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Document 62005CJ0260

Arrêt de la Cour (première chambre) du 22 novembre 2007.
Sniace SA contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Aides d'État - Recevabilité - Acte concernant individuellement la requérante.
Affaire C-260/05 P.

Recueil de jurisprudence 2007 I-10005

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:700

Affaire C-260/05 P

Sniace SA

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Aides d'État — Recevabilité — Acte concernant individuellement la requérante»

Sommaire de l'arrêt

1.        Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation

(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1)

2.        Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement

(Art. 88, § 2, CE et 230, al. 4, CE)

3.        Droit communautaire — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective

(Art. 230, al. 4, CE)

4.        Procédure — Mesures d'instruction — Audition de témoins

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 64 et 65)

1.        En cas de pourvoi, la Cour n'est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour. Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l'appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée.

(cf. points 35, 37)

2.        Les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés, au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire d'une telle décision le serait.

S'agissant plus particulièrement du domaine des aides d'État, les requérants mettant en cause le bien-fondé d'une décision d'appréciation de l'aide prise sur le fondement de l'article 88, paragraphe 3, CE ou à l'issue de la procédure formelle d'examen sont considérés comme individuellement concernés par ladite décision au cas où leur position sur le marché est substantiellement affectée par l'aide faisant l'objet de la décision en cause.

Ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d'examen, outre l'entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d'aide faisant l'objet de la décision attaquée.

Le fait qu'une entreprise a été à l'origine de la plainte ayant donné lieu à l'ouverture de la procédure formelle d'examen et qu'elle a été entendue en ses observations et le fait que le déroulement de cette procédure a été largement déterminé par ses observations constituent des éléments pertinents dans le cadre de l'appréciation de la qualité pour agir de cette entreprise. Une telle participation à ladite procédure ne constitue toutefois pas une condition nécessaire afin d'établir qu'une décision concerne individuellement une entreprise au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE. Il n'est pas exclu que cette entreprise puisse invoquer d'autres circonstances spécifiques l'individualisant de manière analogue à celle dont le destinataire d'une telle décision le serait.

Dans ce contexte, il incombe en tout état de cause à l'entreprise requérante d'indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause.

(cf. points 53-57, 60)

3.        Un particulier qui n'est pas directement et individuellement concerné par une décision de la Commission en matière d'aides d'État et qui, partant, n'est pas éventuellement affecté dans ses intérêts par la mesure étatique faisant l'objet de cette décision ne saurait se prévaloir du droit à une protection juridictionnelle à l'égard d'une telle décision.

(cf. points 64-65)

4.        S'agissant de l'appréciation par le juge de première instance de demandes de mesures d'organisation de la procédure ou d'instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d'information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Même si une demande d'audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d'entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d'apprécier la pertinence de la demande par rapport à l'objet du litige et à la nécessité de procéder à l'audition des témoins cités.

(cf. points 77-78)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 novembre 2007 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Recevabilité – Acte concernant individuellement la requérante»

Dans l’affaire C‑260/05 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 20 juin 2005,

Sniace SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Baró Fuentes, abogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et J. L. Buendía Sierra, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par:

République d’Autriche, représentée par M. H. Dossi, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Lenzing Fibers GmbH, anciennement Lenzing Lyocell GmbH & Co. KG, établie à Heiligenkreuz (Autriche),

Land Burgenland,

représentés par Me U. Soltész, Rechtsanwalt,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur), R. Schintgen, A. Borg Barthet et E. Levits, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er février 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Sniace SA (ci-après «Sniace») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 avril 2005, Sniace/Commission (T‑88/01, Rec. p. II‑1165, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision 2001/102/CE de la Commission, du 19 juillet 2000, concernant l’aide d’État de l’Autriche en faveur de Lenzing Lyocell GmbH & Co. KG (JO 2001, L 38, p. 33, ci-après la «décision litigieuse»).

 Les faits à l’origine du litige

2        Sniace est une société espagnole qui exerce ses activités notamment dans le domaine de la production de fibres de cellulose (viscose).

3        À la date de la décision litigieuse, Lenzing Lyocell GmbH & Co. KG (ci-après «LLG») était une filiale de la société autrichienne Lenzing AG, laquelle produit notamment des fibres de viscose et du modal. LLG avait pour activités la production et la vente de lyocell, un nouveau type de fibre synthétique fabriquée à partir de cellulose naturelle pure.

4        Par lettre du 30 août 1995, la République d’Autriche a informé la Commission des Communautés européennes de son intention d’accorder des aides publiques à LLG pour la construction d’une usine destinée à la production de lyocell dans un parc industriel situé dans le Land du Burgenland. Dans ce courrier, les autorités autrichiennes indiquaient que ces aides seraient accordées dans le cadre du régime d’aides à finalité régionale portant la référence N 589/95, autorisé par la Commission par lettre du 3 août 1995.

5        Par lettre du 5 octobre 1995, la Commission a précisé à la République d’Autriche qu’une notification individuelle des aides envisagées sous la forme de subventions n’était pas nécessaire, puisqu’elles relevaient d’un régime d’aides autorisé, tout en la mettant en demeure de ne pas accorder d’aides sous la forme de garanties à LLG sans l’en informer au préalable.

6        Sur la base de diverses informations, la Commission a, le 14 octobre 1998, ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) (ci-après la «procédure formelle d’examen») à l’égard de plusieurs mesures prises par les autorités autrichiennes en faveur de LLG. Les mesures en question consistaient en des cautionnements d’État pour des subventions et des prêts d’un montant de 50,3 millions d’euros, un prix avantageux de 4,4 euros par mètre carré pour 120 ha de terrain industriel et des garanties de prix fixes pour des services collectifs de base pendant 30 ans.

7        Les autres États membres de l’Union européenne et les parties intéressées ont été informés de l’ouverture de cette procédure et invités à présenter leurs observations éventuelles par la publication d’une communication au Journal officiel des Communautés européennes du 13 janvier 1999 (JO C 9, p. 6). Le gouvernement autrichien a communiqué ses observations par lettres des 15 mars, 16 et 28 avril 1999. Le gouvernement du Royaume-Uni et des tiers intéressés, dont la requérante par lettre du 12 février 1999, ont également fait valoir leurs observations.

8        Après avoir examiné les informations qui lui avaient été communiquées, la Commission a, par lettre du 14 juillet 1999, informé le gouvernement autrichien de sa décision du 23 juin 1999 d’étendre la procédure formelle d’examen à quatre autres mesures prises en faveur de LLG. Il s’agissait, en l’espèce, d’une aide ad hoc à l’investissement d’un montant de 0,4 million d’euros pour l’achat d’un terrain, d’une prise de participation tacite affectée d’un montant de 21,8 millions d’euros résiliable seulement après un délai de 30 ans et devant rapporter 1 % d’intérêts par an, d’une aide d’un montant non connu pour la création d’une infrastructure propre à l’entreprise ainsi que d’une aide à l’environnement, d’un montant de 5,4 millions d’euros, susceptible d’avoir été accordée dans le cadre d’une application non conforme d’un régime d’aides existant.

9        Par la publication d’une seconde communication au Journal officiel des Communautés européennes du 4 septembre 1999 (JO C 253, p. 4), la Commission a informé les États membres et les parties intéressées de ladite extension de la procédure formelle d’examen et les a invités à présenter leurs éventuelles observations. Par lettres du 4 octobre 1999, la requérante et le gouvernement autrichien ont communiqué leurs observations respectives. D’autres tiers intéressés ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni ont également présenté des observations.

10      Le 19 juillet 2000, la Commission a adopté la décision litigieuse. Dans cette décision, elle a, d’une part, considéré que certaines des mesures en cause ne constituaient pas une aide d’État et, d’autre part, autorisé les autres mesures en tant qu’aides compatibles avec le traité CE.

11      Le dispositif de cette décision est ainsi rédigé:

«Article premier

Les aides que l’Autriche a accordées à [...] (LLG) de Heiligenkreuz, par la constitution de cautionnements d’un montant de 35,80 millions d’euros [un cautionnement d’un consortium de banques commerciales et de banques publiques d’un montant de 21,8 millions d’euros et trois cautionnements de [...] (WHS) d’un montant de 1,4 million d’euros, 10,35 millions d’euros et 2,25 millions d’euros] ainsi que par un prix de 4,4 euros par mètre carré pour l’achat d’un terrain industriel de 120 hectares, des garanties de prix fermes du Land [...] Burgenland pour la fourniture de services collectifs et une aide de montant non connu sous forme de création d’une infrastructure propre à l’entreprise, ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

Article 2

L’aide accordée par l’Autriche à LLG par la constitution d’un cautionnement de 14,5 millions d’euros de [la] WiBAG est conforme à la règle [portant la référence] N 542/95 relative aux cautionnements et approuvée par la Commission.

L’aide à l’environnement d’un montant de 5,37 millions d’euros est conforme à la règle [portant la référence] N 93/148 relative au financement de la protection de l’environnement et approuvée par la Commission.

Article 3

Les aides individuelles accordées par l’Autriche pour un montant de 0,4 million d’euros sous forme d’aide à l’acquisition d’un terrain et pour un montant de 21,8 millions d’euros sous forme de participation tacite sont compatibles avec le marché commun.

Article 4

La République [d’Autriche] est destinataire de la présente décision.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2001, Sniace a formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et à la condamnation de la Commission aux dépens.

13      Par ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 18 février 2002, la République d’Autriche, LLG et le Land Burgenland ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

14      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir décidé d’examiner d’office la question de la qualité pour agir de la requérante, a conclu à l’irrecevabilité du recours.

15      Au point 54 de cet arrêt, le Tribunal a tout d’abord relevé que, la décision litigieuse ayant été adressée à la République d’Autriche, il convenait, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, d’examiner si Sniace était concernée directement et individuellement par ladite décision.

16      S’agissant de la question de savoir si la requérante était individuellement concernée par la décision litigieuse, le Tribunal a rappelé, au point 55 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise de manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait.

17      Il a ensuite souligné, au point 56 dudit arrêt, que, en ce qui concerne plus particulièrement le domaine des aides d’État, ont été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen ouverte à l’égard d’une aide individuelle, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 25).

18      Dès lors, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé nécessaire d’examiner dans quelle mesure la participation de la requérante à la procédure formelle d’examen et l’atteinte portée à sa position sur le marché étaient de nature à l’individualiser conformément à l’article 230 CE.

19      Quant à la participation de la requérante à ladite procédure, le Tribunal a constaté, au point 59 de cet arrêt, que celle-ci n’avait joué qu’un rôle mineur pour les motifs suivants:

«[...] D’une part, [Sniace] n’a déposé aucune plainte auprès de la Commission. D’autre part, il apparaît que le déroulement de cette procédure n’a pas été largement déterminé par les observations qu’elle a présentées par lettres des 12 février et 4 octobre 1999 (voir, en ce sens, arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, point 24). Ainsi, dans ses observations du 12 février 1999, la requérante se contente, en substance, de reproduire certaines constatations faites par la Commission dans sa décision d’ouverture de la procédure [formelle d’examen] en les commentant sommairement, et ce sans fournir le moindre élément de preuve concret. De même, dans ses observations du 4 octobre 1999, elle se limite à affirmer, sans apporter la moindre précision ou un quelconque élément de preuve, que les mesures visées dans la décision d’extension de la procédure [formelle d’examen] constituent des aides d’État et qu’elles doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun.»

20      En ce qui concerne l’atteinte portée à la position de la requérante sur le marché, le juge de première instance a tout d’abord relevé, au point 61 de l’arrêt attaqué, que les mesures visées par la décision litigieuse concernaient exclusivement une usine destinée à la production de lyocell et qu’il était constant que la requérante ne fabriquait pas ce type de fibre ni n’envisageait de le faire dans le futur.

21      Le Tribunal a ensuite examiné, aux points 63 à 78 dudit arrêt, les arguments avancés par la requérante afin d’établir que sa position sur le marché était néanmoins susceptible d’être substantiellement affectée par la décision litigieuse. Ces points sont rédigés comme suit:

«63      Premièrement, dans sa requête, [la requérante] allègue essentiellement que la viscose et le lyocell se trouvent dans un rapport de concurrence direct.

64      Sans qu’il soit besoin, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur la définition exacte du marché des produits en cause, il suffit de constater que cette allégation est infirmée par divers éléments du dossier.

65      D’une part, le lyocell présente certaines caractéristiques physiques qui le différencient clairement de la fibre de viscose. […]

66      L’affirmation de la requérante selon laquelle le lyocell est substituable à la viscose ‘dans la plupart des applications’ n’est pas étayée de manière convaincante. […]

67      En outre, ladite affirmation est contredite par la déclaration faite par LLG lors d’un symposium, que la requérante invoque au soutien de sa thèse (point 30 de la requête et annexe 14 de la requête) et selon laquelle le lyocell constitue ‘une fibre complémentaire dont les applications sont différentes’.

68      D’autre part, il est constant que le prix du lyocell est sensiblement plus élevé que celui des fibres de viscose. […]

69      Enfin, selon les propres déclarations de la requérante, les processus de fabrication du lyocell, d’une part, et des fibres de viscose, d’autre part, diffèrent dans une large mesure. […]

70      En tout état de cause, à supposer même qu’il existe un rapport de concurrence direct entre le lyocell et la fibre de viscose, il y a lieu de constater que les indications fournies par la requérante dans ses écritures, et plus particulièrement dans la note figurant à l’annexe 14 de sa requête, n’établissent pas à suffisance de droit que la décision litigieuse est susceptible d’affecter substantiellement sa position sur le marché. Les indications contenues dans cette note reposent, en effet, sur des postulats nullement démontrés, tels que le fait que la production de lyocell de LLG s’est, depuis 1997, substituée dans son intégralité à celle de la viscose et qu’elle est exclusivement destinée au marché européen. Par ailleurs, dans cette note, la requérante affirme que, en raison de l’’offre [de LLG] correspondant à 3,5 % du marché’, elle a cessé, à partir de 1997, de produire, et donc de vendre, certaines quantités de viscose sans étayer sa thèse du moindre élément de preuve et sans même fournir une quelconque explication sur la manière dont elle a calculé ces quantités. Dans le même sens, il convient de relever qu’elle n’apporte pas le moindre élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle ladite ‘offre’ a entraîné une ‘modification d’au moins […] % du prix en vigueur sur le marché’.

71      Deuxièmement, la requérante invoque l’existence, à côté du ‘lyocell pur’ et de la proviscose, de ‘sous-standards du lyocell’ qu’elle qualifie également de lyocell de ‘moindre qualité’ […].

72      À cet égard, force est de constater que les éléments du dossier ne permettent pas de conclure à l’existence de différentes qualités de lyocell. Il doit être souligné, plus particulièrement, que, dans ses écritures, la requérante ne donne aucune précision sur ce que recouvre la notion de ‘sous-standards du lyocell’. Elle n’a, en outre, pas sérieusement contesté l’affirmation faite à plusieurs reprises par LLG et le Land Burgenland lors de l’audience et selon laquelle il n’existe pas de lyocell de qualité inférieure. […]

73      À supposer même que LLG produise du lyocell de qualité inférieure et qu’elle vende celui-ci à des prix extrêmement bas, il convient de relever que la requérante n’étaye nullement sa thèse selon laquelle elle a, en conséquence, dû baisser ses prix pour les ‘produits de même qualité’. Elle ne justifie, en outre, en aucune manière les quantités et la diminution de prix qu’elle invoque.

74      Troisièmement, dans sa réplique et dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante se fonde davantage sur la concurrence qui existerait entre la proviscose et la viscose. Elle fait valoir que sa situation sur le marché est affectée par le fait que LLG commercialise la proviscose à des prix compétitifs par rapport à ceux de la viscose et que, eu égard à la qualité supérieure de la première, les clients la préfèrent à la seconde.

75      À cet égard, force est de constater que la requérante se contente de nouveau de faire valoir des allégations insuffisamment étayées.

[...]

78      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas indiqué de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision litigieuse était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché.»

22      Le Tribunal en a conclu, aux points 79 et 80 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à cette circonstance et au rôle limité joué par la requérante dans le cadre de la procédure formelle d’examen, celle-ci ne pouvait être considérée comme individuellement concernée par la décision litigieuse et que, par conséquent, le recours devait être déclaré irrecevable sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la requérante était directement concernée par cette décision.

 Les conclusions des parties

23      Dans son pourvoi, Sniace conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué;

–        faire droit aux demandes présentées en première instance ou, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur le fond du litige;

–        faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par la requérante le 16 octobre 2001 ainsi qu’aux demandes de comparution personnelle des parties, de témoignage et d’expertise formulées par la requérante le 20 avril 2001, et

–        condamner la défenderesse en première instance aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        déclarer les trois premiers moyens du présent pourvoi irrecevables ou, à titre subsidiaire, les rejeter comme non fondés;

–        rejeter le quatrième moyen du présent pourvoi comme non fondé, et

–        condamner la requérante aux dépens, ou

–        à titre subsidiaire, au cas où le pourvoi serait accueilli, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour l’examen du litige au fond.

25      Lenzing Fibers GmbH (ci-après «Lenzing Fibers») et le Land Burgenland concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi, ainsi que

–        condamner la requérante aux dépens qu’ils ont exposés.

26      La République d’Autriche conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi comme non fondé, et

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

27      Sniace soulève quatre moyens à l’appui de son pourvoi. Par le premier de ces moyens, elle fait valoir que l’arrêt attaqué serait entaché d’une erreur de droit en ce qu’il a déclaré irrecevable la requête au motif que la requérante n’aurait pas démontré que sa position sur le marché était susceptible d’être substantiellement affectée par la décision litigieuse. Par le deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en tant qu’il a déclaré la requête irrecevable au motif que la requérante a eu un rôle mineur dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Le troisième moyen est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième moyen, qui se compose de deux branches, est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement ainsi que de certaines dispositions du règlement de procédure du Tribunal.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

28      Par son premier moyen, Sniace fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant irrecevable son recours au motif que la requérante n’aurait pas indiqué de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision litigieuse était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché.

29      La requérante reproche, en premier lieu, au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de certains éléments qui établiraient l’existence d’un rapport de concurrence direct entre la fibre de lyocell, produite et commercialisée par LLG, et la fibre de viscose, produite et commercialisée par Sniace. D’une part, la requérante fait valoir que LLG a introduit sur le marché différents types de lyocell d’une qualité et d’un prix inférieurs, connus sous le nom de «sous-standards du lyocell», entrant en concurrence avec la fibre de viscose pour certaines applications. À cet égard, la conclusion formulée par le Tribunal, figurant au point 72 de l’arrêt attaqué, selon laquelle «les éléments du dossier ne permettent pas de conclure à l’existence de différentes qualités de lyocell» serait inexacte à la lumière des éléments produits par la requérante en première instance. En particulier, cette conclusion serait contredite par les déclarations d’un des dirigeants de LLG reprises dans un article d’une revue spécialisée annexée à la requête de première instance. D’autre part, selon la requérante, le Tribunal n’aurait pas non plus suffisamment tenu compte d’éléments portant sur la commercialisation par LLG, à des prix compétitifs, à la suite de l’octroi des aides litigieuses, de la proviscose, à savoir un mélange de viscose et de lyocell entrant en concurrence avec d’autres fibres, dont la viscose.

30      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas pris en considération les circonstances spécifiques suivantes qui l’individualiseraient de manière particulière par rapport à tout autre opérateur économique:

–        l’appartenance de Sniace à un «cercle fermé» d’entreprises potentiellement concurrentes de LLG, c’est-à-dire les entreprises actives dans le secteur des fibres de cellulose (lyocell, viscose et modal), ainsi que

–        l’existence de surcapacités sur le marché des fibres de cellulose, de sorte que l’augmentation des capacités de production de LLG a pu directement et substantiellement affecter la situation concurrentielle des producteurs déjà présents sur ledit marché.

31      En troisième lieu, la requérante conteste les affirmations faites par le Tribunal aux points 70 et 77 de l’arrêt attaqué selon lesquelles, à supposer même qu’il existe un rapport de concurrence entre le lyocell et la viscose ou entre la proviscose et la viscose, Sniace n’aurait fourni aucune indication sur les pertes ni sur d’autres conséquences négatives subies du fait de la décision litigieuse. Or, la requérante affirme avoir apporté de tels éléments, en particulier par la production d’un document, à savoir l’annexe 14 jointe à sa requête de première instance, contenant des données précises sur les pertes subies par Sniace du fait de la commercialisation du lyocell à un prix artificiellement bas.

32      La Commission soutient que le moyen est irrecevable dans la mesure où il se borne à contester l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal.

33      La République d’Autriche, Lenzing Fibers et le Land Burgenland concluent également à l’irrecevabilité du moyen, en ce qu’il s’appuie sur des faits et des éléments de preuve nouveaux, vise à plusieurs reprises le bien-fondé de la décision litigieuse plutôt que celui de l’arrêt attaqué et, contrairement aux prescriptions des articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, n’est pas limité à des questions de droit.

 Appréciation de la Cour

34      Tout d’abord, force est de constater que, même si elle invoque une erreur de droit, Sniace cherche en réalité, par son premier moyen, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, contestant essentiellement l’insuffisante prise en compte par ce dernier de certaines circonstances et documents invoqués en première instance par la requérante, afin de démontrer l’existence d’un rapport de concurrence directe entre les fibres de lyocell et les fibres de viscose.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 22, ainsi que du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 38). Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C‑53/92 P, Rec. p. I‑667, point 42, ainsi que du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 49).

36      Il s’ensuit que le premier moyen n’est recevable que dans la mesure où il vise à démontrer que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve.

37      Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 54; du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 108, ainsi que du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 37).

38      Or, en ce qui concerne l’argument de Sniace selon lequel le Tribunal aurait dénaturé le contenu d’un article publié dans la revue spécialisée Textil Expres joint à sa requête en affirmant que les éléments du dossier ne permettaient pas de conclure à l’existence de différentes qualités de lyocell, il suffit de constater que, même si l’article en cause mentionne différentes variétés de fibres de lyocell commercialisées par LLG, il ne peut être déduit de manière univoque de la lecture des passages de cet article cités par la requérante dans son pourvoi, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 29 de ses conclusions, que ces variétés seraient d’une qualité inférieure faisant concurrence à la viscose en matière de prix. Au demeurant, ce même article, comme le Tribunal l’a observé au point 67 de l’arrêt attaqué, précise que, par rapport à la viscose, le lyocell constitue «une fibre complémentaire dont les applications sont différentes». Le contenu de ce document ne saurait dès lors remettre en cause la conclusion faite par le Tribunal en ce qui concerne l’absence de concurrence directe entre la viscose et le lyocell.

39      S’agissant ensuite des indications que Sniace aurait fournies sur le préjudice subi du fait de la décision litigieuse et qui auraient été ignorées par le Tribunal, il y a lieu de relever que la note figurant à l’annexe 14 de la requête de première instance, à laquelle la requérante se réfère dans son pourvoi, se base précisément sur le postulat non établi, ainsi que cela ressort du point précédent, de l’existence d’une concurrence directe entre les fibres de viscose et les fibres de lyocell.

40      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté en partie comme irrecevable et en partie comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

41      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant irrecevable son recours au motif que la requérante a joué un rôle mineur dans le cadre de la procédure formelle d’examen ayant abouti à la décision litigieuse.

42      Sniace soutient, tout d’abord, que, afin d’évaluer le degré de sa participation à cette procédure, le Tribunal se serait erronément référé aux points 24 et 25 de l’arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, dans la mesure où cet arrêt concernerait une situation de fait différente de celle de la présente affaire. À cet égard, Sniace souligne que, à la différence de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, elle n’a pas déposé de plainte, mais est intervenue dans ladite procédure en tant que tiers intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, après avoir été invitée par la Commission à présenter des observations. Ce qui importerait, dès lors, c’est que, en la désignant ainsi comme source d’information, la Commission aurait accordé à la requérante un droit procédural subjectif susceptible d’être juridiquement protégé par le juge communautaire.

43      Ensuite, la requérante fait valoir que, contrairement à la constatation figurant au point 59 de l’arrêt attaqué, son rôle dans le cadre de la procédure formelle d’examen ne saurait être qualifié de mineur. En particulier, les observations soumises par Sniace à la Commission auraient eu un certain impact sur le déroulement de cette procédure, en contribuant notamment à l’extension de ladite procédure à d’autres mesures de soutien.

44      Enfin, même à supposer que Sniace n’aurait joué qu’un rôle mineur dans le cadre de la procédure formelle d’examen, la requérante conteste que ce seul élément puisse justifier une restriction de sa qualité pour agir. Au contraire, dans l’arrêt du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission (T‑380/94, Rec. p. II‑2169), le Tribunal aurait expressément reconnu que le droit de former un recours contre une décision de la Commission en matière d’aides d’État ne saurait être subordonné à l’étendue de la participation de la requérante à la procédure formelle d’examen. Cette approche serait, par ailleurs, justifiée au regard du rôle nécessairement limité que jouent les tiers intéressés au cours de cette procédure. En effet, ceux-ci n’ont aucun droit d’accès au dossier et dépendent, dès lors, largement des éléments rendus publics par la Commission dans sa communication d’ouverture de ladite procédure. Dans ces conditions, il ne pourrait notamment être reproché à la requérante de ne pas s’être prononcée sur des éléments que la Commission n’avait pas mentionnés dans ses communications d’ouverture et d’extension de la procédure formelle d’examen ou dans d’autres documents publics et auxquels Sniace, en tant que tiers intéressé, n’avait pas accès avant l’adoption de la décision litigieuse.

45      La Commission et le gouvernement autrichien rétorquent que ce moyen est irrecevable en ce qu’il cherche à remettre en cause l’appréciation factuelle portée par le Tribunal.

46      À titre subsidiaire, la Commission fait valoir qu’il résulte de l’arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, que trois conditions cumulatives doivent être remplies afin qu’un recours introduit par une entreprise concurrente à l’encontre d’une décision prise à l’issue d’une procédure formelle d’examen soit recevable:

–        l’entreprise concernée doit être à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de cette procédure;

–        le déroulement de ladite procédure doit avoir été largement déterminé par les observations de cette entreprise, et

–        l’entreprise doit établir que sa position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure d’aide concernée.

47      Or, en l’espèce, aucune de ces conditions ne serait satisfaite par la requérante. En particulier, pour ce qui concerne la condition tenant au rôle joué par la requérante dans le cadre de la procédure formelle d’examen, la Commission relève que les observations présentées par Sniace se sont essentiellement bornées à paraphraser et à approuver le contenu de la décision d’ouverture de cette procédure, sans pratiquement ajouter la moindre information.

48      Selon Lenzing Fibers et le Land Burgenland, le moyen est irrecevable, car dénué de toute pertinence dans le cadre du présent recours. En effet, conformément à l’arrêt du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission (C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659), la participation, même active, à la procédure formelle d’examen ne constituerait pas une condition suffisante pour conférer à une entreprise la qualité pour agir lorsque, en tout état de cause, comme en l’espèce, sa position sur le marché n’a pas été sensiblement affectée.

 Appréciation de la Cour

49      En ce qui concerne la recevabilité du présent moyen, ainsi que cela a été rappelé précédemment, il résulte des articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier (voir, notamment, arrêt du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C‑284/98 P, Rec. p. I‑1527, point 30, ainsi que ordonnances du 14 juillet 2005, Gouvras/Commission, C‑420/04 P, Rec. p. I‑7251, point 48, et du 20 mars 2007, Kallianos/Commission, C‑323/06 P, non publiée au Recueil, point 10).

50      En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent la Commission et le gouvernement autrichien, le présent moyen ne se limite pas à remettre en cause l’appréciation des faits opérée en première instance, mais conteste l’interprétation des conditions régissant la qualité pour agir des tiers intéressés à laquelle a procédé le Tribunal en examinant la participation de la requérante à la procédure formelle d’examen et, partant, soulève une question de droit.

51      Il s’ensuit que le moyen est recevable en ce qu’il est dirigé contre la prise en compte par le Tribunal du degré de participation de la requérante à ladite procédure.

52      Quant au bien-fondé de ce moyen, il convient, tout d’abord, de rappeler que, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

53      Selon la jurisprudence constante de la Cour, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, notamment, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 20, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33).

54      S’agissant plus particulièrement du domaine des aides d’État, les requérants mettant en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen sont considérés comme individuellement concernés par ladite décision au cas où leur position sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts précités Cofaz e.a./Commission, points 22 à 25, ainsi que Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, points 37 et 70).

55      À cet égard, ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (voir, notamment, arrêts précités Cofaz e.a./Commission, point 25, ainsi que Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, point 40).

56      Ainsi, la Cour a considéré que le fait qu’une entreprise a été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le fait qu’elle a été entendue en ses observations et le fait que le déroulement de cette procédure a été largement déterminé par ses observations constituent des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la qualité pour agir de cette entreprise (voir arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, points 24 et 25).

57      Cependant, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour qu’une telle participation à ladite procédure constitue une condition nécessaire afin d’établir qu’une décision concerne individuellement une entreprise au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, excluant que cette dernière puisse invoquer d’autres circonstances spécifiques l’individualisant de manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait.

58      En l’espèce, il ressort des points 58 et 78 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a conclu que la requérante n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse à la lumière de deux éléments, à savoir, d’une part, le rôle limité joué par Sniace dans le cadre de la procédure formelle d’examen et, d’autre part, l’absence de démonstration par cette dernière de l’atteinte substantielle portée à sa position sur le marché. S’agissant spécifiquement de l’examen, dans le cadre de cette analyse, du premier de ces deux éléments, le Tribunal a relevé, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait joué qu’un rôle mineur au cours de ladite procédure du fait qu’elle n’avait pas déposé de plainte auprès de la Commission et que cette procédure n’avait pas été largement déterminée par les observations présentées par Sniace.

59      Force est néanmoins de constater que, à supposer même que, aux points susvisés de l’arrêt attaqué, le Tribunal ait fait de la participation active de la requérante à la procédure formelle d’examen une condition nécessaire pour qu’elle puisse être regardée comme individuellement concernée par la décision litigieuse, cette erreur de droit serait sans influence sur la solution du présent litige.

60      Il ressort, en effet, de la jurisprudence citée aux points 54 et 55 du présent arrêt que la requérante aurait dû, en tout état de cause, démontrer que la décision litigieuse était susceptible d’affecter substantiellement sa position sur le marché. Or, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, le Tribunal a conclu que, en l’occurrence, la requérante n’avait pas démontré que la décision litigieuse était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché. Pour les raisons exposées aux points 34 à 40 du présent arrêt, aucun des arguments développés par la requérante dans le cadre du premier moyen du pourvoi n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

61      En conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

62      Par son troisième moyen, Sniace soutient que, en rejetant son recours comme irrecevable, le Tribunal a méconnu son droit à une protection juridictionnelle effective tel qu’il est consacré par la jurisprudence communautaire ainsi que par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et 47 de la charte de droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1). La requérante serait, en effet, privée de toute voie de recours contre la décision litigieuse, que ce soit devant une juridiction nationale ou une juridiction communautaire, alors même que ladite décision serait entachée de plusieurs erreurs manifestes.

63      La Commission, Lenzing Fibers et le Land Burgenland considèrent qu’une personne telle que la requérante, qui n’est pas directement et individuellement concernée par une décision au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, ne saurait se prévaloir du principe de protection juridictionnelle effective afin de se voir reconnaître le droit de présenter un recours à l’encontre de cette décision.

 Appréciation de la Cour

64      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les conditions de recevabilité d’un recours en annulation ne sauraient être écartées en raison de l’interprétation que fait le requérant du droit à une protection juridictionnelle effective (ordonnance du 8 mars 2007, Strack/Commission, C‑237/06 P, non publiée au Recueil, point 108; voir également, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 44, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 36, ainsi que ordonnance du 13 mars 2007, Arizona Chemical e.a./Commission, C‑150/06 P, non publiée au Recueil, point 40).

65      Ainsi, en ce qui concerne spécifiquement le domaine objet du présent recours, la Cour a eu l’occasion de préciser qu’un particulier qui n’est pas directement et individuellement concerné par une décision de la Commission en matière d’aides d’État et qui, partant, n’est pas éventuellement affecté dans ses intérêts par la mesure étatique faisant l’objet de cette décision ne saurait se prévaloir du droit à une protection juridictionnelle à l’égard d’une telle décision (ordonnance du 1er octobre 2004, Pérez Escolar/Commission, C‑379/03 P, non publiée au Recueil, point 41).

66      Or, il ressort de l’examen des deux premiers moyens qu’une de ces deux conditions faisait précisément défaut en l’espèce, la requérante n’ayant pas établi qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse.

67      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt attaqué porterait atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective. Le moyen doit, par conséquent, être écarté.

 Sur le quatrième moyen

68      Le quatrième moyen de pourvoi se divise en deux branches.

 Sur la première branche du moyen

–       Argumentation des parties

69      La première branche du moyen est tirée d’une violation du principe d’égalité procédurale qui résulterait du fait que, en l’espace de quelques mois, la même chambre du Tribunal aurait, dans deux affaires comparables, conclu de manière opposée en ce qui concerne la qualité pour agir de tiers intervenus dans une procédure formelle d’examen en matière d’aides d’État. Plus spécifiquement, Sniace se réfère à l’arrêt du 21 octobre 2004, Lenzing/Commission (T‑36/99, Rec. p. II‑3597), ayant déclaré recevable le recours formé par Lenzing AG contre une décision de la Commission concernant des aides octroyées par les autorités espagnoles à Sniace. Or, le Tribunal serait parvenu à cette conclusion en se fondant sur une série de circonstances et d’éléments de preuve qu’il aurait, en revanche, rejetés comme non pertinents dans l’arrêt attaqué. Deux situations comparables auraient donc été traitées de manière différente sans qu’une telle différenciation soit objectivement justifiée.

70      En réponse à ces arguments, la Commission rappelle, tout d’abord, que l’arrêt Lenzing/Commission, précité, fait actuellement l’objet d’un pourvoi (C‑525/04 P) dans le cadre duquel elle soutient précisément que Lenzing AG ne remplissait pas les conditions posées par la jurisprudence en matière de qualité pour agir, cette entreprise n’étant pas individuellement concernée par la décision en cause dans cette affaire. En d’autres termes, selon la Commission, l’éventuelle divergence d’approche entre les deux arrêts du Tribunal doit être résolue dans un sens opposé à celui préconisé par la requérante, c’est-à‑dire dans le sens de l’irrecevabilité des recours dans les deux affaires.

71      La Commission, Lenzing Fibers et le Land Burgenland font ensuite valoir que le principe d’égalité n’est pas applicable en l’espèce du fait de certaines différences objectives existant entre les deux affaires. En particulier, l’aide octroyée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lenzing/Commission, précité, a bénéficié à un marché, à savoir celui de la viscose, sur lequel l’entreprise bénéficiaire et la requérante étaient en concurrence, alors que l’aide autorisée dans la présente affaire concernerait exclusivement la production de lyocell, un marché duquel Sniace était absente. En outre, par rapport au rôle joué par Sniace dans l’affaire objet du présent pourvoi, celui de la requérante dans ladite affaire Lenzing/Commission aurait été plus actif dans la mesure où celle-ci a déposé la plainte ayant abouti à l’ouverture de la procédure administrative et a fourni des informations supplémentaires au cours de la procédure.

–       Appréciation de la Cour

72      À supposer même que la circonstance que le Tribunal s’écarte de l’approche qu’il aurait retenue dans l’un de ses précédents arrêts puisse constituer une violation du principe d’égalité de traitement et être en tant que telle invoquée comme moyen à l’appui d’un pourvoi, il convient de relever que, en l’espèce, contrairement à ce que soutient Sniace, il ne saurait être affirmé que des situations comparables ont fait l’objet d’un traitement différent.

73      Il ressort, en effet, de l’appréciation souveraine des faits à laquelle s’est livrée le Tribunal aux points 61 à 78 de l’arrêt attaqué que Sniace ne produisait ni n’envisageait de produire de fibres de lyocell pas plus qu’elle n’a réussi à établir d’autres raisons pour lesquelles sa position sur le marché aurait néanmoins été susceptible d’être substantiellement affectée par la décision litigieuse. À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 59 de ses conclusions, la situation de Sniace se distinguait nettement, et sur un point essentiel, de celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lenzing/Commission, précité. Ainsi, dans cette dernière affaire, la requérante était en concurrence directe avec le bénéficiaire de l’aide sur le marché concerné, ce qui a été considéré par le Tribunal comme un élément déterminant dans le cadre de l’examen de sa qualité pour agir contre la décision de la Commission.

74      Dans ces conditions, la requérante ne saurait se fonder sur ledit arrêt afin d’établir une quelconque violation du principe d’égalité de traitement. Partant, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée comme infondée.

 Sur la seconde branche du moyen

–       Argumentation des parties

75      Par la seconde branche du présent moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé les articles 64 et 65 de son règlement de procédure en refusant de donner suite à des demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par Sniace, concernant la production de données et de documents nécessaires, selon elle, pour éclaircir certains aspects de l’affaire. De même, le Tribunal aurait omis de prendre en considération les demandes de la requérante tendant à la comparution des parties ainsi qu’à l’audition de plusieurs témoins et experts.

76      La Commission, Lenzing Fibers et le Land Burgenland rétorquent que, selon une jurisprudence constante, les décisions accueillant ou rejetant les demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les parties relèvent de l’appréciation souveraine du Tribunal et échappent donc, en principe, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

77      S’agissant de l’appréciation par le juge de première instance de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir, notamment, arrêts du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, Rec. p. I‑5281, point 19; du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 76, ainsi que du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 67).

78      Ainsi, la Cour a notamment jugé que, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 70, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 68, ainsi que ordonnance du 15 septembre 2005, Marlines/Commission, C-112/04 P, non publiée au Recueil, point 38).

79      Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal a pu considérer à bon droit, au point 81 de l’arrêt attaqué, que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de la procédure orale étaient suffisants pour lui permettre de statuer sur le litige dont il était saisi, sans que d’ultérieures mesures d’organisation de la procédure fussent nécessaires.

80      La seconde branche du quatrième moyen n’étant manifestement pas fondée, il y a donc lieu d’écarter le moyen dans son ensemble.

81      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi, aucun des moyens invoqués n’ayant prospéré.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission, Lenzing Fibers et le Land Burgenland ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

83      Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 118, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Conformément à cette disposition, il y a, dès lors, lieu de décider que la République d’Autriche supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Sniace SA est condamnée aux dépens.

3)      La République d’Autriche supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.

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