This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62004TJ0239
Judgment of the Court of First Instance (First Chamber) of 12 September 2007. # Italian Republic (T-239/04) and Brandt Italia SpA (T-323/04) v Commission of the European Communities. # State aid - Legislation providing for urgent measures to assist employment for undertakings in difficulties - Decision declaring the aid scheme incompatible with the common market and ordering recovery of aid paid. # Joined cases T-239/04 and T-323/04.
Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 12 septembre 2007.
République italienne (T-239/04) et Brandt Italia SpA (T-323/04) contre Commission des Communautés européennes.
Aides d'État - Législation prévoyant des mesures urgentes en faveur de l'emploi pour les entreprises en difficulté - Décision déclarant le régime d'aides incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération de l’aide versée.
Affaires jointes T-239/04 et T-323/04.
Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 12 septembre 2007.
République italienne (T-239/04) et Brandt Italia SpA (T-323/04) contre Commission des Communautés européennes.
Aides d'État - Législation prévoyant des mesures urgentes en faveur de l'emploi pour les entreprises en difficulté - Décision déclarant le régime d'aides incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération de l’aide versée.
Affaires jointes T-239/04 et T-323/04.
Recueil de jurisprudence 2007 II-03265
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2007:260
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif
Dans les affaires jointes T‑239/04 et T‑323/04,
République italienne, représentée par M. D. Del Gaizo, en qualité d’agent,
partie requérante dans l’affaire T‑239/04,
Brandt Italia SpA, établie à Verolanuova (Italie), représentée par MM. M. van Empel, C. Visco et S. Lamarca, avocats,
partie requérante dans l’affaire T‑323/04,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Di Bucci, C. Giolito et M me E. Righini, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/800/CE de la Commission, du 30 mars 2004, concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Italie concernant des dispositions urgentes en matière d’emploi (JO L 352, p. 10),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et M me I. Labucka, juges,
greffier : M me C. Kantza, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2006,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
Réglementation italienne
1. Le décret-loi n° 23, du 14 février 2003, prévoyant des dispositions urgentes en matière d’emploi (GURI nº 39, du 17 février 2003), converti, après modification, en loi n° 81, du 17 avril 2003 (GURI nº 91, du 18 avril 2003), prévoit en son article 1 er , paragraphe 1, ce qui suit :
« En vue de répondre à la grave crise de l’emploi qui a frappé les entreprises faisant l’objet de la procédure d’administration extraordinaire, dans les cas visés à l’article 63, paragraphe 4, du décret législatif n° 270, du 8 juillet 1999, pour les entreprises soumises auxdites procédures et comptant plus de 1 000 salariés, le ministre du Travail et des Politiques sociales peut accorder aux employeurs acquéreurs, dans une limite maximale d’un nombre de 550 travailleurs, les avantages visés aux articles 8, paragraphe 4, et 25, paragraphe 9, de la loi n° 223, du 23 juillet 1991, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
a) l’acquéreur ne présente pas les caractéristiques visées à l’article 8, paragraphe 4 bis, de la loi n° 223, du 23 juillet 1991 ;
b) le transfert des travailleurs est prévu par une convention collective conclue au 30 avril 2003, avec le ministère du Travail et des Politiques sociales, qui permet de réinsérer les travailleurs. »
2. L’article 63, paragraphe 4, du décret législatif n° 270, du 8 juillet 1999, portant nouvelle réglementation de l’administration extraordinaire des grandes entreprises en état d’insolvabilité (GURI nº 185, du 9 août 1999), prévoit, en cas de vente de tout ou partie d’une entreprise exploitée par de grandes entreprises et faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire, ce qui suit :
« Dans le cadre des consultations relatives au transfert d’entreprise prévues à l’article 47 de la loi n° 428, du 29 décembre 1990, le commissaire extraordinaire, l’acquéreur et les représentants des travailleurs peuvent convenir que l’acquéreur n’engagera qu’une partie des travailleurs et d’autres modifications des conditions de travail en vertu des dispositions applicables en vigueur. »
3. L’article 8 de la loi nº 223, du 23 juillet 1991, relative aux normes en matière de chômage technique, de mobilité, d’allocations de chômage, de mise en œuvre de directives communautaires, de placement de main d’œuvre et d’autres dispositions relatives au marché du travail (supplément ordinaire à la GURI nº 175, du 27 juillet 1991, ci-après la « loi nº 223/91 »), régissant l’Intervento straordinario d’integrazione salariale (Caisse d’intégration salariale spéciale, ci-après la « CIGS »), complété par l’article 2 du décret-loi n° 148, du 20 mai 1993 (GURI nº 116, 20 mai 1993), renferme un certain nombre de dispositions visant à favoriser le placement des travailleurs sous régime spécial de mobilité. Il y est notamment prévu :
« 1. Aux fins du placement des travailleurs sous régime de mobilité, le droit de priorité d’engagement est applicable [...]
4. Il est accordé à l’employeur qui, sans y être tenu par le paragraphe 1, engage à temps plein et à durée indéterminée les travailleurs inscrits sur la liste du régime de mobilité, pour chaque salaire mensuel versé aux travailleurs, une subvention mensuelle égale à 50 % de l’indemnité du régime de mobilité qui aurait été versée au travailleur. Ladite subvention ne peut pas être accordée pendant plus de douze mois et, pour les travailleurs de plus de 50 ans, ne peut pas être accordée pour plus de 24 mois [...]
4 bis Le droit aux avantages économiques visés aux paragraphes précédents est exclu dans le cas des travailleurs placés sous régime de mobilité, au cours des six mois précédents, par une entreprise du même secteur d’activité ou d’un autre secteur qui, à la date du licenciement, présente des relations d’appartenance qui correspondent en substance à celles de l’entreprise qui embauche ou qui s’avère être contrôlée par cette dernière ou liée à celle-ci. L’entreprise qui embauche déclare, sous sa propre responsabilité, lors de la demande d’embauche, que les obstacles susmentionnés n’existent pas. »
4. Selon l’article 25, paragraphe 9, de la loi nº 223/91 :
« Pour chaque travailleur inscrit sur la liste du régime de mobilité, employé pour une durée indéterminée, la part des cotisations à la charge de l’employeur s’élève, pendant les premiers 18 mois, au montant prévu pour les apprentis par la loi n° 25, du 19 janvier 1955, et ses modifications ultérieures. »
5. En outre, l’article 1 er , paragraphe 1, de la loi nº 223/91 dispose :
« Les dispositions relatives à la [CIGS] s’appliquent aux seules entreprises ayant employé en moyenne plus de quinze personnes au cours du semestre précédant la date de présentation de la demande visée au paragraphe 2. S’agissant des demandes présentées avant que se soient écoulés six mois à compter du transfert de l’entreprise, cette condition s’applique au nouvel employeur au cours de la période suivant la date dudit transfert [...] »
6. En vertu de l’article 1 er , paragraphe 2, de la loi nº 223/91, la demande visant à bénéficier du régime de la CIGS doit contenir le programme, rédigé selon un modèle établi, que l’entreprise entend mettre en œuvre et doit faire état des éventuelles mesures prévues pour répondre à ses conséquences sociales. L’article 2 de la loi nº 223/91 précise, en outre, que le bénéfice d’un tel régime est accordé par décret du ministre du Travail et des Politiques sociales italien, après approbation du programme par le Comitato interministeriale per il coordinamento della politica industriale [Comité interministériel pour la coordination de la politique industrielle (CIPI)] et que l’octroi de l’indemnité dépend de la mise en œuvre correcte de ce programme.
7. Par ailleurs, l’article 4 de la loi nº 223/91 dispose notamment :
« 1. L’entreprise admise au bénéfice du régime de la [CIGS] qui estime, au cours de la mise en oeuvre du programme visé à l’article 1 er , ne pas être en mesure de garantir à tous les travailleurs suspendus de les employer à nouveau et ne pas pouvoir avoir recours à d’autres mesures, peut engager les procédures de mobilité au sens du présent article.
2. Les entreprises qui souhaitent user de la possibilité visée au paragraphe 1 sont tenues de le faire savoir préalablement et par écrit aux représentations syndicales d’entreprise.
3. La communication visée au paragraphe 2 doit contenir des indications relatives aux motifs de la surcapacité ; aux motifs techniques, organisationnels ou productifs pour lesquels l’entreprise estime ne pas pouvoir adopter de mesures susceptibles de remédier à la situation susmentionnée et d’éviter, entièrement ou partiellement, le régime de mobilité ; au nombre, à la place dans l’entreprise et aux profils professionnels des travailleurs en surnombre, ainsi que du personnel habituellement employé ; au calendrier du programme de mobilité ; aux éventuelles mesures prévues pour répondre aux conséquences sociales de la mise en œuvre dudit programme ; à la méthode de calcul de l’ensemble des paiements autres que ceux résultant de la législation en vigueur et des négociations collectives. La communication est accompagnée d’une copie du récépissé du paiement à l’[Instituto Nazionale della Previdenza Sociale (INPS)], à titre d’avance sur la somme visée à l’article 5, paragraphe 4, d’un montant égal à l’indemnité maximale de la [CIGS] multiplié par le nombre de travailleurs considérés comme étant en surnombre [...] »
8. L’article 4 de la loi nº 223/91 dispose également :
« 5. Dans un délai de sept jours à compter de la date de réception de la communication visée au paragraphe 2, à la demande des organisations syndicales d’entreprises et des associations respectives, un examen conjoint est organisé entre les parties en vue d’examiner les causes qui ont contribué au surnombre de travailleurs et les possibilités d’autres affectations de tout ou partie de ce personnel dans la même entreprise, y compris par des contrats de solidarité et des formes flexibles de gestion du temps de travail. [...]
[...]
7. À défaut d’accord, le directeur de l’Ufficio provinciale del lavoro e della massima occupazione convoque les parties afin de réexaminer les questions visées au paragraphe 5, y compris en formulant des propositions pour parvenir à un accord. Ledit examen doit, en tout état de cause, être achevé dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la communication de l’entreprise prévue au paragraphe 6 par l’Ufficio provinciale del lavoro e della massima occupazione.
[...]
9. À la suite de l’accord syndical ou de l’achèvement de la procédure visée aux paragraphes 6, 7 et 8, l’entreprise peut placer sous le régime de mobilité les employés, les ouvriers et les cadres en surnombre, en communiquant par écrit à chacun d’entre eux la résiliation du contrat, dans le respect des délais de préavis.
[...]
13. Les travailleurs admis au bénéfice de la [CIGS] réintègrent l’entreprise à la fin de la période pendant laquelle ils jouissent de cette couverture.
[...] »
9. Enfin, l’article 5, paragraphes 4 et 5, de la loi nº 223/91, prévoit :
« 4. Pour chaque travailleur placé sous le régime de mobilité, l’entreprise est tenue de verser aux caisses d’intervention d’assistance et de soutien aux organismes de sécurité sociale […], en 30 tranches mensuelles, une somme égale à six fois le traitement mensuel initial versé au travailleur dans le cadre du régime de mobilité. Cette somme est ramenée à la moitié lorsque la déclaration de surnombre visée à l’article 4, paragraphe 9, a fait l’objet d’un accord syndical.
5. L’entreprise qui, selon les procédures définies par la Commissione regionale per l’impiego [commission régionale pour l’emploi], présente des offres d’emploi à durée indéterminée présentant les caractéristiques visées à l’article 9, paragraphe 1, sous b), n’est pas tenue de verser les tranches restantes pour les travailleurs qui perdent le droit au régime de mobilité pour avoir refusé ces offres ou pour l’ensemble de la période au cours de laquelle, ayant accepté les offres des entreprises, ils ont été employés. Ledit bénéfice est exclu pour les entreprises qui se trouvent, au regard de l’entreprise disposée à embaucher, dans les relations visées à l’article 8, paragraphe 4 bis. »
Mesure en cause et procédure administrative
10. Par lettre du 12 février 2003, les autorités italiennes ont notifié à la Commission le régime d’aides institué par le décret-loi nº 23/2003 (ci-après la « mesure en cause »).
11. La mesure en cause est entrée en vigueur le 18 février 2003, sans attendre que la Commission se soit prononcée sur la compatibilité de celle-ci avec le marché commun. Elle a donc été inscrite au registre des aides non notifiées, sous la référence NN 7/2003.
12. Par lettre du 12 mars 2003, la Commission a demandé à la République italienne des informations complémentaires concernant la mesure en cause. Elle lui a notamment demandé de lui indiquer les grandes entreprises dont la cession était prévue au titre de cette mesure, ainsi que les nouveaux acquéreurs et les critères selon lesquels ces derniers avaient été sélectionnés. Après avoir demandé et obtenu une prorogation du délai qui lui avait été imparti pour répondre, la République italienne a communiqué les renseignements demandés à la Commission par lettre du 20 mai 2003.
13. Par lettre du 15 octobre 2003, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 18 décembre 2003 (JO C 308, p. 5). La République italienne a transmis ses observations à la Commission par lettre du 22 décembre 2003. Elle y a, en substance, d’une part, indiqué que, pendant toute la durée d’application de la mesure en cause, seule une entreprise avait été cédée selon les modalités prévues par celle-ci, à savoir la branche d’activité d’Ocean SpA située à Verolanuova (Brescia) cédée à Brandt Italia SpA (ci-après « Brandt »). D’autre part, selon la République italienne, Brandt a acquis Ocean au prix du marché sans bénéficier d’aucun avantage économique direct du fait de l’application de la mesure en cause.
14. Cependant, par lettre du 19 janvier 2004, la Commission a demandé à la République italienne des renseignements complémentaires, en particulier de confirmer que, en réalité, la seule entreprise qui avait bénéficié de la mesure en cause était Brandt, ainsi que diverses autres informations concernant le volume des aides versées dans ce cadre. La République italienne a fourni à la Commission les informations demandées le 11 février 2004.
15. Le 30 mars 2004, la Commission a adopté la décision 2004/800/CE concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Italie concernant des dispositions urgentes en matière d’emploi (JO L 352, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), laquelle a été notifiée à la République italienne le 1 er avril 2004.
Décision attaquée
16. Par la décision attaquée, la Commission constate, tout d’abord, que la mesure en cause constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.
17. Selon la Commission, premièrement, la mesure en cause favorise des catégories particulières d’entreprises, à savoir, d’une part, les acquéreurs d’entreprises en difficulté, faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire et employant au moins 1 000 personnes, qui ont conclu une convention collective au plus tard le 30 avril 2003 avec le ministère du Travail italien et des Politiques sociales pour l’approbation du transfert de travailleurs et, d’autre part, les entreprises en difficulté faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire, qui emploient au moins 1 000 personnes et qui font l’objet d’une cession. Cette mesure conférerait auxdites entreprises un avantage économique, en réduisant leurs coûts normaux et en renforçant leur situation financière par rapport à d’autres concurrents qui ne bénéficient pas du même régime. Le caractère sélectif de la mesure en cause serait, en outre, confirmé par le fait que celle-ci n’a été appliquée que dans un cas.
18. Deuxièmement, la mesure en cause serait accordée au moyen de ressources d’État, d’une part, parce qu’elle serait financée au moyen de financements publics à fonds perdus et, d’autre part, parce que l’État renoncerait à une part des charges sociales normalement dues.
19. Troisièmement, la mesure en cause menacerait d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence en renforçant la situation financière de certaines entreprises par rapport à leurs concurrents.
20. Selon la Commission, la mesure en cause est donc, en principe, interdite par l’article 87, paragraphe 1, CE et ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun que si elle peut bénéficier d’une des dérogations prévues par le traité.
21. Ensuite, la Commission regrette que les autorités italiennes aient manqué à l’obligation qui leur incombait en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, en ayant mis à exécution la mesure en cause avant qu’elle ait été autorisée par la Commission.
22. Par ailleurs, s’agissant de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, la Commission exclut que celle-ci puisse bénéficier des dérogations prévues par le traité.
23. Enfin, la Commission apprécie la compatibilité de la mesure en cause à la lumière des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2), du règlement (CE) nº 2204/2002, de la Commission, du 12 décembre 2002, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides d’État à l’emploi (JO L 337, p. 3) et des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9).
24. Premièrement, s’agissant de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, la Commission considère que celle-ci est exclue, car la mesure en cause s’applique aux entreprises employant plus de 1 000 personnes, c’est-à-dire aux grandes entreprises, tandis que lesdites lignes directrices admettent les régimes d’aides au sauvetage et à la reconstruction uniquement pour les petites et moyennes entreprises.
25. Deuxièmement, dans le contexte du règlement nº 2204/2002, la Commission rejette notamment l’argument de la République italienne selon lequel les avantages accordés dans le cadre de la mesure en cause seraient les mêmes que ceux procurés dans le cadre du régime de chômage technique, lequel n’aurait jamais été considéré comme étant une aide d’État.
26. Troisièmement, alors que la République italienne faisait valoir que, à supposer même que la mesure en cause constituerait une aide d’État, elle serait compatible avec le marché commun, au sens de l’article 4, paragraphe 4, sous c), du règlement nº 2204/2002, en tant qu’aide à la création d’emplois, la Commission relève que les aides à la création d’emplois dans les régions non assistées sont autorisées uniquement en faveur des petites et moyennes entreprises, alors que la mesure en cause concerne de grandes entreprises.
27. S’agissant de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard des lignes directrices concernant les aides à finalité régionale, la Commission considère que la mesure en cause ne relève pas du champ d’application des lignes directrices concernant les aides à finalité régionale, étant donné que celle-ci s’applique sur tout le territoire national et surtout que le seul cas dans lequel la mesure en cause a été appliquée concerne une entreprise qui se trouve dans une région qui ne bénéficie pas des dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE.
28. Au vu de ces constatations, la Commission estime que la mesure en cause constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, qui a été illégalement mise à exécution, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE. Elle en conclut que cette mesure est incompatible avec le marché commun et ordonne que sa décision soit immédiatement mise en œuvre, ce qui implique la récupération des aides incompatibles. La Commission précise cependant que la décision attaquée ne porte pas préjudice à la possibilité que des aides individuelles octroyées dans le cadre de la mesure en cause soient considérées ultérieurement, sur décision de la Commission, comme totalement ou partiellement compatibles avec le marché commun au regard de leurs caractéristiques spécifiques.
Procédure et conclusions des parties
29. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 11 juin et le 4 août 2004, enregistrées respectivement sous les numéros T‑239/04 et T‑323/04, la République italienne et Brandt ont introduit les présents recours.
30. Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 19 juillet 2006, les parties entendues, les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.
31. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 19 septembre 2006.
32. Dans l’affaire T‑239/04, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer la décision attaquée nulle et non avenue ;
– condamner la Commission aux dépens.
33. Dans l’affaire T‑323/04, Brandt conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal confirmerait l’incompatibilité de la mesure en cause avec les articles 87 CE et 88 CE, déclarer, avec effet à l’égard de Brandt, la nullité partielle de la décision attaquée, limitée à l’article 3 de celle-ci, soit la nullité de la partie dans laquelle il est enjoint à la République italienne de procéder à la récupération de l’aide illégalement octroyée ;
– condamner la Commission aux frais et aux dépens de la présente instance.
34. Dans l’affaire T‑239/04, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République italienne aux dépens.
35. Dans l’affaire T‑323/04, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme dénué de fondement ;
– condamner Brandt aux dépens.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
36. La question de la recevabilité du recours formé par Brandt à l’encontre de la décision attaquée a été soulevée par la Commission dans l’affaire T‑323/04. Si, compte tenu notamment du fait que la République italienne a attaqué la même décision devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire T‑239/04, la Commission a finalement renoncé à invoquer l’irrecevabilité de ce recours par acte séparé, elle continue cependant d’estimer que Brandt ne saurait faire valoir un quelconque intérêt individuel à voir annuler la décision attaquée et demande donc au Tribunal de rejeter le recours de celle-ci comme irrecevable.
37. Faisant notamment référence aux conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, I‑10741, points 138 à 142), la Commission fait valoir que la jurisprudence relative à la recevabilité des recours introduits par des concurrents contre des décisions adoptées au regard de l’article 88, paragraphe 3, CE est loin d’être stabilisée et que des considérations tout à fait analogues s’appliquent concernant les recours introduits par des bénéficiaires d’aides accordées dans le cadre d’un régime d’aides contre une décision déclarant le régime en cause incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides déjà versées à ce titre. La Commission ajoute que, nonobstant ces fluctuations de la jurisprudence, il n’y a cependant aucune raison d’estimer que tous les bénéficiaires d’aides accordées dans le cadre d’un régime d’aides sont individuellement concernés, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision de la Commission déclarant ledit régime incompatible avec le marché commun, dès lors que celle-ci a apprécié à cette occasion une réglementation nationale générale et abstraite, sans examiner les cas individuels.
38. La Commission considère en outre que, dès lors que la République italienne a conçu et lui a notifié un régime général et abstrait, elle a pu examiner la mesure en cause comme telle, et ce alors même qu’elle n’était en fait destinée qu’à s’appliquer à une seule entreprise, à savoir Brandt. La Commission ajoute que c’est précisément pour cette raison que la décision attaquée porte sur la mesure en cause en tant que telle, sans examiner la situation particulière de Brandt, et que le recours de cette dernière doit donc être déclaré irrecevable.
39. Brandt considère qu’elle est en droit de demander l’annulation de la décision attaquée. Tout en admettant que la décision attaquée a été formellement adressée à la République italienne, Brandt considère, en effet, qu’elle est directement et individuellement concernée par celle-ci. D’une part, la décision attaquée aurait un impact direct sur la situation de Brandt, puisque l’obligation qui y est faite à la République italienne de récupérer l’aide engendrerait un préjudice économique certain pour elle (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43). D’autre part, Brandt serait individuellement concernée par la décision attaquée, étant, selon les dires de la Commission, bénéficiaire de l’aide alléguée et tenue à la restitution du montant de celle-ci en vertu de l’article 3 de la décision attaquée.
Appréciation du Tribunal
40. Premièrement, le Tribunal relève que, dans l’affaire T‑239/04, dans le cadre de laquelle la décision attaquée est contestée par la République italienne, la Commission soutient que la mesure en cause ne revêt pas un caractère général, mais constitue une intervention limitée à un cas spécifique, laquelle ne procure des avantages qu’à une seule entreprise, à savoir Brandt, en dérogeant aux conditions prévues par la législation générale.
41. De plus, dans le cadre de l’affaire T‑323/04, Brandt a des intérêts propres qui se distinguent de ceux de la République italienne, au sens des critères qui ont été appliqués dans l’arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, DEFI/Commission (282/85, Rec. p. 2469, point 16). En effet, en adoptant la mesure en cause, qui est à l’origine de la décision attaquée et partant des deux recours examinés dans le cadre des présentes affaires jointes, la République italienne a voulu éviter une crise sociale que le licenciement d’un grand nombre de travailleurs d’entreprises en difficulté était susceptible de provoquer, en facilitant leur transfert d’Ocean à Brandt. Du point de vue de Brandt, cette transaction était un choix commercial, facilité par la mesure en cause.
42. En outre, même si la mesure en cause n’identifie pas les entreprises en faveur desquelles l’aide sera versée, Brandt a été mentionnée au cours des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la mesure en cause, lesquels sont cités par la Commission. Enfin, la Commission reconnaît, dans la décision attaquée, à plusieurs reprises, que pendant toute la durée de l’application de la mesure en cause seule une entreprise a été cédée selon les modalités prévues par celle-ci, à savoir Ocean, cédée à Brandt.
43. Deuxièmement, le Tribunal rappelle que, en vertu d’une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale est subordonnée à la condition qu’elle justifie d’un intérêt à agir (voir arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T‑9/98, Rec. p. II‑3367, point 32, et la jurisprudence citée). En l’espèce, si la décision attaquée était annulée, la situation juridique de Brandt changerait indéniablement en ce que la récupération de l’aide ordonnée en son article 3 n’aurait plus de base légale. Il s’ensuit que Brandt a un intérêt à agir à obtenir l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 2 août 2001, Saxonia Edelmetalle/Commission, T‑111/01 R, Rec. p. II‑2335, point 17).
44. Troisièmement, en ce qui concerne l’affectation directe et individuelle de Brandt par la décision attaquée, le Tribunal relève que, dans la mesure où l’article 3 de celle-ci fait obligation à la République italienne de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause, Brandt doit être considérée comme directement et individuellement concernée par cette décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, points 35 et 36). De plus, le Tribunal note que l’injonction a été faite par les services de la sécurité sociale italienne de suspendre le versement de l’aide à hauteur d’un montant de 500 000 euros environ.
45. Au vu de ce qui précède, le recours de Brandt est recevable.
Sur le fond
46. Dans le cadre des trois moyens soulevés dans l’affaire T‑239/04, la République italienne avance les griefs suivants :
– la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et la violation des formes substantielles ;
– à titre subsidiaire, un défaut de motivation de la décision attaquée concernant les violations de l’article 87, paragraphe 1, CE et des formes substantielles ;
– à titre plus subsidiaire, la violation de l’article 88, paragraphe 3, CE, des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté et du règlement n° 2204/2002, ainsi que la violation des formes substantielles tirée de divers vices de procédure et défauts de motivation.
47. Dans l’affaire T‑323/04, Brandt soulève cinq moyens :
– la violation du traité, en particulier de l’article 87 CE, et la violation d’une forme substantielle, en particulier la violation de l’article 253 CE ;
– le détournement de pouvoir de la Commission ;
– la violation de l’article 88 CE et la violation d’une forme substantielle ;
– la violation du traité, en particulier des articles 88 CE et 89 CE, la violation du règlement (CE) nº 994/98, du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [87 CE] et [88 CE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1), et du règlement nº 2204/2002, ainsi que la violation de formes substantielles, en particulier la violation de l’article 253 CE ;
– l’invalidité de l’article 3 de la décision attaquée en raison de la violation de l’article 88 CE et des principes généraux du droit, en particulier du principe de protection de la confiance légitime, ainsi que la violation de dispositions impératives de caractère procédural, en particulier de l’article 253 CE.
48. Plusieurs moyens et arguments soulevés par les requérantes, respectivement dans l’affaire T‑239/04 et dans l’affaire T‑323/04, se recoupant ainsi largement, le Tribunal estime opportun de les examiner ensemble, dans l’ordre suivant :
– la qualification d’aide d’État de la mesure en cause ;
– la qualification d’aide existante de la mesure en cause ;
– la conformité de la décision attaquée à l’article 88, paragraphe 3, CE, au règlement nº 2204/2002 et aux lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté ;
– la violation des formes substantielles, en particulier de l’article 253 CE ;
– le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’application de la condition de sélectivité ;
– le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’identification du bénéficiaire de l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause ;
– le défaut de motivation de la décision attaquée concernant les effets négatifs de la mesure en cause sur les échanges communautaires et sur la concurrence ;
– la motivation inadéquate de la décision attaquée concernant l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard du règlement n° 2204/2002 et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté ;
– le défaut de motivation de la décision attaquée concernant la récupération de l’aide.
– la récupération de l’aide :
– la violation du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1) ;
– la violation du principe de protection de la confiance légitime.
49. Compte tenu de la nature des arguments soulevés par Brandt au soutien d’un prétendu détournement de pouvoir de la Commission, le Tribunal considère que ce moyen doit être requalifié comme étant un moyen relatif à la motivation insuffisante et contradictoire de la décision attaquée sur certains points. Il doit donc être traité dans le cadre de l’appréciation de la motivation de cette décision.
Sur la qualification d’aide d’État de la mesure en cause
Arguments des parties
50. La République italienne fait valoir que la mesure en cause constitue une mesure de caractère général tendant à promouvoir l’emploi. En tant que telle, elle ne fausserait ni ne risquerait de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou la production de certains biens et, dès lors, ne constituerait donc pas une aide d’État. Cette mesure aurait étendu la portée du régime de la CIGS et du régime de mobilité, existant déjà auparavant, à certaines situations particulières, en attribuant, sous réserve de certaines conditions, les mêmes avantages aux employeurs acquéreurs des entreprises faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire. Les vrais bénéficiaires du régime instauré par la mesure en cause seraient les salariés et la Commission elle-même aurait reconnu que les deux régimes précités ne constituaient pas en soi des aides d’État.
51. La République italienne prétend que la Commission n’a pas apprécié cette question dans le cadre de l’examen préliminaire de l’existence d’une aide d’État, mais l’a seulement abordée dans le cadre de son appréciation de la mesure en cause sur le fondement du règlement n° 2204/2002.
52. Brandt soutient que les effets économiques de la mesure en cause sont absolument neutres pour elle. Cette conclusion ressortirait d’un examen comparatif entre la mesure en cause et la loi n° 223/91, que la Commission aurait dû opérer. En l’absence de la mesure en cause, Brandt aurait pu obtenir le même résultat économique en convenant avec Ocean d’un transfert partiel des travailleurs du site de Verolanuova, conformément à la législation générale existante. Par conséquent, Brandt considère que la mesure en cause soutient les salariés de l’entreprise qui fait l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire (à savoir, en l’espèce, les salariés d’Ocean), en favorisant leur transfert à l’acquéreur, sans qu’ils soient placés sous le régime de la CIGS ou inscrits sur les listes de mobilité. Brandt en conclut que, si le Tribunal confirmait la décision attaquée et, en particulier, l’obligation qui y est faite à la République italienne de récupérer les aides déjà versées, elle se trouverait dans une situation nettement moins favorable que celle dans laquelle elle se serait trouvée si la mesure en cause n’avait jamais été adoptée.
53. Brandt rappelle en outre que, pour que l’article 87 CE soit applicable, le bénéficiaire d’une mesure doit en avoir tiré un avantage de nature économique ou financière. Elle remarque à cet égard qu’elle a acquis Ocean à la suite d’une mise en concurrence avec d’autres acquéreurs potentiels et que le prix qu’elle a payé était donc le prix du marché. De plus, cette acquisition aurait porté non seulement sur les activités industrielles de la branche, mais aurait aussi compris l’ensemble des dettes de cette dernière. Brandt insiste sur le fait qu’elle n’a tiré aucun avantage de la mesure en cause, notamment parce qu’aucun avantage, fût-il indirect et partiel, et résultant déjà de l’application de la législation générale existante, n’aurait pu compenser les coûts supplémentaires que Brandt a été amenée à supporter par l’effet de ladite mesure.
54. De plus, se référant au considérant 31 de la décision attaquée, Brandt allègue qu’il existe une contradiction évidente entre l’affirmation de la Commission selon laquelle les avantages consentis par la mesure en cause sont identiques à ceux qui étaient déjà prévus dans le cadre du régime de la CIGS et du régime de mobilité, d’une part, et le refus de celle-ci d’appréhender la mesure en cause comme faisant partie intégrante de ces régimes. Brandt insiste sur le fait que la mesure en cause n’a introduit aucun nouvel avantage et que la mesure en cause emporte les mêmes effets que ceux qui étaient déjà prévus par les dispositions de la législation générale existante, à savoir celles de la loi n° 223/91. La mesure en cause serait en ce sens pleinement conforme à l’esprit et à l’architecture globale du système italien de cotisations sociales. Brandt rappelle à cet égard que, selon la jurisprudence de la Cour, un dégrèvement partiel des charges sociales incombant aux entreprises d’un secteur industriel particulier constitue une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si cette mesure est destinée à exempter partiellement ces entreprises des charges pécuniaires découlant de l’application normale du système général de prévoyance sociale, sans que cette exemption se justifie par la nature ou l’économie de ce système (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, France/Commission, C‑251/97, Rec. p. I‑6639, point 36, et la jurisprudence citée).
55. D’un point de vue général, la Commission indique qu’elle a examiné la mesure en cause dans le cadre de son appréciation de l’existence d’une aide d’État aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée.
56. Développant globalement les mêmes arguments dans les deux affaires, la Commission fait valoir que la mesure en cause ne revêt pas un caractère général, cette constatation étant confirmée, non seulement, par les extraits des travaux préparatoires et des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la mesure en cause, mais aussi par le fait que la mesure a été appliquée dans un cas. De plus, la Commission souligne que, comme il ressort de la lettre du ministre du Travail et des Politiques sociales datée du 7 février 2003, communiquée à la Commission par la lettre du 12 février 2003, dans un premier temps, les autorités italiennes avaient notifié la mesure en cause comme étant une aide d’État, même si dans le courrier suivant, celles-ci avaient finalement fait valoir le contraire.
57. La Commission rappelle que le fait que la mesure en cause vise à promouvoir l’emploi n’a aucune incidence sur sa qualification d’aide d’État, puisque, selon une jurisprudence très abondante, l’article 87, paragraphe 1, CE définit les mesures nationales en fonction de leurs effets et non en fonction de leurs causes ou de leurs objectifs.
58. En outre, il importerait peu que Brandt ait pu se voir accorder, dans le cadre d’autres procédures et à une date postérieure, des avantages distincts prévus par d’autres dispositions italiennes, que ceux-ci constituent ou non des aides d’État. Selon la Commission, la seule chose qui compte, c’est que la mesure en question lui ait accordé des avantages spécifiques.
59. Le fait que Brandt a fourni une contrepartie pour les aides reçues ne modifierait par ailleurs en rien leur qualification (arrêt France/Commission, précité). Selon la Commission, la thèse de l’aide nette développée par Brandt, selon laquelle l’existence d’une contrepartie supprimerait l’avantage et donc l’aide, est en effet inconciliable avec la logique du contrôle des aides d’État. En tout état de cause, les calculs présentés par Brandt au stade de la procédure écrite n’auraient jamais été invoqués au cours de la procédure administrative et ne pourraient pas, de ce fait, selon une jurisprudence constante, être pris en considération aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.
60. Le rappel effectué par Brandt de la jurisprudence qui exclut l’existence d’un avantage spécifique, et donc d’une aide, lorsque l’exemption des prélèvements obligatoires se justifie par la nature ou l’économie du système fiscal et contributif serait également dénué de fondement en l’espèce. La Commission indique à cet égard que c’est à l’État membre qu’il incombe de procéder à une telle démonstration (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, Rec. p. I‑4461, point 43) et observe que la République italienne n’a jamais invoqué un tel argument. Sur le fond, la mesure ainsi justifiée devrait correspondre à la logique interne du système fiscal en général (voir arrêts du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec. p. II‑1275, point 164, et Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, Rec. p. II‑1385, point 60, et la jurisprudence citée), ce qui serait peu probable dans le cas d’une exemption temporaire.
61. Selon la Commission, le bénéfice apporté par la mesure en cause réside dans le fait que les avantages de sécurité sociale, au lieu d’être accordés à l’issue de procédures complexes, telles que celle prévue pour bénéficier du régime de la CIGS ou celle prévue pour l’application du régime de mobilité, sont immédiatement accordés à l’employeur qui acquiert l’entreprise. En outre, le système établi par la mesure en cause aurait assuré la continuité fonctionnelle entre Ocean et Brandt, en donnant à cette dernière la possibilité d’engager les travailleurs d’Ocean avant même qu’ils ne soient licenciés. Seules les entreprises répondant aux critères établis par la mesure en cause pouvant profiter de cette anticipation du bénéfice des avantages de sécurité sociale, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, cela suffirait en soi pour conclure qu’il s’agit d’une mesure sélective.
62. Enfin, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission indique que le régime de chômage technique et le régime spécial de licenciement n’ont jamais été appréciés par la Commission au regard des règles relatives aux aides d’État. Il ne serait donc pas à exclure qu’ils constituent, en soi, des aides d’État, et cette appréciation vaudrait a fortiori s’agissant de leur extension sélective.
Appréciation du Tribunal
63. Le Tribunal relève, tout d’abord, que, contrairement à ce que soutient la République italienne, la question relative à l’existence d’une aide d’État en l’espèce a été analysée par la Commission au point 5 de la décision attaquée, ainsi que, concernant le règlement nº 2204/2002, dans les considérants 30 et 31 de cette décision.
64. Le Tribunal considère, ensuite, qu’il convient d’admettre l’argumentation de la Commission selon laquelle le bénéfice apporté par la mesure en cause réside dans le fait que les avantages de sécurité sociale, au lieu d’être accordés à l’issue de procédures complexes, comme celle prévue pour bénéficier du régime de la CIGS ou celle prévue pour l’application du régime de mobilité, sont immédiatement accordés à l’employeur qui acquiert l’entreprise faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire. L’argument soulevé par Brandt consistant à soutenir que ce n’est pas à l’acquéreur qu’il incombe de suivre une quelconque des procédures relatives au placement des travailleurs sous le régime de la mobilité, ne saurait être retenu. À supposer même que ces procédures soient déclenchées par le cédant, elles sont destinées à la conclusion d’un contrat de droit civil, en principe bénéfique pour les deux parties. En effet, selon le système établi, c’est l’acquéreur qui bénéficie des prestations et du droit à payer des cotisations sociales réduites. Il a donc incontestablement intérêt à obtenir rapidement et aisément les avantages prévus.
65. En outre, la mesure en cause a permis d’assurer la continuité fonctionnelle entre Ocean et Brandt, en donnant à Brandt la possibilité d’engager les travailleurs avant même qu’ils ne soient licenciés, ce qui en soi offre un avantage concurrentiel.
66. Concernant le caractère sélectif de la mesure en cause, le Tribunal rappelle que la mesure en cause a été adoptée le 14 février 2003, dans le cadre d’une procédure d’urgence. Les avantages prévus par la mesure en cause étaient subordonnés à l’existence d’une convention collective, qui devait être conclue au 30 avril 2003. Ils étaient donc accessibles pendant une période de 2 mois et 17 jours. Les avantages prévus par la mesure en cause sont ceux prévus dans la législation générale existante. Toutefois, dans le cadre de la mesure en cause, il n’est plus nécessaire de suivre les procédures complexes conditionnant l’obtention desdits avantages dans le cadre de la législation générale existante et la portée de ce régime général est considérablement réduite, notamment par la limitation du bénéfice de la mesure en cause aux seules entreprises employant plus de 1 000 personnes, contre un minimum de quinze employés seulement exigé dans le cadre du régime général. Il en est résulté que la mesure en cause n’a été appliquée que dans un cas. De plus, les sténogrammes des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la mesure en cause présentés par la Commission au cours de la procédure écrite, indiquent expressément que la cession d’Ocean est à l’origine de l’adoption de la mesure en cause. Par conséquent, le Tribunal considère que le caractère sélectif de la mesure en cause est établi.
67. Le Tribunal constate, par ailleurs, que les parties s’accordent sur le fait que l’avantage que renferme la mesure en cause est octroyé au moyen de ressources d’État.
68. Concernant l’incidence sur les échanges communautaires et sur la concurrence de la mesure en cause, le Tribunal considère que c’est à bon droit que la Commission constate au considérant 20 de la décision attaquée que la mesure en cause menace de fausser la concurrence en ce sens qu’elle renforce la situation financière de certaines entreprises par rapport à leurs concurrents et, en particulier, menace de fausser la concurrence et d’affecter les échanges si les bénéficiaires se trouvent en concurrence avec des produits provenant d’autres États membres, bien qu’ils n’exportent pas eux-mêmes leur production (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris, 730/79, Rec. p. 2671, points 11 et 12, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec. p. I‑3671, points 47 et 48). Le Tribunal relève en outre que Brandt, bénéficiaire de la mesure en cause, appartient au groupe ElcoBrandt, cinquième groupe dans le secteur de l’électroménager en Europe, secteur caractérisé par son degré particulier d’exposition à la concurrence, ce qui conforte la conclusion selon laquelle la mesure en cause est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence dans ce secteur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 87).
69. Le Tribunal estime par ailleurs que le fait que la mesure en cause vise à sauvegarder l’emploi est sans incidence sur sa qualification d’aide d’État, puisque l’article 87, paragraphe 1, CE, ne distingue pas les interventions étatiques, selon leurs causes ou leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets [voir arrêt du Tribunal du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, Rec. p. II‑2957, point 112, et la jurisprudence citée]. En outre, l’argument selon lequel Brandt aurait pu se voir accorder, dans le cadre d’autres procédures et à une date postérieure, les mêmes avantages en vertu d’autres dispositions italiennes, n’est pas non plus pertinent, dès lors que le critère décisif dans la présente affaire réside dans le fait que la mesure en cause constitue une extension sélective de ces régimes généraux, en accordant des avantages spécifiques à certaines entreprises en renforçant leur situation financière par rapport aux concurrents de celles-ci.
70. Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que la mesure en cause est constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.
Sur la qualification d’aide existante de la mesure en cause
Arguments des parties
71. Brandt soutient que c’est à tort que la Commission n’a pas considéré la mesure en cause comme étant une aide existante car, selon elle, la mesure en cause relève du champ d’application du règlement n° 2204/2002. Brandt soutient à cet égard que la Commission s’est limitée à affirmer que la mesure en cause ne relevait pas du champ d’application du règlement nº 2204/2002. Ce faisant, et alors que le règlement nº 2204/2002 ne lui confère aucun pouvoir spécifique en la matière, la Commission se serait arrogé la faculté de retirer le bénéfice du régime d’aides existant prévu par ce règlement. En procédant de la sorte, la Commission aurait en outre omis de justifier en quoi elle avait compétence pour retirer, par une décision individuelle, un tel bénéfice et aurait ainsi à tout le moins manqué à son obligation de motivation adéquate.
72. La Commission soutient que Brandt émet un certain nombre d’hypothèses sans en vérifier les fondements en s’abstenant de démontrer que les conditions d’application du règlement nº 2204/2002 sont remplies ou de réfuter le raisonnement exposé par la Commission aux considérants 29 à 33 de la décision attaquée, lesquels établiraient justement le contraire.
73. S’agissant de la contestation des compétences de la Commission dans ce domaine, celle-ci considère que, si, comme il semble ressortir des points 99 et suivants de sa requête, Brandt estime qu’elle n’est pas habilitée à appliquer le règlement n° 2204/2002 et, de manière plus générale, les règlements d’exemption aux décisions individuelles qu’elle adopte, sa thèse est manifestement erronée. D’une part, le considérant 4 du règlement nº 2204/2002 réserverait aux États membres la possibilité de notifier les aides à l’emploi et imposerait à la Commission d’examiner ces notifications, en particulier à la lumière des critères définis par le règlement nº 2204/2002 et le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33), ou conformément aux lignes directrices ou aux encadrements communautaires applicables. D’autre part, il serait plus qu’évident que, aux fins de l’examen de la compatibilité d’une aide, la Commission est tenue d’appliquer tous les textes potentiellement pertinents, qu’il s’agisse de lignes directrices, d’encadrements ou de règlements. Selon la Commission, si tel n’était pas le cas, elle ne pourrait jamais adopter de décisions négatives, car elle ne serait pas habilitée à exclure l’hypothèse que l’aide puisse être compatible avec le marché commun au regard d’un règlement d’exemption.
74. La Commission ajoute que, si, au contraire, Brandt prétend que la Commission a estimé à tort que la mesure en cause ne relève pas du champ d’application du règlement n° 2204/2002, l’article 21 du statut de la Cour de justice et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du r èglement de procédure lui imposeraient de développer ce moyen.
Appréciation du Tribunal
75. Tout d’abord, le Tribunal rappelle que le règlement n° 994/98 prévoit à son article 1 er , paragraphe 1, sous a), iv), et sous b), que la Commission peut, par voie de règlements arrêtés en conformité avec la procédure définie à son article 8 et avec l’article 87 CE, déclarer que les aides en faveur de l’emploi et de la formation, ainsi que les aides respectant la carte approuvée par la Commission pour chaque État membre pour l’octroi des aides à finalité régionale, sont compatibles avec le marché commun et ne sont pas soumises à l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.
76. La Commission a exercé cette compétence en adoptant le règlement nº 2204/2002. Pour bénéficier de l’exemption prévue par ce règlement, une aide doit remplir les conditions d’application de celui-ci, ce qui, comme il est constaté aux points 93 à 96 ci-après, n’est pas le cas en l’espèce.
77. Ensuite, s’agissant de l’argument avancé par Brandt consistant à prétendre que la mesure en cause n’est qu’une variante insignifiante du régime de la CIGS et du régime de mobilité, qui, selon elle, sont eux-mêmes des régimes d’aides d’État existants, le Tribunal considère qu’il ne peut pas non plus être retenu. En vertu de l’article 1 er du règlement nº 659/1999, une aide existante peut recouvrir plusieurs situations. Aux termes de cette disposition, constitue en effet une aide existante :
– premièrement, toute aide existant déjà avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné ;
– deuxièmement, toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;
– troisièmement, toute aide qui est réputée avoir été autorisée à défaut pour la Commission d’avoir adopté une décision dans un délai de deux mois en principe à compter du jour suivant celui de la réception de sa notification complète et dont elle dispose pour effectuer un examen préliminaire ;
– quatrièmement, toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans en matière de récupération a expiré ;
– cinquièmement, toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre.
78. En l’espèce, le Tribunal relève que la plus ancienne des lois italiennes établissant les régimes d’aides auxquels il est fait référence date de l’année 1991. Par conséquent, la première situation permettant de considérer une aide comme une aide existante est exclue dans le présent cas d’espèce.
79. En outre, comme il a été souligné au point 62 ci-dessus, la Commission a indiqué que le régime de la CIGS et le régime de mobilité ne lui ont jamais été notifiés et n’ont jamais été examinés par elle au regard des règles relatives aux aides d’État. Les deuxième et troisième situations permettant de considérer une mesure d’aide comme étant une aide existante ne sont donc pas non plus vérifiées en l’espèce.
80. Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission se borne à ordonner à la République italienne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause. La quatrième situation permettant de considérer une mesure d’aide comme étant une aide existante n’est donc pas elle non plus caractérisée en l’espèce.
81. Enfin, le Tribunal relève que les parties n’ont pas soulevé d’arguments consistant à faire valoir que la mesure en cause ne constituait pas une aide au moment de son entrée en vigueur et qu’elle n’en aurait revêtu les caractéristiques qu’à la suite de l’évolution du marché commun. La cinquième et dernière situation permettant de considérer une mesure d’aide comme étant une aide existante n’est donc pas non plus caractérisée en l’espèce.
82. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la mesure en cause ne constitue pas une aide existante.
83. Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur la conformité de la décision attaquée à l’article 88, paragraphe 3, CE, au règlement nº 2204/2002 et aux lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté
Sur la violation de l’article 88 paragraphe 3, CE
– Arguments des parties
84. La République italienne fait valoir que, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 22 de la décision attaquée, la prétendue illégalité de la mesure en cause du fait qu’elle a été mise à exécution avant que la Commission ne statue n’existe pas étant donné l’urgence. Selon elle, le défaut de mise en œuvre de cette mesure au cours de la procédure administrative l’aurait en effet privée de son effet utile.
85. La Commission rappelle que l’article 88, paragraphe 3, CE impose la notification préalable de tous les projets d’aides et interdit la mise à exécution des mesures projetées avant que la procédure d’examen ait abouti à une décision finale. Un État membre ne serait pas autorisé à s’affranchir unilatéralement de telles obligations en invoquant l’urgence, la fixation d’un délai de deux mois pour mener à bien l’examen préliminaire répondant déjà à cette exigence (arrêt de la Cour du 15 février 2001, Autriche/Commission, C‑99/98, Rec. p. I‑1101, point 73).
– Appréciation du Tribunal
86. Le Tribunal rappelle que l’article 88, paragraphe 3, CE, établit de manière claire et non équivoque que l’État membre intéressé ne peut pas mettre à exécution les mesures projetées avant que la procédure d’examen préliminaire ait abouti à une décision finale.
87. En outre, cette disposition est complétée par l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 659/1999, lequel prévoit un délai qui est en principe de deux mois à compter du jour suivant celui de la réception de la notification pour l’adoption d’une décision au terme de l’examen préliminaire de la mesure notifiée.
88. S’agissant de ce délai de deux mois, qui avait été initialement fixé par la jurisprudence, la Cour a jugé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Autriche/Commission, précité (point 73), que, en s’inspirant des articles 230 CE et 232 CE et en évaluant ainsi le délai maximal à deux mois, la Cour a entendu éviter toute insécurité juridique, qui aurait été manifestement contraire à la finalité de la phase de l’examen préliminaire des aides d’État instituée par l’article 88, paragraphe 3, CE. En effet, comme le précise la Cour, une telle finalité, consistant à faire bénéficier l’État membre de la sécurité juridique nécessaire en le fixant rapidement quant à la compatibilité avec le traité d’une aide qui peut présenter un caractère d’urgence, serait compromise si le délai était considéré comme indicatif. En outre, l’insécurité juridique qui en résulterait pourrait être aggravée en cas de prolongation artificielle de la phase de préexamen.
89. Par conséquent, il convient d’admettre que le délai désormais prévu à l’article 4, paragraphe 5 du règlement nº 659/1999 est un délai contraignant, liant toutes les parties à la procédure d’examen préliminaire. L’État membre intéressé n’est donc pas autorisé à s’en affranchir en invoquant l’urgence. De plus, comme l’indique à juste titre la Commission, la fixation d’un délai de deux mois pour conclure l’examen préliminaire répond déjà à cette exigence.
90. Au vu de ce qui précède, la première branche du présent moyen doit être rejetée.
Sur la violation du règlement nº 2204/2002
– Arguments des parties
91. La République italienne conteste la décision attaquée, en ce qu’il y est indiqué, aux considérants 32 et 33, que la mesure en cause ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun au regard du règlement n° 2204/2002, notamment parce qu’elle s’applique sur tout le territoire national et qu’elle concerne la cession d’entreprises employant plus de 1 000 personnes, c’est-à-dire principalement la cession des grandes entreprises. Même si les aides à la création d’emplois dans des régions non assistées sont autorisées uniquement en faveur des petites et moyennes entreprises, cela ne pourrait pas, de toute façon, permettre à la Commission de conclure à l’incompatibilité totale de la mesure sur la base du règlement, car il ne saurait être exclu que l’acquisition d’entreprises de ce type puisse également intéresser des petites et moyennes entreprises.
92. La Commission fait valoir que la République italienne démontre une compréhension imparfaite du contrôle des aides d’État et en particulier des régimes d’aides. Pour qu’un régime soit jugé compatible, il ne suffirait pas que les critères de compatibilité soient remplis dans certains cas d’application possibles. Il serait, en revanche, nécessaire que les aides accordées sur le fondement du régime d’aides remplissent ces critères dans toutes les hypothèses. Ce principe serait expressément repris à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2204/2002. En l’espèce, selon la Commission, la mesure en cause n’exclut pas que les aides soient accordées à une grande entreprise dans une région non assistée et, par conséquent, la Commission a conclu à juste titre qu’elles ne répondaient pas aux conditions fixées par le règlement n° 2204/2002.
– Appréciation du Tribunal
93. Le Tribunal souligne qu’il ressort du libellé même de l’article 4 du règlement n° 2204/2002 que seules les petites et moyennes entreprises peuvent bénéficier d’aides à la création d’emplois en dehors des zones admissibles aux aides à finalité régionale. Dès lors que la mesure en cause est applicable à toute entreprise et sur l’ensemble du territoire national, cette condition n’est pas remplie, comme il est indiqué aux considérants 32 et 33 de la décision attaquée. De plus, l’unique cas d’application de la mesure en cause concerne de grandes entreprises dans une zone non assistée et, par conséquent, même examinée en tant que telle l’aide n’est pas compatible.
94. En outre, le Tribunal considère que, comme le constate à juste titre la Commission, pour qu’un régime d’aides soit considéré comme compatible avec le marché commun au regard du règlement n° 2204/2002, il ne suffit pas que les conditions qu’il fixe soient remplies dans certains cas d’application possibles. Il est nécessaire que les aides accordées sur le fondement de ce régime remplissent ces conditions dans toutes les hypothèses. Ce principe est expressément consacré à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2204/2002. En l’espèce, la mesure en cause n’exclut pas que les aides soient accordées à une grande entreprise dans une région non assistée. C’est, par conséquent, à juste titre, que la Commission a décidé que la mesure en cause ne satisfaisait pas aux conditions fixées par le règlement n° 2204/2002.
95. De plus, le Tribunal relève que la décision attaquée concerne la mesure en cause dans son ensemble et prévoit expressément, au considérant 38, qu’elle ne porte pas préjudice à la possibilité que des aides accordées dans le cadre du régime que celle-ci instaure soient considérées ultérieurement, sur décision de la Commission, comme totalement ou partiellement compatibles au regard de leurs caractéristiques spécifiques.
96. Au vu de ce qui précède, la deuxième branche du présent moyen doit donc être rejetée.
Sur la violation des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté
– Arguments des parties
97. La République italienne fait valoir que, aux termes du point 101 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, la Commission doit examiner la compatibilité avec le marché commun de toute aide destinée au sauvetage et à la restructuration qui a été octroyée sans son autorisation préalable et donc en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE. La République italienne rejette à cet égard l’argument soulevé par la Commission consistant à invoquer une absence d’éléments nécessaires pour procéder à un examen individuel du cas d’application de la mesure en cause et indique que la Commission aurait dû formellement solliciter auprès des autorités italiennes les informations dont elle avait besoin au lieu de se borner à évoquer la possibilité d’une notification individuelle.
98. La Commission fait valoir qu’il ressort du point 64 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté que les régimes d’aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté ne peuvent être autorisés qu’en faveur des petites et moyennes entreprises au sens de la définition communautaire. Contrairement à ce qu’affirme la République italienne, le point 101 desdites lignes directrices n’imposerait pas à la Commission d’examiner la compatibilité avec le marché commun de toute mesure d’aide destinée au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté ayant été accordée sans l’autorisation de la Commission. Il ne s’agirait que d’une disposition régissant l’application dans le temps des différentes règles qui se sont succédées en la matière, qui n’oblige certainement pas la Commission à examiner individuellement tous les cas d’application de régimes non notifiés.
– Appréciation du Tribunal
99. Le Tribunal relève que, aux termes des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, deux types de mesures d’aides au sauvetage et à la restructuration peuvent être autorisés par la Commission, sous réserve que les conditions qui y sont définies soient remplies : les aides au sauvetage et à la restructuration notifiées individuellement à la Commission pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille (points 22 à 63 desdites lignes directrices), d’une part, et les régimes d’aide au sauvetage et à la restructuration, pour les seules petites et moyennes entreprises, d’autre part (points 64 à 69 desdites lignes directrices).
100. En l’espèce, conformément au décret-loi n° 23/2003, la mesure en cause s’applique à toutes les entreprises, indépendamment de leur taille. En outre, son seul cas d’application a consisté en l’acquisition d’une grande entreprise, à savoir Ocean, par une autre grande entreprise, à savoir Brandt.
101. Comme il a déjà été indiqué à propos du règlement n° 2204/2002 au point 94 ci-dessus, pour qu’un régime d’aides puisse être considéré comme compatible avec le marché commun, il ne suffit pas que les conditions requises soient remplies dans certains cas d’application possibles. Il est nécessaire que les aides accordées sur le fondement de ce régime remplissent ces conditions dans toutes les hypothèses. Par conséquent, en l’espèce, la possibilité purement théorique que, dans le contexte de la mesure en cause, le cédant potentiel puisse être une petite ou une moyenne entreprise n’est pas suffisante pour considérer que l’aide ainsi notifiée est compatible avec le marché commun au regard des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.
102. Étant donné que la mesure en cause ne remplit pas les conditions du champ d’application posées par les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté, il n’y a pas lieu d’examiner si les conditions procédurales en ont été respectées.
103. Par conséquent, la troisième branche du présent moyen doit être rejetée.
104. Au vu de ce qui précède, le Tribunal juge que la mesure en cause ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun en application d’aucun des textes communautaires invoqués. Ce moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.
Sur la violation de l’article 253 CE
105. S’agissant du défaut de motivation de la décision attaquée soulevé par les requérantes en ce qui concerne la qualification de la mesure en cause comme aide d’État, le Tribunal considère que la motivation développée au point 5 de la décision attaquée est claire et suffisante pour justifier la position de la Commission, le raisonnement qui y est suivi coïncidant avec celui adopté par le Tribunal aux points 63 à 70 ci-dessus.
Arguments des parties
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’application de la condition de sélectivité
106. La République italienne fait valoir le défaut de motivation de l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 18 de la décision attaquée, aux termes de laquelle la mesure en cause ne revêtirait pas un caractère général, mais conférerait un avantage économique à des entreprises spécifiques, en réduisant les coûts normaux et en renforçant la situation financière de ces dernières par rapport à d’autres concurrents qui ne bénéficient pas des mêmes mesures, cela étant confirmé en outre par le fait que la mesure n’a été appliquée que dans un cas. Elle considère que cette appréciation résulte d’une application erronée de la condition de sélectivité prévue par le traité, qui exige que la mesure favorise certaines entreprises ou certaines productions. En effet, cette condition ne serait pas remplie lorsque, comme en l’espèce, la mesure en cause n’a ni pour objet ni pour effet de favoriser certaines entreprises ou certaines productions données, puisqu’elle s’appliquerait à des personnes bien définies, selon des critères objectifs, sans aucune possibilité d’en modifier discrétionnairement la portée. Concernant la durée limitée et le seul cas d’application de la mesure en cause, qui, selon la Commission, établiraient son caractère sélectif, la République italienne souligne que ce qui compte, en réalité, c’est le caractère général et abstrait du texte qui l’institue, lequel, dans le cadre d’un contrôle a priori, tel que devrait être celui de la Commission, n’aurait pas dû permettre à celle-ci d’exclure l’application de la mesure en cause à d’autres bénéficiaires satisfaisant les conditions requises.
107. La Commission fait valoir que, même si une mesure définit son champ d’application sur le fondement de critères objectifs, celle-ci peut malgré tout présenter un caractère sélectif (arrêts du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, précité, point 163, et T‑92/00 et T‑103/00, précité, point 58). La grande précision de ses critères d’application, comme la durée très brève de sa mise en oeuvre, dont il serait résulté une application limitée à un seul cas, démontrerait que le caractère général et abstrait de la mesure en cause, invoqué par la République italienne, n’est que de pure apparence. De plus, étant donné que la décision attaquée concerne la mesure en cause dans son ensemble, il serait suffisant qu’elle se révèle sélective pour une seule des deux catégories de bénéficiaires. En outre, répondant aux observations formulées par la République italienne quant à la pertinence de la jurisprudence citée, la Commission rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’un avantage soit accordé de manière discrétionnaire pour considérer qu’il est sélectif. Son caractère sélectif pourrait tout à fait résulter d’une application des critères prévus pour son attribution automatique (arrêt Belgique/Commission, précité, points 27 à 31). La Commission fait valoir enfin que le caractère sélectif de la mesure en cause est confirmé par le fait qu’elle n’a été appliquée qu’une seule fois.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’identification du bénéficiaire de l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause
108. La République italienne affirme que la décision attaquée est également entachée d’un défaut de motivation, en ce qu’elle identifie parmi les bénéficiaires de la mesure en cause les entreprises en difficulté soumises à une procédure d’administration extraordinaire, employant plus de 1 000 personnes et faisant l’objet d’une cession, à partir de la seule constatation que le bénéficiaire effectif de la mesure en cause dépend, en effet, d’une série de facteurs, qui n’ont pas été spécifiés par les autorités italiennes, et ce, sans préciser lesquels seraient pertinents pour une telle identification ni pour quelle raison.
109. La Commission fait observer que la mesure en cause pourrait tout à fait constituer une aide alors même que seul le cédant ou seul l’acquéreur en serait le bénéficiaire. La Commission rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle les bénéficiaires d’une mesure ne correspondent pas nécessairement aux personnes auxquelles l’État accorde directement des prestations positives ou des allégements (arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, points 22 à 28). En l’espèce, il serait par exemple parfaitement possible qu’une entreprise faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire et faisant l’objet d’une cession d’une de ses branches d’activité, continue d’exercer d’autres activités. Dans ce cas, la mesure allégerait les charges que cette entreprise devrait normalement supporter, à savoir les salaires et les indemnités liées aux licenciements et les autres cotisations diverses, notamment celles versées pour la gestion de la CIGS. D’autres avantages pourraient enfin découler du fait qu’une mesure adoptée par l’État permette une cession d’entreprise qui ne pourrait sinon pas avoir lieu ou pourrait avoir lieu à des conditions différentes, par exemple à un prix supérieur.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant les effets négatifs de la mesure en cause sur les échanges communautaires et sur la concurrence
110. La République italienne considère que la décision attaquée n’est pas non plus motivée en ce qui concerne l’appréciation des troisième et quatrième conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, relatives respectivement à l’affectation des échanges entre États membres et aux effets négatifs sur la concurrence, puisque la Commission se contenterait d’y procéder, au considérant 20, uniquement par voie d’affirmation apodictique sur ces points.
111. Brandt exprime les mêmes critiques en soutenant que, au considérant 20 de la décision attaquée, la Commission renvoie en termes très généraux au renforcement de la position financière de certaines entreprises par rapport à leurs concurrents. La Commission omettrait donc d’évaluer et de démontrer l’impact de la mesure en cause sur le commerce entre les États membres ainsi que le préjudice que cette mesure porterait à la concurrence. Ainsi, la Commission aurait manqué à son obligation, rappelée dans l’arrêt de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, points 22 à 24), d’étayer les motifs de ses décisions adoptées en matière d’aides d’État d’un minimum d’indications utiles, permettant à tout le moins de déterminer le marché pertinent, la position des entreprises intéressées sur ce marché, les courants commerciaux des produits en cause entre les États membres et les exportations de l’entreprise prétendument bénéficiaire de l’aide.
112. La Commission fait valoir que, lorsque des aides ont été accordées illégalement, elle n’est pas tenue de démontrer l’effet réel que ces aides ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres [arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec. p. I‑307, point 33 ; arrêts du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 103, et P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, précité, point 142].
– Sur la motivation inadéquate de la décision attaquée concernant l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard du règlement n° 2204/2002 et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté
113. La République italienne fait valoir, parallèlement aux arguments qui ont déjà été développés aux points 91 et 97 ci-dessus, que la Commission a motivé de façon inadéquate la décision attaquée lorsqu’elle a écarté la possibilité que la mesure en cause puisse être considérée comme compatible avec le marché commun au regard du règlement nº 2204/2002 et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté.
114. La Commission limite sa réponse en reprenant les arguments déjà développés aux points 92 et 98 ci-dessus concernant l’inapplicabilité du règlement nº 2204/2002 et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la reconstruction d’entreprises en difficulté dans le présent cas d’espèce.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant la récupération de l’aide
115. Brandt soutient que la décision attaquée est entachée d’une motivation très insuffisante, en ce que la Commission n’y aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles la République italienne était tenue de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide accordée à Brandt. Selon elle, dans un contexte législatif et factuel dans lequel la régularité d’une telle action apparaissait à tout le moins douteuse, la Commission aurait dû expliciter la décision attaquée sur ce point, afin de permettre au Tribunal et aux parties intéressées de faire connaître leur propre point de vue.
116. La Commission soutient qu’elle n’a pas spécifiquement motivé, en ce qui concerne Brandt, l’injonction faite à la République italienne de récupérer l’aide accordée à Brandt sur le fondement de la mesure en cause, car la récupération constituerait une conséquence normale et générale de la déclaration d’incompatibilité avec le marché commun d’une aide illégale et parce que la Commission n’aurait ainsi pas été tenue d’examiner le cas individuel de Brandt.
Appréciation du Tribunal
117. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 67).
118. La motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).
119. Il résulte, en particulier, de ces principes, que la Commission est tenue de démontrer que la mesure constitue une aide d’État et qu’elle est incompatible avec le marché commun. Elle n’est, en revanche, pas tenue de répondre point par point aux arguments dénués de pertinence, invoqués par les autorités nationales concernées ou par des tiers intervenants (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, non encore publié au Recueil, point 108).
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’application de la condition de sélectivité
120. Concernant ce premier défaut de motivation allégué de la décision attaquée, le Tribunal considère que les informations rappelées au point 66 ci-dessus, qui figurent dans cette décision, sont dans leur ensemble suffisantes et claires pour établir la sélectivité de la mesure en cause.
121. Par conséquent, la première branche du présent moyen doit être rejetée.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’identification du bénéficiaire de l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause
122. Le Tribunal relève, tout d’abord, que la décision attaquée indique au considérant 18 les deux catégories de bénéficiaires potentiels de la mesure en cause, à savoir :
– les acquéreurs d’entreprises en difficulté, faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire et employant au moins 1 000 personnes, qui ont conclu une convention collective au plus tard le 30 avril 2003 avec le ministère du Travail et des Politiques sociales pour l’approbation du transfert de travailleurs, et/ou ;
– les entreprises en difficulté faisant l’objet d’une procédure d’administration extraordinaire, qui emploient au moins 1 000 travailleurs et qui font l’objet d’une cession.
123. Le Tribunal considère, ensuite, que, contrairement à ce que soutient la République italienne, la Commission n’était pas tenue d’identifier dans sa décision un bénéficiaire précis de l’aide accordée sur le fondement de la mesure en cause et qu’elle pouvait se limiter, comme elle l’a fait au considérant 18 de la décision attaquée, à indiquer les deux catégories spécifiques de bénéficiaires. En outre, le Tribunal rappelle que, dans le cadre du seul cas d’application de la mesure en cause, l’aide accordée avait pour objet de faciliter la cession d’une entreprise en difficulté. Ce faisant, elle a facilité une transaction économique volontaire entre deux parties. Le Tribunal rappelle à cet égard la jurisprudence, selon laquelle les bénéficiaires d’une mesure ne correspondent pas nécessairement aux personnes auxquelles l’État accorde directement des prestations positives ou des allégements (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 28).
124. Étant donné que la Commission a examiné la mesure en cause en se fondant sur les seules informations présentées par les autorités italiennes, lesquelles ne contenaient pas de documents spécifiques à son seul cas d’application, le Tribunal juge ainsi que l’ensemble des indications figurant au considérant 18 de la décision attaquée, en ce compris l’énumération non exhaustive des facteurs dont peut dépendre l’identification du bénéficiaire effectif, sont suffisantes.
125. Par conséquent, la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concernant les effets négatifs de la mesure en cause sur les échanges communautaires et sur la concurrence
126. Le Tribunal rappelle qu’il est de jurisprudence constante que, s’il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (voir arrêts Italie et Sardegna Lines/Commission, précité, point 66, et la jurisprudence citée, et Regione autonoma della Sardegna/Commission, précité, points 73 et 74).
127. Cependant, la Commission n’est pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel que des aides illégales ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. En effet, l’obligation pour la Commission de rapporter une telle preuve aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification de l’article 88, paragraphe 3, CE, au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet (voir arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 67, et du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission, T‑35/99, Rec. p. II‑261, point 85, et la jurisprudence citée). Cette jurisprudence est d’ailleurs confortée par le libellé de l’article 87, paragraphe 1, CE, selon lequel sont incompatibles avec le marché commun non seulement les aides qui « faussent » la concurrence, mais également celles qui « menacent » de fausser celle-ci (arrêt Keller et Keller Meccanica/Commission, précité, point 85).
128. En l’espèce, le Tribunal relève que, au considérant 20 de la décision attaquée, la Commission formule les constatations suivantes :
« En vertu de la troisième et de la quatrième condition d’application de l’article 87, paragraphe 1, [CE], la mesure doit fausser ou menacer de fausser la concurrence et affecter des échanges intracommunautaires. Le régime examiné menace de fausser la concurrence en ce sens qu’il renforce la situation financière de certaines entreprises par rapport à leurs concurrents. En particulier, elle menace de fausser la concurrence et d’affecter les échanges si les bénéficiaires se trouvent en concurrence avec des produits provenant d’autres États membres, bien qu’ils n’exportent pas eux-mêmes leur production. Si les entreprises bénéficiaires n’exportent pas, la production nationale est avantagée du fait que les possibilités pour les entreprises situées dans d’autres États membres d’exporter leurs produits sur le marché en question s’en trouvent réduites. »
129. Le Tribunal rappelle par ailleurs que, comme il a été jugé aux points 86 à 90 ci-dessus, la Commission a considéré à juste titre au considérant 22 de la décision attaquée, que les autorités italiennes ont manqué à l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE en mettant la mesure en cause à exécution avant qu’elle ait été autorisée par la Commission.
130. Par conséquent, conformément à la jurisprudence précitée, le Tribunal considère que la motivation contenue au considérant 20 de la décision attaquée est adéquate et suffisante.
131. Au vu de ce qui précède, la troisième branche du présent moyen doit être rejetée.
– Sur la motivation inadéquate de la décision attaquée concernant l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard du règlement nº 2204/2002 et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté
132. Concernant cet autre défaut de motivation allégué de la décision attaquée, le Tribunal considère que la motivation développée aux points 5.4 et 5.5 de la décision attaquée est claire et suffisante pour justifier la position de la Commission, le raisonnement qui y est suivi coïncidant avec celui adopté par le Tribunal aux points 93 à 96 et 99 à 103 ci-dessus.
– Sur le défaut de motivation de la décision attaquée concern ant la récupération de l’aide
133. Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération, ainsi que des intérêts y afférents, est la conséquence logique de la constatation de son incompatibilité avec le marché commun (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 66 ; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, Rec. p. I‑135, point 47, et du 29 juin 2004, Commission/Conseil, C‑110/02, Rec. p. I‑6333, point 41).
134. En l’espèce, il a été constaté par la Commission, à l’article 1 er de la décision attaquée, que la mesure en cause est incompatible avec le marché commun, ce qui a été confirmé par le Tribunal au point 104 ci-dessus.
135. Par conséquent, conformément à la jurisprudence citée et étant donné que, comme il est jugé aux points 140 à 145 ci-après, la Commission n’était pas obligée d’examiner le cas individuel de Brandt, le Tribunal considère que la Commission n’a pas non plus manqué à son obligation de motivation dans la décision attaquée sur ce point.
136. Au vu de ce qui précède, la quatrième branche du présent moyen doit être rejetée.
137. Ce moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.
Sur la récupération de l’aide
Sur la violation du règlement nº 659/1999
– Arguments des parties
138. Brandt fait valoir que la Commission a déduit l’injonction qu’elle a adressée à la République italienne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide que Brandt a perçue à titre individuel sur le fondement de la mesure en cause, du seul examen de cette mesure, qu’elle a pourtant qualifiée de régime général. Elle aurait cependant omis d’effectuer un examen approprié du cas d’application concret que constitue la prétendue aide. Brandt considère ainsi que, en enjoignant à la République italienne de récupérer auprès d’elle cette aide, qui aurait parfaitement pu se révéler compatible avec le marché commun à la suite d’un examen de routine effectué conformément au règlement n° 659/1999, la Commission a notamment violé les dispositions de ce règlement (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Boussac, 22/80, Rec. p. 3427, et conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt du 22 mars 2001, France/Commission, précité, Rec. p. I‑2484, point 40). Si la Commission avait eu l’intention d’ordonner une quelconque récupération de la prétendue aide auprès de Brandt, elle aurait dû respecter la procédure prévue par l’article 11 du règlement n° 659/1999.
139. La Commission fait valoir que la décision attaquée ne contient aucune injonction de récupérer provisoirement l’aide au sens de l’article 11 du règlement n° 659/1999. La récupération aurait été ordonnée sur le seul fondement de la décision attaquée, conformément à l’article 14 dudit règlement, de telle sorte que les conditions de fond et de forme de l’article 11 de ce règlement n’auraient pas été à prendre en considération. Cette manière d’agir serait parfaitement légitime, comme il ressort de nombreux arrêts qui ont confirmé des décisions négatives relatives à des régimes d’aides et dans lesquelles la Commission avait justement prévu la récupération des aides accordées au titre de tels régimes (arrêts de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, points 64 et suivants ; Allemagne/Commission, précité, points 112 et suivants ; du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, points 98 et suivants ; du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑114/00, Rec. p. I‑7657, points 107 et suivants ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, points 86 et suivants, qui confirme l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, et du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, Rec. p. I‑3997, points 103 à 108).
– Appréciation du Tribunal
140. Concernant l’allégation avancée par Brandt, selon laquelle la Commission aurait été tenue d’examiner son cas individuellement, le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, par lettre du 12 février 2003, les autorités italiennes ont notifié la mesure en cause. En réponse à la demande d’informations complémentaires concernant la mesure en cause que lui avait adressée la Commission et durant toute la procédure administrative, la République italienne a maintenu que la mesure en cause était un régime général comportant un seul cas d’application, consistant dans l’acquisition de Ocean par Brandt. La République italienne n’a cependant communiqué à la Commission aucune information concernant le cas individuel de Brandt, tel que, par exemple, le plan de restructuration.
141. Le Tribunal relève ensuite que, comme il a été rappelé au point 13 ci-dessus, la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 18 décembre 2003. Toutefois, en dépit de cette publication, Brandt n’a pas estimé nécessaire de formuler des observations lors de la procédure formelle d’examen. Pourtant, selon une jurisprudence constante, la publication d’un avis au Journal officiel constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une telle procédure [arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 17 ; arrêts du Tribunal du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec. p. II‑1579, point 48, et du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, Rec. p. II‑1475, point 81]. En dépit de cette publication, Brandt n’est toutefois pas intervenue au cours de la procédure formelle d’examen et n’a soumis à la Commission aucune observation supplémentaire.
142. En conséquence, le Tribunal considère que la Commission était en possession de la notification de la mesure en cause et avait dès lors l’information suffisante pour l’analyser. Si le Tribunal admet qu’il pouvait exister un doute sur le fait que la mesure en cause puisse constituer une aide individuelle, il convient cependant de considérer que la Commission n’avait aucune information concrète lui permettant de le conclure à partir de l’admission par la République italienne du fait que la mesure en cause n’avait donné lieu qu’à un seul cas d’application. Le Tribunal rappelle à cet égard que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide (arrêts de la Cour Italie et Sardegna Lines/Commission, précité, point 51 ; Grèce/Commission, précité, point 24, et du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 67).
143. Le Tribunal relève par ailleurs que la décision attaquée indique clairement, au considérant 38, qu’elle concerne la mesure en cause et ses cas d’application mais ne porte pas préjudice à la possibilité que des aides individuelles octroyées dans le cadre du régime soient considérées ultérieurement, sur décision de la Commission, comme étant totalement ou partiellement compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques spécifiques.
144. Par conséquent, le Tribunal considère que c’est à juste titre que la Commission a examiné la mesure en cause telle qu’elle lui a été notifiée par la République italienne et, partant, que la Commission n’a causé aucun préjudice procédural à Brandt.
145. Au vu de ce qui précède, la première branche du présent moyen doit donc être rejetée.
Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime
– Arguments des parties
146. Concernant l’injonction de récupération, Brandt invoque, en substance, le principe de protection de la confiance légitime et prétend que l’obligation de motivation n’a pas été respectée.
147. La Commission fait valoir que, avant même l’adoption du règlement n° 659/1999 et indépendamment de l’existence d’une disposition expresse sur ce point, la Cour avait admis que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération de l’aide versée, ainsi que des intérêts y afférents, était la conséquence logique de la constatation de son incompatibilité avec le marché commun (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, précité, point 66 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 75 ; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, précité, point 47 ; du 7 mars 2002, Italie/Commission, précité, point 98, et Commission/Conseil, précité, point 41).
148. L’article 14 du règlement n° 659/1999 imposerait, dorénavant, expressément à la Commission de prévoir la récupération des aides auprès du bénéficiaire, à moins qu’un principe général de droit communautaire, tel que le principe de protection de la confiance légitime, ne s’y oppose.
149. Toutefois, la Commission soutient que, selon une jurisprudence constante, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE. En effet, un opérateur économique diligent devrait normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée, même lorsque le caractère illégal de la décision d’octroi de l’aide est imputable à l’État concerné dans une mesure telle que sa révocation apparaît contraire au principe de bonne foi (arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, Rec. p. I‑3437, point 14, et du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C‑24/95, Rec. p. I‑1591, point 25).
150. Si la Commission reconnaît par ailleurs la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide d’invoquer des circonstances exceptionnelles sur la base desquelles ils ont pu fonder une confiance légitime quant à la régularité de l’aide et donc de s’opposer à la restitution de celle-ci, elle souligne que, selon la jurisprudence, dans un tel cas, il appartient au juge national éventuellement saisi d’apprécier le cas échéant, après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles d’interprétation, les circonstances en cause (arrêts Commission/Allemagne, précité, point 16, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, précité, point 103).
151. La Commission constate que, en l’espèce, la mesure en cause a été instituée par un décret-loi immédiatement applicable. Il serait donc évident que la République italienne, bien qu’elle ait notifié cette mesure et qu’elle ait admis, à cette occasion, qu’il s’agissait d’un régime d’aides, n’a pas respecté l’obligation prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE et qu’elle a mis en œuvre la mesure en cause de manière illégale, car la Commission ne s’était pas encore prononcée sur la compatibilité de celle-ci avec le marché commun. De plus, la Commission soutient que la lettre de notification du 7 février 2003 elle-même l’invitait à apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au regard des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.
152. Il aurait été donc clair, dès le départ, que les mesures d’application de la mesure en cause étaient susceptibles de constituer des aides d’État et que l’article 88, paragraphe 3, CE, avait ainsi été violé. Selon la Commission, cela suffit d’emblée pour exclure toute hypothèse de confiance légitime.
– Appréciation du Tribunal
153. Comme il ressort des faits et ainsi qu’il a été jugé aux points 70 et 104 ci-dessus, la mesure en cause est incompatible avec le marché commun, celle-ci ayant été adoptée en violation des règles communautaires, tant de fond que de forme, relatives aux aides d’État.
154. Le Tribunal considère qu’il apparaît impossible en l’espèce qu’un opérateur économique diligent comme Brandt ait pu ignorer le caractère illégal de la mesure en cause. Le Tribunal rappelle à cet égard qu’il est de jurisprudence constante que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure (arrêts Commission/Allemagne, précité, point 14, et Alcan Deutschland, précité, point 25). En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée, même lorsque le caractère illégal de la décision d’octroi de l’aide est imputable à l’État considéré dans une mesure telle que sa révocation apparaît contraire au principe de bonne foi (arrêt Alcan Deutschland, précité, point 41, et arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 135).
155. Le Tribunal rappelle enfin qu’il est également de jurisprudence constante que, si, à l’image de Brandt, le bénéficiaire de l’aide considère qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui ont pu fonder sa confiance légitime dans le caractère régulier de l’aide, il appartient au juge national, éventuellement saisi, de l’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles d’interprétation (arrêts Commission/Allemagne, précité, point 16 ; du 7 mars 2002, Italie/Commission, précité, point 103, et arrêt Fleuren Compost/Commission, précité, point 136).
156. Par conséquent, la deuxième branche du présent moyen doit également être rejetée.
157. Au vu de ce qui précède, ce moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
158. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans l’affaire T‑239/04, la République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission. Dans l’affaire T‑323/04, Brandt ayant également succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) La République italienne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés, dans le cadre de l’affaire T‑239/04, par la Commission.
3) Brandt Italia SpA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés, dans le cadre de l’affaire T‑323/04, par la Commission.