ;

    j)      le rapport du mandataire appréciant la candidature de Wendel Investissement comme acquéreur des actifs cédés au regard des critères d’agrément, remis à la Commission le 5 juillet 2004.

    3        Par télécopie du 15 février 2005, le directeur général de la DG « Concurrence » a communiqué à la requérante la lettre de la Commission du 5 février 2004, approuvant la désignation du mandataire et du gestionnaire des éléments d’actif séparés [documents visés au point 2 ci-dessus, sous a) et e)], et l’a informée que les autres documents ne pouvaient lui être communiqués, parce qu’ils étaient couverts par les exceptions définies à l’article 4, paragraphe 2, premier à troisième tiret, et paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 et qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait leur divulgation.

    4        Par lettre du 18 février 2005, la requérante a introduit une demande confirmative (ci-après la « demande d’accès ») concernant les documents auxquels l’accès lui avait été refusé.

    5        Le 14 mars 2005, le secrétaire général de la Commission a informé la requérante que le délai de réponse à sa demande serait prolongé, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, jusqu’au 7 avril 2005, en raison de la complexité de la demande d’accès et du nombre de documents demandés.

    2.     Décision attaquée

    6        Par la décision D (2005) 3286, du 7 avril 2005 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a confirmé son refus de divulgation du 15 février 2005.

    7        La Commission a identifié les documents visés par la demande d’accès et en a fourni une liste détaillée, sauf en ce qui concerne ceux relevant du point 1 ci-dessus, sous d), au motif que la correspondance entre Lagardère et la Commission correspondait à une vingtaine de classeurs et que l’établissement d’une liste détaillée aurait représenté une charge administrative disproportionnée. Par ailleurs, elle a précisé ne pas détenir le document figurant au point 1 ci-dessus, sous f), et a relevé que les documents visés au point 1 ci-dessus, sous c), incluaient ceux figurant audit point, sous h).

    8        Dans la décision attaquée, la Commission invoque l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, pour refuser l’accès à l’ensemble des documents demandés, en ce qu’ils ont été communiqués aux services de la Commission ou établis par ceux-ci dans le cadre d’une procédure de contrôle d’une opération de concentration d’entreprises. La Commission estime que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision de compatibilité, la Commission serait amenée à adopter une nouvelle décision et, par conséquent, à rouvrir l’enquête. L’objectif de cette enquête serait mis en péril si des pièces établies ou reçues dans le cadre de la procédure de contrôle étaient rendues publiques à ce stade. D’une manière plus générale, la Commission considère que la divulgation d’informations lui ayant été fournies dans le cadre d’une procédure de contrôle d’une opération de concentration romprait le climat de confiance et de coopération entre la Commission et les parties intéressées, indispensable à la collecte des informations dont elle a besoin.

    9        La Commission invoque également l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des intérêts commerciaux, pour justifier le refus d’accès aux documents visés au point 1 ci-dessus, sous b) à e), et h), et au point 2 ci-dessus, sous b), c) (en partie), d), f), g), i), et j), en ce qu’ils contiennent des informations sensibles relatives aux stratégies commerciales des entreprises concernées, transmises par ces dernières à la Commission aux seules fins du contrôle de l’opération de concentration envisagée. La Commission estime que les documents visés au point 1 ci-dessus, sous a), et au point 2 ci-dessus, sous c) (s’agissant d’un courrier de la Commission adressé à Lagardère) et h), tous établis par elle, comportent aussi des informations commercialement sensibles relatives aux entreprises concernées.

    10      La Commission se prévaut, en outre, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection du processus décisionnel de l’institution, pour justifier le refus d’accès à deux des trois notes internes de la Commission visées au point 1 ci-dessus, sous g). L’une est une demande d’avis de la DG « Concurrence » au service juridique ; l’autre est une note établie pour le membre de la Commission chargé de la concurrence, résumant l’état du dossier. La Commission estime que ces deux notes reflètent des avis et des consultations préliminaires internes, en vue de l’adoption de la décision de compatibilité, et que son processus décisionnel subirait un préjudice sérieux si ses délibérations internes étaient rendues publiques. Elle affirme que ses services doivent avoir la possibilité d’exprimer librement leurs points de vue, à l’abri de toute pression extérieure, afin d’éclairer la Commission en vue de la prise de décision.

    11      La Commission se fonde enfin sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des avis juridiques, pour justifier le refus d’accès à l’un des documents visés au point 1 ci-dessus, sous g). Elle souligne qu’il est essentiel que les avis juridiques puissent être donnés en toute franchise, objectivité et indépendance. Elle estime que, si le service juridique avait dû tenir compte de la publication ultérieure de son avis, il ne se serait pas exprimé en toute indépendance.

    12      S’agissant des documents émanant de tiers, la Commission considère qu’elle n’avait pas à consulter ces derniers en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, dès lors qu’elle a estimé que l’une des exceptions invoquées ci-dessus était applicable et qu’il était donc clair que les documents concernés ne devaient pas être divulgués.

    13      La Commission affirme avoir examiné la possibilité d’accorder à la requérante un accès partiel aux documents concernés, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, et l’avoir écartée en raison du grand nombre de documents demandés et compte tenu du fait que la quasi-totalité de leur contenu était couverte par les exceptions énumérées précédemment. L’identification des parties de ces documents pouvant être communiquées engendrerait une charge administrative disproportionnée par rapport à l’intérêt du public à accéder aux parties fragmentaires qui résulteraient d’un tel exercice.

    14      Par ailleurs, la Commission relève qu’aucun intérêt public supérieur ne justifie la divulgation des documents visés, la demande d’accès étant fondée sur la défense des intérêts de la requérante dans un litige pendant devant le Tribunal, défense qui relèverait d’un intérêt privé et non public.

    15      La Commission attire l’attention de la requérante sur l’existence d’autres règles spécifiques d’accès prévues, d’une part, par le règlement n° 4064/89 et, d’autre part, par les dispositions des règlements de procédure de la Cour et du Tribunal permettant à une partie, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, de solliciter l’adoption de mesures d’organisation de la procédure pouvant consister à demander la production de documents relatifs à l’affaire en cours.

    16      Enfin, la Commission relève que le fait qu’elle a communiqué des demandes de renseignements fondées sur l’article 11 du règlement n° 4064/89 en annexe à son mémoire en défense dans l’affaire T-279/04 ne saurait signifier qu’elle est tenue de divulguer la demande de renseignements adressée à Lagardère en vertu de la même disposition, visée au point 2 ci-dessus, sous h). Elle rappelle que les pièces jointes aux mémoires présentés à la Cour et au Tribunal sont communiquées aux seules fins de la procédure concernée et ne sont pas destinées à être rendues publiques, tandis que la communication d’un document en vertu du règlement n° 1049/2001 équivaut à une publication de ce document.

    17      Postérieurement à la décision attaquée, le 5 juillet 2005, la requérante a déposé une demande de mesure d’organisation de la procédure en vertu de l’article 64 du règlement de procédure dans l’affaire T‑279/04, visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents visés au point 1 ci-dessus, sous a) à h). La Commission a communiqué à la requérante, en annexe à ses observations sur cette demande, le document visé audit point, sous a), à savoir sa décision du 5 juin 2003 d’ouvrir une enquête approfondie sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89 dans la procédure en cause.

     Procédure et conclusions des parties

    18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2005, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

    19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2005, Lagardère a demandé à intervenir au présent litige au soutien des conclusions de la Commission.

    20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

    21      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 6 mars 2009, Lagardère a été admise à intervenir dans la présente affaire.

    22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

    23      Par ordonnance du 10 juillet 2009, conformément à l’article 65, sous b), à l’article 66, paragraphe 1, et à l’article 67, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal a enjoint à la Commission de produire l’intégralité des documents demandés, à l’exception de ceux visés au point 1 ci-dessus, sous f), et au point 2 ci-dessus, sous a) et e), étant précisé que ces documents ne seraient communiqués ni à la requérante ni à l’intervenante dans le cadre de la présente procédure. Il a été satisfait à cette demande.

    24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 9 septembre 2009.

    25      Par ordonnance du 28 septembre 2009, la procédure orale a été rouverte afin de poser une question écrite à la requérante.

    26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler la décision attaquée ;

    –        condamner la Commission aux dépens.

    27      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours ;

    –        condamner la requérante aux dépens.

     En droit

    1.     Sur l’objet du litige

    28      Plusieurs des documents auxquels l’accès avait été demandé par la requérante au titre du règlement n° 1049/2001 lui ont été transmis par la Commission, intégralement ou partiellement, en annexe à ses mémoires en défense dans les affaires T‑279/04 et T‑452/04 et à ses observations sur la demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure déposée par la requérante dans l’affaire T‑279/04. Les documents ainsi communiqués sont les suivants :

    –        une version non confidentielle du document visé au point 1 ci-dessus, sous a), à savoir la décision de la Commission du 5 juin 2003 prise conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89 dans la procédure en cause ;

    –        une version non confidentielle du contrat de vente signé le 3 décembre 2002 entre Segex et Ecrinvest 4, d’une part, et Lagardère, d’autre part ; ce contrat correspond au document visé au point 1 ci-dessus, sous b), comme l’ont confirmé la Commission et Lagardère en réponse à une question écrite du Tribunal ;

    –        une partie du document visé au point 1 ci-dessus, sous c), c’est-à-dire de la correspondance entre la Commission et Natexis entre le mois de septembre 2002 et la notification de l’opération de concentration, intervenue le 14 avril 2003 ;

    –        le document visé au point 2 ci-dessus, sous h), à savoir la demande de renseignements en date du 11 juin 2004 adressée par la Commission à Lagardère ;

    –        une version non confidentielle du document visé au point 2 ci-dessus, sous j), à savoir le rapport du mandataire sur la candidature de Wendel Investissement.

    29      La requérante a indiqué considérer, en réponse aux questions écrites du Tribunal, que son intérêt à agir était éteint s’agissant de ces documents, la demande d’accès ayant été satisfaite sur ce point par les transmissions ainsi opérées.

    30      Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision attaquée en ce que la Commission a refusé l’accès aux documents visés au point 1 ci-dessus, sous a) à c), et au point 2 ci-dessus, sous h) et j).

    31      Par ailleurs, la requérante n’a pas contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle le document visé au point 1 ci-dessus, sous f), n’est pas en sa possession.

    32      En conséquence, l’objet du litige porte désormais sur la légalité de la décision attaquée en ce que la Commission a refusé l’accès, intégral et partiel, aux documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), e), g) et h), et au point 2 ci-dessus, sous b) à d), f), g) et i) (ci-après les « documents litigieux »).

    2.     Sur la recevabilité de l’un des arguments soulevés à titre liminaire par l’intervenante

     Arguments des parties

    33      L’intervenante fait valoir, à titre liminaire, que la demande d’accès litigieuse doit être appréciée dans le contexte particulier d’une procédure de contrôle des concentrations. À ce titre, elle soutient notamment que l’accès au dossier dans les procédures de contrôle des concentrations est soumis à des règles spécifiques, prévues à l’article 17 du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 133, p. 1). Le régime établi serait strict. L’accès au dossier ne serait pas ouvert aux tiers à l’opération de concentration. Il n’inclurait ni les informations confidentielles ni les documents internes de la Commission ou des autorités compétentes des États membres. Il ne serait accordé que sous réserve que les documents obtenus ne soient utilisés que pour les besoins de la procédure de concentration concernée. Conformément à l’adage lex specialis derogat legi generali, les règles spéciales dérogeraient aux règles générales. La jurisprudence aurait ainsi admis que le droit d’accès prévu par l’article 255 CE et par le règlement n° 1049/2001 soit écarté par les normes spéciales relatives au secret des travaux des jurys de concours. De la même manière, en matière de contrôle des concentrations, l’existence de règles spéciales devrait faire obstacle à – ou du moins limiter – l’application des règles générales d’accès du public au document. À défaut, les règles d’accès prévues par le règlement n° 802/2004 seraient privées de tout effet utile.

    34      La requérante conteste le bien-fondé de cette observation liminaire de l’intervenante.

     Appréciation du Tribunal

    35      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, soulever d’office toute fin de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figure la recevabilité d’un argument soulevé par une partie intervenante.

    36      Selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. En outre, selon l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Or, si ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, c’est néanmoins à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière.

    37      En l’espèce, l’argument tiré de l’application exclusive des règles relatives à l’accès au dossier prévues dans le domaine du contrôle des concentrations n’a pas été soulevé par les parties principales. Or, cet argument, à supposer qu’il puisse être accueilli par le Tribunal, conduirait à l’annulation de la décision attaquée, au motif qu’elle a été adoptée à tort sur le fondement du règlement n° 1049/2001, et non, comme elle aurait dû l’être, sur la base des dispositions relatives à l’accès au dossier prévues en matière de contrôle des concentrations. Il ne vient donc pas au soutien des conclusions de la Commission, laquelle conclut au rejet du recours en annulation.

    38      En conséquence, l’argument soulevé par l’intervenante à titre liminaire et tiré de l’application exclusive des règles relatives à l’accès au dossier prévues dans le domaine du contrôle des concentrations doit être rejeté comme irrecevable.

    3.     Sur le fond

    39      La requérante soulève quatre moyens à l’appui de son recours, tirés de l’absence d’examen concret et individuel des documents visés par la demande d’accès, de l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans l’application des exceptions prévues par l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, de la méconnaissance du droit à un accès au moins partiel aux documents demandés et de la violation du principe de proportionnalité résultant de l’absence de mise en balance des exceptions invoquées avec l’intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés.

    40      Les premier et deuxième moyens étant étroitement liés, il convient de les examiner conjointement.

     Sur les premier et deuxième moyens, tirés de l’absence d’examen concret et individuel des documents demandés et de l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans l’application des exceptions prévues par l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001

    41      Selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêts du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 75, et du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 115). Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (arrêts du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, ci-après l’« arrêt VKI », point 69, et Franchet et Byk/Commission, précité, point 115).

    42      Cet examen concret doit, par ailleurs, être réalisé pour chaque document visé dans la demande. En effet, il résulte du règlement n° 1049/2001 que toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de son article 4 sont énoncées comme devant s’appliquer « à un document » (arrêts VKI, point 41 supra, point 70, et Franchet et Byk/Commission, point 41 supra, point 116). En outre, s’agissant de l’application ratione temporis de ces mêmes exceptions, l’article 4, paragraphe 7, dudit règlement prévoit qu’elles s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard « au contenu du document ».

    43      Il s’ensuit qu’un examen concret et individuel est, en tout état de cause, nécessaire dès lors que, même dans l’hypothèse où il est clair qu’une demande d’accès vise des documents couverts par une exception, seul un tel examen peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 (arrêts VKI, point 41 supra, point 73, et Franchet et Byk/Commission, point 41 supra, point 117). Dans le cadre de l’application dudit règlement, le Tribunal a d’ailleurs déjà considéré comme étant en principe insuffisante une appréciation de documents réalisée par catégorie plutôt que par rapport aux éléments d’information concrets contenus dans ces documents, l’examen requis de la part d’une institution devant lui permettre d’apprécier concrètement si une exception invoquée s’applique réellement à l’ensemble des informations contenues dans lesdits documents (arrêt VKI, point 41 supra, points 74 et 76).

    44      L’obligation pour une institution de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande d’accès constitue une solution de principe (arrêt VKI, point 41 supra, points 74 et 75), qui s’applique à toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, quel que soit le domaine auquel se rattachent les documents sollicités.

    45      Cette solution de principe ne signifie cependant pas qu’un tel examen est requis en toutes circonstances. En effet, dès lors que l’examen concret et individuel auquel l’institution doit en principe procéder en réponse à une demande d’accès formulée sur le fondement du règlement n° 1049/2001 a pour objet de permettre à l’institution en cause, d’une part, d’apprécier dans quelle mesure une exception au droit d’accès est applicable et, d’autre part, d’apprécier la possibilité d’un accès partiel, ledit examen peut ne pas être nécessaire lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel pourrait être le cas, notamment, si certains documents soit, tout d’abord, étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès, soit, à l’inverse, étaient manifestement accessibles dans leur intégralité, soit, enfin, avaient déjà fait l’objet d’une appréciation concrète et individuelle par la Commission dans des circonstances similaires (arrêt VKI, point 41 supra, point 75).

    46      Par ailleurs, la généralité de la motivation sur laquelle s’appuie un refus d’accès ainsi que sa brièveté ou son caractère stéréotypé ne sauraient constituer un indice de défaut d’examen concret que dans les cas où il est objectivement possible d’indiquer les raisons justifiant le refus d’accès à chaque document sans divulguer le contenu de ce document ou un élément essentiel de celui-ci et, partant, sans priver l’exception de sa finalité essentielle (voir, en ce sens, arrêt Sison/Conseil, point 41 supra, point 84 ; voir, par analogie, s’agissant du code de conduite de 1993, arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 65). Ainsi que la Cour l’a précisé, la nécessité pour les institutions de s’abstenir de faire état d’éléments qui porteraient indirectement atteinte aux intérêts que les exceptions ont spécifiquement pour objet de protéger est notamment soulignée par l’article 9, paragraphe 4, et l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (arrêt de la Cour du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 83).

    47      Enfin, une seule et même justification peut être appliquée à des documents appartenant à une même catégorie, ce qui est notamment le cas s’ils contiennent le même type d’informations. Il appartient ensuite au Tribunal de vérifier si l’exception invoquée couvre manifestement et intégralement les documents entrant dans cette catégorie.

     Sur l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001

    –       Arguments des parties

    48      La requérante fait valoir que la Commission a adopté une approche abstraite et générale, sans procéder à un examen concret et individuel visant à vérifier que la communication de chacun des documents demandés porterait effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

    49      Elle affirme que le souci de la Commission de maintenir un climat de confiance avec les parties intéressées, dans le cadre d’une procédure de contrôle de concentrations, est secondaire, puisque ces dernières sont légalement tenues de communiquer à la Commission tout document qu’elle requiert à ce titre.

    50      Le risque d’atteinte à la protection de l’objectif des activités d’enquête allégué par la Commission serait, en tout état de cause, purement hypothétique, ce qui est insuffisant pour justifier un refus d’accès. La Commission ne pourrait démontrer l’existence d’un tel risque, au motif que la plupart des documents demandés porteraient sur des questions strictement juridiques, en particulier sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, et non sur des questions d’analyse concurrentielle, seules susceptibles de porter atteinte à l’objectif de l’activité d’enquête de la Commission en cas de nouvel examen de l’opération au regard du contrôle des concentrations.

    51      De plus, ces documents auraient été transmis à la Commission par les entreprises concernées avant la notification de la concentration, donc en dehors de toute procédure formelle d’enquête.

    52      La Commission soutient avoir examiné concrètement et individuellement chaque document, comme le démontrerait le fait qu’ils ont tous été clairement identifiés et énumérés, à l’exception des documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), aussi bien dans la liste annexée à la décision attaquée que dans la décision elle-même, au regard des exceptions les couvrant. C’est à l’issue d’un tel examen que la Commission aurait pu communiquer à la requérante sa lettre du 5 février 2004 approuvant la désignation du mandataire et du gestionnaire des éléments d’actif séparés, correspondant aux documents visés au point 2 ci-dessus, sous a) et e).

    53      La motivation de la décision attaquée ferait ressortir le caractère individuel, concret et approfondi de l’examen opéré. Seul un examen attentif et individuel aurait permis de déterminer, par exemple, que les documents mentionnés au point 1 ci-dessus, sous h), étaient déjà répertoriés audit point, sous c), ou que le document visé au point 2 ci-dessus, sous e), était le même que celui indiqué audit point, sous a).

    54      La Commission soutient qu’une motivation individuelle serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé par l’exception concernée et que la jurisprudence a admis qu’une motivation détaillée par rapport au contenu d’un document serait susceptible de divulguer des informations protégées par l’une des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001.

    55      S’agissant des documents figurant au point 1 ci-dessus, sous d) c’est-à-dire de l’intégralité de la correspondance entre la Commission et Lagardère entre le mois de septembre 2002 et la notification de l’opération de concentration, la Commission avance qu’un examen concret et individuel n’est pas requis lorsqu’il est clair que les documents concernés doivent ou ne doivent pas être divulgués. Les documents visés appartiendraient clairement, en l’espèce, à la même catégorie, compte tenu de leurs caractéristiques communes.

    56      L’examen concret et individuel de chacun des documents concernés, ainsi que l’examen sommaire des documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), aurait ainsi démontré que tous les documents étaient couverts par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, relative à la protection des activités d’enquête, et qu’en outre certains documents étaient couverts totalement ou partiellement par d’autres exceptions.

    57      La Commission souligne que l’enquête, bien que terminée quant à son déroulement, ne peut être considérée comme close, puisque la décision de compatibilité fait l’objet d’un recours en annulation, dont l’examen est pendant devant le Tribunal et qu’en cas d’annulation l’enquête devra être rouverte. La divulgation des documents auxquels l’accès a été refusé pour ce motif exposerait la Commission à des pressions extérieures, qui l’empêcheraient de mener son enquête de manière correcte en cas de réouverture.

    58      La Commission conteste l’argument de la requérante selon lequel le climat de confiance entre la Commission et les acteurs économiques, dans le cadre du contrôle des concentrations, importerait peu, compte tenu du fait que ces derniers sont légalement obligés de fournir toute information utile à la Commission dans le cadre de ses enquêtes. Elle souligne qu’une obligation légale peut être remplie de diverses manières et que les enquêtes peuvent être plus efficaces si les entreprises ne se contentent pas de remplir leurs obligations minimales, mais coopèrent dans un esprit de bonne volonté. Les parties concernées ne s’attendent pas à ce que la Commission utilise les informations recueillies à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été communiquées, car cela serait contraire à l’article 17, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1). Le danger représenté, pour cette relation de confiance, par la divulgation des documents fournis par les entreprises concernées à des tiers ne serait donc pas purement hypothétique. La Commission illustre ce risque en citant la publication d’un cabinet d’avocats évoquant le risque que des informations communiquées dans le cadre d’une opération de concentration soient ensuite divulguées par la Commission.

    59      La Commission rappelle que la jurisprudence exige que le risque d’atteinte à un intérêt protégé soit raisonnablement prévisible, et non que soit rapportée la preuve certaine et circonstanciée d’un tel risque. Elle fait valoir que le fait que les documents visés aient été transmis avant la date de notification de l’opération de concentration est sans pertinence, dès lors que l’intérêt protégé par l’exception concernée est la préservation de l’objectif de l’enquête, et pas seulement de l’enquête en tant que telle, limitée à ses phases formelles. Le caractère strictement confidentiel des échanges préalables à ladite notification serait souligné par la Commission dans un document établi par elle et intitulé « Meilleures pratiques pour la conduite des procédures communautaires de contrôle des concentrations » et leur divulgation méconnaîtrait les obligations de confidentialité s’imposant à elle en vertu du règlement n° 139/2004 et de l’article 287 CE.

    60      L’intervenante fait valoir que, si les règles d’accès au dossier prévues par les textes applicables en matière de contrôle des concentrations et le règlement n° 1049/2001 doivent être appliqués concomitamment, au motif que ces textes poursuivent des objectifs distincts, il conviendrait de veiller à ce que les règles d’accès au dossier prévues en matière de contrôle des concentrations ne soient pas vidées de leur sens par une application incorrecte du règlement n° 1049/2001. Elle soutient que les informations fournies par les entreprises en amont de la notification officielle de l’opération de concentration doivent bénéficier de la même protection que celles fournies lors de la procédure formelle, qu’elles ont pour objet de préparer. Toute autre solution porterait gravement atteinte à la confiance légitime que les entreprises ont pu éprouver en se fondant sur la pratique de la Commission invitant à développer des contacts préalablement à cette notification officielle.

    61      L’intervenante estime que la jurisprudence a admis que l’intérêt du public à obtenir une communication d’un document au titre de la transparence n’a pas le même poids en ce qui concerne un document relevant d’une procédure administrative visant l’application des règles régissant le contrôle des concentrations ou le droit de la concurrence en général qu’en ce qui concerne un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution communautaire intervient en qualité de législateur. Elle se fonde sur le considérant 6 du règlement n° 1049/2001, aux termes duquel un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur.

    62      Les autres arguments avancés par l’intervenante sont semblables, en substance, à ceux de la Commission.

    –       Appréciation du Tribunal

    63      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

    64      Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que tous les documents litigieux étaient couverts par l’exception relative à la protection de l’objectif des activités d’enquête prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

    65      Il convient de souligner qu’il appartenait à l’institution concernée, en application des principes rappelés aux points 41 à 47 ci-dessus, d’examiner si, premièrement, le document faisant l’objet de la demande d’accès entrait dans le champ d’application de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, deuxièmement, la divulgation de ce document portait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, troisièmement, dans l’affirmative, le besoin de protection s’appliquait à l’intégralité du document (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Terezakis/Commission, T‑380/04, non publié au Recueil, point 88).

    66      Il convient tout d’abord de déterminer si la Commission a estimé à juste titre que tous les documents auxquels l’accès est demandé avaient trait à des activités d’enquête. À cet égard, la requérante fait valoir que certains des documents visés par la demande d’accès ont été transmis par les entreprises concernées avant la notification de l’opération de concentration, en dehors de toute procédure formelle prévue par le règlement n° 4064/89.

    67      Les documents communiqués antérieurement au 14 avril 2003 l’ont été au titre de la procédure informelle, dite « de prénotification ». En dépit du caractère informel de cette procédure à la date de la transmission des documents, ces derniers doivent être considérés comme relevant de l’enquête menée par la Commission au titre de son contrôle des opérations de concentration. Ils ont été versés au dossier d’instruction de la Commission dans la procédure en cause, comme l’indiquent le courrier du directeur général de la DG « Concurrence » en date du 14 février 2005, qui identifie ces documents comme faisant partie de ce dossier, ainsi que la décision attaquée, qui précise que l’ensemble des documents demandés ont été « établis ou reçus dans le cadre du traitement [de la procédure en cause] ». Il en résulte que tous les documents demandés concernent effectivement une activité d’enquête.

    68      Toutefois, la circonstance qu’un document concerne une activité d’enquête ne saurait, à elle seule, suffire à justifier l’application de l’exception invoquée. Selon la jurisprudence, toute exception au droit d’accès aux documents de la Commission doit en effet être interprétée et appliquée strictement (arrêts de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389, point 66, et du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, ci-après l’« arrêt Turco », point 36 ; arrêt Franchet et Byk, point 41 supra, point 84).

    69      S’agissant de l’application ratione temporis desdites exceptions, l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001 prévoit en outre que les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 dudit règlement s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard « au contenu du document ».

    70      Il convient donc de déterminer si l’exception relative à la protection de l’objectif des activités d’enquête était encore applicable, ratione temporis, alors que l’enquête en cause avait abouti à l’adoption de deux décisions de la Commission, la décision de compatibilité et la décision d’agrément, qui n’étaient pas encore définitives, compte tenu des deux recours pendants devant le Tribunal visant à leur annulation (affaires T‑279/04 et T‑452/04).

    71      Il n’est pas contesté que l’enquête menée par la Commission dans le cadre de son contrôle de l’opération de concentration, qui a conduit à l’adoption de la décision de compatibilité, le 7 janvier 2004, et de la décision d’agrément, le 30 juillet 2004, était terminée au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 7 avril 2005. La Commission fait cependant valoir que, en cas d’annulation de la décision de compatibilité, elle serait amenée à adopter une nouvelle décision, et donc à rouvrir l’enquête et que l’objectif de cette enquête serait clairement mis en péril si des pièces établies ou reçues dans le cadre de la procédure de contrôle concernée étaient rendues publiques.

    72      Selon la jurisprudence, l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 doit recevoir une interprétation selon laquelle cette disposition, qui vise à protéger « les objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit », n’est applicable que si la divulgation des documents en question risque de mettre en péril l’achèvement de ces activités (arrêt Franchet et Byk, point 41 supra, point 109).

    73      Certes, les différents actes d’enquête ou d’inspection peuvent rester couverts par l’exception tirée de la protection des activités d’inspection, d’enquête et d’audit tant que les activités d’enquête ou d’inspection se poursuivent, même si l’enquête ou l’inspection particulière ayant donné lieu au rapport auquel l’accès est demandé est terminée (voir arrêt Franchet et Byk, point 41 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

    74      Néanmoins, admettre que les différents documents ayant trait à des activités d’inspection, d’enquête ou d’audit sont couverts par l’exception tirée de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 tant que les suites à donner à ces procédures ne sont pas arrêtées reviendrait à soumettre l’accès auxdits documents à un événement aléatoire, futur et éventuellement lointain, dépendant de la célérité et de la diligence des différentes autorités (arrêt Franchet et Byk, point 41 supra, point 111).

    75      Une telle solution se heurterait à l’objectif consistant à garantir l’accès du public aux documents des institutions, dans le but de donner aux citoyens la possibilité de contrôler d’une manière plus effective la légalité de l’exercice du pouvoir public (voir, en ce sens, arrêt Franchet et Byk, point 41 supra, point 112).

    76      En l’espèce, admettre que les documents demandés sont toujours couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 tant que les décisions de compatibilité et d’agrément adoptées à la suite de l’enquête concernée ne sont pas définitives, c’est-à-dire tant que le Tribunal et, le cas échéant, la Cour n’ont pas rejeté les recours introduits contre elles ou, en cas d’annulation, tant qu’une ou plusieurs nouvelles décisions n’ont pas été adoptées par la Commission, reviendrait à soumettre l’accès à ces documents à un événement aléatoire, futur et éventuellement lointain.

    77      Il résulte de ce qui précède que les documents demandés n’entraient plus, lors de l’adoption de la décision attaquée, dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête.

    78      Il convient de relever que, à supposer même que lesdits documents aient été susceptibles de relever du champ d’application de l’exception relative à la protection de l’objectif des activités d’enquête, il ne ressort aucunement des motifs de la décision attaquée que la Commission ait opéré un examen concret et individuel des documents demandés.

    79      Afin de justifier son refus de divulguer les documents demandés, la Commission invoque tout d’abord, dans la décision attaquée, la mise en péril de l’objectif de l’enquête qu’elle devrait rouvrir en cas d’annulation de la décision de compatibilité, si des pièces établies ou reçues dans le cadre de la procédure de contrôle ayant abouti à l’adoption de cette décision étaient rendues publiques à ce stade.

    80      Ensuite, la Commission affirme, dans la décision attaquée, que, de façon plus générale, la divulgation d’informations qui lui sont fournies dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations romprait le climat de confiance et de coopération entre elle et les parties intéressées, indispensable pour lui permettre de recueillir toutes les informations dont elle a besoin en vue de mener de telles enquêtes et de prendre des décisions fondées en la matière.

    81      Enfin, la Commission expose que chacun des documents visés contient des informations relatives à la stratégie commerciale des entreprises concernées, des commentaires et des demandes de sa part ou des réactions des entreprises aux vues exprimées par elle.

    82      De telles affirmations sont trop vagues et générales et ne s’appuient sur aucun élément propre à l’espèce. Le même raisonnement pourrait s’appliquer à tous les documents fournis dans le cadre de n’importe quelle procédure de contrôle d’une concentration, la motivation abstraite et générale fournie par la Commission ne se référant pas au contenu des documents en cause.

    83      L’argument de la Commission selon lequel, d’une part, une motivation individuelle serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé et, d’autre part, une motivation détaillée par rapport au contenu d’un document serait susceptible de divulguer des informations protégées par l’une des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001 doit être écarté. Une démonstration, pour chaque document en cause, des raisons pour lesquelles ce document était, partiellement ou non, couvert par l’exception relative à la protection de l’objectif des activités d’enquête pouvait être effectuée et être explicitée par la Commission, sans pour autant priver l’exception de sa finalité, ni compromettre la confidentialité des informations qui ont vocation, en raison de cette exception, à rester secrètes.

    84      Par ailleurs, il convient de relever que ni l’établissement d’un inventaire détaillé des documents demandés, ni la répartition de ces documents entre les différentes exceptions invoquées par la Commission pour justifier son refus d’accès, ni l’accès accordé à certains des documents demandés ne sont, à eux seuls, de nature à établir qu’un examen concret et individuel des documents auxquels l’accès a été refusé a été effectué.

    85      S’agissant des documents mentionnés au point 1 ci-dessus, sous d), c’est-à-dire de l’intégralité de la correspondance entre la Commission et Lagardère entre le mois de septembre 2002 et la notification de l’opération de concentration, la Commission soutient qu’un examen concret et individuel n’est pas requis lorsqu’il est clair que les documents concernés doivent ou ne doivent pas être divulgués.

    86      Comme cela a été souligné au point 45 ci-dessus, la jurisprudence admet, certes, qu’un examen concret et individuel peut ne pas être nécessaire lorsqu’il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce. En effet, en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, les dispositions relatives à l’accès du public aux documents de la Commission s’appliquent à tous les documents détenus par cette institution, c’est-à-dire à tous les documents établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. Il ne saurait donc être admis que, en matière de concentration, la correspondance entre la Commission et les parties intéressées soit considérée comme manifestement couverte par l’exception relative à la protection de l’objectif des activités d’enquête. Si cette exception est, le cas échéant, applicable à certains des documents établis par la Commission ou qui lui ont été communiqués, tel n’est pas nécessairement le cas de tous les documents ou de l’intégralité de ces documents. À tout le moins, il incombe à la Commission de s’en assurer par un examen concret et effectif de chaque document, requis par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

    87      L’argument de la Commission selon lequel, d’une manière générale, la divulgation d’informations qui lui ont été fournies dans le cadre d’une procédure de contrôle d’une concentration romprait le climat de confiance et de coopération entre elle et les parties intéressées doit aussi être rejeté. De telles considérations sont également trop vagues et trop générales pour établir l’existence d’un véritable risque, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique, d’atteinte à l’intérêt protégé concerné. L’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et ressortir des motifs de la décision (arrêts VKI, point 41 supra, point 69, et Franchet et Byk/Commission, point 41 supra, point 115). En l’espèce, la Commission s’est prononcée in abstracto sur l’atteinte que la divulgation des documents concernés pourrait porter à son activité d’enquête, sans démontrer à suffisance de droit que la divulgation de ces documents porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection de l’objectif des activités d’enquête.

    88      Certes, la Commission a tenté d’illustrer ce risque en se référant, dans le mémoire en défense, à la publication d’un cabinet d’avocats, invitant, à la suite de l’arrêt VKI, point 41 supra, les entreprises faisant l’objet d’une enquête de la Commission à faire preuve de prudence lorsqu’elles transmettent des informations à la Commission, compte tenu du risque de divulgation ultérieure au titre du droit d’accès aux documents. Outre le fait que le caractère concret de l’examen auquel la Commission a procédé doit ressortir des motifs de la décision et non de ses écritures devant le Tribunal, cet élément n’est pas de nature, à lui seul, à démontrer que le risque allégué par la Commission est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Quelle que soit la prudence à laquelle elles s’estiment tenues, pour des raisons qui leur sont propres, les entreprises concernées ne peuvent s’exonérer de leur obligation réglementaire de fournir les renseignements demandés par la Commission au titre du contrôle des concentrations.

    89      L’argument de la Commission tiré de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004, aux termes duquel « les informations recueillies en application du[dit…] règlement ne peuvent être utilisées que dans le but poursuivi par la demande de renseignements, le contrôle ou l’audition », n’est pas davantage convaincant. Cette disposition, dont la rédaction est, en substance, similaire dans la version invoquée par la Commission ou dans celle applicable à la présente affaire, à savoir le règlement n° 4064/89, vise la manière dont la Commission peut utiliser les informations fournies et ne régit pas l’accès aux documents garanti par le règlement n° 1049/2001. Elle ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’exercice du droit d’accès aux documents garanti par l’article 255 CE et par le règlement n° 1049/2001. De plus, elle doit être lue à la lumière du paragraphe 2 de l’article 17 du règlement n° 139/2004, qui exclut uniquement la divulgation des informations « qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ». Les entreprises notifiantes devaient donc s’attendre à ce que les informations recueillies non couvertes par le secret professionnel soient divulguées.

    90      Or, selon la jurisprudence, dans la mesure où le public a un droit d’accès à des documents contenant certaines informations, ces informations ne sauraient être considérées comme étant couvertes, par leur nature, par le secret professionnel (arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 74). L’obligation de secret professionnel ne revêt donc pas une portée telle qu’elle puisse justifier un refus d’accès général et abstrait aux documents transmis dans le cadre de la notification d’une concentration. Certes, ni l’article 287 CE ni les règlements n° 4064/89 et n° 139/2004 n’indiquent de façon exhaustive quelles informations sont couvertes, par leur nature, par le secret professionnel. Il ressort cependant de la formulation de l’article 17, paragraphe 2, de ces règlements, que toutes les informations recueillies ne sont pas nécessairement couvertes par le secret professionnel. Dès lors, l’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite une mise en balance entre, d’une part, les intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et, d’autre part, l’intérêt général qui veut que les activités des institutions communautaires se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Bank Austria Creditanstalt/Commission, précité, point 71, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, points 63 à 66).

    91      En procédant à l’examen concret et individuel des documents sollicités, conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, la Commission est ainsi en mesure d’assurer l’effet utile des dispositions applicables en matière de concentration, en pleine cohérence avec le règlement n° 1049/2001. Il s’ensuit que l’obligation de secret professionnel, résultant de l’article 287 CE et de l’article 17 des règlements n° 4064/89 et n° 139/2004, n’est pas de nature à dispenser la Commission de l’examen concret de chaque document en cause, requis par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

    92      Enfin, la Commission avance, dans la duplique, l’assertion selon laquelle la divulgation des documents transmis par les entreprises concernées avant la notification de l’opération de concentration méconnaîtrait les obligations de confidentialité s’imposant à elle en vertu de l’article 287 CE, de l’article 17 du règlement n° 139/2004 et d’un document établi par elle, intitulé « Meilleures pratiques pour la conduite des procédures communautaires de contrôle des concentrations ».

    93      Cet argument doit également être rejeté, pour les motifs exposés au point 90 ci-dessus.

    94      Il résulte de ce qui précède que ni l’article 287 CE ni l’article 17 des règlements n° 4064/89 et n° 139/2004 ne sont susceptibles de s’opposer à la divulgation d’un document qui ne serait pas couvert par l’une des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001.

    95      Il en va a fortiori ainsi des orientations figurant dans le document établi par la Commission et intitulé « Meilleures pratiques pour la conduite des procédures communautaires de contrôle des concentrations ». Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir s’il s’agit d’un instrument juridique contraignant et, en particulier, de déterminer s’il s’agit d’un acte produisant des effets de droit, il y a lieu de relever que ce document, non publié au Journal officiel et dont le point 2.4 précise expressément qu’il ne crée ni ne modifie les droits ou les obligations établis par le traité instituant la Communauté européenne, ne saurait s’opposer à la divulgation d’un document auquel l’accès est garanti par l’article 255 CE et le règlement n° 1049/2001.

    96      Il n’y a donc pas lieu d’examiner si les informations figurant dans les documents demandés sont couvertes par le secret professionnel, en sus de l’examen de la légalité de la décision attaquée au regard du règlement n° 1049/2001.

    97      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a commis une erreur de droit en refusant l’accès aux documents demandés au motif qu’ils étaient couverts par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, alors que ces documents n’entraient plus, lors de l’adoption de la décision attaquée, dans le champ d’application de cette exception et, en tout état de cause, sans qu’il ressorte des motifs de la décision attaquée qu’un examen concret et individuel de chacun de ces documents a été opéré.

    98      La décision attaquée est donc entachée d’illégalité sur ce point.

    99      Tous les documents litigieux auxquels l’accès a été refusé par la Commission restent cependant susceptibles d’être couverts, selon la décision attaquée, par l’une des autres exceptions au droit d’accès prévues par le règlement n° 1049/2001. Il y a donc lieu d’examiner la légalité du refus de divulgation en ce qu’il est fondé sur les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux, du processus décisionnel de la Commission et des avis juridiques.

    Sur l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

    –       Arguments des parties

    100    La requérante fait valoir que la Commission a adopté une approche abstraite et générale, sans procéder à un examen concret et individuel visant à vérifier que la communication de chacun des documents demandés porterait effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette exception. La Commission n’aurait pas démontré que le risque d’atteinte à l’intérêt protégé était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

    101    Selon la requérante, il incombait à la Commission d’identifier et d’isoler les secrets commerciaux susceptibles de devoir faire l’objet d’une protection particulière et de fournir une version non confidentielle des documents concernés. Elle conteste par ailleurs que les documents demandés puissent comporter autant d’informations commerciales sensibles, dès lors qu’ils portent pour une part importante sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, soit sur une question de nature juridique, et non commerciale.

    102    La requérante relève que la Commission n’a pas consulté les entreprises dont les intérêts commerciaux seraient concernés et qu’elle a communiqué, dans le cadre d’une autre procédure pendante devant le Tribunal, certaines pièces dont elle prétend qu’elles relèvent du secret des affaires, sans en référer à leurs auteurs.

    103    La Commission souligne avoir énuméré précisément dans la décision attaquée les documents auxquels l’exception concernée s’applique et avoir indiqué la nature des informations qu’ils contenaient, à savoir des informations sensibles relatives aux stratégies commerciales des entreprises en cause. Elle aurait procédé à un examen individuel et concret des documents demandés, sauf en ce qui concerne les documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), dont l’examen sommaire aurait permis de conclure qu’ils ne pouvaient être divulgués sans porter atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées. Elle soutient qu’une motivation individuelle serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé et que la jurisprudence a admis qu’une motivation détaillée par rapport au contenu d’un document serait susceptible de divulguer des informations protégées.

    104    Il ne lui aurait pas été possible de fournir une version non confidentielle des documents demandés et d’accorder ainsi un accès partiel à ces documents, ces derniers étant couverts dans leur intégralité par une ou plusieurs exceptions. Les versions non confidentielles transmises à la Commission par les entreprises concernées auraient pour seule finalité de permettre aux parties intéressées d’exercer leurs droits de la défense et ne pourraient donc être, sur cette seule base, divulguées au public en application du règlement n° 1049/2001. À défaut, les règles spécifiques prévues en matière d’accès au dossier dans le cadre du contrôle des concentrations seraient vidées de leur sens.

    105    Le contenu des documents ne se limiterait pas à des questions strictement juridiques, puisqu’il s’agit du contrat de cession, de la correspondance échangée à ce sujet, du contrat par lequel Natexis est devenu propriétaire des participations VUP, du mandat relatif à la vérification du respect des engagements de Lagardère, du mandat confié au gestionnaire des éléments d’actif séparés, du projet d’accord entre Lagardère et Wendel Investissement et de documents en rapport avec ce projet d’accord. Tous ces documents refléteraient la stratégie commerciale des entreprises concernées. Les parties notifiantes auraient expressément indiqué le caractère confidentiel des documents qu’elles ont soumis à la Commission. Le caractère récent de ces informations ne permettrait pas de prétendre qu’elles ont perdu leur confidentialité avec le temps.

    106    S’agissant des documents émanant de tiers, la Commission considère que, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, elle n’est pas tenue de consulter le tiers concerné afin de déterminer si une exception est applicable, s’il est clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. Tel serait le cas en l’espèce. S’agissant des documents dont elle est l’auteur, la Commission souligne qu’elle ne pouvait consulter les tiers concernés, une telle consultation n’étant prévue par le règlement n° 1049/2001 que pour les documents établis par un tiers.

    107    La communication des documents demandés serait en outre interdite par l’article 287 CE, qui impose aux membres et aux fonctionnaires des institutions de ne pas divulguer des informations couvertes par le secret professionnel, lequel inclurait les secrets d’affaires. Cette obligation de ne pas divulguer les informations couvertes par le secret professionnel figure également à l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, qu’a remplacé le règlement n° 139/2004. L’article 18, paragraphe 3, de ces deux règlements conditionne aussi l’accès au dossier au respect de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

    108    L’intervenante soutient notamment que les secrets d’affaires bénéficieraient, en matière de contrôle des concentrations, d’une protection particulière, en vertu de l’article 287 CE, de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal et de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 802/2004. Les autres arguments avancés par l’intervenante sont semblables, en substance, à ceux de la Commission.

    –       Appréciation du Tribunal

    109    Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle ».

    110    L’article 4, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que, « dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué ».

    111    La Commission estime que, parmi les documents litigieux, les documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), e) et h), et au point 2 ci-dessus, sous b), c) (en partie), d), f), g) et i), sont couverts, au moins partiellement, par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux.

    112    C’est à la lumière des principes rappelés au point 65 ci-dessus qu’il convient d’examiner l’application que la Commission a faite de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 pour refuser l’accès aux documents demandés.

    113    En l’espèce, en premier lieu, certains des documents pour lesquels cette exception est invoquée sont susceptibles de contenir des informations confidentielles entrant dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux. En effet, en raison de leur objet même, ces documents sont, comme le souligne la décision attaquée, susceptibles de contenir des informations relatives aux stratégies commerciales des entreprises concernées.

    114    En second lieu, il convient d’examiner la question de savoir si la divulgation des documents entrant dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé.

    115    Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et ressortir des motifs de la décision.

    116    Dans la décision attaquée, la Commission a refusé la divulgation des documents énumérés au point 111 ci-dessus, au motif que ces documents contiendraient des informations sensibles relatives aux stratégies commerciales des entreprises concernées. Leur divulgation porterait donc clairement atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées.

    117    Il ne ressort cependant pas de ces motifs qu’un examen concret et individuel desdits documents ait été opéré. La motivation abstraite et générale fournie par la Commission ne se réfère pas au contenu des documents en cause. Une justification similaire pourrait s’appliquer à tous les documents fournis, dans le cadre de n’importe quelle procédure de contrôle d’une concentration.

    118    Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles l’institution concernée peut, selon la jurisprudence (arrêt VKI, point 41 supra, point 75), se dispenser d’un examen concret et individuel ne sont pas réunies.

    119    Il résulte en effet de la constatation opérée au point 86 ci-dessus qu’il ne saurait être admis que l’ensemble des documents auxquels l’accès a été refusé en application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux sont manifestement couverts dans leur intégralité par cette exception.

    120    De même, il ne saurait être soutenu qu’il était objectivement impossible à la Commission d’indiquer les raisons justifiant le refus d’accès à chaque document sans divulguer le contenu de ce document ou un élément essentiel de celui-ci et, partant, sans priver l’exception de sa finalité essentielle, ce qui pourrait justifier la généralité, la brièveté et le caractère stéréotypé de la motivation (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, point 46 supra, point 83, et arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, point 41 supra, point 84 ; voir, par analogie, s’agissant du code de conduite de 1993, arrêt WWF UK/Commission, point 46 supra, point 65).

    121    La Commission pouvait en effet décrire le contenu de chaque document et préciser la nature des informations confidentielles, sans les révéler pour autant. L’obligation, pour les entreprises ayant fourni des informations à la Commission, de signaler celles qu’elles jugent confidentielles et de transmettre une version non confidentielle des documents communiqués, prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 61, p. 1), permet à la Commission, à tout le moins, de motiver de façon précise le refus d’accès pour chaque document, sans divulguer les informations confidentielles y figurant.

    122    S’agissant de l’absence de liste identifiant les documents figurant au point 1 ci-dessus, sous d), c’est-à-dire de la correspondance échangée entre la Commission et Lagardère, la Commission avance l’argument selon lequel cette correspondance est répartie sur une vingtaine de classeurs, de sorte que l’établissement d’une liste détaillée par document individuel représenterait une charge administrative disproportionnée. Elle indique, dans la décision attaquée, avoir pris en considération la catégorie de documents dans son ensemble, et affirme, dans ses écritures, qu’elle était autorisée à refuser l’accès à ces documents à l’issue d’un examen sommaire, ces documents étant manifestement et intégralement couverts par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux.

    123    Cette argumentation doit être rejetée. Ainsi qu’il a été relevé au point 86 ci-dessus, en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, les dispositions relatives à l’accès du public aux documents de la Commission s’appliquent à tous les documents détenus par cette institution, c’est-à-dire à tous les documents établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. Il ne saurait donc être admis que, en matière de concentration, la correspondance entre la Commission et les parties intéressées soit considérée comme manifestement couverte par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux. Si cette exception est, le cas échéant, applicable à certains des documents établis par la Commission ou qui lui ont été communiqués, tel n’est pas nécessairement le cas de tous les documents ou de l’intégralité de ces documents. À tout le moins, il incombe à la Commission de s’en assurer par un examen concret et effectif de chaque document, requis par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

    124    L’argument de la Commission et de l’intervenante tiré du respect du secret professionnel, garanti par l’article 287 CE et par l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, et des secrets d’affaires, garanti par l’article 18, paragraphe 3, de ce règlement, doit également être écarté. Ainsi qu’il a été rappelé au point 90 ci-dessus, selon la jurisprudence, dans la mesure où le public a un droit d’accès à des documents contenant certaines informations, ces informations ne sauraient être considérées, par leur nature, comme étant couvertes par le secret professionnel ou la protection des secrets d’affaires (voir, en ce sens, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 90 supra, point 74).

    125    La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir consulté les entreprises dont la protection des intérêts commerciaux pourrait être atteinte par la divulgation des documents concernés.

    126    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, dans le cas de documents émanant d’un tiers, l’institution consulte celui-ci afin de déterminer si une exception prévue à l’article 4, paragraphe 1 ou 2, du même règlement est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. Il s’ensuit que les institutions ne sont pas obligées de consulter le tiers concerné s’il apparaît clairement que le document doit être divulgué ou ne doit pas l’être. Dans tous les autres cas, les institutions doivent consulter le tiers en question. Dès lors, la consultation du tiers concerné constitue, en règle générale, une condition préalable pour la détermination de l’application des exceptions à l’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1049/2001 dans le cas de documents émanant de tiers (arrêts du Tribunal du 30 novembre 2004, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, T‑168/02, Rec. p. II‑4135, point 55, et Terezakis/Commission, point 65 supra, point 54).

    127    L’absence de consultation des tiers auteurs des documents n’est donc conforme au règlement n° 1049/2001 que si l’une des exceptions prévues par ledit règlement s’applique clairement aux documents en cause. Tel n’est pas le cas en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 63 à 98 ci-dessus, s’agissant de l’exception relative à l’objectif des activités d’enquête, et aux points 109 à 124 ci-dessus, s’agissant de la protection des intérêts commerciaux.

    128    S’agissant des documents émanant de la Commission, c’est à juste titre que cette dernière fait valoir que le règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas de procédure de consultation des tiers pour ce type de documents. Dès lors, le grief formulé par la requérante manque en droit en ce qu’il vise les documents dont la Commission est l’auteur.

    129    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle a appliqué l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 aux documents visés au point 1 ci-dessus, sous d), e) et h), et au point 2 ci-dessus, sous b), c) (en partie), d), f), g) et i), sans qu’il ressorte des motifs de la décision attaquée qu’un examen concret et individuel de chacun de ces documents ait été opéré et sans que les tiers auteurs de certains de ces documents aient été consultés, s’agissant de la divulgation des documents émanant d’eux.

    Sur l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001

    –       Arguments des parties

    130    La requérante fait valoir que la Commission a adopté une approche abstraite et générale, sans procéder à un examen concret et individuel visant à vérifier que la communication de chacun des documents demandés porterait effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette exception. La Commission n’aurait pas démontré que le risque d’atteinte à l’intérêt protégé était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

    131    La requérante affirme que la Commission, en invoquant cette exception pour refuser l’accès aux documents visés au point 1 ci-dessus, sous g), contredit l’argumentation qu’elle développe en défense dans l’affaire T‑279/04, par laquelle elle soutient que la décision d’appliquer l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 à l’acquisition des actifs de VUP par Natexis/Investima 10 n’aurait eu aucune conséquence sur la décision de compatibilité, et donc qu’une éventuelle application erronée de cette disposition ne saurait affecter la validité de cette décision. Elle violerait ainsi le principe venire contra factum proprium.

    132    Selon la requérante, ces documents portent sur l’interprétation d’un point de droit et ne sauraient donc constituer des actes préparatoires dont la divulgation devrait être refusée. En tout état de cause, la communication de ces documents serait d’intérêt public, car elle éclairerait les conditions d’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

    133    La Commission fait observer que l’appréciation de la validité de la décision de compatibilité est une question distincte de celle de la légalité de l’application des exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001 et conteste donc la pertinence de l’argument de la requérante. Les deux documents demandés auxquels l’accès a été refusé afin de protéger le processus décisionnel de la Commission sont des documents internes de la Commission, comportant des délibérations internes relatives à la procédure en cause. La divulgation de ces documents porterait gravement préjudice au processus décisionnel dans la mesure où il est indispensable de préserver la capacité des services de la Commission d’instruire librement les affaires dont ils sont chargés, à l’abri de pressions extérieures, afin de permettre à celle-ci de prendre ses décisions en pleine connaissance de cause.

    134    La protection de ces documents préparatoires serait d’autant plus nécessaire que la décision prise sur la base de ces documents fait l’objet d’un recours en annulation et que ces derniers resteraient donc pertinents en cas d’annulation.

    135    Les arguments avancés par l’intervenante sont semblables, en substance, à ceux de la Commission.

    –       Appréciation du Tribunal

    136    Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, « l’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

    137    L’accès à deux des trois notes de la Commission visées au point 1 ci-dessus, sous g), a été refusé par la Commission en vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001. Il s’agit d’une note du 10 février 2002 de la DG « Concurrence » au service juridique de la Commission, demandant un avis sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, et d’une note du 4 novembre 2002 résumant l’état du dossier, établie pour le membre de la Commission chargé de la concurrence.

    138    Premièrement, il y a lieu de constater que ces documents, qui ont été communiqués au Tribunal (voir point 23 ci-dessus), sont des documents préparatoires à la décision finale et ont été échangés au sein de la Commission pour permettre l’élaboration des documents formalisant la prise de position de l’institution. Ils contiennent des « avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires », au sens de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, et relèvent donc bien du champ d’application de cette disposition.

    139    Deuxièmement, il convient d’examiner si le refus d’accès aux documents internes demandés est, en l’espèce, justifié par l’exception tirée de la protection du processus décisionnel de l’institution.

    140    Selon une jurisprudence constante, l’application de cette exception suppose qu’il soit démontré que l’accès aux documents sollicités était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection du processus décisionnel de la Commission et que ce risque d’atteinte était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée).

    141    De surcroît, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation des documents visés a un impact substantiel sur le processus décisionnel. Or, l’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs sur le processus décisionnel, invoqués par l’institution quant à la divulgation des documents visés (arrêt Muñiz/Commission, point 140 supra, point 75).

    142    En l’espèce, la décision attaquée évoque le préjudice sérieux que subirait le processus décisionnel si les délibérations internes des services de la Commission relatives à cette affaire étaient rendues publiques. Elle souligne l’importance s’attachant à ce que la Commission soit en mesure de préparer ses décisions en toute sérénité, à l’abri de toute pression extérieure et que ses services puissent exprimer librement leurs points de vue afin d’éclairer la prise de décision. Selon elle, la faculté, pour le personnel de la Commission, de formuler de tels points de vue serait sérieusement réduite si l’éventualité d’une publication devait être prise en compte.

    143    Il y a lieu de constater que ces justifications sont invoquées de manière générale et abstraite, sans être étayées par des argumentations circonstanciées au regard du contenu des documents en cause. De telles considérations sont ainsi susceptibles d’être invoquées à propos de n’importe quel document de même nature. Dès lors, elles ne sauraient suffire à justifier le refus d’accès aux documents sollicités en l’espèce, sous peine de porter atteinte au principe d’interprétation stricte des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, et en particulier à celle prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, dudit règlement.

    144    Partant, la Commission n’a pas démontré que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 s’appliquait aux documents internes sollicités.

    145    Dès lors, le refus d’accès intégral aux documents internes demandés doit être annulé pour erreur de droit, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de l’existence d’un intérêt public supérieur.

    Sur l’exception relative à la protection des avis juridiques, prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001

    –       Arguments des parties

    146    La requérante fait valoir que la Commission a adopté une approche abstraite et générale, sans procéder à un examen concret et individuel visant à vérifier que la communication de la note du service juridique demandée porterait effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette exception. La Commission n’aurait pas démontré que le risque d’atteinte à l’intérêt protégé était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

    147    La requérante considère que l’avis du service juridique de la Commission, visé au point 1 ci-dessus, sous g), devrait être divulgué, afin de permettre aux tiers et au Tribunal de contrôler la manière dont la règle de droit prévue à l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89 a été interprétée et appliquée par la Commission.

    148    Selon la requérante, la Commission ne saurait invoquer la protection de l’indépendance de son service juridique pour refuser l’accès à ce document, car elle est tenue de respecter l’obligation de transparence, garante, aux termes du préambule du règlement n° 1049/2001, d’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. Le refus d’accès opposé par la Commission, loin de renforcer l’indépendance de ses avis juridiques, viendrait accréditer l’idée que la décision de compatibilité n’a pas été rendue en toute indépendance.

    149    La Commission fait observer que l’accès aux documents prévu par le règlement n° 1049/2001 est accordé ou refusé indépendamment des intérêts particuliers ou des motifs pour lesquels le requérant souhaite avoir accès aux documents demandés. Les arguments invoqués par la requérante seraient donc dénués de pertinence. La divulgation de l’avis juridique concerné dépendrait uniquement de l’atteinte que cette divulgation pourrait porter à l’indépendance et à l’impartialité desdits avis. L’exception concernant les avis juridiques vise à protéger leur indépendance et à garantir que ces avis puissent être donnés en toute franchise et objectivité. L’avis en cause aurait été destiné uniquement à éclairer les services de la Commission et sa divulgation conduirait le service juridique de cette institution à rédiger ses avis avec davantage de retenue, privant ainsi l’institution concernée d’un instrument essentiel à la bonne exécution de sa mission.

    150    La Commission relève que des limites régissent l’exercice du droit d’accès aux documents en vertu de l’article 255, paragraphe 2, CE. Dès lors, l’invocation de l’obligation de transparence par la requérante ne saurait faire échec aux exceptions prévues par le règlement n° 1049/2001.

    151    La Commission récuse l’allégation selon laquelle le refus d’accès au document demandé laisserait soupçonner qu’elle n’a pas adopté sa décision en toute indépendance. Elle rappelle qu’elle est tenue de refuser l’accès à un document lorsque les conditions d’application d’une exception prévue par le règlement n° 1049/2001 sont réunies et qu’elle ne peut donc accorder l’accès à un document couvert par une exception afin de réfuter des accusations de fraude.

    –       Appréciation du Tribunal

    152    Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document demandé.

    153    La Commission a refusé de divulguer l’avis de son service juridique du 10 octobre 2002 portant sur l’application de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, document visé au point 1 ci-dessus, sous g), en se fondant sur cette disposition.

    154    Tout d’abord, il y a lieu de constater que ledit document, communiqué au Tribunal (voir point 23 ci-dessus), contient, par-delà sa dénomination, un avis juridique émis par le service juridique de la Commission. Ce document doit donc être considéré, dans son intégralité, comme un avis juridique au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, susceptible de tomber dans le champ d’application de l’exception prévue par cette disposition.

    155    Ensuite, il y a lieu de déterminer si la divulgation de cet avis juridique porterait atteinte à la protection des avis juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001.

    156    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exception relative aux avis juridiques doit être interprétée comme visant à protéger l’intérêt de la Commission à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets. Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique (arrêt Turco, point 68 supra, points 42 et 43).

    157    En l’espèce, la décision attaquée justifie le refus de divulgation de l’avis concerné au motif que les avis juridiques sont des documents internes ayant pour but essentiel d’offrir à la Commission et à ses services des opinions sur des questions juridiques, sur la base desquelles la Commission et ses services adoptent leurs positions définitives. Il serait essentiel que ces avis puissent être donnés en toute franchise et en toute objectivité. Dans le cas d’espèce, la communication de l’avis du service juridique de la Commission, ainsi que des questions soumises à celui-ci par la DG « Concurrence », aurait pour effet de rendre publique une discussion interne relative à la portée de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89. Si ledit service juridique avait dû tenir compte de la publication ultérieure de son avis, ce dernier ne serait pas exprimé en toute indépendance. Dès lors, l’élaboration d’un avis écrit sur cette question perdrait tout son intérêt, ce qui priverait la Commission d’un instrument essentiel à la bonne exécution de ses tâches.

    158    Il convient de constater que ce n’est pas la seule circonstance que le document en cause est un avis juridique qui est invoquée par la Commission dans la décision attaquée pour justifier l’application de l’exception concernée, mais le fait que la divulgation de cet avis risquerait de transmettre au public des informations sur l’état des discussions internes entre la DG « Concurrence » et son service juridique, relatives à la portée de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89.

    159    Or, la divulgation de la note en cause serait susceptible de conduire le service juridique de la Commission à faire preuve, à l’avenir, de retenue et de prudence dans la rédaction de telles notes afin de ne pas affecter la capacité de décision de la Commission dans les matières où elle intervient en qualité d’administration.

    160    Il convient également de relever que, en l’espèce, le risque d’atteinte à la protection des avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. En effet, outre les raisons indiquées aux points 157 et 159 ci-dessus, la divulgation de ces avis risque de mettre la Commission dans la situation délicate dans laquelle son service juridique pourrait se voir obligé de défendre devant le Tribunal une position qui n’était pas celle qu’il avait fait valoir en sa qualité de conseil des services chargés du dossier au cours des discussions internes qui ont eu lieu lors de la procédure administrative. Or, le risque qu’une telle opposition se produise est susceptible d’affecter considérablement, à la fois, la liberté d’opinion dudit service juridique et sa capacité à défendre efficacement devant le juge de l’Union, sur un pied d’égalité avec les autres représentants légaux des différentes parties à la procédure juridictionnelle, la position définitive de la Commission et le processus décisionnel interne de cette dernière. La Commission, en effet, décide en tant que collège, en fonction de la mission particulière qui lui est impartie et doit avoir la liberté de défendre une position juridique qui diffère de celle prise initialement par son service juridique.

    161    Par ailleurs, à la différence des cas où les institutions agissent en qualité de législateur, dans lesquels un accès plus large aux documents devrait être autorisé aux termes du considérant 6 du règlement n° 1049/2001 (arrêt Turco, point 68 supra, point 46), l’avis juridique litigieux a été élaboré dans le cadre des fonctions purement administratives de la Commission. Or, l’intérêt du public à obtenir communication d’un document au titre de l’obligation de transparence, qui tend à assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel et à garantir une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique, n’est pas le même lorsque ce document relève d’une procédure administrative visant l’application des règles régissant le contrôle des concentrations ou le droit de la concurrence en général ou lorsqu’il est relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution concernée intervient en qualité de législateur.

    162    Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la divulgation de l’avis du service juridique visé au point 1 ci-dessus, sous g), ne porterait pas atteinte à la protection des avis juridiques.

    163    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les premier et second moyens sont fondés, sauf en ce qui concerne le refus de divulgation de l’avis du service juridique visé au point 1 ci-dessus, sous g).

    Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du droit à un accès au moins partiel aux documents demandés

    Arguments des parties

    164    La requérante conteste le refus de la Commission de lui accorder un accès partiel aux documents demandés en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. Elle estime que la Commission n’a pas apprécié la charge administrative que représenterait l’établissement de versions non confidentielles des documents demandés, puisqu’elle n’a pas procédé à un examen concret et individuel de ces pièces. La jurisprudence ferait primer le droit d’accès du public sur le principe de bonne administration et ce n’est que dans des cas très limités et de façon restrictive qu’une exception à ce droit pourrait être admise.

    165    Il n’appartiendrait par ailleurs pas à la Commission d’apprécier l’intérêt que présenterait pour la requérante la communication des parties fragmentaires qui pourraient, le cas échéant, être rendues publiques en cas d’accès partiel.

    166    La Commission affirme avoir procédé à un examen concret et individuel des documents demandés, autres que ceux visés au point 1 ci-dessus, sous d). À l’issue de cet examen, la Commission aurait considéré que seules certaines parties fragmentaires auraient pu être divulguées et que la charge administrative qu’aurait représentée l’identification de ces parties était disproportionnée par rapport à l’intérêt du public à accéder à ces parties fragmentaires, conformément au principe de bonne administration.

    Appréciation du Tribunal

    167    L’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 dispose que, « si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées ».

    168    L’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 implique un examen concret et individuel du contenu de chaque document. En effet, seul un tel examen peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur. Une appréciation qui serait réalisée par catégories plutôt que par rapport aux éléments d’informations concrets contenus dans ces documents s’avère en principe insuffisante, dès lors que l’examen requis de la part de l’institution doit lui permettre d’apprécier concrètement si une exception invoquée s’applique réellement à l’ensemble des informations contenues dans lesdits documents (voir, en ce sens, arrêt Franchet et Byk/Commission, point 41 supra, point 117, et la jurisprudence citée).

    169    En l’espèce, un tel examen des documents demandés ne ressort pas des motifs de la décision attaquée. La Commission a en effet estimé que cet examen engendrerait une charge administrative disproportionnée par rapport à l’intérêt du public à accéder aux parties fragmentaires qui résulteraient d’un tel exercice.

    170    Selon la jurisprudence, c’est à titre exceptionnel et uniquement lorsque la charge administrative provoquée par l’examen concret et individuel des documents se révélerait particulièrement lourde, dépassant ainsi les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, qu’une dérogation à l’obligation d’examen peut être admise (arrêt VKI, point 41 supra, point 112).

    171    En outre, dans la mesure où le droit à l’accès aux documents détenus par les institutions constitue une solution de principe, c’est sur l’institution qui se prévaut d’une exception liée au caractère déraisonnable de la tâche requise par la demande que repose la charge de la preuve de son ampleur (arrêt VKI, point 41 supra, point 113, et arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, non publié au Recueil, point 86).

    172    Enfin, lorsque l’institution a apporté la preuve du caractère déraisonnable de la charge administrative requise par l’examen concret et individuel des documents visés dans la demande, elle est dans l’obligation d’essayer de se concerter avec le demandeur afin, d’une part, de prendre connaissance ou de lui faire préciser son intérêt à l’obtention des documents en cause et, d’autre part, d’envisager concrètement les options qui se présentent à elle pour l’adoption d’une mesure moins contraignante qu’un examen concret et individuel des documents. Dès lors que le droit d’accès aux documents représente le principe, l’institution reste néanmoins tenue, dans ce contexte, de privilégier l’option qui, tout en ne constituant pas elle-même une tâche dépassant les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, reste la plus favorable au droit d’accès du demandeur (arrêt VKI, point 41 supra, point 114).

    173    Il en résulte que l’institution ne peut se dispenser de tout examen concret et individuel qu’après avoir réellement étudié toutes les autres options envisageables et expliqué de façon circonstanciée, dans sa décision, les raisons pour lesquelles ces diverses options impliquent, elles aussi, une charge de travail déraisonnable (arrêt VKI, point 41 supra, point 115).

    174    En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée, qui refuse globalement tout accès partiel à la requérante, ne pourrait être légale que dans l’hypothèse où la Commission aurait préalablement expliqué, de façon concrète, les raisons pour lesquelles les solutions alternatives à un examen concret et individuel de chacun des documents visés constituaient, également, une charge de travail déraisonnable.

    175    Or, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que la Commission ait envisagé de façon concrète et exhaustive les diverses options qui s’offraient à elle afin d’entreprendre des démarches qui ne lui imposeraient pas une charge de travail déraisonnable, mais augmenteraient en revanche les chances que la requérante puisse bénéficier, au moins pour une partie de la demande d’accès, d’une communication partielle des documents demandés. Il ne ressort pas, en particulier, de la décision attaquée, que la Commission ait étudié concrètement l’option consistant à demander aux entreprises ayant communiqué certains des documents demandés si une version non confidentielle de ces documents pourrait être communiquée à la requérante.

    176    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée, en ce qu’elle refuse l’accès partiel à l’ensemble des documents demandés, sans qu’il ressorte des motifs de la décision attaquée qu’un examen concret et individuel de chacun de ces documents a été opéré et sans que la Commission ait expliqué, de façon concrète, les raisons pour lesquelles les solutions autres qu’un examen concret et individuel de chacun des documents visés représentaient une charge de travail déraisonnable.

    Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

    Arguments des parties

    177    La requérante souligne que la demande d’accès ne vise pas à défendre exclusivement des intérêts privés. Elle aurait également pour objet la préservation d’une concurrence non faussée sur les marchés de l’édition en France et d’éviter le contournement des règles relatives au contrôle des concentrations par l’utilisation frauduleuse de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89. Un intérêt public supérieur justifierait donc, en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, la divulgation des documents demandés.

    178    La Commission soutient que la requérante n’a pas démontré l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés. L’utilisation par la requérante des documents demandés à l’appui de son recours dirigé contre la décision de compatibilité ne saurait être considérée comme un intérêt public supérieur. Un tel recours est en effet subordonné à l’existence d’un intérêt personnel à agir et serait irrecevable si la requérante agissait au nom de l’intérêt public.

    179    De plus, à supposer même que le recours de la requérante ait pour objet l’intérêt public, ce n’est pas l’usage que le demandeur entend faire des documents qui est pertinent, mais la divulgation qui doit être justifiée par un intérêt public supérieur. Ce sont les caractéristiques particulières des documents qui devraient justifier leur divulgation au nom d’un intérêt public supérieur, indépendamment du but poursuivi par la requérante. Tel ne serait pas le cas en l’espèce.

    180    Enfin, la Commission fait valoir que c’est au juge saisi de la légalité de la décision attaquée dans l’affaire T-279/04 qu’il appartient d’apprécier la nécessité des documents demandés pour la défense de la requérante dans cette affaire.

    181    La requérante souligne qu’elle peut être à la fois une personne morale directement et individuellement concernée par la décision attaquée et une personne morale citoyenne de l’Union autorisée à obtenir l’accès aux documents demandés. Elle fait valoir que la divulgation des documents sollicités et l’utilisation qui en serait faite poursuivent les mêmes buts, à savoir la sauvegarde d’une concurrence non faussée et l’application transparente du droit de la concurrence.

    182    La requérante considère qu’il est permis à une partie à une instance dans laquelle la production de documents pourrait être ordonnée par le Tribunal de contester, dans le cadre d’une procédure parallèle, une décision ayant refusé l’accès à ces documents au titre du règlement n° 1049/2001.

    183    La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, l’intérêt public supérieur visé à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 doit, en principe, être distinct des principes qui sous-tendent ledit règlement, parmi lesquels figure l’obligation de transparence invoquée par la requérante.

    184    L’intervenante souligne qu’aucun intérêt public supérieur ne justifie la divulgation des documents demandés par la requérante, dont la demande d’accès auxdits documents serait fondée sur des intérêts purement privés. Elle soutient également, dans ses observations liminaires, que la demande d’accès de la requérante aux documents est abusive et contraire à la vocation du règlement n° 1049/2001, car motivée par son intérêt particulier, à savoir la défense de ses droits dans les affaires T‑279/04 et T‑452/04. Elle fait valoir que la jurisprudence a indiqué que le règlement n° 1049/2001 n’a pas pour objet de protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à un document des institutions. La jurisprudence aurait également reconnu que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant et qu’il ne doit pas permettre la poursuite d’intérêts privés relatifs, par exemple, à la poursuite d’un recours contre les institutions.

    Appréciation du Tribunal

    185    L’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 précise que les exceptions prévues auxdits paragraphes s’appliquent « à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

    186    Dans la décision attaquée, la Commission a refusé de considérer qu’un intérêt public supérieur justifiait la divulgation au motif que la demande d’accès serait fondée sur la défense des intérêts de la requérante dans un litige pendant devant le Tribunal. Cet intérêt serait de toute évidence privé et non public. Or, aux termes du règlement, seul un intérêt public serait susceptible de primer la nécessité de protéger les intérêts visés aux paragraphes 2 et 3 de l’article 4 du règlement n° 1049/2001.

    187    Compte tenu des constatations opérées par le Tribunal selon lesquelles la Commission a commis une erreur de droit en invoquant les exceptions relatives à la protection de l’objectif des activités d’enquête, des intérêts commerciaux et du processus décisionnel, il n’y a pas lieu d’examiner l’éventuelle existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents auxquels l’accès a été refusé sur le fondement de ces exceptions.

    188    À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de l’intervenante selon lequel la demande d’accès de la requérante serait abusive, car fondée sur des intérêts strictement privés. En effet, l’article 6, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement n° 1049/2001 dispose que le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. Ce règlement ayant pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions, l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux-ci n’a pas à être pris en compte par l’institution appelée à se prononcer sur la demande d’accès (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, point 46 supra, points 43 à 47). Une demande d’accès fondée sur des intérêts strictement privés ne saurait donc être qualifiée d’abusive.

    189    En revanche, il y a lieu d’examiner l’éventuelle existence d’un intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation de l’avis du service juridique visé au point 1 ci-dessus, sous g).

    190    Selon la jurisprudence, les intérêts publics supérieurs susceptibles de justifier la divulgation d’un document couvert par une exception sont notamment ceux qui sous-tendent le règlement n° 1049/2001 (arrêt Turco, point 68 supra, points 67, 75 et 76). Contrairement aux affirmations de la Commission, l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation n’a donc pas à être distinct des principes qui sous-tendent ledit règlement.

    191    Compte tenu du principe général d’accès aux documents tel que consacré à l’article 255 CE et des considérants 1 et 2 du règlement n° 1049/2001, l’intérêt public supérieur justifiant la divulgation doit avoir un caractère objectif et général et ne saurait être confondu avec des intérêts particuliers ou privés, par exemple, relatifs à la poursuite d’un recours contre les institutions, de tels intérêts particuliers ou privés ne constituant pas un élément pertinent dans le cadre de la mise en balance des intérêts prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement.

    192    En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont « tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». Il en ressort que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant (arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, point 41 supra, point 50). Dès lors, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à des documents le concernant personnellement ne saurait généralement être décisif pour l’appréciation tant de l’existence d’un intérêt public supérieur que de la mise en balance des intérêts au titre de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

    193    Ainsi, à supposer même que les documents demandés s’avèrent nécessaires à la défense de la requérante dans le cadre d’un recours juridictionnel, question qui relève de l’examen de ce recours, cette circonstance n’est pas pertinente pour apprécier la balance des intérêts publics (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, point 41 supra, point 55, et ordonnance du Tribunal du 8 juin 2005, SIMSA/Commission, T‑287/03, non publiée au Recueil, point 34).

    194    La circonstance selon laquelle les documents demandés pourraient permettre à la requérante de mieux faire valoir ses arguments dans le cadre des recours en annulation qu’elle a déposés contre la décision de compatibilité et contre la décision d’agrément ne saurait donc être constitutive d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de l’avis juridique concerné.

    195    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel cette divulgation aurait pour effet de favoriser la préservation d’une concurrence non faussée sur les marchés de l’édition en France et d’éviter le contournement des règles relatives au contrôle des concentrations par l’utilisation frauduleuse de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 4064/89, il ne ressort pas des éléments du dossier et du contenu de l’avis du service juridique de la Commission, communiqué au Tribunal (voir point 23 ci-dessus), que la divulgation de cet avis serait justifiée par un tel intérêt public supérieur.

    196    Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen, en ce qu’il viserait à démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de l’avis juridique visé au point 1 ci-dessus, sous g).

    197    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée, en ce qu’elle a refusé l’accès, intégral et partiel, à l’ensemble des documents demandés, à l’exception de l’avis juridique visé au point 1 ci-dessus, sous g), et en ce qu’elle a refusé l’accès partiel audit avis juridique.

     Sur les dépens

    198    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

    199    Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu du fait que la Commission a succombé en la plupart de ses demandes, il sera fait une juste appréciation de la cause en condamnant la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que les neuf dixièmes de ceux exposés par la requérante.

    200    L’intervenante supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL

    déclare et arrête :

    1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision D (2005) 3286 de la Commission des Communautés européennes, du 7 avril 2005, en ce qu’elle a refusé l’accès, intégral et partiel, aux documents visés au point 1 du présent arrêt, sous a) à c), et au point 2 du présent arrêt, sous h) et j).

    2)      La décision D (2005) 3286 est annulée en ce qu’elle refuse l’accès intégral aux documents visés au point 1 du présent arrêt, sous d), e), g) et h), et au point 2 du présent arrêt, sous b) à d), f), g) et i), à l’exception de l’avis du service juridique de la Commission visé au point 1 du présent arrêt, sous g).

    3)      La décision D (2005) 3286 est annulée en ce qu’elle refuse l’accès partiel aux documents visés au point 1 du présent arrêt, sous d), e), g) et h), et au point 2 du présent arrêt, sous b) à d), f), g) et i).

    4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

    5)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les neuf dixièmes de ceux exposés par les Éditions Odile Jacob SAS.

    6)      Lagardère SCA supportera ses propres dépens.

    Meij

    Vadapalas

    Truchot

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2010.

    Signatures


    * Langue de procédure : le français.

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