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Document 62005CJ0266

Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er février 2007.
Jose Maria Sison contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Accès aux documents des institutions - Règlement (CE) nº 1049/2001 - Exceptions - Intérêt public - Sécurité publique - Relations internationales - Documents ayant servi de fondement à une décision du Conseil instaurant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Documents sensibles - Refus d'accès - Refus de communication de l'identité des États dont émanent certains de ces documents.
Affaire C-266/05 P.

Recueil de jurisprudence 2007 I-01233

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:75

Affaire C-266/05 P

Jose Maria Sison

contre

Conseil de l'Union européenne

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) nº 1049/2001 — Exceptions — Intérêt public — Sécurité publique — Relations internationales — Documents ayant servi de fondement à une décision du Conseil instaurant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Documents sensibles — Refus d'accès — Refus de communication de l'identité des États dont émanent certains de ces documents»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 22 juin 2006 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er février 2007 

Sommaire de l'arrêt

1.     Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 1, a))

2.     Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 4, § 1, a); règlement du Conseil nº 2580/2001)

3.     Communautés européennes — Institutions — Droit d'accès du public aux documents — Règlement nº 1049/2001

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1049/2001, art. 9, § 3)

1.     L'étendue du contrôle de légalité incombant au juge communautaire en vertu de l'article 230 CE est susceptible de varier selon les domaines considérés. S'agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, il convient de reconnaître un large pouvoir d'appréciation au législateur communautaire dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure adoptée en ces domaines, par rapport à l'objectif que l'institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité de la mesure en cause.

S'agissant de l'étendue du contrôle juridictionnel de la légalité d'une décision du Conseil refusant l'accès du public à un document au titre de l'une des exceptions relatives à l'intérêt public visées à l'article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, il convient de reconnaître au Conseil une large marge d'appréciation aux fins de déterminer si la divulgation de documents relevant des domaines couverts par lesdites exceptions est susceptible de porter atteinte à l'intérêt public. Le contrôle de légalité exercé par le juge communautaire à l'égard d'une telle décision doit, partant, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits, ainsi que de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

(cf. points 32-34)

2.     Le règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, a pour objet d'ouvrir un droit d'accès du public en général aux documents des institutions et non d'édicter des règles destinées à protéger l'intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l'un de ceux-ci. Il ressort par ailleurs du libellé de l'article 4, paragraphe 1, sous a), dudit règlement que, s'agissant des exceptions au droit d'accès visées par cette disposition, le refus de l'institution est obligatoire dès lors que la divulgation au public d'un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu'il y ait lieu, en pareil cas et à la différence de ce que prévoit par exemple le paragraphe 2 du même article, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d'autres intérêts. Par conséquent, l'intérêt particulier d'un requérant à obtenir la communication de documents ne saurait être pris en compte par l'institution appelée à se prononcer sur la question de savoir si la divulgation au public de ces documents porterait atteinte aux intérêts protégés par ladite disposition et à refuser, en pareil cas, l'accès sollicité.

À supposer même que le requérant ait le droit d'être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation qui aurait été portée contre lui du fait de son inscription sur la liste des personnes soumises au gel des fonds et avoirs financiers instauré par le règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et que ce droit implique un accès à des documents détenus par le Conseil, un tel droit ne saurait trouver à s'exercer spécifiquement par le recours aux mécanismes d'accès du public aux documents mis en place par le règlement nº 1049/2001.

(cf. points 43, 46-48)

3.     L'article 9, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, précise que les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l'accord de l'autorité d'origine. Ladite autorité est ainsi fondée à exiger le secret en ce qui concerne l'existence même d'un document sensible et dispose également du pouvoir de s'opposer à la divulgation de sa propre identité au cas où l'existence dudit document viendrait à être connue. Une telle conclusion, qui s'impose ainsi au regard du libellé de cette disposition, s'explique eu égard à la nature particulière des documents visés au paragraphe 1 de cet article, documents dont le contenu extrêmement sensible justifie, ainsi qu'il ressort du neuvième considérant dudit règlement, qu'ils fassent l'objet d'un traitement particulier. Ladite conclusion ne saurait dès lors être tenue pour disproportionnée au motif qu'il peut en résulter, pour le demandeur auquel un tel refus d'accès à un document sensible est opposé, un accroissement de la difficulté, voire une impossibilité pratique, d'identifier l'État d'origine de ce document.

(cf. points 101-103)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er février 2007 (*)

«Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Exceptions – Intérêt public – Sécurité publique – Relations internationales – Documents ayant servi de fondement à une décision du Conseil instaurant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Documents sensibles – Refus d’accès – Refus de communication de l’identité des États dont émanent certains de ces documents»

Dans l’affaire C-266/05 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 24 juin 2005,

Jose Maria Sison, demeurant à Utrecht (Pays-Bas), représenté par Me J. Fermon, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Schiemann (rapporteur), M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par son pourvoi, M. Sison demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 avril 2005, Sison/Conseil (T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation de trois décisions du Conseil de l’Union européenne, des 21 janvier, 27 février et 2 octobre 2003, portant refus d’accès à certains documents (ci-après, respectivement, la «première décision de refus», la «deuxième décision de refus» et la «troisième décision de refus» ainsi que, prises ensemble, les «décisions de refus»).

 Le contexte juridique et factuel

 Le cadre juridique

2       Les troisième, quatrième, neuvième et onzième considérants du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), sont libellés comme suit:

«(3)      […] Le présent règlement consolide les initiatives déjà prises par les institutions en vue d’améliorer la transparence du processus décisionnel.

(4)      Le présent règlement vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents et à en définir les principes généraux et limites conformément à l’article 255, paragraphe 2, du traité CE.

[...]

(9)      Du fait de leur contenu extrêmement sensible, certains documents devraient faire l’objet d’un traitement particulier. [...]

[...]

(11)      En principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Toutefois, certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. [...]»

3       L’article 1er, sous a), dudit règlement énonce que ce dernier vise à «définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission […] prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents».

4       L’article 2 du même règlement prévoit, sous l’intitulé «Bénéficiaires et champ d’application»:

«1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[...]

5.      Les documents qualifiés de sensibles selon la définition figurant à l’article 9, paragraphe 1, font l’objet d’un traitement particulier tel que prévu par cet article.

[...]»

5       Sous l’intitulé «Exceptions», l’article 4 du règlement n° 1049/2001 dispose:

«1.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection:

a)      de l’intérêt public, en ce qui concerne:

–       la sécurité publique,

–       la défense et les affaires militaires,

–       les relations internationales,

–       la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre;

[...]

2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection:

–       des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–       des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–       des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

4.      Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5.      Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.

6.      Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

[…]»

6       L’article 6, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite [...] Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande.»

7       L’article 9 du même règlement dispose:

«1.      Les documents sensibles sont des documents émanant des institutions ou des agences créées par elles, des États membres, de pays tiers ou d’organisations internationales, classifiés ‘TRÈS SECRET/TOP SECRET’, ‘SECRET’ ou ‘CONFIDENTIEL’ en vertu des règles en vigueur au sein de l’institution concernée protégeant les intérêts fondamentaux de l’Union européenne ou d’un ou plusieurs de ses États membres dans les domaines définis à l’article 4, paragraphe 1, point a), en particulier la sécurité publique, la défense et les questions militaires.

[…]

3.      Les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine.

4.      Toute décision d’une institution refusant l’accès à un document sensible est fondée sur des motifs ne portant pas atteinte aux intérêts dont la protection est prévue à l’article 4.

[…]»

8       Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001:

«Pour chaque document, le registre contient un numéro de référence […], le thème abordé et/ou une brève description du contenu du document […] Les références sont conçues de manière à ne pas porter atteinte à la protection des intérêts visés à l’article 4.»

9       Sous le titre «Accès direct sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre», l’article 12, paragraphes 1 et 2, dudit règlement prévoit:

«1.      Les institutions mettent autant que possible les documents à la disposition directe du public, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre conformément aux règles en vigueur au sein de l’institution concernée.

2.      En particulier, les documents législatifs, c’est-à-dire les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci, devraient être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9.»

 Les antécédents du litige

10     Les antécédents du litige ont été exposés comme suit par le Tribunal aux points 2 à 8 de l’arrêt attaqué:

«2      Le 28 octobre 2002, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2002/848/CE mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2002/460/CE (JO L 295, p. 12). Cette décision a inclus le requérant dans la liste des personnes soumises au gel des fonds et avoirs financiers instauré par ce règlement (ci‑après la «liste litigieuse»). Cette liste a été mise à jour, notamment, par la décision 2002/974/CE du Conseil, du 12 décembre 2002 (JO L 337, p. 85), et la décision 2003/480/CE du Conseil, du 27 juin 2003 (JO L 160, p. 81), abrogeant les décisions précédentes et établissant une nouvelle liste. Le nom du requérant a été maintenu à chaque fois sur cette liste.

3      Conformément au règlement n° 1049/2001, le requérant a demandé, par lettre confirmative du 11 décembre 2002, l’accès aux documents ayant amené le Conseil à adopter la décision 2002/848 et la communication de l’identité des États ayant fourni certains documents à cet égard. Par lettre confirmative du 3 février 2003, le requérant a demandé l’accès à tous les nouveaux documents ayant amené le Conseil à adopter la décision 2002/974 le maintenant sur la liste litigieuse et la communication de l’identité des États ayant fourni certains documents à cet égard. Par lettre confirmative du 5 septembre 2003, le requérant a demandé spécifiquement l’accès au compte rendu du Comité des représentants permanents (Coreper) 11311/03 EXT 1 CRS/CRP, relatif à la décision 2003/480, ainsi qu’à tous les documents soumis au Conseil avant l’adoption de la décision 2003/480 et fondant son inclusion et son maintien sur la liste litigieuse.

4      Le Conseil a opposé un refus d’accès, même partiel, à chacune de ces demandes, respectivement par [les première, deuxième et troisième décisions de refus].

5      S’agissant des première et deuxième décisions de refus, le Conseil a indiqué que les informations ayant conduit à l’adoption des décisions établissant la liste litigieuse figuraient respectivement dans les comptes rendus sommaires du Coreper du 23 octobre 2002 (13441/02 EXT 1 CRS/CRP 43) et du 4 décembre 2002 (15191/02 EXT 1 CRS/CRP 51) classifiés ‘CONFIDENTIEL UE’.

6      Le Conseil a refusé de donner accès à ces comptes rendus en invoquant l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001. Il a exposé, d’une part, que ‘la divulgation de [ces comptes rendus] ainsi que des informations en possession des autorités des États membres qui luttent contre le terrorisme permettrait aux personnes, groupes et entités faisant l’objet de ces informations de nuire aux activités menées par ces autorités et porterait gravement atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique’. D’autre part, selon le Conseil, la ‘divulgation des informations en question porterait aussi atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, étant donné que les actions menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme impliqu[aient] également des autorités d’États tiers’. Le Conseil a refusé l’accès partiel à ces informations au motif qu’elles étaient ‘couvertes par les exceptions précitées dans leur intégralité’. Le Conseil a, en outre, refusé de communiquer l’identité des États ayant fourni des informations pertinentes en signalant que ‘[l’] [les] autorité[s] d’origine des informations en objet, après consultation conformément à l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, [est] [sont] opposée[s] à la divulgation de l’information demandée’.

7      S’agissant de la troisième décision de refus, le Conseil a d’abord indiqué que la demande du requérant concernait le même document que celui dont l’accès lui avait été refusé par la première décision de refus. Le Conseil a confirmé sa première décision de refus et a ajouté que l’accès au compte rendu 13441/02 devait être également refusé en raison de l’exception relative aux procédures juridictionnelles (article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001). Le Conseil a ensuite reconnu avoir indiqué par erreur comme pertinent le compte rendu 11311/03, relatif à la décision 2003/480. À cet égard, il a exposé ne pas avoir reçu d’autre information ou document justifiant la révocation de la décision 2002/848 pour autant qu’elle concerne le requérant.

8      Le requérant a introduit un recours en annulation de la décision 2002/974, enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑47/03.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11     Le requérant a introduit trois recours successifs devant le Tribunal visant à obtenir l’annulation, respectivement, de la première décision de refus (affaire T-110/03), de la deuxième décision de refus (affaire T‑150/03) et de la troisième décision de refus (affaire T‑405/03). Ces trois affaires ont fait l’objet d’une jonction.

12     Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté chacun desdits recours.

13     Ainsi qu’il ressort des points 26, 34 et 35 de l’arrêt attaqué, le recours dans l’affaire T‑405/03 a été déclaré, d’une part, irrecevable dans la mesure où il porte sur le refus purement confirmatif d’accès au compte rendu 13441/02 et, d’autre part, non fondé dans la mesure où il concernerait un refus d’accès à d’autres documents, le Tribunal ayant à cet égard considéré que l’inexistence de tels documents avait été établie à suffisance de droit par le Conseil.

14     Le recours dans l’affaire T‑150/03 a été rejeté comme non fondé, le Tribunal ayant conclu, au point 38 de l’arrêt attaqué, à l’inexistence des documents demandés par le requérant.

15     S’agissant de l’affaire T‑110/03, le Tribunal a jugé, à titre liminaire, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué:

«46      S’agissant de l’étendue du contrôle du Tribunal sur la légalité d’une décision de refus, il convient de noter que, dans les arrêts [du 19 juillet 1999,] Hautala/Conseil, [T‑14/98, Rec. p. II‑2489], point 71, et [du 7 février 2002,] Kuijer/Conseil, [T‑211/00, Rec. p. II‑485], point 53, le Tribunal a reconnu au Conseil une large marge d’appréciation dans le cadre d’une décision de refus fondée, en partie comme en l’espèce, sur la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales. Dans l’arrêt Kuijer/Conseil, […], une telle marge d’appréciation a été reconnue à l’institution lorsque celle‑ci fonde son refus d’accès en invoquant la protection de l’intérêt public en général. Dès lors, dans les domaines relatifs aux exceptions obligatoires à l’accès du public aux documents prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation.

47      En conséquence, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions des institutions refusant l’accès à des documents en raison des exceptions relatives à l’intérêt public prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêts Hautala/Conseil, […], points 71 et 72, confirmé sur pourvoi, et Kuijer/Conseil, […], point 53).»

16     Statuant sur le moyen du requérant selon lequel le refus d’accès aux documents demandés implique une violation du droit à un procès équitable, plus précisément des garanties prévues à l’article 6, paragraphe 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»), ainsi qu’une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal a jugé ce qui suit aux points 50 à 55 de l’arrêt attaqué:

«50      Il convient de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont ‘[t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre’. Il en ressort que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant.

51      D’autre part, les exceptions à l’accès aux documents prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 sont rédigées en termes impératifs. Il s’ensuit que les institutions sont obligées de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions, lorsque la preuve des circonstances visées est rapportée (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 58, et du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission, T‑20/99, Rec. p. II‑3011, point 39).

52      Dès lors, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte dans le cadre de l’application des exceptions obligatoires prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001.

53      Le requérant prétend, en substance, que le Conseil était obligé de lui donner accès aux documents demandés dans la mesure où ces documents lui sont nécessaires pour garantir son droit à un procès équitable dans le cadre de l’affaire T‑47/03.

54      Or, le Conseil ayant invoqué les exceptions obligatoires prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 dans la première décision de refus, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l’éventuel besoin particulier du requérant de disposer des documents demandés.

55      Dès lors, à supposer même que ces documents s’avèrent nécessaires à la défense du requérant dans le cadre de l’affaire T‑47/03, question qui relève de l’examen de cette dernière affaire, cette circonstance n’est pas pertinente pour apprécier la validité de la première décision de refus.»

17     Pour rejeter le deuxième moyen invoqué par le requérant, tiré de ce que la première décision de refus aurait méconnu l’obligation de motivation incombant aux institutions en vertu de l’article 253 CE, le Tribunal s’est fondé sur les motifs suivants:

«60      S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement n° 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays‑Bas et van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 24). Toutefois, il peut être impossible d’indiquer les raisons justifiant la confidentialité à l’égard de chaque document, sans divulguer le contenu de ce dernier, et, partant, priver l’exception de sa finalité essentielle (voir, par analogie, arrêt WWF UK/Commission, […] point 65).

61      Dans le cadre de cette jurisprudence, il appartient donc à l’institution ayant refusé l’accès à un document de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel.

62      En l’espèce, s’agissant du compte rendu 13441/02, le Conseil a indiqué clairement les exceptions sur lesquelles il fondait son refus en invoquant cumulativement les premier et troisième tirets de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001. Il a indiqué en quoi ces exceptions étaient pertinentes par rapport aux documents concernés en se référant à la lutte contre le terrorisme et à l’intervention d’États tiers. Il a, de plus, fourni une brève explication relative au besoin de protection invoqué. Ainsi, s’agissant de la sécurité publique, il a exposé que la communication des documents donnerait aux personnes faisant l’objet de ces informations l’opportunité de nuire à l’action des autorités publiques. S’agissant des relations internationales, il a, succinctement, évoqué l’implication d’États tiers dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La brièveté de cette motivation est admissible au regard du fait que l’évocation d’informations supplémentaires, faisant notamment référence au contenu des documents visés, priverait les exceptions invoquées de leur finalité.

63      S’agissant du refus d’accès partiel à ces documents, le Conseil a expressément indiqué, d’une part, avoir examiné cette possibilité et, d’autre part, la raison pour laquelle cette possibilité avait été rejetée, à savoir que les documents en question étaient intégralement couverts par les exceptions invoquées. Pour les mêmes raisons que précédemment, le Conseil ne pouvait pas identifier précisément les informations contenues dans ces documents sans priver les exceptions invoquées de leur finalité. Le fait que cette motivation apparaisse stéréotypée ne constitue pas, en soi, un défaut de motivation en ce qu’elle n’empêche ni la compréhension ni la vérification du raisonnement tenu.

64      S’agissant de l’identité des États ayant fourni des documents pertinents, il doit être noté que le Conseil a lui même signalé l’existence de documents émanant d’États tiers dans ses décisions initiales de refus. D’une part, le Conseil a indiqué l’exception avancée à cet égard, à savoir l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. D’autre part, il a fourni les deux critères d’application de cette exception. En premier lieu, il a implicitement mais nécessairement considéré que les documents en cause étaient des documents sensibles. Cet élément apparaît compréhensible et vérifiable au vu du contexte dans lequel il s’inscrit, en particulier au vu de la classification ‘CONFIDENTIEL UE’ des documents en cause. En second lieu, le Conseil a exposé avoir consulté les autorités concernées et avoir pris acte de leur opposition à toute divulgation de leur identité.

65      Malgré la relative brièveté de la motivation de la première décision de refus (deux pages), le requérant a été pleinement mis en mesure de comprendre les raisons des refus qui lui ont été opposés et le Tribunal mis à même d’effectuer son contrôle. Dès lors, le Conseil a correctement motivé lesdites décisions.»

18     Par un troisième moyen, tiré d’une violation du droit d’accès aux documents, le requérant alléguait la violation des articles 1er, deuxième alinéa, UE, 6, paragraphe 1, UE, et 255 CE, ainsi que de l’article 4, paragraphes 1, sous a), et 6, et de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

19     Statuant sur la première branche de ce troisième moyen, selon laquelle, lors de l’adoption de la première décision de refus, le Conseil aurait, tout à la fois, omis d’examiner concrètement la question de savoir si la divulgation des informations demandées était susceptible de porter atteinte à l’intérêt public, omis de mettre en balance ses propres intérêts et ceux du requérant et méconnu le principe de l’interprétation stricte des exceptions au droit d’accès aux documents, le Tribunal a notamment jugé ce qui suit aux points 71 à 82 de l’arrêt attaqué:

«71      Il y a lieu de rappeler, au préalable, que le Conseil n’était pas tenu, dans le cadre des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, de prendre en compte l’intérêt particulier du requérant à obtenir les documents demandés (voir points 52 et 54 ci‑dessus).

[...]

74      S’agissant, en premier lieu, de la protection de l’intérêt public relatif à la sécurité publique, […]

[…]

77      […] il doit être admis que l’efficacité de la lutte contre le terrorisme suppose que les informations détenues par les autorités publiques concernant des personnes ou entités suspectées de terrorisme soient maintenues secrètes afin que ces informations gardent leur pertinence et permettent une action efficace. Dès lors, la communication du document demandé au public aurait nécessairement porté atteinte à l’intérêt public relatif à la sécurité publique. À cet égard, la distinction avancée par le requérant entre les informations d’ordre stratégique et les informations le concernant personnellement ne saurait être admise. En effet, toute information personnelle révélerait nécessairement certains aspects stratégiques de la lutte contre le terrorisme, tels que les sources d’informations, la nature de ces informations ou le degré de surveillance des personnes suspectées de terrorisme.

78      Le Conseil n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant l’accès au compte rendu 13441/02 pour des raisons de sécurité publique.

79      S’agissant, en second lieu, de la protection de l’intérêt public relatif aux relations internationales, il est patent, au regard de la décision 2002/848 et du règlement n° 2580/2001, que son objet, à savoir la lutte contre le terrorisme, s’inscrit dans le cadre d’une action internationale née de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 septembre 2001. Dans le cadre de cette action globale, les États sont appelés à collaborer. Or, les éléments de cette collaboration internationale figurent très probablement, voire obligatoirement, dans le document demandé. En toute hypothèse, le requérant n’a pas contesté le fait que des États tiers soient impliqués dans l’adoption de la décision 2002/848. Il a, au contraire, demandé à se voir communiquer l’identité de ces États. Il en résulte que le document demandé s’inscrit effectivement dans le champ de l’exception relative aux relations internationales.

80      Cette collaboration internationale en matière de terrorisme suppose une confiance de la part des États dans la confidentialité accordée aux informations qu’ils ont transmises au Conseil. Eu égard à la nature du document demandé, le Conseil a donc pu considérer, à juste titre, que la divulgation de ce document pouvait compromettre la position de l’Union européenne dans la collaboration internationale en matière de lutte contre le terrorisme.

81      À cet égard, l’argument du requérant – selon lequel le simple fait que des États tiers soient impliqués dans les activités des institutions ne saurait justifier l’application de l’exception en cause – doit être rejeté pour les raisons exposées ci‑dessus. En effet, contrairement à ce que suppose cet argument, la collaboration d’États tiers s’inscrit dans un cadre particulièrement sensible, à savoir la lutte contre le terrorisme, qui justifie que cette collaboration soit maintenue secrète. De plus, lue dans son ensemble, la décision fait apparaître que les États concernés ont même refusé que leur identité soit divulguée.

82      Il en résulte que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la divulgation du document demandé était susceptible de porter atteinte à l’intérêt public en matière de relations internationales.»

20     Statuant sur la troisième branche du troisième moyen du recours, selon laquelle une interprétation stricte de la «règle de l’auteur» impliquerait que le Conseil indique l’identité des États ayant soumis des documents relatifs à la décision 2002/848 ainsi que la nature exacte de ces documents afin de mettre le requérant en mesure de présenter une demande d’accès à ces documents auprès de leurs auteurs, le Tribunal s’est prononcé en ces termes aux points 91 à 99 de l’arrêt attaqué:

«91      Il convient de noter, au préalable, que l’argumentation du requérant est essentiellement fondée sur une jurisprudence ancienne relative au code de conduite du 6 décembre 1993, concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO L 340, p. 41, ci‑après le ‘code de conduite’), mis en œuvre par la décision 93/731/CE du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l’accès du public aux documents du Conseil (JO L 340, p. 43), et [par] la décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58).

92      En vertu de ce code de conduite, lorsque le document détenu par une institution avait pour auteur une personne tierce, la demande d’accès devait être adressée directement à cette personne. La Cour en a conclu que l’institution devait préciser à l’intéressé l’identité de l’auteur du document afin qu’il puisse s’adresser directement à lui (arrêt [du 6 mars 2003,] Interporc/Commission, [C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125], point 49).

93      En revanche, en vertu de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001, il appartient à l’institution en cause de consulter elle‑même le tiers auteur sauf si la réponse positive ou négative à la demande d’accès s’impose d’elle‑même. Dans le cas des États membres, ceux‑ci peuvent demander à ce que leur accord soit requis.

94      La règle de l’auteur, telle qu’elle figurait dans le code de conduite, a donc subi un changement fondamental dans le règlement n° 1049/2001. Il en résulte que l’identité de l’auteur prend une importance bien moindre que sous le précédent régime.

95      En outre, pour les documents sensibles, l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 dispose que ces documents ‘ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine’. Il doit donc être constaté que les documents sensibles bénéficient d’un régime dérogatoire dont l’objet est, à l’évidence, de garantir le secret quant à leur contenu et, même, quant à leur existence.

96      Dès lors, le Conseil n’avait pas l’obligation de divulguer les documents en cause, dont des États sont auteurs, relatifs à l’adoption de la décision 2002/848, y compris l’identité de ces auteurs, pour autant que, premièrement, ces documents soient des documents sensibles et, deuxièmement, que les États auteurs en aient refusé la communication.

97      Or, il doit être constaté que le requérant ne conteste ni la base juridique invoquée par le Conseil, à savoir l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, qui implique que les documents concernés sont considérés comme sensibles, ni le fait que le Conseil ait obtenu un avis négatif des États auteurs des documents concernés.

98      À titre surabondant, il ne fait pas de doute que les documents en cause sont des documents sensibles. […] Par ailleurs, eu égard à la présomption de légalité s’attachant à toute déclaration d’une institution, il y a lieu de noter que le requérant n’a apporté aucun indice de ce que la déclaration du Conseil – selon laquelle il avait obtenu un avis négatif des États concernés – est erronée.

99      Dès lors, c’est à bon droit que le Conseil a refusé de divulguer les documents en cause, y compris l’identité de leurs auteurs.»

 Sur le pourvoi

21     Dans son pourvoi, au soutien duquel il invoque cinq moyens, le requérant demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de statuer ensuite elle‑même sur le litige en faisant droit aux conclusions qu’il a présentées en première instance aux fins d’annulation des décisions de refus. Le requérant sollicite également la condamnation du Conseil aux dépens.

22     Le Conseil conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi en tant qu’il vise les affaires T‑150/03 et T‑405/03

23     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, non encore publié au Recueil, point 49 et jurisprudence citée).

24     En l’occurrence, bien que le requérant conclue dans sa requête à l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que celui‑ci se prononce sur les affaires T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, force est de constater que les cinq moyens soulevés à l’appui du pourvoi sont exclusivement dirigés contre les motifs sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour rejeter le recours dans l’affaire T‑110/03. Lesdits moyens ne comportent en revanche aucune critique à l’encontre des motifs retenus par le Tribunal pour conclure au rejet des recours dans les affaires T‑150/03 et T‑405/03.

25     Dans ces conditions, le pourvoi doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il poursuit l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que celui‑ci a rejeté les recours dans les affaires T‑150/03 et T‑405/03.

 Sur le pourvoi en tant qu’il vise l’affaire T‑110/03

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 220 CE, 225 CE et 230 CE ainsi que des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à une protection juridictionnelle effective

–       Argumentation du requérant

26     Par la première branche du premier moyen, le requérant soutient que, en jugeant, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, que le Conseil dispose d’un pouvoir d’appréciation illimité pour refuser l’accès à des documents au titre des exceptions tirées de la protection de l’intérêt public visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 et que le contrôle juridictionnel d’un tel pouvoir d’appréciation se limite à une vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir, le Tribunal a indûment restreint la portée du contrôle de légalité complet lui incombant en vertu de l’article 230 CE. L’article 67, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal autoriserait d’ailleurs ce dernier à fonder son contrôle sur le contenu du document dont l’accès a été refusé, ce qui confirmerait également que le Tribunal est tenu d’effectuer un contrôle complet de légalité des décisions des institutions en matière d’accès du public aux documents de ces dernières.

27     À titre subsidiaire, le requérant fait valoir qu’un tel contrôle complet de légalité se justifierait à tout le moins au regard des spécificités du cas d’espèce, qui se distinguerait en effet à trois titres de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hautala/Conseil, précité, auquel se réfèrent les points 46 et 47 de l’arrêt attaqué. Premièrement, les documents demandés et la première décision de refus relèveraient entièrement de la sphère du traité CE et non de celle de la politique étrangère et de sécurité commune définie au titre V du traité UE. Deuxièmement, lesdits documents ne seraient pas à usage interne, mais ils seraient destinés à alimenter le processus législatif et devraient dès lors bénéficier d’un accès plus large. Troisièmement, le requérant disposerait d’un intérêt légitime à obtenir l’accès auxdits documents qui le concernent personnellement et ont conduit à son inscription sur la liste litigieuse.

28     En jugeant, à ce dernier égard, au point 52 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte pour l’application des exceptions obligatoires prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, le Tribunal aurait commis deux erreurs de droit.

29     D’une part, il aurait omis d’exercer son contrôle sous l’angle du principe général énoncé à l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la CEDH, selon lequel «tout accusé a droit notamment à [...] être informé, dans le plus court délai […] et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui», alors, pourtant, que le requérant entrerait dans les prévisions d’une telle disposition du fait de son inscription sur la liste litigieuse. D’autre part, en ignorant ainsi l’intérêt particulier du requérant, le Tribunal aurait méconnu la règle selon laquelle la décision relative à une demande d’accès aux documents des institutions doit être prise au terme de l’examen des circonstances propres à chaque cas d’espèce.

30     Par la deuxième branche du premier moyen, le requérant fait valoir que, en s’abstenant d’examiner la légalité de la première décision de refus au regard du principe énoncé à l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la CEDH et de répondre à ses arguments sur ce point, le Tribunal aurait méconnu les droits de la défense et le principe général garantissant le droit à un procès équitable.

31     Par la troisième branche du premier moyen, le requérant soutient que, en limitant la portée du contrôle de légalité et en s’abstenant de faire droit à l’argument tiré de la méconnaissance du principe énoncé audit article 6, paragraphe 3, sous a), le Tribunal aurait en outre méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif que le requérant tire de l’article 13 de la CEDH.

–       Appréciation de la Cour

32     En ce qui concerne la première branche du premier moyen, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’étendue du contrôle de légalité incombant au juge communautaire en vertu de l’article 230 CE est susceptible de varier selon les domaines considérés.

33     S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a ainsi jugé qu’il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur communautaire dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Elle en a déduit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée en ces domaines, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, notamment, arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 80 et jurisprudence citée).

34     Contrairement à ce que soutient le requérant, c’est à bon droit que, dans la ligne de la jurisprudence ainsi rappelée, le Tribunal a jugé, au point 46 de l’arrêt attaqué, s’agissant de l’étendue du contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision du Conseil refusant l’accès du public à un document au titre de l’une des exceptions relatives à l’intérêt public visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, qu’il convient de reconnaître à cette dernière institution une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation de documents relevant des domaines couverts par lesdites exceptions est susceptible de porter atteinte à l’intérêt public. C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 47 de l’arrêt attaqué, que le contrôle de légalité exercé par le juge communautaire à l’égard d’une telle décision doit, partant, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

35     En premier lieu, il convient d’admettre que la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte à ces intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier. Une telle décision requiert dès lors une marge d’appréciation.

36     En deuxième lieu, il convient de relever que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 sont très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait «atteinte» à la protection de l’«intérêt public» en ce qui concerne notamment la «sécurité publique» ou les «relations internationales».

37     À cet égard, il ressort de l’examen des travaux ayant précédé l’adoption dudit règlement que diverses propositions visant à préciser davantage le champ d’application des exceptions relatives à l’intérêt public auxquelles se réfère l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, qui auraient sans doute permis d’accroître dans une mesure correspondante les possibilités de contrôle juridictionnel en ce qui concerne l’appréciation portée par l’institution, n’ont pas été retenues.

38     Il en va notamment ainsi de la précision qui figurait dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2000, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO C 177 E, p. 70), précision qui visait à réserver le champ d’application de ces exceptions aux cas d’«atteinte significative» à la protection desdits intérêts. Tel est également le cas du trentième amendement à la proposition susvisée, contenu dans la proposition législative figurant dans le rapport de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (A5‑0318/2000), par lequel il était suggeré de reformuler l’article 4 de telle manière que le refus d’accès intervienne lorsque la divulgation d’un document risquerait de compromettre «sensiblement» la sécurité publique ou un «intérêt vital» dans les relations internationales de l’Union.

39     En troisième lieu, et ainsi que le Conseil le fait valoir à bon droit, l’article 67, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal n’est pas de nature à remettre en cause le bien‑fondé des principes énoncés aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué. En effet, cette disposition, qui figure dans le titre II, chapitre 3, section 2, dudit règlement, consacrée aux mesures d’instruction, se borne à prévoir à son troisième alinéa que, «[l]orsqu’un document dont l’accès a été refusé par une institution communautaire a été produit devant le Tribunal dans le cadre d’un recours portant sur la légalité de ce refus, ce document n’est pas communiqué aux autres parties». Or, une telle disposition vise avant tout à préserver les effets de la décision qui a été prise par une institution de ne pas communiquer un document tant que le Tribunal n’a pas statué sur le fond, dès lors qu’une telle non‑communication constitue précisément l’objet du litige soumis à ce dernier. En revanche, ladite disposition procédurale ne saurait, quand bien même elle atteste de ce que le Tribunal peut, le cas échéant, être amené à prendre connaissance d’un document dont l’accès a été refusé au public, revêtir une quelconque pertinence pour délimiter l’étendue du contrôle juridictionnel incombant au juge communautaire en vertu du traité CE.

40     S’agissant, en quatrième lieu, de l’argumentation subsidiaire du requérant, tirée des prétendues spécificités du cas d’espèce telles qu’énumérées au point 27 du présent arrêt, il convient de constater que celles‑ci ne sauraient davantage exercer une quelconque influence sur l’étendue du contrôle juridictionnel incombant en l’occurrence au Tribunal.

41     En ce qui concerne, premièrement, l’affirmation du requérant selon laquelle les documents demandés auraient en l’occurrence contribué à l’adoption d’un acte de nature législative, il suffit de relever que, même à la supposer exacte, une telle allégation ne saurait avoir d’influence sur la question de savoir si la divulgation desdits documents est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 ni, partant, sur celle de savoir si l’accès sollicité à de tels documents doit être refusé. Il convient notamment de relever à cet égard que l’article 12, paragraphe 2, dudit règlement, s’il prévoit que les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux‑ci devraient être rendus directement accessibles, ajoute toutefois qu’il n’en va de la sorte que sous réserve des articles 4 et 9 de ce même règlement.

42     Pour ce qui est, deuxièmement, de l’argument que le requérant prétend tirer de la circonstance que les documents sollicités et la première décision de refus relèveraient entièrement de la sphère du traité CE et non de celle de la politique étrangère et de sécurité commune, il suffit de relever qu’une telle circonstance n’est pas vérifiée dans le cas d’espèce. Ainsi que le Conseil l’a souligné, la décision 2002/848, qui a procédé à l’inscription du requérant sur la liste litigieuse, est en effet étroitement liée à la position commune 2002/847/PESC du Conseil, du 28 octobre 2002, mettant à jour la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et abrogeant la position commune 2002/462/PESC (JO L 295, p. 1).

43     S’agissant, troisièmement, de l’intérêt spécifique qu’aurait le requérant à prendre connaissance des documents dont la communication était demandée, il convient de souligner que, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 50 de l’arrêt attaqué, le règlement n° 1049/2001 a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux‑ci.

44     C’est ce qui ressort notamment des articles 2, paragraphe 1, 6, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, dudit règlement, ainsi que de l’intitulé et des quatrième et onzième considérants de ce règlement. La première de ces dispositions garantit en effet indistinctement le droit d’accès à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, la deuxième spécifiant à cet égard que le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. L’article 12, paragraphe 1, prévoit que les institutions mettent autant que possible les documents à la disposition «directe» du public, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre. L’intitulé du règlement n° 1049/2001 ainsi que les quatrième et onzième considérants de celui‑ci soulignent également que ce règlement a pour objet de rendre les documents des institutions accessibles au «public».

45     L’analyse des travaux ayant conduit à l’adoption du règlement n° 1049/2001 révèle d’ailleurs que la possibilité d’étendre l’objet de ce règlement en prévoyant la prise en compte de certains intérêts spécifiques dont pourrait se prévaloir une personne aux fins d’obtenir l’accès à un document particulier a été examinée. C’est ainsi, notamment, que le trente et unième amendement contenu dans la proposition législative figurant dans le rapport de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen suggérait l’introduction d’un article 4, paragraphe 1, bis nouveau dans la proposition de la Commission mentionnée au point 38 présent arrêt, selon lequel, «[l]orsqu’elle examine l’intérêt du public à la divulgation du document, l’institution prend également en compte l’intérêt invoqué par un pétitionnaire, un plaignant ou un autre bénéficiaire ayant un droit, un intérêt ou une obligation en la matière». De même, le septième amendement proposé dans l’avis rendu par la commission des pétitions du Parlement européen figurant dans le même rapport visait‑il à l’insertion d’un paragraphe dans l’article 1er de ladite proposition de la Commission, aux fins de préciser qu’«[u]n pétitionnaire, un plaignant ou toute autre personne, physique ou morale, dont les droits, les intérêts ou les obligations dans une affaire sont en cause (une partie à cette affaire) ont également le droit d’accéder à un document qui n’est pas accessible au public, mais qui peut influer sur l’examen de l’affaire comme prévu dans le présent règlement et dans les dispositions adoptées par les institutions». Or, à cet égard, force est de constater qu’aucune des propositions ainsi formulées n’a été reprise dans les dispositions du règlement n° 1049/2001.

46     Par ailleurs, il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement que, s’agissant des exceptions au droit d’accès visées par cette disposition, le refus de l’institution est obligatoire dès lors que la divulgation au public d’un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu’il y ait lieu, en pareil cas et à la différence de ce que prévoit notamment le paragraphe 2 du même article, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d’autres intérêts.

47     Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que l’intérêt particulier d’un requérant à obtenir la communication de documents ne saurait être pris en compte par l’institution appelée à se prononcer sur la question de savoir si la divulgation au public de ces documents porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001 et à refuser, en pareil cas, l’accès sollicité.

48     À supposer même que le requérant ait, ainsi qu’il le soutient, le droit d’être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation qui aurait été portée contre lui du fait de son inscription sur la liste litigieuse et que ce droit implique un accès à des documents détenus par le Conseil, il suffit, dès lors, de relever qu’un tel droit ne saurait trouver à s’exercer spécifiquement, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 52 à 55 de l’arrêt attaqué, par le recours aux mécanismes d’accès du public aux documents mis en place par le règlement n° 1049/2001.

49     Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être déclarée non fondée.

50     Il en va de même de la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une prétendue violation des droits de la défense au motif que le Tribunal n’aurait pas répondu à l’argument du requérant tiré d’une violation du droit à être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui. À cet égard, il suffit en effet de relever, ainsi qu’il ressort déjà de ce qui est dit au point 48 du présent arrêt, que ledit argument a bien été examiné et écarté par le Tribunal aux points 52 à 55 de l’arrêt attaqué.

51     Par la troisième branche du premier moyen, le requérant invoque une prétendue violation de son droit à un recours juridictionnel effectif contre l’atteinte qui aurait été portée à son droit d’être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui du fait de son inscription sur la liste litigieuse.

52     À cet égard, il convient toutefois de relever que, ainsi qu’il ressort du point 48 du présent arrêt, un tel droit à être informé, à le supposer établi, ne saurait trouver à s’exercer spécifiquement par le recours aux mécanismes d’accès aux documents que prévoit le règlement n° 1049/2001. Il s’ensuit que la méconnaissance éventuelle d’un tel droit ne saurait résulter d’une décision de refus d’accès adoptée au titre dudit règlement ni, dès lors, donner lieu à censure juridictionnelle, à la faveur d’un recours en annulation dirigé contre une telle décision. Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit également être déclarée non fondée.

53     Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi n’est fondé en aucune de ses trois branches et, partant, il doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit d’accès aux documents en raison d’une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001 et d’une mauvaise application du paragraphe 6 du même article

–       Argumentation du requérant

54     Par la première branche du deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a appliqué de manière erronée l’exception fondée sur la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement n° 1049/2001, et a violé, de ce fait, son droit d’accès aux documents.

55     L’analyse effectuée par le Tribunal aux points 77 à 81 de l’arrêt attaqué, selon laquelle toute information détenue par les autorités publiques concernant des personnes suspectées de terrorisme doit par définition demeurer secrète, méconnaîtrait l’exigence d’interprétation stricte des exceptions à une règle et rendrait le principe de transparence totalement inopérant.

56     Par la deuxième branche du deuxième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a également appliqué de manière erronée l’exception fondée sur la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

57     En premier lieu, l’interprétation retenue à cet égard par le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué méconnaîtrait elle aussi l’exigence d’interprétation stricte de toute exception.

58     En deuxième lieu, en partant de la prémisse erronée selon laquelle les documents en cause provenaient d’États tiers alors qu’ils émanaient d’États membres, le Tribunal aurait, aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué, fait une interprétation erronée de la notion de «relations internationales» en appliquant celle‑ci à propos d’informations transmises au Conseil par des États membres, alors que ladite notion porte uniquement sur les relations entre l’Union et les États tiers.

59     En troisième lieu, la constatation du Tribunal selon laquelle la non‑divulgation des documents demandés serait justifiée par le fait que la coopération entre l’Union et les États tiers doit demeurer secrète serait erronée dès lors que l’existence d’une telle coopération avec la République des Philippines était de notoriété publique.

60     Par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le Conseil était fondé à refuser la communication de l’identité des États tiers ayant soumis des documents à cette institution, alors que sa demande et la première décision de refus portaient manifestement sur l’identité d’États membres. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 en omettant d’examiner et de sanctionner le refus d’accès partiel ainsi opposé au requérant.

–       Appréciation de la Cour

61     Ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement n° 1049/2001 lu, notamment, à la lumière du quatrième considérant de ce même règlement, celui‑ci vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents détenus par les institutions.

62     Toutefois, il résulte également dudit règlement, notamment de son onzième considérant et de son article 4 qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que le droit d’accès aux documents n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé.

63     Dès lors qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, de telles exceptions doivent, ainsi que l’a rappelé à bon droit le requérant, être interprétées et appliquées strictement (voir, en ce sens, arrêt Pays‑Bas et van der Wal/Commission, précité, point 27).

64     À cet égard, il convient toutefois de rappeler que, ainsi qu’il ressort déjà du point 34 du présent arrêt, un tel principe d’interprétation stricte ne s’oppose pas à ce que, s’agissant des exceptions relatives à l’intérêt public visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, le Conseil dispose d’une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation au public d’un document porterait atteinte aux intérêts protégés par cette disposition. Pour les raisons exposées par la Cour dans le cadre de l’examen du premier moyen du pourvoi, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal en ce qui concerne une décision de refus d’accès à un document opposée par le Conseil au titre de l’une desdites exceptions est limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

65     Sous le bénéfice de ces considérations liminaires, il y a lieu de constater, s’agissant de la première branche du deuxième moyen, que, contrairement à ce que soutient le requérant et ainsi que le fait valoir à bon droit le Conseil, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué.

66     En effet, le Tribunal ayant considéré, au point 77 dudit arrêt, qu’il peut être aisément admis que des documents détenus par les autorités publiques concernant des personnes ou des entités suspectées de terrorisme et relevant de la catégorie des documents sensibles au sens de l’article 9 du règlement n° 1049/2001 ne doivent pas être divulgués au public sous peine de nuire à l’efficacité de la lutte opérationnelle contre le terrorisme et ainsi de porter atteinte à la protection de la sécurité publique, il a pu en conclure à bon droit, au point 78 du même arrêt, que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant l’accès aux documents demandés au motif que leur divulgation porterait atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

67     S’agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une application erronée de l’exception relative aux relations internationales visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, il convient en revanche d’admettre d’emblée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments invoqués par le requérant dans le cadre de cette branche dudit moyen, que, en fondant son raisonnement sur la circonstance que des documents avaient été soumis au Conseil par des États tiers alors qu’il ressort du dossier, ainsi que l’admet d’ailleurs le Conseil, que de tels documents émanaient d’États membres, le Tribunal a entaché son arrêt d’une dénaturation des faits.

68     Il est de surcroît patent que ladite dénaturation a, en l’occurrence, eu pour conséquence de vicier dans une très large mesure le raisonnement développé aux points 79 à 81 de l’arrêt attaqué, au terme duquel le Tribunal a conclu, au point 82 dudit arrêt, que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la divulgation du document dont la communication était demandée était susceptible de porter atteinte à l’intérêt public en matière de relations internationales.

69     Aux termes d’une jurisprudence constante, une telle dénaturation des faits est susceptible d’être invoquée dans le cadre d’un pourvoi et d’entraîner l’annulation de l’arrêt entaché d’un tel vice.

70     En l’occurrence, toutefois, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 65 et 66 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la première décision de refus a été valablement fondée sur l’exception relative à l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

71     Force est dès lors de constater que, même si le Tribunal n’avait pas dénaturé les faits dans la mesure décrite au point 67 du présent arrêt et en admettant qu’il soit, en ce cas, parvenu à la conclusion que le Conseil s’est fondé à tort sur l’exception relative à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, une telle conclusion n’aurait pu conduire à l’annulation de la première décision de refus par le Tribunal, cette dernière demeurant en effet fondée au regard de l’exception relative à l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

72     Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la dénaturation des faits qui entache l’arrêt attaqué n’a pas eu pour conséquence d’affecter le dispositif dudit arrêt, en sorte qu’il n’y a pas lieu d’annuler celui‑ci pour ce motif (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, non encore publié au Recueil, points 133 et 134).

73     Par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant invoque également la dénaturation des faits à laquelle a procédé le Tribunal en confondant États tiers et États membres. Il soutient que, en raison de cette confusion, le Tribunal se serait abstenu de sanctionner le refus d’accès partiel opposé par la première décision de refus en ce qui concerne l’identité des États ayant transmis des documents au Conseil.

74     À cet égard, il suffit toutefois de relever que, contrairement à ce que soutient le requérant, ladite confusion est demeurée sans aucune influence sur le raisonnement ayant conduit le Tribunal à juger, au point 99 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait à bon droit refusé de communiquer l’identité des États qui sont les auteurs des documents en cause.

75     Ainsi qu’il ressort des points 95 à 97 dudit arrêt, le Tribunal a en effet fondé son raisonnement à cet égard sur la circonstance que, ainsi qu’il résulte de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, disposition qui a été invoquée par le Conseil dans la première décision de refus, des documents sensibles ne peuvent être divulgués qu’avec l’accord de l’autorité d’origine, accord qui faisait défaut en l’espèce. Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 58 et 59 de ses conclusions, ledit article 9, paragraphe 3, s’applique de manière identique selon que l’autorité d’origine du document est un État membre ou un État tiers.

76     Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi n’est fondé en aucune de ses branches et, partant, il doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Argumentation du requérant

77     Le requérant fait tout d’abord valoir que, en ce qui concerne l’une et l’autre exceptions invoquées par le Conseil pour justifier le refus d’accès aux documents en cause, le Tribunal se serait à tort satisfait, ainsi qu’il ressortirait des points 62 et 65 de l’arrêt attaqué, de la motivation trop brève et stéréotypée contenue à cet égard dans la première décision de refus, tout en la complétant par une motivation qui lui est propre figurant aux points 77, 80 et 81 dudit arrêt.

78     S’agissant ensuite du refus d’accès partiel, le Tribunal se serait également satisfait d’une motivation ayant la forme d’une clause de style en violation de l’article 253 CE, ainsi qu’il ressortirait du point 63 de l’arrêt attaqué.

79     Enfin, en ce qui concerne le refus de divulguer l’identité des États ayant communiqué les informations en cause, la confusion opérée par le Tribunal entre États membres et États tiers aurait eu pour conséquence une absence totale de contrôle par le Tribunal de la motivation selon laquelle la divulgation de l’identité des États concernés constituerait une menace pour l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique ou les relations internationales, une telle absence de contrôle étant constitutive d’une violation tant de l’article 253 CE que de l’article 230 CE.

–       Appréciation de la Cour

80     Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 253 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêt Interporc/Commission, précité, point 55 et jurisprudence citée).

81     En l’occurrence, le Tribunal a fait une correcte application de ces principes et n’a commis aucune erreur de droit en considérant que, pour brève qu’elle soit, en ce qui concerne tant le refus d’accès total que le refus d’accès partiel aux documents dont la communication était demandée, la motivation de la première décision de refus n’en demeure pas moins adéquate au regard du contexte de l’affaire et suffisante pour permettre au requérant d’apprécier les raisons du refus d’accès et au Tribunal d’exercer le contrôle de légalité qui lui incombe.

82     En effet, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué et ainsi que le Conseil le fait valoir devant la Cour, cette brièveté est justifiée notamment par la nécessité de ne pas porter atteinte aux intérêts sensibles que protègent les exceptions au droit d’accès instituées par l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, en dévoilant des informations que ces exceptions visent précisément à protéger.

83     La nécessité pour les institutions de s’abstenir de faire état d’éléments qui porteraient ainsi indirectement atteinte aux intérêts que lesdites exceptions ont spécifiquement pour objet de protéger est notamment soulignée par les articles 9, paragraphe 4, et 11, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. La première de ces dispositions précise en effet que toute décision d’une institution refusant l’accès à un document sensible est fondée sur des motifs ne portant pas atteinte aux intérêts dont la protection est prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Quant à la seconde desdites dispositions, elle prévoit notamment que, lorsqu’un document fait l’objet d’une référence dans le registre d’une institution, une telle référence doit être conçue de manière à ne pas porter atteinte à la protection des intérêts visés audit article 4.

84     La circonstance que, dans le cadre de l’examen du fond du litige, le Tribunal a fait état d’éléments qui ne ressortent pas explicitement de la motivation de la première décision de refus, parmi lesquels figurent ceux contenus aux points 77, 80 et 81 de l’arrêt attaqué auxquels se réfère le requérant, n’est pas de nature à affecter l’analyse qui précède.

85     Quant à la motivation invoquée par le Conseil dans la première décision de refus en tant que celle‑ci refuse de communiquer l’identité des États lui ayant transmis des documents, il convient de relever que la confusion opérée par le Tribunal entre États tiers et États membres est demeurée sans incidence sur le raisonnement suivi par cette juridiction, aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, aux fins d’apprécier si ladite motivation satisfait aux exigences de l’article 253 CE et de conclure à une absence de violation de cette dernière disposition.

86     En effet, le Tribunal s’est à cet égard référé, audit point 64, à la circonstance que la motivation de la première décision de refus laisse apparaître, d’une part, que les documents concernés sont des documents sensibles au sens de l’article 9 du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, que les autorités d’origine desdits documents se sont opposées à la divulgation des informations demandées, conformément à ce que prévoit le paragraphe 3 dudit article. Or, il est constant que, à cet égard, l’identité des autorités concernées, et notamment la question de savoir s’il s’agit d’autorités d’États membres ou d’États tiers, est indifférente.

87     Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi n’est pas fondé et, partant, il doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la présomption d’innocence et du droit à une protection juridictionnelle effective

–       Argumentation du requérant

88     Selon le requérant, le Tribunal a arbitrairement limité la portée de son recours et méconnu, de ce fait, la présomption d’innocence.

89     Contrairement à ce que suggère le Tribunal aux points 50 à 56 de l’arrêt attaqué, la déclaration du conseil du requérant, faite lors de l’audience, selon laquelle ce dernier ne demandait à obtenir un accès qu’aux seuls documents le concernant, ne permettrait nullement de considérer que sa demande d’accès ne visait à obtenir la communication de ces documents qu’aux fins de pouvoir faire valoir ses droits de la défense dans le cadre de l’affaire pendante T‑47/03.

90     Le requérant fait valoir que ladite demande visait à obtenir, tant pour le public que pour lui‑même, l’accès aux documents ayant justifié son inscription sur la liste litigieuse. Seul un tel accès permettrait de remédier de manière effective à la violation de la présomption d’innocence dont il aurait été victime en raison d’une telle inscription et de la publication de ladite liste, en permettant une réponse et un débat publics tant en termes généraux qu’en ce qui concerne les éléments de preuve prétendument retenus à son encontre.

91     En revanche, l’accès éventuel du requérant auxdits documents dans le cadre de l’affaire T‑47/03, auquel se réfère le Tribunal au point 55 de l’arrêt attaqué, ne lui offrirait pas la protection juridictionnelle effective prévue à l’article 13 de la CEDH en faveur de toute personne dont les droits et libertés garantis par cette convention ont été violés.

–       Appréciation de la Cour

92     Le quatrième moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi consiste essentiellement à alléguer une violation de la présomption d’innocence en raison de son inscription sur la liste litigieuse, par la suite rendue publique, et à prétendre qu’une telle violation est de nature à justifier l’accès aux documents demandés, dès lors que la divulgation desdits documents et le débat public pouvant se tenir à leur propos constitueraient le seul moyen effectif permettant de remédier à ladite violation.

93     Force est de constater à cet égard que, bien que présenté comme visant prétendument à dénoncer une erreur d’appréciation du Tribunal quant à la portée du recours, un tel moyen revient en réalité fondamentalement à contester la légalité de la première décision de refus au motif que celle‑ci n’a pas rendu publics les documents en cause et qu’elle a, de ce fait, privé le requérant du remède effectif auquel il pouvait prétendre en raison de ce que la présomption d’innocence dont il doit pouvoir bénéficier aurait été méconnue.

94     Or, n’ayant pas été invoqué à l’appui du recours en annulation introduit devant le Tribunal à l’encontre de ladite décision, un tel moyen constitue un moyen nouveau qui étend l’objet du litige et qui, de ce fait, ne saurait être articulé pour la première fois au stade du pourvoi.

95     En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir, notamment, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 59; du 30 mars 2000, VBA/VGB e.a., C‑266/97 P, Rec. p. I‑2135, point 79; du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 50, ainsi que du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, non encore publié au Recueil, point 114).

96     Il s’ensuit que le quatrième moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’accès aux documents en raison d’une interprétation erronée des articles 4, paragraphe 5, et 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001

–       Argumentation du requérant

97     Par la première branche du cinquième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 64 et 96 de l’arrêt attaqué, que les articles 4, paragraphe 5, et 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 autorisent un refus de communiquer non seulement le contenu de documents émanant des États membres en cas de désaccord de ces derniers, mais également l’identité de ceux‑ci, alors que cette dernière information ne peut être qualifiée de «document» au sens desdites dispositions. Ce faisant, le Tribunal aurait indûment étendu la portée des exceptions énoncées par ces dispositions.

98     En outre, en empêchant ainsi d’identifier l’État membre qui détient les documents concernés, l’interprétation desdites dispositions effectuée par le Tribunal priverait pratiquement d’effet le droit de l’intéressé de s’adresser aux autorités nationales aux fins de tenter d’obtenir l’accès à ces documents en application du droit national ou porterait à tout le moins une atteinte disproportionnée à ce droit en imposant aux intéressés de déclencher des procédures dans tous les États membres susceptibles de détenir lesdits documents.

99     Par la seconde branche du cinquième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal n’a pas répondu à son argument selon lequel le Conseil n’a pas indiqué les motifs pour lesquels la divulgation de l’identité des États membres concernés pouvait nuire à l’intérêt public relatif à la sécurité publique ou aux relations internationales.

–       Appréciation de la Cour

100   S’agissant de la première branche du cinquième moyen, il convient de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort des points 97 et 98 de l’arrêt attaqué, il n’a pas été contesté devant le Tribunal et ce dernier a tenu pour établi, sans que cela soit remis en cause par le pourvoi, d’une part, que les documents visés dans la première décision de refus sont des documents sensibles relevant des dispositions de l’article 9 du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, que le refus de communiquer l’identité des États d’origine de ces documents a été opposé sur le fondement du paragraphe 3 de cet article, eu égard au fait que les États concernés s’étaient opposés à la divulgation d’une telle information.

101   Or, compte tenu de la nature particulière des documents sensibles, l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 précise que de tels documents ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine. Ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit au point 95 de l’arrêt attaqué, il ressort desdites précisions que l’autorité d’origine d’un document sensible dispose du pouvoir de s’opposer à ce que soient divulgués non seulement le contenu dudit document, mais également l’existence même de celui‑ci.

102   Ladite autorité est ainsi fondée à exiger le secret en ce qui concerne l’existence même d’un document sensible et, à cet égard, c’est à bon droit, ainsi que le Conseil le fait valoir devant la Cour, que le Tribunal en a déduit, au point 96 de l’arrêt attaqué, que cette autorité dispose également du pouvoir de s’opposer à la divulgation de sa propre identité au cas où l’existence dudit document viendrait à être connue.

103   Une telle conclusion, qui s’impose ainsi au regard du libellé de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, s’explique eu égard à la nature particulière des documents visés au paragraphe 1 de cet article, documents dont le contenu extrêmement sensible justifie, ainsi qu’il ressort du neuvième considérant dudit règlement, qu’ils fassent l’objet d’un traitement particulier. Ladite conclusion ne saurait dès lors être tenue pour disproportionnée au motif qu’il peut en résulter, pour le demandeur auquel un tel refus d’accès à un document sensible est opposé, un accroissement de la difficulté, voire une impossibilité pratique, d’identifier l’État d’origine de ce document.

104   L’analyse juridique et les constats factuels ainsi effectués par le Tribunal, aux points 95 à 97 de l’arrêt attaqué, suffisant par ailleurs à eux seuls à étayer la conclusion à laquelle est parvenue cette juridiction au point 99 dudit arrêt, à savoir que le Conseil était fondé à refuser de divulguer l’identité des États concernés, il n’est pas nécessaire d’examiner le grief tiré d’une mauvaise interprétation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, dès lors qu’un tel examen ne saurait en tout état de cause aboutir à une remise en cause de ladite conclusion ni, partant, du dispositif de l’arrêt attaqué.

105   Quant à la seconde branche du cinquième moyen, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’argument de celui‑ci selon lequel le Conseil se serait à tort abstenu d’indiquer les raisons pour lesquelles la divulgation de l’identité des États concernés aurait pu nuire à l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique et les relations internationales a bien été examiné par le Tribunal.

106   À cet égard, il convient en effet de relever que, aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, en visant, dans la première décision de refus, l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, ce qui laissait nécessairement entendre que les documents en cause étaient des documents sensibles, et en se référant à l’opposition des États concernés à la divulgation de leur identité, le Conseil avait mis le requérant à même de comprendre les motifs de ladite décision et permis au Tribunal d’exercer son contrôle sur celle‑ci.

107   Dans ledit point 64, le Tribunal a notamment expressément souligné que les deux critères d’application de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 étaient, d’une part, le fait que le document en cause est un document sensible et, d’autre part, la circonstance que l’autorité d’origine s’est opposée à la divulgation de l’information demandée. Ce faisant, le Tribunal a indiqué de manière implicite mais néanmoins certaine qu’il considérait qu’une telle opposition suffisait à justifier le refus d’accès à ladite information par le Conseil, sans que ce dernier doive porter une appréciation sur les motifs de cette opposition ni, dès lors, indiquer si, et en quoi, la divulgation de cette identité porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement.

108   Le cinquième moyen invoqué par le requérant au soutien de son pourvoi n’étant ainsi fondé en aucune de ses deux branches, il doit être rejeté dans son ensemble.

109   Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les moyens invoqués à l’appui du pourvoi doivent être déclarés, pour l’un, irrecevable et, pour les autres, non fondés et, en conséquence, ledit pourvoi doit être rejeté.

 Sur les dépens

110   Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Sison est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.

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